Décision

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Manseau et Gurit (Canada) inc.

2010 QCCLP 7128

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

29 septembre 2010

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

398711-04B-0912

 

Dossier CSST :

125026286

 

Commissaire :

Marie-Anne Roiseux, juge administratif

 

Membres :

Denis Gagnon, associations d’employeurs

 

Jean-Pierre Périgny, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Stéphane Manseau

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Gurit (Canada) inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 22 décembre 2009, monsieur Stéphane Manseau (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 24 novembre 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme la décision initialement rendue le 15 septembre 2009 et déclare que le travailleur doit rembourser la somme de 9 897,31 $, versée en trop à titre d’indemnité pour dommages corporels suite à la récidive, rechute ou aggravation du 20 mars 2005.

[3]           L’audience s’est tenue le 31 mars 2010 à Drummondville. Le travailleur est présent et représenté. Gurit (Canada) inc. (l’employeur) ainsi que la CSST, intervenante au dossier, ont avisé la Commission des lésions professionnelles de leur absence à l'audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il n’a pas à rembourser la somme de 9 897,31 $, considérant sa bonne foi.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles devrait rendre une décision d'équité et annuler la dette du travailleur envers la CSST.

[6]           Ils retiennent que le travailleur a reçu l’indemnité pour l’atteinte permanente de bonne foi, suite à une décision de la Commission des lésions professionnelles du 16 mars 2007. Or, cette décision a été infirmée par une décision relative à une requête en révision ou en révocation déposée par la CSST le 3 mai 2007.

[7]           De l’avis des membres, étant donné que la CSST a décidé d'aller en requête pour révision, elle aurait pu retenir le montant de l’indemnité pour l’atteinte permanente jusqu’à la décision finale au fond et éviter au travailleur de s’endetter d’une somme importante vis-à-vis elle.

[8]           Selon les membres, en agissant comme elle l’a fait, la CSST a obéré injustement le travailleur. Les membres déplorent que la CSST, bien qu’intervenante au dossier, ne s’est pas présentée à l’audience pour expliquer ses agissements.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur aura à rembourser la somme de 9 897,31 $ qu’il a reçue à titre d'indemnité pour dommages corporels. Pour rendre sa décision, la Commission des lésions professionnelles a pris connaissance du dossier et entendu le témoignage du travailleur.

[10]        Le 28 octobre 2003, le travailleur est victime d’un accident du travail. Les diagnostics retenus à titre de lésions professionnelles sont d’abord un trauma (ou contusion au genou droit) puis gonalgie post-trauma et, enfin, tenant compte de l'évolution et du résultat d’une résonance magnétique, déchirure méniscale et un étirement du ligament croisé antérieur du genou droit.

[11]        Le travailleur est opéré le 22 mars 2004 et les lésions sont consolidées le 28 juin 2004 avec une atteinte permanente de 3% et des limitations fonctionnelles. Le rapport d'évaluation médicale servant à les établir est rédigé le 15 janvier 2005.

[12]        Lors de la rencontre pour rédiger le rapport, le médecin qui a charge, le docteur Raymond Hould, chirurgien orthopédiste, constate qu’il y a des signes de souffrance méniscale interne avec une synovite réactionnelle. Il envisage une nouvelle intervention chirurgicale.

[13]        Le travailleur dépose une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation en date du 21 mars 2005[1], laquelle est acceptée par la CSST. Le 26 avril 2005, le docteur Hould procède à une nouvelle méniscectomie interne avec résection partielle du ligament croisé.

[14]        Le 10 novembre 2005, le docteur Raymond Hould consolide la lésion professionnelle et le 5 décembre 2005, il rédige un nouveau rapport d'évaluation médicale. Il retient une atteinte permanente supplémentaire de 10% ainsi que des nouvelles limitations fonctionnelles.

[15]        Suite à un rapport du médecin désigné par l’employeur, qui infirme le rapport du médecin qui a charge, le dossier est transmis au Bureau d'évaluation médicale et le 26 avril 2006, le docteur Marcel Dufour, chirurgien orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale, rend son avis. Au chapitre de l’atteinte permanente, il ne reconnaît aucune atteinte permanente supplémentaire suite à la récidive, rechute ou aggravation du 21 mars 2005.

[16]        Le dossier a fait l'objet de plusieurs contestations, tant de la part de l'employeur que du travailleur et ceux-ci en viennent à un accord qui sera entériné par la Commission des lésions professionnelles en date du 16 mars 2007.

[17]        En vertu de cet accord, la Commission des lésions professionnelles déclare « que la lésion professionnelle et le nouveau diagnostic de déchirure du ménisque interne subie par le travailleur le 28 octobre 2003 sont des lésions professionnelles au sens de l’article 31 de la loi ».

[18]        De plus, elle reconnaît que les diagnostics de syndrome féméro-rotulien, de syndrome douloureux chronique et un statut post-méniscectomie sont en relation avec la récidive, rechute ou aggravation subie par le travailleur le 21 mars 2005, et que le travailleur conserve un déficit anatomophysiologique additionnel de 10%, tel qu’établi par le docteur Hould :

BILAN DES SÉQUELLES ACTUELLES

CODE

DESCRIPTION

%

DÉFICIT ANATOMO-PHYSIOLOGIQUE (DAP)

 

Séquelles actuelles

 

103060

Méniscectomie interne

1    

103131

Syndrome fémoro-patellaire

2    

106824

Perte 10o de flexion

1    

107066

Instabilité nécessitant le port d’une orthèse

10    

 

TOTAL du DAP : 13%

 

 

 

 

 

PRÉJUDICE ESTHÉTIQUE (PE)

 

224935

Cicatrices d’arthroscopies

0    

 

 

BILAN DES SÉQUELLES ANTÉRIEURES

CODE

DESCRIPTION

%

DÉFICIT ANATOMO-PHYSIOLOGIQUE (DAP)

103060

Méniscectomie interne

1    

106824

Perte 10o de flexion

1    

107039

Laxité sans séquelles fonctionnelles

2    

 

TOTAL du DAP : 3%

 

 

 

[19]        Le 22 mars 2007, madame Sylvie Proulx, agente à la CSST, prend connaissance de la décision et autorise le paiement des indemnités pour le préjudice corporel en fonction des pourcentages établis par le docteur Hould et retenus par la Commission des lésions professionnelles. Elle inscrit dans les notes évolutives que le paiement sera fait au cours de la semaine suivante.

[20]        À l'audience, le travailleur reconnaît avoir reçu le paiement de cette somme, soit un montant de 9 897,31 $. Il spécifie toutefois que, bien que l’avis de paiement fût daté de la fin mars, il a reçu le paiement au début mai 2007.

[21]        Le 3 mai 2007, la CSST dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision ou en révocation de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 16 mars 2007 en vertu de l’article 429.56 de la loi.

[22]        Le 1er février 2008, la Commission des lésions professionnelles, siégeant en révision ou en révocation, rend une décision révoquant la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 16 mars 2007 et convoque les parties à une audience sur le fond.

[23]        Le 5 août 2009, la Commission des lésions professionnelles rend une décision dans laquelle elle déclare, entre autres, que le travailleur ne conserve aucune atteinte permanente additionnelle. Cette décision fait en sorte que l’indemnité pour préjudice corporel de 9 897,31 $ a été versée en trop.

[24]        En application de ce jugement, la CSST réclame au travailleur le remboursement de la somme payée à titre d'indemnité pour préjudice corporel pour la récidive, rechute ou aggravation.

[25]        La Commission des lésions professionnelles souligne que lorsque la CSST verse au travailleur le montant pour son atteinte permanente, elle le fait suite à une décision de la Commission des lésions professionnelles, décision finale et sans appel, comme il est mentionné à l’article 429,49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) :

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[26]        De plus, cette décision de la Commission des lésions professionnelles a un caractère obligatoire tel que mentionné à l’article 429.58 de la loi :

429.58.  Une décision de la Commission des lésions professionnelles a un caractère obligatoire suivant les conditions et modalités qui y sont indiquées pourvu qu'elle ait été notifiée aux parties.

 

L'exécution forcée d'une telle décision se fait, par dépôt, au greffe de la Cour supérieure du district où le recours a été formé.

 

Sur ce dépôt, la décision de la Commission des lésions professionnelles devient exécutoire comme un jugement final et sans appel de la Cour supérieure et en a tous les effets.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[27]        La loi prévoit, à l’article 430, que la CSST peut récupérer les sommes versées au travailleur lorsque celles-ci sont versées sans droit :

430.  Sous réserve des articles 129 et 363, une personne qui a reçu une prestation à laquelle elle n'a pas droit ou dont le montant excède celui auquel elle a droit doit rembourser le trop-perçu à la Commission.

__________

1985, c. 6, a. 430.

 

 

[28]        On retrouve à l’article 2 de la loi, la définition de prestation :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« prestation » : une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[29]        Le travailleur ayant reçu cette indemnité suite à une décision finale et sans appel de la Commission des lésions professionnelles, force est de constater, qu’au moment où le versement est autorisé, le travailleur y a droit et l’a reçue en toute bonne foi.

[30]        Cela dit, surtout si l’on tient compte de l’objectif qu’avait en tête la Commission permanente de l’économie et du travail lorsqu’elle a élaboré l’article 430 de la loi. il ressort que le législateur accordait beaucoup d'importance à la bonne foi du travailleur comme en fait foi l’extrait suivant du Journal des débats de l'Assemblée nationale[3] :

M. Fréchette : À L'article 407, M. le Président, c’est le recouvrement des prestations payées en trop.

 

M. Cusano : Est-ce que le ministre pourrait nous donner un exemple des prestations dont il parle dans cet article?

 

M. Fréchette : On parle de prestations perçues en trop qui ne rencontrent pas les exigences de 126 et 348, que lorsqu’un trop-payé était fait en toute bonne foi, sans qu’il y ait eu un dol ou fraude de la part du réclamant ou du bénéficiaire, il n’y avait pas de réclamation de l’indu possible. Cela veut essentiellement dire, l'article 407, que, lorsqu’il y a eu un trop perçu et que le dol ou la fraude sont là, la commission pourra entreprendre, évidemment, les procédures propres à récupérer les sommes qui ont été payées en trop.

 

M. Cusano : Cela je comprends ça, on peut y revenir tantôt, mais l'article 414 me semble contredire un peu l’article 407. On parle de la Commission de la santé et la sécurité du travail; à l’article 414. Là, on dit une affaire à l'article 407 et à l'article 414, c’est la commission qui décide si oui ou non…

 

M. Fréchette : Je pense que, si le député de Viau regardait l'amendement qui est proposé à l'article 414, il aurait une réponse à sa question.

 

M. Cusano : je ne suis pas encore rendu à l'amendement à l’article 414. Cela va.

(…)

 

M. de Bellefeuille : …Il ya dans l’article 408 les deux mots « mauvaise foi » qu’on retrouve aussi dans l’article 346 auquel l'article 407 réfère. Puisque j’appartiens au côté des travailleurs - tout à l'heure, le président disait qu’il y avait le côté des avocats et le côté des travailleurs - J’aimerais demander du côté des avocats comment on définit on établit qu’il ya mauvaise foi.

 

M. Fréchette : Les tribunaux se sont chicanés longtemps là-dessus, effectivement. Le principe de base, c’est que la bonne foi se présume. Cela, c’est le principe de base qui est accepté partout et que personne ne va entreprendre de nier.

 

Il faut donc, pour celui qui invoque qu’il ya eu mauvaise foi, en arriver à faire la preuve des faits, de circonstances qui vont convaincre la personne qui doit prendre la décision qu’effectivement il y a eu mauvaise foi. Ce pourrait être quoi? À supposer qu’un accidenté se retrouve réhabilité physiquement après son accident, que sa réadaptation soit faite également et que son médecin lui dise qu’il peut retourner au travail; s’il retourne au travail, il retire évidement , sa rémunération pour le travail qu’il donne mais il continue également de recevoir ses indemnités de remplacement du revenu parce qu’il n’aurait pas avisé, n’aurait pas pris les dispositions pour informer qui de droit, il ya manifestement, dans ce cas comme celui-là mauvaise foi.

 

M. de Bellefeuille : S’il ya connaissance de cause de la part de l'individu.

 

M. Fréchette : Bien oui, mais l’exemple que je donne m’apparaît assez patent d’une situation où on ne pourrait pas plaider la non-connaissance de cause.

 

[…]

 

(nos soulignements)

 

[31]        La Commission des lésions professionnelles croit donc que l’article 430 de la loi doit se lire avec l’article 437 qui prévoit des circonstances où la CSST peut accorder une remise de dette :

437.  La Commission peut, même après le dépôt du certificat, faire remise de la dette si elle le juge équitable en raison notamment de la bonne foi du débiteur ou de sa situation financière.

 

Cependant, la Commission ne peut faire remise d'une dette qu'elle est tenue de recouvrer en vertu du quatrième alinéa de l'article 60 ou de l'article 133 .

__________

1985, c. 6, a. 437.

 

 

[32]        En vertu de l’article 351 de la loi, la CSST a le devoir de rendre ses décisions suivant l’équité et la justice du cas. Ce devoir s’applique autant pour les décisions qu’elle doit rendre en vertu de l'article 354 de la loi ou dans l'exercice d’un pouvoir discrétionnaire comme celui prévu à l'article 437 .

351.  La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.

 

Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.

__________

1985, c. 6, a. 351; 1997, c. 27, a. 13.

 

 

354.  Une décision de la Commission doit être écrite, motivée et notifiée aux intéressés dans les plus brefs délais.

__________

1985, c. 6, a. 354.

 

 

[33]        La soussignée constate que rien dans l’article 437 de la loi ne précise de quelle façon la remise de dette est décidée. Bien qu’il soit en effet reconnu qu’il s’agisse d'un pouvoir discrétionnaire de la CSST, le même devoir de rendre une décision d’équité et de justice s’applique. Comme le soulignait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Nicolas[4] :

[55] Par l’article 437 de la LATMP, le législateur a conféré à la CSST un pouvoir discrétionnaire. En effet, l’utilisation du terme « peut » et l’utilisation du terme « notamment » qui rend non limitative l’énumération des raisons justifiant la remise de la dette, confèrent un pouvoir discrétionnaire, permettant à la CSST de choisir de remettre ou non la dette et lui laissant l’opportunité d’apprécier la raison invoquée. Cependant en
tant qu’organisme public, la CSST est tenue, dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, au devoir d’agir équitablement envers les administrés. Un pouvoir discrétionnaire ne doit pas être exercé de façon arbitraire.

 

(notre soulignement)

 

 

[34]        Or, la CSST, en plus de devoir respecter l’article 351 de la loi est aussi soumise aux articles 2 à 8 de la Loi sur la justice administrative[5]  qui se lisent ainsi;

RÈGLES PROPRES AUX DÉCISIONS QUI RELÈVENT DE L'EXERCICE D'UNE FONCTION ADMINISTRATIVE

 

Équité.

 

2. Les procédures menant à une décision individuelle prise à l'égard d'un administré par l'Administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi, sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement.

_____________

1996, c. 54, a. 2.

 

Administration gouvernementale.

 

3. L'Administration gouvernementale est constituée des ministères et organismes gouvernementaux dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres et dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1).

_____________

1996, c. 54, a. 3; 2000, c. 8, a. 242.

 

Responsabilité.

 

4. L'Administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer:

 

 1° que les procédures sont conduites dans le respect des normes législatives et administratives, ainsi que des autres règles de droit applicables, suivant des règles simples, souples et sans formalisme et avec respect, prudence et célérité, conformément aux normes d'éthique et de discipline qui régissent ses agents, et selon les exigences de la bonne foi;

 

 2° que l'administré a eu l'occasion de fournir les renseignements utiles à la prise de la décision et, le cas échéant, de compléter son dossier;

 

 3° que les décisions sont prises avec diligence, qu'elles sont communiquées à l'administré concerné en termes clairs et concis et que les renseignements pour communiquer avec elle lui sont fournis;

 

 4° que les directives à l'endroit des agents chargés de prendre la décision sont conformes aux principes et obligations prévus au présent chapitre et qu'elles peuvent être consultées par l'administré.

_____________

1996, c. 54, a. 4.

 

Mesures préalables.

 

5. L'autorité administrative ne peut prendre une ordonnance de faire ou de ne pas faire ou une décision défavorable portant sur un permis ou une autre autorisation de même nature, sans au préalable:

 

 1° avoir informé l'administré de son intention ainsi que des motifs sur lesquels celle-ci est fondée;

 

 2° avoir informé celui-ci, le cas échéant, de la teneur des plaintes et oppositions qui le concernent;

 

 3° lui avoir donné l'occasion de présenter ses observations et, s'il y a lieu, de produire des documents pour compléter son dossier.

 

Urgence.

 

Il est fait exception à ces obligations préalables lorsque l'ordonnance ou la décision est prise dans un contexte d'urgence ou en vue d'éviter qu'un préjudice irréparable ne soit causé aux personnes, à leurs biens ou à l'environnement et que, de plus, la loi autorise l'autorité à réexaminer la situation ou à réviser la décision.

_______________

1996, c. 54, a. 5.

 

Décision défavorable.

 

6. L'autorité administrative qui, en matière d'indemnité ou de prestation, s'apprête à prendre une décision défavorable à l'administré, est tenue de s'assurer que celui-ci a eu l'information appropriée pour communiquer avec elle et que son dossier contient les renseignements utiles à la prise de décision. Si elle constate que tel n'est pas le cas ou que le dossier est incomplet, elle retarde sa décision le temps nécessaire pour communiquer avec l'administré et lui donner l'occasion de fournir les renseignements ou les documents pertinents pour compléter son dossier.

 

Révision de la décision.

 

Elle doit aussi, lorsqu'elle communique la décision, informer, le cas échéant, l'administré de son droit d'obtenir, dans le délai indiqué, que la décision soit révisée par l'autorité administrative.

_____________

1996, c. 54, a. 6.

 

Complément d'information.

 

7. Lorsqu'une situation est réexaminée ou une décision révisée à la demande de l'administré, l'autorité administrative donne à ce dernier l'occasion de présenter ses observations et, s'il y a lieu, de produire des documents pour compléter son dossier.

_____________

1996, c. 54, a. 7.

 


Recours autres que judiciaires.

 

8. L'autorité administrative motive les décisions défavorables qu'elle prend et indique, le cas échéant, les recours autres que judiciaires prévus par la loi, ainsi que les délais de recours.

_____________

1996, c. 54, a. 8.

 

 

[35]        Comme le soulignait Me Denis Lemieux  dans « Justice administrative, loi commentée[6]:

Renvois législatifs :

 

art. 178 Loi sur la justice administrative (publication par le Conseil de la justice administrative d’une liste des organismes qui constituent l’Administration gouvernementale);

 

Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q., c. A-33.2, art. 35 .

 

Commentaires :

 

Le Conseil de la justice administrative publie chaque année une liste des organismes qui constituent l’Administration gouvernementale. La dernière liste a été publiée dans la partie 1 de la Gazette officielle du Québec, en date du 28 juin 2008[7].

 

Il convient de noter que le caractère conjonctif des deux éléments de la définition, soit l’origine de la nomination des membres et le statut du personnel. Il s’agit de conditions cumulatives. Ainsi, un organisme autonome comme la Commission de la santé et de la sécurité du travail remplit ces deux conditions, contrairement aux entreprises publiques dont le personnel n’est pas régi par la Loi sur la fonction publique.

 

 

[36]        Dans chaque cas où il y a une réclamation suite à des prestations versées sans droit, la CSST doit se demander si l’article 437 de la loi peut s’appliquer. Sa discrétion se situe au niveau d’accorder ou non la remise de dette. Pour être équitable, la CSST doit se poser la question dans tous les dossiers où elle croit devoir récupérer des sommes en vertu de l’article 430. Agir autrement amène des situations inéquitables puisque cette décision, soit l’application possible de l’article 437, est alors laissée à l'arbitraire du jugement du fonctionnaire qui a charge du dossier.

[37]        En réponse aux questions de la Commission des lésions professionnelles, le travailleur déclare que ni son représentant ni la CSST ne l'ont informé de la possibilité d'une remise de dette. Le travailleur n’a pas demandé la remise mais il faut comprendre de la lettre de réclamation de la CSST que celle-ci a décidé de ne pas l’accorder.

[38]        La Commission des lésions professionnelles a déjà décidé que même si le pouvoir d’accorder une remise de dette est un pouvoir discrétionnaire, la décision de la CSST n’en demeure pas moins révisable comme l'exprime avec beaucoup de justesse le juge administratif Sansfaçon dans l’affaire Bolduc et Club piscine Saguenay inc.[8] :

[31]      Le fait que la CSST exerce un pouvoir qualifié de discrétionnaire par la jurisprudence ne rend pas pour autant sa décision non révisable. Cela découle du pouvoir très large qui est reconnu à la Commission des lésions professionnelles au terme du deuxième alinéa de l’article 377 de la loi lorsqu’elle est saisie d’une requête à l’encontre d’une décision de la CSST :

 

377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

__________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

[32]      Si le législateur avait voulu soustraire certains types de décisions du processus de contestation à la Commission des lésions professionnelles, il l’aurait dit expressément.

 

 

[39]        Quant à la Commission des lésions professionnelles, elle a compétence pour décider de tout recours formé en vertu des articles 359 et 359.1[9].

369.  La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal :

 

1° sur les recours formés en vertu des articles 359 , 359.1 , 450 et 451 ;

 

2° sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).

__________

1985, c. 6, a. 369; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[40]        Comme l'enseigne la jurisprudence, la Commission des lésions professionnelles a, par extension, le pouvoir de décider suivant l’équité et la justice du cas[10].


[41]        De plus, l’article 377 de la loi prévoit que la Commission des lésions professionnelles peut rendre la décision qu’elle aurait dû rendre en premier lieu.

377.  La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

__________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[42]        De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, l’équité et la justice commandent d'accorder au travailleur une remise de dette.

[43]        Pour accorder une remise de la dette, les deux critères énoncés à l'article 437 de la loi, sont la bonne foi et la condition financière. Par ailleurs, ils ne sont ni impératifs ni exhaustifs puisque l'article 437 précise que la remise de dette peut être accordée « en raison notamment de la bonne foi du débiteur ou de sa situation financière ».

[44]        Dans la présente affaire, le tribunal considère que la bonne foi du travailleur n’est pas remise en question. En effet, le travailleur a reçu la somme réclamée de bonne foi, suite à la décision de la Commission des lésions professionnelles du 16 mars 2007.

[45]        À l’audience, le travailleur a témoigné de sa condition financière actuelle. Il gagne environ 25 000 $ annuellement comme distributeur de journaux et de circulaires. Il a quatre enfants, dont deux qui vivent avec leur mère et pour lesquels il doit verser une pension alimentaire. Le travailleur est donc dans une situation financière précaire, compte tenu de son revenu et de ses obligations familiales.

[46]        De plus, l’indemnité pour préjudice corporel est versée au travailleur par la CSST alors que celle-ci décide de demander la révision de la décision de la Commission des lésions professionnelles. La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’en agissant comme elle l’a fait, bien qu’elle ait agi en conformité avec l’article 429.58 de la loi, la CSST a mis le travailleur dans une situation financière difficile qui l'obère injustement, pour reprendre les termes des membres.

[47]        Il est pour le moins surprenant que la CSST avise le représentant du travailleur de la réclamation à venir lorsque la décision de la Commission des lésions professionnelles du 5 août 2009 est rendue mais n’a pas jugé utile, lorsqu’elle a décidé de se pourvoir en révision en vertu de l’article 429.56 de la loi, d’aviser le travailleur qu’il devrait peut-être rembourser l’indemnité pour préjudice corporel.

[48]        Par ailleurs, retourner le dossier à la CSST pour qu’elle rende une décision sur une demande de remise de dette entraînerait procédure et délai additionnel. Or, le litige, quant à l’atteinte permanente et à l'indemnité forfaitaire à laquelle elle donne droit, court depuis 2005. Il est temps de mettre un terme à ce débat.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Stéphane Manseau;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, rendue le 24 novembre 2009, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas à rembourser la somme de 9897,31 $.

 

 

 

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Marie-Anne Roiseux

 

 

 

 

Jacques Fleurant

R.A.T.T.A.C.Q

Représentant de la partie requérante

 

 

 

 

Me Annie Veillette

Vigneault, Thibodeau, Giard

Procureure de la partie intervenante

 



[1]           La date indiquée par le travailleur sur sa réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation est le 21 mars 2005, ce qui correspond à la date de l’arrêt de travail prescrit par son médecin qui a charge. Par ailleurs, dans le dossier de la Commission des lésions professionnelles, la récidive, rechute ou aggravation est parfois indiquée comme étant en date du 20 mars 2005.

[2]           L.R.Q. C. A-3.001.

[3]           Québec, ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de la Commission permanente de l’économie et du travail, 5e sess., 32e légis. 14 mars 1985, « Étude détaillée du projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (23 ».

            Dans l’extrait, l’article 407 du projet correspond à l’actuel article 430 LATMP; L’article 414 correspond à l’actuel article 437 de la LATMP; L'article 408 correspond à l'actuel article 431 de la LATMP.

[4]           Nicolas et Forage et Démo de Béton Mégor; C.L.P. 125689-72-9910, le 10 octobre 2001, L. Crochetière.

[5]           L.R.Q. CJ-3.

[6]           Justice administrative loi commentée, 3ième édition; (2009) éd Publication CCH Ltée.

[7]           La CSST fait partie de cette liste.

[8]           C.L.P. 382833-02-0907, 27 octobre, M. Sansfaçon.

[9]           Il s’agit des recours formés à l'encontre d'une décision de la CSST en révision administrative (art. 359) ou d’une décision suite à une plainte en vertu de l'article 252 (art 359.1).

[10]         Concept d'usinage de Beauce inc. c. Commission des lésions professionnelles; [2005] C.L.P. 613 (C.S.); Touloumi c. Commission des lésions professionnelles, [2004] C.L.P. 1244 .

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