Méthot et Brioche (La) |
2011 QCCLP 5350 |
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[1] Le 22 novembre 2010, madame Amélie Méthot (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 15 novembre 2010 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue le 25 octobre 2010 et conclut comme suit :
- la travailleuse n’est plus admissible au retrait préventif;
- elle n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 6 septembre 2010 puisque son employeur n’est plus en activité;
- la CSST est bien fondée de lui réclamer la somme de 1 740,80 $ qu’elle a reçue sans droit.
[3] Une audience a eu lieu à Lévis le 1er août 2011 en présence de la travailleuse. La Brioche (l’employeur) était absent puisque l’entreprise est maintenant fermée. Gingras, Ginsberg & associés (le syndic) était absent.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle n’est pas tenue de rembourser à la CSST la somme de 1 740,80 $ qu’elle a reçue à titre d’indemnité de remplacement.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales considèrent que la requête de la travailleuse doit être accueillie. À leur avis, il s’agit d’un cas justifiant qu’une remise de dette soit accordée à la travailleuse. La travailleuse a reçu la somme réclamée par la CSST alors qu’elle était de bonne foi et que sa situation financière était précaire.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La travailleuse occupe l’emploi de pâtissière.
[7] Le 29 avril 2010, la CSST rend une décision déclarant qu’elle est admissible au programme « Pour une maternité sans danger ». En conséquence, elle a droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu du 1er mai 2010 au 6 novembre 2010.
[8] Le 19 octobre 2010, la CSST est informée du fait que l’employeur a cessé ses activités depuis le 6 septembre 2010. Une agente de la CSST note ce qui suit au dossier :
Selon notre service aux employeurs, cette entreprise aurait fermé ses portes le 100906.
[…]
La T n’a pas encaissé ses 2 derniers chèques. Pour réduire ce trop-versé probable, il est convenu avec la DSS de demander un arrêt de paiement sur ces 2 chèques.
Arrêt de paiement demandé pour chèque 51962454 de 761,60 $ pour le 101021 et le chèque 51551496 de 761,60 $ du 101007.
De plus, les IRR ont été annulées du 100906 au 101106.
[9] Le 5 novembre 2010, la même agente ajoute un complément d’information qui se lit comme suit :
Le chèque du 101007 ayant été encaissé entre temps, seul le chèque du 101021 est annulé. Le trop-versé passe donc de 2 502,40 $ à 1 740,80 $.
Parlé E, son entreprise a fait faillite et son mari l’a rachetée mais établissement a changé de local et de nom : Pâtisserie La Brioche (cie à no sans inc. ni enr.).
Il y avait deux employés dont la remplaçante qui travaille pour la nouvelle entreprise à temps plein comme pâtissière.
Il n’y a pas eu de période d’arrêt. Les employés ont dit à la T qu’ils n’ont pas arrêté de travailler.
Le nouveau proprio n’avait pas l’obligation de réengager le même personnel. Les gens ont remis leur CV et ont été engagés. La T n’aurait pas été choisie pour la nouvelle entreprise. Selon madame, elle coûte trop cher pour le service fourni.
T va recevoir son relevé d’emploi.
T conteste que nous lui réclamons du trop-versé sans l’avoir prévenue que la cie avait fait faillite. De plus, elle ne peut se trouver un emploi ailleurs à 8 mois de grossesse.
[…]
[10] Le 25 octobre 2010, la CSST rend une décision déclarant qu’elle met fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse à compter du 6 septembre 2010, puisque l’employeur a cessé définitivement ses activités. La CSST avise également la travailleuse qu’elle doit rembourser la somme de 1 740,80 $ représentant l’indemnité de remplacement du revenu versée en trop après le 6 septembre 2010.
[11] La travailleuse demande la révision de cette décision le 29 octobre 2010. Elle fait valoir qu’elle ignorait que son employeur avait fait faillite. Elle ajoute ne plus détenir le montant réclamé qui a servi à payer le loyer et la nourriture.
[12] Le 15 novembre 2010, la CSST rend la décision qui est en litige. La réviseure explique notamment ce qui suit :
La politique en vigueur sur le recouvrement des prestations versées en trop, précise que les surpayés peuvent être de nature recouvrable ou non recouvrable selon les différents articles de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après LATMP).
Pour le surpayé recouvrable, la Commission a, dans certains cas, l’obligation de le récupérer et dans d’autres cas, le pouvoir de le faire; elle peut aussi décider de faire une remise de dette. Pour le surpayé non recouvrable, la Commission ne peut le réclamer.
Cependant, en tout temps, la Commission réclame toute prestation obtenue de mauvaise foi.
La Commission peut donc réclamer à la travailleuse les indemnités de remplacement du revenu reçues sans droit en tout ou en partie, par exemple les indemnités reçues :
- après la date de l’accouchement;
- après la date du dernier jour d’indemnité de remplacement du revenu payable (quatre semaines précédant celle de la date prévue de l’accouchement);
- après la date de fin d’allaitement;
- après la date d’une interruption de grossesse;
- pendant une affectation;
- pendant une période d’inaptitude au travail de la travailleuse;
- s’il y a absence de danger.
Selon les normes administratives en vigueur, le recouvrement, la remise de dette ou la radiation est possible suite à une analyse des faits le justifiant. La travailleuse doit en faire la demande à la Commission.
[13] La travailleuse conteste cette décision le 22 novembre 2010.
[14] La travailleuse ne remet pas en cause la partie de la décision qui porte sur la perte de son droit à l’indemnité de remplacement du revenu. Elle soumet toutefois qu’il est injuste de lui demander de rembourser les indemnités qu’elle a obtenues après le 6 septembre 2010 puisqu’elle ignorait, à ce moment, que son employeur avait cessé ses activités. Autrement dit, elle plaide la bonne foi. Elle fait également valoir qu’elle ne détient plus la somme ainsi reçue qui a été utilisée pour payer le logement et la nourriture.
[15]
Selon l’article
430. Sous réserve des articles 129 et 363, une personne qui a reçu une prestation à laquelle elle n'a pas droit ou dont le montant excède celui auquel elle a droit doit rembourser le trop-perçu à la Commission.
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1985, c. 6, a. 430.
[16] L’article 431 précise les délais à l’intérieur desquels un recouvrement peut avoir lieu :
431. La Commission peut recouvrer le montant de cette dette dans les trois ans du paiement de l'indu ou, s'il y a eu mauvaise foi, dans l'année suivant la date où elle en a eu connaissance.
__________
1985, c. 6, a. 431.
[17]
Par ailleurs, l’article
437. La Commission peut, même après le dépôt du certificat, faire remise de la dette si elle le juge équitable en raison notamment de la bonne foi du débiteur ou de sa situation financière.
Cependant, la Commission ne peut faire remise d'une dette qu'elle est tenue de recouvrer en vertu du quatrième alinéa de l'article 60 ou de l'article 133 .
__________
1985, c. 6, a. 437.
[18] Selon la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, le pouvoir d’accorder une remise de dette est de nature discrétionnaire. Pour que le tribunal puisse se prononcer à cet égard, il est nécessaire qu’une décision ait été rendue par la CSST[2].
[19] Dans certaines décisions, la Commission des lésions professionnelles a toutefois jugé qu’elle peut décider s’il y a lieu ou non d’accorder une remise de dette lorsque les faits permettent de conclure que la CSST a rendu une décision implicite à cet égard[3].
[20] En l’espèce, il ne fait aucun doute que depuis qu’elle est informée de la décision de la CSST, la travailleuse utilise des mots qui laissent entendre qu’elle demande une remise de dette. Depuis le début, elle remet en question son obligation de rembourser le trop-perçu en invoquant des arguments qui impliquent sa bonne foi et sa situation financière.
[21] Dans la décision contestée, la réviseure fait valoir que la CSST peut accorder une remise de dette « suite à une analyse des faits le justifiant »; elle précise cependant que « la travailleuse doit en faire la demande à la Commission ».
[22]
D’une part, l’article
[23] En conséquence, la Commission des lésions professionnelles considère que la CSST s’est effectivement prononcée sur l’opportunité ou non d’accorder une remise de dette à la travailleuse, bien qu’elle l’ait fait sur la base d’une interprétation erronée de la loi.
[24] Dans le présent dossier, le soussigné ne doute nullement de la bonne foi de la travailleuse. Il est établi qu’elle ignorait la faillite de l’employeur.
[25] D’autre part, le tribunal retient de son témoignage qu’elle se trouvait dans une situation financière précaire au moment où la CSST a mis fin à ses indemnités. À ce moment, son conjoint recevait un revenu en vertu d’un régime d’assurance-salaire. Le couple avait déjà une enfant en bas âge. Leurs ressources financières étaient limitées. L’arrêt subi du versement de l’indemnité de remplacement du revenu a entraîné des conséquences imprévues sur la planification financière du ménage alors que la travailleuse était sur le point d’accoucher d’un second enfant.
[26] Il s’agit d’un cas où toutes les conditions étaient réunies pour accorder une remise de dette à la travailleuse.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES:
ACCUEILLE la requête de madame Amélie Méthot, la travailleuse;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 15 novembre 2010, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que madame Amélie Méthot n’a pas à rembourser la somme de 1 740,80 $.
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Michel Sansfaçon |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Potvin et Rabotage Lemay inc., C.L.P.
[3] Nicolas et Forage et démo. de béton Mégor, C.L.P.
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