Gestion Paroi inc. c. Gestion Gérard Furse inc. |
2012 QCCS 901 |
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JT 1409 |
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(Chambre civile) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-FRANÇOIS |
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N° : |
450-17-003903-102 |
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DATE : |
7 mars 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
FRANÇOIS TÔTH, J.C.S. |
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GESTION PAROI INC. |
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HÉLÈNE D. BEAUDOIN et MARIE-PIERRE BEAUDOIN |
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et |
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ALEXANDRE BERTRAND et AMÉLIE SAVARD, personnellement et à titre de tuteurs à leur enfant mineur NATHAN BERTRAND |
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et |
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LOÏC BOISVERT et MARIE-BOULÉ |
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et |
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PIERRE ROBERGE et RACHEL BÉRIAULT-ROBERGE |
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et |
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FRANÇOIS TREMBLAY et JEAN-LUC DUQUETTE |
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et |
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GERMAIN PROVENCHER et FRANCE PROVENCHER |
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et |
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SYLVIE HUPPÉ et FRANÇOIS CHASSÉ |
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et |
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JEAN GOSSELIN et NICOLE ROY |
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Demandeurs |
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c. |
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GESTION GÉRARD FURSE INC. |
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et |
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SIMON HOMANS |
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et |
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9202-2680 QUÉBEC INC. |
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Défendeurs |
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VILLE DE SHERBROOKE |
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Mise en cause |
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JUGEMENT (injonction interlocutoire) |
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[1] En décembre 2010, les demandeurs ont introduit un recours contre les défendeurs par lequel ils demandent l'arrêt des courses d'accélération et de la pratique du motocross/VTT au Complexe St-Élie Motorsports à cause du bruit infernal que ces activités génèrent. Ils réclament en outre des dommages et intérêts.
[2] Ils joignent à leur action une requête en injonction interlocutoire afin que l'exploitation de la piste de course soit interdite durant l'instance en attendant que le Tribunal se prononce sur le fond. Sur cet aspect, les demandeurs sont les seules personnes physiques.
[3] L'instruction de la demande d'injonction interlocutoire a été prévue pour quatre jours en juin 2011. Elle a dû être continuée pour deux autres journées en octobre 2011. Finalement, les plaidoiries ont été tenues le 1er novembre 2011.
[4] Les parties ont fait leur preuve au moyen d'affidavits et de témoins profanes et experts. Toutes les parties étaient représentées et ont pu faire valoir leurs arguments avec des plaidoiries appuyées.
[5] Les demandeurs habitent aux alentours de la piste de course.
[6] Le défendeur Simon Homans (« M. Homans ») est le propriétaire du fonds de terre qu'il a acquis en 2009 et sur lequel est exploitée l'entreprise Complexe St-Élie Motorsports (« CSEM ») par 9202-2680 Québec inc. Gestion Gérard Furse inc. (« Gestion ») est le vendeur de l'entreprise et du fonds de terre.
[7] Les photographies P-27-A, P-27-B[1] et P-27-C qui décrivent bien la situation des lieux et les zones d'usage permis par la réglementation municipale de Sherbrooke.
[8] Le CSEM est situé le long de la route 220 (« le chemin de St-Élie »), une route provinciale où la limite de vitesse est de 90 km/h. Le CSEM est situé à environ 1,8 km à l'ouest de l'intersection des routes 220 et 249 (« le chemin Rhéaume »).
[9] Sur la carte P-27-C, on voit la piste d'accélération qui est située dans la zone C-53. Au nord, le long de la route 220, une partie des terrains du CSEM est située dans la zone C-23. Certains des demandeurs, M. Provencher, Mme Beaudoin et le couple Chassé-Huppé, sont propriétaires d'immeubles situés en face du CSEM et dont une portion est située dans la zone C-23 et une autre en zone Re-19[2]. Au sud se trouve le circuit de motocross/VTT.
[10] Sur la photographie aérienne P-27-C, on constate que le CSEM est situé dans une zone rurale très boisée.
[11] Les usages permis dans les zones C-53 et C-23 ne sont pas en cause ici : on doit tenir pour acquis que chacun utilise sa propriété conformément à la réglementation municipale.
[12] M. Gérard Furse est un grand amateur de pilotage d'aéronefs. Pour ses besoins, Gestion aménage une piste d'atterrissage en terre battue sur son terrain. Cette piste sera par la suite asphaltée.
[13] L'aménagement des lieux est particulièrement favorable à la pratique d'un sport motorisé, la course d'accélération ou « drag »[3]. Le 23 août 1998 se tient le premier événement de « drag »[4]. À compter de 1999, Gestion présente plusieurs activités du même genre: drag d'automobiles, de motos, de motoneige sur gazon, « derby de démolition »[5]. Dès 2000, la municipalité est consciente que ces activités peuvent créer du mécontentement dans la population[6].
[14] M. Homans est un pilote de motocross professionnel. En 2008, il songe à acquérir l'entreprise de Gestion connue alors sous le nom de « Drag de St-Élie ».
[15] Sur la carte P-27-C, on peut voir la longue piste d'accélération. On remarque sur la carte, à l'intersection des zones C-53 et C-23, une partie du mur anti-bruit qui a été construit. Il s'agit d'un immense talus de terre de plusieurs mètres de hauteur.
[16] Immédiatement au sud de ce mur anti-bruit commence la piste. Une première portion d'environ 125 m sert de file d'attente aux participants. Suit ensuite une zone de réchauffement des pneus d'environ 50 m. Sur la carte aérienne, on observe des traces noires provenant du patinage des pneus. C'est à cet endroit que se situe la ligne de départ. Les bolides peuvent donc s'élancer côte à côte en deux voies et accélérer sur une distance d'un huitième de mile[7]. Ils décélèrent ensuite pour enfin sortir par un chemin de retour qui leur permet de revenir au début de la piste d'accélération pour un autre essai.
[17] Les activités de « derby de démolition » se tiennent dans une enceinte clôturée située près des gradins.
[18] La piste de motocross/VTT se trouve au sud, tout au bout de la zone C-53 dans un vaste secteur déboisé et à plus d'un kilomètre de la route 220.
[19] Depuis 2009, le CSEM tient pendant la belle saison des activités de « drag », de derby de démolition, de motocross/VTT et « d'événements spéciaux ».
[20] Le drag est l'attraction principale du CSEM. Cette activité se déroule tous les vendredis soirs de l'été. Elle attire une foule considérable d'amateurs[8].
[21] Le public est invité à venir participer à des courses d'accélération en moto, automobile ou camion, modifiés ou non. Quand on parle de véhicules modifiés, il peut s'agir de véhicules de promenade auxquels on a ajouté des accessoires (par ex. pneus larges) ou apporté des modifications mécaniques (par ex. moteur plus puissant, échappement remplacé) afin d'en augmenter la performance et le bruit. Certains véhicules modifiés peuvent circuler sur les routes de la province alors que d'autres doivent être transportés sur des remorques.
[22] L'activité se déroule comme suit[9]. Les participants font la file sur la piste d'attente (quatre véhicules de large). Ils arrivent à la piste de réchauffement où de l'eau est appliquée sur l'asphalte. Cela permet aux amateurs de faire patiner leurs pneus (« spinner ») de façon à réchauffer la gomme et permettre une meilleure traction lors du départ. Pendant l'attente et pendant l'échauffement des pneus, les participants font tourner leur moteur à des régimes élevés de façon saccadée : on dit qu'ils « rincent » leur moteur. Les deux premiers participants s'avancent à la ligne de départ. Le départ est donné par un système de feux. Lorsque la lumière verte s'allume, les deux participants s'élancent à tombeau ouvert pour franchir le huitième de mile dans le meilleur temps qui oscille entre cinq et dix secondes selon les véhicules et l'habileté des coureurs. Pendant tout ce temps, un animateur fait des commentaires et la description de l'activité via un système de haut-parleurs. Une fois que les deux véhicules ont atteint le bout de la piste et emprunté la voie de retour, deux autres participants peuvent démarrer. Les amateurs peuvent répéter leur expérience plusieurs fois au cours de la soirée : quand tout se déroule bien, il peut y avoir un départ à des intervalles de 45 secondes environ.
[23] Il s'agit de courses d'accélération qui ont eu lieu le samedi toute la journée. Cet événement attire des amateurs avec des véhicules survitaminés. On a utilisé l'expression « muscle car » pour décrire certains de ces véhicules. Des bourses sont remises aux gagnants.
[24] Selon les années, il y a eu de deux à sept événements spéciaux par été. Ces événements se tiennent le samedi de 13 h à 19 h et sont remis au lendemain en cas de pluie[10]. Ces événements peuvent attirer près de 5 000 personnes[11].
[25] Il s'agit d'une activité qui est tenue pendant toute la journée du samedi de 11 h à 19 h. De vieux véhicules sont placés dans un enclos fermé où ils entrent en collision les uns avec les autres jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'un seul véhicule en état de fonctionner : c'est le gagnant!
[26] M. Homans a entrepris l'aménagement d'une piste de motocross/VTT en 2009. Le motocross/VTT est un sport motorisé qui consiste à circuler sur une piste en terre battue avec une motocyclette adaptée à ce genre de terrain ou un véhicule à quatre roues (« quad ou VTT »). Le parcours est ponctué d'immenses buttes que les coureurs peuvent franchir en sautant sur des distances et des hauteurs impressionnantes.
[27] En 2009 et 2010, l'activité avait lieu le mercredi soir de 16 h à 20 h ainsi que les le samedi et le dimanche de 11 h à 16 h[12].
[28] En 2011, l'horaire a été modifié. Le motocross/VTT a lieu le mercredi de 16 h à 20 h et peut être reporté en cas de pluie. Le samedi, l'activité se tient de 11 h à 16 h. L'exploitant a décidé de cesser toute activité le dimanche pour maintenir de meilleures relations avec son voisinage.
[29] Le motocross/VTT se pratique de la fin avril à la fin octobre.
[30] Actuellement, le CSEM n'est qu'exploité que pendant la belle saison.
[31] Les activités du CSEM sont, à ne pas en douter, bruyantes. Il est impossible de tenir des activités de sports motorisés sans que du bruit ne soit produit.
[32] Les demandeurs se plaignent de ces activités bruyantes et estiment qu'elles dépassent les limites de la tolérance que se doivent des voisins. Ils allèguent que le bruit généré par les activités du CSEM les empêche de jouir de leur résidence.
[33] Au paragraphe 14 de la requête en injonction interlocutoire, les demandeurs allèguent :
[…] le niveau de bruit généré par ces activités atteint jusque dans les chambres à coucher mêmes des résidences des demandeurs, des niveaux sonores ponctuels de l'ordre de 50 à 90 décibels alors que la limite maximale recommandée par l'OMS est de 45 décibels.
16. De plus, le niveau sonore généré par les activités des demandeurs, calculé sur une base horaire moyenne, excède sur les propriétés des demandeurs par une marge de 30 décibels le maximum prescrit par la directive 98-01, révisée en date du 9 juin 2006, du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.
[35] Comme les activités du vendredi soir attirent une foule nombreuse, parfois jusqu'à 1 500 amateurs, les demandeurs se plaignent aussi que la jouissance de leur propriété est diminuée par la circulation automobile importante mais surtout désordonnée, bruyante et intempestive des participants qui utilisent la voie publique comme une piste de course.
[36] Les défendeurs plaident que leurs activités commerciales sont purement saisonnières. Elles dépendent de la température puisque la moindre pluie force l'interruption sinon l'annulation des courses d'accélération.
[37] Les défendeurs plaident aussi que les immeubles des demandeurs sont situés en bordure de la route 220 qui est une route dont le débit journalier est important et qui est une cause substantielle de bruit.
[38] De plus, certains des immeubles appartenant aux demandeurs sont situés dans des zones commerciales ou dans des zones autres que résidentielles unifamiliales ou jumelées.
[39] À la suite d'une plainte, le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (« MDDEP ») a mandaté le technicien André Hamel pour prendre des relevés au sonomètre. Ce dernier a produit un rapport le 20 août 2010. Le CSEM a reçu un avis d'infraction daté du 22 septembre 2010. Il n'y a jamais eu de constat d'infraction d'émis à l'endroit du CSEM.
[40] M. Homans a obtenu copie de ces rapports d'inspection. Les défendeurs plaident qu'ils ont mis en place des mesures pour diminuer le bruit et réduire les inconvénients allégués par les demandeurs.
[41] Depuis le début de la saison 2011, tous les véhicules participant aux courses d'accélération automobiles du vendredi soir doivent être munis d'un silencieux.
[42] Également, la présentation d'un véhicule connu sous le nom de « Jet Car », un véhicule équipé d'une turbine d'avion et qualifié de machine infernale[13], a été éliminée.
[43] En 2009, il y a eu cinq événements spéciaux tenus le samedi. Certains d'entre eux ont dû être reportés au dimanche en raison du mauvais temps. En 2010, sept événements spéciaux ont été prévus au calendrier. Un événement spécial a dû être annulé. Le calendrier 2011 annonçait six événements spéciaux[14]. Dans sa défense du 8 juin 2011, alors que l'instruction de l'injonction interlocutoire était annoncée, le CSEM a décidé de limiter les événements spéciaux à deux ou trois courses d'accélération. Un derby de démolition est prévu le samedi 9 juillet 2011 de 11 h à 19 h.
[44] Actuellement, cette piste n'est utilisée que pour la pratique du motocross et du VTT et non pour des activités de course.
[45] En 2009, jusqu'à la mi-saison 2010, la piste est exploitée le mercredi de 15 h à la tombée du jour, le samedi de 10 h à 16 h et le dimanche de 10 h à 16 h. À partir de la mi-saison 2010, l'horaire a été modifié comme suit : le mercredi de 16 h à 20 h, le samedi de 11 h à 16 h et le dimanche de 11 h à 16 h.
[46] En 2011, l'horaire a été de nouveau modifié : le mercredi de 16 h à 20 h (toutefois, cette activité est reportée au lundi ou jeudi en cas de prévision de mauvais temps[15]) et le samedi de 11 h à 16 h. Il n'y a aucune activité sur le site de CSEM le dimanche[16].
[47] Quant aux VTT, qui sont les véhicules réputés les plus bruyants, leur usage a été limité à un samedi sur deux. Il n'y a plus de VTT le mercredi soir.
[48] La preuve a démontré toutefois que l'horaire de la piste de motocross/VTT pouvait varier. L'amateur doit vérifier sur le site Internet du CSEM s'il n'y a pas une ouverture particulière comme ce fut le cas le lundi de l'Action de grâce 2011[17].
[49] Les défendeurs ont également apporté des modifications au système de haut-parleurs.
[50] Le CSEM a aussi procédé au rehaussement du mur anti-bruit situé dans la partie nord du CSEM et a commencé des travaux de prolongement du mur anti-bruit en direction ouest.
[51] Les défendeurs plaident que « ces mesures ont eu pour effet d'atténuer la propagation du son, l'effet obtenu par ces modifications ayant été soigneusement vérifié ». Il s'avère toutefois que cette preuve est manquante puisque l'expert des défendeurs n'a pris aucune mesure de son. Le Tribunal n'est pas prêt à croire sur parole les affirmations non corroborées de M. Homans à cet effet et contestées par les demandeurs.
[52] Les défendeurs contestent enfin les allégations des demandeurs quant au bruit excessif généré par leurs activités.
[53] La demande a produit des affidavits de plusieurs des demandeurs. Certains demandeurs ont également été entendus à l'audience. Trois témoignages retiennent particulièrement l'attention, ceux de M. Gosselin, de Mme Beaudoin[18] et Mme Huppé, puisqu'ils habitent en face du CSEM.
[54] Les témoins admettent volontiers que la circulation routière sur la route 220 est plus dense qu'il y a dix ans. Ils ne s'en plaignent pas. Par contre, ils soulignent que les activités du CSEM attirent de nombreux véhicules beaucoup plus bruyants que la moyenne.
[55] Pendant les activités du CSEM, ils ne peuvent s'installer à l'extérieur de leur maison à cause du bruit infernal et insupportable. Ils ferment les fenêtres et s'enferment dans leur maison.
[56] Le vendredi soir, c'est soirée de drag au CSEM. Les témoins entendent un bruit de moteur qu'on emballe, de pneus qui patinent et le départ des bolides toutes les 30 ou 45 secondes. On entend en sus la voix de l'animateur qui hurle ses commentaires. Certains témoins réussissent à comprendre ce qu'il dit, d'autres pas. Une odeur de pneus brûlés flotte dans l'air.
[57] Le drag commence vers 19 h mais les spectateurs peuvent commencer à arriver une heure avant le début des courses. L'activité se termine à 22 h, mais il peut s'écouler une heure, voire une heure et demie avant que tous les spectateurs aient quitté le terrain du CSEM.
[58] Même à l'intérieur de leur maison, toutes fenêtres fermées, les témoins peuvent entendre le bruit des drags. Certains témoins doivent augmenter le volume de leur téléviseur pour couvrir le bruit. Il est impossible de dormir avant le départ de tous les spectateurs. Plusieurs spectateurs quittent le CSEM en prenant la route 220 comme une piste de course. Ils font vrombir leur moteur et crisser leurs pneus.
[59] Les témoins estiment que c'est depuis 2004 qu'ils sont importunés par les activités du CSEM.
[60] En 2009, le motocross/VTT s'est ajouté le mercredi soir, les samedi et dimanche en plus de certains jours de congé. Pour les témoins, le bruit du motocross/VTT est un bruit de bourdonnement constant et comparable à celui d'une scie à chaîne qui tourne constamment.
[61] Il y a en plus les événements spéciaux qui se déroulent toute la journée du samedi. Ces activités attirent les véhicules les plus bruyants.
[62] En somme, il y a des activités tout l'été par beau temps le vendredi soir et la fin de semaine.
[63] Il y a concordance des témoignages sur l'effet du bruit sur la vie domestique et familiale des témoins. Ils en viennent à souhaiter qu'il pleuve afin d'être en paix.
[64] Les témoins font état de stress, d'irritation, d'exaspération, d'appréhension du bruit lorsqu'il y a du beau temps. Ils ne sont plus capables de supporter le vacarme et quittent leur maison lors des activités du CSEM.
[65] Les témoins ont fait plusieurs démarches auprès du conseil d'arrondissement (pétitions) et à la Sûreté municipale (plaintes) qui sont restées vaines.
[66] Les témoins ne rapportent pas d'amélioration entre l'année 2010 et 2011, si ce n'est qu'on perçoit moins ou peu les commentaires de l'animateur en 2011.
[67] Le témoignage de M. Gosselin retient l'attention.
[68] M. Gosselin, 67 ans, habite au […], en face du CSEM. Des mesures de son ont été prises chez lui par l'expert des demandeurs[19]. Sa maison, bâtie en 1986, est à 600 m des départs des dragsters. C'est un petit domaine de six acres, avec deux étangs, bien aménagé et où M. Gosselin a planté lui-même beaucoup d'arbres. « Un petit paradis » selon son témoignage. Il comptait y passer une retraite paisible.
[69] Dès le début des courses d'accélération, il s'y est opposé avec d'autres concitoyens à cause du bruit infernal. Le groupe a déposé des pétitions au conseil municipal pendant trois ans. Il n'y a pas eu de suite de donnée à ces pétitions par la municipalité.
[70] Les courses continuent. M. Gosselin témoigne qu'il est très affecté par les activités du CSEM. Il vit de la colère et de la frustration. M. Gosselin a le sentiment qu'il n'y a rien à faire et qu'il est prisonnier de la situation.
[71] M. Gosselin aime le travail extérieur mais à cause du bruit, cette activité devient déplaisante. La colère l'habite. Il est stressé et angoissé par les activités du CSEM. Il devient agressif. Il sent que sa santé est affectée. Il a tenté de continuer de faire comme si de rien n'était mais, finalement, il n'en pouvait plus et a abandonné. Vers 2003, M. Gosselin et son épouse décident qu'il est préférable pour eux de partir quand il y a des courses. Ils abandonnent l'idée d'inviter parents et amis chez eux à cause du bruit. On ne peut pas se parler à l'extérieur quand les bolides font patiner leurs pneus, réchauffent les moteurs et s'élancent sur la piste. À cela s'ajoutent les commentaires de l'animateur et la musique diffusés par les haut-parleurs du CSEM.
[72] Pendant la belle saison, il est impensable d'ouvrir une fenêtre quand le CSEM est en activité.
[73] Le couple Gosselin organise sa vie en fonction du calendrier des activités du CSEM. Le vendredi soir, ils quittent leur résidence. S'il y a au calendrier un événement spécial, le couple s'en va. N'importe où.
[74] Relativement au motocross/VTT, M. Gosselin concède que le bruit est moins intense que celui des courses d'accélération mais il compare ce bruit au supplice de la goutte. Le bruit est continu toute la journée. Le bruit est audible dans la maison, toutes fenêtres fermées, comme un bourdon qui tourne autour de la tête.
[75] Le CSEM attire une foule importante. Les spectateurs et participants arrivent en véhicule et certains soirs, ça bouchonne sur la route 220. Toute la soirée, il y a un va-et-vient continu sur la route 220, certains spectateurs prenant même la route 220 pour une piste d'accélération. À la fin de l'activité, le départ des spectateurs est bruyant et parfois, s'étend au-delà de 23 h.
[76] Il n'a pas vu de différence entre la saison 2009 et la saison 2010. Avant l'audition de juin 2011, il n'y a pas eu beaucoup d'activités au CSEM à cause de la pluie. Après l'audition de juin 2011, il n'a pas vu d'amélioration[20].
[77] Les défendeurs ont produit six affidavits de voisins du CSEM qui habitent à des distances variables (de 500 m à 1000 m) de l'entrée du CSEM. Pour certains, le bruit et l'achalandage générés par la tenue des activités du CSEM se fondent dans le bruit de la circulation de la route 220. Pour d'autres, le bruit est perceptible mais n'est pas agaçant ni dérangeant. Ils ne sont pas incommodés par le bruit et jouissent normalement de leur propriété.
[78] Les courses de drag du vendredi soir sont la principale activité du CSEM. Lors des soirées achalandées, les courses peuvent aller « très légèrement » au-delà de 22 h afin d'écouler tous les participants qui attendent en ligne pour courser. Les bonnes soirées peuvent attirer plus de 1 100 spectateurs.
[79] Les événements spéciaux du samedi peuvent comprendre des courses de drag avec bourses, des drags de motos/VTT, des courses de motocross (« Enduro »), des derbys de démolition.
[80] Le calendrier du motocross/VTT est variable. Certaines journées fériées sont ajoutées à la pièce comme lors des vacances de la construction. Tout est annoncé sur la page Web du CSEM.
[81] M. Homans explique qu'au niveau national, les coureurs de motocross doivent se soumettre à un test de son (sound check) afin de vérifier si la moto est conforme à une norme de bruit établi par le circuit. Il y a là une idée intéressante que le CSEM pourrait exploiter : l'établissement d'une norme et d'une vérification sonore formelle[21]. Cela pourrait se faire en même temps que la signature du formulaire d'acceptation des risques et archivé.
[82] À la suite de la signification des procédures, M. Homans a décidé de ne permettre les VTT qu'un samedi sur deux puisqu'il s'agit, selon son propre aveu, des engins les plus bruyants.
[83] M. Homans a aussi décidé d'imposer aux VTT d'avoir un silencieux d'origine. En effet, les amateurs ont l'habitude de changer le silencieux d'origine pour un silencieux plus performant qui augmente la puissance du moteur mais qui est en même temps plus bruyant, de l'ordre du simple au double. Il ajoute qu'il s'est fait critiquer pour cette décision mais, dit-il, « ça va comme ça et ça va le rester ».
[84] Le 25 juin 2011, à la suite de l'audition, après avoir entendu les témoignages, M. Homans décide de ne plus ouvrir le dimanche « pour le bien de la cause »[22] afin de garantir la quiétude du voisinage.
[85] En 2011, il y a eu quatre événements spéciaux (un derby de démolition, deux courses de drag, un Deutsch Fest avec drag). À la suite de l'audition de juin 2011, M. Homans décide d'annuler la course d'accélération de motos du 2 juillet 2011 « afin de garder le week-end le plus tranquille possible »[23].
[86] Le Tribunal ne croit pas M. Homans lorsqu'il dit que la poursuite déposée en décembre 2010 a été pour lui une révélation et qu'il ne savait pas que l'exploitation du CSEM importunait certains de ses voisins. Il y a eu trop de démarches et de plaintes de faites par les voisins auprès des autorités pour croire qu'il n'était pas au courant du problème de bruit.
[87] M. Homans veut exploiter son entreprise correctement et en limiter les inconvénients pour ses voisins. En février 2011, il a rencontré le technicien Hamel du MDDEP pour se faire expliquer les résultats de ses mesures de son et ce qu'il peut faire pour corriger la situation.
[88] M. Homans s'est informé auprès d'autres pistes de drag pour connaître leurs moyens de contrôle du bruit. Il a visité aussi ces pistes. Il a fait procéder à une contre-expertise par SNC-Lavalin après avoir constaté des différences entre les résultats du MDDEP et ceux de l'expert des demandeurs.
[89] Il décide de mettre en place des mesures d'atténuation de bruit pour la saison 2011 :
· Exigence du silencieux pour le drag du vendredi soir sur tous les véhicules;
· Modification au système de sonorisation;
· Exhaussement du mur-écran existant[24] et dépôt d'une demande de certificat d'autorisation[25] pour prolonger le mur-écran;
· Pose de pancartes à la sortie invitant les spectateurs à respecter le voisinage[26], distribution de tracts à cet effet et préposé assigné à la surveillance à la sortie.
· Abandon de l'activité « Jet Car ».
[90] À la suite de l'audition de juin 2011 :
· M. Homans rehausse certains haut-parleurs à la suite de conseils reçus de spécialistes en production de spectacles et les dirige vers le sol, et ce, contrairement aux conseils de son expert en acoustique qui recommandait plutôt de les abaisser;
· M. Homans entreprend le prolongement et le rehaussement du mur-écran existant et la construction d'un autre mur-écran du côté ouest près de la route 220.
[91] À l'audience, M. Homans prend les engagements suivants pour la saison 2012 :
· drags du vendredi soir : mêmes heures, silencieux obligatoire pour tous les participants;
· deux ou trois événements spéciaux - pas de derby de démolition;
· pas de motocross le dimanche; horaire du motocross: mercredi de 16 h à 20 h reporté le jeudi ou le mardi en cas de pluie; samedi de 11 h à 16 h; aucun motocross les jours fériés.
[92] Il est clair que les procédures judiciaires ont été l'occasion pour M. Homans de réaliser l'ampleur de la grogne, du mécontentement et du désespoir de certains de ses voisins.
[93] Chacune des parties a fait entendre des experts en acoustique.
[94] M. Hamel est un technicien du MDDEP. Son travail inclut le contrôle du bruit. Il témoigne comme expert en mesure de niveau sonore pour les demandeurs.
[95] Le bruit est un contaminant selon la Loi sur la qualité de l'environnement[27] mais il n'existe pas de norme réglementaire de limite d'émission de bruit[28]. Le MDDEP utilise la note d'instructions 98-01[29] qui établit des critères de mesure de bruit et une méthodologie de mesurage du bruit.
[96] M. Hamel a procédé à des mesures de bruit le vendredi 20 août 2010. C'était soir de drag au CSEM. Il est allé sur le site du CSEM après les mesures de bruit à 22 h 30. Il y avait encore des activités sur le site à cette heure-là.
[97] M. Hamel a procédé à cinq lectures au sonomètre[30]. Les mesures 16008-16009-160010 ont été faites à la résidence de Mme Beaudoin ([…]) en face du CSEM. Le sonomètre a été installé à l'avant de la maison à 20 m de la route 220. Les mesures 16007-16011 ont été prises au mont Girard soit à bonne distance du CSEM.
[98] Les conditions météorologiques ont été vérifiées pour Sherbrooke avant de partir pour la prise de mesures. Elles étaient conformes à la note d'instructions 98-01. Il a procédé à une stratégie d'évaluation sommaire selon la note d'instructions car la source de bruit était bien audible (« vraiment fort » selon le témoin). Selon son expérience, il s'attendait à un léger dépassement (« fort bruit » selon le témoin).
[99] Lors de la prise de mesures, Mme Beaudoin était présente. M. Homans est venu les rejoindre. Selon le témoin, « pendant la course (vers 20 h), on devait monter le ton de voix pour bien se comprendre ». Ce témoignage est corroboré par Mme Beaudoin.
[100] M. Hamel explique qu'une augmentation du bruit de 3 dBA n'est pas perçue par l'oreille humaine. Au-delà, la différence est notable.
[101] M. Hamel a pris la mesure du bruit résiduel à 15 h avant les courses.
[102] La résidence de Mme Beaudoin est à 350 m de la ligne de départ des drags selon la carte P-27-C. Le mur-écran est à 200 m de la ligne de départ, soit environ à mi-chemin entre la résidence et la ligne de départ. Le niveau sonore observé chez Mme Beaudoin est de 60,9 dBA[31]. Pendant les courses, il grimpe à 66,8 dBA et 67,4 dBA aux environs de 20 h. Selon le témoin, la mesure est « à première vue, assez fort à 66 dBA ».
[103] La résidence de Mme Beaudoin est située dans la zone C-23 selon la réglementation municipale. C'est une zone III selon la note d'instructions 98-01. Comme le bruit résiduel pendant le jour excède le critère de la zone (55 dBA), c'est le bruit résiduel (60,9 dBA) qui devient le point de référence[32].
[104] La mesure de 60,9 dBA est une mesure de jour, nécessairement plus élevée qu'à 23 h après les courses. La période « de jour » selon la définition de la note d'instruction 98-01 est la période de 7 h à 19 h. Or, c'est pendant la période de jour que le bruit résiduel a été mesuré. Par contre, le bruit ambiant[33] a été mesuré pendant la période « de nuit » (19 h à 7 h) selon la note d'instructions 98-01. Le bruit résiduel aurait dû être mesuré à 23 h après les activités afin de comparer le bruit ambiant et le bruit résiduel pendant la même période et ainsi calculer le bruit particulier. Toutefois, même en prenant ce plancher plus élevé, il y a dépassement du niveau sonore maximum selon la note d'instructions 98-01.
[105] M. Hamel concède que la note d'instructions 98-01 n'est pas applicable à une piste de course selon la définition du « champ d'application » de la note.
[106] Le rapport comprend plusieurs fautes (ex. numéro du point de contrôle) et d'usage des termes (les expressions bruit ambiant et bruit résiduel sont inversées). M. Hamel inverse en conséquence les chiffres quand il fait ses calculs de la contribution d'une source[34]. Ses calculs sont exacts par contre.
[107] M. Choquette est ingénieur acousticien pour la firme Décibel Consultants inc. («Décibel»). Il a procédé à deux séries de prises de son d'une durée de 48 heures : du vendredi 23 au dimanche 25 juillet 2010 et du vendredi 27 au dimanche 29 août 2010. Il y avait des activités sur le site du CSEM lors de ces deux fins de semaine.
[108] Pour la préparation de son rapport d'expertise, il a appliqué la note d'instructions 98-01 du MDDEP. Pour l'expert, la note s'applique à une piste de course car il s'agit d'une « entreprise qui exploite un procédé »[35]. Le Tribunal n'a pas réussi à savoir de quel procédé il s'agissait[36]. Il semble plutôt que l'expert a utilisé la note d'instructions machinalement parce qu'elle « fixe les méthodes et les critères qui permettent de juger de l'acceptabilité des émissions sonores, de s'assurer du respect du 2e alinéa de l'article 20 de la LQE »[37] sans avoir véritablement déterminé si la source à étudier est visée par la note d'instructions.
[109] Les graphiques des relevés sonores[38] représentent les moyennes horaires (en noir). En bleu, on peut voir les moyennes sur une minute, particulièrement intéressantes pour des départs de course à tous les 30-45 secondes environ. Le Lmax est la valeur crête. Il s'agit d'une valeur instantanée captée par l'appareil sur 1/125 000 seconde.
[110] Les sonomètres ont été placés à 5 endroits[39]. Le point de lecture P3 a été placé au […] soit en face du CSEM et erronément situé dans une zone résidentielle[40] alors qu'il s'agit de la zone C-23[41] (le sonomètre est à 53 m de la route 220, la maison est à 125 m de la route 220).
[111] C'est le point P3 qui est le plus intéressant car il est situé en face du CSEM, qu'il a aussi fait l'objet de mesures par le technicien Hamel et parce que la propriétaire a témoigné. Au point P3, le bruit résiduel est celui de la route 220. En période nocturne soit de 19 h à 7 h, en zone I (résidentielle), la note d'instructions 98-01 établit un niveau sonore maximum (NSM) de 40 dBA.
[112] Les sonomètres enregistrent les données en continu et conservent en mémoire le niveau sonore moyen toutes les minutes.
[113] M. Choquette explique que c'est la pratique du MDDEP d'exiger que le bruit résiduel retenu soit celui le plus faible dans la période diurne ou nocturne (moyenne horaire minimum). Il s'agirait d'une exigence contractuelle car on ne retrouve pas cette exigence dans la note d'instruction 98-01, ni non plus dans le rapport d'expertise. Ainsi, selon cette pratique, le bruit résiduel a été établi dans la nuit de samedi à dimanche à 4 h AM à 44 dBA[42]. Comme ce bruit résiduel est supérieur au NSM de la note d'instructions, c'est la valeur la plus élevée qui est retenue comme NSM (44 dBA > 40 dBA)[43].
[114] L'expert a mesuré un bruit ambiant de 55 dBA (valeur horaire maximum) au point P3 ce qui, avec la limite retenue de 44 dBA, donne un dépassement de 11 dBA. Ce dépassement est significatif[44]. Comme il s'agit de valeurs logarithmiques, une variation de 10 dBA est perçue comme le double de la source de bruit initiale.
[115] Si au lieu de placer le sonomètre à 53 m de la route 220, on l'avait placé près de la maison située à 125 m de la route 220, il aurait fallu soustraire 3 dBA au bruit résiduel selon le principe que chaque doublement de la distance réduit le bruit de 3 dBA. Le dépassement aurait donc été supérieur. Cette augmentation de distance ne réduit pas substantiellement par contre la contribution de la source car la piste de drag est à 400 m, il faudrait doubler la distance (+400 m) pour profiter de la même réduction de 3 dBA.
[116] Si au contraire, on retient le bruit résiduel immédiatement à la fin des courses de drag de 22 h à 24 h[45], le résultat de la soustraction logarithmique du bruit ambiant moins le bruit résiduel (56 dBA - 50 dBA) est de 53 dBA (appelé « bruit particulier »)[46]. Le dépassement est de 3 dBA auquel on doit ajouter, selon l'expert, une pénalité de 5 dBA pour le bruit porteur d'information (les commentaires de l'animateur) pour un dépassement total de 8 dBA. Une augmentation de 3 dBA commence à être perceptible selon l'expert Choquette.
[117] En contre-interrogatoire, la défense a demandé à l'expert de calculer la contribution de la source en utilisant un bruit résiduel de 51 dBA. Celle-ci est de 53 dBA (56 dBA - 51 dBA = 53,4 dBA). Le dépassement au point P3 ce 23 juillet 2010 en soirée serait donc de 2 dBA, résultat arrondi. Ce résultat est étonnant car il signifierait qu'au P3, pendant l'activité de drag, il n'y a rien de perceptible par rapport au bruit résiduel (bruit de la route 220). Cela est en total désaccord avec la preuve profane et avec le témoignage de l'expert qui était sur les lieux jusqu'à la fin des drags.
[118] En vérité, explique l'ingénieur Choquette en contre-interrogatoire, pour avoir une idée plus juste de la situation au point P3, il aurait fallu placer le sonomètre près de la maison. L'éloignement du sonomètre de la route 220 aurait réduit le bruit résiduel de 3 dBA. Si l'on veut utiliser un bruit résiduel de 51 dBA à 53 m de la route 220, il aurait fallu soustraire 3 dBA pour un bruit résiduel de 48 dBA à 125 m de la route 220 où est située la résidence. Le dépassement est de 8 dBA et non de 2 dBA.
[119] En ré-interrogatoire, l'avocat des demandeurs demande à l'expert de refaire l'exercice avec les points P6, P7 et P8 lors de la soirée du drag du 27 août 2010 en utilisant un bruit résiduel immédiatement après l'activité « afin d'être plus représentatif ». Voici ses résultats :
Point de mesure |
Page du rapport P-32 |
Bruit résiduel |
Contribution de la source |
Dépassement |
P6 |
p. 52 |
51 dBA |
68 dBA |
17 dBA |
P7 |
p. 55 |
54 dBA |
74 dBA |
20 dBA |
P8 |
p. 58 |
43 dBA |
56 dBA |
13 dBA |
[120] Le niveau de bruit résiduel influence la mesure attribuée à la source. Plus le niveau de bruit résiduel est bas, plus la contribution de la source sera importante pour un même bruit ambiant. C'est la raison pour laquelle la défense a fortement critiqué le choix de l'expert du bruit résiduel comme étant la plus faible moyenne horaire sur la plage diurne ou nocturne. Ce choix ne trouve aucune assise dans la note d'instructions 98-01. Il n'est pas difficile d'imaginer en effet qu'à 4 h du matin sur une route de province, il y a aura moins de circulation routière qu'à 17 h un vendredi soir.
[121] Le vendredi 23 juillet 2010 était soir de drag. Les activités de la piste étaient audibles à tous les points de mesure selon M. Choquette. On pouvait noter une course à des intervalles d'une minute environ. Il y a eu une bruine pendant la soirée ce qui a empêché les grosses cylindrées de courser à cause du danger de dérapage. Les pilotes ont dû attendre que la chaussée soit sèche. Comme ce sont ces véhicules modifiés qui sont les plus bruyants, les moyennes horaires de cette soirée du 23 juillet sont inférieures à une soirée de course par beau temps. Les activités ont même été interrompues à cause d'un accident pendant une trentaine de minutes vers 20 h 30[47], ce qui réduit la moyenne.
[122] Au bruit des courses s'ajoutent les commentaires d'un animateur à l'aide d'un système d'amplification de la voix. Aucune pénalité pour « bruit porteur d'information » n'a été ajoutée aux résultats par l'expert alors qu'on aurait dû en tenir compte (+5 dBA) puisque certains mots de l'animateur étaient compréhensibles. Cela s'explique par le fait qu'un message compréhensible, même par bribes, est plus perturbateur pour l'oreille humaine. Il s'agit d'un facteur subjectif, non calculable. Les tableaux du rapport de l'ingénieur Choquette ne contiennent que des valeurs objectives, c'est-à-dire mesurées.
[123] Il faut aussi considérer les « Lmax » soit les « valeurs crêtes » de son. Des crêtes à 72 dBA ont été notées le vendredi soir aux environs de 20 h.
[124] Les niveaux sonores maximums à l'intérieur des résidences ont été estimés pour être comparés aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (« OMS »). Il n'y a eu aucune mesure de son prise à l'intérieur des résidences.
[125] Selon M. Choquette, les graphiques[48] du samedi 24 juillet 2010 indiquent un bruit ambiant de 51 dBA en PM, un peu moins en soirée, 49 dBA, ce qui lui fait dire qu'il n'y a pas d'activité au CSEM ce jour-là.
[126] Il n'y a pas non plus d'activité le dimanche 25 juillet 2010. Le bruit ambiant est mesuré à 51 dBA en après-midi, à 48 dBA en soirée[49].
[127] Les sonomètres ont été placés aux points P5 à P8. Le point P7 a été placé en face du CSEM au […][50]. Les activités du CSEM étaient audibles à tous les points de mesure.
[128] Il n'y a pas d'activité au CSEM le dimanche 29 août 2010. Le bruit ambiant en après-midi avoisine les 50 dBA[51].
[129] Si l'on examine les résultats du vendredi 27 août 2010 au point P7[52], on constate que le bruit résiduel en période nocturne (19 h à 7 h) a été établi à 40 dBA à 2 h 30 du matin[53] alors qu'il se situe plutôt aux environs de 54 dBA à 19 h avant les courses. La moyenne horaire maximum a été mesurée à 74 dBA, pour un dépassement de 34 dBA pendant les courses. Notons que le point P7 est en zone C-23 qui, selon la note d'instructions 98-01, prévoit un NSM de 50 dBA dans une zone III pour la période nocturne.
[130] Un dépassement de 34 dBA est de la nature du bruit d'une machine industrielle qu'il faut contenir dans une enceinte hermétique.
[131] Si l'on prend plutôt la limite d'une zone III selon la note d'instructions (50 dBA), les dépassements sont réduits de 10 dBA. Toutefois, aux points P6, P7 et P8, un bruit porteur d'informations était audible, des mots étaient compréhensibles et une pénalité de +5 dBA devrait être ajoutée selon M. Choquette.
[132] Ce soir-là, il y a eu présentation du Jet Car vers 22 h 30. Les conditions météo étaient idéales et tous les véhicules pouvaient courser. Un Lmax de 100 dBA attribuable au Jet Car a été observé[54] ce qui est comparable au bruit généré par une discothèque. Toutefois, au point P7[55], en face du CSEM, les valeurs crêtes démontrent que certaines courses d'accélérations génèrent des niveaux sonores comparables au Jet Car.
[133] Le point P7 est, selon la carte P-27-C, à environ 1,4 km de la piste de motocross/VTT. Les activités de motocross/VTT du samedi 28 août 2010 ont généré un bruit ambiant de 61 dBA pour un dépassement estimé à 8 dBA, ce qui excède les niveaux recommandés de la note d'instructions 98-01[56]. Sur le graphique[57], on voit bien les activités de motocross/VTT de 11 h à 16 h. Le Lmax a été calculé à 84 dBA. Selon l'expert, le fait que les motocyclistes effectuent des sauts d'une hauteur impressionnante avec leur moto fait en sorte de diminuer l'effet réducteur du mur anti-bruit.
[134] Il y a eu objection aux commentaires de l'expert Choquette relativement aux résultats du technicien Hamel[58]. Le Tribunal estime qu'il ne s'agit pas là d'un cas visé par la loi : un expert peut commenter au plan scientifique les écarts dans les résultats sans qu'il ne s'agisse de reproche de l'autre expert.
[135] En ce qui concerne les mesures, M. Hamel a placé son sonomètre à 20 m de la route 220 alors que l'expert Choquette a installé le sien à l'arrière de la résidence[59], ce qui est suffisant pour expliquer un bruit résiduel plus élevé dans le cas de M. Hamel (60,9 c. 50 dBA).
[136] L'OMS a établi des valeurs crêtes ou niveaux sonores maximums (Lmax) qui devraient être respectés à l'intérieur des résidences pour la protection du sommeil[60]. Ce serait 45 dBA à l'intérieur des chambres à coucher[61].
[137] Il n'y a pas eu de mesure prise dans les chambres à coucher des résidences. L'expert a estimé les données selon la norme ISO R 1996 qui propose une soustraction de 10 dBA pour tenir compte de la réduction sonore procurée par une fenêtre ouverte. Il a comparé ces résultats aux lignes directrices de l'OMS[62] concernant les troubles reliés au sommeil et causés par le bruit. Si l'expert a fait cette analyse, c'est parce que les activités du vendredi soir ont lieu, selon lui, pendant « la nuit ». Il a donc conclu que la recommandation de l'OMS n'était pas respectée. Or, le texte de l'OMS parle plutôt de trois périodes : le jour, le soir et la nuit[63] et de perturbation du sommeil la nuit. Le raisonnement n'est guère convaincant. Par exemple, les Lmax mesurés le 23 juillet 2010 l'ont été de 20 h à 21 h[64], ce qui est «la nuit» pour l'expert.
[138] De plus, le document de l'OMS applique une réduction de 15 dBA dans cette situation et non 10 dBA[65]. Il est surprenant de n'utiliser qu'une partie de la recommandation sans utiliser en même temps les facteurs de correction, surtout dans un cas de calcul purement théorique.
[139] Par ailleurs, l'OMS recommande un niveau de bruit maximum à l'intérieur d'une résidence de 35 dBA pendant une période de 16 h (le jour et le soir)[66]. Au point P7, en face du CSEM, on a mesuré une moyenne horaire de 74 dBA le 27 août 2010 vers 21 h[67], ce qui excède largement la recommandation de l'OMS même en soustrayant la réduction sonore de 15 dBA pour tenir compte de la réduction causée par l'enveloppe du bâtiment (59 dBA). Ainsi, pour tenir une conversation à l'intérieur de la résidence, il faut fermer la fenêtre.
[140] À la lumière de ses observations, de ses calculs et des recommandations de l'OMS, l'expert conclut que les activités de CSEM (drag et motocross/VTT) « génèrent des nuisances sonores portant atteinte au confort et au bien-être du voisinage… »[68] puisque les niveaux sonores maximums excèdent la recommandation de 45 dBA (perturbation du sommeil la nuit) tant pour la première séance de mesures[69] que la deuxième[70].
[141] Tout ceci n'est qu'un calcul théorique puisqu’aucune mesure n'a été prise à l'intérieur des résidences. La seule chose qu'on peut conclure cependant, et cela trouve plutôt appui dans la preuve profane, c'est que les voisins de CSEM doivent attendre la fin du drag pour se mettre au lit.
[142] Les points de lecture P3 ([…]) et P7 ([…]) sont situés en zone C-23.
[143] Selon la note d'instructions 98-10, le NSM est déterminé par la catégorie de zonage municipal. La zone I correspond à un territoire de type « usage résidentiel ». La zone III correspond à un territoire de type « usage commercial » où l'on peut retrouver des résidences.
[144] Les points P3 et P7 ont été situés sur la carte D-15. Ils sont clairement en zone C-23 qui est une zone commerciale[71]. Toutefois, les bâtiments du […], sont en zone résidentielle RE-19. Le bâtiment du […]est en zone C-23.
[145] L'expert Choquette a choisi de les placer en zone I en considérant l'usage réel de l'immeuble. Or, selon la note d'instructions 98-10, on ne peut considérer l'usage réel que lorsqu’un territoire n'est pas zoné[72].
[146] Si l'on examine les graphiques des résultats pour les points de mesure P1, P2, P3, P4, P6, P7 et P8 qui sont situés aux alentours immédiats du CSEM, les résultats indiquent incontestablement que le CSEM est une source de bruit à l'occasion des deux campagnes de mesure. C'est également le résultat des mesures du technicien du MDDEP.
[147] On peut faire toutes sortes de calcul afin de démontrer que la contribution du CSEM est plus ou moins importante selon le point de référence choisi, il n'en demeure pas moins qu'on ne peut pas affirmer, à la lumière de la preuve profane, que cette contribution est négligeable voire imperceptible comme on l'a suggéré la défense.
[148] Il est notable que le rapport de Décibel comporte plusieurs erreurs qui ont été corrigées à l'audience (dates, numéro de lots, adresses, erreurs de données[73] ou données inexplicables[74], position de la source sur les cartes, absence des données météorologiques pour la deuxième campagne de mesures, confusion entre les termes bruit résiduel et bruit ambiant[75], etc.). Cela a donné lieu à des contre-interrogatoires fastidieux pour démêler ces erreurs et inexactitudes. Cela dénote un manque de rigueur dans la confection et la révision du rapport.
[149] L'ingénieur Choquette a commis plusieurs erreurs d'application de la note d'instructions 98-10 par exemple, en situant les points P3 et P7 en zone résidentielle alors qu'il s'agit d'une zone C-23 et en prenant une mesure du bruit résiduel à 4 h AM.
[150] Il faut également déplorer l'absence de mesures de bruit à l'intérieur des résidences ce qui est pourtant une allégation importante de la requête.
[151] Tout cela a entraîné un long débat contradictoire entre les experts. Cela a une importance pour les frais.
[152] Le mandat de M. Meunier a consisté à analyser et critiquer le rapport de Décibel au plan théorique et non empirique. Il n'a pas effectué de mesures ou de relevés et est donc incapable de présenter ses propres résultats au Tribunal.
[153] L'ingénieur a visité le CSEM le 1er mars 2010. À l'évidence, il n'y avait pas de course sur le site à ce moment de l'année.
[154] Les critiques de M. Meunier sont nombreuses. Il reproche inter alia à Décibel :
1. d'avoir utilisé la note d'instructions 98-01 alors qu'elle ne s'applique ostensiblement pas à une piste de course et au surplus, de l'avoir mal appliquée;
2. d'avoir calculé le bruit résiduel à un moment différent du bruit ambiant,[76] ce qui fausse la comparaison;
3. d'avoir installé les sonomètres dans les arbres, ce qui permet au son d'être réfléchi et peut augmenter le bruit résiduel ce qui est contraire aux règles de l'art. De même, le vent qui agite le feuillage des arbres peut générer un bruit que captera le sonomètre et faussera les données;
4. d'avoir utilisé les données météo de la station Lac Memphrémagog[77] au lieu des données in situ. Idéalement, une station météo portative aurait dû être utilisée. En effet, il y a une différence d'altitude de 91 m entre la station météo et le CSEM. Ce que dit la note d'instructions 98-01 à propos des conditions météorologiques[78], c'est que les conditions météo doivent respecter in situ certains paramètres. Il n'y a pas de preuve que les conditions météo n'étaient pas propices à la prise de mesure. Lorsque les conditions météo n'ont pas été jugées conformes, les données ont été écartées par Décibel[79];
5. d'avoir situé les points P3 et P7[80] dans une zone résidentielle (zone I) au lieu d'une zone résidentielle/commerciale, ce qui a une influence certaine sur les niveaux sonores maximums dans la note d'instructions 98-01[81].
6. d'avoir situé les points P1, P2, P4 et P6 en zone I aux fins de la détermination des niveaux sonores maximum alors qu'il s'agit d'une zone II selon la note d'instructions 98-01;
7. d'avoir conclu à des dépassements de la norme de l'OMS dans les chambres à coucher alors qu'aucune mesure n'a été prise à l'intérieur des résidences. On peut vouloir les estimer à partir de mesures extérieures mais alors là, il faut prendre des mesures en façade des chambres à coucher, ce qui n'a pas été fait;
8. d'avoir utilisé la norme de l'OMS pour la perturbation du sommeil la nuit (45 dBA)[82] pour des mesures faites en soirée;
9. d'avoir utilisé une réduction de bruit de 10 dBA (selon la norme ISO/R 1996[83] qui a d'ailleurs été remplacée en 1982) entre le bruit mesuré à l'extérieur et son estimation à l'intérieur d'une résidence alors que l'OMS préconise une réduction de 15 dBA dans ce cas[84];
10. de ne pas avoir évalué l'impact sonore des activités du CSEM (impact fort, moyen ou faible) mais simplement comparé des niveaux maximums de bruit avec des niveaux minimums selon une méthodologie non applicable;
11. d'avoir inclus dans son analyse les mesures du 23 juillet 2010 alors qu'il y avait eu un accident sur la piste et que des véhicules d'urgence sont arrivés sur le site. Il ne s'agirait pas là d'une situation représentative de l'activité habituelle ou courante du CSEM selon lui.
[155] Bref, la présentation des résultats par l'expert Choquette grossit exagérément les dépassements et les écarts.
[156] M. Meunier donne l'exemple suivant pour illustrer l'importance de bien mesurer le bruit résiduel. Prenons les résultats du vendredi soir 23 juillet 2010 au point P3. Le bruit résiduel immédiatement avant l'activité est de 53 dBA. Le bruit ambiant pendant le drag est de 56 dBA. La soustraction logarithmique 56 dBA - 53 dBA[85] = 53 dBA n'indique aucun dépassement pendant l'activité ou un dépassement de 3 dBA si l'on prend le bruit résiduel immédiatement après la fin de l'activité à 23 h (51 dBA)[86]. Bref, le bruit de la piste est le même que celui de la route 220. Or, l'expert des demandeurs avait calculé un dépassement de 11 dBA puisqu'il avait utilisé un bruit résiduel de 44 dBA mesuré à 5 h le dimanche matin[87].
[157] Au point P7 le 27 août 2010, M. Choquette a calculé un dépassement de 34 dBA avec un NSM de 40 dBA[88]. Si l'on prend plutôt le bruit résiduel immédiatement après l'activité, le dépassement est de 20 dBA, ce qui demeure toutefois substantiel. Or, ce point P7 est vis-à-vis le talus anti-bruit érigé au nord du CSEM[89], ce qui laisse douter de sa réelle efficacité.
[158] Pour le motocross/VTT entre 11 h et 16 h, illustrons la situation au point P7 sur la route 220 le 28 août 2010. Le bruit ambiant est mesuré à 60 dBA et le bruit résiduel à 53 dBA. Le dépassement est de 7 dBA[90]. On a vu qu'une augmentation de 3 dBA est perceptible pour l'oreille humaine.
[159] Au point P3 le 24 juillet 2010, la variation de bruit généré par les activités de motocross/VTT serait de l'ordre de 2 dBA selon les graphiques de Décibel, ce qui est peu perceptible[91]. Le bruit particulier de l'activité est de 48 dBA, ce qui est conforme au NSM de la note 98-01.
[160] Relativement au « bruit porteur d'information » qui peut entraîner une pénalité de 5 dBA, l'expert Meunier explique qu'il peut être ajouté au dépassement si le message est intelligible[92]. Si le bruit porteur d'information est dominant sur le bruit de la course, il faut ajouter la pénalité selon lui.
[161] Voici ce que dit la note d'instructions 98-01 à ce sujet : « 5 dBA pour tout bruit perturbateur comportant des éléments verbaux, musicaux ou porteurs d'information (signaux sonores) ».
[162] La preuve indique que le message est parfois intelligible. Les messages sont constants et « meublent » les temps morts entre les accélérations. La preuve établit de façon prépondérante que le bruit perturbateur inclut de la musique et des commentaires verbaux et contribue de façon significative au bruit de la source. Tous les témoins de la demande s'en plaignent. La note d'instructions 98-01 ne dit pas que le bruit perturbateur doit être dominant.
[163] L'ingénieur Meunier explique que peu de choses peuvent être utilement faites pour réduire substantiellement le bruit de la piste de course, puisqu'il s'agit d'une activité bruyante à la source qui peut difficilement être contrôlée par des écrans. Un mur-écran est efficace s'il est situé près de la source (ce qui est impossible sans nuire au spectacle ou à la sécurité des pilotes) ou près du récepteur. Le mur-écran doit être fait de « solide » : une haie d'arbres est bien jolie mais peu efficace pour arrêter le bruit. La meilleure façon d'évaluer la performance d'un mur-écran est de déterminer s'il coupe le champ visuel entre la source et le récepteur. Si le récepteur peut voir la source (par exemple, un haut-parleur dans un poteau), le mur-écran ne sera pas efficace car l'onde sonore passera par-dessus l'obstacle et atteindra le récepteur. Le mur-écran doit être continu ou bien les entrées ou voies d'accès doivent être protégées par des chicanes.
[164] Il faut donc limiter les « événements spéciaux » dans le temps et en fréquence. L'expert réfère ici à des activités présentant des véhicules surpuissants dont on comprend qu'ils ne disposent pas de silencieux… justement pour améliorer la performance.
[165] Un autre moyen de réduire le bruit est de réduire la puissance (le « volume ») du système de sonorisation.
[166] Un des seuls moyens efficaces est l'exigence de silencieux que CSEM a mis en place pour ses « activités courantes »[93]. Le silencieux est « la solution à privilégier » selon M. Meunier car il réduit le son à la source donc dans toutes les directions. C'est l'équivalent de « baisser le volume ». Nous reviendrons sur cette question.
[167] Au soutien de leur demande, les demandeurs invoquent le Code civil du Québec :
976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.
[168] La Cour
suprême du Canada a décidé que l’art.
[169] La Loi sur la qualité de l'environnement[95] édicte que :
1. 5° « contaminant » : une matière solide, liquide ou gazeuse, un micro-organisme, un son, une vibration, un rayonnement, une chaleur, une odeur, une radiation ou toute combinaison de l'un ou l'autre susceptible d'altérer de quelque manière la qualité de l'environnement;
[…]
Droit à la qualité de l'environnement
19.1. Toute
personne a droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et à la
sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la
présente loi, les règlements, les ordonnances, les approbations et les
autorisations délivrées en vertu de l'un ou l'autre des articles de la présente
loi ainsi que, en matière d'odeurs inhérentes aux activités agricoles, dans la
mesure prévue par toute norme découlant de l'exercice des pouvoirs prévus au
paragraphe 4° du deuxième alinéa de l'article
[…]
20. Nul ne doit émettre, déposer, dégager ou rejeter ni permettre l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet dans l'environnement d'un contaminant au-delà de la quantité ou de la concentration prévue par règlement du gouvernement.
Émission d'un contaminant
La même prohibition s'applique à l'émission, au dépôt, au dégagement ou au rejet de tout contaminant, dont la présence dans l'environnement est prohibée par règlement du gouvernement ou est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l'être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité du sol, à la végétation, à la faune ou aux biens.
[…]
[170] Il est acquis qu'il n'existe pas de norme obligatoire relativement au bruit.
[171] Enfin, le Règlement de la ville de Sherbrooke prévoit :
5.7.70 Bruit nuisant au bien-être et au confort
Il est défendu en tout temps à toute personne de faire ou causer du bruit ou d'encourager ou de permettre que soit fait ou causé du bruit de manière à nuire au confort et au bien-être d'une ou de plusieurs personnes du voisinage ou des passants.
[…]
[172] La notion de nuisance ou d'inconvénients anormaux sont des notions juridiques régulièrement interprétées par les tribunaux au même titre que d'autres concepts tels la faute, l'abus de droit, etc. L'interprétation de cette notion est l'apanage du Tribunal. Ce ne sont pas les experts qui déterminent si un bruit est nuisible.
[173] S'il existait une norme de bruit, la présence de l'expert serait nécessaire pour déterminer si elle a été violée. Comme la loi ne prévoit pas de norme, une preuve par témoins peut être suffisante. Les témoignages des experts peuvent être utiles au Tribunal afin de l'éclairer sur les notions scientifiques en cause et sur les mesures de bruit. Il revient au Tribunal de juger de la valeur probante des preuves et de déterminer si cette preuve est prépondérante ou non.
1. qu'ils paraissent avoir droit au recours recherché ou, à tout le moins, que la question que le Tribunal devra décider au mérite est sérieuse (apparence de droit);
2. qu'ils subiront, si l'injonction n'est pas prononcée, un préjudice sérieux et irréparable;
3. qu'ils subiront des inconvénients plus importants si l'injonction est refusée que les défendeurs n'en subiront si elle est prononcée. Il s'agit du critère de la balance des inconvénients.
[175] Si l'apparence de droit est claire, la balance des inconvénients n'a pas à être examinée. Si les droits des demandeurs apparaissent douteux, le Tribunal devra alors considérer la balance des inconvénients afin de décider de l'émission de l'injonction. Si les droits des demandeurs sont inexistants, l'injonction doit être refusée.
[176] Le critère de l'apparence de droit requiert que le Tribunal évalue si les demandeurs ont une chance raisonnable et des moyens suffisamment sérieux de voir leur droit confirmé par le jugement final.
[177] Au stade de l'injonction interlocutoire, le Tribunal doit faire une évaluation préliminaire du droit des demandeurs et prendre garde de ne pas décider du fond du litige, ce qui relève du juge du procès. Cette mise en garde est nécessaire compte tenu notamment des limites de la preuve présentée et du caractère interlocutoire de l'ordonnance qui ne vaut que jusqu'au jugement final.
[178] Le jugement interlocutoire statue sur la situation pendant l'instance. Le juge du fond n'est pas lié par la décision et peut décider au contraire.
[179] Rappelons enfin que l'injonction est une mesure discrétionnaire et exceptionnelle.
[180] Toutes les parties font un usage légal et autorisé de leur fonds. L'exploitation de la piste de course est tout à fait légitime.
[181] La note d'instructions 98-01 n'a pas valeur de norme légale d'un niveau maximal de bruit toléré ou tolérable[96]. Il ne fait pas de doute non plus qu'elle ne vise pas les pistes de course[97].
[182] Le fait que la note d'instructions 98-01 ne s'applique pas à une piste de course ne disqualifie pas l'étude de Décibel ipso facto. La note d'instructions 98-01 demeure un outil d'évaluation, un guide dont on peut s'inspirer. Si le Ministre peut baliser ses interventions et actions en matière de source fixe de bruit à l'aide de cette note en faisant une distinction entre le jour (7 h à 19 h) et la nuit (de 19 h à 7 h), un expert acousticien peut certainement aussi s'en inspirer sauf en mentionnant les limites et réserves appropriées, ce qui n'a pas été fait en l'instance et a entraîné un long débat improductif.
[183] La difficulté avec l'expertise de Décibel, c'est que l'expert a utilisé la note d'instructions 98-01 mais d'une façon qu'on ne retrouve pas à la note.
[184] Même si la note d'instructions 98-01 ne s'applique pas, cela ne signifie pas qu'il n'y a aucune limite sonore à l'occasion de l'exploitation d'une piste de course.
[185] Il n'existe aucune norme législative ou réglementaire établissant le niveau sonore maximum permis pour l'exploitation d'une piste de course. L'ingénieur Meunier n'en connaît aucune et n'a aucune limite de bruit à proposer. Il faut se référer aux articles généraux des inconvénients normaux du voisinage, du droit à la qualité de l'environnement et à la protection contre les nuisances. En ce sens, l'établissement précis du niveau de bruit produit par les activités du CSEM perd de son importance. Il faut apprécier les mesures de son de façon globale et dans le contexte de toute la preuve. Un exemple de ce contexte : le Jet Car. M. Homans a bien dû reconnaître que ça n'avait pas de sens de permettre une activité qui consiste à faire fonctionner un moteur d'avion à réaction (le Jet Car) un vendredi soir alors qu'on a des voisins résidentiels.
[186] L'allégation 14 de la requête en injonction[98] n'a pas été prouvée pour la simple et bonne raison qu'aucune mesure n'a été prise à l'intérieur des résidences.
[187] L'allégation 16 de la requête en injonction[99] s'avère partiellement prouvée. Le dépassement est beaucoup moins important que 30 dBA sans pour autant dire qu'il est négligeable, insignifiant ou imperceptible. Il y a dépassement, c'est un fait prouvé, et ce, sans que l'on tienne compte de la pénalité de 5 dBA pour « bruit porteur d'information ».
[188] Il faut prendre garde aux mesures du bruit à l'aide des sonomètres. Cela peut être réducteur de la situation réelle. On présente les résultats en dBA, une mesure pondérée qui veut représenter une pression sonore ressentie par l'oreille humaine. Dans les graphiques, on présente des moyennes horaires et des crêtes. Les voisins du CSEM entendent tout pendant l'heure en question. Ils n'entendent pas en moyenne : les crêtes de son sont bien réelles pour eux.
[189] Les experts ont fait toutes sortes de calculs pour augmenter ou réduire les écarts et dépassements. Certaines démonstrations laissaient carrément pantois : par exemple que le drag du vendredi soir n'était pas plus perceptible que la circulation routière de la route 220 ce qui est contraire à la preuve. À l'occasion de sa prise de mesure le 20 août 2010, le technicien Hamel dit : « Pendant la course (vers 20 h), on devait monter le ton de voix pour bien se comprendre ». Ce témoignage est significatif. En effet, une conversation normale génère un bruit de 60 à 65 dBA. Pour être obligé d'élever la voix à 400 m de la piste pour se comprendre, il faut élever la voix de 10 dBA selon l'expert Meunier. Cela confirme que le niveau de bruit ambiant à 400 m de la piste est incommodant et gêne de façon importante une activité humaine normale.
[190] La preuve profane prend ici toute son importance. Quand M. Gosselin dit qu'il faut attendre que « le bruit cesse pour se parler », il réfère aux départs des dragsters. Comme il y a un départ aux 45 secondes environ, il devient vite impossible de tenir une conversation. À cela s'ajoutent les haut-parleurs. C'est très concret comme inconvénient.
[191] Les activités du CSEM ont augmenté au fil des ans. En 2008, les drags du vendredi soir ont commencé. En 2009, il y a eu l'ajout du motocross/VTT.
[192] Pendant les activités de drag et les événements spéciaux, il faut ajouter le système de sonorisation du CSEM. Vu le bruit sur le site, le système doit pouvoir dominer le bruit si l'on veut que le commentateur soit compris.
[193] Il est plus difficile d'évaluer l'effet nuisible du motocross/VTT. Les mesures de son faites par l'expert Choquette le samedi 24 juillet 2010[100] l'amenaient à conclure qu'il n'y avait pas eu d'activité au CSEM alors que la preuve révèle qu'il y a eu bel et bien du motocross ce jour-là avec 28 participants[101]. Relativement au dimanche 29 août 2010, M. Homans prétend qu'il y a eu 18 participants au motocross[102] alors que les lectures de son indiquent plutôt du motocross la veille soit le samedi 28 août 2010[103]. Il peut s'agir d'une erreur de date mais il y a eu du motocross cette fin de semaine-là, cela est prépondérant. Comme il est prépondérant qu'il y a eu du motocross le 19 juin 2011[104] alors que les témoins Duquette et Provencher qui témoignent pour les demandeurs pensent qu'il n'y en avait pas. Quoi qu'il en soit, le fait que la piste de motocross se trouve à plus de 1,3 km de la route 220[105] y est certainement pour quelque chose dans ces résultats peu probants.
[194] Les défendeurs se sont fait fort de découper les activités du CSEM afin de démontrer que chacune était relativement bénigne et de courte durée. Par exemple, le drag du vendredi soir se tient sur trois heures pendant environ 20 à 23 vendredis soirs à cause de la météo, soit au total 69 heures pendant tout l'été[106]. C'est une vision réductrice de la situation. Il faut voir l'ensemble des activités sur la belle saison.
[195] Les témoins de la demande ont bien expliqué que les participants et spectateurs commencent à arriver bruyamment environ une heure avant le début des courses (19 h)[107]. Si les courses se terminent à 22 h, ce n'est pas avant 23 h voire 23 h 30 que tous les spectateurs ont quitté les lieux. Certains spectateurs, surexcités et dopés de testostérone, démarrent violemment, font vrombir leur moteur, crisser leurs pneus et prennent la route 220 pour une piste de course. Les amateurs ne se rendent pas compte qu'ils nuisent au CSEM. Il y a là aussi un véritable problème de sécurité publique.
[196] La preuve a révélé aussi que la piste pouvait être utilisée pour des essais de drag hors les heures habituelles.
[197] Le vendredi, c'est le début de la fin de semaine pour la plupart des gens. La réalité, c'est que tous les beaux vendredis soirs d'été, les demandeurs subissent des inconvénients bien réels comme conséquence de la tenue des drags.
[198] Depuis 2009, le motocross/VTT est pratiqué sur une nouvelle piste du CSEM. En 2011, le dimanche a été « coupé ». Mais, l'activité est reportée au lundi, jeudi ou dimanche selon la météo[108]. On a décidé de ne permettre les VTT qu'une semaine sur deux puisque ces engins sont, de l'aveu des défendeurs, très bruyants.
[199] Le samedi, ce pourra aussi être un « événement spécial » où l'exigence du silencieux n'est pas appliquée. On accepte les « open headers » ou « straight pipes » c'est-à-dire des véhicules à forte cylindrée sans silencieux. On peut facilement imaginer l'impact important sur le voisinage du CSEM.
[200] À cela s'ajoutent les activités « mobiles » soit l'ouverture hors calendrier du CSEM annoncée à la dernière minute. La piste peut également être louée à d'autres fins[109].
[201] L'avis d'infraction du MDDEP et l'institution des procédures ont amené le CSEM à alléger sa programmation, prendre des mesures, faire des aménagements et imposer des règles de fonctionnement et d'exploitation pour atténuer les impacts de l'exploitation de l'entreprise. Cela a permis aux défendeurs de plaider que la situation avait évolué depuis la prise des mesures en 2010 et même pendant la suspension de l'audience.
[202] Dans un pays comme le nôtre où la belle saison est courte, on peut comprendre que les demandeurs soient excédés de ne pouvoir jouir de leur propriété paisiblement.
[203] La question de savoir si les inconvénients causés par l'exploitation du CSEM dépassent les limites de la tolérance que se doivent les voisins ne s'évalue pas par rapport à la perception subjective des voisins. Elle doit se mesurer selon la règle de la personne raisonnable, une norme objective.
[204] Ainsi, que certains voisins soient au bord de la crise de nerfs ou au contraire que d'autres ne se rendent plus ou moins compte de la tenue d'activités au CSEM n'est pas le critère d'appréciation de la prépondérance de preuve ou de l'apparence de droit.
[205] Il faut rechercher les éléments prouvés et les apprécier par le prisme de la personne raisonnable.
[206] D'un point de vue objectif, il est anormal que des voisins du CSEM doivent élever la voix pour converser dehors pendant les drags, doivent se priver d'activités extérieures le vendredi soir ou le samedi pendant l'été, préfèrent quitter leur résidence que d'endurer le bruit des courses, portent des bouchons pour travailler à l'extérieur, en viennent à souhaiter qu'il pleuve pour avoir la paix, doivent fermer leurs fenêtres pendant l'été sans réussir à échapper totalement au bruit, modulent leurs activités familiales selon l'horaire des courses, sont irrités, stressés, et appréhendent le beau temps, et tout ça à toutes les fins de semaines de la fin avril à la fin octobre.
[207] La tolérance et le bon voisinage ont des limites.
[208] La défense a beaucoup insisté sur les améliorations ou changements apportés aux activités et mesures d'atténuation mises en place au cours des ans et même en cours d'audition. Elle a choisi toutefois de ne pas présenter ses propres mesures. C'est son choix mais il est plus difficile alors de mettre en doute les témoignages des demandeurs qui n'ont vu aucune amélioration de la situation.
[209] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal en vient à la conclusion que les demandeurs ont justifié d'une apparence de droit qui requiert l'examen de la balance des inconvénients.
[210] Les demandeurs doivent démontrer que l'injonction interlocutoire est nécessaire pour empêcher que ne leur soit causé un préjudice sérieux ou irréparable, ou que ne soit créé un état de fait ou de droit de nature à rendre le jugement final inefficace.
[211] Ne pas pouvoir jouir de sa propriété à cause du bruit est un préjudice sérieux qui ne peut être compensé que difficilement[110]. Chaque jour de plus est un jour perdu qui ne reviendra jamais.
[212] La Cour supérieure a déjà émis une injonction interlocutoire ordonnant à un commerce de fermer portes et fenêtres de façon à limiter les bruits incommodants pour les voisins[111].
[213] C'est ce qui nous amène à examiner la balance des inconvénients.
[214] Les demandeurs exigent la fermeture immédiate du CSEM pendant l'instance jusqu'à ce qu'un juge de la Cour supérieure se prononce sur le fond.
[215] La question à résoudre est celle de savoir qui des demandeurs ou des défendeurs souffriront le plus de la fermeture du CSEM.
[216] Pour les demandeurs, il s'agirait de la fin du calvaire sonore qu'ils endurent, tous les étés depuis 2004.
[217] Pour le CSEM, c'est la fin de ses activités. L'entreprise sera privée de revenus. La décision interlocutoire est l'équivalent d'un jugement sur le fond. Bref, il est bien possible que le procès n'ait jamais lieu faute de combattants.
[218] Bien qu'il soit envisageable d'ordonner la fermeture d'un établissement pour cause de bruit excessif par injonction permanente[112], on n'a pas cité de cas où la fermeture pure et simplement d'un commerce a été ordonnée de façon interlocutoire.
[219] La balance des inconvénients est en faveur des défendeurs.
[220] Même si la fermeture du CSEM ne peut pas être envisagée de façon interlocutoire, cela ne signifie pas que le Tribunal ne peut pas émettre les ordonnances appropriées afin d'équilibrer les droits respectifs des parties pendant l'instance.
[221] La longue preuve a fourni de nombreux indices des mesures d'atténuation qui ont été mises en place ou qui peuvent être mises en place pour réduire les émissions sonores.
[222] Le CSEM exige désormais le silencieux pour ses « activités courantes »[113] mais pas pour les événements spéciaux où les open headers sont tolérés (sic). Le silencieux est la mesure la plus utile car il réduit le son à la source. L'expert des défendeurs s'en est fait l'apôtre.
[223] Il est étonnant de noter que cette question de silencieux n'a pas été explorée davantage par les parties ou leurs experts.
[224] On ne s'est pas demandé au départ quelles sont les normes applicables à la mise en marché de véhicules moteurs (autos et motos) au Canada (« silencieux d'origine »)[114]. Cela est certainement pertinent pour les drags du vendredi soir où il s'agit de véhicules qui vont et viennent sur le chemin public.
[225] On a aussi beaucoup parlé du remplacement de silencieux. Il est de connaissance judiciaire que pendant la vie utile d'un véhicule automobile, particulièrement sous nos climats, le silencieux peut devoir être remplacé. M. Homans a aussi parlé du remplacement par les amateurs de drag ou de motocross/VTT des silencieux d'origine par des silencieux plus performants pour en augmenter la puissance et le bruit.
[226] Il y a silencieux et silencieux. Il est de connaissance judiciaire que pour la même catégorie de véhicules automobiles ou de motocyclettes, le bruit généré par le silencieux n'est pas le même. Qui ne s'est pas déjà retourné sur le passage pétaradant d'une grosse motocyclette alors que d'autres motocyclettes du même fabricant ne provoquent aucune réaction? Un silencieux peut se trafiquer ou être évidé. Bref, la présence d'un silencieux n'assure pas nécessairement le respect d'une norme de bruit. Il y a des silencieux qui ne portent que le nom.
[227] La Loi prescrit qu'aucun élément du système d'échappement ne doit être remplacé, modifié ou enlevé de manière à rendre le système plus bruyant que celui installé lors de la fabrication du véhicule routier par le fabricant[115]. Vraisemblablement, cette règle n'est pas toujours respectée[116]. Cela rend l'examen des normes de fabrication encore plus pertinent.
[228] Le CSEM a imposé le silencieux pour les drags du vendredi soir et la pratique du motocross/VTT. Selon M. Homans, « la tendance est aux silencieux pour les drags ».
[229] Le législateur impose l'installation d'un système d'échappement (qui comprend un silencieux) tant pour le véhicule routier que pour le véhicule hors route. Il faut prendre acte de cette obligation légale.
[230] Il y a lieu de s'inspirer de la décision Ville de St-Eustache c. 149644 Canada inc.[117] où la juge Nicole Duval Hesler, alors à la Cour supérieure, a imposé par ordonnance d'injonction interlocutoire à un exploitant de piste de course de modifier son programme de courses (nombre et horaire des courses) et de soumettre les motocyclettes à un test de bruit de la Fédération Internationale Motocycliste.
[231] Le Tribunal entend donc imposer un cadre d'exploitation (nombre d'activités et heures d'exploitation) qui tiendra en compte les mesures déjà prises par le CSEM, les engagements de M. Homans devant le Tribunal et les recommandations de l'expert des défendeurs sur les mesures d'atténuation du bruit, et ce, sans mettre en péril l'exploitation de l'entreprise de CSEM pendant l'instance[118].
[232] Le cautionnement est limité à la somme de 500 $[119].
[233] La pièce P-23-A des demandeurs est un support numérique qui contient un répertoire « You Tube » dont on a voulu tirer des éléments de preuve. Le Tribunal a pu prendre connaissance à l'audience de la page Web de CSEM, volet motocross/VTT, sous l'onglet « vidéos », sur laquelle apparaît l'image d'un coureur de motocross/VTT. Si l'on clique sur cette image, une page du site You Tube s'ouvre et l'internaute peut visionner le vidéo en question où l'on voit des adeptes du motocross évoluer sur la piste de CSEM sur fond de musique (le bruit des motocyclettes a été supprimé). Cette preuve a été permise à titre d'élément matériel. Par contre, les autres liens suggérés sur la même page You Tube ne sont pas admissibles en preuve. You Tube est un site public de mise en ligne de vidéos. N'importe qui peut mettre en ligne un vidéo. Les autres vidéos suggérés par You Tube semblent être le résultat d'une association de mots-clés. Mais ce n'est pas le CSEM qui choisit les autres vidéos suggérés : ce ne sont pas des documents de l'entreprise. On ne connaît pas les auteurs de ces autres vidéos mis en ligne. L'objection à la pièce P-23-I (vidéo « Simon HQ » suggéré par You Tube) est donc accueillie. Par contre, le témoignage du défendeur Homans à qui l'on a présenté le vidéo Simon HQ et qui a vu neuf motos sur le parcours a été permis.
[234] Les vidéos « 2010 - Drag St-Élie 3 septembre 2010 »[120] et « Jet Car 28 août 2010 »[121] reconnus par le témoin Simon Homans sont admis.
[235] Mentionnons que les demandeurs ont déployé beaucoup d'énergie à collectionner des vidéos d'inconnus glanés sur le site You Tube. Certes, une image vaut 1 000 mots. Il aurait été beaucoup plus simple qu'un des demandeurs ou un cinéaste aille sur les lieux de CSEM filmer les activités de drag, de motocross/VTT et d'évènements spéciaux que d'essayer de mettre en preuve les vidéos d'inconnus mis en ligne sur le site You Tube. Cela a entraîné perte de temps et confusion.
[236] Il est clair que les échantillonnages de bruit devront être repris tant pour s'assurer de la méthodologie que pour tenir en compte les mesures d'atténuation mises en place depuis l'institution des procédures. On gagnerait en efficacité et en réduction de coûts en nommant un expert unique et en convenant d'une méthodologie[122].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[237] ACCUEILLE partiellement la demande d'injonction interlocutoire;
[238] ÉMET une ordonnance enjoignant les défendeurs Simon Homans et 9202-2680 Québec inc. à l'occasion de l'exploitation du Complexe St-Élie Motorsports de :
1. LIMITER la tenue des événements spéciaux durant la période du jour de 11 h à 17 h, à un samedi pendant le mois de juillet et à un samedi pendant le mois d'août seulement, étant entendu que l'activité peut être reportée au lendemain en cas de pluie;
2. NE PERMETTRE l'accès et l'utilisation en tout temps des installations du Complexe St-Élie Motorsports qu'aux seuls véhicules munis d'un silencieux en bon état de fonctionnement; pour plus de précision, cela inclut les drags du vendredi soir, les événements spéciaux et la pratique du motocross/VTT;
3. INTERDIRE la tenue d'activités motorisées sur le site de Complexe St-Élie Motorsports le dimanche sauf quant aux deux événements spéciaux autorisés en 1) le cas échéant;
4. NE PERMETTRE la pratique du motocross que le mercredi de 17 h à 20 h (reporté le jeudi ou le mardi en cas de pluie); le samedi de 11 h à 16 h;
5. NE PERMETTRE la pratique du VTT de 11 h à 16 h qu'un samedi sur deux seulement;
6. INTERDIRE en tout temps l'utilisation de véhicules open headers ou straight pipe même lors d'un événement spécial;
7. INTERDIRE l'utilisation des installations du Complexe St-Élie Motorsports pour la pratique de sports motorisés hors les heures et les jours autorisés par le présent jugement;
8. INTERDIRE l'accès au site du Complexe St-Élie Motorsports à tout spectateur ou participant qui ne respecte pas la présente ordonnance;
9. FERMER la barrière d'accès au Complexe St-Élie Motorsports à 23 h;
10. CESSER d'utiliser le système de sonorisation du Complexe St-Élie Motorsports à compter de 22 h;
[239] ORDONNE la publication des conclusions du présent jugement sur la page Web du Complexe St-Élie Motorsports;
[240] ORDONNE que les demandeurs fournissent une caution de 500 $;
[241] AVEC DÉPENS excluant les frais d'expert.
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__________________________________ FRANÇOIS TÔTH, J.C.S. |
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Me Sophie Lapierre |
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CAIN LAMARRE CASGRAIN WELLS |
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Procureure des demandeurs |
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Me Dominique Gilbert |
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HEENAN BLAIKIE |
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Procureur de la défenderesse Gestion Gérard Furse inc. |
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Me Guy Achim |
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Monty coulombe |
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Procureur des défendeurs Simon Homans et 9202-2680 Québec inc. |
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Me Éric Martel |
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SAUVÉ CORMIER CHABOT ET ASSOCIÉS |
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Procureur de la mise en cause |
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Dates d’audience : |
20, 21, 22 et 23 juin, 6 et 7 octobre et 1er novembre 2011 |
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[1] Les lignes roses correspondent aux lignes du cadastre et les lignes bleues représentent les limites de zones municipales.
[2] Sur la photo D-15, on voit que les résidences des Chassé-Huppé et de M. Gosselin sont situées dans une zone résidentielle, alors que la maison de Mme Beaudoin est dans la zone C-23.
[3] Drag : course de dragster. Selon le Robert, un dragster est un « véhicule de course doté d'un moteur surpuissant, destiné aux compétitions de vitesse sur une très courte distance ».
[4] P-17-A.
[5] P-17-C, P-17-E et P-18-D.
[6] P-17-D, P-17-E, P-18-A.
[7] Soit 660 pieds ou 201 m.
[8] La pièce P-24 parle de 1 000 spectateurs.
[9] Constatations du Tribunal par le visionnement du document P-23-A, « 2010 », fichier « drag St-Élie 3 sept 2010 ».
[10] P-24 : l'ouverture des portes du CSEM se fait à 11 h.
[11] P-23-B.
[12] P-25.
[13] P-24.
[14] P-23-C.
[15] Paragraphe 45 de la défense.
[16] Il y en a eu toutefois le dimanche 19 juin 2011 malgré l'annonce que pour la saison 2011, les dimanches seraient « tranquilles » (P-25-A).
[17] P-25. Cela est valable aussi pour les événements spéciaux : P-24. Voir aussi P-25-A.
[18] Témoigne sous le nom de Hélène Duranleau-Rousseau.
[19] Point de mesure P3.
[20] Le témoin a témoigné le 6 octobre 2011.
[21]
Voir les mesures prises par l'exploitant dans Saint-Eustache c. 140
644 Canada inc.
[22] D-17.
[23] D-18.
[24] D-7.
[25] D-6. Le certificat d'autorisation a été obtenu en juin 2011, D-19.
[26] D-3.
[27] L.R.Q. c. Q-2 (« LQE »).
[28]
Art.
[29] P-29.
[30] Rapport P-28.
[31] Bruit de la circulation routière à 20 m de la route 220.
[32] P-29, p. 3.
[33] Bruit résiduel + bruit de la source.
[34] P-29, p. 11.
[35] P-29, #2 « champ d'application ».
[36] Le Petit Robert : Méthode employée pour parvenir à un certain résultat. 2. Moyen, système. Procédé technique, industriel. Procédé de fabrication. Imaginer, appliquer un nouveau procédé.
[37] P-29, art. 1.
[38] P-32, annexe D.
[39] Voir la localisation, P-32 p. 10.
[40] Cela est important pour l'application de la note d'instruction 98-01, p. 3.
[41] D-15.
[42] P-32, p. 11 tableau II et p. 42.
[43] P-29, p. 3.
[44] P-32, tableau III, p. 11.
[45] Cela correspond vraisemblablement à la sortie des véhicules des spectateurs du CSEM.
[46] On ne doit pas faire simplement 56 - 50 = 6 . En effet, log a - log b = log a/b.
[47] Sur le graphique P-32, p. 34, on voit une première baisse d'activité vers 20 h 30 (accident) et une deuxième baisse vers 21 h 30 (bruine).
[48] P-32, p. 41.
[49] P-32, p. 42.
[50] Même adresse que les points 16008, 16009 et 16010 du technicien Hamel qui a cependant placé son sonomètre plus près de la route 220.
[51] P-32, p. 57.
[52] P-32, p. 16.
[53] P-32, p. 56.
[54] P-32, p. 52 au point P6.
[55] P-32, p. 55.
[56] Au point P7, en zone III, la limite est de 55 dBA alors que l'expert a utilisé un bruit résiduel de 53 dBA. Voir P-32, p. 18, tableau VI.
[57] P-32, p. 56.
[58]
Art.
[59] Afin de respecter la note d'instructions 98-01 qui, selon lui, requiert que le critère de bruit doit être respecté en tout point sur le territoire d'une résidence.
[60] P-32, p. 6 et P-32-B, p. 5 et 13.
[61] P-32-B, p. 13, tableau 1.
[62] P-32-B, plus particulièrement à la p. 13.
[63] P-32, p. 13 Tableau 1.
[64] P-32, p. 12, 40 et 45. Aux fins de la note d'instructions 98-01, c'est en période de nuit.
[65] P-32-B, p. 10.
[66] P-32, p. 13 Tableau 1.
[67] P-32, p. 55.
[68] P-32, p. 19.
[69] P-32, p. 12-13.
[70] P-32, p. 17.
[71]
Dans la zone C-23, il est permis d'avoir deux usages principaux dans deux
bâtiments distincts. Dans ce cas, l'un des usages doit être résidentiel. Art.
[72] P-29, page p. 3.
[73] Par exemple, une mesure de 41 dBA prise à 21 h et indiquée comme bruit résiduel de jour, P-32, p. 11, tableau II, point P2.
[74] Par exemple, une limite de 53 dBA au point P6, P-32, p. 18, tableau VI alors qu'on aurait dû lire 50 dBA, p. 16.
[75] Par exemple, P-32, p. 11, tableau II.
[76] Il faut admettre qu'il est assez difficile de prendre la mesure du bruit résiduel en face du CSEM un vendredi soir pendant l'été puisqu'il y a du drag à tous les vendredis soirs… En fait, il faudrait installer le sonomètre le long de la route 220 à un endroit exposé au même trafic routier au même moment mais qui ne serait pas exposé au bruit du CSEM (appelé « point de substitution »). À défaut, on peut utiliser les mesures faites immédiatement avant ou immédiatement l'activité sonore qu'on veut évaluer.
[77] 11 km du CSEM, ce qui est la station météo la plus proche du CSEM.
[78] P-29, p. 9, section 4.2.
[79] P-32, p. 35, 38, 41, 44 et 46, zone ombrée.
[80] D-15.
[81] P-29, p. 3.
[82] P-32-B, p. 13.
[83] P-32, p. 17.
[84] P-32-B, p. 10
[85] Bruit résiduel immédiatement avant l'activité à 18 h.
[86] P-32, p. 40.
[87] P-32, p. 11, tableau III.
[88] P-32, p. 16, tableau V.
[89] Voir la photo D-15.
[90] Décibel a calculé un dépassement de 8 dBA (P-32, p. 18, Tableau IV). La limite est fixée à 53 dBA. Or, elle devrait être 50 dBA (P-32, p. 16 Tableau IV).
[91] P-32, p. 41.
[92] P-29, annexe V.
[93] D-16, p. 2.
[94]
Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette,
[95] L.R.Q., chapitre Q-2.
[96]
Iredale c. Mont-Tremblant
(Ville de)
[97] P-29, art.2.
[98] Paragr. [33].
[99] Paragr. [34].
[100] Voir le graphique pour le point P3, P-32 p. 41.
[101] D-21 et D-22.
[102] D-22.
[103] Voir le graphique pour le point P7, P-32 p. 56-57.
[104] D-20.
[105] Carte P-27-C.
[106] Par. 29 de la défense.
[107] Ouverture des portes à 17 h 30. Tenue des courses de 18 h 30 à 21 h 30 en début et fin de saison : affidavit de M. Homans, paragr. 7.
[108] Affidavit de M. Homans, paragr. 24.
[109] Affidavit de M. Homans, paragr. 25-26-27.
[110]
Ville de Saint-Eustache c. 140 644 Canada inc.
[111]
Cloutier c. Huard,
[112]
Roy c. Usinage Nado inc.
[113] D-16, p. 2.
[114] Règlement sur la sécurité des véhicules automobiles C.R.C., ch. 1038, art. 5 et annexe V. Code de la sécurité routière L.R.Q., c. C-24.2, art. 258 -260, 621. Loi sur les véhicules hors route L.R.Q., c. V-1.2, art. 2, 6.
[115] Règlement sur les normes de sécurité des véhicules routiers R.R.Q., c. C-24.2, r. 32, art. 94 et 130.
[116]
Par exemple : Granby (Ville de) c. Tétreault
[117]
[118]
Raisonnement suivi : Brissette c. Pépin
[119]
Art.
[120] http://www.youtube.com/watch?v=jdTAot-q64k sur P-23-A /dossier maître/you tube/instructions.
[121] http://www.youtube.com/watch?v=DHVSmn0oP_E sur P-23-A /dossier maître/you tube/instructions.
[122] Par exemple, en mesurant la puissance à la source.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.