Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Vachon c. Carrier

2012 QCCA 821

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-007262-113

(350-17-000126-097)

 

DATE :

 4 mai 2012

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

LORNE GIROUX, J.C.A.

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

JEAN BOUCHARD, J.C.A.

 

 

GILLES VACHON

et

CHARLES VACHON

APPELANTS - défendeurs

c.

 

AIMÉE-ROSE CARRIER

INTIMÉE - demanderesse

et

HAROLD VACHON, ès qualités de liquidateur à la succession de feu Aimée-Rose Carrier

INTIMÉ EN REPRISE D’INSTANCE

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           La Cour statue sur l’appel d’un jugement rendu le 25 novembre 2010 par la Cour supérieure du district de Beauce (l’honorable Catherine La Rosa), qui a accueilli la requête pour jugement déclaratoire de l’intimée et déclaré que cette dernière était autorisée à vendre sa propriété immobilière et que les appelants ne détenaient aucun droit réel sur cette propriété.

[2]           Pour les motifs du juge Giroux auxquels souscrivent les juges Dufresne et Bouchard, la Cour :

[3]           REJETTE l’appel, avec dépens.

 

 

 

 

LORNE GIROUX, J.C.A.

 

 

 

 

 

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

 

 

 

 

 

JEAN BOUCHARD, J.C.A.

 

Me G. Marc Henry

Quessy, Henry, St-Hilaire

Pour les appelants

 

Me Jean-Claude Chabot

Les avocats Chabot et associés

Pour l’intimé en reprise d’instance

 

Date d’audience :

25 avril 2012



 

 

MOTIFS DU JUGE GIROUX

 

 

[4]           L’appel est d’un jugement rendu le 19 novembre 2010 par la Cour supérieure du district de Beauce (l’honorable Catherine La Rosa), qui a accueilli la requête pour jugement déclaratoire de feu Aimée-Rose Carrier [l’intimée] et déclaré que cette dernière était autorisée à vendre sa propriété immobilière et que les appelants ne détenaient aucun droit réel sur cette propriété[1].

1.         LES FAITS ET LE JUGEMENT

[5]           Durant les années 1980, les appelants installent chacun leur roulotte sur le terrain de Paul-Maurice Vachon, leur oncle, avec la permission de ce dernier. Ils y passent du temps toutes les fins de semaine de l’été, pendant les vacances de la construction, les vacances de Noël et durant le temps de la chasse à l'automne.

[6]           Le 20 mai 1993, M. Vachon rédige son dernier testament, dans lequel il lègue à titre particulier à son épouse, l'intimée, la propriété de l'immeuble portant le numéro de lot [...], canton Watford.

[7]           Ce testament contient également une « Clause spéciale relativement à la résidence familiale » :

Dans l'éventualité où mon épouse ou mes enfants devenaient propriétaires de la résidence familiale, je désire par les présentes que telle résidence demeure un lieu familial où tous les membres de ma famille pourront se réunir et elle ne devra être vendue uniquement en cas de nécessité ou à moins que toutes les personnes ou leur représentant détenant des droits sur ledit immeuble y consentent.

Je déclare également que mon neveu Gilles Vachon a installé une roulotte sur la terre familiale, soit sur le lot [...], canton Watford. En cas de décès, je désire que mon neveu continue à occuper le terrain sur lequel est érigé [sic] sa roulotte. Mon exécuteur devra transférer un terrain à ce dernier avec tous les droits accessoires (servitude de passage et/ou servitude de puisage d'eau etc.) si cela devenait nécessaire pour régulariser sa situation. Ce même droit s'applique à mon neveu Charles Vachon.

[8]           M. Vachon décède le 12 août 1993 et la propriété est alors transférée à l'intimée. Leurs fils sont nommés exécuteurs testamentaires conformément à la clause 8 du testament P-2. À cette époque, les appelants occupent toujours une partie du terrain de l'intimée.

[9]           Au cours de l'été 2001, l'appelant Gilles Vachon fait une offre d'achat sur la propriété de l'intimée. Celle-ci la refuse.

[10]        En septembre 2002, l'appelant Gilles Vachon décide de quitter les lieux et cède sa roulotte à l'intimée. Il n'y retournera jamais.

[11]        En mai 2005, l'appelant Charles Vachon déménage sa roulotte sur sa nouvelle propriété. Il explique être parti parce qu'il a eu l'occasion d'acheter une fermette et parce qu'il savait que, lorsque l'intimée vendrait sa terre, il serait expulsé des lieux. De plus, l'atmosphère n'était plus la même depuis que l'intimée avait refusé l'offre d'achat faite par son frère.

[12]        En novembre 2009, l'intimée désire conclure avec un tiers la vente de sa propriété. Le notaire instrumentant la vente lui fait toutefois part de l'existence de la « Clause spéciale relativement à la résidence familiale » contenue au testament. Selon le témoignage de l’intimée, en effet, ses deux fils qui étaient désignés exécuteurs testamentaires au testament ne l’ont jamais informée de la clause spéciale entre le moment de l’ouverture de la succession en août 1993 et le moment où elle a voulu vendre sa maison en novembre 2009.

[13]        Il appert également du témoignage de l’intimée et de l’appelant Charles Vachon que les appelants n’ont pas davantage été informés par les exécuteurs testamentaires de l’existence de la clause qui les concernait. Ils ne l’apprendront qu’en 2009 lorsque le notaire chargé par l’intimée de vendre sa propriété les contactera pour leur faire signer une renonciation à tout droit pouvant leur résulter de la clause spéciale du testament.

[14]        Le 2 novembre 2009, les avocats de l'intimée font parvenir aux appelants une mise en demeure dans laquelle ils leur expliquent que l'intimée a décidé de vendre sa propriété et que le notaire instrumentant la vente désire clarifier les titres de propriété.

[15]        Ils demandent ainsi aux appelants de signer un projet de transaction par lequel ces derniers renoncent à toutes prétentions, recours ou droit contre l'intimée ou contre l'immeuble et par lequel les parties se donnent mutuellement quittance complète quant à toute réclamation qu'elles pourraient prétendre contre l'autre partie, relativement à l'occupation du terrain.

[16]        Les appelants ayant refusé de signer ladite transaction, l'intimée dépose en Cour supérieure, le 24 novembre 2010, une requête introductive d'instance en jugement déclaratoire, en vertu de l'article 453 C.p.c.

[17]        Elle demande à la Cour de déterminer :

1. Si elle peut vendre sa propriété malgré la clause testamentaire ci-avant mentionnée;

2. Si l'immeuble est affecté de quelques droits réels en faveur de Gilles Vachon et Charles Vachon.

[18]        À l'audience en Cour supérieure, les parties s'entendent sur le fait qu'il y a « nécessité » de vendre l'immeuble, au sens de l'alinéa 1 de la clause spéciale ci-haut reproduite, puisque l'intimée est âgée et qu'elle ne peut plus y résider. Ainsi, seule demeure la question de savoir si l'alinéa 2 de cette clause confère aux appelants des droits réels sur l'immeuble.

[19]        Le 25 novembre 2010, la Cour supérieure accueille la requête de l'intimée et :

[42]      DÉCLARE que la demanderesse est autorisée à vendre la propriété sise sur le lot [...], canton Watford;

[43]      DÉCLARE que les défendeurs n’ont aucun droit réel sur la propriété de la demanderesse;

[44]      AVEC DÉPENS.

[20]        À partir des principes d’interprétation des testaments qu’elle a énoncés, la juge de première instance détermine que l’intention du testateur était de permettre à ses neveux de continuer sans interruption à jouir de leurs roulottes situées sur le terrain de la résidence familiale. Comme les neveux n’y ont plus de roulotte depuis plusieurs années, la juge est d’avis que l’intention du testateur n’était pas d’accorder aux neveux, qui n’ont plus de roulotte sur les lieux, la propriété coûte que coûte de la portion de terrain qu’ils ont utilisée.

[21]        Puisque personne n’a forcé les appelants à quitter les lieux et qu’ils sont partis de leur propre gré, il n’y a plus lieu de protéger la portion de terrain qu’ils utilisaient pour jouir de leur roulotte. Ils n’ont donc aucun droit réel sur l’immeuble.

[22]        L’inscription en appel des appelants est de décembre 2010. L’intimée, madame Aimée-Rose Carrier, décède le 4 décembre 2011 et le liquidateur à sa succession reprend l’instance en janvier 2012.

2.         L’ANALYSE

[23]        Au soutien de leur pourvoi, les appelants font valoir que le testament leur a accordé à chacun un droit réel d’usage sur la portion de terrain qui y est mentionnée, que ce droit a pris naissance au moment du décès de leur oncle et que ce droit est convertible en droit de propriété à la condition que le transfert de la propriété soit nécessaire pour régulariser leur situation.

[24]        Ils reprochent à la juge de première instance de s’être abstenue de qualifier la nature du droit qui leur a été accordé par le testament, ce qui l’a amenée à ignorer totalement les règles relatives à l’extinction de leur droit d’usage. Ils plaident qu’aucune des causes d’extinction du droit d’usage n’est présente en l’espèce, même l’abandon, faisant valoir qu’ils ne pouvaient abandonner un droit dont ils ignoraient l’existence puisque les exécuteurs testamentaires ne les ont jamais informés du droit réel que leur conférait le testament.

[25]        Les appelants plaident enfin que la juge a erré en suggérant que la présence de roulottes sur le terrain était essentielle à leur droit. Selon eux, la référence dans le testament à l’installation des roulottes sert davantage à désigner l’assiette sur laquelle ils exercent et exerceront leur droit d’usage et d’occupation.

[26]        Je suis d’avis que la qualification des droits des appelants sur les emplacements visés par la clause spéciale de l’article V du testament est pertinente à la détermination de l’effet et de la portée de cette clause d’autant plus que l’installation des roulottes sur le terrain du testateur est antérieure de plusieurs années à la rédaction de ses dernières volontés.

[27]        Selon les appelants, le testament leur a conféré un droit réel d’usage sur la portion de terrain qui était occupée par chacune de leurs roulottes. Ce droit serait convertible en pleine propriété.

[28]        J’estime que la facture de la clause spéciale fait voir la volonté du testateur de régulariser une situation existant depuis un certain temps davantage que la création d’un droit d’usage sur son terrain. De plus, elle est peu compatible avec l’octroi d’un droit d’usage qui se limiterait à un démembrement de la propriété et qui ne serait que d’une durée temporaire (art. 1172 C.c.Q.). Pourquoi le testateur aurait-il enjoint son exécuteur testamentaire à céder la propriété d’un terrain à ses neveux si son intention n’était que de leur céder un droit réel par essence temporaire?

[29]        La situation en l’espèce s’apparente davantage à la création d’un droit de superficie en faveur des appelants par la renonciation du propriétaire au bénéfice de l’accession selon l’article 1110 C.c.Q. à la condition, cependant, que les roulottes soient devenues des immeubles. En effet, le droit de superficie ne porte que sur des immeubles[2].

[30]        La preuve est assez sommaire sur la question de savoir si les roulottes installées par les appelants dans les années 80 ont été immobilisées. Selon le témoignage de l’un des appelants, monsieur Charles Vachon, le seul qui a été entendu, il était propriétaire d’une roulotte de 40 pieds, isolée pour l’hiver puisque l’un de ses fils y a habité pendant quatre ans. De plus, la roulotte fut éventuellement portée au rôle d’évaluation par la municipalité[3], au nom de l’intimée qui était propriétaire du terrain et à qui il remboursait les taxes afférentes à la roulotte. En l’absence de toute preuve contraire, ces indices sont suffisants pour en conclure que cette roulotte est devenue immeuble même si l’appelant l’a déménagée, avec l’autorisation de la municipalité, sur la fermette qu’il avait acquise l’année précédente. Quant à la roulotte de l’autre appelant, monsieur Gilles Vachon, tout ce que la preuve révèle c’est qu’elle était située dans le voisinage de celle de l’autre appelant et qu’il l’a laissée sur place lorsqu’il a quitté les lieux en 2002. L’énoncé sommaire des moyens de défense des appelants allègue cependant qu’ils ont acquitté les taxes foncières municipales pendant toute la durée de leur occupation.

[31]        Si les roulottes sont devenues des immeubles, la création d’un droit de superficie en faveur des appelants résulte de l’autorisation de construire ou d’installer un immeuble qui leur a été donnée par le propriétaire du terrain et l’intention de ce dernier de renoncer au bénéfice de l’accession (art. 1110 C.c.Q.). Même si la clause litigieuse du testament n’a pas été portée à la connaissance des appelants avant 2009, elle n’en démontre pas moins l’intention du testateur, telle qu’elle existait de son vivant en mai 1993, d’accorder son autorisation à l’installation des roulottes des appelants sur son terrain et à leur occupation continue. Il ne s’agissait pas d’une simple tolérance. Si le testateur autorisait à l’avance son exécuteur testamentaire à céder la parcelle de terrain requise avec les droits accessoires « si cela devenait nécessaire pour régulariser sa situation », c’est qu’il renonçait sans réserve au bénéfice de l’accession[4]. Par ailleurs, après le décès du testateur, tant les appelants que l’intimée confirment que cette dernière, alors devenue propriétaire, n’a jamais remis en question cette autorisation jusqu’à ce que les appelants quittent les lieux de leur plein gré.

[32]        Lorsque, en 2002, l’appelant, Gilles Vachon, cède sa roulotte à sa tante, document à l’appui, et quitte définitivement les lieux, le droit de superficie s’éteint alors par consolidation : la réunion des qualités de tréfoncier et de superficiaire sur une même personne, l’intimée, alors propriétaire tréfoncière (art.  1114 C.c.Q.). Cette consolidation résulte uniquement de la volonté du propriétaire superficiaire qui, après s’être vu refuser son offre d’achat de la ferme par l’intimée, a coupé tous les liens avec cette dernière ayant même cessé de lui parler depuis lors. Par la suite, monsieur Gilles Vachon a fait l’acquisition d’une nouvelle roulotte et s’est installé sur la fermette de l’autre appelant, son frère.

[33]        En ce qui concerne monsieur Charles Vachon, il déménage sa roulotte en 2005. Il explique qu’il a eu l’occasion de s’acheter une fermette en novembre 2004 à Sainte-Rose-de-Watford et, en mai 2005, il a obtenu un permis de la municipalité pour y déménager la roulotte qui jusque-là était installée sur la ferme du testateur et, ensuite, de sa veuve. Il ajoute qu’il savait qu’au décès de l’intimée, « […] nous autres, on ne pourrait plus rester là, parce qu’on était pas au courant qu’on avait des terrains, ça fait que, aussitôt que ma tante aurait décédé, nous autres, ils nous auraient mis dehors ». Enfin, il reconnaît que, après l’offre d’achat de la ferme refusée par l’intimée, il y avait nettement un froid entre les deux frères Vachon et leurs cousins et que ce n’était plus « la même atmosphère ».

[34]        Toujours en tenant pour acquis que les appelants détenaient un droit de superficie sur l’immeuble du testateur, le déménagement en 2005 par monsieur Charles Vachon de sa roulotte en un autre lieu pose la question de l’abandon de son droit réel de propriété superficiaire.

[35]        La faculté d’abandon est en effet une des prérogatives du droit réel. Elle est bien expliquée par le professeur Sylvio Normand :

1.3.4    Faculté d’abandon

Le droit réel attaché à un bien s’éteint par abandon. Cette faculté est un acte unilatéral qui exprime la volonté du titulaire d’un droit réel de renoncer à son droit. L’acte n’exige donc pas le concours d’un tiers. Une telle prérogative découle de l’étendue des pouvoirs reconnus au titulaire d’un droit réel sur l’objet de son droit. L’abandon présente un caractère abdicatif, il n’est pas translatif d’un droit réel. Le droit abandonné ne constitue plus un élément du patrimoine de celui qui y renonce, il est désormais un droit éteint. Le caractère abdicatif de l’abandon explique qu’il soit possible de renoncer à un droit incessible.

En plus d’entraîner la disparition d’un droit réel, l’abandon libère celui qui l’exerce des charges réelles qui pesaient sur son droit. […][5]

[36]        Il est également bien acquis que l’abandon tout comme la renonciation à un droit ne se présume pas, même si la renonciation peut être tacite :

Parce que la renonciation est une abdication, elle ne se présume pas : Nemo res suas jactare praesumitur. Et pour qu’il y ait renonciation tacite, il faut que les faits dont on voudrait l’induire soient tels qu’ils fassent voir une volonté manifeste d’abandonner le droit, c’est-à-dire que ces faits soient contraires au droit dont il s’agit, ou inconciliables avec lui.[6]

[37]        Selon la Cour suprême, la renonciation tacite s’induit de faits non équivoques qui impliquent nécessairement la volonté du créancier d’abandonner son droit[7]. Les appelants plaident qu’en remettant la roulotte à la propriétaire tréfoncière, d’une part, et en transportant l’autre roulotte ailleurs, d’autre part, ils n’ont pas abandonné un droit dont ils ne pouvaient connaître l’existence puisqu’ils n’ont appris qu’en 2009 l’existence de la clause spéciale au testament. Ils font valoir que leur consentement à mettre fin à leur occupation, bien qu’il ait été libre, n’a pas été éclairé puisqu’il a été vicié par le dol des exécuteurs testamentaires qui, en contravention de leurs devoirs, les ont laissés dans l’ignorance du droit que leur accordait le testament.

[38]        Cet argument doit être rejeté. Rien dans la preuve ne permet d’imputer dol ou mauvaise foi aux exécuteurs testamentaires ou liquidateurs du testateur[8]. Dans leur énoncé sommaire des moyens de la défense, les appelants reprochent à l’intimée et au liquidateur successoral d’avoir « négligemment et sciemment »[9] fait défaut de les aviser de leurs droits. Ils n’ont cependant administré aucune preuve permettant de savoir si les exécuteurs ou liquidateurs testamentaires ont fait défaut de faire l’inventaire requis par la clause VIII du testament P-2 ou, l’ayant fait, ont omis de les y appeler[10] ou de les en informer[11].

[39]        De plus, la clause spéciale n’a pas créé le droit des appelants. Ce droit existait avant et la clause ne fait que le confirmer. Le seul droit nouveau qu’elle prévoit c’est la cession aux appelants de la parcelle de terrain qui servait d’assise à leur droit de superficie et, encore là seulement, « […] si cela devenait nécessaire pour régulariser leur situation ».

[40]        Lorsque l’appelant Charles Vachon a enlevé sa roulotte en 2005 pour aller l’installer ailleurs, il a agi librement et de son plein gré. C’est ce que la juge de première instance a inféré de la preuve[12] et les appelants n’ont pas démontré d’erreur manifeste et dominante dans ce constat factuel. Il a ainsi abandonné son droit réel qui s’est dès lors éteint[13].

[41]        Je signale que, même dans l’hypothèse où les appelants auraient plutôt été titulaires d’un droit d’usage de la propriété de l’intimée, ce droit s’est éteint par la réunion des qualités d’usager et de nue-propriétaire dans la personne de cette dernière lorsque l’appelant Gilles Vachon lui a remis sa roulotte et a quitté les lieux en 2002 ainsi que le prévoient les articles 1176 , al. 1 et 1162(3) C.c.Q. Quant au droit d’usage de l’appelant Charles Vachon, il s’est alors éteint par abandon lorsqu’il a déménagé sa roulotte en 2005 (art. 1162 (4) C.c.Q.).

[42]        À la date de l’institution des procédures, les appelants ne pouvaient prétendre à aucun droit sur l’immeuble en vertu de la clause spéciale du testament et l’intimée pouvait donc en disposer.

[43]        Pour ces motifs, je rejetterais l’appel.

 

 

 

 

LORNE GIROUX, J.C.A.

 



[1]     2010 QCCS 5747 .

[2]     S. Normand, Introduction au droit des biens, Montréal, Wilson & Lafleur, 2000, p. 187-188; P.-C. Lafond, Précis de droit des biens, 2e éd., Montréal, Thémis, 2007, n°s 1550-1558, p. 694-698; D.-C. Lamontagne, Biens et propriété, 6e éd. Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, n°s 429-431, p. 295-296.

[3]     En principe, seuls les immeubles sont portés au rôle d’évaluation municipal : Loi sur la fiscalité municipale, L.R.Q., c. F-21, art. 31 .

[4]     Sur la distinction entre la tolérance et l’autorisation dans le contexte de la création d’un droit de superficie par renonciation au bénéfice de l’accession, voir : Morin c. Grégoire, C.S. Joliette, n° 19539, 21 janvier 1967, j. A. Mayrand, publié à (1969) 10 C. de D. 379.

[5]     S. Normand, ouvrage précité, note 2, aux p. 37-38 (les références sont omises).

[6]     D’Assylva c. D’Assylva, [1954] B.R. 511 , à la p. 516.

[7]     Gingras et Immeubles Adams c. Gagnon, [1977] 1 R.C.S. 217 , à la p. 222.

[8]     La succession s’étant ouverte le 12 août 1993, la preuve n’indique pas si la liquidation était commencée au 1er janvier 1994 de telle sorte qu’il n’est pas possible en l’espèce de déterminer si elle est régie par le C.c.B.-C. ou le C.c.Q. selon les articles 37 et 45 de la Loi sur l’application de la réforme du Code civil, L.Q. 1992, c. 57.

[9]     Énoncé sommaire des moyens de défense, paragr. 12.

[10]    Art. 919, al. 1 C.c.B.-C.

[11]    Art. 796 C.c.Q.

[12]    Jugement de première instance, précité, note 1, aux paragr. 6 à 8, 34 et 41.

[13]    « En effet, aucun droit réel ne peut survivre à la disparition de son objet. Pas d’objet, pas de droit en l’espèce. » F. Frenette, La propriété superficiaire, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur / Chambre des notaires du Québec, 2005, n° 58, à la p. 26.

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