Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp. |
2012 QCCS 1870 |
JR1353 (Class Action Division) |
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CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE MONTRÉAL |
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N° : |
500-06-000076-980 500-06-000070-983 |
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DATE : |
Le 2 mai 2012 |
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_______________________________________________________________ SOUS LA PRÉSIDENCE DE: L'HONORABLE BRIAN RIORDAN, J.C.S. _______________________________________________________________ |
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No 500-06-000076-980 |
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CONSEIL QUÉBÉCOIS SUR LE TABAC ET LA SANTÉ et JEAN-YVES BLAIS Demandeurs c. |
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JTI-MACDONALD CORP. ("JTI") et IMPERIAL TOBACCO CANADA LTÉE ("ITL") et ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC. ("RBH") Défendeurs / Demandeurs en garantie (ensemble: les "Compagnies") c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ("Canada") Défendeur en garantie |
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______________________________________________________________ JUGEMENT SUR LA REQUÊTE DES DEMANDEURS POUR IMPOSER DES SANCTIONS AUX DÉFENDERESSES À LA SUITE DE LEUR REFUS DE RECONNAÎTRE LA VÉRACITÉ DE PIÈCES EN VERTU DE L'ARTICLE
AFIN QUE DES DOCUMENTS SOIENT ADMIS EN PREUVE ______________________________________________________________
AND |
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NO 500-06-000070-983 |
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CÉCILIA LÉTOURNEAU Demanderesse |
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c. JTI-MACDONALD CORP. et IMPERIAL TOBACCO CANADA LTÉE et ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC. Défendeurs / Demandeurs en garantie c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA Défendeur en garantie |
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JUGEMENT SUR LA REQUÊTE DES DEMANDEURS
POUR IMPOSER DES SANCTIONS AUX DÉFENDERESSES
À LA SUITE DE LEUR REFUS DE RECONNAÎTRE LA VÉRACITÉ
DE PIÈCES EN VERTU DE L'ARTICLE
AFIN QUE DES DOCUMENTS SOIENT ADMIS EN PREUVE
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LA REQUÊTE
[1] Dans les présents dossiers, les parties ont adopté un processus par lequel elles ont communiqué entre elles au préalable tous les documents en leur possession étant pertinents aux questions soulevées dans les actions principales ainsi que dans les actions en garantie[1]. Ainsi, des dizaines de millions de pages de documents ont été échangées avant le début du procès, voire avant le début des interrogatoires au préalable, le tout (ou presque) par moyen électronique.
[2]
Après avoir analysé les
documents reçus d'ITL et des autres Compagnies, les demandeurs ont fait
signifier plusieurs avis en vertu de l'article
[3] La présente requête pour imposer des sanctions résulte de la dénégation par ITL de cinq pièces (les « Dénégations »), ainsi que de sa probable dénégation de trois pièces additionnelles pour lesquelles les délais ne sont pas encore expirés à la suite d'un Avis. Quant à ces trois derniers documents, le Tribunal ne peut présumer de la position d'ITL à cet égard et ne se prononcera donc pas pour le moment.
[4] Les cinq pièces faisant l'objet des Dénégations (les « Cinq Pièces ») émanent toutes d'ITL,soit:
· Audio tape and transcript of an interview given by Paul Paré on October 8, 1969 (Numéro de contrôle: CAS1627);
· Memo to Wayne Knox from Bob Bexon dated November 20, 1984 (Numéro de contrôle: MRPF3802);
· Handwritten memo from Bob Bexon to W. Tennyson and W. Sanders dated December 6, 1995 (Numéro de contrôle: MRPF3784);
· Transcript of a statement by Paul Paré at a press conference in Ottawa on September 21, 1971 (Numéro de contrôle: PAS1624);
· Statement by Paul Paré (to the press) in June 1971 (Numéro de contrôle: PAS1634).
[5] En ce qui concerne la transcription faisant partie de la pièce CAS1627, que les demandeurs ont fait faire par un sténographe officiel à même l'enregistrement fourni par ITL, la réponse d'ITL est « Deny ». Quant aux quatre autres, ITL répond: « Does not admit without an appropriate witness/witnesses testifying ».
[6] Les demandeurs sont étonnés par la position d'ITL[3]. Ils soulignent que ce sont des documents qu'ITL possède dans ses propres dossiers et pour lesquels elle admet la pertinence du fait de les avoir communiqués aux autres parties. Quant à la transcription, l'enregistrement audio provient d'ITL et la transcription a été faite par un sténographe officiel. Les demandeurs plaident qu'ITL ne peut de bonne foi nier l'authenticité de ces pièces aux fins de l'article 403 - et de l'article 54.1.
[7] Ainsi, les demandeurs formulent la présente requête en vertu de l'article 54.1 et recherchent les conclusions suivantes:
DÉCLARER
que
les avis de dénégation d’ITL produits sous les cotes R-1 et R-2 en vertu de
l’article
RADIER
les
avis de dénégation en vertu de l’article
AUTORISER la production en preuve au dossier de la Cour pour faire preuve de leur authenticité (véracité) les documents divulgués par ITL et portant les numéros de contrôle suivants: ES20453, PAS1624, PAS1634, CAS1627, MRPF3804, MRPF3784, CL12556 et CL10174;
RÉSERVER
les
droits des demandeurs de présenter éventuellement des demandes similaires pour
prouver l’authenticité de tout autre document qui a fait l’objet d’un affidavit
de dénégation en vertu de l’article
[8] Il est à noter que les demandeurs limitent leurs conclusions à la question de « l'authenticité (véracité) » des documents, mettant de côté l'aspect possiblement épineux de leur exactitude. Nous en parlerons davantage ci-après.
[9] Le Tribunal aura donc à répondre aux questions suivantes dans le cadre de la présente requête:
a.
Est-ce qu'ITL a
commis un abus au sens de l'article
b. Si oui, est-ce que le Tribunal peut radier les Dénégations en vertu des pouvoirs accordés par les articles 54.1 et seq. ou est-il plutôt limité par la sanction prévue à l'article 403?
c. Le cas échéant, quel est le statut de ces pièces à la suite de la radiation en ce qui concerne leur production au dossier de la Cour, l'étendue des éléments qu'ils prouvent et des éléments qu'ils ne prouvent pas?
[10] Toutefois, avant d'aborder ces
questions, il apparaît utile d'effectuer un survol de l'énigmatique article
QUELLE EST LA PORTÉE DE ARTICLE
[11] Les portions pertinentes de cet article sont ainsi libellées:
403. Après production de la défense, une partie peut, par avis écrit, mettre la partie adverse en demeure de reconnaître la véracité ou l'exactitude d'une pièce qu'elle indique. … La véracité ou l'exactitude de la pièce est réputée admise si, dans les dix jours ou dans tel autre délai fixé par le juge, la partie mise en demeure n'a pas signifié à l'autre une déclaration sous serment niant que la pièce soit vraie ou exacte, ou précisant les raisons pour lesquelles elle ne peut l'admettre. … Le refus injustifié de reconnaître la véracité ou l'exactitude d'une pièce peut entraîner condamnation aux dépens qu'il occasionera. |
403. After the filing of the defence, a party may, by notice in writing, call upon the opposite party to admit the genuineness or correctness of an exhibit. ... The genuineness or correctness of the exhibit is deemed admitted unless, within 10 days or such time as the judge may fix, the party called upon to admit its genuineness or correctness serves on the other party a sworn statement denying that the exhibit is genuine or correct, or specifying the reasons why he cannot so admit. … The unjustified refusal to admit the genuineness or correctness of an exhibit may result in a condemnation to the costs resulting therefrom. |
[12] L'interprétation donnée à cet article par la jurisprudence et les auteurs semble susciter une certaine confusion entre les mots « véracité » et « exactitude ». Cependant, ils ne peuvent signifier la même chose, constatation qu'une analyse de la version anglaise: « genuineness » et « correctness », confirme, tel que noté par le juge Maurice Archambault dans un jugement de 1973[4].
[13] Qui plus est, le Tribunal n'a trouvé aucune analyse portant sur l'utilisation du « ou » et non du « et » dans cette disposition. Par ce choix de mot, le législateur offre des alternatives aux plaideurs cherchant des admissions, soit que la partie adverse admette la véracité de la pièce, soit qu'elle en admette son exactitude, soit les deux. Toutefois, en général les juristes québécois ne se prévalent que de la première option visant la véracité de la pièce.
[14] Pourquoi? De telles options dans le cadre d'admissions n'offensent pas les sensibilités, car ce sont des questions pertinentes à toute pièce déposée en preuve. D'un côté, un tribunal va s'enquérir de la confection d'une pièce, c'est-à-dire, de sa véracité/genuineness, qui se traduit souvent par le mot « authenticité ». D'un autre côté, il examinera la force probante de son contenu, c'est-à-dire, son exactitude/correctness.
[15] À quoi peut référer le concept de l'exactitude ou correctness si ce n'est qu'à l'égard du contenu? Et pourquoi serait-il exclu de rechercher, par le biais d'un Avis, une admission quant à l'exactitude du contenu?
[16] Néanmoins, la jurisprudence et la doctrine excluent cette possibilité, bien que de telles admissions se fassent régulièrement. Et, après tout, une partie peut simplement nier l'exactitude du contenu en suivant la procédure établie par le code.
[17] Rappelons que devant le tribunal l'évaluation de l'authenticité et de la force probante d'un document se déroule généralement en parallèle. Mais, ces processus ne devraient pas être confondus avec une autre analyse, soit l'examen de l'admissibilité en preuve de la pièce. Parce qu'un document est authentique et que son contenu est exact ne veut pas dire qu'il est admissible en preuve. Il peut exister d'autres obstacles, notamment l'absence de pertinence, le ouï-dire ou le secret professionnel.
[18] Non seulement une telle consolidation de la véracité d'une pièce avec son exactitude ne semble pas se justifier par le texte de l'article 403, mais de plus elle peut mener à des situations délicates.
[19] Que faire, par exemple, face à une mise en demeure de reconnaître la véracité ou l'exactitude d'une pièce dans un Avis, comme l'on voit si souvent? S'il n'y a pas de dénégation, laquelle des deux est reconnue, la véracité ou l'exactitude?
[20] Au minimum, nous croyons qu'il faudrait préciser dans l'Avis que l'on demande la reconnaissance de l'une ou de l'autre - ou des deux en employant le mot « et ».
[21] Soulagé à la suite de cette tirade, le Tribunal n'a pas l'intention de s'éloigner de l'état actuel du droit québécois sur la question présentement. En fait, les demandeurs ne demandent pas plus que la véracité/authenticité des Cinq Pièces soit réputée admise. Ils ne recherchent pas d'ordonnance quant à leur contenu. Cela dit, il faut quand même déterminer jusqu'où va cette admission réputée.
[22] Les auteurs Ducharme, d'un côté, et Tessier et Dupuis, de l'autre, sont unanimes sur le but de l'article 403 qui est de faciliter la preuve de la confection d'un document dans le sens d'en établir son authenticité aux fins de sa production au dossier lors du procès[5]. Notre analyse nous amène aux conclusions suivantes en ce qui concerne l'état d'un document[6] réputé admis via cet article:
a.
Le document peut
être déposé en preuve au procès sans qu'un témoin compétent (ayant une
connaissance personnelle) ne témoigne pour l'authentifier et le produire, sujet
à certaines conditions mentionnées ci-dessous (Tessier et Dupuis, Note 4, page 265;
Côté-Gagnon c. 9113-5830 Québec inc.,
b. L'aspect matériel du document, c'est-à-dire son authenticité, est tenu pour prouvé (Tessier et Dupuis, Note 4, page 265; Ducharme, Note 4, paragr. 777);
c. Le document n'est ni un faux, ni une version altérée après sa rédaction (Ducharme, Note 4, paragr. 788);
d. Le document émane de la personne qui en est apparemment l'auteur (Ducharme, Note 4, paragr. 777; Tessier et Dupuis, Note 4, pages 265-266);
e. Les signatures y apposées, le cas échéant, sont réputées ne pas être fausses (Ducharme, Note 4, paragr. 788);
f. Le document peut toujours être contesté quant à son admissibilité, par exemple, pour cause de pertinence (Ducharme, paragr. 790; Tessier et Dupuis, Note 4, page 266) ou de secret professionnel, etc.;
g. L'aspect intellectuel du document, soit l'exactitude de ce qui y est rédigé, n'est pas admis en preuve, à moins qu'un témoin compétent ne confirme cet élément (Ducharme, paragrs. 778, 790, 792; Tessier et Dupuis, Note 4, page 266).
[23] Puisque nous accueillerons la présente requête et radierons les Dénégations, dans notre appréciation de la preuve nous appliquerons ces principes aux Cinq Pièces. Plus précisément, et la précision est vitale vu l'impossibilité d'assigner les témoins appropriés pour authentifier ces documents au procès, nous accepterons leur dépôt en preuve, sujet aux règles et conditions énoncées ailleurs dans ce jugement.
Y A-T-IL ABUS AUX FINS DE L'ARTICLE 54.1?
[24] D'emblée, précisons que malgré l'emploi du mot « défenderesses » à l'occasion dans la présente requête, elle ne vise en réalité que des gestes posés par ITL. D'ailleurs, les demandeurs ne reprochent ni à JTI ni à RBH, qui ont reçu les mêmes Avis, d'y avoir répondu comme elles l'ont fait. Ainsi, le Tribunal n'analysera que le comportement d'ITL ici et toute ordonnance prononcée ne visera que cette défenderesse.
[25] La disposition pertinente du Code de procédure civile est l'article 54.1, qui est rédigé ainsi:
54.1. Les tribunaux peuvent à tout moment sur demande et même d'office après avoir entendu les parties sur le point, déclarer qu'une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif et prononcer une sanction contre la partie qui de manière abusive. L'abus peut résulter d'une demande en justice ou d'un acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d'un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de la mauvaise foi, de l'utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, notamment si cela a pour effet de limiter la liberté d'expression d'autrui dans le contexte de débats publics. |
54.1. A court may, at any time, on request or even on tis own initiative after having heard the parties on the point, declare an action or other pleading improper and imose a sanction on the party concerned. The procedural impropriety may consist in a claim or pleading that is clearly unfounded, frivolous or dilatory or in conduct that is vexatious or quarrelsome. It may also consist in bad faith, in a use of procedure that is excessive or unreasonable or causes prejudice to another person, or in an attempt to defeat the ends of justice, in particular if it restricts freedom of expression in public debate. |
[26] Dans l'optique de l'article 54.1, la question à laquelle le Tribunal doit répondre devient donc à savoir si les Dénégations sont manifestement mal fondées, frivoles ou dilatoires ou démontrent de la mauvaise foi ou une utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable.
[27] La réponse à cette question n'est pas difficile à reconnaître. C'est un « oui » sur sur toute la ligne, du moins en ce qui concerne l'authenticité des pièces.
[28] Comment qualifier autrement le refus par ITL d'admettre l'authenticité de documents créés pour la plupart par ses propres cadres et transmis par ses propres procureurs à la partie adverse en vertu de son propre engagement de communiquer tout ce qui est pertinent au débat? Et comment qualifier son insistance qu'un témoin vienne déposer sur la question alors que tous reconnaissent que les personnes appropriées sont pour la plupart décédées - si ce n'est pas « abusif » dans le sens de l'article 54.1?
[29] ITL voudrait que les demandeurs tentent
de déposer de telles pièces en vertu de l'article
[30] ITL plaide que même si elle n'a pas raison dans son interprétation de l'effet des Avis, son refus d’admettre les Cinq Pièces ne peut être qualifié d’abusif car elle est en droit de contester leur production en preuve pour d'autres motifs. Soit, mais cela ne la justifie pas de refuser d'en reconnaître l'authenticité.
[31] Ailleurs dans sa plaidoirie, ITL souligne avec raison la distinction entre l’authenticité d’un document et son admissibilité en preuve et sa valeur probante. Alors, elle devait savoir que rien ne l'empêchait de formuler son admission ou sa dénégation afin de réserver ses droits - en présumant que c'était nécessaire - quant à l'inadmissibilité, en raison de la non-pertinence par exemple, ou quant à la valeur probante des pièces.
[32] Cela dit, rappelons qu'ITL a déjà admis la pertinence de tous ces documents du fait de les avoir communiqués aux demandeurs au préalable. Qui plus est, l'application possible du privilège avocat-client a déjà été abordée devant un autre juge l'été dernier, et ITL n'a identifié aucune des Cinq Pièces comme faisant partie des documents potentiellement visés par le privilège.
[33] Ainsi, sa plaidoirie sur ce point n'est pas très convaincante. Elle refuse de manifester le moindre sens de collaboration et de proportionnalité sur la question, ce que sa réponse aux Avis reflète éloquemment: « Does not admit without an appropriate witness/witnesses testifying ».
[34] Cette attitude « sièclederniérienne » d'exiger une application strictissimi juris des règles de preuve n'est pas techniquement illégale - en l'absence d'une demande appropriée de la partie adverse d'appliquer des dispositions plus modernes qui visent à faciliter l'administration de la preuve. Toutefois, en présence des Avis, ITL n'avait pas le droit de se lancer dans une guerre d'usure afin de rendre difficile au maximum la production des milliers de documents que les demandeurs voudront déposer en preuve dans ces dossiers.
[35] Ces gestes cadrent parfaitement avec le libellé de l'article 54.1 qui vise des actes de procédure manifestement mal fondés, de la mauvaise foi et, surtout, de l'utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable.
[36] Les Dénégations sont abusives au sens de l'article 54.1.
EST-CE QUE LE TRIBUNAL PEUT RADIER LES DÉNÉGATIONS?
[37] C'est l'article 54.3 qu'il faut considérer dans ce contexte:
54.3. Le tribunal peut, dans un cas d'abus, rejeter la demande ou l'acte de procédure, supprimer une conclusion ou en exiger la modification, refuser un interrogatoire ou y mettre fin ou annuler le bref d'assignation d'un témoin. … |
54.3. If the court notes an improper use of procedure, it may dismiss the actionor other pleading, strike out a submission or require that it be amended, terminate or refuse to allow an examination, or annul a writ of summons served on a witness. … |
[38] Les Dénégations sont des actes de procédure. Par conséquent, l'article 54.3 semble permettre qu'elles soient rejetées ou en partie supprimées ou modifiées.
[39] Par contre, les Compagnies plaident que l'article 403 prévoit déjà une sanction: la condamnation aux dépens occasionnés. De leur avis, le Tribunal ne peut substituer ou ajouter une autre sanction.
[40] Avec égard, le Tribunal diffère d'opinion.
[41] Le législateur ne limite d'aucune façon l'application des pouvoirs et de la discrétion établis par l'article 54.1 et il serait illogique d'essayer d'en imposer une. Ce nouveau régime a pour but d'élargir les pouvoirs des juges en ajoutant des outils dans le coffre déjà disponible pour contrer le comportement abusif[7]. Pourquoi introduire de nouvelles dispositions si elles demeurent limitées par celles déjà en vigueur?
[42] Dans ce sens, nous sommes d'accord avec l'approche adoptée récemment par le juge Clément Gascon, j.c.s., tel qu'il était alors[8]. Il s'est prévalu de l'article 54.1 pour radier des dénégations sous l'article 403 dans un cas presque identique au nôtre, soit le refus de reconnaître l'authenticité de documents communiqués par la partie elle-même à la suite d'engagements lors d'un interrogatoire au préalable.
[43] Par conséquent, nous estimons que nous avons le pouvoir de supprimer ou de radier les Dénégations. Ainsi, nous accorderons les conclusions de la présente requête demandant la radiation des Dénégations en ce qui concerne les Cinq Pièces et l'autorisation de les produire en preuve pour faire preuve de leur authenticité/véracité.
[44] Quant à la demande de réserve de droits, le Tribunal ne voit pas l'utilité de prononcer des ordonnances qui n'ont aucun effet légal.
[45] En temps normal, notre tâche s'arrêterait là. Cependant, le présent dossier est particulier à plusieurs égards et nous venons d'amorcer un procès qui promet de durer entre deux et trois ans. Il est donc essentiel que les parties comprennent dès maintenant l'effet procédural et pratique que le Tribunal compte accorder à la radiation des Dénégations. Une telle précision devient d'autant plus importante vu l'intention annoncée des demandeurs de soulever le même argument chaque fois qu'une des Compagnies s'oppose au dépôt en preuve de documents fournis au préalable dans ces dossiers.
QUEL EST L'EFFET DE LA RADIATION QUANT À LA PREUVE AU DOSSIER?
[46] En plus des principes énoncés ailleurs dans ce jugement, il faut déterminer jusqu'où va l'authenticité/véracité d'une pièce. Plus précisément, quelle utilisation les demandeurs pourront-ils faire des pièces ainsi admises en preuve? Le Tribunal peut-il tenir compte de ce que dit le document, non quant à l'exactitude de l'énoncé, mais plutôt pour établir que la compagnie en connaissait le contenu?
[47] Ducharme est d'avis que oui: La reconnaissance de
la véracité d'une pièce en vertu de l'article
[48] Les demandeurs pourront donc avancer qu'ITL avait connaissance des Cinq Pièces et de leur contenu mais ne pourront prétendre par le fait même que ce qui y est écrit est vrai sans autre preuve.
[49] ITL plaide que sa simple connaissance du contenu n'a aucune utilité et que c'est une raison additionnelle pour rejeter ces documents. C'est possible, mais il serait prématuré de statuer là-dessus à ce stade.
[50] Enfin, l'argument d'ITL fondé sur l'impossibilité de contre-interroger l'auteur n'a pas d'application en l'espèce, puisque le contenu des documents n'est pas en jeu.
[51] En conclusion, le Tribunal note que les demandeurs ne cachent pas leur intention de vouloir appliquer le présent jugement afin de faire admettre tous les documents niés par ITL et communiqués par elle au préalable. C'est leur droit, comme c'est le droit d'ITL de s'objecter à la production d'autres documents de la sorte. Le processus décisionnel sur ces questions doit se dérouler pièce par pièce. Chaque objection fera l'objet d'une décision distincte qui pourra être révisée en appel selon le processus habituel en semblable matière.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[52] ACCUEILLE en partie la Requête des demandeurs
pour imposer des sanctions aux défenderesses à la suite de leur refus de
reconnaître la véracité de pièces en vertu de l'article
[53] DÉCLARE abusifs en vertu des articles
[54] RADIE les avis de dénégation en vertu de
l'article
[55] AUTORISE la production en preuve au dossier de la Cour pour faire preuve de leur authenticité (véracité) les documents divulgués par ITL et portant les numéros de contrôle suivants: PAS1624, PAS1634, CAS1627, MRPF3804 et MRPF3784.
[56] AVEC DÉPENS contre ITL en faveur des demandeurs.
_____________________________
BRIAN RIORDAN, J.C.S.
Date d'audition: le 5 avril 2012
[1] Sujet à quelques exceptions, tel le privilège avocat-client.
[2] Les parties n'ont pas mentionné le pourcentage exact des documents d'ITL couverts par les Dénégations et ce n'est pas un élément pertinent aux fins de la présente requête.
[3] Pour leur part, JTI et RBH ne semblent pas avoir manifesté la même réticence qu'ITL en ce sens, bien qu'elles appuient les arguments d'ITL quant à l'admissibilité de la pièce en preuve sans un témoin approprié et quant aux limitations en ce qui concerne l'admissibilité en preuve de la pièce et la preuve de son contenu.
[4] Balazzi c. Park Lane
Construction Ltd,
[5] Ducharme, Léo, l’administration de la preuve, 4e édition, Wilson & Lafleur, 2010, paragrs. 774-778 et TESSIER, Pierre et DUPUIS, Monique, Les qualités et les moyens de preuve, dans Preuve et procédure, Collection de droit 2011-2012, École du Barreau, vol. 2, Cowansville, Édition Yvon Blais, 2011, à la page 265.
[6] Même si le Tribunal limite souvent son analyse à des documents, nous reconnaissons que l'article 403 vise plus large en incluant toute pièce possible.
[7] Le législateur fournit d'autres
outils dans le cas d'un recours collectif par le biais de l'article
[8] Schwartz, Levitsky,
Feldman c Werbin,
[9] Op cit., Ducharme, Note 5, au paragr. 778.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.