JD 1648

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N°:

500-05-031299-975
500-05-031306-978
500-05-031332-974

DATE :

Le 13 DÉCEMBRE 2002

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ANDRÉ DENIS, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

500-05-031299-975

J.T.I. MACDONALD CORPORATION

demanderesse

c.

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

défenderesse

et

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER

intervenante

 

500-05-031306-978

ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

demanderesse

c.

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

défenderesse

et

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER

intervenante

 

500-05-031332-974

IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITED

demanderesse

c.

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

défenderesse

et

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER

intervenante

TABLE DES MATIÈRES

 

Avertissement.. 6

Les procédures et prétentions des parties. 7

La Cour supRême .. 10

La loi. 12

La preuve extrinsèque.. 17

Le droit.. 19

L’article 1 de la Charte  (l’arrêt oakes)19

Les enseignements de la Cour suprême. 22

Les conclusions de droit :22

Les conclusions de fait :24

Les admissions. 28

Les objections. 30

Les faits. 32

DISCUSSION... 33

Commentaires sur la preuve.. 33

M. Rafe S. Engle. 33

Dr Adrian Wilkinson. 33

M. Michael Waterson. 33

M. Ed Ricard. 33

Dr Roderick Pakenham Power. 34

Dr Leonard Ritter. 34

Me Yves-Marie Morissette. 35

Dr Nancy-Michelle Robitaille. 35

Dr André Castonguay. 37

M. Larry Swain. 38

Mme Judy Ferguson. 39

Dr Ronald M. Davis. 39

Dr Richard Pollay. 40

LA LIBERTÉ D’EXPRESSION.. 44

Analyse contextuelle. 44

Contestation de la loi47

Le test de Oakes. 47

L’objectif urgent et réel47

Le principe de proportionnalité. 48

(i)     Lien rationnel48

(ii)    Atteinte minimale. 49

(iii)   Proportionnalité. 49

Publicité permise et défendue    (articles 19 et 22)49

Lien rationnel51

Atteinte minimale. 51

Proportionnalité. 53

La commandite   (art. 24 et 25)53

Lien rationnel56

Atteinte minimale. 57

Proportionnalité. 57

Les produits accessoires ..................................................................... (art. 27 et 28)58

Lien rationnel58

Atteinte minimale. 60

Proportionnalité. 60

La promotion trompeuse ................................................................................ (Art. 20)60

Les célébrités ........................................................................................................ (Art. 21)60

Le matériel aux points de vente .................................................................. (Art. 30)61

La diffusion                                                                                                             (Art. 31)61

La promotion ........................................................................................................ (Art. 18)62

Publicité d’une déclaration de culpabilité ...................................... (Art. 59 c)63

L’article 7 de la Charte.. 65

a) Les personnes morales. 65

b) L’atteinte « à la vie, à la liberté et à la sécurité » de la personne.65

c) L’imprécision législative. 65

d) La promotion trompeuse. 66

e) Attrayante pour les jeunes. 67

f) Publicité « style de vie ». 67

g) Portée excessive des articles 58 et 59 f)68

h) La défense de diligence raisonnable. 69

L’article 8 de la Charte.. 71

a) La défense de diligence raisonnable. 71

b) Le fardeau de preuve. 76

c) L’arrêt Hunter. 76

d) Le régime d’inspection de la loi.79

La présomption d’innocence.. 81

Extra-territorialité (Art. 31(3))84

Règlement sur l’information relative aux produits du tabac.86

La contestation.. 86

a) La légalité du règlement86

b) L’expropriation illégale. 87

c) La liberté d’expression. 87

La justification de l’article 1 de la Charte. 89

a) Les objectifs urgents et réels. 89

b) Le principe de proportionnalité. 92

(i)     Lien rationnel92

(ii)    Atteinte minimale. 92

(iii)   Proportionnalité. 94

Le règlement sur les rapports relatifs au tabac.. 95

La contestation.. 95

a) Le partage des compétences. 95

b) L’article 8 de la Charte. 96

c) L’art. 2b) de la Charte. 97

d) La légalité. 97

CONCLUSIONS. 98

REMERCIEMENTS. 101

ANNEXE 1 - RÉSUMÉ DES TÉMOIGNAGES. 104

I.      POUR LES DEMANDERESSES. 104

Me Rafe S. Engle. 104

Dr Adrian Wilkinson. 106

M. Michael Waterson. 108

M. Ed Ricard. 110

Dr Roderick Pakenham Power. 115

II.    POUR LES DÉFENDERESSES. 118

Dr Leonard Ritter. 118

Me Yves-Marie Morissette. 120

Docteur Nancy-Michelle Robitaille. 127

Dr André Castonguay. 132

Dr André Castonguay (suite)139

M. Larry Swain. 141

Madame Judy Ferguson. 149

Dr Ronald M. Davis. 153

Dr Richard Pollay. 157

ANNEXE 2 - ARTICLES PERTINENTS DE LA LOI DE 1988. 173

ANNEXE 3 - DÉCISION DU 2 MAI 2002 SUR LA PREUVE EXTRINSÈQUE.. 177

ANNEXE 4 - MISES EN GARDE DE SANTÉ CANADA.. 196

ANNEXE 5 - PUBLICITÉ BRÉSILIENNE.. 199


 

 

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JUGEMENT

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Avertissement

[1]  En 1988, le Parlement fédéral adopte la Loi réglementant les produits du tabac (LRPT).

[2]  Les cigarettiers canadiens attaquent la légalité de la loi et la Cour supérieure[1] leur donne raison en 1991.

[3]  La Cour d’appel[2], sur division, renverse la décision de la Cour supérieure en 1993.

[4]  La Cour suprême du Canada[3], en 1995, casse l’arrêt de la Cour d’appel sur division et déclare la loi inconstitutionnelle.

[5]  En 1997, le Parlement canadien adopte la Loi sur le tabac (la loi) que les cigarettiers canadiens attaquent à nouveau.

[6]  Dans le premier débat, treize juges, toutes cours confondues, se sont prononcés et, sans y mettre les nuances qui s’imposent, sept juges ont estimé la loi invalide et six l’ont considérée valide.

[7]  On aura compris que le sujet est aussi délicat que difficile à traiter. Le débat oppose deux valeurs fondamentales : la liberté d’expression et la préservation de la santé publique.

[8]  Les opinions des différents juges qui ont eu à s’exprimer sur la question sont le reflet des passions et de la diversité de l’opinion publique sur des valeurs qui constituent les fondements de la société.

[9]  Il est peu d’exercice plus satisfaisant intellectuellement que de lire l’opinion des treize hommes et femmes qui ont déjà réfléchi à la question. Ils expriment toute la richesse d’une société qui préfère à tout autre expédient débattre sereinement d’une règle de droit.

[10]      On aura également compris qu’il est peu d’exercice de plus grande humilité que celui, avec le passage du temps et l’évolution des mentalités, d’y ajouter une quatorzième opinion.

[11]      Le présent jugement est rendu en français dans sa version officielle. Le débat en est un qui intéresse tous les Canadiens. Par délicatesse pour les citoyens s’exprimant dans l’autre langue officielle, la Cour a souhaité publier simultanément une version en langue anglaise du jugement. Redoutable défi!

[12]      Le Procureur général voudra peut-être étudier la possibilité, dans les rares dossiers d’intérêt national, de faire traduire dans l’autre langue les jugements qui doivent l’être. La tâche pour un juge d’instance étant démesurée.

Les procédures et prétentions des parties

[13]      Les trois demanderesses (les cigarettiers) fabriquent la presque totalité des cigarettes vendues au Canada.

[14]      Dans trois recours distincts, elles attaquent la Loi sur le tabac[4] sanctionnée le 25 avril 1997 par le Parlement canadien. Les trois recours sont réunis en audition commune.[5]

[15]      Les cigarettiers demandent à la Cour de déclarer inconstitutionnelle la Loi sur le tabac eu égard à la Charte canadienne des droits et libertés[6] (la Charte) de même que deux règlements adoptés sous son empire.

[16]      Les demanderesses plaident qu’elles fabriquent un produit vendu légalement au Canada, qu’elles se livrent entre elles et avec les compagnies étrangères une concurrence féroce et qu’elles ne réclament que le droit de faire une publicité concurrentielle légitime.

[17]      La loi violerait la liberté d’expression prévue à l’article 2b) de la Charte et d’autres droits garantis aux articles 7, 8 et 11.

[18]      La loi ne respecterait en rien les enseignements de la Cour suprême dans sa décision de 1995.

[19]      Selon les cigarettiers, un examen attentif de la loi montre une prohibition totale ou quasi totale de toute publicité.

[20]      Le Règlement sur l’information relative aux produits du tabac constituerait  notamment une expropriation illégale du paquet de cigarettes.

[21]      Quant au Règlement sur les rapports relatifs au tabac, il serait notamment ultra vires des pouvoirs du Parlement en ce qu’il constitue une fouille perpétuelle en violation de l’article 8 de la Charte, en ce qui a trait aux rapports sur les coûts et dépenses et en ce qu’il relève de la compétence exclusive des provinces et non de l’état fédéral au chapitre des sanctions.

 

*     *     *     *     *

 

[22]      Le Procureur général du Canada plaide que le tabac est une drogue mortelle pour un fumeur sur deux. Il engendre une redoutable dépendance.

[23]      Six millions de Canadiens fument quotidiennement et 80% d’entre eux ont commencé à fumer avant 18 ans. La plupart de ceux qui tentent d’arrêter de fumer sont incapables de le faire.

[24]      Quarante-cinq mille fumeurs meurent chaque année des suites du tabagisme.

[25]      Les demanderesses savaient les méfaits du tabac et les ont cachés sciemment aux consommateurs. L’industrie a besoin des jeunes pour assurer sa survie.

[26]      La loi fait partie d’un plan d’ensemble qui vise à contrer le tabagisme sur tous les fronts.

[27]      La loi est le résultat du dialogue entre la Cour suprême et le Parlement suite au jugement de 1995 et en respecte les prescriptions.

[28]      La loi est respectueuse de la Charte et a été adoptée à l’intérieur des pouvoirs du Parlement.

 

*     *     *     *     *

 

[29]      L’intervenante, la Société canadienne du cancer, soumet que ce litige est un débat de société d’où son intervention en faveur de la santé des Canadiens.

[30]      La consommation du tabac a diminué considérablement au pays et est actuellement à son plus bas niveau depuis les années trente. Cette situation n’est pas étrangère aux stratégies adoptées par le Parlement en matière de publicité du tabac.

[31]      La loi ne constitue pas une restriction totale de toute publicité contrairement aux prétentions des cigarettiers et le Parlement aurait pu aller beaucoup plus loin en suivant l’exemple de nombreux pays où la législation est plus sévère.

[32]      L’intervenante entend démontrer qu’il existe un lien important entre la publicité et la consommation du tabac.

[33]      La loi est respectueuse des réserves et commentaires émis par la Cour suprême en 1995.

[34]      L’Organisation mondiale de la santé recommande une prohibition totale des commandites de tabac.


 

La Cour supRême

[35]      On l’a vu, la Cour suprême du Canada a rendu jugement en 1995 sur la constitutionnalité de la Loi réglementant les produits du tabac (LRPT)[7].

[36]      Deux questions constitutionnelles, formulées par le juge en chef Lamer le 4 novembre 1993, étaient soumises à la Cour :

1.   La Loi réglementant les produits du tabac, L.C. 1988, ch. 20, relève-t-elle, en tout ou en partie, de la compétence du Parlement du Canada de légiférer pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada en vertu de l'art. 91, ou en matière de droit criminel suivant le par. 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867, ou autrement?

 

2.   La Loi réglementant les produits du tabac est-elle, en tout ou en partie, incompatible avec la liberté d'expression garantie à l'al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés et, dans l'affirmative, apporte-t-elle une limite raisonnable à l'exercice de ce droit, dont la justification puisse se démontrer au sens de l'article premier de la Charte?[8]

[37]      À la première question, la majorité de la Cour répond que la LRPT relève de la compétence du Parlement en matière de droit criminel au sens de l’article 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867.

[38]      Pour qualifier une loi au sens de l’article 91(27), il faut d’abord identifier son objectif. Cet objectif peut être découvert en identifiant le mal ou l’effet nuisible ou indésirable que la loi veut contrer. Le fait que des sanctions pénales soient liées à la violation des interdictions peut être une indication que la loi relève de la compétence du Parlement en matière criminelle.

[39]      La LRPT a pour objet d’interdire la publicité en faveur des produits du tabac (art. 4 et 5), la promotion des produits du tabac (art. 6 à 8) et la promotion des produits du tabac dont l’emballage ne comporte pas les mises en garde réglementaires (art. 9).

[40]      La Cour conclut que le Parlement peut valablement se servir du droit criminel pour interdire aux fabricants de produits du tabac d’inciter la population canadienne à consommer ces produits et pour la sensibiliser aux méfaits du tabac.

[41]      La Cour estime en conséquence inutile d’examiner si la loi relève de la compétence du Parlement en matière de paix, ordre et bon gouvernement.

 

*     *     *     *     *

 

[42]      Quant à la deuxième question, la Cour constate, tout comme l’admet le Procureur général, que l’interdiction de publicité et de promotion des produits du tabac contenue à la loi viole la liberté d’expression prévue à l’article 2b) de la Charte.

[43]      La Cour détermine que les articles 4, 8 et 9 de la LRPT constituent des atteintes injustifiées à la liberté d’expression dans une société libre et démocratique. Comme ces articles ne peuvent être dissociés des articles 5 et 6, tous sont déclarés inopérants eu égard à l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[44]      Les articles de la LRPT pertinents à la compréhension de l’arrêt de la Cour suprême sont reproduits en annexe 2.


 

La loi

[45]      La Loi sur le tabac a été sanctionnée le 25 avril 1997 par le Parlement canadien. Les articles discutés par les parties sont notamment les suivants.

[46]      L’objet de la loi est décrit à l’article 4 :

4. La présente loi a pour objet de s'attaquer, sur le plan législatif, à un problème qui, dans le domaine de la santé publique, est grave et d'envergure nationale et, plus particulièrement :

a) de protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens compte tenu des preuves établissant, de façon indiscutable, un lien entre l'usage du tabac et de nombreuses maladies débilitantes ou mortelles;

b) de préserver notamment les jeunes des incitations à l'usage du tabac et du tabagisme qui peut en résulter;

c) de protéger la santé des jeunes par la limitation de l'accès au tabac;

d) de mieux sensibiliser la population aux dangers que l'usage du tabac présente pour la santé.

[47]      La Partie I de la loi édicte les normes réglementaires.

[48]      La partie II traite de l’accès aux produits du tabac.

[49]      La Partie III traite de l’étiquetage.

[50]      La partie IV traite de la promotion :

19. Il est interdit de faire la promotion d'un produit du tabac ou d'un élément de marque d'un produit du tabac, sauf dans la mesure où elle est autorisée par la présente loi ou ses règlements.

20. Il est interdit de faire la promotion d'un produit du tabac, y compris sur l'emballage de celui-ci, d'une manière fausse ou trompeuse ou susceptible de créer une fausse impression sur les caractéristiques, les effets sur la santé ou les dangers pour celle-ci du produit ou de ses émissions.

21. (1) Il est interdit de faire la promotion d'un produit du tabac, y compris sur l'emballage de celui-ci, au moyen d'attestations ou de témoignages, quelle que soit la façon dont ils sont exposés ou communiqués.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), la représentation d'une personne, d'un personnage ou d'un animal, réel ou fictif, est considérée comme une attestation ou un témoignage.

(3) Le présent article ne s'applique pas aux marques de commerce qui figurent sur un produit du tabac en vente au Canada le 2 décembre 1996.

22. (1) Il est interdit, sous réserve des autres dispositions du présent article, de faire la promotion d'un produit du tabac par des annonces qui représentent tout ou partie d'un produit du tabac, de l'emballage de celui-ci ou d'un élément de marque d'un produit du tabac, ou qui évoquent le produit du tabac ou un élément de marque d'un produit du tabac.

(2) Il est possible, sous réserve des règlements, de faire la publicité -- publicité informative ou préférentielle -- d'un produit du tabac :

a) dans les publications qui sont expédiées par le courrier et qui sont adressées à un adulte désigné par son nom;

b) dans les publications dont au moins quatre-vingt-cinq pour cent des lecteurs sont des adultes;

c) sur des affiches placées dans des endroits dont l'accès est interdit aux jeunes par la loi.

(3) Le paragraphe (2) ne s'applique pas à la publicité de style de vie ou à la publicité dont il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle pourrait être attrayante pour les jeunes.

(4) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« publicité de style de vie » Publicité qui associe un produit avec une façon de vivre, tels le prestige, les loisirs, l'enthousiasme, la vitalité, le risque ou l'audace ou qui évoque une émotion ou une image, positive ou négative, au sujet d'une telle façon de vivre.

« publicité informative » Publicité qui donne au consommateur des renseignements factuels et qui porte :

a) sur un produit ou ses caractéristiques;

b) sur la possibilité de se procurer un produit ou une marque d'un produit ou sur le prix du produit ou de la marque.

« publicité préférentielle » Publicité qui fait la promotion d'un produit du tabac en se fondant sur les caractéristiques de sa marque.

23. Il est interdit d'emballer un produit du tabac d'une manière non conforme à la présente loi et aux règlements.

24. (1) Sous réserve des règlements et des paragraphes (2) et (3), il est possible d'utiliser un élément de marque d'un produit du tabac sur le matériel relatif à la promotion d'une personne, d'une entité, d'une manifestation, d'une activité ou d'installations permanentes qui, selon le cas :

a) sont associés aux jeunes, dont il existe des motifs raisonnables de croire qu'ils pourraient être attrayants pour les jeunes ou dont les jeunes sont les principaux bénéficiaires;

b) sont associés avec une façon de vivre, tels le prestige, les loisirs, l'enthousiasme, la vitalité, le risque ou l'audace.

(2) L'élément de marque d'un produit du tabac ne peut figurer que tout au bas du matériel de promotion, dans un espace occupant au maximum 10 % de la surface de ce matériel.

(3) Le matériel de promotion visé au paragraphe (2) ne peut figurer que :

a) dans des publications qui sont expédiées par le courrier et qui sont adressées à un adulte désigné par son nom;

b) dans des publications dont au moins quatre-vingt-cinq pour cent des lecteurs sont des adultes;

c) sur des affiches placées ou dans des programmes offerts placées sur les lieux de la manifestation ou de l'activité ou sur les installations;

d) sur des affiches placées dans des endroits où l'accès est interdit aux jeunes par la loi.

(4) Dans les cas où les critères visés aux alinéas (1)a) ou b) ne s'appliquent pas à la commandite et sous réserve des règlements, il est possible d'utiliser un élément de marque d'un produit du tabac dans la promotion de la commandite.

25. Il est interdit d'utiliser un élément de marque d'un produit du tabac ou le nom d'un fabricant sur des installations permanentes, notamment dans la dénomination de celles-ci, si l'élément ou le nom est de ce fait associé à une manifestation ou activité sportive ou culturelle.

1997, ch. 13, art. 25; 1998, ch. 38, art. 2.

[51]      L’article 32 traite des renseignements que le fabricant doit transmettre :

32. Le fabricant est tenu de transmettre au ministre les renseignements exigés par les règlements, dans les délais et selon les modalités réglementaires, sur les promotions visées par la présente partie.

[52]      L’article 33 permet au gouverneur en conseil d’édicter des règlements.

[53]      La Partie V traite des contrôles d’application et l’article 39 précise :

39. (1) Au cours de la visite, l'inspecteur peut saisir toute chose -- notamment un produit du tabac -- dont il a des motifs raisonnables de croire qu'elle a servi ou donné lieu à une infraction à la présente loi.

(2) L'inspecteur peut exiger que la chose saisie soit entreposée sur les lieux; il peut également exiger qu'elle soit transférée dans un autre lieu.

(3) Il est interdit, sans autorisation de l'inspecteur, de déplacer la chose saisie, ou d'en modifier l'état de quelque manière que ce soit.

[54]      La Partie VI traite des infractions et des peines.

[55]      La Partie VII traite d’éventuels accords.

 

*     *     *     *     *

 

[56]      Le Règlement modifiant le Règlement sur l’information relative aux produits du tabac du 7 avril 2001 impose notamment les mises en garde de Santé Canada.

[57]      Le Règlement sur les rapports relatifs au tabac impose aux cigarettiers de fournir différents renseignements à Santé Canada

 

*     *     *     *     *

 

[58]      Les demanderesses soumettent que la loi violerait les articles 2b), 7, 8 et 11 de la Charte canadienne des droits et libertés :

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

[…]

b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression,

[…]

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

[…]

11. Tout inculpé a le droit :

[…]

c) de ne pas être contraint de témoigner contre lui-même dans toute poursuite intentée contre lui pour l'infraction qu'on lui reproche;

d) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable;


 

La preuve extrinsèque

[59]      Les trois parties et principalement le Procureur général et la Société canadienne du Cancer ont déposé une imposante preuve extrinsèque.

[60]      Les demanderesses qui consentent à la production de cette preuve en contestent cependant la pertinence du moins quant à une partie de celle-ci. Les parties ne s’entendent pas sur la portée à donner à la preuve extrinsèque.

[61]      Il faut remarquer que la jurisprudence est relativement silencieuse sur les règles d’admission de la preuve extrinsèque. Aussi la Cour a-t-elle rendu une décision intérimaire à ce sujet, laquelle est jointe au présent jugement en annexe 3. Les principes qui y sont affirmés sont toujours d’actualité et appliqués au présent jugement.

[62]      En résumé, dans les dossiers qui s’y prêtent :

a)   la preuve extrinsèque est non seulement permise, mais elle est souvent essentielle;

b)   en examinant les faits législatifs, le tribunal doit prendre en considération le contexte dans lequel la législation a été adoptée;

c)   la preuve des faits sociaux est plus complexe à apprécier et l’unanimité est rarement au rendez-vous;

d)   le tribunal se prononce sur le jugement exercé par le législateur et cherche à savoir si la loi contestée a un fondement rationnel;

e)   sont acceptés, les documents pertinents aux questions soumises qui ne sont pas douteux en soi et que ne pêchent pas contre l’ordre public;

f)    la partie adverse ne doit pas être prise par surprise;

g)   le tribunal doit avoir accès aux meilleurs éléments de preuve qui existent au moment de l’analyse;

h)   chaque cas demeure un cas d’espèce.

[63]      Le présent dossier oppose deux droits fondamentaux : liberté d’expression et droit à la santé publique et individuelle. Deux domaines où toute forme de manichéisme doit être évitée. Deux domaines où l’on tente « d’établir un équilibre entre des valeurs sociales légitimes mais opposées ».[9]

[64]      Le débat a des ramifications insoupçonnées. Le tabagisme est un phénomène complexe et, il faut le dire puisque la preuve le démontre et les demanderesses l’admettent, il est nuisible à la santé.

[65]      Un large « corps d’opinion » mondial tente de cerner la question et d’y trouver des solutions. De même se pose la question du lien entre la publicité et la consommation de tabac.

[66]      Le tribunal doit prendre connaissance de ce corps d’opinion et il est illusoire de penser le faire selon le processus contradictoire propre aux faits adjudicatifs. Il serait inutile de le faire ainsi puisque les deux types de preuve visent des fins différentes.

[67]      Prendre connaissance d’un rapport du Surgeon general des États-Unis sur l’état du tabagisme chez nos voisins en 1995 est utile à la réflexion du tribunal. Cela ne veut pas dire que le tribunal doive endosser ses conclusions et recommandations, mais simplement qu’il est le reflet d’une connaissance actuelle dans un pays industrialisé et que le législateur canadien en a pris connaissance avant d’adopter la loi.

[68]      Il est inutile dans ce cas précis d’assigner et de contre-interroger le Surgeon general. Cette preuve est un exemple de preuve extrinsèque.

[69]      La Cour accepte à titre de preuve extrinsèque d’une part les faits notoires et exempts de controverse et d’autre part, les documents pertinents au litige qui ne sont pas douteux en soi (not inherently unreliable) et qui ne pêchent pas contre l’ordre public.

[70]      Encore faut-il que les documents versés à titre de preuve extrinsèque aient été à tout le moins commentés par les témoins ou plaidés par les parties lors de l’argumentation.

[71]      Le dossier de la Cour n’est pas un vaste entrepôt où l’on peut verser la somme des connaissances universelles sur un sujet au cas où cette Cour ou des tribunaux d’appel aimeraient y jeter un coup d’œil un soir de vague à l’âme.

[72]      On ne peut suppléer par preuve extrinsèque une preuve intrinsèque disponible et essentielle au débat.


Le droit

L’article 1 de la Charte
(l’arrêt
oakes)

[73]      Article 1 de la Charte :

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

[74]      L’arrêt R. c. Oakes fixe le cadre analytique de l’application de l’article 1 de la Charte. Dans un premier temps, le juge Dickson retient la norme de preuve civile de la prépondérance de preuve à laquelle l’État devra satisfaire pour justifier une atteinte à une liberté fondamentale :

La norme de preuve aux fins de l’article premier est celle qui s’applique en matière civile, savoir la preuve selon la prépondérance des probabilités. L’autre possibilité, la preuve hors de tout doute raisonnable qui s’applique en matière criminelle, imposerait selon moi une charge trop lourde à la partie qui cherche à apporter la restriction. Des concepts comme « le caractère raisonnable », « le caractère justifiable » et « une société libre et démocratique » ne se prêtent tout simplement pas à l’application d’une telle norme. Néanmoins, le critère de prépondérance des probabilités doit être appliqué rigoureusement. En fait l’expression « dont la justification puisse se démontrer », que l’on trouve à l’article premier de la Charte, étaye cette conclusion.[10]

[75]      Dans un second temps, la Cour suprême établit deux critères pour justifier l’atteinte à un droit dans une société libre et démocratique :

a)   l’objectif visé par le législateur doit être suffisamment important pour justifier la suppression d’un droit fondamental; la jurisprudence récente traite plutôt d’un objectif urgent et réel; [11]

b)   les moyens choisis pour atteindre l’objectif doivent être proportionnels à cet objectif (critère de la proportionnalité). Ce critère comporte trois volets :

­     les mesures choisies doivent avoir un lien rationnel avec l’objectif;

­     elles doivent porter le moins possible atteinte au droit ou à la liberté;

­     il doit exister une proportionnalité entre les effets préjudiciables des mesures et leurs effets salutaires.[12]

[76]      La Charte a été adoptée dans le contexte de la société canadienne d’alors en tenant compte de sa spécificité et non dans un éther social et culturel.

[77]      Son interprétation suppose qu’ «elle doit être située dans ses contextes linguistique, philosophique et historique appropriés »[13].

[78]      Plus récemment, le juge Bastarache soulignait au nom de la majorité :

L'analyse fondée sur l'article premier doit être réalisée en accordant une grande attention au contexte. Cette démarche est incontournable car le critère élaboré dans R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 , exige du tribunal qu'il dégage l'objectif de la disposition contestée, ce qu'il ne peut faire que par un examen approfondi de la nature du problème social en cause. De même, la proportionnalité des moyens utilisés pour réaliser l'objectif urgent et réel visé ne peut être évaluée qu'en s'attachant étroitement au détail et au contexte factuel. Essentiellement, le contexte est l'indispensable support qui permet de bien qualifier l'objectif de la disposition attaquée, de décider si cet objectif est justifié et d'apprécier si les moyens utilisés ont un lien suffisant avec l'objectif valide pour justifier une atteinte à un droit garanti par la Charte[14].

[79]      Encore plus récemment dans l’arrêt Sharpe, la juge en chef McLachlin précisait :

Quoique le ministère public admette que le par. 163.1(4) limite la liberté d'expression, cela n'écarte pas la nécessité d'examiner la nature et la portée de l'atteinte afin de décider si elle est justifiée. Pour déterminer si une disposition a une portée trop large, il faut savoir ce à quoi elle s'applique. Notre Cour a constamment abordé de cette façon les arguments de portée excessive. Il ne suffit pas d'accepter les arguments des parties quant à ce qu'interdit la loi. La loi doit être interprétée, et les interprétations susceptibles de réduire au minimum la portée que l'on dit excessive doivent être examinées : voir Keegstra, Butler et Mills, précités. Il faut donc commencer par déterminer ce à quoi le par. 163.1(4) s'applique vraiment par opposition à certaines des interprétations plus larges préconisées par l'intimé et certains intervenants qui l'appuient. L'interprétation de la disposition est une étape préalable nécessaire à la détermination de la constitutionnalité, étant entendu naturellement que les tribunaux pourront, dans des instances ultérieures, préciser l'analyse à la lumière des faits et des considérations en présence.[15]

[…]Lorsqu'une disposition législative peut être jugée inconstitutionnelle selon une interprétation et constitutionnelle selon une autre, cette dernière doit être retenue.[16]

[80]      Dans le même arrêt, la juge L’Heureux-Dubé :

Conformément à l'objectif sous-jacent de l'article premier et aux valeurs démocratiques qu'il cherche à promouvoir, notre Cour a renoncé à une application formaliste et rigide du cadre établi dans l'arrêt Oakes pour adopter une méthode contextuelle et fondée sur des principes. Comme le reconnaît le juge Wilson dans Edmonton Journal, précité, p. 1355-1356, une liberté ou un droit particuliers peuvent avoir une valeur différente selon le contexte législatif. Un examen du contexte factuel et social dans lequel a lieu l'atteinte à ce droit permet au tribunal d'évaluer ce qui est véritablement en jeu dans une affaire donnée. En outre, la méthode contextuelle garantit que les tribunaux tiendront compte des autres valeurs qui peuvent entrer en conflit avec un droit particulier et leur permet d'établir un juste équilibre entre ces valeurs. Par conséquent, les déterminations fondées sur l'article premier ne doivent pas se faire en vase clos et ne doivent pas non plus porter exclusivement sur le droit ou la liberté auxquels il est porté atteinte.[17]

[81]      Dans l’arrêt R. c. Sharpe précité où il s’agit de pornographie juvénile, la juge en chef, parlant pour la majorité, nuance la norme de preuve dite de « prépondérance des probabilités » édictée dans Oakes quant au critère de proportionnalité :

Pour établir la proportionnalité, le ministère public doit d'abord démontrer que la mesure législative est susceptible de procurer un avantage ou qu'elle a un « lien rationnel » avec l'objectif du législateur. Cela signifie qu'il doit établir que la possession de pornographie juvénile -- par opposition à sa production, à sa distribution ou à son utilisation -- cause un préjudice aux enfants.[18]

[…] L'absence d'opinion scientifique unanime n'est pas fatale. Il se peut qu'un comportement humain complexe ne se prête pas à une démonstration scientifique précise, et les tribunaux ne peuvent pas astreindre le législateur à une norme de preuve plus rigoureuse que ne le permet le sujet en question. Certaines études indiquent que, à l'instar des autres formes de pornographie, la pornographie juvénile alimente les fantasmes et peut inciter certains individus à commettre des infractions. Cette crainte raisonnée de préjudice montre l'existence d'un lien rationnel entre la disposition contestée et la réduction du préjudice causé aux enfants par la pornographie juvénile.[19]

[82]      En bref, un droit fondamental peut être restreint par une règle de droit s’il est démontré :

a)   un objectif important et/ou urgent et réel;

b)   un critère de proportionnalité

­     lien rationnel avec l’objectif;

­     mesures les moins attentatoires possibles;

­     proportionnalité entre les effets préjudiciables et salutaires de la loi;

c)   norme de preuve de la prépondérance des probabilités bien que l’absence d’opinion scientifique unanime ne soit pas fatale;

d)   importance de l’examen approfondi de la nature du problème social en cause;

e)   renoncer à une application formaliste et rigide du cadre établi dans l’arrêt Oakes.

Les enseignements de la Cour suprême

[83]      Il est inutile de réinventer la roue et la Cour doit dégager les conclusions de fait et de droit de l’arrêt RJR-MacDonald inc.[20] telles qu’elles étaient en 1989 date où la Loi réglementant les produits du tabac a été sanctionnée et qui trouvent encore application aujourd’hui compte tenu des ajustements nécessaires.

Les conclusions de droit :

a)   Quant à la compétence fédérale :

­     Le Parlement peut interdire la publicité des produits du tabac en vertu de sa compétence en matière de droit criminel.[21]

­     Le Parlement peut interdire ou contrôler la fabrication, la vente et la distribution de produits qui présentent un danger pour la santé publique et imposer des exigences en matière d’étiquetage et d'emballage de produits dangereux dans le but de protéger la santé publique.[22]

b)   Quant à la promotion:

­     Il y a un lien rationnel entre l’interdiction de publicité et l'objectif de la LRPT.[23]

­     Il y a un lien rationnel entre l’interdiction d’apposer un élément de marque sur tout autre article (que ce soit un accessoire de fumeur ou non) et l’objectif de la loi.[24]

c)   Quant à l’atteinteminimale:

­     Une loi qui interdirait la publicité de style de vie respecterait l’atteinte minimale.[25]

­     Une loi qui interdirait la publicité dirigée vers les enfants et les adolescents respecterait l’atteinte minimale.[26]

­     Une loi qui permettrait la publicité informative et préférentielle de marque respecterait l’atteinte minimale.[27]

d)   Quant aux mises en garde

­     L’obligation d’apposer sur les emballages des mises en garde attribuées à leur auteur ne contrevient pas à l'article 2b) de la Charte.[28]

­     L’obligation d’apposer des mises en garde, attribuées ou non à leur auteur est rationnellement liée à l’objectif législatif.[29]

­     L‘obligation d’apposer des mises en garde attribuées à leur auteur respecterait l’atteinte minimale même si cela contrevenait à l’article 2b) de la Charte.[30]

­     Le Parlement peut validement interdire la distribution gratuite de produits ou l’offre d’un cadeau, remise ou billet de loterie en contrepartie d’un achat.[31]

Les conclusions de fait :

a)   Quant au tabagisme et ses méfaits:

­     L’usage du tabac est répandu dans la société canadienne et présente de graves dangers pour la santé.[32]

­     6.7 millions de Canadiens ou 28% de la population canadienne âgée de plus de 15 ans consomment des produits du tabac.[33]

­     La cigarette cause le décès prématuré de 30,000 Canadiens chaque année.[34]

­     Le tabac est une cause principale de cancer et de maladies cardiaques et pulmonaires mortelles.[35]

­     Le tabagisme cause le cancer des poumons, de la bouche, du larynx, de l’œsophage, de la vessie, des reins et du pancréas..[36]

­     Le tabagisme est responsable de[37]:

-    30 % de tous les décès attribuables au cancer

-    30% de tous les décès attribuables à l'insuffisance coronarienne

-    85% de tous les décès attribuables à la bronchite/emphysème chronique.

­     Fumer est une cause importante des décès attribuables aux anévrismes aortiques, aux maladies artérielles périphériques et aux incendies[38].

­     De plus en plus de données établissent que le tabagisme passif accroît le risque de cancer des poumons chez les non-fumeurs.[39]

b)   Quant à la dépendance:

­     La nicotine présente dans le tabac constitue une drogue qui crée une forte dépendance.[40]

­     Les méthodes de détermination de la dépendance au tabac sont semblables à celles utilisées pour d’autres drogues, y compris les drogues illicites.[41]

­     Interdire la fabrication et la vente des produits du tabac inciterait l‘approvisionnement illégal.[42]

c)   Quant à la contrebande:

Le Parlement a cherché à réduire le tabagisme par d’importantes hausses de taxes en 1985, 1989 et 1991, hausses partiellement éliminées en 1994 à cause d’un grave problème de contrebande.[43]

 

d)   Quant à la nécessité de mesures globales pour lutter contre le tabagisme:

L‘usage du tabac est un problème en soi auquel on ne peut s’attaquer efficacement que par une série de mesures législatives innovatrices et diversifiées.[44]

e)   Quant à l’effet de la promotion des produits du tabac:

­     Bien qu’il n’y ait jamais eu d’étude concluante sur le lien entre la publicité des produits du tabac et leur usage, il existe suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que la loi sert logiquement l’objectif de réduire l’usage des produits du tabac par la prohibition tant de la publicité que de la promotion.[45]

­     Il est tout simplement difficile de croire que les compagnies de tabac canadiennes dépenseraient plus de 75M $ chaque année pour la publicité si elles ne savaient pas qu’il en résultera une augmentation de l’usage de leurs produits.[46]

­     Les compagnies de tabac reconnaissent que la publicité est essentielle au maintien de la taille du marché parce qu’elle sert à renforcer l'acceptabilité sociale de l’usage du tabac en l’identifiant au prestige, à la richesse, à la jeunesse et à la vitalité.[47]

­     Il est possible de dégager des documents de commercialisation lareconnaissance que les compagnies de tabac doivent cibler les jeunes si elles souhaitent garder le marché des produits du tabac à sa taille actuelle.[48]

­     II est encore plus évident que ces compagnies sont conscientes de la nécessité d’attirer les jeunes.[49]

­     Les documents de commercialisation internes déposés lors du procès donnent fortement à entendre que les compagnies de tabac perçoivent la publicité comme la pierre angulaire de leur stratégie visant à rassurer les fumeurs actuels et à étendre le marché en attirant de nouveaux fumeurs, principalement chez les jeunes.[50]

­     Les compagnies de tabac s’inquiètent du rétrécissement du marché et reconnaissent qu’une initiative de promotion est nécessaire pour maintenir la taille du marché.[51]

­     La preuve révèle que les campagnes publicitaires des compagnies de tabac visent à leur permettre d'acquérir une plus grande part de marché, mais d’autres éléments de preuve montrent qu’elles servent aussi à accroître l’ensemble du marché.[52]

f)    Quant à la publicité de « style de vie »:

­     M. P. Hoult a affirmé au procès que la publicité dite de « style de vie » cherche à faire établir des associations dans l’esprit des consommateurs et, dans le cas des cigarettes Export, une association avec plaisir, activités extérieures et jeunesse.[53]

­     Bien que la publicité purement informative puisse ne pas donner lieu à un accroissement du marché global, la publicité de « style de vie » peut logiquement être considérée comme ayant une tendance à dissuader de cesser de fumer ceux qui autrement cesseraient.[54]

g)   Quant à l’existence d’un corps d’opinion:

­     Dans un rapport intitulé « The functions and management of cigarette advertising », Richard W. Pollay, historien et professeur de commercialisation à l’Université de la Colombie-Britannique, a conclu que la publicité et les activités de promotion servent à changer les perceptions des gens, à créer des attitudes plus positives, et qu’elles servent de renforcement chez les fumeurs, et de tentation et de leçon de tolérance pour les non-fumeurs.[55]

­     Dans un rapport intitulé « Effects of cigarette advertising on consumer behavior », Joel B. Cohen, professeur de commercialisation àl’Université de la Floride, observe que la publicité des produits du tabac cible à la fois les non-fumeurs et les jeunes, qui sont particulièrement vulnérables face aux techniques de la publicité.[56]

­     Dans un rapport intitulé « A report on the special vulnerabilities of children and adolescents », Michael J. Chandler, psychologue, a conclu que l’immaturité des enfants et des adolescents sur les plans cognitif et socio-affectif les rend vulnérables à l’influence de la publicité de la cigarette parce qu’ils ne sont pas capables d’évaluer les messages qui leur sont présentés.[57]

­     Les opinions exprimées dans ces rapports ne sontévidemment pas définitives ni concluantes. En fait, il y a actuellement un débat animé en sciences humaines quant au lien entre publicité et consommation, un débat qui se poursuit depuis des années et qui, sans doute, se poursuivra encore un certain temps. Toutefois, ces rapports attestent à tout le moins la présence de ce que le juge LeBel de la Cour d’appel a appelé un « corps d’opinion » appuyant l’existence d’un lien causal entre publicité et consommation[58].

Les admissions

[84]      Les demanderesses ont déposé les admissions suivantes aux prétentions du Procureur général[59] :

1.         The Plaintiffs produce and sell almost all of the tobacco products sold in Canada.

2.         The Plaintiffs' business in Canada is profitable. Plaintiffs add that by far the greatest proportion of the amount spent for the purchase of tobacco products represents federal and provincial taxes.

3.         The Plaintiffs spend substantial sums promoting their respective brands of tobacco products.

4.         The tobacco industry has adopted a Voluntary Code regarding advertising and packaging. The three Plaintiffs could withdraw from that Code without sanction. The rules of the Code may be amended from time to time, without sanction.

5.          ---

6. to 11.            Plaintiffs admit:

(i) that at present approximately 30% of the population of Canada are smokers;

(ii) that epidemiological studies report a statistical correlation between smoking and other factors and a number of diseases and conditions including those mentioned generally in paragraph 7 of Defendant's List of Admissions;

(iii)that the epidemiological studies referred to above, notwithstanding that they do not explain the causation of any disease, provide a sufficient basis in law:

a)         for treating the incidence of smoking as a public health issue;

b)         for legislation imposing reasonable limits on the freedom of commercial expression for the purpose of reducing the incidence of smoking provided that the means adopted in such legislation are justifiable pursuant to section 1 of the Charter.

12. to 14.  Plaintiffs admit that some smokers experience difficulty in quitting. The degree of difficulty varies from individual to individual. Some smokers have little or no difficulty in quitting, while others have considerable difficulty. Even those smokers who experience the greatest difficulty can and do quit. Almost seven million Canadians have successfully quit and the vast majority of them did so without outside help.

15.        Approximately 30% of the population of Canada are smokers.

16.       The majority of smokers begin to smoke prior to age 20. Plaintiffs add that at present the legal age for the purchase of tobacco products as established under Federal law is 18 and that until 1994 it was 16.

17.       Plaintiff Rothmans, Benson & Hedges Inc. admits that its brand advertising has, since February 1996, appeared on billboards, at point of sale and in print media, that it uses displays and distinctive packaging and logos to identify its product.

Plaintiff Imperial Tobacco Ltd. admits that advertising of its brands of tobacco products has, since February 1996, appeared on billboards, print media and point- of-sale locations. It also admits that it uses distinctive packaging to identify its brands, that its corporate sponsorship trademarks have appeared on non tobacco products and that it provides reseller support.

Plaintiff RJR-MacDonald Inc. admits that its brand advertising has, since February 1996, appeared on billboards, at point of sale and in print media, that it uses distinctive packaging and logos to identify its products, that its corporate sponsorship trademarks have appeared on non tobacco products and that it provides reseller support.

18.       Plaintiffs admit that they have sponsored sporting and cultural events but Plaintiffs deny that such sponsorships affect the overall consumption of tobacco products.

19.       Plaintiff Imperial Tobacco Ltd. admits that new marketing techniques are being developed including direct marketing, but it is uncertain as to which techniques of direct marketing are prohibited by the Tobacco Act and which, if any, are permitted, and adds that, in any event, the limitations imposed by section 22 of the Act would make such marketing a practical impossibility.

20.        ---

21.        Non-smokers do see advertisements for tobacco products.

Les objections

[85]      Il a été convenu entre les parties que toutes les objections soulevées en cours d’instance et non plaidées seraient présumées abandonnées.

[86]      Les demanderesses ont plaidé quelques rares objections à la dernière journée du procès et la Cour en dispose comme suit.

[87]      Les objections 1, 2, 7 et 8 sont rejetées.

[88]      Le document D-42 (objection #1) a été soumis au témoin Waterson et donne des explications utiles au tribunal. Sa production est permise.

[89]      Le document D-95 (objection #2) traite de la légitimité sociale du tabac lors d’une conférence internationale à laquelle participent deux représentants de ITL. Sa production est permise.

[90]      Le document D-153 (objection #7) provient d’un organisme reconnu mondialement et le témoin Davis a été interrogé sur son contenu. Sa production est permise.

[91]      Le document D-154 (objection #8), malgré une note de transmission discutable, contient des statistiques d’un pays scandinave que la Cour n’a pas de raison d’écarter. Sa production est permise.

[92]      Le document I-15 (objection #3) demeurera scellé sous pli confidentiel à la demande d’ITL parce que contenant des informations commerciales privilégiées. Sa production est permise.

[93]      Les objections 4, 5 et 6 visant à déposer ces documents à titre de preuve extrinsèque plutôt qu’en pièces régulières sont rejetées.

[94]      Le document D-109 (objection #4) a été déposé et utilisé par le témoin Ritter qui a été soumis au contre-interrogatoire. Sa production est permise.

[95]      Le document D-127 (objection #5) a été utilisé et déposé par le témoin Morissette qui a été soumis au contre-interrogatoire. Sa production est permise.

[96]      Les documents D-141 à D-148 (objection #6) sont constitués d’une série de rapports annuels du Surgeon general des États-Unis (Surgeon general) déposés et commentés par le témoin Davis qui a participé à leur confection. Leur production est permise.

 

*     *     *     *     *

 

[97]      Les demanderesses invitent la Cour à la prudence à l’étude des pièces D-222, D-226, D-221, D-90, JPB-54, D-91, D-93, D-94, D-179, JPB-44 et D-97 dont l’utilisation en plaidoirie par le Procureur général serait injuste pour les témoins.

[98]      Certains de ces documents, tout volumineux qu’ils soient, n’auraient été commentés que de façon anecdotique par les témoins, mais le Procureur général s’en servirait illégalement à tout autre escient et bien au-delà des questions posées aux témoins.

[99]      La Cour prend acte de l’invitation à la prudence et agira en conséquence.


 

Les faits

[100]    L’audition des témoins s’est déroulée de janvier à juin 2002. Les plaidoiries ont été entendues en septembre 2002 et la cause mise en délibéré le 19 septembre 2002.

[101]    L’audition a nécessité près de 10,000 pages de notes sténographiques et la production de 988 pièces au dossier totalisant des centaines de milliers de pages.

[102]    Bien que de nombreuses références aient été faites au premier procès au terme duquel la Loi réglementant les produits du tabac a été déclarée invalide, il faut se rappeler que cette loi a été adoptée en 1989 et que cette cause a été entendue par cette cour en 1991.

[103]    La présente loi a été sanctionnée en 1997 et les règlements adoptés en 2000 et 2001.

[104]    Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le premier procès.

[105]    La Cour est liée par les conclusions de droit et certaines conclusions de fait de la Cour suprême dans le premier dossier à moins qu’une preuve différente n’ait été apportée.

[106]    Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un tout nouveau procès et que la Cour doit tirer des conclusions des seuls faits mis en preuve devant elle compte tenu de leur pertinence et de la crédibilité des témoins qu’elle a entendus.

[107]    Le juge Jean-Jude Chabot en 1991 a entendu une certaine preuve et a rendu jugement en fonction de celle-ci. Le soussigné, en 2002, a entendu une autre preuve. Onze années se sont écoulées entre les deux procès.

[108]    La preuve est constituée au premier chef des témoignages entendus en cour. Ils sont résumés en annexe 1 et font partie intégrante du présent jugement.

[109]    Les parties ont aussi déposé les notes sténographiques d’interrogatoires hors cour de plusieurs témoins. Elles font également partie de la preuve et la Cour s’est surtout attachée aux éléments auxquels il a été fait référence pendant l’audition et lors des plaidoiries.

[110]    Enfin, les parties ont déposé une abondante preuve extrinsèque à laquelle il a été fait référence dans la section Preuve extrinsèque.


 

DISCUSSION

Commentaires sur la preuve

[111]    Sur la preuve résumée en annexe I, la Cour émet les commentaires suivants.

M. Rafe S. Engle

[112]    Le tribunal n’accordant pas de crédibilité à son témoignage, l’expertise de M. Engle est écartée. Il a été démontré que le Code volontaire d'emballage et de publicité de l'industrie des produits du tabac était d’abord au service de l’industrie et que la protection des consommateurs venait loin derrière ce premier objectif.

Dr Adrian Wilkinson

[113]    Tout intéressante qu’elle soit, l’étude du Dr Wilkinson est limitée à un groupe cible et apporte peu à la solution du litige.

M. Michael Waterson

[114]    La Cour retient de l’expertise de M. Waterson que les professionnels de l’industrie de la publicité, voire les chercheurs en ce domaine, ne s’entendent pas sur une définition commune de publicité « style de vie ».

[115]    La Cour ne retient pas la conclusion voulant que « Advertising of branded goods does not have any impact on overall levels of consumption of the product »[60] laquelle est contredite par l’ensemble de la preuve versée au dossier et défie le sens commun.

[116]    La Cour prend note de la troisième conclusion de l’expert qu’il ne peut démontrer de lien entre la consommation du tabac et la présence ou l’absence de mise en garde.

M. Ed Ricard

[117]    La mise en marché des produits du tabac est l’activité la plus importante de l’industrie.

[118]    Des études poussées et raffinées du profil et des besoins des fumeurs sont constamment mises à jour et visent essentiellement à donner aux consommateurs ce qu’ils veulent.

[119]    Chaque point de pourcentage du marché canadien du tabac signifie 20 M $ de profits nets, soit 2 milliards par année. La lutte pour chaque point est féroce.

[120]    Chaque marque de cigarettes projette une image d’un fumeur-type.

[121]    Contrairement à ce qu’affirme M. Ricard, la Cour ne croit pas que la publicité des cigarettiers s’adresse d’abord et avant tout aux consommateurs volages (switchers). Elle s’adresse tout autant et sans doute plus aux nouveaux fumeurs.

[122]    De plus, la Cour ne croit pas que la publicité des cigarettiers ne s’adresse qu’aux fumeurs de plus de 19 ans. Toutes les campagnes de publicité contiennent des éléments séduisants pour les adolescents qui sont l’avenir de l’industrie. L’industrie sait que l’on commence à fumer entre 12 et 18 ans et vise systématiquement ce public vulnérable dans sa publicité et sa mise en marché.

[123]    Le paquet de cigarettes existe pour transmettre une image positive du produit et un style de vie précis.

[124]    Imperial Tobacco a lancé la Player’s Première en la présentant comme moins irritante pour la gorge, mais M. Ricard est incapable de dire en quoi elle est moins irritante puisque aucune expertise médicale ou scientifique n’a été commandée par ITCL à ce sujet.

[125]    Après la passation de la première loi en 1989, l’industrie s’est tournée vers la commandite puisque la publicité directe était interdite.

Dr Roderick Pakenham Power

[126]    Avec égards, l’hypothèse de base soumise par les cigarettiers à M. Power fausse sa recherche.

[127]    On lui demande de présumer que la population connaît et accepte de façon générale les risques liés à la consommation du tabac alors que la preuve démontre au contraire la pauvre information des consommateurs et du public en général sur les méfaits du tabagisme.

[128]    De plus, le professeur traite de la dimension et de la perception visuelle de mises en garde qu’il n’a jamais vues.

[129]    Le professeur admet que les mises en garde peuvent avoir un effet sur certaines catégories de fumeurs comme les parents et les femmes enceintes.

Dr Leonard Ritter

[130]    Le tabagisme fait courir au fumeur des risques importants et mis à part le soulagement de la dépendance, il n’apporte aucun bénéfice.

[131]    Le monde scientifique sait de façon certaine depuis plus de 50 ans que le tabagisme cause le cancer et l’industrie du tabac le sait depuis plus de 40 ans et n’a jamais communiqué l’ampleur de ses connaissances aux fumeurs.

[132]    La fumée du tabac contient 43 substances toxiques cancérigènes reconnues par la communauté scientifique.

Me Yves-Marie Morissette

[133]    Des dizaines de pays à travers le monde ont adopté une législation relative à l’usage du tabac même si son étude comparée ne porte que sur 19 pays.

[134]    La tendance générale est au durcissement de la réglementation sur la publicité du tabac.

[135]    Les mises en garde rotatoires sont la norme universelle et la tendance est également au durcissement. Le pourcentage d’occupation de la surface du paquet est de 30% à 40% en Europe et un peu plus pour les pays bilingues ou trilingues.

[136]    L’évolution des législations sur l’expansion de l’aire de réglementation n’est ni simultanée, ni uniforme, mais elle est unidirectionnelle et irréversible.

[137]    Partout, on observe une inversion du régime : dans un premier temps, toute la publicité est permise avec exceptions et dans un second temps, tout est interdit avec exceptions.

[138]    Les législations internationales réfèrent à la publicité « style de vie » et « destinée aux jeunes ».

Dr Nancy-Michelle Robitaille

[139]    L’Organisation mondiale de la Santé attribue au tabac 3.5 millions de décès annuellement.

[140]    Quarante-cinq mille Canadiens meurent annuellement de maladies liées au tabac :

a)   40% de maladies cardio-vasculaires;

b)   40% de cancer;

c)   20% de maladies pulmonaires.

[141]    Le tabac est responsable de :

a)   85% des cancers du poumon;

b)   85% des maladies pulmonaires chroniques;

c)   30% de tous cancers;

d)   30% de toutes maladies cardio-vasculaires.

[142]    La personne qui fume à 20 ans a 50% de chances de mourir prématurément (15 ans plus tôt) et sa qualité de vie est grandement diminuée.

[143]    De 1964 à 1987, plus de Canadiennes meurent du cancer du poumon que du cancer du sein bien que seulement la moitié fument.

[144]    La dépendance à la nicotine est tellement forte qu’il faut 8 à 10 tentatives pour arrêter de fumer.

[145]    Des patients hospitalisés supplient leur médecin de les libérer de l’unité coronarienne ou de les débrancher du système d’oxygène pour aller fumer.

[146]    Depuis 1950, il est connu de la communauté scientifique que:

a)   le tabagisme crée une dépendance;

b)   la fumée secondaire est néfaste;

c)   le tabac n’est pas essentiel à la vie.

[147]    L’arrêt de la consommation du tabac, après seulement un an, réduit les risques pour les maladies liées à l’athérosclérose et au cancer de façon importante.

[148]    Le tabagisme augmente de façon significative les dysfonctions érectiles chez les fumeurs.

[149]    Les enfants soumis à la fumée secondaire alors que leur système respiratoire est en formation voient leur santé pulmonaire compromise. Les enfants dont les parents fument ont deux fois plus d’infections des voies respiratoires que les autres enfants.

[150]    La mère qui fume affecte la santé du fœtus.

[151]    Le tabagisme est le principal problème de santé publique au Canada. Il cause à lui seul plus de décès que les accidents de la route, les suicides, les meurtres, le sida et l’usage des stupéfiants réunis.

[152]    L’arrêt de la consommation du tabac amène une amélioration de l’état de santé qui augmente avec le prolongement de l’abstinence. Le traitement de la dépendance a une efficacité limitée : thérapie (10% de réussite), le timbre nicotiné (20 à 23%), les antidépresseurs de type Zyban (20 à 25%).

[153]    Depuis les années 1960-70, on a constaté une augmentation considérable du nombre de fumeuses canadiennes.

Dr André Castonguay

[154]    Le tabac canadien contient 2,500 substances. La cigarette est une véritable usine chimique où des milliers de substances sont mélangées. Brûlées à hautes températures lorsque le fumeur allume sa cigarette, le nombre de substances augmente à 5,000.

[155]    Le filtre de la cigarette retient la phase particulaire des constituants toxiques, mais laisse passer les constituants toxiques gazeux.

[156]    Les fumeurs et non-fumeurs sont exposés à la fumée de cigarettes qui contient des agents toxiques.

[157]    Les composantes principales de la fumée de cigarettes sont le goudron, la nicotine, le monoxyde de carbone, le chrome, le cadmium et le plomb.

[158]    Le fumeur modifie souvent inconsciemment son profil d’inhalation selon ses besoins ponctuels en nicotine :

a)   soit en augmentant le nombre de cigarettes fumées par jour;

b)   soit en inhalant la fumée plus profondément de façon consciente ou non.

[159]    Bref, le filtre n’a à peu près aucune importance puisque le besoin du fumeur en nicotine l’obligera à aller chercher la dose requise pour satisfaire la dépendance. L’industrie connaît cette réalité depuis longtemps.[61]

[160]    Le lien clair entre cancer du poumon et tabagisme est connu scientifiquement depuis plus de 50 ans.

[161]    Au Québec, le tabagisme est associé depuis longtemps à des risques accrus de cancer du poumon (90%), de la vessie (53%), de l’œsophage (54%), de l’estomac (35%) et du pancréas (33%).

[162]    Le témoin est le premier scientifique à démontrer que le fœtus d’une femme enceinte qui fume est exposé aux substances toxiques de la fumée de cigarette qui pénètre le liquide amniotique.

[163]    Les feuilles du haut de la plante de tabac contiennent plus de nicotine que celles du bas.

[164]    Les rendements en nicotine de la cigarette ont été manipulés par l’industrie du tabac non pas génétiquement, mais par une sélection des plants et des feuilles de tabac.

[165]    La quantité de tabac par cigarette a diminué de 1968 à 1995, mais non la quantité de nicotine. Donc pour maintenir la même quantité de nicotine par cigarette, que l’organisme du fumeur réclame, il a fallu augmenter la concentration de nicotine par gramme de tabac.

[166]    En choisissant de préférence les feuilles du haut de la plante de tabac, l’industrie, ou du moins une partie de l’industrie a manipulé le rendement en nicotine.

[167]    Étudiant la composition de la fumée principale de la Player’s Première, mise sur le marché comme étant moins irritante pour la gorge, l’expert conclut qu’elle contient plus de substances irritantes que la fumée de la Player’s légère douce régulière, et de la Player’s légère régulière.

[168]    De plus, rien ne montre qu’elle contienne moins de substances irritantes que l’Export ‘A’ médium, la du Maurier extra longue, la Player’s régulière ou la du Maurier régulière. De fait, de façon générale, la Player’s Première contiendrait plus de matières irritantes que toutes les autres marques les plus vendues au Canada.

[169]    Tout l’exercice ne serait qu’un vaste effort de mise en marché.

M. Larry Swain

[170]    Les statistiques canadiennes de 1985 à 2000 montrent que :

a)   Le pourcentage de fumeurs passe de 35% à 24%;

·    chez les hommes : de 38% à 26%;

·    chez les femmes : de 32% à 23%.

b)   Tous les groupes d’âge voient le pourcentage de tabagisme diminuer sauf les 15-19 ans.

c)   ·     Les personnes peu scolarisées fument plus.
·     Les personnes au revenu familial plus faible fument plus.

d)   Les ventes de cigarettes canadiennes ont décliné de 1985 à 1993 pour augmenter de 1994 à 1996 et décliner jusqu’à 2000.

e)   La production canadienne dépasse la capacité de consommation de la population de 1% à 12% de 1985 à 1990 et de 1995 à 2000. De 1991 à 1994, la production a été de 22% à 54% plus élevée que la consommation canadienne.

Mme Judy Ferguson

[171]    La ministre de la Santé confie au témoin la préparation d’une politique globale sur le tabagisme après le jugement de la Cour suprême en 1995.

[172]    Elle met sur pied une équipe de 50 personnes pour conseiller la ministre sur tous les aspects de la question.

[173]    En décembre 1995, Santé Canada publie un document-synthèse[62] sur l’état de la question pour consulter les Canadiens. Trois mille commentaires et quatre-vingt-cinq mémoires sont déposés.

[174]    Plusieurs versions d’un document final sur les diverses options offertes à la ministre sont préparées.[63] Quatre options sont envisagées et soumises au Cabinet.

[175]    L’option retenue vise une approche globale pour lutter contre le tabagisme dont un projet de loi est l’un des moyens retenus. Le projet de loi est débattu en comité tant à la Chambre qu’au Sénat.

[176]    Le projet de loi respecte les enseignements de la Cour suprême : bannir la publicité « style de vie », celle adressée aux jeunes et permettre la publicité informative ou préférentielle.

Dr Ronald M. Davis

[177]    Le témoin a étudié une série de communications à travers le monde sur la promotion de la cigarette et de ses effets sur les personnes et notamment les jeunes.

[178]    Le rapport du Surgeon general des États-Unis de 1989[64] après étude de 25 années des effets du tabagisme sur la santé, conclut :

a)   la publicité encourage la consommation du tabac chez les adolescents et les jeunes adultes;

b)   la publicité peut faire augmenter la consommation quotidienne de la cigarette;

c)   la publicité diminue la motivation de cesser de fumer;

d)   la publicité peut inciter d’ex-fumeurs à recommencer à fumer.

[179]    Des études mondiales reconnues[65] montrent un lien direct entre publicité et consommation de cigarettes.

[180]    Les enfants sont sensibles à la publicité.

[181]    Les cigarettiers consacrent des millions de dollars à la publicité et se rabattent sur la commandite si la publicité est interdite.

[182]    Les dépenses de commandite aux États-Unis sont en constante augmentation de 1980 à 1998.

[183]    La commandite et la publicité visent le même résultat.

[184]    Le rapport du Surgeon general des États-Unis pour 1994[66] fait ressortir les points suivants :

a)   des études internationales montrent une relation entre les dépenses en publicité et la consommation de cigarettes;

b)   la publicité des cigarettiers influence les enfants et les adolescents;

c)   des études montrent un lien entre la publicité des cigarettiers et l’initiation à la cigarette.

[185]    Le tribunal mitige la crédibilité à accorder au témoin qui épouse la thèse des opposants à la cigarette, mais retient son analyse des documents reconnus comme fiables par la communauté scientifique.

Dr Richard Pollay

[186]    Le témoin est une encyclopédie vivante de la publicité sur le tabac et un scientifique rigoureux en marketing.

[187]    Le Dr Pollay a étudié des archives des cigarettiers et leur matériel publicitaire au cours des ans.

[188]    Pour l’industrie, publicité et commandite visent le même but et participent de la même réalité.

[189]    La publicité sert essentiellement à recruter de nouveaux fumeurs qui se retrouvent chez les 13-16 ans comme le montrent toutes les études et particulièrement celles du Surgeon general des États-Unis.

[190]    Tous les cigarettiers connaissent cette réalité depuis les années quarante et visent spécifiquement les jeunes comme public cible dans leur publicité.

[191]    Le fumeur cible est plus pauvre et a une piètre estime de soi. L’insécurité de l’adolescent le rend vulnérable à la publicité.

[192]    Certaines campagnes de publicité (Player’s légère, Export ‘A’ et Belvédère) s’adressent clairement aux nouveaux fumeurs et de nombreuses commandites et outils de promotion visent ce groupe cible : liberté, indépendance, plein-air, ski, sports extrêmes.

[193]    La qualité de la publicité est remarquable et raffinée et fait appel à des personnalités populaires.

[194]    Quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-dix pour cent des nouveaux fumeurs ont entre 14 et 16 ans et c’est une utopie de soutenir que la publicité des cigarettiers ne vise personne de moins de 19 ans.

[195]    De nombreuses campagnes de publicité visent avant tout l’adolescent et ses aspirations : indépendance, liberté, affranchissement, danger.

[196]    L’adolescent adhère à ces messages et évacue toute idée de dépendance : «Je suis capable d’arrêter, je ne fumerai pas toute ma vie… et de toute façon, tout le monde le fait… c’est mauvais pour la santé, ça embête mes parents, raison de plus pour fumer… »

[197]    Le seul but de la publicité des cigarettiers est de donner aux gens ce qu’ils veulent.

[198]    La cigarette et le paquet de cigarettes sont des badges pour les consommateurs. Ils donnent une personnalité au fumeur.

[199]    Un projet de recherche sur une nouvelle campagne publicitaire de l’industrie du tabac[67] de 1996 vise explicitement à déculpabiliser le fumeur. La publicité récente de l’industrie vise trois objectifs :

a)   rejoindre les jeunes;

b)   rassurer les fumeurs;

c)   rejoindre les femmes.

[200]    L’apparition des cigarettes Vantage, Médallion et Accord avait clairement pour but de rassurer les fumeurs sur d’éventuels problèmes de santé. Un fumeur de Vantage se préoccupe de sa santé laisse croire la publicité.

[201]    Une étude de RJR-McDonald menée en 1990[68] montre qu’un tiers des fumeurs regrettaient de fumer. Ce pourcentage serait passé à 80% aujourd’hui. Cette étude montre que le « gros fumeur-type » est un homme, peu instruit et économiquement défavorisé.

[202]    La publicité des cigarettiers sert à procurer au fumeur une image de fausse sécurité et à le déculpabiliser quant à d’éventuels problèmes de santé.

[203]    La publicité « style de vie » est le fondement de la mise en marché des cigarettiers. Une étude sur l’histoire de la marque Belvédère de 1957 à 1996[69] précise en première page :

Belvedere has a legacy. It is one that has been communicated through extensive product and lifestyle advertising.

[204]    Le témoin rappelle qu’historiquement, l’industrie du tabac a su et saura profiter de chaque faille d’une loi pour la contourner et assurer sa part de marché.

[205]    Le projet Linebacker[70] commandé par les cigarettiers montre que la perception des consommateurs est que la cigarette légère est meilleure pour la santé. L’industrie donne au fumeur ce qu’il veut : on crée des cigarettes « ultra légères », « de luxe ultra légères » et « ultimate light »

[206]    La publicité n’affirme jamais que la cigarette légère est meilleure pour la santé. On le laisse simplement supposer… et les fumeurs le croient. Le fumeur intelligent fume une légère, celui qui veut arrêter de fumer se rabattra sur une légère, la femme enceinte devrait fumer une légère.

[207]    Toutes les marques de cigarettes sont associées à un style de vie… mais personne ne fume dans aucune publicité.

[208]    Selon le témoin, la cigarette elle-même n’a aucune importance : c’est la meilleure publicité qui l’emporte. De nombreux tests à l’aveugle ont montré que les fumeurs sont incapables d’identifier une cigarette par rapport à une autre.

[209]    L’emballage et la présentation du paquet de cigarettes jouent un rôle complémentaire essentiel à la publicité et la commandite. C’est un outil de communication des cigarettiers et l’étape finale de tout le programme de mise en marché.

[210]    La facture du paquet est constamment mise au goût du jour guidée par des études d’impact régulières. Elle est mise au service d’une idée et d’une image à transmettre au consommateur.

[211]    Les jeunes sont particulièrement séduits par le paquet de cigarettes/badge.

[212]    Les études des cigarettiers montrent que le paquet doit être un antidote à la culpabilité du fumeur. D’autres études montrent que les fumeurs sont particulièrement sensibles aux mises en garde imposées sur les paquets de cigarettes. Particulièrement les femmes enceintes ou les mères de jeunes enfants. De même les 19-24 ans souhaiteraient un paquet sans mise en garde.

[213]    Une étude de RBH de l’année 2000 (Project Jagger, June 23, 2000) mentionnée au rapport du Dr Pollay[71] montre que les dernières mises en garde avec photos imposées par le gouvernement ont un impact majeur sur les consommateurs.

[214]    L’information imposée par le gouvernement contrecarre le plan de marketing des cigarettiers qui souhaitent présenter un produit inoffensif : « It’s killing the romance » conclut l’expert.

[215]    L’apparition de la Player’s Première n’est qu’un concept publicitaire. Aucun test scientifique n’a démontré une diminution de l’irritation de la gorge chez les fumeurs. bien plus, trois ans après son lancement, on cherchait encore la recette miracle de tabac promise à son lancement.

[216]    Même chose pour le filtre unique de la Première qui n’a rien de différent des filtres connus depuis des années. Tout comme les filtres au charbon dont l’industrie est incapable de dire en quoi ils sont plus efficaces.


 

LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

(art. 2b) de la Charte)

Analyse contextuelle

[217]    Quelles sont les valeurs en jeu dans la présente cause? D’une part, la liberté d’expression garantie par la Charte et d’autre part, le droit à la santé et ultimement à la vie garanti également par la Charte (art. 7). Et son corollaire, l’obligation du Parlement de favoriser la santé des Canadiens.

[218]    En adoptant la loi, le Parlement a devant lui le contexte factuel et social révélé par la preuve que l’on peut résumer à grands traits à ce qui suit.

[219]    Le tabagisme est de loin le problème de santé le plus grave au Canada. Il tuait 30,000 personnes en 1981 et 45,000 aujourd’hui. De fait, il tue plus de Canadiens annuellement que les accidents de la route, les suicides, les meurtres, le sida et l’usage des stupéfiants réunis.

[220]    Le tabagisme est responsable de 85% des cancers du poumon et des maladies pulmonaires chroniques et à moindre degré d’une foule d’autres cancers et maladies cardio-vasculaires.

[221]    Le fumeur meurt plus jeune et sa qualité de vie est grandement diminuée.

[222]    Un parent qui fume nuit à la santé de ses enfants.

[223]    La fumée secondaire est tout aussi néfaste aux non fumeurs.

[224]    La nicotine crée rapidement une dépendance foudroyante.

[225]    On commence à fumer à l’adolescence et particulièrement entre 13 et 16 ans.

[226]    Cesser de fumer est extrêmement difficile.

[227]    Le tabagisme n’apporte aucun bénéfice au fumeur outre le soulagement de sa dépendance à la nicotine.

[228]    La publicité et la commandite des cigarettes incitent à fumer, rassurent le fumeur, nuisent aux efforts de ceux qui tentent d’arrêter.

[229]    La publicité de cigarettes vise des publics cible et au premier chef les jeunes qui sont l’avenir de l’industrie.

[230]    La tendance mondiale en matière de législation dans des pays comparables au Canada vise l’interdiction de la publicité des cigarettes avec certaines exceptions restreintes.

[231]    Les mises en garde sont efficaces et minent les efforts des cigarettiers de présenter le paquet de cigarettes comme un badge associé à un style de vie.

 

*     *     *     *     *

 

[232]    Du côté des cigarettiers, la preuve montre également le contexte factuel et social suivant.

[233]    L’industrie sait depuis 50 ans que la cigarette cause le cancer du poumon et est nuisible à la santé, mais n’a pas cru nécessaire d’en prévenir les consommateurs.

[234]    L’industrie sait depuis toujours que les cigarettes légères sont tout aussi néfastes pour la santé que les cigarettes régulières, mais a néanmoins mis sur pied un subtil programme de marketing laissant supposer qu’un fumeur qui se préoccupe de sa santé fume une cigarette légère.

[235]    L’industrie sait depuis toujours qu’une cigarette-filtre est tout aussi nocive qu’une cigarette régulière et que les fumeurs modifient inconsciemment leur façon de fumer pour satisfaire à leur besoin de nicotine bien que tous les efforts de marketing disent le contraire.

[236]    L’industrie produit aujourd’hui une cigarette contenant moins de tabac, mais le même degré de nicotine en choisissant les feuilles du haut du plant de tabac à plus forte teneur en nicotine. Cette information n’a pas été communiquée aux consommateurs.

[237]    Le lancement de la cigarette Player’s Première, censée être moins irritante pour la gorge, n’est qu’une vaste opération de marketing visant à donner au consommateur ce qu’il demande sans que le produit ne présente quelque caractéristique différente d’une cigarette régulière.

[238]    La preuve révèle qu’aucune cigarette n’est moins irritante pour la gorge qu’une autre.

[239]    Bien qu’elle s’en défende, la mise en marché de l’industrie vise au premier chef les nouveaux fumeurs et d’abord les adolescents au moyen d’une publicité consciemment conçue à cet effet. En second lieu, la publicité vise des groupes cible précis : les femmes, les cols bleus, etc.

[240]    L’industrie a volontairement participé au marché criminel de la contrebande de cigarettes.

[241]    L’industrie se dit d’accord avec une certaine limitation de sa liberté d’expression, mais n’a jamais formulé de recommandations précises, efficaces et réalistes pour ce faire.

[242]    La preuve montre que le gros fumeur-type est un homme peu instruit, économiquement défavorisé et ayant une piètre estime de soi.

[243]    Elle montre également que le nouveau fumeur-type est un adolescent.[72] Il est intéressant de noter que de 1985 à 2000, tous les groupes d’âge voient le pourcentage de tabagisme diminuer sauf le groupe des 15-19 ans.

[244]    Si on devait résumer la preuve en deux mots, on en arriverait à la conclusion implacable :

Le fumeur est toujours perdant.

[245]    À cette preuve, les cigarettiers ont jugé bon de ne présenter aucune contre-preuve.

 

*     *     *     *     *

 

[246]    La liberté d’expression est essentielle à l’être humain. Elle assure la libre circulation des idées, favorise la réflexion et permet à chacun de se forger une opinion personnelle dût-elle être erronée.

[247]    Les cigarettiers ont raison de dire que la loi limite leur droit d’expression.

[248]    Mais, avec égards, tous les droits ne sont pas égaux et le droit à la libre expression des cigarettiers à vanter le mérite de la cigarette ne saurait obtenir la même protection constitutionnelle que le droit à l’expression politique, culturelle ou scientifique.

À mon avis, le préjudice engendré par le tabac, et la volonté de faire des profits qui en sous-tend la promotion, placent cette forme d’expression aussi loin du « cœur » des valeurs de la liberté d’expression que la prostitution, la fomentation de la haine ou la pornographie, ce qui fait qu’elle n’a droit qu’à une faible protection en vertu de l’article premier. Il faut se rappeler que la publicité du tabac ne sert aucune fin politique, scientifique ou artistique et qu’elle ne favorise pas la participation au processus politique. Son seul but est plutôt de renseigner les consommateurs sur un produit qui est nocif, voire souvent fatal, pour ceux qui en font usage, et d’en faire la promotion. Le principal, sinon le seul motif de la publicité est, bien entendu, le profit[…][73]

[249]    À moins de faire preuve d’angélisme, il faut voir comment les cigarettiers ont utilisé leur liberté d’expression à ce jour et les effets du discours qu’ils veulent transmettre aux consommateurs sur leur santé et sur leur vie.

Contestation de la loi

[250]    Les cigarettiers demandent la nullité de l’ensemble de la loi mais leurs griefs sont articulés autour des éléments suivants qui violeraient diverses dispositions de la Charte:

a)   la loi équivaut à une prohibition de toute publicité des produits du tabac;

b)   imprécision des articles 19 à 24;

c)   définition illégale, abusive et incompréhensible de la notion de « publicité style de vie » et de la publicité qui « pourrait être attrayante pour les jeunes » (art. 22);

d)   interdiction illégale de toute commandite;

e)   expropriation du paquet de cigarettes par l’imposition de mises en garde abusives (règlement sur l’information) (art. 15 à 17 de la loi);

f)    perquisition perpétuelle abusive (règlement sur les rapports).

Le test de Oakes

L’objectif urgent et réel

[251]    On a vu que l’article 1 de la Charte permet de restreindre un droit à la condition de le justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[252]    L’article 4 de la loi précise son objectif :

Art. 4  La présente loi a pour objet de s'attaquer, sur le plan législatif, à un problème qui, dans le domaine de la santé publique, est grave et d'envergure nationale et, plus particulièrement :

a) de protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens compte tenu des preuves établissant, de façon indiscutable, un lien entre l'usage du tabac et de nombreuses maladies débilitantes ou mortelles;

b) de préserver notamment les jeunes des incitations à l'usage du tabac et du tabagisme qui peut en résulter;

c) de protéger la santé des jeunes par la limitation de l'accès au tabac;

d) de mieux sensibiliser la population aux dangers que l'usage du tabac présente pour la santé.[74]

[253]    Il est peu d’objectifs plus importants, urgents et réels dans la société canadienne que de tenter de contrer les effets du tabagisme.

[254]    D’aucuns soutiendront qu’il serait plus simple d’interdire la vente des cigarettes. L’enseignement de la prohibition de l’alcool aux États-Unis montre qu’une telle mesure est d’une part inapplicable et d’autre part source d’une augmentation de la criminalité.

[255]    Les demanderesses admettent que l’objectif est important et justifie la suppression d’une partie de leur liberté d’expression.

[256]    Dans le jugement de la Cour suprême dans le premier dossier, la Cour reconnaissait la validité de l’objectif gouvernemental.

[257]    La loi vise notamment à préserver les jeunes de l’accès au tabac. Cet objectif de protection d’un groupe vulnérable de la société est reconnu dans l’arrêt Irwin Toy c. Québec (P.G.)[75] où il est question de la manipulation possible des jeunes dans la publicité des jouets.

[258]    La loi traite également de l’importance de l’information des fumeurs des dangers du tabagisme.

Le principe de proportionnalité

[259]    L’arrêt Oakes nous enseigne que ce principe recoupe trois volets :

(i)   Lien rationnel

[260]    Le Procureur général doit démontrer qu’il existe un lien rationnel entre le « mal » ou le problème à régler et les moyens proposés par la loi.

[261]    La Cour suprême dans RJR-MacDonald a reconnu qu’il existait un lien rationnel entre l’objectif de la LRPT et l’interdiction de la publicité.[76]

(ii)  Atteinte minimale

[262]    Dans R. c. Advance Cutting & Coring Ltd.,[77] le juge Le Bel rappelle que le critère de l’atteinte minimale ne doit pas être appliqué trop littéralement et qu’en matière sociale, une certaine retenue est de mise de la part des tribunaux envers les choix législatifs.

[263]    De son côté, le juge Bastarache traitant du degré de déférence dans l’arrêt Dunmore[78] souligne :

Le degré de déférence variera selon que le législateur a soupesé les intérêts des groupes opposés, a défendu un groupe vulnérable ayant une crainte subjective de préjudice, a opté pour une mesure dont l'efficacité ne peut être évaluée scientifiquement et a supprimé une activité dont la valeur sociale ou morale est relativement minime.

[264]    De façon générale, les tribunaux sont réticents à substituer leur opinion à celle du législateur dans le choix des moyens pour atteindre l’objectif de la loi.

(iii) Proportionnalité

[265]    Le tribunal doit être convaincu qu’il existe un équilibre entre les effets préjudiciables et salutaires de la loi.

[266]    Chaque cas est cas d’espèce et souvent les convictions personnelles ou la subjectivité entrent en ligne de compte.

 

*     *     *     *     *

 

[267]    Une fois ces principes rappelés, il importe de reprendre un à un, même si l’exercice est fastidieux et peut paraître redondant, les différentes sections de la loi contestées par les demanderesses et de vérifier si elles sont conformes aux enseignements de l’arrêt Oakes.

Publicité permise et défendue
 
(articles 19 et 22)

[268]    Le Parlement a retenu la formule de prohibition générale de promotion des produits du tabac assortie d’exceptions suivant en cela la tendance des pays industrialisés.

19. Il est interdit de faire la promotion d'un produit du tabac ou d'un élément de marque d'un produit du tabac, sauf dans la mesure où elle est autorisée par la présente loi ou ses règlements.[79]

[269]    La ministre et son équipe de recherche n’ont jamais caché qu’ils auraient préféré une législation bannissant toute forme de publicité des produits du tabac, mais ils ont compris du dialogue du Parlement avec la Cour suprême qu’une telle mesure serait ultra vires.

[270]    L’article 22 permet la publicité informative et préférentielle de marques et interdit la publicité « style de vie » et celle qui « pourrait être attrayante pour les jeunes ».

22. (1) Il est interdit, sous réserve des autres dispositions du présent article, de faire la promotion d'un produit du tabac par des annonces qui représentent tout ou partie d'un produit du tabac, de l'emballage de celui-ci ou d'un élément de marque d'un produit du tabac, ou qui évoquent le produit du tabac ou un élément de marque d'un produit du tabac.

(2) Il est possible, sous réserve des règlements, de faire la publicité -- publicité informative ou préférentielle -- d'un produit du tabac :

a) dans les publications qui sont expédiées par le courrier et qui sont adressées à un adulte désigné par son nom;

b) dans les publications dont au moins quatre-vingt-cinq pour cent des lecteurs sont des adultes;

c) sur des affiches placées dans des endroits dont l'accès est interdit aux jeunes par la loi.

(3) Le paragraphe (2) ne s'applique pas à la publicité de style de vie ou à la publicité dont il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle pourrait être attrayante pour les jeunes.

(4) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« publicité de style de vie » Publicité qui associe un produit avec une façon de vivre, tels le prestige, les loisirs, l'enthousiasme, la vitalité, le risque ou l'audace ou qui évoque une émotion ou une image, positive ou négative, au sujet d'une telle façon de vivre.

« publicité informative » Publicité qui donne au consommateur des renseignements factuels et qui porte :

a) sur un produit ou ses caractéristiques;

b) sur la possibilité de se procurer un produit ou une marque d'un produit ou sur le prix du produit ou de la marque.

« publicité préférentielle » Publicité qui fait la promotion d'un produit du tabac en se fondant sur les caractéristiques de sa marque.[80]

Lien rationnel

[271]    Le Procureur général plaide en faveur du lien rationnel entre l’article 22 et l’objectif de la loi qui est de réduire l’usage de la cigarette et de protéger les jeunes contre les incitations à fumer.

[272]    Dans l’arrêt RJR-MacDonald, la Cour suprême a déjà reconnu ce lien rationnel[81]. La preuve dans le présent dossier montre de façon prépondérante que la publicité est au cœur de la stratégie des cigarettiers, qu’elle a une influence directe sur la consommation de cigarettes, qu’elle frappe l’imaginaire des jeunes, qu’elle donne au fumeur exactement ce qu’il veut pour se conforter dans l’idée que fumer est socialement acceptable sans être néfaste pour la santé.[82]

[273]    Les cigarettiers dépensent des millions de dollars annuellement pour leurs campagnes de publicité. Le sens commun veut que ces campagnes de mise en marché sophistiquées, utilisant les meilleurs publicistes, vérifiant régulièrement leur impact sur les consommateurs aient un effet déterminant sur l’imaginaire collectif et incitent les jeunes à commencer à fumer et les autres à continuer à le faire.

[274]    Les faits législatifs déposés en preuve extrinsèque et commentés précédemment montrent également de façon prépondérante le lien rationnel entre publicité et consommation de cigarettes.[83]

[275]    Les propres documents internes des cigarettiers confirment ce lien rationnel malgré le discours officiel des fabricants voulant que la publicité ne serve qu’à fidéliser la clientèle déjà acquise.

Atteinte minimale

[276]    La preuve montre que les autorités politiques, en présentant la loi tant pour examen en comité qu’à la Chambre ou au Sénat, ont souhaité s’attaquer à un problème social complexe à la lumière des enseignements de la Cour suprême.

[277]    Le ministre de la Santé Dingwall, lors du discours de présentation de la loi à la Chambre des communes :

This legislation is a product of a deliberate and thoughtful process. We have taken the guidance of the Supreme Court of Canada. We have studied the results of the research conducted by and on behalf of Health Canada as well as the extensive body of international data on tobacco promotion and tobacco use.[84]

[278]    Dans l’affaire RJR-MacDonald, la juge McLachlin, au nom de la majorité, souligne[85] :

Comme je l'ai fait remarquer dans mon analyse du lien rationnel, bien que l'on puisse conclure, de façon rationnelle et logique, que la publicité de style de vie vise à accroître la consommation, rien n'indique que la publicité purement informative ou de fidélité aux marques aurait cet effet. Au moment où il a adopté l'interdiction totale de la publicité, le gouvernement disposait de toute une gamme de mesures moins attentatoires: une interdiction partielle qui aurait permis la publicité informative et de fidélité aux marques, une interdiction de publicité de style de vie seulement, des mesures comme celles prévues dans la Loi sur la protection du consommateur du Québec, L.R.Q., ch. P-40.1, dans le but d'interdire la publicité destinée aux enfants et aux adolescents, et des exigences en matière d'étiquetage seulement (qui selon Santé et Bien-être social seraient préférables à une interdiction de publicité: voir le témoignage de A. J. Liston). À mon avis, chacune de ces mesures constituerait une atteinte raisonnable au droit à la liberté d'expression, étant donné l'importance de l'objectif et du contexte législatif.

[279]    La loi permet donc la publicité informative et de fidélité aux marques, mais interdit la publicité « style de vie » et celle destinée aux jeunes et aux adolescents.

[280]    En invalidant la L.R.P.T., la Cour suprême a indiqué au pouvoir législatif des balises qui respecteraient le difficile équilibre entre le respect des droits et libertés et l’objectif légitime d’une loi sur les produits du tabac. Le Parlement jouit d’une certaine marge de manœuvre dans la rédaction d’une nouvelle loi à la condition de respecter le sens général des recommandations de la Cour.[86] Il ne faut pas oublier non plus que de nouvelles connaissances ont été acquises sur les effets du tabac entre l’adoption des deux lois.

[281]    Enfin et surtout, il faut se rappeler à quel produit la loi impose une réglementation. La cigarette est un produit nocif qui n’apporte aucun bénéfice à la personne humaine. Elle est souvent consommée par les personnes les plus vulnérables de la société. Elle crée une dépendance contre laquelle la volonté ne peut rien. La preuve montre que 80% des fumeurs regrettent de fumer, mais ne peuvent se passer de cigarettes.

[282]    Le Parlement a soupesé deux intérêts divergents et a arbitré en faveur de la santé publique tout en respectant une certaine liberté d’expression. En cette matière, le seuil de l’atteinte minimale est certes différent vu la faible valeur sociale et éthique du discours des cigarettiers.

[283]    Ce serait parodie de justice que d’accorder la même protection constitutionnelle à la liberté de presse et à la liberté de vanter les vertus d’une cigarette ultra-légère.

[284]    Les demanderesses soumettent que le pouvoir législatif a fait fi du jugement de la Cour. C’est une prétention que le tribunal ne retient pas.

Proportionnalité

[285]    Compte tenu de ce qui précède et de la preuve versée au dossier, l’objectif de la loi est tellement important dans l’effort global des autorités gouvernementales pour enrayer le tabagisme que les avantages de la loi l’emportent sur les inconvénients des cigarettiers.

[286]    Le remède choisi est à la mesure du problème de santé soumis à l’étude du Parlement. De fait, une lecture attentive de toutes les opinions émises en Cour suprême lors du premier procès étudiées à la lumière de la preuve faite en l’instance montre qu’un bannissement total de toute publicité se serait beaucoup mieux défendu aujourd’hui qu’en 1989.

La commandite
 
(art. 24 et 25)

[287]    Les articles 24 et 25 de la loi, au moment de son adoption, restreignaient la commandite de la façon suivante :

24. (1) Sous réserve des règlements et des paragraphes (2) et (3), il est possible d'utiliser un élément de marque d'un produit du tabac sur le matériel relatif à la promotion d'une personne, d'une entité, d'une manifestation, d'une activité ou d'installations permanentes qui, selon le cas :

a) sont associés aux jeunes, dont il existe des motifs raisonnables de croire qu'ils pourraient être attrayants pour les jeunes ou dont les jeunes sont les principaux bénéficiaires;

b) sont associés avec une façon de vivre, tels le prestige, les loisirs, l'enthousiasme, la vitalité, le risque ou l'audace.

(2) L'élément de marque d'un produit du tabac ne peut figurer que tout au bas du matériel de promotion, dans un espace occupant au maximum 10 % de la surface de ce matériel.

(3) Le matériel de promotion visé au paragraphe (2) ne peut figurer que :

a) dans des publications qui sont expédiées par le courrier et qui sont adressées à un adulte désigné par son nom;

b) dans des publications dont au moins quatre-vingt-cinq pour cent des lecteurs sont des adultes;

c) sur des affiches placées ou dans des programmes offerts placées sur les lieux de la manifestation ou de l'activité ou sur les installations;

d) sur des affiches placées dans des endroits où l'accès est interdit aux jeunes par la loi.

(4) Dans les cas où les critères visés aux alinéas (1)a) ou b) ne s'appliquent pas à la commandite et sous réserve des règlements, il est possible d'utiliser un élément de marque d'un produit du tabac dans la promotion de la commandite.

25. L’élément de marque d’un produit du tabac qui fait partie de la dénomination d’installations permanentes peut apparaître sur les installations conformément aux règlements.

[288]    À partir du 1er octobre 2003, la publicité de commandite sera totalement interdite et le nouvel article 24 se lira comme suit :

24. Il est interdit d’utiliser, directement ou indirectement, un élément de marque d’un produit du tabac ou le nom d’un fabricant sur le matériel relatif à la promotion d’une personne, d’une entité, d’une manifestation, d’une activité ou d’installations permanentes.[87]

[289]    Le 10 décembre 1998, l’article 25, qui permettait d’utiliser un nom associé au tabac sur des installations permanentes, a été modifié et se lit maintenant :

25. Il est interdit d'utiliser un élément de marque d'un produit du tabac ou le nom d'un fabricant sur des installations permanentes, notamment dans la dénomination de celles-ci, si l'élément ou le nom est de ce fait associé à une manifestation ou activité sportive ou culturelle.[88]

[290]    La preuve prépondérante faite en l’instance montre que publicité conventionnelle et commandite servent les mêmes fins pour les cigarettiers. Voyant que la publicité traditionnelle serait peu à peu bannie au pays et ailleurs dans le monde, les cigarettiers canadiens ont massivement investi le marché de la commandite et réduit leur budget de publicité conventionnelle.[89] Le même phénomène a été remarqué aux États-Unis.

[291]    La bataille que se livrent Santé Canada et l’industrie du tabac est épique. Deux philosophies s’opposent, deux façons de voir et de concevoir les grands enjeux en cause. Deux intérêts totalement divergents et inconciliables.

[292]    L’industrie du tabac, et c’est son droit, profite de chaque faille réglementaire et législative.

[293]    Ainsi, lorsque la L.R.P.T. a été adoptée, les cigarettiers contournent les interdictions de publicité « style de vie ». Dans les publicités de revues et panneaux-réclame où l’on voyait un homme assis au sommet de la montagne fumant une cigarette, on verra dorénavant une activité commanditée où Patrick Carpentier ou Alexandre Tagliani font de l’escalade ou du vélo de montagne comme membres de l’équipe de course automobile « Team Player’s ».

[294]    Le témoin Ed Ricard et les documents internes des cigarettiers montrent clairement que les commandites visent à associer une marque de cigarettes à un style de vie.[90]

[295]    Un exemple probant parmi tant d’autres. Le Conseil des Arts du Maurier (du Maurier Arts Council) commandite de nombreuses activités culturelles. En 2000, la photographie est ajoutée aux activités commanditées.

[296]    En 2001, le Conseil accorde à de jeunes photographes canadiens cinq bourses pour différents projets photographiques.

[297]    Les cinq bourses totalisent la somme de 39 333 $. Le budget consacré à la mise en marché dans les médias de cette commandite du Maurier - Photographie pour l’année 2001 est de 1.1 million de dollars.[91]

[298]    Louable initiative, mais d’abord et avant tout, une activité de publicité-commandite.

[299]    Quand M. Ed Ricard affirme que les cigarettiers ont commencé à commanditer des événements dans le but de remettre à la société canadienne un peu de ce qu’ils ont reçu de leur fidèle clientèle, la Cour a pu remarquer des sourires dans une partie de la salle d’audience.

 

*     *     *     *     *

 

[300]    La Loi sur le tabac a reçu la sanction royale le 25 avril 1997.

[301]    Le contexte canadien et international se modifie par la suite. Le 17 décembre 1998, l’Assemblée nationale du Québec interdit toute activité de commandite aux cigarettiers à compter du 1er octobre 2003 et met sur pied un fonds de transition.

[302]    La Communauté économique européenne (CEE) interdit aux cigarettiers la commandite d’événements sportifs et culturels, y compris les courses de Formule 1 à compter de 2006.

[303]    La Belgique a interdit la commandite sur le tabac à compter de cette année et le Grand Prix de Formule 1 de Belgique a été annulé pour 2003. Il reviendra plus tard, le temps de trouver d’autres commanditaires.

[304]    L’industrie américaine du tabac convient avec 50 états américains de restreindre ses activités de commandite.

[305]    Le 3 juin 1998, le ministre de la Santé Allan Rock présente le projet de loi C-42 modifiant l’article 24 de la loi relative à la commandite.

[306]    Le Procureur général admet que l’article 24 qui entrera en vigueur le 1er octobre 2003 constitue une atteinte à la liberté d’expression garantie par la Charte, mais soutient qu’il constitue une limite raisonnable fondée sur l’article premier. Les demanderesses soutiennent que rien ne justifie la prohibition de la commandite.

 

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Lien rationnel

[307]    La preuve convainc le tribunal que la commandite n’est que le prolongement de la publicité conventionnelle adaptée à des besoins nouveaux et avec des principes de mise en marché souvent plus subtils et plus raffinés. Toute commandite se rattache par la force des choses à un style de vie proposé par l’activité et associé à une marque de cigarettes.[92]

[308]    Interdire la publicité tout en permettant la commandite rendrait la première mesure inefficace.

[309]    Le lien rationnel entre la commandite et l’objectif de la loi est le même que celui expliqué dans la rubrique précédente.

Atteinte minimale

[310]    La commandite est associée à un style de vie. La publicité « style de vie » est interdite pour les motifs expliqués dans la rubrique précédente et acceptée comme une atteinte minimale par la Cour suprême.

[311]    L’apocalypse annoncée par les cigarettiers n’aura pas lieu. D’autres commanditaires remplaceront les cigarettiers et le devoir de réserve de la Cour l’oblige à considérer que dans le débat santé publique/tabagisme, l’interdiction de la commandite est une atteinte minimale par rapport à l’objectif global à long terme de la lutte au tabagisme.

[312]    Comme le soulignait le juge La Forest[93] dans RJR-MacDonald, autoriser la commandite permet aux cigarettiers de contourner la loi :

En outre, dans l'examen des avantages comparatifs des interdictions partielles ou complètes de la publicité, il est également révélateur que, dans les pays où les gouvernements ont imposé des interdictions partielles de la publicité du tabac comme celles proposées par les appelantes, les compagnies de tabac ont trouvé d'ingénieuses tactiques pour contourner ces restrictions. Par exemple, lorsque la France a tenté d'imposer une interdiction partielle de la publicité du tabac dans les années 80 (en interdisant la publicité du tabac de type «style de vie», mais non la publicité informative ou de marque), les compagnies de tabac ont trouvé des techniques pour associer leurs produits à des «styles de vie», par exemple, en plaçant des vignettes sur le nom de la marque et en reproduisant ces vignettes lorsqu'une annonce montrait le paquet, ou en achetant pour la publicité une pleine page d'un magazine, puis en revendant les trois-quarts de la page au Club Med, dont la publicité de style de vie contribuait à associer un style de vie à la marque; voir Luc Joossens, «Strategy of the Tobacco Industry Concerning Legislation on Tobacco Advertising in Some Western European Countries» dans Proceedings of the 5th World Conference on Smoking and Health (1983).

[313]    Si l’interdiction de la publicité « style de vie » constitue une atteinte minimale, l’interdiction de la commandite s’ensuit logiquement.

[314]    Tenant compte des intérêts conflictuels en jeu, le Parlement a décidé d’un moratoire de cinq ans des activités de commandite et s’en est expliqué.[94] La mesure est logique et appropriée à l’étude de l’ensemble de l’intervention gouvernementale.

Proportionnalité

[315]    Comme dit précédemment, le Parlement a choisi des mesures qui peuvent sembler sévères, mais qui sont à la mesure de l’ampleur du problème de santé publique chez les Canadiens.

Les produits accessoires
         
(art. 27 et 28)

[316]    La loi réglemente aux articles 27 et 28 les produits accessoires (branded merchandising) utilisés à titre publicitaire par les cigarettiers :

27. Il est interdit de fournir ou de promouvoir un produit du tabac si l'un de ses éléments de marque figure sur des articles autres que des produits du tabac -- à l'exception des accessoires -- ou est utilisé pour des services et que ces articles ou ces services :

a) soit sont associés aux jeunes ou dont il existe des motifs raisonnables de croire qu'ils pourraient être attrayants pour les jeunes;

b) soit sont associés avec une façon de vivre, tels le prestige, les loisirs, l'enthousiasme, la vitalité, le risque ou l'audace.

28. (1) Sous réserve des règlements, il est possible de vendre un produit du tabac ou d'en faire la publicité conformément à l'article 22 dans les cas où l'un de ses éléments de marque figure sur des articles autres que des produits du tabac -- à l'exception des accessoires -- ou est utilisé pour des services qui ne sont pas visés par les alinéas 27a) ou b).

(2) Sous réserve des règlements, il est possible de promouvoir des articles autres que des produits du tabac -- à l'exception des accessoires -- portant un élément de marque d'un produit du tabac ou des services utilisant un tel élément qui ne sont pas visés à l'article 27.[95]

Lien rationnel

[317]    La Food and Drug Administration américaine commente l’usage de la publicité sur des produits accessoires (branded merchandising) :

In response, the agency concludes that the evidence presents a compelling case to prohibit the sale and distribution of all nontobacco items that are identified with a cigarette or smokeless tobacco product brand name or other identifying characteristic. The evidence establishes that these nontobacco items are readily available to young people and are attractive and appealing to them with as many as 40 to 50 percent of young smokers having at least one item (60 FR 41314 at 41336). The imagery and the item itself create a badge product for the young person and permit him/her the means to portray identification.

FDA has shown that tobacco advertising plays out over many media, and that any media can effectively carry the advertising message. Moreover, the agency recognizes that the tobacco industry has exploited loopholes in partial bans of advertising to move its imagery to different media. When advertising has been banned or severely restricted, the attractive imagery can be and has been replicated on nontobacco items that go anywhere, are seen everywhere, and are permanent, durable, and unavoidable. By transferring the imagery to nontobacco items, the companies have ”thwarted” the attempts to reduce the appeal of tobacco products to children.

In addition, items, unlike advertisements in publications and on billboards, have little informational value. They exist solely to entertain, and to provide a badge that, as the Tobacco Institute asserted, allows the wearer to make a statement about his “social group” for all to see. But because tobacco is not a normal consumer product, it should not be treated like a frivolity.[96]

[318]    Le Procureur général soumet, et la Cour accepte la proposition, que la campagne anti-tabagisme multidimensionnelle souhaitée par le ministre de la Santé et adoptée par le Parlement en passant la loi nécessite l’interdiction de campagnes parallèles de publicité.

[319]    L’interdiction des chandails, ballons, sacs de sports et autres accessoires qui deviennent des badges pour les jeunes ou qui véhiculent un style de vie est nécessaire pour atteindre l’objectif de la loi.

[320]    Une étude de Santé Canada souligne :

First, most branded merchandising, judging from the type of article on offer, seems intended for youth or young adults as lifestyle accessories or fashion display.  Second, some items (e.g. T-shirts, tote bags), when worn or carried as accessories, create a new advertising medium that can enter schools or other locations where tobacco product advertising would not normally be permitted, in effect ²giving the companies the opportunity to turn their customers into a promotional medium².  Third, unlike other forms of tobacco product advertising, these items do not display health warning messages, even though the use of the brand/logo stands in for many of the connotative elements found in the product advertising copy.  Fourth, by being both ubiquitous and seemingly innocuous in their social contexts, this type of advertisement may achieve greater market penetration than overt product advertising, simply because the marketing intention seems tangential to the merchandise’s mundane daily use.  The promotional value of branded merchandise is enhanced by its role in providing a comfort level for the presence of cigarette brand names in all social settings.[97]

[321]    L’industrie elle-même y voit une nouvelle source inexplorée à ce jour d’outil promotionnel.[98]

[322]    S’il existe un lien rationnel entre publicité et consommation, ce lien existe également entre publicité de produits accessoires et consommation.

Atteinte minimale

[323]    La restriction a été réduite aux produits associés aux jeunes ou à un style de vie. L’atteinte minimale est conforme à ce que dit précédemment.

Proportionnalité

[324]    Les commentaires sont les mêmes que précédemment.

La promotion trompeuse
         
(Art. 20)

[325]    L’article 20 de la loi se lit :

20. Il est interdit de faire la promotion d'un produit du tabac, y compris sur l'emballage de celui-ci, d'une manière fausse ou trompeuse ou susceptible de créer une fausse impression sur les caractéristiques, les effets sur la santé ou les dangers pour celle-ci du produit ou de ses émissions.

[326]    La promotion trompeuse ne saurait jouir de la protection constitutionnelle prévue à l’article 2b) de la Charte. Les demanderesses n’ont d’ailleurs pas plaidé en ce sens.

Les célébrités
         
(Art. 21)

[327]    L’article 21 se lit :

21. (1) Il est interdit de faire la promotion d'un produit du tabac, y compris sur l'emballage de celui-ci, au moyen d'attestations ou de témoignages, quelle que soit la façon dont ils sont exposés ou communiqués.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), la représentation d'une personne, d'un personnage ou d'un animal, réel ou fictif, est considérée comme une attestation ou un témoignage.

(3) Le présent article ne s'applique pas aux marques de commerce qui figurent sur un produit du tabac en vente au Canada le 2 décembre 1996.

[328]    Comme la Cour en vient à la conclusion que les restrictions à la publicité et à la commandite contenues à la loi sont justifiées au sens de l’article premier de la Charte, à plus forte raison l’interdiction de l’utilisation d’une personnalité sportive ou d’un personnage connu de bande dessinée vantant une marque de cigarettes respecte les critères de l’arrêt Oakes.

Le matériel aux points de vente
         
(Art. 30)

[329]    L’article 30 de la loi se lit :

30. (1) Sous réserve des règlements, il est possible, dans un établissement de vente au détail, d'exposer des produits du tabac et des accessoires portant un élément de marque d'un produit du tabac.

(2) Il est possible pour un détaillant, sous réserve des règlements, de signaler dans son établissement que des produits du tabac y sont vendus et d'indiquer leurs prix.

[330]    D’une part, les demanderesses ne sont pas détaillants, mais fabricants et leur intérêt à plaider l’inconstitutionnalité de l’article 30 dans un vide factuel admis paraît douteux.

[331]    D’autre part, l’article 30 permet aux détaillants d’exposer les produits du tabac dans leurs établissements sous réserve des dispositions de la loi.

[332]    Débattre de la constitutionnalité de la Loi sur le tabac n’oblige pas la Cour à trancher tous les débats potentiels. La juge McLachlin :

L'interprétation de la disposition est une étape préalable nécessaire à la détermination de la constitutionnalité, étant entendu naturellement que les tribunaux pourront, dans des instances ultérieures, préciser l'analyse à la lumière des faits et des considérations en présence.[99]

[333]    La Cour ne saurait donner d’indication sur la façon dont la vente des produits du tabac sera faite chez les détaillants.

La diffusion
         
(Art. 31)

[334]    La loi prévoit que les restrictions qu’elle impose à la commandite et la publicité des cigarettiers s’appliquent également aux médias.

31. (1) Il est interdit, à titre gratuit ou onéreux et pour le compte d'une autre personne, de diffuser, notamment par la presse ou la radio-télévision, toute promotion interdite par la présente partie.

(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas à la distribution en vue de la vente de publications importées au Canada ou à la retransmission d'émissions de radio ou de télévision de l'étranger.

(3) Il est interdit à toute personne se trouvant au Canada de faire la promotion, dans une publication ou une émission provenant de l'étranger ou dans une communication, autre qu'une publication ou une émission, provenant de l'étranger, d'un produit à la promotion duquel s'applique la présente partie ou de diffuser du matériel relatif à une promotion contenant un élément de marque d'un produit du tabac d'une manière non conforme à la présente partie.

[335]    L’article 31(1) semble redondant. Ce qui est interdit de façon générale à la loi est interdit à quiconque y compris les médias.

La promotion
         
(Art. 18)

[336]    L’article 18 de la loi prévoit :

18. (1) Dans la présente partie, « promotion » s'entend de la présentation, par tout moyen, d'un produit ou d'un service -- y compris la communication de renseignements sur son prix ou sa distribution --, directement ou indirectement, susceptible d'influencer et de créer des attitudes, croyances ou comportements au sujet de ce produit ou service.

(2) La présente partie ne s'applique pas :

a) aux oeuvres littéraires, dramatiques, musicales, cinématographiques, artistiques, scientifiques ou éducatives -- quels qu'en soient le mode ou la forme d'expression -- sur ou dans lesquelles figure un produit du tabac ou un élément de marque d'un produit du tabac, sauf si un fabricant ou un détaillant a donné une contrepartie, directement ou indirectement, pour la représentation du produit ou de l'élément de marque dans ces oeuvres;

b) aux comptes rendus, commentaires et opinions portant sur un produit du tabac ou une marque d'un produit du tabac et relativement à ce produit ou à cette marque, sauf si un fabricant ou un détaillant a donné une contrepartie, directement ou indirectement, pour la mention du produit ou de la marque;

c) aux promotions faites par un tabaculteur ou un fabricant auprès des tabaculteurs, des fabricants, des personnes qui distribuent des produits du tabac ou des détaillants, mais non directement ou indirectement auprès des consommateurs.

[337]    Le premier alinéa définit le terme « promotion ». On se rappellera que l’article 19 de la loi interdit la promotion d’un produit du tabac sauf dans la mesure où la loi l’autorise.

[338]    Les demanderesses craignent que l’effet combiné des deux articles aille bien au-delà de l’expression commerciale visée par l’objectif de la loi. Elles soumettent que ces articles pourraient aller jusqu’à interdire la diffusion de communiqués de presse de l’industrie, les représentations devant les comités parlementaires, la divulgation de recherches scientifiques menées par l’industrie. Bref, la négation de la liberté d’expression des cigarettiers.

[339]    D’une part, il est clair que le législateur craint, non sans raison, que la loi ne recèle quelque échappatoire permettant aux cigarettiers d’en contourner l’objectif.[100]

[340]    D’autre part, l’alinéa (2) doit rassurer les demanderesses. Le ministre Dingwall affirmait lors de l’étude du projet de loi au Sénat :

Les producteurs craignaient que le projet de loi n’entrave inutilement les rouages internes de leur industrie. Au stade du rapport, nous avons modifié les clauses de définition et d’application du projet de loi pour leur donner l’assurance que celui-ci avait pour objet l’intérêt public et non les mécanismes internes de l’industrie.[101]

[341]    La Cour ne peut prévoir à ce stade, et en l’absence de tout contexte factuel, toutes les possibilités d’interprétation de la loi.[102] Qu’il suffise de retenir que le deuxième alinéa de l’article 18 précise bien que seule la promotion commerciale est visée dans la définition de promotion soit celle qui s’adresse aux consommateurs.

[342]    Rien dans cet article ne limite la liberté d’expression des cigarettiers à l’intérieur de l’industrie du tabac non plus que leur droit à faire valoir leur point de vue démocratiquement à quelque tribune que ce soit. Les cigarettiers et le lobby du tabac existent et ils ont le droit d’exister.

Publicité d’une déclaration de culpabilité
         
(Art. 59 c)

[343]    L’article 59 c) de la loi stipule :

59. En sus de toute peine prévue par la présente loi et compte tenu de la nature de l'infraction et des circonstances de sa perpétration, le tribunal peut, lors du prononcé de la sentence, rendre une ordonnance imposant au contrevenant déclaré coupable tout ou partie des obligations suivantes :

[…]

c) publier, en la forme qu'il précise, les faits liés à la déclaration de culpabilité;

[344]    Les cigarettiers s’inquiètent de ce que cette disposition contrevienne à leur liberté d’expression.

[345]    De semblables dispositions se retrouvent dans de très nombreuses lois fédérales et provinciales souvent liées à l’environnement et la santé.

[346]    La condamnation étant publique, la Cour ne voit pas en quoi sa publication violerait la liberté d’expression. La disposition permet à un juge à qui la démonstration sera faite de son utilité, d’obliger le contrevenant à assumer les frais de la publicité de sa condamnation.

[347]    C’est le jugement du tribunal qui serait publié et non le point de vue du contrevenant.


 

L’article 7 de la Charte

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

[348]    Les demanderesses plaident que plusieurs articles de la loi violent l’article 7 de la Charte :

a)   les articles 18, 20, 22, 24 et 25 sont imprécis;

b)   les articles 58, 59 c) et 59 f) sont de portée excessive;

c)   les articles 19, 20, 21, 22, 24, 26, 27 et 31 nient la défense de diligence raisonnable.

a) Les personnes morales

[349]    Il est loin d’être évident dans le cas présent que les demanderesses, à titre de personnes morales, puissent invoquer la protection de l’article 7 puisqu’elles ne font l’objet d’aucune poursuite pénale.[103]

b) L’atteinte « à la vie, à la liberté et à la sécurité » de la personne.

[350]    Si tant est que les demanderesses puissent invoquer l’article 7, l’arrêt Beare enseigne :

L'analyse de l'art. 7 de la Charte se fait en deux temps. Pour que l'article puisse entrer en jeu, il faut constater d'abord qu'il a été porté atteinte au droit "à la vie, à la liberté et à la sécurité [d'une] personne" et, en second lieu, que cette atteinte est contraire aux principes de justice fondamentale.[104]

[351]    Si l’un ou l’autre élément n’est pas présent, l’analyse prend fin.

[352]    Parmi les dispositions attaquées, la plupart ne prévoient aucune peine d’emprisonnement et plusieurs simplement une amende (art. 24, 25, 58 et 59 f). Ces dispositions ne sauraient limiter le droit à la vie, la liberté ou la sécurité de la personne.

c) L’imprécision législative

[353]    Il est admis que la précision d’une loi est un principe de justice fondamentale.

[354]    Le juge Gonthier dans l’affaire Nova Scotia Pharmaceutical :

Les facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer si une loi est trop imprécise comprennent: a) la nécessité de la souplesse et le rôle des tribunaux en matière d'interprétation; b) l'impossibilité de la précision absolue, une norme d'intelligibilité étant préférable; c) la possibilité qu'une disposition donnée soit susceptible de nombreuses interprétations qui peuvent même coexister. [105]

On ne saurait vraiment pas exiger davantage de certitude de la loi dans notre État moderne. Les arguments sémantiques, fondés sur une conception du langage en tant que moyen d'expression sans équivoque, ne sont pas réalistes. Le langage n'est pas l'instrument exact que d'aucuns pensent qu'il est. On ne peut pas soutenir qu'un texte de loi peut et doit fournir suffisamment d'indications pour qu'il soit possible de prédire les conséquences juridiques d'une conduite donnée. Tout ce qu'il peut faire, c'est énoncer certaines limites, qui tracent le contour d'une sphère de risque. Mais c'est une caractéristique inhérente de notre système juridique que certains actes seront aux limites de la ligne de démarcation de la sphère de risque; il est alors impossible de prédire avec certitude. Guider, plutôt que diriger, la conduite est un objectif plus réaliste.[106]

Une disposition imprécise ne constitue pas un fondement adéquat pour un débat judiciaire, c'est-à-dire pour trancher quant à sa signification à la suite d'une analyse raisonnée appliquant des critères juridiques. Elle ne délimite pas suffisamment une sphère de risque et ne peut donc fournir ni d'avertissement raisonnable aux citoyens ni de limitation du pouvoir discrétionnaire dans l'application de la loi. Une telle disposition n'est pas intelligible, pour reprendre la terminologie de la jurisprudence de notre Cour, et ne donne par conséquent pas suffisamment d'indication susceptible d'alimenter un débat judiciaire. Elle ne donne aucune prise au pouvoir judiciaire. C'est là une norme exigeante, qui va au-delà de la sémantique.[107]

[355]    Peu de lois ont été invalidées par la Cour suprême pour cause d’imprécision. La retenue judiciaire s’impose d’elle-même.

[356]    La Loi sur le tabac vise un objectif de santé publique lié à de nombreuses notions de sciences sociales en constante évolution où la preuve rigoureusement scientifique est rarement disponible. L’analyse doit nécessairement aller « au-delà de la sémantique ».

d) La promotion trompeuse

[357]    L’article 20 interdit la promotion fausse ou trompeuse. Le texte est clair, se retrouve dans de nombreuses lois et ne porte à aucune ambiguïté.

e) Attrayante pour les jeunes

[358]    L’article 22(3) se lit :

22. (3) Le paragraphe (2) ne s'applique pas à la publicité de style de vie ou à la publicité dont il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle pourrait être attrayante pour les jeunes.

[359]    La Cour suprême à l’unanimité et la Cour d’appel, s’entendent pour affirmer que le Parlement peut interdire la publicité « style de vie » et la « publicité destinée aux enfants et aux adolescents ».[108]

[360]    Aucune définition n’est donnée à l’une ou l’autre expression et les demanderesses affirment à ce sujet que le libellé de la loi ne respecte pas les enseignements de la Cour. L’article 22 (3) serait incompréhensible.

[361]    Dans un premier temps, l’expression « motifs raisonnables » est claire en jurisprudence : probabilité fondée sur la crédibilité, probabilité raisonnable ou croyance raisonnable.[109]

[362]    Quant aux mots « attrayants pour les jeunes » ou « appealing » en anglais, ils sont suffisamment clairs pour qu’un tribunal puisse les interpréter à la lumière de faits et considérations propres à un événement précis et non seulement théorique.

f) Publicité « style de vie »

[363]    À l’article 22 (3) se greffe la définition de l’article 22 (4) :

(4) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« publicité de style de vie » Publicité qui associe un produit avec une façon de vivre, tels le prestige, les loisirs, l'enthousiasme, la vitalité, le risque ou l'audace ou qui évoque une émotion ou une image, positive ou négative, au sujet d'une telle façon de vivre.

[364]    Une grande partie de la preuve des cigarettiers a porté sur le fait que la définition de publicité « style de vie » contenue à la loi est incompréhensible ou si vaste qu’elle signifie l’interdiction de toute publicité.

[365]    Dans un premier temps, il n’est pas inutile de rappeler que les cigarettiers eux-mêmes avaient proposé à la Cour d’appel et à la Cour suprême d’interdire la publicité « style de vie » ou celle « destinée aux enfants ». M. le juge La Forest :

Les appelantes soutiennent que le Parlement a imposé de façon injustifiée une interdiction complète de la publicité et de la promotion des produits du tabac, alors qu'une interdiction partielle se serait avérée tout aussi efficace. Elles disent que le Parlement aurait pu imposer une interdiction partielle en prohibant la publicité dite de «style de vie» (qui cherche à faire la promotion d'une image par l'association de la consommation du produit avec un style de vie particulier), ou la publicité destinée aux enfants, sans pour autant interdire la publicité de «marque» (qui cherche à faire préférer une marque à une autre à partir de la couleur et de la conception de l'emballage) ou la publicité «informative» (qui cherche à informer le consommateur au sujet du contenu, du goût et de la force du produit, de même que de la disponibilité de différentes ou de nouvelles marques). Selon les appelantes, il n'y a aucune raison d'interdire la publicité de marque ou la publicité informative, parce qu'elles s'adressent toutes deux aux seuls fumeurs et qu'elles ont une fonction bénéfique, celle de promouvoir le choix du consommateur.[110]

[366]    D’autre part, toute la preuve montre que les cigarettiers savent très bien ce qu’est la publicité « style de vie » puisqu’une grande partie de leur publicité associe la cigarette à une façon de vivre. Le code volontaire de l’industrie fait référence à la publicité « style de vie », Santé Canada en traite[111], la Société canadienne du cancer y fait référence[112] et de façon générale, tous les intervenants au dossier.

[367]    Tous les exemples d’indépendance, joie de vivre, risque et loisirs versés au dossier par l’une et l’autre partie et relatifs à la publicité des cigarettiers montrent que la définition est suffisamment claire pour qu’un tribunal puisse l’interpréter.

[368]    Il est vrai que la définition est large, mais faut-il rappeler que la loi interdit la publicité des cigarettes de façon générale à l’exception de domaines précis où elle est permise.

g) Portée excessive des articles 58 et 59 f)

[369]    L’article 58 :

58. Le tribunal saisi d'une poursuite pour infraction à la présente loi peut, s'il constate que le contrevenant a tiré des avantages financiers de la perpétration de celle-ci, lui infliger, en sus du maximum prévu, une amende supplémentaire du montant qu'il juge égal à ces avantages.

[370]    L’article 59 f) :

59. En sus de toute peine prévue par la présente loi et compte tenu de la nature de l'infraction et des circonstances de sa perpétration, le tribunal peut, lors du prononcé de la sentence, rendre une ordonnance imposant au contrevenant déclaré coupable tout ou partie des obligations suivantes :

[…]

f) verser une somme d'argent destinée à permettre les recherches sur les produits du tabac qu'il estime indiquées.

[371]    Les demanderesses plaident la portée excessive de ces deux articles en contravention de l’article 7 de la Charte.

[372]    Il existe un débat jurisprudentiel et doctrinal à savoir si la notion de portée excessive d’une loi peut être retenue comme principe de justice fondamentale.[113] Il n’apparaît pas nécessaire de trancher ce débat pour écarter la prétention des demanderesses.

[373]    Le législateur a donné discrétion à un juge d’ajuster une éventuelle pénalité pour violation de la loi aux avantages financiers retirés de cette violation. De même, le juge pourrait ordonner le versement d’une somme d’argent pour la recherche.

[374]    Bien qu’innovatrice, la formule n’est pas unique en législation pénale. La présente loi s’attaque à un problème contemporain et cherche des solutions actuelles. Tout intimé reconnu coupable pourra faire valoir, à titre de plaidoyer sur sentence, que l’application de ces mesures n’est pas opportune.

[375]    La Cour doit faire preuve de retenue dans ce choix législatif soumis à la réflexion d’un juge et dont la portée n’apparaît pas excessive.

h) La défense de diligence raisonnable

[376]    Les demanderesses prétendent que les articles 19 à 22, 24, 26, 27 et 31 de la loi contreviennent à l’article 7 de la Charte puisqu’ils ne prévoient pas la défense de diligence raisonnable.

[377]    La question sera traitée de façon détaillée dans le chapitre suivant où le même argument de la défense de diligence raisonnable est soulevé eu égard à l’article 8 de la Charte.

[378]    Qu’il suffise de dire pour l’heure que la Cour en vient à la conclusion que la Loi sur le tabac étant de nature réglementaire crée des infractions de responsabilité stricte auxquelles on peut opposer les défenses habituelles de common law de diligence raisonnable et d’erreur de fait raisonnable que la loi le dise ou non.

[379]    Cette présomption sera écartée si le législateur crée de façon claire des infractions de responsabilité absolue ce qui n’est pas le cas.

[380]    En cas de doute, l’infraction doit être interprétée comme une infraction de responsabilité stricte pour se conformer à la Charte.

[381]    Rien dans la loi n’interdit à un accusé d’invoquer la défense de diligence raisonnable et, sous cet angle, la loi ne viole nullement l’article 7 de la Charte.


 

L’article 8 de la Charte

a) La défense de diligence raisonnable

[382]    Les demanderesses soumettent que les pouvoirs d’inspection, de perquisition et de saisie de la partie V de la loi sont contraires à l’article 8 de la Charte, qu’ils sont abusifs et ne respectent pas les enseignements de l’arrêt Hunter.[114]

[383]    De plus, les dispositions de la loi ne prévoyant pas de mens rea, elles privent les contrevenants de la défense de diligence raisonnable.

[384]    L’article 8 de la Charte se lit :

8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

 

*     *     *     *     *

 

[385]    Les infractions et peines prévues à la loi se retrouvent à la partie VIaux articles 43 et suivants.

[386]    Certaines infractions sont sanctionnées par des amendes, d’autres par une amende et une peine de prison. Toutes les amendes sont maximales et aucune amende minimale n’est prévue. De même pour les peines d’emprisonnement dont la plus importante est de deux années.

[387]    La plupart des infractions sont punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Quelques-unes sont mixtes et le Procureur général peut choisir de poursuivre par voie sommaire ou de mise en accusation. (Art. 43)

[388]    L’article 34 (2) de la Loi d’interprétation[115] prévoit :

34 (2) Sauf disposition contraire du texte créant l'infraction, les dispositions du Code criminel relatives aux actes criminels s'appliquent aux actes criminels prévus par un texte et celles qui portent sur les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire s'appliquent à toutes les autres infractions créées par le texte.

[389]    Bref, le Code criminel s’applique à toute poursuite intentée en vertu de la Loi sur le tabac sauf disposition contraire. Tout comme les règles de common law édictées au cours des ans au Canada.

[390]    On a vu que le Parlement avait le pouvoir de prévoir des sanctions en matière de réglementation du tabac en vertu de la compétence fédérale en droit criminel.

[391]    Encore faut-il déterminer le type de responsabilité pénale que la loi édicte puisque la jurisprudence sur l’article 8 de la Charte, on le verra, varie selon qu’il s’agisse de droit criminel traditionnel ou d’infraction réglementaire.

[392]    Le juge La Forest dans l’arrêt Hydro-Québec[116] :

Contrairement à l'argument de l'intimée, aux termes du par. 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867, il relève également du pouvoir discrétionnaire du Parlement de déterminer le degré de culpabilité qu'il souhaite attacher à une interdiction criminelle. Il peut ainsi déterminer la nature de l'élément moral relatif à divers crimes, telle que la défense de diligence raisonnable comme celle qui figure au par. 125(1) de la loi en cause. Cela découle du fait que le Parlement a été investi du plein pouvoir d'adopter des règles de droit criminel au sens le plus large du terme. Ce pouvoir est assujetti, naturellement, aux exigences de la «justice fondamentale» prescrites à l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui peuvent dicter un degré plus élevé de mens rea dans le cas des crimes graves ou «proprement dits»; voir R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154 , et R. c. Rube, [1992] 3 R.C.S. 159 , mais cette question ne se pose pas en l'espèce.

[393]    La version anglaise de « crimes graves » est « true crimes ». Le juge La Forest poursuit à la page 302 :

À partir de là, le juge Gonthier est passé à l'examen de termes semblables à ceux utilisés dans la loi en cause dans la présente affaire. Il était alors saisi d'une loi provinciale de nature réglementaire, mais la même nécessité sous-jacente de protéger les personnes vulnérables et le public en général est inhérente aux infractions criminelles du genre en question ici. Le juge Cory a reconnu cela dans l'arrêt Wholesale Travel Group Inc., précité. Cette affaire concernait des infractions à la Loi sur la concurrence (auparavant Loi relative aux enquêtes sur les coalitions) jugée depuis longtemps constitutionnellement justifiable en vertu de la compétence du Parlement en matière de droit criminel. Le juge Cory a soigneusement établi une distinction entre le genre d'infractions dont il était question dans cette affaire, qu'il a qualifiées d'infractions réglementaires, et des «crimes proprement dits» comme le meurtre.[117]

[394]    Bref, le Parlement fédéral possède un large pouvoir en matière de droit criminel qui lui permet de créer validement des interdictions relatives à des actes précis en vue de prévenir des crimes graves (true crimes) et des infractions de type réglementaire.

[395]    Dans l’arrêt Wholesale Travel Group[118] où il s’agit de la Loi sur la concurrence, le juge Cory précise :

La question fondamentale en litige dans le présent pourvoi est de savoir si les lois de nature réglementaire qui prévoient un régime de responsabilité stricte en cas de violation de leurs dispositions contreviennent à l'art. 7 et à l'al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.

p. 210

[…]

La common law fait depuis longtemps une distinction entre la conduite criminelle proprement dite et la conduite qui, bien que licite par ailleurs, est interdite dans l'intérêt du public. Autrefois, on utilisait les expressions mala in se et mala prohibita; aujourd'hui, les actes prohibés sont généralement classés en deux catégories, les crimes et les infractions réglementaires.

p. 216

[…]

Dans l'arrêt Sault Ste-Marie, la Cour a reconnu que la responsabilité stricte constituait un moyen terme entre la mens rea complète et la responsabilité absolue. Lorsqu'il s'agit d'une infraction de responsabilité stricte, le ministère public n'a pas à faire la preuve de la mens rea ni de la négligence; il peut obtenir une déclaration de culpabilité en prouvant simplement hors de tout doute raisonnable que l'accusé a commis l'acte prohibé. Cependant, il est loisible au défendeur d'écarter sa responsabilité en prouvant, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a pris toutes les précautions nécessaires. Telle est la principale caractéristique de l'infraction de responsabilité stricte: la défense de diligence raisonnable.

p. 218

[…]

On estime depuis toujours qu'il existe une raison logique de faire une distinction entre les crimes et les infractions réglementaires. Des actes ou des actions sont criminels lorsqu'ils constituent une conduite qui, en soi, est si odieuse par rapport aux valeurs fondamentales de la société qu'elle devrait être complètement interdite. Le meurtre, l'agression sexuelle, la fraude, le vol qualifié et le vol sont si répugnants pour la société que l'on reconnaît universellement qu'il s'agit de crimes. Par ailleurs, une certaine conduite est interdite, non pas parce qu'elle est en soi répréhensible mais parce que l'absence de réglementation créerait des conditions dangereuses pour les membres de la société, surtout pour ceux qui sont particulièrement vulnérables.

Les lois de nature réglementaire ont pour objectif de protéger le public ou divers groupes importants le composant (les employés, les consommateurs et les automobilistes pour n'en nommer que quelques-uns) contre les effets potentiellement préjudiciables d'activités par ailleurs légales. La législation réglementaire implique que la protection des intérêts publics et sociaux passe avant celle des intérêts individuels et avant la dissuasion et la sanction d'actes comportant une faute morale. Alors que les infractions criminelles sont habituellement conçues afin de condamner et de punir une conduite antérieure répréhensible en soi, les mesures réglementaires visent généralement à prévenir un préjudice futur par l'application de normes minimales de conduite et de prudence.

pp. 218-219

[396]    Il nous faut donc conclure à la lecture de ce qui précède que la Loi sur le tabac est clairement de nature réglementaire. Il faut se rappeler que la Loi sur la concurrence étudiée dans l’arrêt Wholesale et déclarée constitutionnelle prévoyait des peines d’emprisonnement de cinq ans pour certaines infractions.

[397]    La conduite dénoncée dans la Loi sur le tabac est ce que le juge La Forest décrivait dans l’arrêt Thomson : « une conduite qui est rendue criminelle pour des raisons strictement pratiques ».[119]

[398]    La Loi sur le tabac étant de nature réglementaire, les infractions qui y sont prévues sont présumées appartenir à la catégorie des infractions de responsabilité stricte.

[399]    Comme l’expliquait le juge Cory dans l’arrêt R. c. Pontes[120] :

Il peut être utile de faire un très bref examen des motifs du juge Dickson (plus tard Juge en chef) dans l'arrêt Sault Ste-Marie, précité, où il fait remarquer qu'il y a trois catégories d'infractions. Premièrement, il renvoie à l'infraction criminelle traditionnelle, qui nécessite la preuve soit de l'intention d'accomplir l'acte prohibé, soit de l'insouciance téméraire pour les conséquences que cet acte peut entraîner. Deuxièmement, tout à l'opposé, l'infraction de responsabilité absolue qui ne permet aucune explication de la part de l'accusé; l'accomplissement de l'acte suffit à lui seul pour établir la culpabilité. Troisièmement, entre ces deux catégories, se situe l'infraction de responsabilité stricte. Dans cette catégorie d'infractions, l'accusé peut échapper à toute responsabilité en démontrant qu'il a fait preuve de diligence raisonnable en prenant toutes les mesures raisonnables pour éviter d'accomplir l'acte prohibé, ou qu'il croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits inexistant qui, s'il avait existé, aurait rendu l'acte ou l'omission innocent.

[400]    Après avoir cité des extraits de l’arrêt Sault Ste-Marie, le juge Cory reconnaît que s’est posée la question de savoir « quelle intention minimale devrait être exigée compte tenu de l’adoption de l’art. 7 de la Charte[…] »[121]

[401]    Référant au Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.)[122], le juge Cory rappelle que les infractions de responsabilité absolue pour lesquelles une peine d’emprisonnement était prévue contrevenaient à l’article 7 de la Charte.

[402]    Le législateur, en adoptant la Loi sur le tabac, connaissant ces enseignements de la Cour suprême, n’a pu vouloir créer des infractions de responsabilité absolue comme le plaident les demanderesses. Et il ne l’a pas fait.

[403]    Les infractions et les peines de la partie V et VI de la loi sont clairement des infractions de responsabilité stricte pour lesquelles l’accusé peut toujours plaider la défense de diligence raisonnable.

[404]    Le juge Lamer dans R. c. Rube[123] :

Nous sommes d'accord avec la Cour d'appel de la Colombie-Britannique pour dire que le texte des articles [le par. 5(1) et l'art. 29 de la Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, ch. F-27] laisse place à interprétation et qu'il n'exclut pas explicitement le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable. Nous convenons que, compte tenu des peines qui s'y rattachent, ce n'est pas une infraction qui pourrait, sans contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés, être de responsabilité absolue.

En tenant pour acquis que le Parlement veut que ses lois respectent les exigences de la Charte, nous sommes d'avis que l'article [le par. 5(1) de la Loi] crée une infraction de responsabilité stricte et que l'accusé peut invoquer la diligence raisonnable comme moyen de défense.

[405]    À ce stade de l’étude de la loi et présumant de sa validité constitutionnelle en cas de doute quant à sa portée, l’argumentation des demanderesses à l’effet que la loi prive les cigarettiers de la défense de diligence raisonnable est écartée.

b) Le fardeau de preuve

[406]    Les demanderesses ont plaidé que l’article 53 de la loi renversait le fardeau de preuve traditionnel et obligeait l’accusé à démontrer son innocence.

53. (1) Dans les poursuites visant une infraction à la présente loi, ou engagées sous le régime des articles 463, 464 ou 465 du Code criminel et relatives à une telle infraction, il n'est pas nécessaire que soit énoncée ou niée, selon le cas, une exception, exemption, excuse ou réserve, prévue par le droit, dans la dénonciation ou l'acte d'accusation.

(2) Dans les poursuites visées au paragraphe (1), il incombe à l'accusé de prouver qu'une exception, exemption, excuse ou réserve, prévue par le droit, joue en sa faveur; quant au poursuivant, il n'est pas tenu, si ce n'est à titre de réfutation, de prouver que l'exception, l'exemption, l'excuse ou la réserve ne joue pas en faveur de l'accusé, qu'elle soit ou non énoncée dans la dénonciation ou l'acte d'accusation.

[407]    L’argument n’est pas retenu. Le poursuivant, en matière d’infraction de responsabilité stricte doit toujours démontrer hors de tout doute raisonnable l’actus reus ou l’acte prohibé par la loi. C’est là le fardeau initial de la poursuite.

[408]    Une fois ce fardeau assumé, l’accusé devra établir par prépondérance de preuve qu’il a pris toutes les précautions nécessaires pour que l’infraction ne soit pas commise. Bref, il devra démontrer sa diligence raisonnable comme on doit le faire dans toutes les lois de nature réglementaire où sont créées des infractions de responsabilité stricte. S’il fait cette démonstration, il sera acquitté.

[409]    De fait, l’article 53 de la loi est calqué sur l’article 794(1) et (2) du Code criminel.

794. (1) Il n'est pas nécessaire que soit énoncée ou niée, selon le cas, une exception, exemption, limitation, excuse ou réserve, prévue par le droit, dans la dénonciation.

(2) Il incombe au défendeur de prouver qu'une exception, exemption, limitation, excuse ou réserve, prévue par le droit, joue en sa faveur; quant au poursuivant, il n'est pas tenu, si ce n'est à titre de réfutation, de prouver que l'exception, exemption, limitation, excuse ou réserve ne joue pas en faveur du défendeur, qu'elle soit ou non énoncée dans la dénonciation.

c) L’arrêt Hunter

[410]    La protection constitutionnelle de l’article 8, comme tous les autres droits et libertés, n’a pas la même portée en matière réglementaire que criminelle.

[411]    Nous sommes ici en matière réglementaire et l’objet de la loi (art. 4) est de s’attaquer à un grave problème de santé publique mettant en cause les Canadiens et particulièrement les jeunes.

[412]    Dans l’arrêt Hunter, le juge Dickson traite d’une attente raisonnable :

La garantie de protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives ne vise qu'une attente raisonnable. Cette limitation du droit garanti par l'art. 8, qu'elle soit exprimée sous la forme négative, c'est-à-dire comme une protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies "abusives", ou sous la forme positive comme le droit de s'attendre "raisonnablement" à la protection de la vie privée, indique qu'il faut apprécier si, dans une situation donnée, le droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d'assurer l'application de la loi. [124]

[413]    Les critères préalables à une saisie ou perquisition non abusive sont résumés par la juge Wilson dans R. c. McKinlay transport ltd.[125]  :

a) une procédure d'autorisation préalable par un arbitre tout à fait neutre et impartial qui est en mesure d'agir de façon judiciaire en conciliant les intérêts de l'État et ceux de l'individu;

b) une exigence que l'arbitre impartial s'assure que la personne qui demande l'autorisation a des motifs raisonnables, établis sous serment, de croire qu'une infraction a été commise;

c) une exigence que l'arbitre impartial s'assure que la personne qui demande l'autorisation a des motifs raisonnables de croire que l'on découvrira quelque chose qui fournira une preuve que l'infraction précise faisant l'objet de l'enquête a été commise; et

d) une exigence que les seuls documents dont la saisie est autorisée soient ceux se rapportant strictement à l'infraction faisant l'objet de l'enquête.

[414]    Elle nuance cependant sa pensée en matière de saisie réglementaire à la page 647 :

J'estime qu'il est conforme à cette interprétation de faire une distinction entre, d'une part, les saisies en matière criminelle ou quasi criminelle auxquelles s'appliquent dans toute leur rigueur les critères énoncés dans l'arrêt Hunter et, d'autre part, les saisies en matière administrative et de réglementation, auxquelles peuvent s'appliquer des normes moins strictes selon le texte législatif examiné.

[415]    Les attentes des Canadiens à ce sujet sont indéniablement réduites en matière de vie privée et particulièrement en ce qui a trait à l’article 8 de la Charte. Le juge Cory dans 14371 Canada inc. c. Québec (P.G.)[126]

Il y a un certain nombre de concessions qui doivent être faites au départ. Les documents saisis en l'espèce sont de nature commerciale. Le droit à la vie privée relativement à ces documents ne saurait donc être identique à celui qui se rattache aux documents personnels. L'attente en matière de respect de la vie privée relativement aux documents commerciaux est nécessairement faible. Ceux-ci ne contiennent généralement pas le genre d'information personnelle qui est au coeur de la protection constitutionnelle du droit à la vie privée. De plus, il faut admettre que l'État doit avoir le pouvoir de réglementer le commerce, tant pour des raisons économiques que pour protéger l'individu vulnérable contre un pouvoir de nature privée. C'est ce que le juge La Forest a si éloquemment exprimé dans l'arrêt Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425 , aux pp. 517 et 518. Aussi, puisqu'en l'espèce la perquisition a été effectuée en application d'une loi de nature réglementaire dans le domaine fort réglementé de la restauration et de l'hôtellerie, l'attente en matière de respect de la vie privée doit nécessairement être réduite.

[416]    Dans l’arrêt Potash[127], le juge La Forest au nom de la majorité souligne que l’exigence de l’autorisation préalable à la saisie énoncée dans Hunter ne s’applique pas aux inspections réglementaires semblables à celles retrouvées à la Loi sur le tabac.

On ne saurait donc appliquer, sans autre qualification, les garanties strictes énoncées dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc., précité, qui ont été élaborées dans un contexte fort différent. L'inspection a pour objectif fondamental la vérification du respect d'une loi réglementaire; elle s'accompagne souvent d'une dimension informative destinée à promouvoir les intérêts des personnes en faveur desquelles la loi a été édictée. L'exercice des pouvoirs d'inspection n'entraîne pas les stigmates qui sont normalement associés aux enquêtes de nature criminelle et leurs conséquences sont moins draconiennes. Si les lois réglementaires sont accessoirement assorties d'infractions, elles sont principalement édictées dans le but d'en inciter le respect. Il se peut que dans le cadre de leur inspection, les personnes chargées de l'application d'une loi découvrent des indices qui en laissent soupçonner la violation. Mais cette éventualité n'altère pas l'intention fondamentale qui anime l'exercice des pouvoirs d'inspection. Il en est ainsi lorsque leur mise en oeuvre est motivée par une plainte. Une telle hypothèse détonne certes avec l'aspect routinier qui caractérise l'inspection. Toutefois, un système de plaintes est souvent envisagé par le législateur lui-même, car il constitue un moyen pragmatique non seulement de vérifier les manquements à la loi, mais également d'en dissuader la survenance.

p. 421

[…]

Compte tenu de l'importance de l'objectif des lois réglementaires, de la nécessité des pouvoirs d'inspection et des attentes réduites en matière de vie privée, l'équilibrage des intérêts sociaux et des droits des particuliers ne commande pas l'imposition d'un système d'autorisation préalable en sus de l'aval législatif.

p. 422

d) Le régime d’inspection de la loi.

[417]    Les demanderesses se plaignent des articles 35, 36 et 39 permettant à un inspecteur, pour faire observer la loi, de visiter tout lieu où sont fabriquées des cigarettes et de saisir toute chose ayant servi à commettre une infraction à la loi.

[418]    Dans un premier temps, il faut rappeler à nouveau que la Cour ne dispose d’aucun fondement factuel puisque aucune saisie n’a été pratiquée et portée à la connaissance de la Cour.

[419]    Il n’y a donc aucune violation à l’article 8 et les tribunaux hésitent à juger de façon théorique.[128]

[420]    D’autre part, même s’il est admis que certains pouvoirs accordés aux inspecteurs dans les trois articles précités constituent des saisies ou des perquisitions au sens de l’article 8 de la Charte, il faut voir s’ils sont abusifs.

[421]    Il apparaît à la Cour qu’à la lumière des enseignements de la Cour suprême, les balises qui encadrent les pouvoirs d’inspection de la partie V de la loi sont suffisants pour mettre de côté toute crainte d’usage abusif de la loi.

[422]    L’article 35 limite les pouvoirs de l’inspecteur à faire observer la loi dans un endroit où est fabriqué, entreposé ou vendu un produit du tabac.

[423]    L’article 36 interdit telle visite dans une maison d’habitation sans mandat de perquisition. L’usage de la force est prohibé sans mandat.

[424]    Quant au pouvoir de saisie de toute chose « dont il a des motifs raisonnables de croire qu'elle a servi ou donné lieu à une infraction à la présente loi » permis à l’article 39 de la loi, il est déjà codifié à l’article 489. (2) du Code criminel et déjà reconnu en common law sur la doctrine des « objets bien en vue » ou « plain view » :

489. (2) L'agent de la paix ou le fonctionnaire public nommé ou désigné pour l'application ou l'exécution d'une loi fédérale ou provinciale et chargé notamment de faire observer la présente loi ou toute autre loi fédérale qui se trouve légalement en un endroit en vertu d'un mandat ou pour l'accomplissement de ses fonctions peut, sans mandat, saisir toute chose qu'il croit, pour des motifs raisonnables :

a) avoir été obtenue au moyen d'une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale;

b) avoir été employée à la perpétration d'une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale;

c) pouvoir servir de preuve touchant la perpétration d'une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale.

[425]    Ces exemples et les autres balises prévues à la loi ont pour effet de limiter l’intrusion de l’État à l’application de l’objectif de la loi. Comme le soulignait à nouveau le juge La Forest dans l’arrêt Potash :[129]

Ces pouvoirs doivent, il va sans dire, être exercés en conformité avec l'objet de la Loi et les inspecteurs sont tenus d'agir en toute bonne foi. Il sera toujours possible de contester les abus. Mais une telle hypothèse n'altère pas la validité du régime législatif et l'équilibre qu'il atteint entre les intérêts sociaux et le droit à la vie privée des particuliers.

[426]    D’où la difficulté pour la Cour, comme dit précédemment, d’examiner la question de la perquisition abusive en l’absence de tout fondement factuel.

[427]    Pour l’heure, les prétentions des demanderesses quant à la violation de l’article 8 ne sont pas retenues.


 

La présomption d’innocence

[428]    Les demanderesses soumettent que l’article 53(2) de la loi opère illégalement un renversement du fardeau de preuve envers un éventuel accusé. Ce faisant, il violerait la présomption d’innocence prévue à l’article 11 d) de la Charte.

53. (1) Dans les poursuites visant une infraction à la présente loi, ou engagées sous le régime des articles 463, 464 ou 465 du Code criminel et relatives à une telle infraction, il n'est pas nécessaire que soit énoncée ou niée, selon le cas, une exception, exemption, excuse ou réserve, prévue par le droit, dans la dénonciation ou l'acte d'accusation.

(2) Dans les poursuites visées au paragraphe (1), il incombe à l'accusé de prouver qu'une exception, exemption, excuse ou réserve, prévue par le droit, joue en sa faveur; quant au poursuivant, il n'est pas tenu, si ce n'est à titre de réfutation, de prouver que l'exception, l'exemption, l'excuse ou la réserve ne joue pas en faveur de l'accusé, qu'elle soit ou non énoncée dans la dénonciation ou l'acte d'accusation.

[429]    Le juge en chef Dickson dans l’arrêt Oakes souligne que « la présomption d’innocence confirme notre foi en l’humanité; elle est l’expression de notre croyance que, jusqu’à preuve contraire, les gens sont honnêtes et respectueux des lois. »[130]

[430]    L’État doit donc présenter sa preuve et convaincre le tribunal de la culpabilité hors de tout doute raisonnable de l’accusé avant que ce dernier choisisse ou non de répondre.

[431]    Les demanderesses plaident que l’article 53(2) impose à l’accusé de prouver que ses publicités entrent dans une des catégories permises par la loi, soit celles dites « informatives » ou « préférentielles de marque ».

[432]    Ce n’est pas le sens que la Cour donne à cet article. Le fardeau de prouver les éléments essentiels de l’infraction appartient toujours à la Couronne.

[433]    L’ancien article 7(2) de la Loi sur les stupéfiants, L.R.C. 1970, c. N-1 était de rédaction similaire à l’article 53(2) :

7(2) Dans toutes poursuites sous le régime de la présente loi, il incombe à l'accusé de prouver qu'une exception, une exemption, une excuse ou une réserve, que prescrit la loi, jouent en sa faveur et le poursuivant n'est pas tenu, sauf à titre de réfutation, de prouver que l'exception, l'exemption, l'excuse ou la réserve ne jouent pas en faveur de l'accusé, qu'elles aient été ou non énoncées dans la dénonciation ou l'acte d'accusation.

[434]   
Dans l’arrêt Perka[131]

Sa Majesté prétend que le moyen de défense fondé sur la nécessité est "une exception, une exemption, une excuse ou une réserve, que prescrit la loi". À mon avis, cet argument n'est pas fondé. 

La Loi sur les stupéfiants prescrit plusieurs exceptions à l'interdiction générale d'importer, de vendre, de fabriquer ou d'avoir en sa possession des stupéfiants. Les infractions créées par la Loi sont généralement assujetties à la réserve que l'accusé ne doit pas avoir agi sous le régime de la Loi ou de ses règlements d'application. Voir les par. 3(1) (possession), 5(1) (importation) et 6(1) (culture). L'article 12 de la Loi met en application ce régime en prévoyant l'adoption d'un ensemble de règlements régissant la délivrance de permis, notamment, d'importation, de vente, de fabrication ou de possession de stupéfiants. Quiconque vend, importe, fabrique ou a en sa possession des stupéfiants conformément à une telle autorisation ne commet aucune infraction. 

Il semble clair que c'est à ces exceptions prévues par la Loi que renvoie le par. 7(2) et non à un moyen de défense de common law comme celui fondé sur la nécessité. Celui qui veut invoquer le fait qu'il détient un permis ou une autre autorisation légale à l'encontre d'une accusation d'importation a l'obligation, en vertu du par. 7(2) de convaincre le juge des faits qu'un tel permis existe.  Celui qui invoque la nécessité n'a pas cette obligation. Le paragraphe 7(2) n'impose à l'accusé aucune obligation de convaincre pour ce qui est du moyen de défense fondé sur la nécessité.

[435]    Ainsi, le Règlement sur les rapports relatifs au tabac adopté en vertu de la loi impose notamment aux fabricants de fournir annuellement au gouvernement une analyse chimique des émissions présentes dans la fumée de chacune des marques de cigarettes.

[436]    Le fabricant peut être exempté par le ministre de fournir ces informations sous certaines conditions. Il est clair que si un fabricant était poursuivi pour défaut de fournir ce rapport annuel, il lui incomberait de prouver qu’il a obtenu une exemption.

[437]    Cette façon de faire ne renverse nullement le fardeau de preuve en matière pénale qui repose toujours sur les épaules du poursuivant.

[438]    La même approche a été retenue en matière de possession d’arme à feu dans R. c. Schwartz, [1988] 2 R.C.S. 443 .

[439]    Vu de cette façon, l’article 53 de la loi ne déroge pas à l’article 11d) de la Charte.


 

Extra-territorialité (Art. 31(3))

[440]    Les demanderesses concluent à l’ultra vires de l’article 31(3) sur sa portée extra-territoriale :

31. (3) Il est interdit à toute personne se trouvant au Canada de faire la promotion, dans une publication ou une émission provenant de l'étranger ou dans une communication, autre qu'une publication ou une émission, provenant de l'étranger, d'un produit à la promotion duquel s'applique la présente partie ou de diffuser du matériel relatif à une promotion contenant un élément de marque d'un produit du tabac d'une manière non conforme à la présente partie.

[441]    Le Parlement canadien possède le pouvoir de donner une portée extra-territoriale à ses lois. Les professeurs Brun et Tremblay[132] :

Le Parlement fédéral jouit d’une compétence personnelle illimitée. Il peut légiférer non seulement à l’égard des personnes qui se trouvent sur le territoire canadien, mais aussi à l’égard de celles qui sont à l’extérieur du Canada, citoyens canadiens ou étrangers.

Cette situation découle de l’article 3 du Statut de Westminster de 1931, qui décrète que « le Parlement d’un Dominion a le plein pouvoir d’adopter des lois d’une portée extraterritoriale ». La Loi sur l’extra-territorialité, 1933, devenue l’article 8 (3) de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21, rend même cette compétence rétroactive. Voir Croft c. Dunphy, [1933] A.C. 156; British Coal Corp. c. La Reine, [1935] A.C. 500 et Pan American World Airways c. La Reine[1979] 2 C.F. 34 , 46. » 

Le Parlement fédéral peut donc édicter des lois qui prétendent s’appliquer aux personnes hors du Canada, même si elles ne sont pas citoyens canadiens ou ne résident pas au Canada. Ainsi, dans British Columbia Electric Ry. Co. c. La Reine, [1946] A.C 527, il s’agissait d’une taxe fédérale imposée à des non-résidents. Souvent, une compétence extraterritoriale est aujourd’hui exercée pour décréter que certains actes commis hors du Canada sont des infractions punissables au Canada : voir, par exemple, l’article 29 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, c. C-29 et les articles 6(2) et 7 du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46. Voir aussi la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, c. H-6, alinéa 40(5)c). 

Le Parlement fédéral pourrait même donner à ses législations extraterritoriales une portée annexionniste. De nos jours, ce genre de volonté se manifeste surtout en fonction des espaces marins. C’est le cas, par exemple, des lois fédérales qui ont consacré l’existence d’une mer territoriale canadienne et qui l’ont élargie jusqu’à douze milles marins.  Voir le chapitre III, à propos des frontières maritimes du territoire canadien. Mais il faut noter que la situation juridique serait exactement la même s’il s’agissait d’espaces non submergés, revendiqués ou non par d’autres États.  Une loi canadienne qui se dirait applicable à une partie de l’actuel territoire de États-Unis, bien que probablement futile, devrait quand même être sanctionnée par les tribunaux canadiens. « In this Court we have nothing to do with the question of whether the Legislature has or has not done what foreign powers may consider a usurpation in a question with them »: Mortensen c. Peters, (1906), cité dans K. and L. 3. 

[442]    Par la loi, le Parlement limite la publicité des produits du tabac au Canada. La pénétration des médias américains au pays, particulièrement au Canada anglais, est de connaissance judiciaire. Que le Parlement souhaite que l’on ne puisse faire là-bas ce qui est interdit ici est légitime et ne pose aucune difficulté constitutionnelle.[133]

 

*     *     *     *     *


 

Règlement sur l’information relative aux produits du tabac.

La contestation

[443]    Les articles 17 et 33 de la loi permettent au gouverneur en conseil d’adopter des règlements servant à réaliser les objectifs de la loi. Conformément à l’article 42.1 de la loi, le présent règlement sur l’information fut approuvé à l’unanimité par la Chambre le 8 juin 2000 après examen du Comité permanent sur la santé.

[444]    Ce règlement impose aux cigarettiers l’obligation d’apposer certaines mises en garde et autres informations sur leurs produits et notamment sur le paquet de cigarettes.

[445]    Les mises en garde doivent occuper 50% de la surface d’un paquet de cigarettes, comparativement à 35% dans la LRPT, et sont constituées d’illustrations graphiques reproduites en annexe 4 du présent jugement.

[446]    Les produits du tabac doivent également identifier et quantifier six de leurs émissions toxiques distinctes et comporter un message sur les effets du tabac sur la santé et sur la façon d’arrêter de fumer.

[447]    Les demanderesses contestent la légalité de ce règlement pour trois motifs :

a)   il serait ultra vires des pouvoirs prévus à la loi;

b)   les mises en garde constituent une expropriation illégale du paquet de cigarettes;

c)   il contrevient à la liberté d’expression.

a) La légalité du règlement

[448]    On connaît déjà l’objectif de santé publique prévu à l’article 4 de la loi. La partie III de la loi « Étiquetage » donne au gouverneur en conseil le pouvoir de régir l’information sur le tabac en conformité avec l’objectif de la loi. L’article 33 de la loi précise la nature des règlements qui peuvent être adoptés.

[449]    Le règlement sur l’information se fonde clairement sur les pouvoirs prévus aux articles 17 et 33 de la loi qui découlent de l’objectif général : protéger la santé des Canadiens face à un problème grave en les informant du danger de fumer.

[450]    L’argument de la légalité du règlement eu égard à la loi n’est pas retenu.

b) L’expropriation illégale

[451]    Les demanderesses soutiennent que les mises en garde imposées par le règlement constituent une expropriation illégale de leur propriété (le paquet de cigarettes) et ce, sans compensation.

[452]    La notion juridique d’expropriation ne trouve pas application en l’instance puisqu’il n’y a aucun transfert de propriété des cigarettiers au gouvernement.

[453]    Quand le gouvernement, par diverses lois, impose aux manufacturiers de produits alimentaires d’indiquer la liste des ingrédients du produit vendu, il n’exproprie rien. De même pour les fabricants de produits dangereux obligés de dénoncer sur le produit sa dangerosité.

[454]    De toute façon, le gouvernement n’a aucune obligation constitutionnelle d’offrir une compensation pour une expropriation[134] et les droits économiques ne sont pas protégés par la Charte.[135]

[455]    Quand le gouvernement impose des mises en garde sur 50% du paquet de cigarettes, il sert la promotion de la santé publique et non un intérêt économique.

Most forms of regulation impose costs on those who are regulated, and it would be intolerably costly to compensate them. Moreover much regulation has a redistributive purpose: it is designed to reduce the rights of one group (manufacturers, employers, for example) and increase the rights of another (consumers, employees, for example). A compensation regime would work at cross-purposes to the purpose of the regulation.[136]

[456]    L’argument n’est pas retenu.

c) La liberté d’expression

[457]    Les demanderesses invoquent l’article 2b) de la Charte. Les mises en garde sont tellement intrusives qu’elles privent les cigarettiers du seul moyen qui leur reste pour communiquer avec les consommateurs compte tenu de la rigueur de la loi.

[458]    D’une part, même si la loi est rigoureuse, il reste aux cigarettiers d’autres moyens de communiquer avec leurs clients pour faire de la publicité informative ou préférentielle de marque.

[459]    Ils peuvent insérer de l’information dans le paquet de cigarettes au moyen d’encarts et il leur reste 50% de la surface du paquet.

[460]    Les cigarettiers invoquent à leur secours la cause Pacific Press, [2000] 5 W.W.R. 219 (C.S. C.-B.) sur l’obligation faite aux médias de publier diverses informations lors de la publication de sondages.

[461]    La comparaison ne saurait tenir. Il s’agissait là-bas d’expression politique et de liberté de presse, il s’agit ici de produits commerciaux dangereux pour la santé.

[462]    Un paquet de cigarettes pris au hasard : celui de 25 cigarettes filtre king size de Player’s montre sur 50% de sa surface une mise en garde : « la cigarette, ça brise le cœur! ». Cette information est démontrée scientifiquement.

[463]    L’autre 50% souligne, outre le logo traditionnel de Player’s, l’information suivante : « légère, veloutée, goût traditionnel - moins irritant ». Trois informations taillées en pièces par la preuve.

[464]    La liberté d’expression prévue à la Charte est un concept plus grand et plus généreux que ce que plaident les cigarettiers.

[465]    La Cour suprême s’est exprimée sur la légalité des mises en garde attribuées à Santé Canada. La juge McLachlin :

Contrairement au juge La Forest, je suis d'avis que l'art. 9 de la Loi, qui exige que les fabricants apposent sur les produits du tabac des messages non attribués relatifs à la santé, porte également atteinte au droit à la liberté d'expression. Comme le juge La Forest le souligne, au par. 113, notre Cour a déjà statué que «la liberté d'expression comporte nécessairement le droit de ne rien dire ou encore le droit de ne pas dire certaines choses»: Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038 , à la p. 1080, le juge Lamer (maintenant Juge en chef). En vertu du par. 9(2), il est interdit aux fabricants de tabac d'apposer sur l'emballage d'un produit du tabac des mentions autres que la désignation, le nom et toute marque de celui-ci ainsi que les renseignements prévus par une loi. Les mises en garde non attribuées, conjuguées à l'interdiction d'apposer tout autre renseignement qui permettrait aux fabricants de tabac d'exprimer leurs points de vue, constituent une violation de la liberté d'expression garantie par l'al. 2b) de la Charte.[137]

[466]    La nouvelle loi a corrigé l’erreur de la première : les nouvelles mises en garde sont attribuées à Santé Canada (art. 4(1) et 4(2) du règlement).

 

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La justification de l’article 1 de la Charte

[467]    Dans le premier jugement, les mises en garde sont acceptées au sens de l’article premier de la Charte. La juge McLachlin :

Le gouvernement est clairement justifié d'exiger des appelantes qu'elles apposent des mises en garde sur les emballages des produits du tabac. Pour les motifs exposés relativement à l'interdiction de publicité, il n'est pas justifié de procéder à une analyse constitutionnelle moins approfondie afin de décider s'il était nécessaire d'interdire aux appelantes d'attribuer le message au gouvernement […].[138]

Le juge Iacobucci :

À cette étape, j'aimerais donner des précisions sur les mesures qui, à mon avis, auraient résisté à un examen fondé sur la Charte. Comme je l'ai déjà mentionné, il est évident que des messages relatifs à la santé peuvent et doivent être apposés sur les emballages, mais les contraintes de la Charte exigent qu'ils soient attribuées à un auteur, en toute vraisemblance Santé et Bien-être social Canada.[139]

a) Les objectifs urgents et réels

[468]    La preuve montre clairement que les consommateurs et la population en général ne connaissent pas les dangers de la cigarette outre le fait que ce n’est pas bon pour la santé.

[469]    Le tabac est un produit nocif. Le tabagisme est le problème de santé le plus grave au Canada. Les consommateurs l’ignorent ou en ont une vague idée.

La recherche démontre que les Canadiens savent, généralement parlant, que le tabac nuit à leur santé, mais qu’ils ne connaissent pas toute la gamme des maladies causées par le tabagisme ni la gravité de celles-ci. Les fumeurs, tout particulièrement, sont moins enclins que les non-fumeurs à croire que le tabac leur nuit très sérieusement. Voilà une des raisons pour lesquelles nous avons proposé ces règlements.

Ainsi, les jeunes fumeurs sont moins enclins que les jeunes non-fumeurs, à hauteur de 68 p. 100 contre 89 p. 100, à croire que le tabac est très mauvais pour la santé. Autrement dit, 89 p. 100 des jeunes non-fumeurs considèrent que le tabagisme nuit à leur santé, tandis que seulement 68 p. 100 des jeunes fumeurs sont du même avis. Voilà les lacunes au niveau de la formation que ces règlements cherchent à combler.[140]

[470]    Le témoin Power dont l’expertise repose sur l’hypothèse que la population connaît de façon générale les risques liés à la consommation du tabac, est convaincu que le public ne sait pas que la cigarette peut causer des dysfonctions érectiles et que même si on le leur disait, les fumeurs ne le croiraient pas.

[471]    Et pourtant, la preuve prépondérante à ce sujet est incontournable.

[472]    Un fabricant a l’obligation légale et morale de mettre en garde les consommateurs contre les dangers inhérents au produit commercialisé. L’arrêt Hollis c. Dow Corning Corp.[141] :

Il est bien établi en droit de la responsabilité délictuelle au Canada que le fabricant d'un produit a le devoir de mettre les consommateurs en garde contre les dangers inhérents à son utilisation, dont il est ou devrait être au courant. Ce principe a été énoncé au nom de notre Cour par le juge Laskin (plus tard Juge en chef) dans l'arrêt Lambert c. Lastoplex Chemicals Co., [1972] R.C.S. 569 , à la p. 574:

Les fabricants sont tenus, envers ceux qui utilisent leurs produits, de voir à ce qu'il n'y ait aucun vice de fabrication susceptible de causer des dommages au cours d'une utilisation normale. Toutefois, leur devoir ne s'arrête pas là si le produit, bien que satisfaisant aux besoins pour lesquels il est fabriqué et commercialisé, est en même temps dangereux à utiliser; et s'ils savent qu'il s'agit d'un produit dangereux, ils ne peuvent pas simplement laisser le consommateur exposé au risque de blessures.

L'obligation de mise en garde est une obligation constante, qui oblige les fabricants à prévenir les utilisateurs non seulement des dangers connus au moment de la vente, mais également de ceux qui sont découverts après l'achat et la livraison du produit; voir Rivtow Marine Ltd. c. Washington Iron Works, [1974] R.C.S. 1189 , à la p. 1200, le juge Ritchie. Toutes les mises en garde doivent être communiquées de façon raisonnable et doivent exposer clairement les dangers précis découlant de l'utilisation normale du produit; voir, à titre d'exemples, Setrakov Construction Ltd. c. Winder's Storage & Distributors Ltd. (1981), 11 Sask. R. 286 (C.A.); Meilleur c. U.N.I.-Crete Canada Ltd.(1985), 32 C.C.L.T. 126 (H.C. Ont.); Skelhorn c. Remington Arms Co. (1989), 69 Alta. L.R. (2d) 298 (C.A.); McCain Foods Ltd. c. Grand Falls Industries Ltd.(1991), 116 R.N.-B. (2e) 22 (C.A.).

[473]    C’est ce qu’impose le règlement sur l’information notamment avec les mises en garde. Il l’impose parce que les cigarettiers ont toujours négligé de le faire. Et pourtant, ils savaient depuis longtemps.

[474]    Dans une demande refusée de sursis d’application de la LRPT, la Cour suprême traite des effets des mises en garde :

L'augmentation du nombre des messages relatifs à la santé et la modification de la présentation de ces messages témoignent du consensus profond auquel sont parvenus les responsables de la santé publique, à savoir qu'il faut faire connaître de façon plus complète et plus efficace aux consommateurs les graves dangers de l'usage du tabac sur la santé. Des appuis pour les modifications réglementaires ont été exprimés dans des centaines de lettres et dans un certain nombre de mémoires présentés par des groupes du secteur de la santé publique, qui ont critiqué les premiers règlements adoptés en application de la loi, ainsi que dans un certain nombre d'études ministérielles soulignant la nécessité de ces modifications.

Ce qui a été cité indique clairement que le gouvernement a adopté le règlement en cause dans l'intention de protéger la santé publique et donc pour promouvoir le bien public. Par ailleurs, les deux parties ont reconnu que des études réalisées dans le passé ont démontré que les mises en garde apposées sur les emballages de produits du tabac produisent des résultats en ce qu'ils sensibilisent davantage le public aux dangers du tabagisme et contribuent à réduire l'usage général du tabac dans notre société. Toutefois, les requérantes ont soutenu avec vigueur que le gouvernement n'a pas établi et qu'il ne peut établir que les exigences spécifiques imposées par le règlement attaqué présentent des avantages pour le public. […][142]

[475]    Tout le monde s’entend pour accepter les mises en garde attribuées. C’est l’importance, la présentation et le format qui sont contestés. Il est évident que la nature et l’étendue de la mise en garde variera avec le type de produit commercialisé. L’arrêt Hollis[143] :

La nature et l'étendue de l'obligation de mise en garde incombant au fabricant varient selon le danger découlant de l'utilisation normale du produit. Si l'utilisation ordinaire présente des dangers importants, une mise en garde générale sera rarement suffisante; elle devra au contraire être suffisamment détaillée pour donner au consommateur une indication complète des dangers précis que présente l'utilisation du produit.

[476]    Le paquet de cigarettes est le phare de l’industrie, le badge du consommateur. C’est au premier chef au paquet de cigarettes que doit être associée l’information la plus complète.

[477]    L’objectif visé par le règlement est indiscutablement urgent et réel.

b) Le principe de proportionnalité

(i)   Lien rationnel

[478]    Ce lien a été reconnu par la Cour suprême dans le premier procès. La juge McLachlin :

[L]es mises en garde sur les emballages, attribuées ou non, peuvent être considérées comme une façon d'inciter les gens à diminuer ou abandonner leur usage du tabac. Ces facteurs, conjugués à la preuve scientifique considérée comme non concluante, suffisent à établir, suivant la prépondérance des probabilités, l'existence d'un lien fondé sur la raison entre certaines formes de publicité, les mises en garde et l'usage du tabac. [144]

[479]    L’unanimité était d’ailleurs atteinte à ce sujet en Cour suprême tant chez les juges que les parties :

Par ailleurs, les deux parties ont reconnu que des études réalisées dans le passé ont démontré que les mises en garde apposées sur les emballages de produits du tabac produisent des résultats en ce qu’ils sensibilisent davantage le public aux dangers du tabagisme et contribuent à réduire l’usage général du tabac dans notre société.[145]

[480]    Les mesures choisies par le législateur sont donc susceptibles de contribuer à atteindre l’objectif de la loi.

(ii)  Atteinte minimale

[481]    Les demanderesses soutiennent que des mesures moins attentatoires étaient possibles et que les 35% de la surface du paquet occupés antérieurement à la loi par les mises en garde auraient été raisonnables.

[482]    Il faut quand même se souvenir que les cigarettiers ont historiquement fortement contesté toute tentative d’imposer des mises en garde et que seul l’écoulement du temps et l’aide des tribunaux a fait évoluer les mentalités.

[483]    Pour tout autre produit que le tabac, la Cour aurait eu tendance à donner raison aux cigarettiers. Les messages sont durs, impitoyables, déstabilisants.

[484]    Mais la cigarette est dure et impitoyable pour l’organisme humain. L’industrie le savait et ne l’a pas dit.

[485]    Le type de mise en garde choisi est à la mesure du problème social. Le problème est unique et implacable. Le juge Lamer dans Chaulk :

À mon avis, la question que l'on doit résoudre à ce stade de l'examen en vertu de l'article premier est de savoir si le législateur aurait pu raisonnablement choisir un autre moyen qui aurait permis d'atteindre de façon aussi efficace l'objectif identifié.

Il ressort de récents arrêts de notre Cour (R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713 ; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927 ; et Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)c) du Code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123 ) que le législateur n'est pas tenu de rechercher et d'adopter le moyen le moins envahissant, dans l'absolu, en vue d'atteindre son objectif. De plus, lorsqu'on examine les solutions de rechange à la disposition du législateur, il importe de se demander si un moyen moins envahissant permettrait soit d'atteindre le "même" objectif, soit d'atteindre le même objectif de façon aussi efficace.[146]

[486]    La preuve a démontré que pour que des mises en garde soient efficaces, elles doivent être variées, innovatrices et non répétitives pour éviter que le consommateur ne les voie plus.[147]

[487]    Santé Canada a imaginé une série de messages rotatifs qui capteraient l’imagination. L’exercice est réussi. Dans sa plaidoirie au premier procès, un des procureurs des cigarettiers reconnaissait au Parlement le droit à des mises en garde « more hard hitting and punchy »[148]. Message reçu !

[488]    Il est vrai que le Canada est à l’avant-garde (ou réactionnaire selon les convictions de chacun) dans les mesures de répression du tabagisme, mais la tendance mondiale semble irréversible.

[489]    Le Brésil vient de suivre l’exemple canadien en imposant les mêmes mises en garde sur 50% du paquet de cigarettes en occupant tout un côté du paquet (voir annexe 5). Évidemment, les présentoirs doivent montrer la face sans mise en garde. L’Union européenne impose des mises en garde occupant 30 à 40 % du paquet et plus pour les pays bilingues.

[490]    En ce domaine des mises en garde, le législateur a choisi une façon de faire discutable, mais certes pas déraisonnable compte tenu de l’objectif de la loi. La retenue judiciaire oblige à respecter une mesure qui globalement constitue une atteinte minimale.

(iii)Proportionnalité

[491]    Compte tenu de ce qui précède et de toutes les circonstances propres à cette loi, le Procureur général a démontré une proportionnalité entre les effets préjudiciables et salutaires du règlement sur l’information.


 

Le règlement sur les rapports relatifs au tabac

La contestation

[492]    Tout comme le règlement sur l’information, ce règlement est adopté en vertu des articles 17 et 33 de la loi, le 8 juin 2000.

[493]    Il oblige les fabricants et importateurs de produits du tabac à faire rapport de leurs ventes, leurs procédés de fabrication, des émissions toxiques de leurs produits et de leurs activités de recherche.

[494]    D’autres lois imposent les mêmes exigences dont notamment la Loi sur l’accise, L.R. 1985, ch. E-14 aux articles 31, 32 et 36 à 39.

[495]    Ces informations serviront à rencontrer les objectifs de l’article 4 de la loi.

[496]    Les demanderesses contestent le règlement sur quatre points :

a)   le partage des compétences

b)   l’article 8 de la Charte

c)   l’article 2b) de la Charte

d)   la légalité en vertu de la loi

a) Le partage des compétences

[497]    Les demanderesses soumettent que le règlement ne relève pas de la compétence fédérale en matière criminelle au sens de l’article 91(27) L.C. 1867.

[498]    Ce point a été réglé par le premier jugement où le juge La Forest explique au nom d’une majorité de juges sur ce point[149] :

Il appert donc que les effets nocifs de l'usage du tabac sur la santé sont à la fois saisissants et importants. En deux mots, le tabac tue. Compte tenu de ce fait, le Parlement peut-il validement se servir du droit criminel pour interdire aux fabricants des produits du tabac d'inciter la population canadienne à consommer ces produits et pour mieux la sensibiliser aux méfaits du tabac? À mon avis, il ne fait aucun doute qu'il peut le faire.

p. 245

Notre Cour a depuis longtemps reconnu que le Parlement peut validement utiliser cette compétence pour interdire ou contrôler la fabrication, la vente et la distribution de produits qui présentent un danger pour la santé publique, et qu'il peut aussi validement imposer des exigences en matière d'étiquetage et d'emballage de produits dangereux dans le but de protéger la santé publique.

p. 252

[I]l n'existe dans les présents pourvois aucune preuve que le Parlement ait eu une arrière-pensée lorsqu'il a adopté cette loi, ou encore qu'il tentait d'empiéter de façon injustifiable sur les compétences attribuées aux provinces en vertu des par. 92(13) et (16). Les présents pourvois diffèrent donc du Renvoi sur la margarine, précité, dans lequel l'interdiction ne visait pas vraiment à s'attaquer à un mal public, mais en fait, compte tenu du caractère véritable de la loi en cause, à réglementer l'industrie laitière.

p. 247

[499]    Rien dans le présent dossier ne montre que le Parlement avait une arrière pensée machiavélique ou qu’il tentait d’empiéter illégalement sur les compétences provinciales.

[500]    L’argument n’est pas retenu.

b) L’article 8 de la Charte

[501]    La Cour a déjà énoncé les principes connus sur l’article 8 dans un chapitre antérieur. Ils valent tout autant ici.

[502]    Les demanderesses soumettent que le règlement constitue une surveillance illégale de leurs affaires. Aucune preuve n’a été présentée à ce sujet.

[503]    Le commerce du tabac est une activité réglementée par l’État ce qui suppose une attente diminuée de vie privée.[150] Le règlement s’adresse aux fabricants et non à des personnes physiques.

[504]    L’exigence des rapports est une saisie au sens de l’article 8, mais de nature peu intrusive. Le juge Cory dans 14371 Canada inc.[151]

De toute évidence, les perquisitions dans des propriétés privées sont beaucoup plus envahissantes qu’une demande de production de documents. Plus l’intrusion des auteurs de perquisitions dans les locaux d’une entreprise et des résidences privées est grande, plus on devrait accorder de l’importance aux dispositions de l’art. 8 de la Charte.

[505]    Les demanderesses soutiennent que cette forme de saisie s’effectue sans autorisation préalable et sans que l’État ait à démontrer des motifs raisonnables.

[506]    Comme dit précédemment, ces exigences n’ont pas à êtres respectées en l’instance. La juge Wilson dans McKinlay[152] sur la Loi de l’impôt :

Conséquemment, le ministre du Revenu national doit disposer, dans la surveillance de ce régime de réglementation, de larges pouvoirs de vérification des déclarations des contribuables et d'examen de tous les documents qui peuvent être utiles pour préparer ces déclarations. Le Ministre doit être capable d'exercer ces pouvoirs, qu'il ait ou non des motifs raisonnables de croire qu'un certain contribuable a violé la Loi.

[507]    Quant au fait dont se plaignent les demanderesses voulant que ces demandes de renseignements constituent des fouilles permanentes et perpétuelles, le juge Cory y répond dans l’arrêt 14371 Canada inc. :

Ceux qui se lancent dans un domaine réglementé doivent accepter que la réglementation fait partie intégrante de leurs activités commerciales.[153]

[508]    Encore une fois, tous ces renseignements visent à réaliser les objectifs de l’art. 4 de la loi : la santé publique est en jeu, le tabac est un produit toxique, l’industrie a toujours été avare d’informations face aux consommateurs et au gouvernement. Le règlement vise à pallier ces problèmes démontrés par la preuve.

c) L’art. 2b) de la Charte

[509]    Aucune preuve n’a été présentée à la Cour à ce sujet et l’argument est écarté.

d) La légalité

[510]    Comme dit au chapitre précédent sur le règlement sur l’information, le présent règlement puise son fondement légal aux articles 7 et 33 de la loi eux-mêmes rédigés en vue de l’objet de santé publique prévu à l’article 4 de la loi.

[511]    Le règlement a été adopté valablement en respectant les pouvoirs prévus à la loi.


 

CONCLUSIONS

[512]    La Cour a tenté de cerner toutes les questions de droit soulevées par les parties et d’y apporter un commentaire à la lumière de la règle de droit.

[513]    La règle de droit est un ensemble de consignes que les hommes se donnent périodiquement pour que la vie en société soit sinon harmonieuse, du moins supportable.

[514]    La règle de droit est essentiellement mouvante et toujours fondée sur le sens commun. En 1904, un tribunal québécois déclarait La comédie humaine d’Honoré de Balzac[154] contraire aux bonnes moeurs. En 1960, la Cour des sessions de la paix de Montréal déclarait obscène l’ouvrage de D.H. Lawrence Lady Chatterley’s Lover. La Cour d’appel du Québec confirmait ce jugement à l’unanimité, mais la Cour suprême du Canada, par un jugement à cinq contre quatre renversait ces décisions et rejetait la plainte d’obscénité.[155]

[515]    Le présent procès a été exigeant à tous égards. Les questions en jeu sont difficiles. Les croisades tout comme la naïveté sont à éviter.

[516]    Les fumeurs ne sont pas des parias. Ils ont le droit de fumer sans être accusés de tous les péchés du monde.

[517]    Les cigarettiers ont le droit de fabriquer et de vendre des cigarettes.

[518]    Mais…

[519]    Ce n’est pas pécher contre la règle de droit que de rappeler ce que la preuve démontre et ce que le sens commun impose à l’issue de ce débat.

[520]    Nous sommes dans un pays où l’État assume le coût des soins de santé à la population. Ce n’est pas le cas partout.

[521]    Le Dr Davis, ancien Surgeon general du Maryland et directeur d’un des grands centres privés de santé aux États-Unis nous rappelait que 40 millions d’Américains sont privés aujourd’hui de soins de santé parce qu’ils n’ont pas les moyens de les payer. C’est plus que la population du Canada.

[522]    La cigarette tue 45,000 Canadiens chaque année. C’est plus que la population de Drummondville au Québec ou de Prince-Albert en Saskatchewan.

[523]    Le témoignage de la cardiologue Nancy-Michelle Robitaille était troublant. Les fumeurs vivent en moyenne 15 ans de moins et leur qualité de vie est grandement affectée. Quand un de ses patients la supplie de le laisser quitter l’unité coronarienne pour aller fumer une cigarette, on ne parle pas de chasse aux sorcières, mais de réalité quotidienne.

[524]    La nicotine crée une dépendance foudroyante. Ce n’est pas une hypothèse, c’est un fait.

[525]    Quand le Dr Robitaille a fait son exposé sur la détresse des patients fumeurs victimes de dysfonctions érectiles, personne n’avait envie de rire.

[526]    Quand la preuve démontre que la fumée secondaire est néfaste pour tous, fumeurs ou non, et particulièrement pour les enfants dont les parents fument, ce n’est pas pour culpabiliser quiconque, c’est un fait.

[527]    Quand la preuve montre de façon incontestable l’influence de la publicité et de la commandite sur la consommation du tabac particulièrement chez les adolescents. Que la publicité vise à rassurer les fumeurs, qu’elle mise sur un style de vie agréable lié à l’usage de la cigarette.

[528]    Quand la preuve montre que la cigarette moins irritante est une création de la mise en marché des cigarettiers. Que le filtre laisse passer toutes les composantes gazeuses cancérigènes de la fumée. Que la cigarette légère n’existe pas. Que la cigarette « bonne pour la santé » est une illusion.

[529]    Quand la preuve montre que les cigarettiers ont « choisi » les feuilles de tabac pour offrir le même taux de nicotine dans leurs cigarettes, mais avec moins de tabac.

[530]    Quand la preuve montre que les cigarettiers connaissent tous ces faits depuis souvent plus de 50 ans et les ont toujours niés ou refusé d’en informer les consommateurs.

[531]    Faut-il s’étonner que l’État, qui assume une obligation de fiduciaire de la santé publique, mette autant d’acharnement à édicter une politique globale de lutte au tabagisme et d’information sur ses effets. La preuve montre que les frais de santé liés au tabagisme au Canada avoisinent les 15 milliards de dollars. C’est le budget global de nombreux pays à travers le monde.

[532]    Il n’est pas question de brader la liberté d’expression contre une poignée de dollars. Il est question ici d’un douloureux problème social et d’une liberté d’expression qui, il faut le dire, a été mal utilisée jusqu’à ce jour.

[533]    Il faut dire que les cigarettiers sont dans une position particulièrement inconfortable. Ils vendent un produit nocif qu’ils savent tel. Ils ont le droit de le vendre parce que son interdiction est irréaliste.

[534]    Ils n’ont fait aucune contre-preuve sur les effets nocifs de la cigarette puisque cette preuve ne peut être faite. Leur preuve sur les effets de la publicité ne convainc pas le tribunal.

[535]    Ils tentent de préserver une industrie irrémédiablement vouée à péricliter. C’est leur droit.

[536]    Mais les droits des cigarettiers et l’obligation de santé publique de l’État ne sauraient bénéficier d’une même légitimité.

[537]    L’État vise à interdire la publicité sous réserve d’exceptions précises. En cela, il s’inscrit dans une dynamique mondiale qui n’est certes pas déraisonnable.

[538]    La preuve faite en l’instance oblige la Cour à faire preuve d’une retenue que le sens commun impose.

[539]    Les actions des demanderesses ne sont pas fondées.


 

REMERCIEMENTS

[540]    On l’a dit plus haut, ce procès était exigeant. Vingt-deux avocats représentaient les parties. L’affaire aurait pu devenir monstrueuse, mais elle est restée sereine dans une grande mesure grâce à l’intelligence, la rigueur et les efforts constants des procureurs.

[541]    Si le point de vue des demanderesses n’a pas été retenu, ce n’est certes pas faute de qualité de ses procureurs.

[542]    La Cour remercie les officiers de la Cour et tous ceux et celles qui ont aidé à mener cette affaire à son terme. Au premier chef, la Cour tient à souligner le travail inlassable de Mme Jacinthe Lamonde, adjointe du soussigné, qui a servi de greffière au procès. Sa minutie et son remarquable sens du devoir pendant le procès et le délibéré ont été d’un secours inestimable.

 

*     *     *     *     *

 

[543]    PAR CES MOTIFS, LA COUR :

[544]    REJETTE les trois actions.

[545]    AVEC DÉPENS.

 

 

 

 

ANDRÉ DENIS, J.C.S.

 


 


Me Doug Mitchell

Me Catherine McKenzie

IRVING, MITCHELL & ASSOCIÉS

et

Me Georges Thibaudeau

BORDEN, LADNER, GERVAIS

Avocats de la demanderesse

J.T.I. MACDONALD CORPORATION

 

Me Simon Potter

Me Gregory Bordan

Me Marc Prévost

Me Sophie Perreault

Me Johanne Gauthier

OGILVY, RENAULT

Avocats de la demanderesse

IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITED

 

Me Marc-André Blanchard

Me Chantal Masse

Me Gérald Tremblay

Me Yan Paquette

McCARTHY, TÉTRAULT

Avocats de la demanderesse

ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

 

Me Claude Joyal

Me Marie Marmet

Me Marc Ribeiro

Me Bernard Mandeville

CÔTÉ, MARCOUX & JOYAL

et

Me Maurice Régnier

Me Guy Gilbert

Me Jean Leclerc

Me Sophie Truesdell-Ménard

GILBERT, SIMARD, TREMBLAY

Avocats de la défenderesse


 

et

Me Julie Desrosiers

Me Christian Trépanier

MARTINEAU, WALKER

 

Me Rob Cunningham

Avocats de l’intervenante

 

Date de prise en délibéré :

19 septembre 2002


 


ANNEXE 1
RÉSUMÉ DES TÉMOIGNAGES

 

I.        POUR LES DEMANDERESSES

Me Rafe S. Engle[156]

[1]        Avocat, Me Engle conseille les compagnies de publicité depuis 20 ans notamment sur les codes et la réglementation en matière de publicité.

[2]        Il est déclaré témoin expert à ce titre par le tribunal.

[3]        Le témoin a agi régulièrement comme conseiller juridique pour Les Normes canadiennes de la publicité (NCP) (Advertising Standards Canada) où il étudie la légalité des publicités soumises par les membres eu égard à la loi ou aux codes en vigueur.

[4]        La NCP est un organisme à but non lucratif qui compte parmi ses membres de nombreux publicistes, agences de publicité et des fournisseurs de services qui ont fréquemment à utiliser la publicité.

[5]        Les membres ont rédigé le Code canadien des normes de la publicité, (Canadian Code of Advertising Standards) le principal outil d’autorégulation au Canada. La NCP étudie les plaintes du public ou de compétiteurs des compagnies annonçant leurs produits.

[6]        La NCP assume depuis 1992 la responsabilité d’étudier la conformité des publicités en matière d’aliments et de boissons non alcooliques en regard de la Loi sur les aliments et drogues.

[7]        De même, la NCP assure ce service pour les produits suivants :

a)   cosmétiques (1992);

b)   médicaments sans ordonnance (1997);

c)   boissons alcooliques (1997);

d)   publicité aux enfants (1973).

[8]  De mars 1996 à avril 1997, la NCP a également étudié les demandes d’approbation de publicité de l’industrie du tabac en vertu du Code volontaire d'emballage et de publicité de l'industrie des produits du tabac (Voluntary Packaging and Advertising Code of the Canadian Tobacco Manufacturers' Council).

[9]        La principale conclusion de l’expert, à titre d’avocat spécialisé en publicité, est qu’il ne pourrait adéquatement conseiller ses clients sur la portée de la Loi sur le tabac et ainsi assurer la légalité d’une éventuelle publicité.

[10]      En l’absence de standards clairs, de directives, d’information contenue à la loi ou à la réglementation, il lui est impossible de déterminer ce que serait une publicité « style de vie » (art. 22) ou une publicité « attrayante pour les jeunes » (art. 24).

[11]      La conclusion de l’expert est contenue à la page 10 de son expertise P-31 :

« I could not confidently advise a client that any tobacco product advertising is permitted under the Act. I have come to this conclusion bearing in mind that contravention of the Act could lead to a fine or imprisonment, without the right of appeal; and that, on the basis of the Act, it is impossible to know with any certainty what advertising does not constitute, or may not be regarded as, “lifestyle advertising” or is not “appealing to young persons”.

[12]      En contre-interrogatoire, le témoin perd énormément de crédibilité, sinon totalement, en refusant de reconnaître des évidences.

[13]      Au fil des questions, il apparaît comme le défenseur de l’industrie de la publicité et comme un témoin ayant épousé la cause de ses clients.

[14]      Sa qualité d’expert est rudement mise à l’épreuve et la Cour ne peut lui accorder de crédibilité.

[15]      Le témoignage de Me Engle a été fait nonobstant l’objection de la partie défenderesse voulant que l’expertise déposée ne soit en fait qu’une opinion juridique (Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374 ).

[16]      L’objection n’est pas sans mérite, mais compte tenu des commentaires du tribunal sur le témoignage de l’expert, elle devient théorique.


Dr Adrian Wilkinson[157]

[17]      Docteur en psychologie, le témoin a complété ses études à l’Université York en Ontario.

[18]      Il est déclaré témoin expert à titre de psychologue « expert in multiple drug use ».

[19]      De 1970 à 1988, le témoin a travaillé à la Fondation de la recherche sur l’alcoolisme et la toxicomanie de l’Ontario (Addiction Research Foundation of Ontario) (ARF) où il a supervisé le travail clinique et effectué des recherches sur l’évaluation et le traitement, notamment des personnes consommant des drogues multiples.

[20]      Depuis 1988, il oeuvre en pratique privée à titre de consultant.

[21]      Le Dr Wilkinson a analysé une recherche faite auprès des étudiants de 12 à 19 ans dans des écoles secondaires de l’Ontario entre 1977 et 1999 sur la consommation de drogues.

[22]      Les drogues utilisées par les étudiants étaient le tabac, l’alcool, le cannabis, la colle, les autres solvants, les barbituriques, l’héroïne, les amphétamines, les stimulants, les tranquillisants, le LSD, les autres hallucinogènes et la cocaïne.

[23]      Bref, on a remis au Dr Wilkinson la recherche intitulée : « Drug use among Ontario Students : Findings from the OSDUS 1977-1999 »[158] et le mandat donné par les demanderesses était de déterminer la ou les causes des variations observées dans la consommation du tabac pendant ces années.

[24]      Sa conclusion montre, avec des nuances pour quatre substances, que la consommation des drogues chez les étudiants de l’Ontario pendant la période observée suit à peu près la même courbe pour toutes les substances.

[25]      Le graphique 14[159] montre une augmentation de la consommation des 13 drogues de 1977 à 1979 puis une diminution jusqu’en 1991 pour enfin constater une remontée jusqu’en 1999.

[26]      Bref, la consommation des drogues suit à peu près la même courbe de consommation au cours des années, quelle que soit la substance consommée.

[27]      Les comportements des élèves varient donc dans le temps pour toutes les drogues de la même façon.

[28]      Cette tendance est représentative des données disponibles à Santé Canada pour les jeunes de 15 à 19 ans.

[29]      De même, le comportement des jeunes Américains serait semblable sauf pour le LSD.

[30]      La raison probable d’une telle constance est un changement dans l’attitude fondamentale des usagers plus que des conditions dans lesquelles les drogues sont disponibles.

[31]      Il est donc improbable que la publicité soit la raison pour laquelle les jeunes changent leur comportement face aux drogues et notamment au tabac. Ce serait donc moins une question de publicité qu’une question de perception et d’habitude.

[32]      Le témoin précise cependant qu’aucune hypothèse ne peut être éliminée y compris la publicité mais que celle-ci ne lui apparaît pas la raison probable du comportement des jeunes.

[33]      En contre-interrogatoire, le témoin précise que si on ne faisait pas de publicité pour l’alcool, il aurait tendance à croire que la consommation diminuerait légèrement. À tout le moins quant au pourcentage de ceux qui en consomment.

[34]      Le tribunal souligne la rigueur intellectuelle de la démarche de l’expert et les nuances qu’il ne manque jamais de faire dans une question où tout n’est pas noir ou blanc.

[35]      La conclusion de l’expert contenue à la page 8 de son expertise P-33 se lit comme suit :

« Given  these facts, certain hypotheses about causes of change in prevalence become implausible - i.e. hypotheses specific to a particular type of substances. For example, it is unlikely that the changes in prevalence of use reflect changes in availability or price or advertising of specific substances, or the pharmacology of specific substances. This is because such effects would probably vary significantly among this heterogeneous group of substances over time. In my opinion, it is most reasonable to interpret the present data as indicating that the main cause of changes in prevalence of use over time have lain in some variation in the nature or conditions of the users. Change in the conditions of the users access to substances, or change in some attribute or properties of the substances are much less probably valid. This conclusion is justified since highly correlated changes in prevalence have occurred in such a pharmacologically diverse range of legal and illicit substances. Of course, from observational data such as these, outstanding though they are, no certain conclusions can be drawn about the actual causes of the observed changes. But one can make reasonable deductions about the more probable or less probable causes. In my opinion the most probable cause is some variation or variations in the nature or conditions of the consumers. Much less probable is some attribute or condition peculiar to a single class of substance. »


M. Michael Waterson[160]

[36]      Titulaire d’un baccalauréat en sciences économiques et d’une maîtrise en marketing, le témoin est déclaré témoin expert « in the functions, effects and economics of advertising ».

[37]      Praticien et chercheur depuis 25 ans, le témoin préside à Londres sa propre compagnie Information Sciences Ltd. depuis 1989. Il a mis sur pied le World Advertising Research Center (WARC) qui possède une des plus grandes collections d’informations reliées au monde de la publicité.

[38]      À titre de consultant, M. Waterson conseille notamment les grandes sociétés de publicité sur la façon de concevoir la publicité et d’en mesurer les effets.

[39]      Il a reçu le mandat des demanderesses « to review how brand advertising works in markets and what impact brand advertising has on behaviour ». Il a reçu également mandat de vérifier s’il existe dans l’industrie une définition acceptée de la publicité « style de vie ».

[40]      Sa conclusion est contenue à la page 2 de l’expertise[161] :

« Based on my experience, I have concluded that :

1)         Advertising of branded goods does not have any impact on overall levels of consumption of the product

2)         There is no commonly accepted definition of the term “lifestyle advertising” either among professionals or among academics in the field

3)         The empirical evidence does not demonstrate any correlation between changes in consumption patterns of tobacco products and the presence or absence of advertising bans or restrictions.

[41]      En cour, le témoin explique que l’industrie ne peut fonctionner sans publicité. La publicité commerciale vise essentiellement à faire acheter une marque de dentifrice plutôt qu’une autre. Elle ne vise pas à changer les comportements et inciter les gens à se brosser les dents.

[42]      Les objectifs de la publicité sont plus humbles qu’il n’y paraît. Comme le marché est très souvent stable, la publicité vise à aller chercher des parts de marché chez les concurrents.

[43]      Seuls des produits nouveaux comme récemment le marché de l’informatique, de l’Internet ou de la vidéo axeront leur publicité sur la présentation d’un nouveau service. On crée un besoin et on offre son produit de préférence à un autre.

[44]      Il existe deux exceptions à ces règles, soit la publicité générique pour inciter par exemple les gens à consommer du lait, du thé, des œufs ou la publicité santé pour, notamment, décourager les gens de boire de l’alcool ou d’utiliser l’huile à friture.

[45]      Ces publicités, souvent le fait d’agences gouvernementales, visent à faire changer un comportement. Ces campagnes sont très difficiles à mener et souvent leurs résultats très mitigés.

[46]      En Grande-Bretagne, une campagne intensive pour inciter les gens à boire du thé n’a pu inverser la tendance observée depuis 40 ans au déclin de cette pratique traditionnelle.

[47]      Quant à la publicité « style de vie », elle n’est pas vue par l’industrie comme une section à part de la publicité. Elle est indissociable de la publicité. Toute publicité vise un public cible et est liée à un style de vie.

[48]      Ainsi, la publicité sur les souliers de course montrera souvent des personnes joggant durant une fin de semaine à la campagne.

[49]      Le tableau #1 annexé à l’expertise[162] montre que les restrictions sur la publicité du tabac n’ont que peu ou pas d’influence sur la consommation.

[50]      Ainsi, la Norvège, où la loi impose des restrictions sur la publicité du tabac, a connu de 1975 à 2000 une augmentation de 40% de la consommation de la cigarette.

[51]      À l’inverse, en Grande-Bretagne et aux États-Unis où il n’y a pas de restrictions, un déclin de 35% a été constaté durant la même période.

[52]      En contre-interrogatoire, le témoin doit admettre que les statistiques compilées au tableau #1 sont sujettes à de nombreuses interprétations mais que l’ensemble des données connues à travers le monde tendent à démontrer que les restrictions législatives n'ont que peu d’effet sur la consommation de cigarettes.

[53]      Il appert clairement de l’ensemble du témoignage de M. Waterson que, depuis toujours, il est convaincu que toute restriction législative imposée à l’industrie de la publicité n’a que peu d’effet sur le comportement humain et nuit à cette dernière.


M. Ed Ricard

[54]      À l’emploi de la demanderesse Imperial Tobacco (ITCL) depuis 25 ans, le témoin a travaillé dans toutes les sections de vente et de mise en marché de la compagnie. Il est aujourd’hui directeur de la mise en marché (market strategy director).

[55]      ITCL est propriété à part entière depuis le 1er février 2000 de British American Tobacco (BAT), mais conserve sa propre gestion et mise en marché. La collaboration BAT/ITCL existe cependant depuis plusieurs années.

[56]      ITCL manufacture et vend des cigarettes et autres produits du tabac. Elle possède un important secteur de mise en marché qui relève du vice-président de la mise en marché (Marketing) et finalement du comité de direction (Management Committee).

[57]      La cigarette est composée de tabac séché roulé dans un papier spécialisé auquel on peut ajouter un filtre attaché à la cigarette au moyen d’un tube de papier.

[58]      Aucun additif n’est ajouté au tabac des cigarettes canadiennes à l’exception d’un humidifiant (glycérol) qui sert à garder le tabac frais. La saveur de menthe (menthol) est ajoutée au papier aluminium à l’emballage et se répand dans le tabac.

[59]      La cigarette est plus ou moins forte selon la marque, avec ou sans filtre, sous forme régulière (72mm), format géant (84mm ou 100mm), en paquets de 20 ou 25 cigarettes, normale (25mm de diamètre) ou mince (23mm),

[60]      Trois cigarettiers canadiens occupent 98% du marché : ITCL (70% du marché canadien), Rothmans, Benson & Hedges (17%) et JTI Macdonald (13%).

[61]      Mensuellement, ces compagnies s’échangent les données de ventes de chaque marque de cigarettes. Ces données sont scrutées à la loupe par l’équipe de mise en marché d’ITCL et les correctifs sont apportés très rapidement s’il y a lieu.

[62]      Chaque point de pourcentage (1%) du marché canadien représente des profits nets de 20 M $. Un paquet de cigarettes coûte 5 $ et 70% de cette somme va en taxes gouvernementales.[163]

[63]      De 1981 à 2001, on constate un déclin constant du volume de cigarettes vendues par les demanderesses[164]. Soixante-six milliards de cigarettes étaient vendues au Canada en 1981 et quarante-quatre milliards en 2001.

[64]      ITCL, depuis 30 ans, effectue de rigoureuses études de marché pour connaître les goûts des consommateurs et découvrir pourquoi une marque plaît et une autre non. Des sondages téléphoniques, des entrevues, des réunions de groupes cible (focus group) sont constamment au menu de l’équipe de mise en marché.

[65]      La bataille pour chaque point de pourcentage est féroce.

[66]      Les consommateurs commentent le goût, la force, le degré d’irritation des cigarettes. Chaque marque a sa caractéristique personnelle : masculinité, féminité, classe, image projetée, type de paquet, logo, etc. On donne au consommateur ce qu’il demande.

[67]      On calcule que 8% à 12% des consommateurs sont volages (switchers) et changent de marque de cigarettes. C’est d’abord à cette clientèle que s’attaque la publicité et la mise en marché des cigarettiers.

[68]      Toutes les études de marché sont réalisées auprès de fumeurs de plus de 19 ans.

[69]      Les consommateurs indiquent qu’ils aiment la cigarette Player’s, mais la souhaiteraient moins irritante pour la gorge. Après un processus de développement de quatre ans, on lance la Player’s Première (1996).

[70]      ITCL attache une grande importance à prévoir les tendances du marché (forecasting) pour chacune des marques de cigarettes. Ces prévisions sont essentielles pour mesurer à l’avance les besoins de l’industrie en tabac et autres matériaux de base servant à fabriquer les cigarettes.

[71]      Pour ce faire, une section d’ITCL étudie les tendances des consommateurs : le taux de fumeurs dans la population canadienne, le taux de décrocheurs, le taux de personnes qui n’ont jamais fumé, la consommation quotidienne par personne et toute autre donnée démographique disponible.

[72]      De même, on tentera de prévoir l’influence des variations de prix, de l’augmentation des taxes et des cigarettes à escompte sur la consommation.

[73]      En matière de prévision, ITCL ne tient pas compte de la publicité, de la commandite ou des mises en garde imposées par le Gouvernement car ces éléments n’ont pas d’impact sur le volume de cigarettes vendues au Canada.

[74]      La première loi sur le tabac (LRPT) n’a eu aucune influence sur le volume de cigarettes manufacturées au pays.

[75]      Le témoin explique l’importance que sa compagnie attache aux 19-24 ans où l’on retrouve un fort taux de fumeurs qui changent fréquemment de marque de cigarettes.

[76]      Il explique également le fonctionnement de différents projets de mise en marché.[165]

[77]      Le témoin explique que l’industrie s’est donné un code d’éthique volontaire lorsque la première loi sur le tabac a été annulée par la Cour.[166]

[78]      ITCL s’est intéressée à la commandite d’événements dès 1970 pour remettre à la communauté une partie de ses profits.

[79]      Au milieu des années ’80, avec les restrictions législatives imposées aux cigarettiers sur la publicité, on met l’accent sur les marques de commerce puisque l’information sur des marques spécifiques est interdite.

[80]      De plus en plus, le paquet de cigarettes devient le seul véhicule qui permette de faire la promotion d’une marque de cigarettes. Tout est étudié pour transmettre une image positive au moyen du paquet de cigarettes, de son design, de ses couleurs et de son style.

[81]      Ainsi, par exemple, le paquet de Player’s, en plus de rappeler la longue tradition de la marque veut s’associer à un style de vie où la fierté du marin domine, le soin mis à la présentation, la modernité, etc. Tout comme du Maurier doit être associée à la qualité et la distinction.

[82]      D’autres paquets visent à associer la cigarette à la fierté nationale, la classe, la sophistication, l’indépendance financière; d’autres s’adressent clairement aux femmes ou à des groupes d’âge ou des styles de vie.

[83]      Rien dans la mise en marché de ITCL ne s’adresse aux personnes de moins de 18 ans.

[84]      Le témoin dépose une série[167] de revues américaines vendues au Canada où les cigarettiers américains annoncent librement leurs cigarettes.

[85]      Comme le paquet devient essentiel au message de publicité que les cigarettiers veulent transmettre, ITCL se plaint de ce que la loi amenuise indûment la surface laissée au fabricant. Le témoin dénonce également le fait que la loi impose la couleur des mises en garde et oblige le fabricant à insérer d’autres mises en garde à l’intérieur du paquet.

[86]      Le fumeur connaît les dangers du tabac et ces mises en garde sont inutiles.

[87]      Enfin, ITCL se plaint du nombre exagéré de rapports mensuels exigés des cigarettiers par le Gouvernement.

[88]      Commentant l’expertise du Dr Richard W. Pollay qui doit témoigner pour la défense, le témoin n’est pas d’accord pour dire qu’il n’existe à peu près aucune différence entre les marques de cigarettes. Les consommateurs exigent des produits spécifiques et l’industrie répond à la demande.

[89]      L’information donnée aux fumeurs est honnête et précise.

[90]      En ré-interrogatoire, le témoin précise que les sondages de ITCL ne montrent pas que des fumeurs passent à une marque légère plutôt que d’arrêter de fumer.

 

*     *     *     *     *

 

[91]      En contre-interrogatoire, le témoin ne peut expliquer ce qui cause l’irritation à la gorge chez certains fumeurs. Il admet que ITCL n’a pas fait d’expertise médicale pour affirmer que la Player’s Première causait moins d’irritation.

[92]      De même, aucun test n’a été fait pour connaître les effets sur la santé, s’il en est, du glycérol (humidifiant) ajouté au tabac.

[93]      La ligne d’aide et commentaires 1-800 mentionnée aux paquets de cigarettes permet à ITCL d’entrer en contact avec ses consommateurs. Toute question relative à la santé est référée à Santé Canada.

[94]      ITCL prévoit une baisse graduelle de ses ventes d’ici à 2004, Ses ventes dans les boutiques hors taxes ont diminué substantiellement depuis avril 2001.

[95]      ITCL a une banque de données qui lui permet de communiquer avec ses clients par la poste.

 

*     *     *     *     *

 

[96]      M. Ricard est entendu brièvement en contre-preuve.

[97]      Il commente les pièces P-112 et P-113 et souligne que selon l’industrie, dans les études réalisées sur le comportement des fumeurs, les nouveaux fumeurs (starters) constituent une quantité négligeable.

[98]      Il se plaint de ce que récemment, certains détaillants, principalement des dépanneurs, ont été visités par des inspecteurs de Santé Canada reprochant l’illégalité de certaines publicités de cigarettes. Des inspecteurs auraient même enlevé certains éléments de publicité.

[99]      Bref, l’industrie aurait peine à savoir ce qui est permis et ce qui ne l’est pas.

 

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[100]    Après vérification à Santé Canada, les parties admettent que si une personne en autorité à Santé Canada venait témoigner, elle affirmerait que jamais ses inspecteurs n’ont eu la consigne d’enlever quelque matériel publicitaire et que si certains l’ont fait, ils l’ont fait sans autorisation.


Dr Roderick Pakenham Power[168]

[101]    Détenteur d’un doctorat en psychologie de l’Université de Sydney en Australie (1966), le professeur Power a enseigné la psychologie à l’Université de Belfast jusqu’en 1975 puis à l’Université Macquarie en Australie jusqu’à sa retraite en 2001.

[102]    Auteur de nombreuses publications, il est fellow de la British Psychological Society, de la Psychological Society of Ireland et de l’Australian Psychological Society.

[103]    La Cour le déclare expert « as an experimental psychologist specialized in visual perception » ce qui a été sa spécialisation pendant toute sa carrière universitaire.

 

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[104]    Les demanderesses lui ont demandé de déterminer si des mises en garde de plus grande dimension sur les paquets de cigarettes sont susceptibles d’avoir  un effet sur le comportement des fumeurs dans une population qui connaît de façon générale les risques liés à la consommation du tabac.[169]

[105]    Le professeur Power soumet que le changement de dimension des messages de mise en garde sur les paquets de cigarettes ont peu ou pas d’effet sur la consommation de cigarettes.

[106]    De nouvelles mises en garde plus grandes et accompagnées de photos sont plus voyantes et remarquables au premier abord, mais elles n’apporteront pas d’information nouvelle au consommateur à moins que les messages précédents n’aient pas été clairs.

[107]    Si l’information répète des messages déjà acquis, elle a peu d’impact sur le comportement humain.

[108]    Le témoin définit la perception comme l’expérience consciente des objets et des événements dans la vie courante. Les facteurs les plus importants affectant la perception sont la nouveauté et le mouvement.

[109]    La nouveauté attire l’attention par sa différence. De même le mouvement par sa menace sur notre environnement. Tout mouvement ressenti dans la vie quotidienne est d’abord perçu comme une menace. Par exemple, un oiseau qui s’envole à deux pas de nous.

[110]    Le témoin donne l’exemple d’un passant sur une rue qui ne lui est pas familière. La première fois, il regardera chaque fenêtre, chaque vitrine comme une découverte. Après plusieurs passages sur cette rue, il portera moins attention puisque l’information qu’il perçoit devient redondante.

[111]    Le témoin souligne que la plupart, voire toutes les informations perçues par le système visuel entraînent une émotion.

[112]    Ainsi, un message sur un paquet de cigarettes peut entraîner une réaction émotionnelle positive ou négative. Plusieurs variables sont à la source de notre attention : la nouveauté, les contrastes, la couleur etc. Toutes ces notions sont bien connues des publicitaires.

[113]    Le même principe s’applique aux mises en garde des paquets de cigarettes. À partir du moment où la personne sait que la cigarette est liée à des maladies mortelles, il est difficile de concevoir quelles informations supplémentaires peuvent entraîner un changement de comportement chez le consommateur.

[114]    La nouveauté des mises en garde ou des photographies plus imposantes peut avoir un effet initial sur le comportement des fumeurs, mais l’effet maximal est vite atteint et par la suite, l’effet sera très limité sur leur comportement.

[115]    Les mises en garde deviennent alors ignorées quand ce n’est pas un effet de défi à l’autorité.

[116]    Le témoin souligne qu’il est possible d’évaluer de façon scientifique si le passage à des mises en gardes plus imposantes doublées de photographies a un effet sur le comportement des fumeurs par rapport à des mises en garde traditionnelles.

[117]    Il explique cette façon de faire qui lui apparaît plus rigoureuse que le simple sondage ou le questionnaire unique d’un groupe cible.

[118]    La conclusion générale de l’expert se lit comme suit :

« In a society where the risks associated with the consumption of tobacco are known and accepted, and where the existence of these risks is clearly stated on the packages, I would expect that any change in warning size, format and content would have very little or no impact on actual tobacco consumption. It would be possible to conduct proper and ethical experiments to verify the hypothesis that a change in warning format would have an impact on consumption. Focus group studies and quantitative studies about future intentions are inadequate to verify this hypothesis. »[170]

 

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[119]    En contre-interrogatoire, M. Power admet avoir accepté différents mandats de recherche de l’industrie du tabac.

[120]    En rédigeant son expertise, il n’avait pas vu les mises en garde actuellement imposées aux manufacturiers canadiens.

[121]    Le fondement de son expertise veut que les consommateurs connaissent pertinemment les dangers de la consommation des cigarettes. C’est le cas en Australie et il suppose que les Canadiens ont la même perception.

[122]    Il doute cependant que les gens sachent que la cigarette peut, par exemple, causer des dysfonctions érectiles et que même si on leur disait, ils ne le croiraient pas.

[123]    De même, les consommateurs ne savent pas de façon précise que 85% des cancers du poumon sont causés par la cigarette. Leur connaissance des effets du tabagisme est beaucoup plus floue.

[124]    Le témoin admet que plusieurs auteurs sont d’avis que les mises en garde ont un effet sur le comportement des fumeurs, mais il n’a pas lu ces études et ne partage pas ce point de vue.

[125]    Il admet également que certaines mises en garde peuvent avoir un effet sur certaines catégories de citoyens comme les femmes enceintes et les parents (fumée secondaire). De fait, il est d’accord pour que des mises en garde apparaissent sur les paquets de cigarettes.


 

II.       POUR LES DÉFENDERESSES

Dr Leonard Ritter[171]

[126]    Docteur en biochimie de l’Université de Guelf en Ontario, le témoin est professeur de biologie environnementale à l’Université de Guelf et directeur exécutif du Canadian Network of Toxicology Center de la même université depuis 1993.

[127]    Il a travaillé en toxicologie à Santé Canada de 1978 à 1993. Membre de plusieurs sociétés scientifiques et auteur de nombreuses publications, le Dr Ritter est déclaré expert en toxicologie.

[128]    La toxicologie est la science traitant des poisons, de leurs effets sur l’organisme et de leur identification.

[129]    L’essentiel de l’expertise du Dr Ritter est contenu à sa conclusion retrouvée à la page 15.

Overall Conclusions

•     The science of toxicology can be very useful for identifying and quantifying risks, associated with exposure to chemical substances encountered in everyday life; risks can then be weighed against benefits as the basis of informed decisions.

•     Tobacco use carries very substantial risks. These risks are difficult to justify in the absence of direct benefits, other than addiction relief to smokers.

•     Tobacco use was widespread worldwide long before any of the risks were known; tobacco has been known to be a cancer causing agent in humans for approximately fifty years.

•     While experimental animals refuse to smoke and modify their behaviour to avoid smoke, epidemiology studies in humans have confirmed the serious effects of tobacco use.

•     Research has identified many features of the mechanism by which tobacco exerts its cancer causing effects, including interaction with the genetic material.

•     Tobacco smoke and/or tobacco condensates contain up to 43 compounds which the International Agency for Research on Cancer have identified as carcinogenic.

•     Tobacco smoke is one of the most toxic substances in widespread use.

•     The tobacco industry has been aware for almost forty years of the adverse health effects which could be associated with the use of tobacco, but did not publish or release the breadth or depth of their knowledge.


Me Yves-Marie Morissette[172]

[130]    Titulaire d’un baccalauréat en Science politique (UQAM), d’une licence en droit (Université de Montréal) et d’un doctorat en philosophie (Oxford), le témoin est professeur à la faculté de droit de l’Université McGill depuis 1977. Il en a été le doyen de 1989 à 1994.

[131]    Membre de comités aux fonctions administratives et scientifiques, auteur de nombreuses publications, le professeur Morissette est déclaré expert en droit comparé.

[132]    Il dépose deux avis à titre d’expertise, un premier daté du 27 octobre 2000 (D - 123) et un second du 25 avril 2001 (D-124).

[133]    Le mandat reçu du Procureur général du Canada se lit comme suit :

1. à l’aide de sources primaires lorsqu’elles existent en français ou en anglais, ou de sources secondaires fiables (telle la documentation publiée par l’Organisation mondiale de la santé), dresser un inventaire de certaines législations étrangères comparables à la législation canadienne en vigueur et portant sur la promotion des produits du tabac ainsi que sur diverses mesures connexes pour combattre le tabagisme;

2. présenter un état comparatif des législations relevées sous 1. afin de mettre en lumière les diverses méthodes de réglementation qui ont cours dans les pays étudiés.[173]

[134]    Le professeur Morissette fait appel à des sources internationales colligées par l’Organisation mondiale de la Santé dont il fait état à ses avis.

[135]    Des dizaines de pays dans le monde ont adopté une législation relative à l’usage du tabac. L’expert retient les législations de 19 pays (dont l’Union européenne) qui sont des états démocratiques dotés d’institutions juridiques stables de type occidental.

[136]    La Cour est satisfaite de la démonstration faite par l’expert de ce que ses sources sont les sources disponibles les plus fiables à ce jour.

[137]    De même, le choix des États par l’expert permet une étude de législation comparée utile à la réflexion du présent dossier. (voir pp. 6, 7 de D‑123)

[138]    La période de référence couvre les années 1982 à 2001.

[139]    La synthèse des contenus des deux avis du professeur Morissette se lit comme suit :

Présentation comparative de législations étrangères sur le tabac - 27 octobre 2000

Synthèse des contenus

De manière générale, comme on l’a signalé plus haut, la tendance très nette dans les législations étudiées ici est au durcissement de la réglementation sur la publicité des produits du tabac.

Il y a des exceptions. Certains pays parmi ceux étudiés ici pratiquent encore ce que l’on peut appeler un régime permissif. C’est le cas en l’occurrence du Luxembourg, de l’Espagne, de la Grèce ou même de l’Allemagne, pays qui devront tous se conformer à une éventuelle réglementation de l’Union européenne, mais dont le régime actuel de contrôle des produits du tabac offre des caractéristiques semblables à celles que présentaient iI y a plus de quinze ans les régimes en vigueur au Canada ou en Australie. La publicité dans ces régimes permissifs est certes réglementée, voire interdite dans certains media comme la radio et la télévision, mais on n’y pratique pas comme ailleurs une interdiction générale, sous réserve de quelques exceptions précises, de la promotion (y compris la publicité, les commandites et le parrainage) des produits du tabac. En revanche, dans deux des trois pays mentionnés ci-dessus, le régime des avertissements sanitaires, ou mises en garde sur les produits du tabac, prévoit des mises en garde rotatoires plus contraignantes que celles apparues avec les premières mesures de contrôle des produits du tabac. Les particularismes de chaque régime rendent plus difficiles les comparaisons entre eux. Ainsi, l’Espagne, dont le régime est décrit ici comme permissif, applique néanmoins des mesures de contrôle sur la publicité du tabac que Roemer qualifiait en 1993 de «virtually total ban» (voir à ce sujet la note I de l’Annexe II et la note 1 de l’Annexe VI).

Parmi les pays dont la réglementation est plus ferme, on peut dégager deux modèles juridiques principaux, qui sont véhiculés avec de nombreuses variantes de détail, mais dont les caractéristiques essentielles varient peu. Dans l’un et l’autre cas (comme par exemple en France, en Norvège ou en Islande d’une part, et en Australie, en Irlande ou au Canada d’autre part), la promotion des produits du tabac, définie de manière extensive afin de viser, selon l’expression de la loi française, la publicité «directe et indirecte», est interdite, sous réserve d’exceptions et, occasionnellement, de dispenses ministérielles ou administratives.

Sont alors visées par ces régimes les activités de promotion des produits du tabac autres que la publicité directe, tels le parrainage ou la commandite d’événements sportifs ou culturels (sous réserve de quelques exceptions généralement administrées au cas par cas), ou encore la mise en marché ou en circulation de produits de diversification. Ces régimes paraissent tous favoriser une élimination progressive, jusqu’au minimum juridiquement acceptable, de la publicité des produits du tabac (voir pour l’Australie la note 4 de l’Annexe II). Malgré quelques particularismes dans les techniques législatives utilisées, comme par exemple pour l’Irlande la réduction obligatoire et progressive des budgets de publicité, ou pour la France le retrait du prix du tabac des indices de prix à la consommation, les moyens utilisés pour parvenir à cette fin se ressemblent beaucoup.

La différence entre ces régimes se situe surtout dans le degré de spécificité de la législation et de la réglementation, et dans son mode de sanction. On peut observer que les pays d’Europe continentale favorisent un style législatif et réglementaire qui laisse une large marge d’appréciation aux tribunaux ou aux autorités ministérielles ou administratives (voir par exemple la norme de contrôle utilisée en Suède, note 4 de l’annexe VIII). A l’inverse, l’Irlande, l’Australie (et plusieurs de ses états) ainsi que le Canada ont promulgué des textes beaucoup plus explicites et détaillés, laissant moins de place à l’interprétation, et présentant les caractéristiques de forme que partagent généralement les législations des pays de common law (voir par exemple la définition de «tobacco advertisement» employée dans la législation fédérale australienne, note 3, Annexe IX). Il est cependant plausible que les effets respectifs de ces régimes, malgré leurs différences de forme, soient assez semblables.

La Loi sur le tabac canadienne, et la réglementation adoptée sous son empire (dont au premier chef les règles relatives aux mises en garde), comprennent certaines dispositions très spécifiques qui n’ont pas leur équivalent dans les pays étudiés ici, mais il existe ailleurs, en particulier dans les pays de common law, des dispositions à première vue draconiennes qui n’ont pas leur pendant au Canada. En outre, cette spécificité des dispositions de la législation canadienne devrait généralement avoir pour effet de réduire le degré d’imprévisibilité des applications de la loi dans des cas spécifiques.

Sur le plan de la sanction, le modèle réglementaire français encourage la participation d’associations anti-tabagisme aux poursuites intentées en vertu de la loi en permettant à ces associations de se porter parties civiles. Ce modèle se retrouve ailleurs en Europe.

II convient enfin de signaler que la législation canadienne attache une importance particulière au contrôle ou à l’élimination du tabagisme chez les jeunes. Les types de publicité, de commandites et de parrainage tolérés par la Loi sur le tabac, et de façon générale les exceptions très étroitement circonscrites par cette loi, tendent à démontrer l’importance particulière que revêt dans ce régime la protection de la santé chez les jeunes. Certaines législations étrangères, dont la législation française, paraissent moins soucieuses de distinguer entre la publicité destinée aux jeunes (plus sévèrement réglementée au Canada) et la publicité destinée aux adultes (moins sévèrement réglementée au Canada).[174]

 

Présentation comparative de réglementations sur l’information relative aux produits du tabac - 25 avril 2001

Synthèse des contenus

La réglementation considérée ici n’est pas un phénomène récent. Ainsi, à titre d’exemple, la Belgique réglemente l’information sur les emballages des produits du tabac depuis 1975, la France depuis 1976 (par une mesure entrée en vigueur en 1978) et, antérieurement, le Royaume-Uni avait conclu sur cette question une première entente contraignante avec les manufacturiers dès 1971. La Nouvelle-Zélande avait elle aussi procédé à l’origine par une entente avec l’industrie, en vigueur à compter de 1973. Cette forme d’action gouvernementale est donc assez ancienne et, sauf peut-être pour l’Italie (dont la réglementation antérieure à la Directive européenne 92/41/CEE du 15 mai 1992 est difficile à consulter, les seules sources disponibles à ce sujet étant extrêmement pauvres), elle a partout précédé l’apparition d’une réglementation générale sur la publicité des produits du tabac.

De manière générale, comme on l’a signalé plus haut, la tendance très nette dans les législations et réglementations étudiées ici est au durcissement des règles relatives à l’information sur les produits du tabac. Cette conclusion ressort clairement d’une lecture des textes recensés à l’Annexe I et de la comparaison effectuée à l’Annexe III. Plus aucun des États répertoriés ici ne permet la simple utilisation de la mise en garde conventionnelle : (« Fumer est dangereux pour la santé.» - «Smoking is hazardous to health»). Le recours àplusieurs mises en garde rotatoires est désormais la norme universelle dans tous les États considérés ici, et ce depuis plusieurs années. À cet égard, la Directive européenne 92/41/CEE du 15 mai 1992, dont l’échéance fixéepour la mise en œuvre de la législation dans les États membres était le 1er juillet 1992, paraît avoir fortement contribué à uniformiser les réglementations européennes. Celles-ci, pour la majorité des pays d’Europe, présente un profil assez semblable à celui du régime actuellement en vigueur en Nouvelle-Zélande: quatre à six mises en garde obligatoires, moins générales par leur contenu que la mise en garde conventionnelle mais moins spécifiques que les mises en garde utilisées dans les États où la réglementation est la plus stricte; des conditions précises quant à la présentation visuelle (dimensions, emplacement, lisibilité) de ces mises en garde; un avertissement sanitaire obligatoire sur les émissions et constituantes toxiques, dont la présentation visuelle est elle aussi spécifiquement contrôlée, soit en prescrivant l’emploi d’un caractère typographique, soit en fixant des exigences de lisibilité et de clarté. Plusieurs autres exigences apparaissent fréquemment dans la réglementation et n’ont pas été relevées systématiquement ici: par exemple, la présence de mises en garde et d’avertissement en plusieurs langues dans certains États, l’interdiction de faire figurer sur les produits des renseignements affirmant la non-nocivité des produits du tabac ou atténuant l’effet des mises en garde obligatoires (comme en Allemagne), ou l’interdiction de placer les mises en garde et avertissement sur un emballage provisoire (comme en Finlande, en Irlande, au Luxembourg ou en Suède). Dans le cas de la réglementation européenne, la tendance au durcissement se vérifie en outre par les travaux législatifs actuellement en cours au Parlement européen: c’est ce que démontre le document fourni comme Annexe II.

Par ailleurs, comme le démontre l’Annexe III, les réglementations considérées ici présentent de nombreux points de ressemblance avec la réglementation canadienne, même si cette dernière est actuellement parmi les plus strictes, tant par la portée que par la spécificité de ses exigences. Deux États ont adopté une réglementation proche de celle mise en place au Canada par le Règlement sur l’information relative aux produits du tabac: l’Australie (au niveau fédéral) et la Suède. Il faut noter que, dans le cas de ces deux pays, la réglementation est moins récente que la réglementation canadienne. La Suède avait déjà en 1976 une réglementation sur le contenu des mises en garde qui est peut-être la plus exigeante de toutes. Quant à la réglementation fédérale australienne, qui semble présenter le plus de points de ressemblance avec la réglementation canadienne, elle remonte à 1994 (et 1993 pour le Australian Capital Territory). La réglementation canadienne ne se distingue vraiment de celle de ces États que par l’exigence d’une représentation pictoriale, qui n’existe pas ailleurs, et l’obligation de fournir un prospectus d’information avec certains produits. Mais le contenu élaboré des mises en garde australiennes, et le renvoi dans la réglementation de cet État à une source d’information externe, atténuent cette différence.[175]

[140]    L’étude du professeur Morissette, qu’il qualifie lui-même de cistercienne, est le fruit d’une recherche colossale impossible à faire avant l’avènement de l’informatique.

[141]    En Cour, l’expert formule sept conclusions à sa recherche comparative des diverses législations mondiales :

1)   Expansion de l’aire de la réglementation et de son objet :

­     on réglemente d’abord la publicité conventionnelle dans les grands médias et la publicité adressée aux mineurs;

­     restriction du contenu de la publicité permise (ex : mises en garde);

­     interdiction de la publicité directe du tabac (Loi Veil en France) et reconnaissance de certaines exceptions;

­     extension de l’interdiction de la publicité indirecte (brand sharing, brand stretching);

­     interdiction de formes de publicité échappatoires comme le témoignage de personnes connues;

­     interdiction de la commandite (sponsorship) sauf exception;

­     même évolution pour l’étiquetage :

­     mises en garde conventionnelles

­     augmentation des mises en garde

­     invention des mises en garde rotatoires pour éviter l’accoutumance, des pictogrammes et des photos[176]

2)   L’évolution des législations n’est ni simultanée, ni uniforme, mais elle est unidirectionnelle et irréversible.

3)   Au cours de cette évolution, on observe partout une inversion du régime : dans un premier temps, toute publicité est permise avec exceptions et dans un deuxième temps, tout est interdit avec exceptions.

             L’interdiction totale (total ban), bien qu’ainsi qualifiée dans certains pays, n’existe nulle part à l’état pur.

4)   On remarque le passage d’un régime consensuel (codes de conduite de l’industrie) à un régime légal ou réglementaire au fil des ans.

5)   Partout, résistance très forte des cigarettiers à la réglementation constatée par une jurisprudence abondante.

6)   Différents styles de législation et moyens variés pour atteindre le but.

Ainsi, la culture civiliste germanique (Suède) serait inacceptable ici parce que trop générale.

La loi canadienne s’inscrit dans le sens des textes de pays de common law : complexe et plus difficile à saisir.

7)   Cette conclusion générale résume l’opinion de l’expert sur l’ensemble de sa recherche : « élargissement et durcissement progressif mais constant des mesures d’interdiction de la promotion des produits du tabac. »

La loi canadienne se situerait dans un peloton de tête avec des pays comme l’Australie, le Danemark, les Pays-Bas, l’Irlande, le Royaume-Uni et la Belgique.

 

*     *     *     *     *

 

[142]    En contre-interrogatoire, le professeur Morissette explique que l’absence des États-Unis dans les états-référence est due au fait que ce pays n’a pas de cadre réglementaire traditionnel. La dynamique réglementaire américaine se fonde sur les ententes consensuelles État/industrie souvent conclues dans le cadre de poursuites devant les tribunaux.

[143]    Comme il y a peu ou pas d’intervention législative, il est impossible d’y faire le type d’étude comparée faite en l’instance.

[144]    Quant à la publicité « style de vie », le témoin y voit une image métaphorique pour décrire une forme de publicité subliminale. On y fait référence ailleurs mais avec des mots différents pour la définir.

[145]    Même chose pour la publicité « qui pourrait être attrayante pour les jeunes ». Le thème est récurrent partout, mais les définitions sont différentes.

[146]    Quant aux mises en garde sur les paquets, la dernière directive du Parlement européen (D-139) impose 30% sur un côté et 40% sur l’autre. Un peu plus pour les pays bilingues ou trilingues.

[147]    Le Canada serait donc plus strict à ce chapitre que l’ensemble des pays.


Docteur Nancy-Michelle Robitaille[177]

[148]    Le témoin a fait ses études de médecine à l’Université Laval de Québec (1968-1971) et une spécialité en médecine interne et cardiologie (1972-1976).

[149]    Elle fait des études post doctorales à l’Université du Minnesota où elle obtient une maîtrise en santé publique (épidémiologie cardio-vasculaire) (1976-1977).

[150]    Fellow puis Scholar de la Fondation des maladies du cœur (1976-1982).

[151]    Chercheure, membre d’équipes pluridisciplinaires, le Dr Robitaille est auteure de nombreuses publications dont certaines sur les effets du tabagisme.

[152]    Cardiologue au Centre hospitalier Laval de Québec, le Dr Robitaille est médecin-conseil au Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL), membre associée au Centre François-Charon, professeure de clinique au Département facultaire de médecine de l’Université Laval et membre du comité d’éthique de la recherche médicale.

[153]    Le Dr Robitaille est ressource en formation médicale continue auprès de ses collègues médecins et agit à titre de consultante auprès de ces derniers.

[154]    Après avoir été clinicienne de nombreuses années en première ligne, le Dr Robitaille concentre aujourd’hui ses activités à titre de cardiologue en prévention et réadaptation auprès d’une clientèle particulièrement lourde.

[155]    Elle aide les patients à vivre après un accident cardiaque notamment en les aidant à modifier leurs facteurs de risque.

[156]    La Cour déclare le témoin expert en médecine avec spécialité en cardiologie.

 

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[157]    Elle reçoit mandat de la défenderesse de mettre à jour les connaissances médicales sur les effets du tabagisme sur la santé.

[158]    L’Organisation mondiale de la santé établit que 3.5 millions de décès sont attribués au tabac dans le monde en 1998.

[159]    Chaque année au Canada, 45,000 personnes meurent prématurément de maladies liées à l’usage du tabac :

­     40% par maladies cardio-vasculaires;

­     40% par cancer;

­     20% par maladies pulmonaires.

[160]    Le tabac est responsable de :

­     85% des cancers du poumon

­     85% des maladies pulmonaires chroniques

­     30% de tout cancer

­     30% des maladies cardio-vasculaires.

[161]    Chez ceux qui fument à 20 ans, 50% meurent prématurément (15 ans plus tôt) de maladies liées au tabagisme et leur qualité de vie est grandement diminuée.

[162]    En 1964, le Surgeon general des États-Unis établit une relation causale entre le tabagisme et le cancer du poumon chez les hommes. La fumée de cigarette est plus importante comme facteur que tous les autres.

[163]    De 1964 à 1987, plus de Canadiennes meurent du cancer du poumon que du cancer du sein bien que seulement la moitié des femmes fument.

[164]    Le fumeur ne réalise pas qu’il est dépendant tant qu’il n’a pas essayé d’arrêter. Il faut souvent entre 8 et 10 tentatives pour réussir à arrêter de fumer.

[165]    La dépendance pour le cardiologue s’exprime par :

­     60% des patients qui recommencent à fumer moins d’un an après un infarctus, un pontage ou une dilatation coronarienne;

­     des patients qui exigent d’être débranchés pour sortir de l’unité coronarienne et aller fumer;

­     des patients angineux dont l’anxiété croît au rythme des tentatives infructueuses d’arrêter de fumer.

[166]    La dépendance pour le pneumologue s’exprime par :

­     70% des asthmatiques et des patients traités pour le cancer du poumon qui sortent de l’unité de soins respiratoires ou de leur traitement de chimiothérapie pour fumer;

­     les patients en insuffisance respiratoire qui débranchent leur système d’oxygène portable pour aller fumer.

[167]    La preuve scientifique établie depuis le milieu des années cinquante montre que le tabagisme est une importante cause de maladie et de décès. L’usage du tabac présente trois caractéristiques particulières :

­     il crée une dépendance;

­     l’utilisateur impose aux non-utilisateurs des effets sur leur santé par la fumée secondaire;

­     la consommation des produits du tabac n’est pas essentielle à la vie.

[168]    Aujourd’hui, il est admis scientifiquement que le tabagisme est associé à un risque élevé de développer, entre autres, des maladies cardio-vasculaires par athérosclérose, des cancers ou des maladies pulmonaires chroniques.

[169]    Une étude du Dr Robitaille[178] montre que chez un coronarien de 50 ans, le fumeur présente un risque de récidive deux fois plus grand que le non-fumeur. Au moment de l’infarctus, 80% des patients étaient fumeurs.

[170]    L’arrêt du tabac chez le fumeur coronarien réduit le risque de moitié en un an non seulement pour les maladies liées à l’athérosclérose, mais pour plusieurs autres maladies dont les cancers.

[171]    Dans les années 90, parmi les symptômes liés à la progression de l’athérosclérose, les problèmes de dysfonction érectile retiennent particulièrement l’attention. On note que 52% des hommes de 40 à 70 ans souffrent de dysfonction érectile. Ce symptôme qui affecte gravement la qualité de la vie augmente avec l’âge et est plus fréquent chez les patients qui ont une maladie coronarienne, une hypertension artérielle, du diabète et sont fumeurs. Une étude du Massachusetts Male Aging Study fait ressortir une prévalence de dysfonction érectile de 56% chez les fumeurs atteints de maladie cardiaque comparativement à 21% chez les non fumeurs.[179]

[172]    Le cancer du poumon est la principale cause de décès chez les Canadiens, hommes et femmes confondus. L’espérance de vie dépasse rarement cinq ans après le diagnostic.

[173]    Le tabagisme est un agent causal de plusieurs atteintes respiratoires tels les maladies pulmonaires obstructives chroniques, l’asthme, la bronchite chronique et l’emphysème. Ces atteintes diminuent la qualité de vie des personnes, augmentent leur susceptibilité aux infections respiratoires, prédisposent au cancer du poumon et augmentent le risque de décès.

[174]    La fumée de cigarette influence la santé de ceux qui l’inhalent, fumeurs ou non. Les fumeurs passifs voient leur santé affectée de leur naissance à la vie adulte.

[175]    Les enfants exposés aux substances toxiques contenues dans la fumée de cigarette, alors que leur système respiratoire est en formation, voient leur santé pulmonaire compromise.

[176]    Les infections des voies respiratoires supérieures, déjà prédominantes dans l’enfance, sont au moins deux fois plus fréquentes chez les enfants dont les parents fument.

[177]    Le fœtus humain est exposé à la fumée secondaire in utero pendant la grossesse de la mère. L’enfant dont la mère fume pendant la grossesse a un risque élevé de naître avec un poids inférieur à la moyenne.

[178]    Le risque de mort subite du nouveau-né est doublé chez les nouveau-nés exposés à la fumée secondaire après la naissance et triplé chez ceux exposés pendant la grossesse et après la naissance.[180]

[179]    Le tabagisme est le principal problème de santé publique au Canada. Il cause à lui seul plus de décès que les accidents de la route, les suicides, les meurtres, le sida et l’usage des stupéfiants réunis.[181]

[180]    Les fumeurs vivent moins bien et moins longtemps.

[181]    L’arrêt de la consommation du tabac amène une amélioration de l’état de santé qui augmente avec le prolongement de l’abstinence. Le traitement de la dépendance a une efficacité limitée.

[182]    La thérapie donne un taux de réussite de 10%. Le timbre nicotiné, de 20% à 23% de réussite et les antidépresseurs (Zyban), de 20% à 25% de réussite.

[183]    De 1993 à 1997, on a observé une diminution de 10% du taux de décès par cancer du poumon chez les Canadiens. Une baisse du tabagisme a été observée de 1977 à 1991 chez les hommes.

[184]    Pour la même période de 1993 à 1997, le taux de décès par cancer du poumon a augmenté chez la femme canadienne. Il dépasse celui du cancer du sein depuis 1987 et continue d’augmenter.

[185]    Depuis les années 1960-70, on a constaté une augmentation considérable des fumeuses canadiennes.

[186]    En conclusion générale, l’expertise du Dr Robitaille souligne[182] :

•     Les fumeurs vivent moins longtemps et leur qualité de vie (santé) est affectée bien avant leur décès.

•     En plus de la souffrance physique liée aux différentes pathologies (angine, infarctus, bronchite chronique, cancer), ils subissent l’angoisse liée aux diagnostics et aux longues attentes de traitement.

•     L’efficacité de l’intervention individuelle d’un médecin face à son patient est limitée par la dépendance et survient tardivement, souvent lorsque la maladie est déjà installée.

 

*     *     *     *     *

 

[187]    Les demanderesses formulent une objection générale au témoignage et à l’expertise du Dr Robitaille voulant que l’un et l’autre ne servent qu’à colorer le dossier et qu’ils soient inutiles vu les admissions des demanderesses.

[188]    L’objection est rejetée. Le témoignage et l’expertise vont bien au-delà des admissions des demanderesses et sont utiles pour déterminer la raisonnabilité et la proportionnalité de la législation au sens de l’article 1 de la Charte canadienne. La rigueur scientifique du témoin et sa vaste expérience clinique en font un témoin précieux pour comprendre l’ampleur du problème du tabagisme au Canada.


Dr André Castonguay[183]

[189]    Docteur en chimie organique de l’Université Laval en 1976, le témoin effectue trois années d’études post-doctorales dans des universités américaines soit à titre de stagiaire ou d’attaché de recherche.

[190]    En 1979, il est chercheur à l’American Health Foundation (AHF) où il travaille avec une équipe de scientifiques dont les docteurs Hecht et Hoffmann reconnus pour leurs recherches sur le tabac et sur l’identification des NNN et des NNK[184]. Ces deux chercheurs et leur équipe ont apporté une contribution monumentale à la cancérogenèse associée au tabagisme.

[191]    Le Dr Castonguay a publié de nombreux articles en collaboration avec ces deux chercheurs. Il est le premier à démontrer que la NNK cause un dommage à l’ADN.

[192]    En 1984, le témoin est nommé chef de la Section immunochimie de l’ AHF. Il a également collaboré à l’étude des demandes de subvention pour le National Institute of Health.

[193]    En 1985, il devient professeur à l’École de pharmacie de l’Université Laval où il développe un programme de recherche sur les cancérigènes du tabac et plus spécifiquement sur la NNK. Son groupe de recherche obtient de nombreuses subventions de divers organismes canadiens et américains.

[194]    Depuis 1997, il est professeur titulaire à la Faculté de pharmacie de l’Université Laval. Il est déclaré témoin expert-chimiste par le tribunal.

 

*     *     *     *     *

 

[195]    À la demande du Procureur général, le Dr Castonguay a étudié les caractéristiques physiques, chimiques et toxicologiques des tabacs manufacturés canadiens.

[196]    Pour préparer son expertise, le témoin a référé à de nombreuses études scientifiques et notamment l’importante étude du Dr W.S. (Bill) Rickert de la compagnie Labstat[185].

[197]    La cigarette est une véritable usine chimique où des milliers de substances sont mélangées. Le tabac canadien contient 2,500 substances différentes. Ces substances sont brûlées à une température de 600ºC à 900ºC lorsque le fumeur allume sa cigarette entraînant la formation d’autres substances chimiques par pyrosynthèse atteignant alors 4,000 à 5,000 substances.

[198]    La cigarette est constituée de quatre composantes :

a)   le tube en papier qui possède des caractéristiques physiques particulières (poreux, perméable, perforé);

b)   le filtre dont le rôle est de retenir la phase particulaire des constituants toxiques lors de la combustion du tabac. Les autres constituants toxiques gazeux ne sont pas retenus par les filtres d’acétate de cellulose.

c)   l’embout de ventilation contribue avec le papier à la ventilation de la cigarette;

d)   le mélange de tabac est constitué de diverses parties de la plante de tabac dont le contenu en nicotine varie suivant la position de la feuille sur la tige de la plante de tabac.

[199]    Les quatre types de fumée de tabac sont :

a)   la fumée principale soit celle qui est inhalée par le fumeur;

b)   la fumée secondaire soit celle qui se dégage de la cigarette entre les bouffées;

c)   la fumée tertiaire soit celle qui est expirée par le fumeur;

d)   la fumée ambiante.

[200]    Les fumeurs et les non-fumeurs sont exposés à la fumée de cigarette qui contient des agents toxiques.

[201]    L’expert étudie les conditions expérimentales de combustion de la cigarette au moyen d’une machine à fumer[186] qui permet de comparer les caractéristiques de la fumée des différentes marques de cigarettes canadiennes.

Les quantités de fumée (inhalées) peuvent varier considérablement entre les fumeurs. Le fumeur modifie volontairement ou involontairement son profil d’inhalation selon ses besoins ponctuels en nicotine.[187]

[202]   
La cigarette est un bien de consommation qui a évolué au fil des ans. Ses modifications ont amené des changements dans les rendements[188] des composantes de la fumée. Ces composantes sont notamment :

-le goudron : la moyenne des rendements des cigarettes canadiennes était de 23mg en 1964. Ce n’est qu’en 1978 que ces rendements commencent à diminuer. En 1993, ils seront de 14mg par cigarette et ils sont sensiblement les mêmes aujourd’hui. Cependant, sous conditions de combustion intense, ces rendements atteignent 38,7mg par cigarette;

-la nicotine : les rendements de nicotine sont constants entre 1968 et 1978 suivis d’une diminution rapide entre 1979-1981 eux-mêmes suivis d’une augmentation entre 1981-1988. Les rendements ont par la suite diminué jusqu’en 1993;

-monoxyde de carbone : les rendements sont similaires à ceux du goudron de 1968 à 1993. Ils passent de 23mg à 16mg durant cette période.

-chrome : la fumée du tabac est une source majeure d’exposition au chrome pour le fumeur. La moyenne des contenus était de 1.32 microgramme en 1968 et 1.47 microgramme en 1988;

-cadmium : de 1989 à 1995, le contenu en cadmium passe de 1.88 à 1.565 microgramme/gramme de tabac;

-plomb : aucun changement n’a été observé dans les rendements en plomb durant les années 1989 à 1995.

[203]    Les rendements inscrits sur le paquet de cigarettes pour les différentes substances ne reflètent pas la livraison de ces cigarettes.

[204]    Peu importe par exemple la valeur de rendement de goudron ou nicotine déclarée sur le paquet de cigarettes, le rendement en NNK (substances toxiques) augmentera avec le volume des bouffées.

[205]    Le fumeur qui inspire une plus grande bouffée (qui inspire profondément) sera exposé à une plus grande quantité du cancérigène NNK. Ce qui est vrai tant pour le fumeur de cigarettes à faible teneur en goudron que pour celui qui fume des cigarettes à forte teneur en goudron.

[206]    Les fumeurs qui développent une dépendance à la nicotine (nicotinomanie) modifient de plusieurs façons leur habitude de tabagisme pour maintenir leur dose de nicotine :

a)   Augmentation par le fumeur de la fréquence de sa consommation (nombre de cigarettes fumées par jour);

b)   Augmentation consciente ou inconsciente de l’absorption de nicotine en inhalant la fumée plus profondément;

[207]    En augmentant le volume de la bouffée, le fumeur augmente l’exposition des parties périphériques de ses poumons à la fumée du tabac. Cette exposition aux substances toxiques contenues dans la fumée de cigarettes cause le cancer des bronches et des alvéoles du poumon.

[208]    Depuis les années cinquante, un lien clair a été établi entre le tabagisme et le cancer du poumon.

[209]    Les dangers associés à une inhalation plus grande de la fumée sont connus de l’industrie du tabac depuis longtemps. En 1978, un consultant pour B.A.T., le Dr F.J.C. Roe écrit :

Perhaps the most important determinant of the risk to health or to a particular aspect of health is the extent to which smoke is inhaled by smokers. If so, then deeply inhaled smoke from low-tar delivery cigarettes might be more harmful than uninhaled smoked from high-tar cigarettes.[189]

[210]    Les recherches du témoin montrent que les pathologies associées au tabagisme sont nombreuses. Au Québec, le tabagisme est associé à des risques accrus de cancer du poumon (90%), vessie (53%), œsophage (54%), estomac (35%) et pancréas (33%).

La feuille de tabac contient des quantités importantes de nicotine. Elle contient également des nitrates et nitrites. Ces substances se combinent par une réaction chimique durant le séchage de la feuille de tabac et la combustion de la cigarette. Ces réactions entre la nicotine et les nitrites ou nitrates produisent de nouvelles substances qui sont appelées nitrosamines spécifiques au tabac. Ce nom vient du fait que la plante de tabac (Nicotiana tabacum) est la seule plante à produire de la nicotine de façon naturelle. On retrouve donc les nitrosamines dérivées de la nicotine uniquement dans la plante de tabac et la fumée générée par la combustion de cette plante incluant la feuille.[190]

[211]    Les deux plus importantes nitrosamines dérivées de la nicotine sont la NNK et la NNN qui ont suscité beaucoup d’intérêt en cancérologie parce que ce sont de puissants cancérigènes.

[212]    Les études du témoin et celles de la communauté scientifique démontrent de fortes indications que la NNK est impliquée dans la formation et le développement du cancer chez l’humain.

[213]    De même, les travaux de l’équipe du Dr Castonguay au premier chef et d’autres scientifiques ont démontré que le fœtus d’une femme enceinte qui fumait durant la grossesse était exposé à la NNK.

[214]    La NNN de son côté est présente dans la paille séchée de tabac et il a été démontré qu’elle induit des tumeurs cancéreuses chez les rats.

[215]    La conclusion[191] de l’expertise du Dr Castonguay se lit comme suit :

1-      Les rendements de la fumée principale en agents toxiques augmentent sous les conditions de combustion intense de la cigarette. Les données suggèrent que le fumeur puisse augmenter son exposition à ces substances toxiques en altérant son profil d’inspiration de la fumée de cigarettes. L’information sur une augmentation de l’exposition aux substances toxiques en fonction du mode d’utilisation de la cigarette n’est pas transmise aux consommateurs.

2-      La cigarette est un bien de consommation qui a changé au cours des ans. Si cette information était connue des fabricants de tabac, elle ne fut pas communiquée aux consommateurs.

3-      Les fumeurs canadiens sont exposés à des substances qui ne sont pas présentes dans l’environnement et qui se retrouvent uniquement dans la fumée de tabac. Ces substances sont des nitrosamines dérivées de la nicotine et sont donc spécifiques aux végétaux qui produisent la nicotine, c’est-à-dire la plante de tabac. La NNN et la NNK sont des exemples de ces substances. Par ailleurs, le taux des substances toxiques (et cancérogènes) présentes dans la fumée de tabac auxquels sont exposés les fumeurs canadiens sont beaucoup plus élevés que celle qu’on retrouve dans l’environnement. Des exemples de ces substances sont le benzéne, le chrome, l’arsenic, le cadmium et le nickel.

 

*     *     *     *     *

 

[216]    Dans son témoignage devant la Cour, le Dr Castonguay précise les éléments suivants.

[217]    La plante du tabac est connue sous son nom latin de nicotiana tabacum. Les parties de la feuille sont la tige (stem), la lame (lamina) et les nervures (midrib).

[218]    Les feuilles du bas de la plante contiennent moins de nicotine que celles du haut. Il y a également des variations du taux de nicotine dans les différentes parties de la même feuille.

[219]    La cigarette est composée d’un tube de papier qui retient la colonne de tabac. Ce papier a une certaine perméabilité à l’air. Cette perméabilité peut être augmentée par la présence de trous de ventilation dans le papier ou dans l’embout de filtration. Au bout du tube de papier, il y a un filtre, généralement fait de fibres d’acétate de cellulose, retenu au papier par un embout de filtration (overwrap). Le rôle du filtre est de retenir partiellement certaines parties de la fumée générée par la combustion de la cigarette.

[220]    Lorsqu’un fumeur fume une cigarette, il se produit les événements suivants :

a)   Avant l’allumage, une cigarette contient environ 2 500 substances chimiques;

b)   Une fois allumée, la température dans le cône de combustion (la partie qui brûle) peut atteindre 800 à 900 degrés;

c)   La combustion du tabac à de si hautes températures, la présence d’autant de substances chimiques et la présence d’oxygène apporté par l’air circulant dans le cône de combustion entraînent la formation de quantité d’autres substances chimiques (pyrosynthèse) dont le nombre grimpe alors entre 4 000 et 5 000;

d)   Les substances formées dans le cône de combustion migrent alors dans la colonne de tabac, se refroidissent et une certaine partie traverse le filtre;

e)   Les substances les plus solides, telle la nicotine, forment la phase particulaire (goudron), dont une partie seulement est retenue par le filtre;

f)    Les plus volatiles, tels l’acide cyanhydrique, le monoxyde de carbone et le formaldéhyde, peuvent traverser toute la colonne de tabac et ne sont pas retenues par les filtres d’acétate de cellulose;

g)   Lors de la pyrosynthèse, il y a formation notamment de NNK, qui passe de l’état liquide à l’état gazeux (distillation), ce qui lui permet de migrer à travers la colonne de tabac, de passer à travers le filtre en partie et de se retrouver dans la fumée aspirée par le fumeur (transfert);

h)   Ce que le fumeur aspire, ce sont les substances formées au niveau du cône de combustion ainsi qu’une certaine quantité d’air qui a passé à travers le papier ou les trous de ventilation;

i)    Si on bouche les trous de ventilation, moins d’air entre dans la bouffée et le gaz aspiré vient presque uniquement du cône de combustion donc les quantités de substances inspirées par le fumeur sont plus importantes;

j)    Le fumeur peut boucher les trous de ventilation avec ses doigts en tenant la cigarette.

[221]    L’étude du Dr Rickert que commente abondamment le témoin avait pour but de déterminer entre 1968 et 1995 :

if [   ] there is evidence for a consistent identifiable pattern of nicotine manipulation and, to determine how this was accomplished[192]

[222]    Le Dr Castonguay en retient les éléments suivants qui sont reconnus par la communauté scientifique :

a)   Les rendements en nicotine ont été manipulés indépendamment des rendements en goudron;

b)   La quantité de nicotine est plus grande dans les feuilles du haut du plant par rapport aux feuilles du bas du plant;

c)   On a observé une variation des contenus en nicotine dans le tabac qui provient de la lame au fil des années;

d)   Il y a une augmentation linéaire dans le contenu en nicotine depuis 1980 et il y a également un accroissement de la fraction de la lame dans le tabac; on observe aussi des différences significatives dans la stratégie des différents manufacturiers canadiens quant au contenu de leurs cigarettes;

e)   La quantité de tabac par cigarette a diminué au cours de la période étudiée donc, pour maintenir la même quantité de nicotine par cigarette, il a fallu augmenter la concentration de nicotine par gramme de tabac;

f)    Ce ne sont pas tous les manufacturiers de tabac au Canada qui semblaient avoir la même détermination à manipuler la nicotine;

g)   La manipulation génétique dont il est question dans cette étude consiste en une sélection des plants et des feuilles et non en de l’ingénierie génétique;

h)   Tabac reconstitué : on prend certaines parties de la plante pour faire des cigarettes; ce qui reste est réduit en poudre puis mélangé avec des liants, ce qui donne une pâte qu’on étend et qu’on fait sécher; on découpe ensuite en morceaux de même dimension que la plante et on s’en sert comme des feuilles de tabac pour mettre dans les cigarettes;

i)    Les conclusions de cette étude sont valides scientifiquement.

 

*     *     *     *     *

 

[223]    La Cour tient à souligner la rigueur de la démarche intellectuelle du témoin qui rend tant son expertise que son témoignage hautement crédibles.

 

*     *     *     *     *

 

Dr André Castonguay[193] (suite)

[224]    Déjà entendu comme témoin et déclaré expert chimiste[194] par la Cour, le professeur Castonguay reçoit du Procureur général du Canada le mandat additionnel de comparer les rendements en substances irritantes des principales cigarettes canadiennes par rapport à la cigarette Player’s Première.

[225]    Cette nouvelle expertise est faite suite au témoignage de M. Ed Ricard, représentant des demanderesses et directeur de la mise en marché chez Imperial Tobacco.

[226]    D’entrée de jeu, le professeur propose deux définitions de la substance irritante :

« substance qui cause une douleur ou une inflammation dans un organe »[195]

« any substance [...] that on immediate, prolonged or repeated contact with normal living tissue will induce a local inflammatory reaction »[196]

[227]    À partir notamment d’un document de recherche d’Imperial Tobacco (C. Saint-Joly 1986), du projet Tomahawk (lancement de la cigarette Première de Player’s 1996), du rapport Labstat, un projet de recherche financé par Santé Canada en 1998, et de documents publiés par le Gouvernement de la Colombie-Britannique, le témoin identifie 14 irritants présents dans les courants principaux et secondaires de la fumée de cigarette.

[228]    Il souligne au passage que l’étude de Mme Saint-Joly conclut qu’il y a plus de substances irritantes dans le courant secondaire (sidestream) que dans le courant principal (mainstream).

[229]    Après une démonstration sans faille au plan de la rigueur scientifique qui emporte l’adhésion du tribunal, le professeur Castonguay conclut :

Conclusion :

Notre analyse de tous les documents fournis par le Procureur général du Canada montre que la fumée principale de la cigarette Player’s Première contient une plus grande quantité de substances irritantes que la fumée de la Player’s légère douce régulière et de la Player’s légère régulière.

Notre analyse des mêmes documents nous permet d’affirmer qu’il n’y a pas d’évidences montrant que la Player’s Première contient moins de substances irritantes que les quatre autres cigarettes (Export’A medium, du Maurier extra long, Player’s régulière, du Maurier régulière).[197]

[230]    De fait, à étudier de près les données de l’étude du professeur Castonguay et en tenant compte de l’effet cumulatif des substances irritantes, la Player’s Première contient plus de matières irritantes, de façon générale, que toutes les autres marques de cigarettes les plus vendues au Canada.

[231]    En contre-interrogatoire, le témoin est confronté au fait que certains consommateurs dont les habitudes de fumer ont été testées en groupes cible ont pu percevoir moins d’irritation en fumant la Player’s Première.

[232]    Le témoin ne peut qu’exprimer de nettes réserves sur ce type d’exercice essentiellement subjectif et affirmer préférer la rigueur de son analyse scientifique.

[233]    Il ajoute que le moins qu’Imperial Tobacco aurait dû faire avant de lancer son nouveau produit (Player’s Première), aurait été d’effectuer les tests qu’il a lui-même faits.


M. Larry Swain[198]

[234]    Détenteur d’un baccalauréat en sciences (mathématiques et statistiques) en 1969 et d’un baccalauréat en éducation (mathématiques) en 1971 tous deux de l’Université de Toronto, le témoin obtient en 1970 une maîtrise en mathématiques à l’Université York de Toronto.

[235]    Jusqu’à sa retraite en novembre 2001, M. Swain a travaillé à Statistique Canada, un organisme reconnu mondialement pour sa rigueur scientifique.

[236]    Il a occupé différents postes d’analyste principal et de gestionnaire. De 1998 à sa retraite, il était assistant-directeur de la section des statistiques sur la santé (Health Statistics Division).

[237]    Après novembre 2001, M. Swain a continué à travailler comme consultant à temps partiel pour Statistique Canada.

[238]    Statistique Canada, et particulièrement sa section Santé, compile et analyse des statistiques notamment sur l’espérance de vie des Canadiens, sur l’exercice, la consommation d’alcool et le tabagisme.

[239]    Du consentement des parties, le témoin est déclaré expert en statistiques.

 

*     *     *     *     *

 

[240]    Le témoin définit les statistiques telles que comprises à Statistique Canada comme la compilation d’un ensemble de données servant à mesurer des éléments de la vie économique et sociale du pays. Ces renseignements sont compilés, analysés et mis à la disposition des Canadiens.

[241]    Ces données servent à comprendre et prévoir. Elles sont utilisées par tous les organismes gouvernementaux à tous les paliers, du gouvernement fédéral à la commission scolaire.

[242]    D’entrée de jeu, M. Swain précise que les statistiques ne sont pas une science exacte et il identifie deux limitations importantes dont le scientifique doit tenir compte tout comme ceux qui utilisent les statistiques.

[243]    Premièrement, il est difficile et quelquefois impossible de mesurer certains domaines de l’activité humaine parce que soit les données ne sont pas disponibles, soit trop coûteuses à compiler, soit trop complexes.

[244]    Ainsi, il n’est pas possible de déterminer pourquoi un étudiant choisit certains programmes plutôt que d’autres à l’école secondaire, au collège ou à l’université.

[245]    Deuxièmement, dans certains sondages ou enquêtes d’opinion, certaines personnes consciemment ou non, ne répondent pas la vérité.

[246]    Ainsi, à la question combien de bières buvez-vous par semaine, pourront se glisser un certain nombre de réponses erronées.

 

*     *     *     *     *

 

[247]    Le Procureur général du Canada, dans le cadre du présent litige, a donné mandat au témoin de résumer l’ensemble des données statistiques compilées à Statistique Canada de 1985 à ce jour sur les habitudes de consommation du tabac par les Canadiens.

[248]    L’expert prépare sept tableaux pour illustrer son expertise :

 

Table 1 :      Current Smoking Prevalence, by age and sex, household population aged 15 or older, Canada excluding territories, 1985 to 2000

 

1985

1991

1994

1994/95

1996

1996/97

1998/99

1999

2000

Total

35%

31%

30%

31%

27%

29%

28%

25%

24%

Men

Women

38%

32%

32%

30%

32%

29%

33%

28%

29%

26%

31%

26%

29%

26%

27%

23%

26%

23%

15-19

20-24

25-44

45-64

65+

27%

43%

39%

36%

21%

23%

40%

36%

30%

16%

27%

39%

35%

29%

16%

28%

36%

37%

29%

15%

25%

36%

32%

24%

14%

29%

35%

33%

26%

15%

28%

37%

33%

26%

13%

28%

35%

30%

22%

12%

25%

32%

30%

21%

13%

 

Sources: Gilmore (2000); Special tabulations, Statistics Canada, Health Canada

Surveys:                  General Social Survey: 1985, 1991, 1996;

                                 Survey of Smoking in Canada: 1994 (cycle 1);

                                 National Population Health Survey: 1994/95, 1996/97, 1998/99

                                 Canadian Tobacco Use Monitoring Survey: 1999 (annual), 2000 (annual)


 

Table 2:       Current Smoking Prevalence, by province and territory, household population aged 15 or older, Canada, 1985 to 2000

 

1985

1991

1994

1994/95

1996

1996/97

1998/99

1999

2000

CANADA

35%

31%

30%

31%

27%

29%

28%

25%

24%

NFLD

PEI

NS

NB

QC

ON

MB

SK

AB

BC

NWT

Yukon

39%

43%+

36%

37%

40%

32%

38%

31%

36%

33%

-

-

35%

29%+

27%

35%

33%

29%

28%

29%

34%

29%

-

-

27%

37%

29%

35%

38%

27%

31%

30%

30%

25%

-

-

34%

33%

34%

33%

35%

28%

30%

31%

30%

27%

56%

41%

29%

19%++

29%

29%

32%

25%

23%

32%

28%

23%

-

-

32%

33%

33%

29%

33%

26%

27%

31%

29%

25%

57%

40%

30%

32%

32%

30%

31%

26%

28%

29%

30%

23%

-

-

28%

26%

29%

26%

30%

23%

23%

26%

26%

20%

-

-

28%

26%

30%

27%

28%

23%

26%

28%

23%

20%

-

-

 

Sources: Special tabulations, Statistics Canada; Health Canada (2001)

Surveys:                  General Social Survey: 1985, 1991, 1996

                                 Survey of Smoking in Canada: 1994 (cycle 1)

                                 National Population Health Survey: 1994/95, 1996/97, 1998/99

                                 Canadian Tobacco Use Monitoring Survey: 1999 (annual), 2000 (annual)

* Ten provinces

+ Coefficient of variation (CV) = 10%; ++ Coefficient of variation (CV) = 14%; remaining CV s are
less than 10%


 

Table 3 :      Current Smoking Prevalence, by education, household population aged 12 or older, Canada excluding territories, 1996/97

Highest level of education

(age-standardized)

Current Smoking

Prevalence

Total

28%

Less than high school

High school/some post-secondary

Post-secondary diploma/certificate

University degree

39%

28%

25%

14%

 

Source:    Health Canada et al. (1999)

Survey:     National Population Health Survey, 1996/97

 

Table 4:       Current Smoking Prevalence, by household income, household population aged 12 or older, Canada excluding territories, 1996/97

Household Income

(age-standardized)

Current Smoking

Prevalence

Total

28%

Lowest

Lower middle

Middle

Upper middle

Highest

41%

36%

30%

27%

18%

 

Source: Special tabulation, Statistics Canada

Survey: National Population Health Survey, 1996/97


 

Table 5:       Domestic Sales of Cigarettes and Fine Cut Tobacco, Canada, 1985 to 2000

 

Year

 

Cigarettes

(millions)

 

Fine Cut

Tobacco

(tonnes)

Fine Cut

Equivalent

(1g/cigarette)

millions)

 

Total Cigarettes

(1g for fine cut)

(millions)

 

Total Cigarettes

Per Capita

1985

58,954

6,866

6,866

65,820

3,236

1986

55,437

7,414

7,414

62,851

3,048

1987

52,612

7,863

7,863

60,475

2,890

1988

51,054

8,028

8,028

59,082

2,784

1989

47,603

7,748

7,748

55,351

2,559

1990

45,917

6,656

6,656

52,573

2,393

1991

38,946

6,362

6,362

45,308

2,037

1992

35,060

5,081

5,081

40,141

1,783

1993

30,225

3,828

3,828

34,053

1,495

1994

45,743

3,965

3,965

49,708

2,154

1995

45,581

3,833

3,833

49,414

2,114

1996

47,118

4,049

4,049

51,167

2,161

1997

45,518

3,971

3,971

49,489

2,062

1998

45,579

4,179

4,179

49,758

2,049

1999

45,112

4,149

4,149

49,261

2,004

2000

43,433

3,921

3,921

47,354

1,902

 

Sources:    CANSIM II database, Table 303-0007, Statistics Canada, November 20, 2001

                    CANSIM II database, Table 051-0001, Statistics Canada, November 27, 2001

Survey:       Production and Disposition of Tobacco Products : 1985-2000

                    Estimates of Population, ages 15+: 1985-2000


 

Table 6:       Production of Cigarettes and Fine Cut Tobacco, Canada, 1985 to 2000

 

Year

 

Cigarettes

(millions)

 

Fine Cut

Tobacco

(tonnes)

Fine Cut

Equivalent

(1g/cigarette)

(millions)

 

Total Cigarettes

(1g for fine cut)

(millions)

 

Ratio of Total

Production to Total

Domestic Sales

1985

63,486

6,406

6,406

69,892

1.06

1986

55,632

7,858

7,858

63,490

1.01

1987

54,006

7,896

7,896

61,902

1.02

1988

54,607

9,015

9,015

63,622

1.08

1989

50,634

8,171

8,171

58,805

1.06

1990

48,664

6,491

6,491

55,155

1.05

1991

46,494

9,264

9,264

55,758

1.23

1992

45,485

7,399

7,399

52,884

1.32

1993

46,286

6,202

6,202

52,488

1.54

1994

55,475

4,959

4,959

60,434

1.22

1995

51,493

4,046

4,046

55,539

1.12

1996

50,186

4,525

4,525

54,711

1.07

1997

48,084

3,958

3,958

52,042

1.05

1998

48,730

4,275

4,275

53,005

1.07

1999

47,224

4,079

4,079

51,303

1.04

2000

46,068

3,770

3,770

49,838

1.05

 

Source:      CANSIM II database, Table 303-0007, Statistics Canada, November 20, 2001

Surveys:     Production and Disposition of Tobacco Products : 1985-2000

 

Table 7:       Daily Cigarette Consumption by Daily Smokers, household population aged 15 or older, Canada excluding territories, 1985 to 2000

Number of

Cigarettes

Daily

 

1985

 

1989

 

1990

 

1991

 

1994

 

1994/95

 

1996

 

1996/97

 

1998/99

 

1999

 

2000

1 to 10

19%

26%

26%

22%

23%

23%

28%

27%

29%

26%

29%

11 to 25

67%

64%

65%

68%

65%

68%

65%

67%

65%

67%

64%

26+

14%

10%

9%

10%

12%

9%

7%

6%

6%

7%

6%

 

Sources: Special tabulations, Statistics Canada, Health Canada

Surveys:         General Social Survey: 1985, 1991, 1996

        National Alcohol and Other Drugs Survey: 1989

        Health Promotion Survey: 1990

        Survey of Smoking in Canada: 1994 (cycle 1)

 

[249]    Les grandes lignes de l’étude de M. Swain montrent les statistiques suivantes :

a)   De 1985 à 2000, le pourcentage des fumeurs au pays passe de 35% à 24%. (tableau 1)

b)   Chez les hommes, on passe de 38% à 26% et chez les femmes, de 32% à 23%. (tableau 1)

c)   Tous les groupes d’âge voient leur pourcentage de tabagisme diminuer de façon marquée sauf les 15 - 19 ans où le tabagisme demeure stable. (tableau 1)

d)   La répartition des fumeurs par province se retrouve au tableau 2. On fume plus dans les Maritimes, au Québec et en Saskatchewan et moins en Colombie-Britannique.

e)   Les personnes plus scolarisées fument moins que les personnes peu scolarisées (tableau 3)

f)    Les personnes au revenu familial plus élevé fument moins que les personnes ayant un plus faible revenu familial. (tableau 4)

g)   Les ventes de cigarettes canadiennes ont décliné de 1985 à 1993 pour augmenter soudainement en 1994 à un niveau où elles ont perduré jusqu’à 1996 pour connaître un nouveau déclin jusqu’en 2000. (tableau 5)

h)   La production canadienne de cigarettes dépasse la capacité de consommation de la population. De 1985 à 1990 et de 1995 à 2000, la production a été de 1% à 12% plus élevée que la consommation canadienne. De 1991 à 1994, la production a été de 22% à 54% plus élevée que la consommation canadienne. (tableau 6)

i)    De 1985 à 2000, le nombre de fumeurs de 26 cigarettes ou plus par jour a diminué alors que le nombre de fumeurs de 1 à 10 cigarettes par jour a augmenté. Celui des fumeurs de 11 à 25 cigarettes par jour est resté stable. (tableau 7)

 

*     *     *     *     *

 

[250]    L’expert souligne que les données sur le tabagisme colligées par Statistique Canada avant 1985 sont utiles et valables mais qu’elles ne peuvent être comparées parfaitement à celles obtenues après 1985.

[251]    En effet, la méthodologie des sondages a changé en 1985 et les questions posées ont été modifiées. Par exemple, avant 1985, dans les sondages téléphoniques, on demandait à la personne interviewée de répondre pour l’ensemble de la famille. Aujourd’hui, on ne tient compte que des réponses des personnes interrogées.

[252]    Les données de Statistique Canada sont fiables 19 fois sur 20 avec une marge d’erreurs de 2 à 4%.

[253]    L’expert a retenu une période d’analyse de 15 ans qui lui apparaît suffisante pour découvrir les changements significatifs.

[254]    M. Swain insiste pour expliquer que les données statistiques ne font que constater un état de fait et qu’il se sent inapte à expliquer les causes de ces constatations.

[255]    Par exemple, il est un fait que les gens moins scolarisés fument plus que les personnes scolarisées, mais il ignore pourquoi et ne veut surtout pas s’engager sur cette voie qui n’a rien à voir avec son expertise.

[256]    Pour l’expert, un changement significatif est un changement supérieur à 2%.

[257]    La Cour est impressionnée par la rigueur scientifique du témoin tant pour la préparation de ses données statistiques que pour son refus à tirer de ces données des conclusions qui ne font pas partie de son champ d’expertise.


Madame Judy Ferguson

[258]    Le témoin fait carrière dans la fonction publique fédérale depuis 24 ans et est actuellement sous-ministre adjointe.

[259]    À compter de 1991 et pour toute la période relative à la passation de la Loi sur le tabac (26 avril 1997), elle a travaillé à Santé Canada à titre de directrice-générale de la Politique et de l’information du Département de la Santé (Health Policy and Information, Department).

[260]    Son rôle était de conseiller la ministre de la Santé sur les différentes mesures à adopter en matière de santé au Canada dont notamment sur les stratégies à mettre de l’avant en matière de médicaments et drogues.

[261]    À ce dernier chapitre, elle a été responsable de la mise sur pied d’une politique sur le tabagisme et particulièrement après le jugement de la Cour suprême dans le premier dossier en septembre 1995.

[262]    La perception du témoin est que le jugement de la Cour suprême du Canada annule à toutes fins pratiques la Loi réglementant les produits du tabac entrée en vigueur le 1er janvier 1989. Un vide juridique est créé que la ministre de la Santé veut combler le plus rapidement possible.

[263]    Une équipe qui comptera jusqu’à cinquante personnes dont une douzaine à temps plein s’attaque à la tâche de conseiller la ministre sur la nouvelle politique à mettre de l’avant pour respecter les enseignements de la Cour suprême.

[264]    Des spécialistes de différents secteurs de Santé Canada font partie de l’équipe à laquelle se joint une équipe de juristes. Mme Ferguson assume la direction de l’ensemble.

[265]    En décembre 1995, Santé Canada publie le document La lutte contre le tabagisme : un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et Canadiens[199](Tobacco Control : A Blueprint to Protect the Health of Canadians). Ce document préparé par l’équipe de Mme Ferguson énonce l’état de la question du tabagisme au Canada selon Santé Canada et le cadre législatif proposé.

[266]    Le document, publié à des milliers d’exemplaires servira à la consultation publique souhaitée par la ministre. On visera, en plus des Canadiens en général, à consulter les provinces, les municipalités, l’industrie du tabac, les lobbies de toutes sortes et on tentera de voir ce qui se fait ailleurs au monde.

[267]    Le but de l’exercice est de fournir à la ministre une information adéquate et de qualité pour décider de la législation à adopter. On veut aussi tester les impressions du groupe auprès de la population comme partie intégrante du processus démocratique.

[268]    Santé Canada recevra 3,000 commentaires, la plupart d’individus, dont 85 mémoires. Une trentaine de rencontres formelles avec des groupes seront organisées.

[269]    Le groupe de Mme Ferguson prépare la compilation et l’analyse de la réflexion tirée de la consultation et du travail de l’équipe dans un document intitulé Analyse d’options en matière de restrictions des activités de promotion du tabac(Policy Analysis of Tobacco Product Promotional Activity Restrictions) [200]. Ce document est daté de mars 1997 à titre de document final, mais comporte plusieurs projets déposés sous D-273 a) à g).

[270]    Le texte du document D-271 et de ses avant-projets a été rédigé par M. Byron Rogers, à la demande et sous la direction de Mme Ferguson. L’équipe critique les projets et M. Rogers en assure la réécriture jusqu’au document final.

[271]    Le document étudie quatre options : deux extrêmes et deux plus modérées. La première s’en remet au Code volontaire d’éthique adopté le 1er janvier 1996 par les cigarettiers après l’annulation de la loi par les tribunaux.

[272]    Cette option est mise de côté puisqu’elle repose sur le volontariat des manufacturiers de cigarettes, n’est pas coercitive et ne rejoint pas les détaillants et autres intervenants de l’industrie.

[273]    L’autre option écartée rapidement est celle du bannissement total de toute forme de publicité ou commandite de la cigarette. Cette avenue est jugée illégale.

[274]    Une troisième option met de l’avant la possibilité de négocier avec l’industrie le renforcement du code volontaire du 1er janvier 1996 avec menace de recourir à la loi si le texte du code n’est pas satisfaisant.

[275]    Cette option a l’avantage d’éliminer toute possibilité d’adoption d’une loi illégale en tout ou en partie.

[276]    Le désavantage est l’obligation pour le gouvernement d’établir une relation intime avec l’industrie du tabac ce qui risque de miner la crédibilité du gouvernement auprès de la population. D’autre part, on met en doute la volonté de l’industrie de négocier volontairement la perte de droits sans législation et que le code s’applique à tous les intervenants.

[277]    La quatrième option vise une approche globale du problème visant à contrebalancer l’obligation du gouvernement de réduire la consommation du tabac et le respect du droit d’expression de l’industrie.

[278]    Le fondement de la réflexion du gouvernement sur le phénomène du tabagisme tourne autour des connaissances suivantes :

-le tabac est terriblement nocif, cause de nombreuses maladies, la mort et coûte une fortune à l’économie (de 11 à 15 milliards l’an);

-le tabac est facilement accessible à tous, jeunes et adultes, provoque la dépendance et une grande difficulté à ceux qui tentent d’abandonner la cigarette;

-tout porte à encourager la consommation du tabac : la publicité sous toutes ses formes incluant la commandite, fumer est bien vu et attirant pour les jeunes, le tabac est socialement accepté.

[279]    La législation doit donc s’attaquer à toutes ces facettes du problème si elle veut contrer le mal : diminuer la publicité, s’attaquer au fait social et faire quelque chose pour les jeunes.

[280]    L’ensemble du document D-271 explique en détail les pistes qu’une nouvelle législation devra couvrir.

 

*     *     *     *     *

 

[281]    En contre-interrogatoire, Mme Ferguson admet que son équipe a toujours pensé que l’idéal serait une interdiction totale de toute publicité du tabac. Comme un tel idéal est illégal, on cherche à limiter le plus possible la présence de la cigarette dans la vie quotidienne tout en respectant la Charte.

[282]    Le document D-274 est vu comme la pensée de Santé Canada lancée dans la population avec la mention : « voici ce que l’on pense : réagissez! »

[283]    Mme Ferguson souligne que la loi devait se préoccuper de la publicité accessible aux jeunes et la publicité « style de vie », deux thèmes où la Cour suprême permettait le bannissement. Le problème avec la notion « style de vie » est que la Cour suprême n’en définit pas le concept.

[284]    L’équipe de Mme Ferguson fait des recherches exhaustives à ce sujet et fait des recommandations à la ministre.

[285]    Mme Ferguson admet que les notions de « faisant appel à la jeunesse » ou « style de vie » ne sont pas faciles à définir, mais que le sens commun doit prévaloir au-delà du strict libellé.

[286]    La ministre avait annoncé ses couleurs dans D-274 et souhaitait déposer une loi. Le cabinet a demandé qu’on lui soumette différentes options, ce qui a été fait et rapporté dans D-271.

[287]    Mme Ferguson insiste sur le fait que son équipe a suivi rigoureusement les enseignements de la Cour suprême sur les notions de « restriction partielle de la publicité », « faisant appel aux jeunes » et « style de vie ».

[288]    Les documents D-271 et D-274 sont le fruit de la réflexion de personnes raisonnables de formations diverses qui ont consulté l’ensemble des Canadiens sur un sujet difficile.

[289]    Il est clair, selon le témoin, que les conclusions de son équipe sont de rechercher l’interdiction de publicité la plus globale possible avec certaines exceptions à certaines conditions.

[290]    C’est ce que la loi a donné.

[291]    Comme la loi a rapidement été soumise au tribunal, le dialogue entre Santé Canada et l’industrie a été interrompu pour laisser le tribunal se prononcer.

[292]    La Cour considère que la crédibilité du témoin ne fait aucun doute tout comme son engagement à conseiller la ministre le plus adéquatement possible compte tenu de la difficulté de la tâche.

 

 

 


Dr Ronald M. Davis[201]

[293]    Le Dr Davis a terminé ses études de médecine à l’Université de Chicago en juin 1983.

[294]    Il fait un stage de deux ans en épidémiologie au U.S. Center for Disease Control où il étudie les constantes de maladies et de décès dans la population et les moyens de les prévenir et de les guérir. Le tabagisme est l’un des phénomènes étudiés.

[295]    Le témoin se spécialise en médecine préventive.

[296]    Il étudiera en santé de l’environnement en 1987-1988 au John Hopkins University School of Hygiene and Public Health à Baltimore, Maryland.

[297]    Le témoin sera Surgeon general du Maryland de 1991 à 1995.

[298]    Depuis 1995, il est directeur du Center for Health Promotion and Disease Prevention au Henry Ford Health System à Detroit, Michigan.

[299]    Ce centre privé offre des services de santé à 600,000 personnes dont les coûts sont assurés par les employeurs dans le cadre de services aux employés.

[300]    Le témoin souligne que malheureusement 40 millions d’Américains sont actuellement privés de soins de santé faute d’assurances adéquates et par manque de ressources financières.

[301]    L’approche du centre Henry Ford se fonde sur la prévention et l’éducation des membres notamment au moyen de campagnes invitant les personnes à cesser de fumer.

[302]    La Cour déclare le témoin expert en médecine préventive et santé communautaire (expert in preventry medecine and public health).

 

*     *     *     *     *

 

[303]    L’expertise du Dr Davis porte le titre « The Effects of Tobacco Advertising, Promotion, and Sponsorship Prepared for the Department of Justice, Canada, November 2000 ».

[304]    Le Dr Davis a analysé une série d’études à travers le monde sur la promotion de la cigarette et de ses effets sur les personnes et notamment les jeunes.

[305]    Il constate ainsi que le rapport du Surgeon general des Etats-Unis de 1989[202] fait la recension de 25 années d’effets néfastes du tabagisme sur la santé. Le témoin fait siens les commentaires du Surgeon general sur les quatre éléments qui peuvent participer à l’augmentation du tabagisme[203] :

a.   Advertising and promotion could encourage children or young adults to experiment with tobacco products and initiate regular use.

b.   Advertising and promotion could increase tobacco users’ daily consumption of tobacco products by serving as a cue to tobacco use.

c.   Advertising and promotion could reduce current tobacco users’ motivation to quit.

d.   Advertising and promotion could encourage former smokers to resume smoking.

[306]    Des études britanniques (SMEE Report)[204] et les recherches de Andrews et Franke portant sur de nombreux pays pour la période de 1933 à 1990 montrent un lien direct entre la publicité et la consommation de cigarettes.

[307]    Une étude publiée dans le Journal of American Medical Association (JAMA) en 1991 montre que 91% des enfants de six ans de cinq états américains peuvent associer le personnage Joe Camel à la cigarette. Le même pourcentage peut associer Mickey Mouse à Disney.

[308]    Les cigarettiers dépensent des milliards de dollars annuellement en publicité. Par exemple, des budgets annuels considérables sont alloués à la commandite de la revue américaine Sports Illustrated lue par cinq millions de lecteurs de moins de 18 ans (chiffres de 1994).[205]

[309]    Un corps important d’études mondiales font un lien entre la publicité et la consommation de cigarettes, notamment chez les jeunes.

[310]    La commandite et toute autre forme de publicité indirecte constituent un débouché naturel des cigarettiers à mesure que la publicité directe est interdite par législation.

[311]    Les statistiques disponibles aux États-Unis montrent que les dépenses des cigarettiers liées à la publicité indirecte sont en constante augmentation de 1980 à 1998.

[312]    Ce type de publicité comprend notamment la commandite d’événements culturels ou sportifs, les échantillons gratuits, les produits dérivés aux couleurs d’une marque de cigarettes, les coupons-rabais et les « Buy one, get one free ».

[313]    La commandite d’événements permet de donner une visibilité de premier plan aux produits des cigarettiers dans les médias et surtout la télévision.

[314]    Par exemple, on a remarqué que lors du Grand Prix automobile Marlboro aux États-Unis en juillet 1989, le nom Marlboro a été vu ou mentionné 5,933 fois pendant une émission de 90 minutes.

[315]    Même chose pour le billard en Grande-Bretagne ou les Grand Prix de Formule 1 en Europe, voire le Festival Juste pour rire à Montréal.

[316]    Ce type de commandite, soutient le témoin, viole l’esprit et la lettre de nombreuses lois restreignant la publicité sur les cigarettes.

[317]    Le témoin fait siennes les conclusions du rapport du Surgeon general américain de 1994 dans son étude « Preventing Tobacco Use Among Young People »[206]

My own conclusions are similar to those of the 1994 Surgeon General’s report and the Food and Drug Administration. The evidence reviewed in this report indicates that tobacco advertising and promotion increase aggregate tobacco consumption, in part through a material effect on smoking by youth. The several lines of evidence that lead to these conclusions include:

A.   Time-series studies from several countries showing a relationship between tobacco consumption and tobacco advertising expenditures at the national level;

B.   Studies showing that tobacco advertising and promotion reach children and adolescents;

C.  Numerous cross-sectional studies showing that smoking status and smoking initiation are correlated with awareness, recognition, and approval of tobacco advertisements and promotions; exposure to tobacco advertisements and promotions; “receptivity” to tobacco advertising and promotion; receipt or ownership of tobacco promotional items; and a feeling that cigarette ads make them want to smoke a cigarette;

D.  Two longitudinal studies showing that approval of cigarette advertising and “receptivity” to tobacco marketing predict the likelihood of taking up smoking or moving through the process of smoking initiation; and

E.   Studies showing relationships between cigarette brand preference among youth and the following variables: a) cigarette advertising expenditures for certain brands, b) the use of youth-oriented imagery in certain advertising (e.g., Joe Camel), and c) the degree to which teenagers “like” different ads.

In addition, promotion, sponsorship, and indirect advertising represent particularly effective means of marketing cigarettes, especially to youth.[207]

 

*     *     *     *     *

 

[318]    Les demanderesses s’opposent à la production de l’expertise du Dr Davis pour deux motifs : d’une part, il ne témoigne pas dans son champ d’expertise et d’autre part, il ne démontre pas l’objectivité nécessaire à un expert.

[319]    Le témoin a été déclaré expert en médecine préventive et santé communautaire. Une grande partie de ses fonctions au cours des ans a été l’éducation populaire de sa clientèle notamment en prévention du tabagisme.

[320]    Son curriculum vitae, son expertise et son témoignage montrent que ce sujet est devenu une passion voire une croisade pour lui. Il est convaincu que le tabagisme est un fléau qui doit être combattu sur tous les fronts.

[321]    Son travail l’a amené à étudier tout ce qui s’écrit sur la publicité du tabac. Il n’est pas un expert en publicité, mais il fait une recension minutieuse d’études qui sont déjà partie du dossier et qui ont été commentées abondamment par les témoins et les procureurs.

[322]    En ce sens, l’expertise est utile au tribunal même si l’expert fait siennes les conclusions du Surgeon general américain.

[323]    Il est évident cependant que lorsque le témoin oppose le « dark side of the room » (les demanderesses) au « bright side » (les défenderesses), il s’éloigne de son rôle d’expert  serein et neutre et y perd en crédibilité.

[324]    Il faut cependant avouer que tous les témoins, de par la nature même du dossier, ont affiché une nette passion pour la thèse qu’ils ont présentée.

[325]    La Cour reçoit l’expertise du Dr Davis, mais les remarques justifiées des demanderesses l’empêcheront d’y accorder autant de crédibilité qu’à d’autres témoignages. La Cour ne retiendra que les commentaires appuyés d’une source scientifique fiable.


Dr Richard Pollay[208]

[326]    Étudiant à l’Université de Chicago de 1962 à 1966, le témoin obtient dans un premier temps un diplôme de maîtrise (MBA) en Management Engineering avec majeure en marketing puis un doctorat (Ph. D.).

[327]    Sa recherche à l’époque portait sur les effets du marketing sur le comportement du consommateur tant du point de vue psychologique, sociologique, qu’anthropo-logique.

[328]    De 1966 à 1970, le Dr Pollay est professeur-assistant à l’Université du Kansas où ses recherches sur le comportement du consommateur toucheront notamment à la dynamique familiale et les effets de la publicité sur l’enfant.

[329]    Ses recherches porteront également sur l’histoire de la publicité et l’histoire de la législation en matière de publicité. Auteur de nombreuses publications, notamment dans le Journal of Marketing Research (JMR).

[330]    De 1970 à ce jour, il est professeur à l’Université de Colombie-Britannique (UBC) où il sera nommé professeur émérite en 2001. Il y enseigne le marketing à tous les niveaux universitaires.

[331]    Ses recherches au cours des ans l’ont amené à étudier l’évolution de la publicité au cours du 20e siècle et à en tracer un historique fortement documenté. Comme la publicité du tabac est un élément fondamental de l’histoire du marketing, il met au point une bibliographie et une documentation complètes de l’évolution de la publicité dans l’industrie du tabac.

[332]    Il a accès à une information abondante sur le sujet et notamment à des archives privées de l’industrie du tabac. Le sujet le passionne et il met au point un système d’archives unique comprenant notamment 10,000 publicités sur le tabac au cours des ans. Sur ce sujet, il est une référence mondiale.

[333]    Bref, le Dr Pollay a recensé tout ce qui s’est dit et écrit sur le tabac au cours du  vingtième siècle.

[334]    Ses recherches vont d’une étude comparative entre la publicité destinée aux noirs et aux blancs en passant par le ciblage en publicité de minorités afro-américaines, hispaniques, celle visant les femmes, d’autres s’attachant à des stéréotypes sexuels et enfin à la publicité visant les jeunes, les sous-cultures, les fumeurs se sentant coupables, ceux qui veulent cesser de fumer, etc.

[335]    Le Dr Pollay a témoigné devant les tribunaux sur le marketing en matière de cigarette de même que devant de nombreux comités gouvernementaux au Canada et aux États-Unis.

[336]    Contre-interrogé sur ses qualifications, le témoin insiste sur le fait qu’il n’est pas un fanatique anti-tabac mais que ses recherches l’ont amené à conclure que les compagnies de tabac tiennent un langage différent de ce qu’ils font et qu’il a décelé un problème sérieux d’éthique dans la mise en marché de leurs produits.

[337]    À titre de professeur d’université, la Cour déclare le témoin expert en marketing.

 

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[338]    Fort de ses recherches au cours des ans et de son expérience, le témoin a étudié à la demande du Procureur général du Canada de nombreux documents émanant des cigarettiers et déposés en preuve pour tenter de comprendre les outils promotionnels utilisés par les compagnies de tabac canadiennes, à qui s’adresse la publicité, les mécanismes psychologiques de persuasion utilisés et l’évolution du marketing selon les époques.

[339]    Le Dr Pollay présente son expertise en deux temps : le premier document s’intitule « How cigarette advertising works : rich imagery and poor information » (octobre 2000 - D-57) et le second : « The role of packaging seen through industry documents » (mars 2001 - D-166).

[340]    Témoignant sur la première expertise, le Dr Pollay commente à grands traits les conclusions retrouvées aux pages 45 et 46 de l’étude et ci-après reproduites :

10.1 Promotion, Advertising and Sponsorships are Important.  Cigarette promotional campaigns and their imagery rehearses, shapes and reinforces perceptions of smoking, both in general and for specific brands, biasing judgments about the popularity of smoking, the healthfulness of smoking, the social approval of smoking, and the independence and self-reliance characteristic of those addicted to nicotine.  It is assumed by the industry to influence perceptions and attitudes, not only of smokers and pre-smokers, but also of the parents and peers of the youth target market that is the future of the industry.  Because they promote sales, profit maximizing firms support their products with generous budgets for promotional communications.  Cigarette advertising images are carefully crafted and controlled through research on both the target persons and their reactions to promotional efforts.

10.2 Sponsorship Communications are Promoting Cigarette Brands.  Like the more traditional forms of promotion, those more obviously merchandising products, promotional communications featuring sponsorships are rich in their imagery, providing firms with valuable associations. This is well recognized by Canadian cigarette firms who employ various sponsorships provide various brands with associative imagery such as youthful fun, adventure, daring, fashion, contemporary music, athleticism, self-reliance and heroic independence.

10.3 The Strategic Concern about Quitters.  Cigarettes function in a market contaminated by cancer.  The result is unfavorable publicity from time to time, but also a high degree of anxious concern and psychological conflict among its consumers, many of whom would like to quit.  In any given year, many will make quit attempts, and many stop smoking permanently, if only because many will die.  This high rate of attrition threatens the sales and profit of firms.  Thus, profit seeking firms are actively concerned about pre-quitters and communications to them provide unwarranted psychological reassurances.

10.4 The Strategic Concern about Starters.  Consistent with the addictiveness of nicotine, smokers demonstrate very high degrees of brand loyalty, with only a very small fraction of them seen by the firms as “convertables”, i.e. brand switchers.  In addition to being few in number, brand switchers are demonstrably fickle, and many are motivated by a desire to quit eventually.  Since addiction and brand loyalties are established among the young, this drives the competitive dynamics toward desiring to be successful in marketing to the young, including those who are “starters” or “new smokers”.  In some cases, “starters” and “new smokers” are included among the so-called “switchers”.

10.5 The “Mature Market” Hypothesis is Invalid. The cigarette market in Canada fails all of the diagnostic tests of a “mature market.” No known corporate marketing documents rely on this classification as a determinant of their strategy. Empirical research by a major international ad agency showed the invalidity of the “mature market” concept in the case of the U.S. cigarette market long ago [Dhalla and Yuseph 1976]. Thus it is not surprising that the implication of this classification, that firms need are not concerned with either market attrition (quitting) or uptake (starting), is also inconsistent with the evidence.

10.6 Promotional Imagery Reassures Concerned Smokers.  Associations with athletic events, facilities and related imagery of physical lifestyles (playing tennis, hang gliding, skiing, biking, windsurfing, etc) convey healthfulness.  Other images vividly convey that sophisticated, intelligent people are smokers.  These brand images are inherently false, as it is neither healthful nor "intelligent" to smoke rather than quit.

10.7 Promotional Imagery Recruits Starters.  Associations with sponsored events and related imagery of these serve to shape perceptions of smokers as adventuresome risk takers, independently self-reliant, getting social approval - sometimes precisely because of the risk taking, as in auto racing.   This appeals to adolescents’ pressing psychological need to assert their independence, making cigarettes an easily appropriated and highly lauded and publicized tool for displaying “independence”.  The typical brand image is inherently false and misleading, as smoking does not deliver independence, but addiction.

10.8 Promotion Misleads Consumers about Filters.  As the result of years of advertising on behalf of filtered cigarette products, and the nature of these ads, typical consumers have faith that products sold with terms such as "light", "mild" and "low-tar" are safe, or at least substantially safer, than products without such descriptors, and that products with lower tar and nicotine yield data or claims are safe or safer, everything else being equal.  The typical consumer accepts the provided tar and nicotine data as descriptive of what they actually consume.  The persistent offering of low-tar products as if a meaningful step for them to take toward improving their health prospects, and as an alternative to quitting, has created and persistently reinforced the false impression that these product forms are substantially risk reduced.

10.9 Cigarette Promotion Yields Little or No Public Benefit.  The potential role of promotion and advertising as a source of information, producing a net public benefit by allowing for better informed decision making and a more efficient marketplace, is not now realized in the specific case of tobacco marketing.  Cigarette promotion and advertising create brand images and brand personalities, rather than provide information to enhance consumer knowledge and decision-making.  Indeed, the undermining of the efforts of others to inform and educate the public about cigarettes seems to be the effect of the cigarette advertising.

[341]    Pour le Dr Pollay, publicité et commandite participent de la même réalité. Les cigarettiers visent trois cibles dans leur effort de marketing : les hommes, les femmes et les jeunes.

[342]    Il réfute la théorie du témoin Waterson : même si les ventes de cigarettes sont stables, il faut sans cesse recruter de nouveaux fumeurs. Il est inexact de soutenir que la publicité ne sert pas à recruter de nouveaux fumeurs.

[343]    Les nouveaux fumeurs se recrutent essentiellement chez les 13-16 ans comme l’indiquent toutes les études et particulièrement celles du Surgeon general américain. Plus on commence jeune à fumer, plus longtemps on fume.

[344]    Le fumeur-type est plus pauvre et a une pauvre estime de lui. L’insécurité naturelle et normale de l’adolescent le rend vulnérable à la cigarette.

[345]    Toutes les compagnies de cigarettes connaissent ces faits depuis les années quarante aux États-Unis. De nombreuses études des compagnies de cigarettes le démontrent et ont mené à viser carrément les jeunes comme public cible.

[346]    Certaines campagnes de publicité (Player’s légère, Export ’A’ et Belvédère) s’adressent clairement aux nouveaux fumeurs (starters). De nombreux canaux de commandites et outils de promotion sont faits pour attirer les nouveaux fumeurs.

[347]    Commentant la pièce D-168, le témoin explique son propos quant à l’imagerie véhiculée par la Player’s pour attirer les nouveaux fumeurs : liberté, indépendance, confiance en soi et jeunes hommes pratiquant le camping, l’équitation, le ski et le parapente.

[348]    Le thème de la campagne appuie l’image : « a taste you can call your own ».

[349]    Tout est mis en œuvre pour faire passer le message : appel aux meilleures boîtes de publicité, campagnes de relations publiques raffinées, appel à des personnalités populaires comme le coureur automobile Alexandre Tagliani.

 

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[350]    Au fil des ans, l’Export ‘A’ a visé un public d’hommes jeunes, virils, aventuriers avec messages assortis : « un goût pour l’aventure » (a taste for adventure) ou « affirme-toi! » (go your own way). Cette cigarette est aujourd’hui associée aux sports extrêmes.

[351]    Le témoin souligne ce type de publicité rencontré dans deux revues : dans un premier magazine d’avril 1998, on fait référence à une compétition de ski qui se tiendra… en février 1998; dans une autre revue de septembre 2000, on annonce la tenue d’un événement du printemps 2000. Même chose sur le mur d’un dépanneur. L’événement n’a plus d’importance, seule prime la publicité de la marque de cigarettes.

[352]    Le témoin affirme que tous les messages portant sur la liberté, la fête, l’acceptation par les pairs s’adressent avant tout à l’adolescence et à ses besoins. Une étude attentive de la documentation émanant de l’industrie du tabac montre à l’évidence que cette dernière sait très bien ce qu’elle fait et ce qu’elle vise en misant sur l’indépendance, la liberté et l’affranchissement.

[353]    Les jeunes sont l’avenir de l’industrie : il faut remplacer ceux qui arrêtent de fumer ou ceux qui meurent. On tente particulièrement d’influencer leur perception en misant sur la sécurité, le statut social, l’approbation des autres. Tout se fait graduellement, par répétition. On compte aussi, sans jamais le dire, sur la nicotine comme agent de dépendance.

[354]    Quand les compagnies de tabac affirment ne viser que les 19-24 ans dans leur publicité, elles savent que c’est inexact. Toutes les études montrent, et l’industrie le sait comme le disent ses propres documents, que 85% à 90% des nouveaux fumeurs ont entre 14 et 16 ans.

[355]    Ce que la publicité vise, ce sont les 15-19 ans. Aucune compagnie ne peut dire sérieusement que ses messages s’arrêtent aux jeunes de 19 ans. Tous ceux qui se reconnaissent adhèrent au message. Or le message porte sur la jeunesse, le plaisir, le fait d’être cool, l’affranchissement, toutes valeurs propres à l’adolescence.

[356]    L’adolescent adhère à ces messages et évacue toute idée de dépendance : « Je suis capable d’arrêter, je ne fumerai pas toute ma vie… et de toute façon, tout le monde le fait! ».

[357]    Certains messages tablent même sur la rébellion propre aux adolescents : « c’est mauvais pour la santé, ça embête mes parents, raison de plus pour fumer! »

[358]    À l’aide d’études minutieuses et de groupes de discussions constamment renouvelés, les cigarettiers savent exactement où et comment frapper.

[359]    Le succès d’Imperial Tobacco est notamment d’avoir su rallier les jeunes : commandite de course automobile, concerts rock, etc. En ce sens, l’image de Jacques Villeneuve (D-181) utilisée par les cigarettiers est une aubaine en matière de marketing.

[360]    La publicité des compagnies de tabac n’a qu’un but : donner aux gens ce qu’ils veulent.

 

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[361]    Une étude par le témoin du groupe cible de la famille Export ‘A’ vise clairement les jeunes, les personnes à faible revenu et les cols bleus. Quand on dit qu’on limite la publicité aux 19-24 ans, c’est pour la Cour. On cherche des jeunes en quête d’identité, on leur crée un message et on les accompagne dans cette démarche quel que soit leur âge.

[362]    Les compagnies ont compris depuis longtemps que les personnes aiment s’identifier à une griffe. Calvin Klein pour les vêtements, Corvette pour l’auto et telle marque de cigarettes pour tel groupe social. C’est ce qu’on appelle un « badge product ».

[363]    Les cigarettiers suggèrent des badges pour leur clientèle : la personne cool et sociable fume Belvédère. Celle qui se préoccupe de sa santé fumera Vantage, Accord ou Médallion. Les femmes qui prennent le temps de s’arrêter et de penser à elles fumeront Matinée, etc. Les messages, soutient le témoin, sont à la fois subtils et grossièrement évidents.

[364]    Les études des compagnies cigarettières montrent que les fumeurs sont loyaux à leur marque d’origine et qu’il est très difficile de les faire changer. Seulement 3% des fumeurs sont susceptibles de changer de marque et parmi eux, les jeunes sont majoritaires (D-179). À 25 ans, tout est joué.

[365]    Les études des cigarettiers montrent que les jeunes de 19-24 ans répondent mieux à la publicité de cigarettes. Il est évident, selon le témoin que ces études incluent les mineurs qui sont trois fois plus influençables sur le choix de leur marque de cigarettes.

[366]    L’expert affirme que toutes les fois où les cigarettiers parlent des 19-24 ans, il faut comprendre les 14-24 ans, voire les plus jeunes encore.

[367]    Citant une publicité carrément axée sur l’adolescence, l’expert réfère à une annonce d’Imperial Tobacco :

« Nobody tells an Export A smoker what to do! »

 

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[368]    Référant à différentes études commandées par les cigarettiers canadiens, le témoin s’attache tout d’abord à une recherche sur ce qui est « moderne » pour le consommateur (D-180, 1990). Des groupes de discussion (focus group) sont formés pour mesurer la perception du public sur ce qui est moderne. L’association modernité/jeune public est évidente.

[369]    Le témoin souligne que des sommes d’argent considérables sont consacrées à ces recherches et à leur suivi. Elles ne le seraient pas si elles n’étaient essentielles aux cigarettiers.

[370]    Pour le témoin, le plan de communication d’Export ‘A’ (D-183) de 1996 vise une clientèle dont la définition est celle de l’adolescence.

[371]    Le projet de recherche sur une nouvelle campagne publicitaire (D-184) de 1996 vise explicitement à déculpabiliser le fumeur (guilt free way).

[372]    Sous D-191, le témoin dépose un tableau qui permet de comprendre la façon de faire des cigarettiers en publicité : les cigarettiers proposent que leurs marques deviennent un badge d’identification. Tout est mis au service de l’image à véhiculer.

[373]    Le message fait appel à tous ceux qui recherchent les valeurs proposées par la publicité. Il est destiné au premier chef aux 15-35 ans, mais on vise la prédisposition psychologique avant tout.

[374]    La répétition engendre la familiarité et l’habitude : fumer fait partie de la vie, d’un style de vie. Le risque est banalisé, tout le monde le fait; fumer est accepté socialement.

[375]    La publicité vise à rendre la cigarette douce, amicale, conviviale. L’expert soumet que les cigarettiers ont compris depuis longtemps que « repetition is the soul of persuasion ».

[376]    Un message d’Export ‘A’ en 1997 (D-192) promet un « bénéfice émotionnel » au fumeur c’est-à-dire, fumez une Export ‘A’ et vous aurez confiance en vous, vous avez une personnalité bien à vous, vous êtes quelqu’un.

[377]    Un fumeur d’Export ‘A’, c’est ça!

[378]    Le témoin insiste pour réaffirmer que la commandite donne le même résultat que la  publicité traditionnelle puisqu’elle vise les mêmes fins. Le plan stratégique 1994-95 de RBH l’affirme carrément (D-195).

[379]    Par exemple, si un cigarettier commandite un Grand Prix de Formule 1, on verra à ce que les caméras balaient régulièrement le logo de la compagnie. On s’assure ainsi d’une publicité ininterrompue de deux heures.

 

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[380]    L’étude du phénomène de la publicité récente de l’industrie du tabac amène l’expert à soutenir que le but des cigarettiers en marketing est de :

a)   rejoindre les jeunes

b)   rassurer les fumeurs

c)   rejoindre les femmes

[381]    L’apparition des Vantage, Médallion et Accord avait clairement pour but de rassurer les fumeurs sur d’éventuels problèmes de santé.

[382]    La publicité sur les cigarettes légères vise à diminuer la culpabilité des fumeurs et diminuer l’anxiété face aux dangers des problèmes de santé liés au tabagisme.

[383]    L’industrie du tabac sait tout des préoccupations des fumeurs au moyen de recherches poussées, précises et constamment mises à jour.

[384]    Un document de recherche de RBH de 1991 (D-201) montre que la première expérience de fumer est très négative et se situe entre 10 et 15 ans.

[385]    Une étude de RJR MacDonald de 1990 (D-202) auprès de 1,500 personnes montre qu’un tiers des fumeurs regrettent de fumer. Aujourd’hui, selon le témoin, 80% des fumeurs le regretteraient. Cette étude montre que le « gros » fumeur type est un homme, peu instruit et économiquement défavorisé.

[386]    Toutes ces études, et l’industrie l’admet, servent à connaître le consommateur et lui donner ce qu’il veut. Or, la cigarette est le seul bien de consommation qui ne procure aucun avantage.

[387]    La publicité des cigarettiers sert donc à procurer au fumeur une image de fausse sécurité et à le déculpabiliser.

 

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[388]    Une étude sur l’historique de la marque Belvédère 1957-1996 (D-209), commandée par son fabricant, précise en première page :

Belvedere has a legacy. It is one that has been communicated through extensive product and lifestyle advertising.

[389]    Le témoin affirme qu’il est clair pour l’industrie ce que signifie la publicité « style de vie ». Belvédère veut être associée à un groupe de jeunes sur la plage autour d’un feu de camp, ce qui est une publicité « style de vie ».

[390]    Le témoin admet qu’il peut être difficile de déterminer ce qui est une publicité « style de vie » et ce qui ne l’est pas. Cette difficulté est tout à fait normale puisque la définition d’une telle expression doit recourir à l’exemple.

[391]    Mais la publicité elle-même est raffinée et continuellement mise à jour. Chaque cas devra être étudié à son mérite.

[392]    Le témoin rappelle qu’historiquement, l’industrie du tabac a su et saura profiter de chaque faille d’une loi pour la contourner et assurer sa part de marché.

 

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[393]    Le projet Linebacker commandé par RBH (D-213) montre que la perception des consommateurs est que la cigarette légère est meilleure pour la santé. L’industrie n’hésite pas et donne au fumeur ce qu’il veut : on crée des cigarettes « ultra légères », « de luxe ultra-légères » et « ultimate light ».

[394]    Jamais la publicité n’affirme que la cigarette légère est meilleure pour la santé. On le laisse simplement supposer. Les groupes de discussion montrent que le fumeur est convaincu que les cigarettes légères sont meilleures pour la santé, que le fumeur intelligent fume une légère, que celui qui veut arrêter de fumer pourra se rabattre sur une légère, que la fumeuse enceinte devrait fumer une légère.

[395]    Les cigarettiers, dans leur effort pour créer un produit-badge associent une marque de cigarettes à une façon d’être.

[396]    Ainsi, la Matinée sera la cigarette de la femme qui prend le temps de penser à elle, qui relaxe. La publicité montre donc un bain de mousse ou une femme assise dans un jardin. La commandite Matinée associera la marque à des événements pour les femmes.[209] Les études montrent que les hommes ne fument pas la Matinée.

[397]    Du Maurier est associée à la classe, au statut social, au style de vie sophistiqué. (D-168) La publicité montre en conséquence des personnes au chalet de ski, sur un bateau luxueux, conduisant une Alfa Romeo, dans un appartement branché.

[398]    Jamais personne ne fume dans ces publicités.

[399]    Selon le témoin, Imperial Tobacco a gagné la meilleure part du marché parce que son message est le plus adéquat, sa recherche en marketing très forte, très profonde et très disciplinée à tous les stades de la mise en marché.

[400]    Chaque message en appuie un autre. Ils prennent des décisions, généralement les bonnes, et s’y tiennent. Ils concentrent leur budget de publicité sur trois marques dominantes. L’effet d’entraînement a fait le reste. Tout le monde fume leurs cigarettes, ce qui incite les nouveaux fumeurs à suivre le groupe.

[401]    Le témoin affirme que la cigarette elle-même n’a aucune importance : ITL a la meilleure publicité et c’est ce qui compte. De nombreux tests à l’aveugle ont montré que les fumeurs sont incapables d’identifier une marque de cigarettes par rapport à une autre.

[402]    On présume souvent que les fumeurs sont hautement informés sur la cigarette. Rien n’est plus faux soutient M. Pollay et particulièrement chez les jeunes.

 

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[403]    Quant à la seconde expertise (D-166) portant sur le rôle du paquet de cigarettes ou de l’emballage présenté au public, elle est préparée à partir des documents fournis par l’industrie du tabac et déposés en preuve.

[404]    On y retrouve les conclusions à la page 29 qui se lisent comme suit :

12.1    Packaging and its design, is an integral part of the promotional communications mix of a firm.

12.2    Package designs are subject to extensive research efforts and investments of time, talent and money. 

12.3    Package designs are frequently revisited and revised.

12.4    Concerns when designing packaging include the functional (e.g. product protection, pack durability), the merchandising (e.g. retail display impact), product imagery (e.g. mildness) and user imagery (e.g. masculine).

12.5    The criteria for evaluating new package designs focus on the product and user imagery, and to a lesser extent the merchandising aspects and, to an even lesser extent, the pragmatic functional aspects.

12.6    Cigarettes are a "badge product", with the package graphics and branding constituting the visible "badge". In the purchase, possession and use of a brand, the consumer acquires both the physical product and these associated meanings. The nature of the specific badge determines how consumers perceive themselves as users, how they perceive the product experience, how others perceive them as users, and how they assume that others will perceive them.

12.7    Some brands have packaging designed to make them seem “youthful, modern, cool”.

12.8    Some brands have packaging designed to give them the “status redeeming” qualities of “style, sophistication, class”.  When successful, this can trigger perceptions of “How bad can it be?” 

12.9    Packaging is, therefore, employed as a tool to realize the strategic goals of appealing to new smokers and reassuring and retaining existing smokers goals manifest in non-packaging documents.

12.10  Consumers judge product strength, mildness and associated risks based on the colour tones employed in packaging. This perceptual patterning bears an imperfect relation to actual product ratings.  At the extreme, use of the colour white implies risk reduction and healthfulness. 

12.11  Research guides package design down to fine details (e.g. the uses of fine lines, background tints, the weight of a trademark cat).

12.12  Research is careful to avoid package designs with even remote associations that might remind some consumers of health risks, illness or death. For example, a “starburst” design was revised to avoid “religious overtones” that might have associations with heaven and hence death.

12.13  Warnings constitute a “major challenge” to the industry. 

12.14  The essentials of pack design for trademark recognition and retail transaction convenience are the “signature elements”.  For examples, for Rothmans this is given as the crest and scripted name. For Players : “Hero, Blue Player’s Chevron”. For Matinee: “scripted Matinee, Pegasus, Alan Ramsey & Co. Ltd, bright and feminine look.”

 

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[405]    Le professeur Pollay présente cette seconde expertise comme un complément à son premier document. Il s’explique en page 2 :

Scope of Report. This report supplements an earlier report, “How Cigarette advertising Works: Rich Imagery and Poor Information,” which addressed the various promotional tactics employed by the cigarette industry and the psychological mechanisms of persuasion and attitude change that the industry consequently relies upon. That report identified a basic dilemma faced by the cigarette firms: how to market a product that was ideally to seem less harmful to health without provoking consumers’ anxieties about health. This drove them to “image” based strategies as these avoid making consumers more informed about the product, its constituents and/or the consequences of its use, as additional information that is honest, factual and fully disclosing almost inevitably discourages consumption. Smokers experience a related dilemma in that some realize that additional information, particularly about the health consequences of consumption, may aggravate rather than reduce their conflicted feelings about smoking.

In this present report, supplemental documents produced by the industry are reviewed to generate an understanding of the role of package design as an element in the marketing mix, particularly in realizing the pressing strategic needs of the firms identified in the earlier report as reassuring existing concerned smokers and recruiting “new smokers”. In addition, evidence is presented showing how the image/information dilemma faced by the firms, and the conflicted feelings of smokers, influence packaging decisions. Beyond some introductory material, none of this report repeats the earlier report as all citations herein are from documents from a supplemental document production, and were not cited in the first report.

[406]    L’emballage et la présentation du paquet de cigarettes jouent un rôle complémentaire essentiel à la publicité et la commandite. C’est le badge[210] qui identifie le fumeur à sa cigarette et la cigarette qui révèle qui est son fumeur.

[407]    C’est un outil de communication des cigarettiers et l’étape finale de tout le programme de mise en marché.

[408]    La facture du paquet de cigarettes est constamment mise à jour. Ainsi, le paquet d’Export ‘A’ a été modifié en 1991, 1996 et 2000.

[409]    Les cigarettiers commandent régulièrement des études d’impact de la présentation de leur paquet et ajustent le tir tenant compte notamment des commentaires des fumeurs.

[410]    Tout est étudié pour en arriver à une présentation idéale : la couleur, le dessin, le texte et sa présentation sont mis au service d’une idée et d’une image à transmettre au public fumeur ou potentiellement fumeur.

[411]    Ainsi, la recherche visant à la mise à jour du paquet d’Export ‘A’ en 1996 visait les buts suivants[211] :

·    modernité tout en maintenant la tradition Export ‘A’;

·    renforcer l’image de la marque : confiance en soi et individualité;

·    diminuer les concepts vieux, seul et masculin;

·    rivaliser avec la Player’s;

·    augmenter l’impact des présentoirs en magasin.

 

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[412]    Traitant du paquet de cigarettes comme d’un badge, le designer John Digianni disait :

A cigarette package is unique because the consumer carries it around with him all day. … It’s part of a smoker’s clothing, and when he saunters into a bar and plunks it down, he makes a statement about himself.[212]

[413]    Des magazines de l’industrie du tabac reprenaient l’idée:

Cigarette pack… will have to work harder than ever, not only at the point of sale to provide increased « stand out », but also whilst in use to communicate the values of the brand to the consumer - to reassure and build loyalty. This is particularly so because of the role of cigarettes as “badge products” with which the consumer identifies personally and which he uses to communicate his own identity to others.[213]

[414]    Le témoin souligne que ces badges sont particulièrement importants pour les jeunes.

[415]    Une étude montre que les fumeuses admettent que le design d’un paquet de cigarettes a une influence sur les cigarettes qu’elles essaieront.[214]

[416]    Les études des cigarettiers décrites dans l’expertise du Dr Pollay aux pages 14 et suivantes décrivent les buts recherchés en confectionnant le paquet de cigarettes et l’effet obtenu auprès des consommateurs. Chaque paquet de cigarettes a sa personnalité propre :

a)   Player’s : autonomie, liberté, indépendance;

b)   Export ‘A’ : indépendance, confiance en soi, jeunesse;

c)   Belvédère : jeune, amical, cool;

d)   Matinée : féminin, moderne, contemporain, jeune;

e)   Rothmans : jeune, vivant, racé

f)    Winfield : masculin, mature, plein air.

 

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[417]    Le paquet de cigarettes doit être un antidote à la culpabilité du fumeur. Tout est mis en œuvre pour faire oublier le côté nocif du tabagisme. Deux recherches des cigarettiers sur l’Export ‘A’ soulignent :

“Feelings of social rejection prompted some smokers to suggest that the ideal cigarette design would make a contribution to alleviating their feeling of guilt.” (Explorations of Various Design Parameters re: Export ‘A’ Pack Re-design, Qualitative Science, June 1991, p5.) [JTI-1677]

“Suggested solutions varied from innocuous designs, to light and healthy designs, to designs which would contribute prestige to smoking… You’d think; ‘How bad could it be in a nice pack like that?’ Somehow it doesn’t seem so harmful.” (Explorations of Various Design Parameters re: Export ‘A’ Pack Re-design, Qualitative Science, June 1991, p13.) [JTI-1677] (emphasis added)[215]

[418]    Les études démontrent également que les fumeuses sont particulièrement sensibles aux avertissements imposés sur les paquets de cigarettes. Les femmes ont un sens plus élevé de culpabilité en fumant, particulièrement celles qui sont enceintes ou les mères de jeunes enfants.

« Many women influenced by smoker’s guilt prefer a more attractive package than a less visible (i.e. discreet) ne. The latter implies a secretive and hypocritical attitude… they desire a package which could enhance their image as a smoker, not one that pretends their habit doesn’t exist… Oona women dislike gaudy or aggressive designs but appreciate simple elegance. They define their ideal package as elegant, feminine, attractive, chic, classic and classy.” (Oona II: A Qualitative Study, Nov 1994, p3) [RBH:TA-4158].

“Most targets of anti-smoking pressure (whether angry or embarrassed) desire a more socially acceptable product and image… and, above all, they describe that desired ‘image’ as classier. … The negative feeling were described as… ‘guilty, conspicuous, humiliated, second-class, feeling like a leper, like an outcast’. Direct antidotes, therefore, would be Oona propositions designed to make the smoker feel ‘carefree, discreet, confident, first-class, feeling healthy, feeling sociable’.” (Project Oona IV: Qualitative Research, July 1995, Johnston & Associates, p6) [RBH:TA-4182].[216]

[419]    Les études montrent également que les jeunes fumeurs (19-24 ans) n’apprécient pas particulièrement les avertissements imposés sur les paquets de cigarettes et souhaitent plutôt un paquet plus attirant.

[420]    Le témoin soutient que les cigarettiers attachent une grande importance aux couleurs choisies pour les paquets de cigarettes et évitent toute allusion à la mort ou à toute circonstance désagréable.

 

*     *     *     *     *

 

[421]    Les cigarettiers considèrent les avertissements imposés par le gouvernement comme un défi majeur à leur effort de mise en marché.

[422]    Les premiers messages gouvernementaux composés de phrases comme « Avis : Le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social considère que le danger pour la santé croît avec l’usage » ont rapidement été ignorés des fumeurs qui, pour la majorité, ne les remarquaient plus.

[423]    Les derniers messages accompagnés de photos (voir annexe 5) ont eu un impact majeur sur les consommateurs comme le montre une étude de RBH de juin 2000 :

”Very disgusting; I don’t believe smoking causes this; not very pleasant to look at; this must be stopped” “I find these labels offensive.” “Gut-wrenching’ makes you think about what you’re doing to your body’ I don’t like looking at the picture.” “That would be shitty. I already know how bad it is and I don’t want to be reminded every time I have a smoke.” “Very repulsive’ harsh advertisement; powerful but disgusting’ it would definitely make people think twice about starting or continuing to smoke.” (Project Jagger, June 23, 2000, np.)[217]

[424]    L’industrie cigarettière cherche par tous les moyens à contrer ces avertissements et à les occulter et de façon générale à soustraire les consommateurs à leur vue.

[425]    Ces avis, selon l’expert, font l’objet d’une guerre gouvernement/industrie. Le nouveau paquet de cigarettes imposé par le gouvernement contient beaucoup plus d’information et contrecarre le plan de marketing de l’industrie visant à faire passer la cigarette pour inoffensive. “It’s killing the romance” conclut M. Pollay.

[426]    Comme à l’usage, on s’habitue à tout, le Dr Pollay trouve excellent qu’il y ait 16 messages différents. L’industrie admet, malgré ce qu’en dit M. Ricard, que le marketing des cigarettiers vise ceux qui changent de marque de cigarettes (switchers) mais aussi et surtout les nouveaux fumeurs et essentiellement les jeunes.

[427]    Les avertissements gouvernementaux sont adressés à tous les consommateurs actuels et éventuels.

 

*     *     *     *     *

 

[428]    Étudiant les documents d’Imperial Tobacco sur l’arrivée sur le marché de la Player’     s Première qui promet de réduire l’irritation causée par le tabagisme, le témoin retrouve des documents de la compagnie qui, trois ans après le lancement, essaie de “find a recipe blend that would increase the amount of taste without increasing irritation”.

[429]    Le témoin soutient que la création de la Player’s Première n’est qu’un concept publicitaire et qu’aucun test scientifique n’a pu démontrer une diminution de l’irritation de la gorge chez les fumeurs.

[430]    Cette cigarette annonce un filtre unique. Le témoin affirme que le filtre existait depuis des années et qu’il n’a rien d’unique. Même chose pour les filtres au charbon dont l’industrie est incapable de dire en quoi ils sont plus efficaces.

[431]    Des tests à l’aveugle menés par l’industrie montrent que 10% des consommateurs (ne sachant pas ce qu’ils fument) trouveront la Première moins irritante et 29% la trouveront plus irritante.

[432]    D’autres tests chez des consommateurs à qui on fait essayer les Première (et qui savent ce qu’ils fument) la trouveront moins irritante à 40%. Simple affaire de mise en marché affirme le témoin.

[433]    Bref, la Première est lancée sans étude, sans présenter un nouveau produit, mais avec tout un arsenal publicitaire.

 

*     *     *     *     *

 

[434]    La Cour accorde une grande crédibilité au témoin Pollay. Sa connaissance du marketing des produits du tabac est encyclopédique et aide la Cour à percevoir l’historique de la publicité du tabac, des recherches entreprises au cours des ans et les connaissances acquises par les cigarettiers.

[435]    Il est évident que les travaux du professeur l’ont amené à accorder une faible crédibilité aux propos et publicité des cigarettiers avec le temps. Mais les faits mis en preuve par le témoin et analysés dans ses expertises aident le tribunal à réfléchir sur l’ensemble de la question.


ANNEXE 2
ARTICLES PERTINENTS DE LA LOI DE 1988

 

Loi interdisant la publicité en faveur des produits du tabac, réglementant leur étiquetage et prévoyant certaines mesures de contrôle :

 

                          3.  La présente loi a pour objet de s'attaquer, sur le plan législatif, à un problème qui, dans le domaine de la santé publique, est grave, urgent et d'envergure nationale et, plus particulièrement:

 

                          a)  de protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens compte tenu des preuves établissant de façon indiscutable un lien entre l'usage du tabac et de nombreuses maladies débilitantes ou mortelles;

 

                          b)  de préserver notamment les jeunes, autant que faire se peut dans une société libre et démocratique, des incitations à la consommation du tabac et du tabagisme qui peut en résulter;

 

                          c)  de mieux sensibiliser les Canadiennes et les Canadiens aux méfaits du tabac par la diffusion efficace de l'information utile aux consommateurs de celui‑ci.

 

                          4.  (1)  La publicité en faveur des produits du tabac mis en vente au Canada est interdite.

 

                          (2)  Il est interdit, à titre onéreux et pour le compte d'une autre personne, de diffuser, notamment par la presse ou la radio‑télévision, la publicité en faveur d'un produit du tabac mis en vente au Canada.

 

                          (3)  Il est entendu que le paragraphe (2) ne s'applique pas à la distribution en vue de la vente de publications importées au Canada ou à la retransmission d'émissions de radio ou de télévision de l'étranger.

 

                          (4)  Il est interdit à toute personne se trouvant au Canada de faire de la publicité en faveur d'un produit du tabac dans une publication étrangère ou une émission radiodiffusée de l'étranger dans le but, principalement, de promouvoir la vente d'un produit du tabac au Canada.

 

                          (5)  Malgré les paragraphes (1) et (2) le fabricant ou l'importateur d'un produit du tabac peut, jusqu'au 1er janvier 1991, exclusivement, faire de la publicité en faveur du produit par des affiches à condition que:

 

                          a)  le montant qu'il dépense pour la préparation, en 1989, de la publicité relative à ces affiches et pour la présentation de ces affiches au public au cours de la même année ne dépasse pas les deux tiers des dépenses engagées pour la préparation et la présentation d'affiches au cours de son dernier exercice clos avant le 1er janvier 1988;

 

                          b)  le montant qu'il dépense pour la préparation et la présentation d'affiches en 1990 ne dépasse pas le tiers des dépenses engagées au cours de l'exercice visé à l'alinéa a);

 

                          c)  les affiches installées après l'entrée en vigueur de la présente loi comportent une mise en garde réglementaire.

 

                   Les montants et dépenses visés au présent paragraphe se calculent conformément aux règlements.

 

                          (6)  Pour l'application du paragraphe (5), «affiche» ne vise pas:

 

                          a)  les supports publicitaires se trouvant à l'intérieur ou aux abords de l'établissement d'un détaillant;

 

                          b)  les mentions visées aux alinéas 6(1)a) ou b).

 

                          5.  (1)  Malgré l'article 4, le détaillant peut:

 

                          a)  exposer des produits du tabac pour la vente dans son établissement;

 

                          b)  signaler dans ce lieu, par des affiches réglementaires quant à leur forme, leur teneur et leur quantité, les produits du tabac qui y sont vendus ainsi que leur prix, sans toutefois, mentionner leur nom ou leur marque;

 

                          c)  faire usage, ailleurs qu'à la radio‑télévision, de sa dénomination ou de sa raison sociale à des fins publicitaires ‑‑ même quand l'un de ses éléments indique qu'il vend des produits du tabac ‑‑ sans toutefois y associer un produit du tabac;

 

                          d)  jusqu'au 1er janvier 1993, exclusivement, conserver, à l'intérieur ou aux abords de son établissement, les supports publicitaires ‑‑ ou parties de ceux‑ci:

 

                               (i)  soit dont il avait déjà fait usage avant le 25 janvier 1988,

 

                               (ii)  soit dont il est tenu de faire usage conformément aux stipulations d'un contrat conclu avant le 25 janvier 1988, à l'exclusion de toute stipulation autorisant le renouvellement ou la prorogation du contrat après cette date.

 

                          (2)  Malgré l'article 4, l'exploitant d'un distributeur automatique de produits du tabac peut les représenter ou les nommer et en indiquer les prix sur celui‑ci selon les modalités réglementaires.

 

                          6.  (1)  Sous réserve du paragraphe (2), il est possible, malgré l'article 4 et le paragraphe 8(1), d'utiliser le nom intégral du fabricant ou de l'importateur d'un produit du tabac et, dans les cas où l'exige un contrat conclu avant le 25 janvier 1988, le nom du produit, sans toutefois y associer un produit du tabac, dans toute mention au public:

 

                          a)  qui vise à promouvoir une activité ou une manifestation culturelles ou sportives;

 

                          b)  qui fait état des concours financiers ou autres apportés par le fabricant ou l'importateur à la réalisation de cette activité ou manifestation.

 

                          (2)  La valeur, calculée conformément aux règlements, des concours financiers ou autres apportés par le fabricant ou l'importateur de produits du tabac à la réalisation d'activités ou manifestations culturelles ou sportives dans le cadre desquelles est mentionné le nom des produits ne peut dépasser, pour une année civile donnée, la valeur, ainsi calculée, des concours qu'il a apportés en 1987 à la réalisation de telles activités ou manifestations.

 

                          7.  (1)  Il est interdit aux négociants de distribuer des produits du tabac à titre gratuit ou d'en fournir à cette fin.

 

                          (2)  Il est interdit d'offrir un cadeau ou une remise, ou la possibilité de participer à un concours, une loterie ou un jeu, en contrepartie de l'achat d'un produit du tabac ou de la production d'une preuve d'achat de celui‑ci.

 

                          8.  (1)  Il est interdit aux fabricants et aux importateurs de produits du tabac:

 

                          a)  d'apposer des marques qu'ils sont habilités à utiliser à l'égard de ces produits sur des articles, autres que les produits du tabac et les emballages servant à vendre ou expédier ceux‑ci, sous une forme reprenant celle qui figure sur les emballages de ces produits alors vendus au Canada;

 

                          b)  de faire usage de ces marques et sous cette forme dans toute publicité en faveur d'autres articles que les produits du tabac ou de services, manifestations ou activités.

 

                   La présente interdiction s'applique même si les fabricants ou les importateurs sont par ailleurs habilités à utiliser ces marques à l'égard de ces autres articles ou de ces services, manifestations ou activités et vise également quiconque agit avec le consentement, exprès ou tacite, de ces fabricants ou ces importateurs.

 

                          (2)  Il est interdit de distribuer, de vendre, de mettre en vente ou d'exposer en vue de la vente des articles, autres que les produits du tabac et les emballages servant à vendre ou expédier ceux‑ci, s'ils portent la marque d'un produit du tabac sous une forme reprenant celle qui figure sur les emballages de ce produit vendus au Canada.

 

                          (3)  Les paragraphes (1) et (2) ne s'appliquent pas si, en 1986 et au Canada, la valeur estimative, calculée conformément aux règlements, des ventes au détail d'articles autres que les produits du tabac portant la marque en question était supérieure au quart de celle, ainsi calculée, des produits du tabac portant également cette marque.

 

                          (4)  Le paragraphe (2) ne s'applique pas à la vente ou à la distribution, avant le 1er janvier 1993, d'articles fabriqués avant le 30 avril 1987 ou commandés à leur fabricant ou fournisseur avant cette date, sauf s'il s'agit d'une commande permanente qui doit être confirmée ou peut prendre fin après cette date.

 

                          9.  (1)  Il est interdit aux négociants de vendre ou mettre en vente un produit du tabac qui ne comporte pas, sur ou dans l'emballage respectivement, les éléments suivants:

 

                          a)  les messages soulignant, conformément aux règlements, les effets du produit sur la santé, ainsi que la liste et la quantité des substances toxiques, que celui‑ci contient et, le cas échéant, qui sont dégagées par sa combustion;

 

                          b)  s'il y a lieu, le prospectus réglementaire contenant l'information sur les effets du produit sur la santé.

 

                          (2)  Les seules autres mentions que peut comporter l'emballage d'un produit du tabac sont la désignation, le nom et toute marque de celui‑ci, ainsi que les indications exigées par la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation et le timbre et les renseignements prévus aux articles 203 et 204 de la Loi sur l'accise.

 

                          (3)  Le présent article n'a pas pour effet de libérer le négociant de toute obligation qu'il aurait, aux termes d'une loi fédérale ou provinciale ou en common law, d'avertir les acheteurs de produits du tabac des effets de ceux‑ci sur la santé.



JD 1648

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-05-031299-975
500-05-031306-978
500-05-031332-974

 

 

 

DATE :

2 mai 2002

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ANDRÉ DENIS, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

500-05-031299-975

 

J.T.I. MACDONALD CORPORATION

demanderesse

c.

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

défenderesse

et

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER

intervenante

 

500-05-031306-978

 

ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

demanderesse

c.

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

défenderesse

et

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER

intervenante

 

500-05-031332-974

 

IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITED

demanderesse

c.

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

défenderesse

et

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER

intervenante

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]        Les demanderesses contestent la validité de nombreuses dispositions de la Loi sur le tabac[218] qui porteraient atteinte notamment à la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés.[219]

[2]  Le Procureur général présente une défense fondée sur l’article premier de la Charte.

[3]  La Société canadienne du cancer a été autorisée à intervenir au dossier par un jugement du 28 août 1997 de cette Cour (juge Danielle Grenier).

[4]  L’audition commencée en janvier 2002 et prévue pour une année, a progressé plus rapidement que prévu à telle enseigne qu’il ne reste qu’un témoin à faire entendre le 3 mai prochain.

[5]  Le Procureur général a déposé, pour compléter sa preuve à titre de preuve extrinsèque, 211 documents (documents 1 à 211) et l’intervenante, 62 documents (documents 212 à 274).

[6]  Les demanderesses acceptent la production d’une partie des documents et s’opposent à une autre.

 

Le droit

 

Quelques définitions

EXTRINSÈQUE : lat. extrinsecus, en dehors. Qui est extérieur à l’objet dont il s’agit, n’appartient pas à son essence. Étranger, extérieur.[220]

EXTRINSIC EVIDENCE: 1. Evidence relating to a contract but not appearing on the face of the contract because it comes from other sources, such as statements between the parties or the circumstances surrounding the agreement. Extrinsic evidence is usu. not admissible to contradict or add to the terms of an unambiguous document. - Also termed extraneous evidence; parol evidence; evidence aliunde. 2. Evidence that is not legitimately before the court. Cf. intrinsic evidence.

INTRINSIC EVIDENCE. 1. Evidence brought out by the examination of the witness testifying. 2. Evidence existing within a writing. cf. extrinsic evidence.[221]

La jurisprudence

[7]  La preuve devant les tribunaux se fait en général au moyen de témoins assermentés ou par la connaissance d’office du tribunal.

[8]  La première est bien connue et ne pose pas de difficulté en l’instance. De nombreux témoins ont été entendus et contre-interrogés par la partie adverse.

[9]  L’autre façon de faire est plus complexe : la connaissance d’office du tribunal.

La connaissance d'office dispense de la nécessité de prouver des faits qui ne prêtent clairement pas à controverse ou qui sont à l'abri de toute contestation de la part de personnes raisonnables. Les faits admis d'office ne sont pas prouvés par voie de témoignage sous serment. Ils ne sont pas non plus vérifiés par contre-interrogatoire. Par conséquent, le seuil d'application de la connaissance d'office est strict. Un tribunal peut à juste titre prendre connaissance d'office de deux types de faits : (1) les faits qui sont notoires ou généralement admis au point de ne pas être l'objet de débats entre des personnes raisonnables; (2)  ceux dont l'existence peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles dont l'exactitude est incontestable.[222]

[10]      Ces règles sont relativement simples à appliquer pour l’ensemble des litiges présentés aux tribunaux. Les litiges constitutionnels, comme en l’instance, ajoutent une difficulté à l’examen de ce genre de preuve.

[11]      Les tribunaux ont eu à établir une distinction entre les faits adjudicatifs ou législatifs.

The adjudicative facts are those to which the law is applied in the process of adjudication.  They are the facts that normally go to the jury in a jury case.  They relate to the parties, their activities, their properties, their businesses.  Legislative facts are the facts which help the tribunal determine the content of law and of policy and help the tribunal to exercise its judgement or discretion in determining what course of action to take.[223]

[12]      Les faits adjudicatifs sont présentés par témoins et appréciés par la Cour au regard de la règle de droit.

[13]      En matière constitutionnelle, et particulièrement depuis l’avènement de la Charte, où les juges sont appelés à remettre en question les mesures législatives, le tribunal hérite d’un pouvoir créateur de règles juridiques.[224]

[14]      Ce faisant, le tribunal examine les faits législatifs et doit prendre en considération le contexte social, économique, politique et historique dans lequel la mesure législative a été adoptée.

[15]      Les règles de preuve des faits législatifs sont forcément plus subtiles à circonscrire que celles plus aisément codifiées des faits adjudicatifs. L’affirmation est évidente lorsque la preuve fait appel à des réalités relevant des sciences sociales qui, de par leur nature, font rarement l’unanimité.

[16]      La preuve de faits législatifs est fréquemment soulevée dans des litiges de droit constitutionnel, mais n’y est pas exclusive.

[17]      Il est clair que la jurisprudence canadienne a connu une importante évolution en matière de preuve extrinsèque au fil des ans.

[18]      Dans l’affaire Procureur général du Manitoba c. Manitoba Egg and Poultry Assn., dans laquelle la Cour étudie la validité d’une législation provinciale visant à contrôler le commerce et l’importation des oeufs du Manitoba, le juge Laskin s’étonne de la preuve anémique :

En fait, je ne sais rien de la nature du marché des oeufs à l'intérieur ou à l'extérieur du Manitoba, rien de la production des oeufs dans cette province, rien des utilisations de la production, rien du nombre des producteurs au Manitoba, rien des problèmes que l'entrée d'oeufs de l'extérieur de la province auraient pu causer quant à la qualité, aux prix ou autrement.

[...]

Il serait utile, pour déterminer l'application du plan législatif, d'avoir une certaine connaissance du marché au Manitoba, de la mesure où il est alimenté par les producteurs du Manitoba et de la concurrence qui se fait entre eux et qui se reflète dans l'approvisionnement, la qualité et les prix.[225]

[19]      Et le juge Laskin rend sa décision « En l’absence de ce que je considère comme des données pertinentes[...] »

[20]      Ainsi, les années suivantes voient la mise en preuve en première instance, mais plus souvent en appel, de statistiques, études gouvernementales, études liées aux sciences sociales, tant d’origine canadienne qu’étrangère.

[21]      L’ensemble de ces informations est connu sous le nom de preuve extrinsèque auxquelles certains juges réfèrent même d’office.

[22]      L’admissibilité de la preuve extrinsèque visant à établir les faits législatifs dans une affaire constitutionnelle est étudiée une première fois par la Cour suprême dans le renvoi relatif à la Loi anti-inflation où la question est de savoir si un haut taux d’inflation est un état d’urgence qui permet au Parlement fédéral d’invoquer son pouvoir de « paix, ordre et bon gouvernement ».

[23]      La Cour reçoit et tient compte d’un rapport rédigé par un économiste annexé au mémoire d’un intervenant. Le juge en chef Laskin :

J'en viens maintenant au troisième des quatre points susmentionnés, savoir, la pertinence et le poids de la preuve extrinsèque ainsi que l'importance de la connaissance d'office. Lorsque, comme en l'espèce, des circonstances exceptionnelles sont à la base du pouvoir législatif en litige, on peut demander à la Cour d'examiner des éléments de preuve extrinsèque des circonstances alléguées, soit à l'appui soit à l'encontre de la validité de la législation contestée. En examinant ces éléments de preuve et en appréciant leur poids, la Cour ne se demande pas s'ils démontrent l'existence des circonstances exceptionnelles comme on prouve un fait dans une cause ordinaire. Elle est appelée à se prononcer sur une question de politique sociale et économique, c'est-à-dire sur le jugement exercé par le gouvernement et le Parlement. Il est possible que les circonstances exceptionnelles soient d'une telle notoriété que la Cour puisse en prendre connaissance d'office sans recourir à des éléments de preuve extrinsèque. Lorsque la situation n'est pas aussi claire, les éléments de preuve extrinsèque ne sont requis que pour convaincre la Cour que la loi contestée a un fondement rationnel dans le pouvoir législatif invoqué à l'appui de sa validité.[226]

[24]      Le juge Laskin ajoute au paragraphe suivant :

Cette Cour a devant elle des publications de Statistique Canada, sur lesquelles elle est justifiée de se fonder.

[25]      Dans le renvoi relatif à la Loi de 1979 sur la location résidentielle de l’Ontario où il est question de la validité d’une loi provinciale qui permet à un organisme administratif de gérer les relations locateur/locataire, le juge Dickson souligne :

Avant l'audition en Cour d'appel de l'Ontario, le procureur général de l'Ontario a produit à la cour le rapport de 1968 de la Commission de réforme du droit de l'Ontario intitulé « Interim Report on Landlord and Tenant Law Applicable to Residential Tenancies », le rapport de 1972 de la Commission sur la Partie IV de The Landlord and Tenant Act, le rapport de 1976 de la Commission intitulé « Report on Landlord and Tenant Law » ainsi qu'un livre vert intitulé « Policy Options for Continuing Tenant Protection » que le Ministry of Consumer and Commercial Relations a publié en 1978. Devant la Cour d'appel, on a soulevé la question de savoir si ces documents avaient été validement produits et dans quelle mesure ils l'avaient été. Il y a bien eu un certain débat sur ce point, mais on n'a pas insisté au point que la Cour d'appel estime nécessaire de se prononcer sur la question. La cour a consenti à admettre ces documents s'ils pouvaient servir à titre de documentation, et à reporter à la fin des plaidoyers la décision quant à leur pertinence et à leur valeur. Finalement, la Cour d'appel était convaincue que la réception de ces documents n'a pas influencé sa décision.

Ces quatre documents nous ont été soumis et il semble opportun de décider à ce moment si cela est régulier. Il y a bien peu de doctrine et de jurisprudence qui nous éclaire.

[...]

Il semble maintenant assez évident que les rapports d'une commission royale ou les rapports des comités parlementaires établis avant l'adoption d'une loi sont recevables pour montrer le contexte factuel et le but que vise la loi, même si le juge Cartwright, c'était alors son titre, a dit dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Reader's Digest Association (Canada) Ltd., [1961] R.C.S. 775, qu'en règle générale, s'il y a opposition, ils ne devraient pas être admis. Si les rapports sont pertinents, on ne voit pas clairement pourquoi il faudrait les exclure si une partie s'y oppose.

[...]

En général, quand il s'agit d'établir le caractère constitutionnel d'une loi, nous ne devons pas nous priver de l'aide que peuvent nous apporter les rapports d'une commission royale d'enquête ou d'une commission de réforme du droit qui sont à la base de la loi à l'étude. Bien sûr, l'importance qu'il faut attribuer à ces rapports est une question tout à fait différente. Ils peuvent être très importants, peu importants ou inutiles, mais, à mon avis, il faudrait au moins les admettre de façon générale pour nous aider à établir les conditions sociales et économiques dans lesquelles la loi a été adoptée. Voir Attorney-General for Alberta v. Attorney-General for Canada and Others, [1939] A.C. 117 (l'arrêt Alberta Bank Taxation). La situation que la loi vise à corriger, les circonstances dans lesquelles elle a été adoptée et le cadre institutionnel dans lequel elle doit être appliquée sont tous logiquement pertinents. Voir Letang v. Cooper, [1965] 1 Q.B. 232, à la p. 240 et Pillai v. Mudanayake and Others, [1953] A.C. 514, à la p. 528.

Un renvoi constitutionnel n'est pas un exercice stérile d'interprétation des lois. Il s'agit d'une tentative pour préciser les objectifs généraux et la portée de la constitution, considérée, selon le langage expressif de lord Sankey dans l'arrêt Edwards and Others v. Attorney-General for Canada and Others, [1930] A.C. 124 , comme un "arbre", et y donner effet. Les documents qui sont pertinents aux questions soumises à la cour, qui ne sont pas douteux en soi et qui ne pêchent pas contre l'ordre public devraient être recevables, à la condition que ces documents extrinsèques ne servent pas à l'interprétation des lois.[227]

[26]      Les mêmes propos sont repris par le juge McIntire dans le renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights reversion Act, 1980 (Terre-Neuve).[228]

[27]      Il est admis que la preuve extrinsèque n’est pas réservée aux seuls renvois non plus qu’aux seules affaires constitutionnelles.[229]

[28]      Plusieurs des premiers litiges invoquant la Charte ont été présentés en droit criminel. En matière d’ivressomètre et d’interception de véhicule, dans l’affaire R. c. Seo[230], sept volumes de preuve extrinsèque furent déposés pour justifier les dispositions contestées. Ils contenaient des documents sur l’historique législatif des dispositions dont des extraits du Hansard, des statistiques liant conduite en état d’ébriété et la gravité des accidents, des sondages, des études sur la conduite en état d’ébriété, les recherches, etc.

[29]      La Cour d’appel de l’Ontario a accepté cette preuve.

[30]      Même chose en matière d’avortement dans l’affaire Morgentaler[231]où la Cour suprême réfère à plusieurs études relatives à l’avortement.

[31]      Dans l’affaire Ford c. P. G. Québec[232]sur l’affichage commercial en français au Québec, la Cour suprême souligne :

Les documents annexés au mémoire du procureur général du Québec consistent en des études générales de sociolinguistique et de planification linguistique auxquelles s'ajoutent des articles, des rapports et des statistiques décrivant la situation de la langue française au Québec et au Canada, situation qui aurait inspiré et justifierait la politique de planification linguistique qui se reflète dans la Charte de la langue française ainsi que dans les lois québécoises antérieures visant le même but général.

[...]

Étant donné que les parties paraissent ne pas avoir été prises au dépourvu ni désavantagées d'une manière inéquitable par la production en cette Cour des documents se rapportant à l'article premier et à l'art. 9.1 et qu'en plus, elles s'étaient bien préparées à débattre la valeur de ces documents et l'ont fait, la Cour estime qu'il convient de les considérer comme régulièrement présentés devant la Cour et de les examiner. Il s'agit en fait de documents du même genre que ceux dont la Cour a demandé la production et qu'elle a examinés dans d'autres affaires concernant l'application de l'article premier de la Charte, sans qu'ils aient été soumis à l'épreuve des débats contradictoires. Il s'agit de documents qui sont examinés de la même manière que le sont des traités et des articles dans d'autres contextes judiciaires.

[32]      Dans Irwin Toy c. P. G. Québec[233], sur la publicité destinée aux enfants, la Cour suprême accepte une preuve extrinsèque postérieure à l’adoption de la loi.

Toutefois, pour établir que l'objectif premier demeure urgent et réel, le gouvernement peut certainement et doit même faire appel aux meilleurs éléments de preuve qui existent au moment de l'analyse.

[33]      Dans l’arrêt Danson c. P.G. Ontario[234], le juge Sopinka souligne quant aux faits législatifs :

Ces faits sont de nature plus générale et les conditions de leur recevabilité sont moins sévères.

[34]      Dans le premier débat entre les parties sur la validité de la Loi réglementant les produits du tabac[235], la Cour suprême fait référence à de nombreux documents déposés à titre de preuve extrinsèque :

En passant, je tiens à mentionner le principe bien établi selon lequel un tribunal a le droit, dans le cadre d'une analyse du caractère véritable, de se reporter à une preuve extrinsèque, comme les textes législatifs connexes, les débats parlementaires et la preuve du «mal» que le texte vise à corriger; voir Morgentaler, précité, aux pp. 483 et 484; Renvoi relatif à la Loi anti-inflation, [1976] 2 R.C.S. 373 , à la p. 437; Renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights Reversion Act, [1984] 1 R.C.S. 297 , aux pp. 317 à 319.[236]

[35]      Dans l’affaire Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada[237], la Cour supérieure de Colombie-Britannique, confirmée en appel et en Cour suprême, traite de la preuve extrinsèque en matière d’importation de matériel obscène.

The plaintiffs do not object on the ground of relevancy. The federal Crown contends, correctly in my view, that the material is relevant to show that there is a body of scientific opinion that would provide a reasonable and rational basis for Parliament to conclude that homosexual obscenity causes harm to society. As the issue is not which social science school of opinion should prevail, but only whether there is a rational basis for Parliament to act, the fact that the evidence was not offered viva voce and was not tested by cross-examination is not fatal to its admission. These articles have been published and have therefore added to the known body of social science evidence relating to the links between pornography and harm. They have passed the low threshold of admissibility for such evidence and, like the books and journal articles referred to in Butler, supra, may be considered by the court.

[36]      En résumé, dans les dossiers qui s’y prêtent :

-la preuve extrinsèque est non seulement permise, mais elle est souvent essentielle;

-en examinant les faits législatifs, le tribunal doit prendre en considération le contexte dans lequel la législation a été adoptée;

-la preuve des faits sociaux est plus complexe à apprécier et l’unanimité est rarement au rendez-vous;

-le tribunal se prononce sur le jugement exercé par le législateur et cherche à savoir si la loi contestée a un fondement rationnel;

-sont acceptés, les documents pertinents aux questions soumises qui ne sont pas douteux en soi et que ne pêchent pas contre l’ordre public;

-la partie adverse ne doit pas être prise par surprise;

-le tribunal doit avoir accès aux meilleurs éléments de preuve qui existent au moment de l’analyse;

-chaque cas demeure un cas d’espèce.

Application au présent dossier

[37]      La Loi sur le tabac, le Procureur général l’admet, prive les demanderesses de certains droits dont le moindre n’est certes pas la liberté d’expression garantie par la Charte.

[38]      Le Procureur général, invoquant l’article 1 de la Charte, soumet que les droits des demanderesses peuvent être restreints par une règle de droit adoptée dans des limites raisonnables et dont la justification se démontre dans une société libre et démocratique.

[39]      L’arrêt Oakes[238] a fixé le cadre analytique de l’application de l’article 1 de la Charte. La Cour suprême retient la norme de preuve civile de la prépondérance des probabilités à laquelle l’État doit satisfaire pour justifier une atteinte à une liberté fondamentale. La démonstration doit être rigoureuse.

[40]      Elle retient deux critères pour justifier l’atteinte aux droits. :

1.   identification de l’objet de la législation qui soit suffisamment important pour justifier la suppression d’un droit fondamental

2.   critère de la proportionnalité :

-lien rationnel entre les mesures adoptées et l’objectif en question;

-choix de la mesure la moins susceptible de porter atteinte au droit supprimé;

-proportionnalité entre les effets de la restriction et l’objectif de celle-ci.

[41]      Dans le premier dossier sur le même thème opposant les parties, le juge Le Bel, au nom de la majorité de la Cour d’appel, confirmé en cela par la Cour suprême, dénonce une approche trop restrictive en matière de preuve dans ce genre de dossier :

Une telle approche se méprend sur la nature d'une affaire constitutionnelle comme celle‑ci.  Elle ne s'assimile pas à un simple procès civil.  Nous ne sommes pas placés devant un dossier où un plaideur particulier tenterait, par hypothèse, de démontrer que, dans son cas, sa consommation de tabac et la publicité faite par tel manufacturier dont il consommait les cigarettes, ont causé son cancer du poumon ou son emphysème.  Il s'agit plutôt de déterminer sur quelle base un législateur peut choisir d'agir, dans des perspectives incertaines.[239]

[42]      Le présent dossier oppose deux droits fondamentaux : liberté d’expression et droit à la santé publique et individuelle. Deux domaines où toute forme de manichéisme doit être évitée. Deux domaines où l’on tente « d’établir un équilibre entre des valeurs sociales légitimes mais opposées ».[240]

[43]      Le présent dossier a des ramifications insoupçonnées. Le tabagisme est un phénomène complexe et, il faut le dire puisque la preuve le démontre et les demanderesses l’admettent, il est nuisible à la santé.

[44]      Un large « corps d’opinion » mondial tente de cerner la question et d’y trouver des solutions. De même se pose la question de lien entre la publicité et la consommation de tabac.

[45]      Le tribunal doit prendre connaissance de ce corps d’opinion et il est illusoire de penser le faire selon le processus contradictoire propre aux faits adjudicatifs. Il serait inutile de le faire puisque les deux types de preuve visent des fins différentes.

[46]      Prendre connaissance d’un rapport du Chirurgien général des États-Unis sur l’état du tabagisme chez nos voisins en 1995 est utile à la réflexion du tribunal. Cela ne veut pas dire que le tribunal doive endosser ses conclusions et recommandations, mais simplement qu’il est le reflet d’une connaissance actuelle dans un pays industrialisé et que le législateur canadien en a pris connaissance avant d’adopter la loi.

[47]      Il est inutile dans ce cas précis d’assigner et de contre-interroger le Chirurgien général. Cette preuve est un exemple de preuve extrinsèque.

 

*     *     *     *     *

 

[48]      Les demanderesses reconnaissent l’à-propos de la plupart des énoncés que le tribunal vient de formuler. C’est pourquoi elles acceptent la production de la majorité des documents que le Procureur général veut déposer en preuve extrinsèque. Elles ont plus de réserve pour ceux présentés par l’intervenante.

[49]      La contestation des demanderesses s’articule autour des éléments suivants :

-certains documents soumis par le Procureur général n’étaient pas annoncés dans la règle 15;

-le Procureur général veut bonifier sa preuve au moyen de la preuve extrinsèque faute d’avoir pu le faire par la preuve normale sur les faits adjudicatifs;

-la Cour suprême a récemment condamné la tentative de permettre la preuve de matériel controversé sous le parapluie de la preuve extrinsèque dans l’arrêt PSBAA c. Alberta.[241]

-la règle demeure celle de la preuve contradictoire, la preuve extrinsèque est l’exception;

-la Cour supérieure est maître de décider de l’admissibilité de la preuve extrinsèque et de la valeur probante de chaque document;

-un document admis comme preuve extrinsèque ne fait pas preuve de son contenu et est admissible seulement pour démontrer l’objet et le contexte social entourant l’adoption de la loi;

-le Procureur général doit identifier clairement la nature du document qu’il dépose et la conclusion qu’il demande au tribunal de tirer;

-chaque cas est cas d’espèce;

-le Procureur général et l’intervenante ont déposé 750 documents en preuve extrinsèque ce qui impose au tribunal une « tâche d’analyse herculéenne » alors qu’il a déjà démontré une sérénité et une patience exemplaires (ce qui est admis des parties);

-les demanderesses consentent à ce que le tribunal « prenne connaissance d’un contexte global auquel le législateur faisait face lorsqu’il a adopté la mesure sous étude et postérieurement » (plan de plaidoirie 24 avril 2002).

 

*     *     *     *     *

 

[50]      L’argumentation des demanderesses n’est pas sans mérite, mais dans l’ensemble n’est pas en nette contradiction avec les principes énoncés par le tribunal.

[51]      La plupart des documents que le Procureur général veut déposer en preuve extrinsèque ont été annoncés depuis longtemps et ne prennent pas les demanderesses par surprise.

[52]      La Cour tient à souligner d’une part, que dans un dossier comme celui-ci où un débat de société est évident, une approche souple et libérale de la réception de la preuve extrinsèque est de mise. Particulièrement à ce stade des procédures où les plaidoiries seront entendues le mois prochain.

[53]      Il sera plus facile d’élaguer à larges pans après les plaidoiries dans le jugement final. Mieux vaut en avoir plus et d’écarter que de réouvrir l’enquête.

[54]      Ce qui amène la Cour à l’arrêt PSBAA c. Alberta (P.G.)[242] où le juge Binnie, siégeant seul rejette une requête pour production de nouveaux éléments de preuve présentée à la Cour suprême. Traitant de ce que les demanderesses nomment « parapluie de la preuve extrinsèque », le juge Binnie souligne :

Un fait législatif est habituellement admis au moyen de la connaissance d’office, qui exige que les « faits » soient à ce point notoires ou exempts de controverse qu’il ne soit pas nécessaire d’en faire la preuve. Un fait législatif peut également être présenté par un témoin. Cependant, on ne peut, sous le couvert d’un « fait législatif », saisir le tribunal d’un élément de preuve controversé, au détriment de la partie adverse, sans permettre convenablement à cette dernière d’en contester la véracité. En l’espèce, la PSBAA tente de produire des éléments apparemment controversés sans recourir à un témoin averti. Elle a produit à l’appui un affidavit faisant état de « la connaissance et la croyance » d’un membre du Board of Trustees of the Edmonton School District No. 7, qui énumère essentiellement les différentes catégories de la preuve nouvelle à partir de renseignements fournis par l’un des avocats de la partie appelante. L’auteur de l’affidavit ne fait pas mention de compétences ou de connaissances personnelles pertinentes.[243]

[55]      Au-delà du débat soulevé par les parties de savoir si ce jugement lie la Cour suprême, la Cour ne voit rien dans cet arrêt qui contredit les principes énoncés plus avant.

[56]      C’est justement pour éviter une telle requête que la Cour, dans un premier temps, préfère avoir plus de sources d’information que de devoir en rechercher d’autres d’elle-même.

[57]      Le juge Binnie, tout en soulignant que cette nouvelle requête est le fruit de la plus récente escarmouche entre les parties en matière de preuve nouvelle ne permet pas que sous le couvert du concept de fait législatif on tente de déposer un élément de preuve controversé sans donner à l’autre partie la possibilité d’en contester la véracité.

[58]      Que les demanderesses se rassurent, la Cour ne permettra pas au Procureur général de le faire.

[59]      Encore une fois, la Cour acceptera à titre de preuve extrinsèque d’une part les faits notoires et exempts de controverse et d’autre part, les documents pertinents au litige qui ne sont pas douteux en soi (not inherently unreliable) et qui ne pêchent pas contre l’ordre public.

[60]      Il n’en reste pas moins que dans toute la jurisprudence citée au chapitre du droit, les idées avancées dans la preuve extrinsèque acceptée par les tribunaux étaient controversées et faisaient l’objet de débat.

[61]      Ces documents qui font partie d’un large corps d’opinion mondial ne font pas preuve de leur contenu, ils expriment le débat.

[62]      La Cour ne partage pas le point de vue des demanderesses à l’effet que la preuve des faits adjudicatifs est la règle et celle des faits législatifs est l’exception. Ce sont deux règles parallèles soumises à des exigences différentes.

 

*     *     *     *     *

 

[63]      Une fois les questions de droit déterminées, les demanderesses ont raison de s’étonner de l’ampleur de la preuve extrinsèque soumise.

[64]      Le président du tribunal n’est pas Hercule, loin s’en faut, et il le regrette.

[65]      Il s’est écoulé moins d’une semaine entre la plaidoirie de la présente requête et l’obligation de rendre jugement pour la suite des choses.

[66]      Évidemment, la Cour n’a pu prendre connaissance en profondeur de la preuve soumise. Comme chaque cas est un cas d’espèce et chaque dossier unique, l’appréciation de la preuve extrinsèque devra se faire en deux temps.

[67]      Dans un premier temps, la Cour recevra certains documents à titre de preuve extrinsèque et permettra aux parties de plaider sur ces éléments.

[68]      Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont pertinents au débat et que la Cour devra nécessairement les retenir en preuve.

[69]      Le juge en chef Lamer dans R. c. Morgentaler[244]

Cependant, comme c’est souvent le cas en matière d’interprétation, la simple lecture des dispositions législatives ne dit pas tout. Pour comprendre la nature et la portée véritables de l’art. 251, il est nécessaire d’examiner l’application pratique des dispositions. La Cour a reçu une myriade de mémoires sur les faits à cet égard. L’une des sources d’information les plus utiles est le rapport Badgley.

[70]      Comme on le voit dans cette affaire, la Cour suprême retient un document parmi une myriade de mémoires. Seul le jugement final de la Cour permet de départager le bon grain de l’ivraie.

 

*     *     *     *     *

 

Les documents

a)         Le Procureur général

[71]      Le Procureur général propose de déposer à titre de preuve extrinsèque les documents 1 à 211.

[72]      Dans une lettre du 19 avril 2002, Me Gregory Bordan, au nom des demanderesses, accepte que la majorité de ces documents soient reçus soit à titre de preuve extrinsèque ou comme pièces au dossier.[245]

[73]      Me Bordan nuance son acceptation pour des motifs qui tiennent de la plaidoirie sur la pertinence des documents. Le jugement final en disposera.

[74]      Certains documents sont anecdotiques, d’autres difficilement compréhensibles ou inutiles. Les parties ont plaidé et il est impossible de porter un jugement détaillé sur chacun mais ils seront écartés.

[75]      D’autres, émanant d’organismes reconnus mondialement, seront reçus même au stade de projet. S’ils ne sont pas pertinents au débat, ils seront écartés au jugement final.

[76]      En conséquence, la Cour reçoit à titre de preuve extrinsèque (ou comme pièces selon l’accord entre les parties), sous réserve des mises en garde précitées tous les documents soumis par le Procureur général portant les numéros 1 à 211 à l’exception des documents portant les numéros 1, 16, 24, 26, 27, 28, 36, 46, 48, 118, 119, 127, 167 et 172.

[77]      Il est évident que les demanderesses pourront aussi déposer d’ici le 10 mai 2002 à 17 h tout document de preuve extrinsèque qu’elles jugeront utiles au tribunal.

[78]      S’il y a lieu, la Cour tranchera tout débat sur leur recevabilité en preuve.

 

b)         La Société canadienne du cancer

[79]      Différents organismes ou personnes ont souhaité intervenir au débat et la juge Danielle Grenier dans un jugement du 28 août 1997 n’a retenu que la Société canadienne du cancer. Elle s’explique :

Elle (la Société canadienne du cancer) a subventionné de nombreuses recherches visant à établir et prouver l’existence d’un lien entre la publicité et la consommation du tabac. (p. 14)

[...]

L’intervention de la Société canadienne du cancer devra être circonscrite et limitée [...]. Elle devra donc restreindre le champ de son intervention à la question de savoir si les dispositions contestées de la Loi sur le tabac relatives à la publicité constituent des violations au droit à la liberté d’expression qui peuvent être justifiées à la lumière de l’article 1 de la Charte. Elle n’est pas autorisée à faire valoir son point de vue sur les autres questions en litige. (pp. 15‑16)

[80]      La Société canadienne du cancer propose à titre de preuve extrinsèque les documents 212 à 274.

[81]      Le document 273 comporte lui-même 165 documents et le 274 compte 208 documents.

[82]      Les demanderesses sont inquiètes devant un tel débordement. La Cour partage cette inquiétude. Le jugement de la juge Grenier n’est pas une simple suggestion, mais une ordonnance que la Cour partage si besoin en était.

[83]      La Société canadienne du cancer devait faire entendre trois experts qui n’ont pas été entendus.

[84]      On ne peut suppléer par preuve extrinsèque une preuve intrinsèque qui peut être utile au tribunal.

[85]      Ces chose étant dites, il est évident que la Cour n’a pu lire en profondeur les 400 ou 500 documents soumis.

[86]      La Cour a retenu l’intervention pour que la Société canadienne du cancer, par son expertise, établisse un lien entre la publicité et la consommation du tabac.

[87]      L’intervenante n’a pas présenté de preuve. C’est donc qu’elle juge la preuve présentée par les autres parties suffisante.

[88]      Les documents présentés en preuve extrinsèque ne font pas preuve de leur contenu, ils ne visent, la procureure de l’intervenante l’affirme, qu’à établir le contexte social mondial dans lequel les parlementaires canadiens ont adopté la loi contestée.

[89]      La Cour prend acte de ce que les demanderesses acceptent la production des documents 216 à 226, 239 à 244 et 272.

[90]      La Cour refuse de recevoir les documents 213, 214, 230, 234, 236, 250.

[91]      Quant aux documents 273 et 274, ils font craindre à la Cour que le dossier ne devienne un entrepôt.

[92]      Tout ce qui est communiqués de presse, discours, jurisprudence et autres opinions juridiques n’y ont pas leur place.

[93]      Certains documents peuvent être utiles pour démontrer un corps d’opinion mondial, mais ils ne peuvent faire preuve de leur contenu.

[94]      De même, plusieurs articles scientifiques sont le fait des trois experts que la Société canadienne du cancer a décidé de ne pas faire entendre. Ces articles ne sauraient devenir des expertises auxquelles l’intervenante a renoncé.

[95]      Pour l’heure, il est impossible de départager l’anecdote de ce qui sera utile à la Cour.

[96]      La Cour recevra en conséquence les documents 273 et 274 étant entendu qu’à moins d’y référer spécifiquement en plaidoirie, ils seront écartés de la réflexion finale.

[97]      PAR CES MOTIFS, LA COUR :

[98]      ACCUEILLE en partie la requête pour production d’une preuve extrinsèque.

[99]      REÇOIT à titre de preuve extrinsèque les documents 1 à 274 à l’exception des documents portant les numéros 1, 16, 24, 26, 27, 28, 36, 46, 48, 118, 119, 127, 167, 172, 213, 214, 230, 234, 236 et 250.

[100]    PERMET aux demanderesses de déposer d’ici le 10 mai 2002 à 17 h leur propre preuve extrinsèque en réponse à la preuve soumise par le Procureur général et l’intervenante sous réserve des objections de ces dernières qui seront décidées par la Cour.

[101]    SANS FRAIS.

 

 

 

ANDRÉ DENIS, J.C.S.


 


Me Doug Mitchell

Me Catherine McKenzie

IRVING, MITCHELL & ASSOCIÉS

Me Georges Thibaudeau

BORDEN, LADNER, GERVAIS

Avocats de la demanderesse

J.T.I. MACDONALD CORPORATION

 

Me Gérald Tremblay

Me Marc-André Blanchard

Me Chantal Masse

Me Yan Paquette

McCARTHY, TÉTRAULT

Avocats de la demanderesse

ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

 

Me Marc Prévost

Me Simon Potter

Me Gregory Bordan

Me Sophie Perreault

OGILVY, RENAULT

Avocats de la demanderesse

IMPERIAL TOBACCO

 

Me Claude Joyal

Me Marie Marmet

Me Marc Ribeiro

CÔTÉ, MARCOUX & JOYAL

Me Guy Gilbert

Me Maurice Régnier

Me Jean Leclerc

Me Sophie Truesdell-Ménard

GILBERT, SIMARD, TREMBLAY

Avocats de la défenderesse

 

Me Julie Desrosiers

Me Christian Trépanier

MARTINEAU, WALKER

Me Rob Cunningham

Avocats de l’intervenante

 

 

 

 


ANNEXE 4
MISES EN GARDE DE SANTÉ CANADA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



SUPERIOR

JD 1648

 
COURT

 

CANADA

PROVINCE OF QUEBEC

DISTRICT OF

MONTREAL

 

N°:

500-05-031299-975
500-05-031306-978
500-05-031332-974

DATE:

DECEMBER 13, 2002

______________________________________________________________________

 

THE HONOURABLE

ANDRÉ DENIS, J.S.C.,

PRESIDING

______________________________________________________________________

 

500-05-031299-975

J.T.I. MACDONALD CORPORATION

Plaintiff

v.

THE ATTORNEY GENERAL OF CANADA

Defendant

and

THE CANADIAN CANCER SOCIETY

Intervener

 

500-05-031306-978

ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

Plaintiff

v.

THE ATTORNEY GENERAL OF CANADA

Defendant

and

THE CANADIAN CANCER SOCIETY

Intervener

 

500-05-031332-974

IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITED

Plaintiff

v.

THE ATTORNEY GENERAL OF CANADA

Defendant

and

THE CANADIAN CANCER SOCIETY

Intervener

TABLE OF CONTENTS

 

FOREWORD.. 205

pARTIES’ PLEADINGS AND ARGUMENTS. 206

THE SUPREME COURT.. 209

THE ACT.. 211

extrinsIC EVIDENCE.. 215

THE LAW... 217

Section 1 of the Charter (the oakes test)217

The Teachings of the Supreme Court. 220

Conclusions of law.. 220

Conclusions of fact221

Admissions. 225

Objections. 226

The Facts. 229

DISCUSSION... 230

Comments on the evidence.. 230

Rafe S. Engle. 230

Dr. Adrian Wilkinson. 230

Michael Waterson. 230

Ed Ricard. 230

Dr. Roderick Pakenham Power. 231

Dr. Leonard Ritter. 231

Yves-Marie Morissette. 232

Dr. Nancy-Michelle Robitaille. 232

Dr. André Castonguay. 234

Larry Swain. 235

Judy Ferguson. 236

Dr. Ronald M. Davis. 236

Dr. Richard Pollay. 237

Freedom of expression.. 241

Contextual analysis. 241

Legal challenges to the Act. 244

The Oakes test. 244

Pressing and substantial objective. 244

Proportionality. 245

(i)     Rational connection. 245

(ii)    Minimal impairment245

(iii)   Proportionality. 246

Permitted and prohibited advertising   (sections 19 and 22)246

Rational connection. 247

Minimal impairment248

Proportionality. 249

Sponsorship   (ss. 24 and 25)250

Rational connection. 253

Minimal impairment253

Proportionality. 254

Non-tobacco products ....................................................................... (ss. 27 and 28)254

Rational connection. 254

Minimal impairment256

Proportionality. 256

False promotion ....................................................................................................... (s. 20)256

Celebrities    (s. 21)256

Retail display of products ................................................................................. (s. 30)257

Communication media ........................................................................................... (s. 31)257

Promotion    (s. 18)258

Publication of a conviction ........................................................................ (s. 59(c))259

Section 7 of the Charter.. 261

a) Legal entities. 261

b) Infringement on the right to life, liberty and security of the person. 261

c) Vagueness of the legislation. 261

d) False promotion. 262

e) Appealing to young persons. 262

f) “Lifestyle” advertising. 263

g) Overbreadth of sections 58 and 59(f)264

h) Due diligence defence. 265

Section 8 of the charter.. 266

a) Due diligence defence. 266

b) Burden of proof270

c) The Hunter test271

d) Inspection regime under the Act273

presumption of innocence.. 275

Extra-territoriality       (s. 31(3))277

Tobacco Products Information Regulations. 279

Legal challenges. 279

a) Legality of the Regulations. 279

b) Illegal expropriation. 280

c) Freedom of expression. 280

Justification under section 1 of the Charter.. 282

a) Pressing and substantial objective. 282

b) Proportionality. 284

(i)     Rational connection. 284

(ii)    Minimal impairment285

(iii)   Proportionality. 286

Tobacco reporting regulations. 287

Legal challenges. 287

a) Division of powers. 287

b) Section 8 of the Charter. 288

c) Section 2(b) of the Charter. 289

d) Legality. 289

CONCLUSIONS. 291

acknowledgements. 294

APPENDIX 1 - SUMMARY OF THE TESTIMONY.. 296

APPENDIX 2 - sections of the T.P.C.A.365

APPENDIX 3 - INTERIM DECISION ON THE USE OF EXTRINSIC EVIDENCE.. 369

APPENDIX 4 - HEALTH CANADA WARNINGS. 388

APPENDIX 5 - BRAZILIAN WARNINGS. 391

                                                                                                                                                           


 

 

______________________________________________________________________

 

JUDGMENT

(TRANSLATION FROM THE ORIGINAL)

______________________________________________________________________

 

FOREWORD

[1]    In 1988, the Parliament of Canada passed the Tobacco Products Control Act (T.P.C.A.).

[2]    In 1991, Canada’s tobacco companies successfully challenged the legality of the Act before the Superior Court.[246]

[3]    In a split decision, the Court of Appeal[247] overturned the Superior Court’s ruling in 1993.

[4]    In 1995, the Supreme Court of Canada,[248] in a split decision, set aside the Court of Appeal’s ruling and declared the Act unconstitutional.

[5]    In 1997, the Parliament of Canada passed the Tobacco Act (the Act), which was once again challenged by the tobacco companies.

[6]    In the first debate, a total of thirteen judges, from the court of first instance through to the Supreme Court, ruled on the matter. Although it would be oversimplifying the issue to say so, essentially, seven judges found the T.P.C.A. invalid, while six considered it valid.

[7]    The subject is clearly a sensitive one and difficult to deal with. The debate pits two fundamental values against each other: freedom of expression versus the protection of public health.

[8]    The opinions of the various judges who have had the opportunity to rule on this issue reflect the passions and diversity of public opinion with regard to some of the most fundamental values of society.

[9]    Nothing could be more intellectually satisfying than reading the opinions of 13 men and women who have already pondered this question. Their opinions are the expression of the richness of a society that prefers calm, dispassionate reflection when debating rules of law.

[10]            It also becomes clear that nothing could inspire greater humility than, with the passage of time and changes in attitudes, being handed the opportunity to add a fourteenth opinion.

[11]            The official version of this judgment was prepared in French. As this is an issue that concerns all Canadians, out of respect for those who speak the country’s other official language, the Court wanted to publish an English translation of its decision at the same time.

[12]            The Attorney General might wish to consider the possibility of having exceptional cases of national interest translated into the other official language as required. A trial judge’s duties are arduous enough as it is.

pARTIES’ PLEADINGS AND ARGUMENTS

[13]            The three plaintiffs (the tobacco companies) manufacture nearly all cigarettes sold in Canada.

[14]            In three separate actions, they are challenging the Tobacco Act[249], enacted by the Parliament of Canada on April 25, 1997. The three actions were joined in a consolidated hearing.[250]

[15]            The tobacco companies ask that the Court declare the Tobacco Act and two regulations adopted thereunder unconstitutional under the Canadian Charter of Rights and Freedoms[251](the Charter).

[16]            The plaintiffs argue that they manufacture a product that is legal for sale in Canada, are locked in stiff competition with each other and with foreign companies and are only asking for the right to conduct legitimate competitive advertising.

[17]            They argue the Act violates their freedom of expression provided under section 2(b) of the Charter and other rights guaranteed under sections 7, 8 and 11.

[18]            Furthermore, they argue the Act goes against the Supreme Court’s 1995 decision on the subject.

[19]            According to the tobacco companies, a close reading of the Act reveals that it prescribes what is tantamount to a total or near-total ban on tobacco advertising.

[20]            They claim the Tobacco Products Information Regulations constitute an illegal expropriation of cigarette packaging.

[21]            They also argue that the Tobacco Reporting Regulations are ultra vires the federal Parliament, as the reports on costs and expenses required by the Regulations constitute a never-ending search in violation of section 8 of the Charter, and the provinces, not the federal government, have exclusive legislative jurisdiction with respect to the penalties.

 

*     *     *     *     *

 

[22]            The Attorney General of Canada argues that tobacco is a highly addictive drug that kills one in every two smokers.

[23]            Six million Canadians smoke on a daily basis, and 80% of them started smoking before the age of 18. Most smokers who try to quit find that they are unable to do so.

[24]            Forty-five thousand smokers die each year from the effects of smoking.

[25]            The plaintiffs are aware of tobacco’s deleterious effects and have knowingly hidden them from consumers. The industry needs young smokers to survive.

[26]            The Act is part of a larger strategy to fight tobacco use on all fronts.

[27]            The Act is the product of a dialogue between the Supreme Court and Parliament that has been ongoing since the Court’s 1995 decision on the subject and is in keeping with the provisions of the decision.

[28]            The Act does not violate the Charter, and Parliament acted within its jurisdiction in passing the Act.

 

*     *     *     *     *

 

[29]            The intervener, the Canadian Cancer Society, submits that this case has raised a debate throughout society, a debate that compels it to intervene in defence of Canadians’ health.

[30]            Tobacco consumption has dropped considerably in Canada and is currently at its lowest levels since the 1930s. Parliament’s strategies with respect to tobacco advertising are likely a factor contributing to this decreased consumption.

[31]            Contrary to the tobacco companies’ claims, the Act does not constitute a total ban on all tobacco advertising, and Parliament could have gone much further by following the example of a number of other countries where anti-tobacco legislation is even more restrictive. 

[32]            The intervener argues that there is a substantial link between advertising and tobacco consumption.

[33]            The Act complies with the reservations and comments expressed by the Supreme Court in 1995.

[34]            The World Health Organization recommends a total ban on tobacco sponsorships.


 

THE SUPREME COURT

[35]            In 1995, the Supreme Court of Canada ruled on the constitutionality of the Tobacco Products Control Act[252] (T.P.C.A.).

[36]            Two constitutional questions, stated by Chief Justice Lamer on November 4, 1993, were before the Court:

1.   Is the Tobacco Products Control Act, S.C. 1988, c. 20, wholly or in part within the legislative competence of the Parliament of Canada as being a law enacted for the peace, order and good government of Canada pursuant to s. 91 of the Constitution Act, 1867; as being enacted pursuant to the criminal law power in s. 91(27) thereof; or otherwise?

 

2.   Is the Tobacco Products Control Act wholly or in part inconsistent with the right of freedom of expression as set out in s. 2(b) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms and, if so, does it constitute a reasonable limit on that right as can be demonstrably justified pursuant to s. 1 thereof?[253]

[37]            In regard to the first question, a majority of the Court held that the T.P.C.A. was enacted pursuant to Parliament’s power to legislate in matters of criminal law within the meaning of section 91(27) of the Constitution Act, 1867.

[38]            When considering whether a law falls within the ambit of section 91(27), we must identify its purpose. This purpose can be found by identifying the evil or injurious or undesirable effect that the law is supposed to combat. The creation of prohibitions accompanied by penal sanctions can be taken as an indication that the Act in question lies within Parliament’s criminal law power.

[39]            The purpose of the T.P.C.A. is to prohibit the advertising of tobacco products (ss. 4 and 5), the promotion of tobacco products (ss. 6 to 8) and the promotion of tobacco products whose packaging does not include the prescribed warnings (s. 9).

[40]            The Court concluded that Parliament could validly use its criminal law power to both prohibit tobacco product manufacturers from encouraging the Canadian public to consume those products and inform consumers about tobacco’s harmful effects.

[41]            Accordingly, the Court did not find it necessary to address whether the Act fell under Parliament’s power to legislate in matters respecting peace, order and good government.

 

*     *     *     *     *

 

[42]            With regard to the second question, the Court held that, as the Attorney General conceded, the Act’s ban on tobacco product advertising and promotion violated the right to freedom of expression under section 2(b) of the Charter.

[43]            The Court determined that sections 4, 8 and 9 of the T.P.C.A. constituted infringements of the freedom of expression that could not be justified in a free and democratic society. As these sections could not be severed cleanly from sections 5 and 6, all of them were declared of no force or effect pursuant to section 52 of the Constitution Act, 1867.

[44]            The sections of the T.P.C.A. relevant to the understanding of the Supreme Court’s decision can be found in Appendix 2.


 

THE ACT

[45]            The Tobacco Act was enacted by the Parliament of Canada on April 25, 1997. The sections at issue are as follows.

[46]            The purpose of the Act is described in section 4:

4. The purpose of this Act is to provide a legislative response to a national public health problem of substantial and pressing concern and, in particular,

a) to protect the health of Canadians in light of conclusive evidence implicating tobacco use in the incidence of numerous debilitating and fatal diseases;

b) to protect young persons and others from inducements to use tobacco products and the consequent dependence on them;

c) to protect the health of young persons by restricting access to tobacco products; and

d) to enhance public awareness of the health hazards of using tobacco products.

[47]            Part I of the Act sets out regulatory standards.

[48]            Part II deals with access to tobacco products.

[49]            Part III deals with labelling.

[50]            Part IV deals with promotion:

19. No person shall promote a tobacco product or a tobacco product-related brand element except as authorized by this Act or the regulations.

20. No person shall promote a tobacco product by any means, including by means of the packaging, that are false, misleading or deceptive or that are likely to create an erroneous impression about the characteristics, health effects or health hazards of the tobacco product or its emissions.

21. (1) No person shall promote a tobacco product by means of a testimonial or an endorsement, however displayed or communicated.

(2) For the purposes of subsection (1), the depiction of a person, character or animal, whether real or fictional, is considered to be a testimonial for, or an endorsement of, the product.

(3) This section does not apply to a trade-mark that appeared on a tobacco product for sale in Canada on December 2, 1996.

22. (1) Subject to this section, no person shall promote a tobacco product by means of an advertisement that depicts, in whole or in part, a tobacco product, its package or a brand element of one or that evokes a tobacco product or a brand element.

(2) Subject to the regulations, a person may advertise a tobacco product by means of information advertising or brand-preference advertising that is in

a) a publication that is provided by mail and addressed to an adult who is identified by name;

b) a publication that has an adult readership of not less than eighty-five per cent; or

c) signs in a place where young persons are not permitted by law.

(3) Subsection (2) does not apply to lifestyle advertising or advertising that could be construed on reasonable grounds to be appealing to young persons.

(4) The definitions in this subsection apply in this section.

“brand-preference advertising" means advertising that promotes a tobacco product by means of its brand characteristics.

"information advertising" means advertising that provides factual information to the consumer about

(a) a product and its characteristics; or

(b) the availability or price of a product or brand of product.

"lifestyle advertising" means advertising that associates a product with, or evokes a positive or negative emotion about or image of, a way of life such as one that includes glamour, recreation, excitement, vitality, risk or daring.

23. No person shall package a tobacco product in a manner that is contrary to this Act or the regulations.

24. (1) Subject to the regulations and subsections (2) and (3), a person may display a tobacco product-related brand element in a promotion that is used in the sponsorship of a person, entity, event, activity or permanent facility if the person, entity, event, activity or facility

(a) is associated with young persons or could be construed on reasonable grounds to be appealing to young persons or if young persons are its primary beneficiaries; or

(b) is associated with a way of life such as one that includes glamour, recreation, excitement, vitality, risk or daring.

(2) A person may display a tobacco product-related brand element only within the bottom ten per cent of the display surface of any promotional material.

(3) A person may use promotional material that conforms with subsection (2) and that displays tobacco product-related brand elements

(a) in a publication that is provided by mail and addressed to an adult who is identified by name;

(b) in a publication that has an adult readership of not less than eighty-five per cent;

(c) in signs or programs available on the site of the event, activity or permanent facility; or

(d) in signs in a place where young persons are not permitted by law.

(4) Where the criteria described in paragraphs (1)(a) and (b) do not apply to a sponsorship, a person may, subject to the regulations, use a tobacco product-related brand element in the promotion of the sponsorship.

25. No person may display a tobacco product-related brand element or the name of a tobacco manufacturer on a permanent facility, as part of the name of the facility or otherwise, if the tobacco product-related brand element or name is thereby associated with a sports or cultural event or activity.

1997, c. 13, s. 25; 1998, c. 38, s. 2.

[51]            Section 32 concerns information that manufacturers must provide:

32. Every manufacturer shall provide the Minister, in the prescribed manner and within the prescribed time, with the prescribed information about any promotion under this Part.

[52]            Section 33 allows the Governor in Council to pass regulations.

[53]            Part V concerns enforcement, and section 39 states:

39. (1) During an inspection under this Act, an inspector may seize any tobacco product or other thing by means of which or in relation to which the inspector believes on reasonable grounds that this Act has been contravened.

(2) The inspector may direct that any tobacco product or thing seized be kept or stored in the place where it was seized or that it be removed to another place.

(3) Unless authorized by an inspector, no person shall remove, alter or interfere in any way with any tobacco product or other thing seized.

[54]            Part VI concerns offences and punishment.

[55]            Part VII concerns agreements that may be entered into.

 

*     *     *     *     *

 

[56]            The Regulations Amending the Tobacco Products Information Regulations of April 7, 2001, mandate the use of Health Canada warnings.

[57]            The Tobacco Reporting Regulations require tobacco companies to provide Health Canada with certain information.

 

*     *     *     *     *

 

[58]            The plaintiffs submit that the Act violates sections 2(b), 7, 8 and 11 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms:

2. Everyone has the following fundamental freedoms:

[…]

b) freedom of thought, belief, opinion and expression,

[…]

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

8. Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

[…]

11. Any person charged with an offence has the right

[…]

c) not to be compelled to be a witness in proceedings against that person in respect of the offence;

d) to be presumed innocent until proven guilty according to law in a fair and public hearing by an independent and impartial tribunal;


 

extrinsIC EVIDENCE

[59]            All three parties, but especially the Attorney General and the Canadian Cancer Society, submitted an impressive volume of extrinsic evidence.

[60]            The plaintiffs, while consenting to the introduction of this evidence, nevertheless contest the relevance of a certain portion of it. The parties do not agree on the scope to be given to the extrinsic evidence.

[61]            It should be pointed out that the case law is relatively silent on the rules for admitting extrinsic evidence. Thus, the Court rendered an interim decision on the issue, which can be found attached to this judgment as Appendix 3. The principles upheld therein are still valid and applicable to the judgment at hand.

[62]            To sum up, in cases that lend themselves to the use of extrinsic evidence:

a)     extrinsic evidence is not only permissible, but often essential;

b)     when examining legislative facts, the court must take into account the context in which the legislation was enacted;

c)      evidence of social facts is complicated to assess, and consensus is rarely reached;

d)     the court rules on Parliament’s judgment and tries to determine if the contested act has a rational basis;

e)     any document relevant to the questions at hand can be accepted, provided it is not inherently unreliable or contrary to public order;

f)        the opposing party must not be taken by surprise;

g)     the court must have access to the best evidence available at the time;

h)      each case must be considered on its own merits.

[63]            In the case at hand, two fundamental rights are pitted against each other: freedom of expression and the right to public and individual health. Here, we are faced with two areas of the law where great care must be taken to avoid oversimplification and to “strike a balance between the claims of legitimate but competing social values.”[254]

[64]            This debate could have unforeseen consequences. Smoking is a complex phenomenon, and it there is no denying that, as both the evidence shows and the plaintiffs admit, smoking is hazardous to the health.

[65]            A vast international “body of opinion” seeks to address the issue and find solutions to it. As well, there is the question of the link between advertising and tobacco consumption.

[66]            The courts must take this body of opinion into consideration, and we would be misguided to think we could do so through the adversarial process used to assess judicial facts. It would be a pointless exercise, as the two types of evidence serve different purposes.

[67]            The Court has found U.S. Surgeon General’s 1995 report on smoking in that country to be useful in its deliberations. This does not mean that the Court should endorse its conclusions and recommendations; rather, it serves simply as a reflection of an industrialized country’s current knowledge that the Parliament of Canada has taken into consideration before passing the Act.

[68]            In the case at hand, it would be pointless to summon and cross-examine the Surgeon General. This evidence is an example of extrinsic evidence.

[69]            The Court will accept as extrinsic evidence both generally known and undisputed facts and documents relevant to the case that are neither inherently unreliable nor contrary to public order.

[70]            Be that as it may, the documents submitted as extrinsic evidence must have, at the very least, been explained by witnesses or pleaded by the parties in their arguments.

[71]            The Court record is not intended to serve as a vast repository of the sum of human knowledge on a particular subject, to be kept on the off chance that this Court or the courts of appeal might at some time wish to leaf through it.

[72]            Extrinsic evidence cannot take the place of intrinsic evidence that is available and essential to the question in dispute.


THE LAW

Section 1 of the Charter
(the
oakes test)

[73]            Section 1 of the Charter states:

1. The Canadian Charter of Rights and Freedoms guarantees the rights and freedoms set out in it subject only to such reasonable limits prescribed by law as can be demonstrably justified in a free and democratic society.

[74]            R. v. Oakes sets out the analytical framework for applying section 1 of the Charter. First, Dickson J. held that Parliament would have to meet the civil standard of proof—proof by a preponderance of probability—to justify the infringement of a fundamental freedom:

The standard of proof under s. 1 is the civil standard, namely, proof by a preponderance of probability. The alternative criminal standard, proof beyond a reasonable doubt, would, in my view, be unduly onerous on the party seeking to limit. Concepts such as "reasonableness", "justifiability" and "free and democratic society" are simply not amenable to such a standard. Nevertheless, the preponderance of probability test must be applied rigorously. Indeed, the phrase "demonstrably justified" in s. 1 of the Charter supports this conclusion.[255]

[75]            Second, the Supreme Court established two criteria that would justify the infringement of a fundamental right in a free and democratic society:

a)     Parliament’s objective must be sufficiently important to justify limiting a fundamental right (recent case law speaks of the need for a “pressing and substantial” objective[256]);

b)     the means to this end must be proportional to the objective (the proportionality test). This test has three components:

the means must be rationally connected to the objective;

the means must impair the right or freedom as little as possible;

the deleterious effects of the means must be proportional to their salutary ones.[257]

[76]            The Charter was enacted in a context specific to Canadian society of the time, not in a social or cultural vacuum.

[77]            Interpretation of the Charter requires that it “be placed in its proper linguistic, philosophic and historical contexts.”[258]

[78]            More recently, Bastarache J., writing on behalf of a majority of the Court, stated:

The analysis under s. 1 of the Charter must be undertaken with a close attention to context. This is inevitable, as the test devised in R. v. Oakes, [1986] 1 S.C.R. 103 , requires a court to establish the objective of the impugned provision, which can only be accomplished by canvassing the nature of the social problem which it addresses. Similarly, the proportionality of the means used to fulfil the pressing and substantial objective can only be evaluated through a close attention to detail and factual setting. In essence, context is the indispensable handmaiden to the proper characterization of the objective of the impugned provision, to determining whether that objective is justified and to weighing whether the means used are sufficiently closely related to the valid objective so as to justify an infringement of a Charter right.[259]

[79]            Even more recently, in Sharpe, McLachlin C.J. wrote:

While the Crown concedes that s. 163.1(4) limits freedom of expression, this does not eliminate the need to consider the nature and scope of the infringement in determining whether or not it is justified. Until we know what the law catches, we cannot say whether it catches too much. This Court has consistently approached claims of overbreadth on this basis. It is not enough to accept the allegations of the parties as to what the law prohibits. The law must be construed, and interpretations that may minimize the alleged overbreadth must be explored: see Keegstra, supra, Butler, supra, and Mills, supra. So we must begin by asking what s. 163.1(4) truly catches as distinguished from some of the broader interpretations alleged by the respondent and some of the interveners in support. The interpretation of the section is a necessary pre-condition to the determination of constitutionality, although it is understood, of course, that courts in future cases may refine the analysis in light of the facts and considerations that emerge with experience.[260]

[…] If a legislative provision can be read both in a way that is constitutional and in a way that is not, the former reading should be adopted […].[261]

[80]            In the same case, L’Heureux-Dubé J. wrote:

In keeping with the underlying purpose of s. 1 and the democratic values which it seeks to encourage, this Court has eschewed a formalistic and rigid application of the framework set out in Oakes in favour of a principled and contextual approach. As Wilson J. recognized in Edmonton Journal, supra, at pp.1355-56, a particular right or freedom may have a different value depending on the legislative context. An examination of the factual and social context in which an infringement of that right occurs allows the court to evaluate what truly is at stake in a particular case. In addition, the contextual approach ensures that courts are sensitive to the other values which may compete with a particular right and allows them to achieve a proper balance among these values. Section 1 determinations, therefore, are not to be made in a vacuum, nor are they to focus exclusively on the right or freedom infringed.[262]

[81]            In R. v. Sharpe, supra, a case dealing with child pornography, the Chief Justice, speaking for the majority, qualified the so-called “preponderance of probabilities” standard in Oakes with respect to the proportionality test:

As the first step in showing proportionality, the Crown must demonstrate that the law is likely to confer a benefit or is "rationally connected" to Parliament's goal. This means that it must show that possession of child pornography, as opposed to its manufacture, distribution or use, causes harm to children.[263]

[…] The lack of unanimity in scientific opinion is not fatal. Complex human behaviour may not lend itself to precise scientific demonstration, and the courts cannot hold Parliament to a higher standard of proof than the subject matter admits of. Some studies suggest that child pornography, like other forms of pornography, will fuel fantasies and may incite offences in the case of certain individuals. This reasoned apprehension of harm demonstrates a rational connection between the law and the reduction of harm to children through child pornography.[264]

[82]            In short, a fundamental right can be limited by a rule of law under the following conditions:

a)     there is an important and/or pressing and substantial objective;

b)     the proportionality test shows

a rational connection to the objective;

minimal impairment;

proportionality between the deleterious and salutary effects of the law;

c)      the applicable standard of proof is proof on a preponderance of probabilities, and the lack of consensus in scientific opinion is not fatal;

d)     care is taken to closely examine the nature of the social problem in question;

e)     the Oakes test is not applied in a rigid and formalistic manner.

The Teachings of the Supreme Court

[83]            The Court should draw its conclusions in fact and in law from the RJR‑MacDonald Inc.[265] case. Allowing for any necessary adjustments, those conclusions are as applicable now as they were in 1989, when the Tobacco Products Control Act was enacted. To do otherwise would be merely to reinvent the wheel.

Conclusions of law

a)     Federal jurisdiction

Parliament may prohibit the advertisement of tobacco products pursuant to its criminal law power.[266]

Parliament may prohibit or control the manufacture, sale and distribution of products that are a danger to public health and impose labelling and packaging requirements for dangerous products to protect public health.[267]

b)     Promotion

There is a rational connection between the prohibition of advertising and the objective of the T.P.C.A.[268]

There is a rational connection between the prohibition on placing a brand element on any item (whether it be a smoking accessory or not) and the objective of the Act.[269]

c)      Minimal impairment

A law prohibiting lifestyle advertising would pass the minimal impairment test.[270]

A law prohibiting advertising that targets children and teenagers would pass the minimal impairment test.[271]


A law allowing information and brand preference advertising would pass the minimal impairment test.[272]

d)     Warning labels

Mandatory warnings on packaging that are attributed to their author do not violate section 2(b) of the Charter.[273]

Mandatory warnings, be they attributed or unattributed to their author, are rationally connected to the legislative objective.[274]

Mandatory warnings that are attributed to their author would pass the minimal impairment test, even though they violate section 2(b) of the Charter.[275]

Parliament may legitimately prohibit distributing free product samples or offering gifts, rebates or lottery tickets in exchange for a purchase.[276]

Conclusions of fact

a)     Tobacco consumption and its damaging effects

Tobacco consumption is widespread in Canadian society and poses serious health risks.[277]

6.7 million Canadians, or 28% of the population over the age of 15, consume tobacco products.[278]

Each year, cigarettes cause 30,000 premature deaths in Canada.[279]

Tobacco is one of the leading causes of cancer and fatal heart and lung diseases.[280]

Smoking causes cancers of the lung, mouth, larynx, esophagus, bladder, kidneys and pancreas.[281]

Smoking is responsible for:[282]

-        30% of all cancer deaths;

-        30% of all deaths caused by heart disease;

-        85% of all deaths caused by chronic bronchitis/emphysema.

Smoking is a major cause of the deaths attributed to aortic aneurysms, peripheral artery diseases and fires.[283]

An increasing amount of data show that passive smoking increases the risk of lung cancer in non-smokers.[284]

b)     Addictiveness

The nicotine in tobacco is a highly addictive drug.[285]

The processes that determine tobacco addiction are similar to those for other drugs, including illegal ones.[286]

Prohibiting the sale and manufacture of tobacco products would only lead smokers to seek out illegal supplies.[287]

c)      Smuggling

Parliament attempted to reduce smoking by significantly increasing taxes on tobacco products in 1985, 1989 and 1991, only to partially eliminate these increases in 1994 because of a serious problem with smuggling.[288]

 

d)     Need for comprehensive measures to combat smoking

Tobacco consumption is a sui generis problem that can only be properly addressed with an array of innovative and legislative responses.[289]

e)     Effect of the promotion of tobacco products

Although no study has conclusively shown a link between tobacco advertising and consumption, there is sufficient evidence to conclude that the Act logically furthers its objective of reducing the consumption of tobacco products through a prohibition on both tobacco advertising and promotion.[290]

It is, quite simply, incredible that Canada’s tobacco companies would spend over $75 million each year on advertising if they did not believe that it would increase consumption.[291]

Tobacco companies recognize that advertising is essential to maintaining the size of the market because it reinforces the social acceptability of tobacco use by identifying it with glamour, affluence, youthfulness and vitality.[292]

It can be concluded from marketing documents that tobacco companies must target young people if they are to maintain the current size of the tobacco products market.[293]

It is even more evident that the tobacco companies are well aware of the need to attract young people.[294]

Internal marketing documents introduced at trial strongly suggest that tobacco companies see advertising as the cornerstone of their strategy for reassuring current smokers and expanding the market by attracting new smokers, mainly young people.[295]

Tobacco companies are worried about the shrinking market and recognize that an “advocacy thrust” is needed to maintain the size of the market.[296]

The evidence shows that the tobacco companies’ advertising campaigns are designed to increase their market share, but there is also evidence to suggest that these campaigns also serve to increase the total market.[297]

f)        Lifestyle advertising

Mr. P. Hoult testified at trial that so-called lifestyle advertising is intended to create associations in the minds of consumers; in the case of Export cigarettes, the product was to be associated with enjoyment, outdoor activities and youth.[298]

While strictly informational advertising might not increase the overall market, lifestyle advertising could, logically, be viewed as tending to discourage smokers who might otherwise quit from doing so.[299]

g)     Existence of a body of opinion

In a report entitled “The Functions and Management of Cigarette Advertising,” Richard W. Pollay, an historian and marketing professor at the University of British Columbia, concluded that advertising and promotion change people’s perceptions, create more positive attitudes, serve as a reinforcement for smokers and tempt non-smokers, or at least encourage them to be more tolerant of smoking.[300]

In a report entitled “Effects of Cigarette Advertising on Consumer Behavior,”Joel B. Cohen, a marketing professor at the University of Florida, observed that tobacco advertising targets both non-smokers and young people, who are particularly vulnerable to advertising techniques.[301]

In a report entitled “A Report on the Special Vulnerabilities of Children and Adolescents,”Michael J. Chandler, a psychologist, concluded that the cognitive and socio-emotional immaturity of children and adolescents make them vulnerable to the influence of cigartette advertising because they are not able to evaluate the messages presented to them.[302]

The opinions expressed in these reports are neither definitive nor conclusive. There is, at present, a lively debate in the social sciences on the link between advertising and consumption, a debate that has been going on for years and that is likely to continue for years to come. Nevertheless, the reports attest, at the very least, to the existence of what LeBel J.A. called a “body of opinion” supporting the existence of a causal connection between advertising and consumption.[303]


Admissions

[84]            The plaintiffs submitted the following admissions with respect to the Attorney General’s claims: [304]

1.         The Plaintiffs produce and sell almost all of the tobacco products sold in Canada.

2.         The Plaintiffs' business in Canada is profitable. Plaintiffs add that by far the greatest proportion of the amount spent for the purchase of tobacco products represents federal and provincial taxes.

3.         The Plaintiffs spend substantial sums promoting their respective brands of tobacco products.

4.         The tobacco industry has adopted a Voluntary Code regarding advertising and packaging. The three Plaintiffs could withdraw from that Code without sanction. The rules of the Code may be amended from time to time, without sanction.

5.          ---

6. to 11.            Plaintiffs admit:

(i) that at present approximately 30% of the population of Canada are smokers;

(ii) that epidemiological studies report a statistical correlation between smoking and other factors and a number of diseases and conditions including those mentioned generally in paragraph 7 of Defendant's List of Admissions;

(iii)        that the epidemiological studies referred to above, notwithstanding that they do not explain the causation of any disease, provide a sufficient basis in law:

a)         for treating the incidence of smoking as a public health issue;

b)         for legislation imposing reasonable limits on the freedom of commercial expression for the purpose of reducing the incidence of smoking provided that the means adopted in such legislation are justifiable pursuant to section 1 of the Charter.

12. to 14.  Plaintiffs admit that some smokers experience difficulty in quitting. The degree of difficulty varies from individual to individual. Some smokers have little or no difficulty in quitting, while others have considerable difficulty. Even those smokers who experience the greatest difficulty can and do quit. Almost seven million Canadians have successfully quit and the vast majority of them did so without outside help.

15.        Approximately 30% of the population of Canada are smokers.

16.       The majority of smokers begin to smoke prior to age 20. Plaintiffs add that at present the legal age for the purchase of tobacco products as established under federal law is 18 and that until 1994 it was 16.

17.       Plaintiff Rothmans, Benson & Hedges Inc. admits that its brand advertising has, since February 1996, appeared on billboards, at point of sale and in print media; that it uses displays and distinctive packaging and logos to identify its product.

Plaintiff Imperial Tobacco Ltd. admits that advertising of its brands of tobacco products has, since February 1996, appeared on billboards, print media and point-of-sale locations. It also admits that it uses distinctive packaging to identify its brands, that its corporate sponsorship trademarks have appeared on non-tobacco products and that it provides reseller support.

Plaintiff RJR-MacDonald Inc. admits that its brand advertising has, since February 1996, appeared on billboards, at point of sale and in print media, that it uses distinctive packaging and logos to identify its products, that its corporate sponsorship trademarks have appeared on non tobacco products and that it provides reseller support.

18.       Plaintiffs admit that they have sponsored sporting and cultural events but Plaintiffs deny that such sponsorships affect the overall consumption of tobacco products.

19.       Plaintiff Imperial Tobacco Ltd. admits that new marketing techniques are being developed including direct marketing, but it is uncertain as to which techniques of direct marketing are prohibited by the Tobacco Act and which, if any, are permitted, and adds that, in any event, the limitations imposed by section 22 of the Act would make such marketing a practical impossibility.

20.        ---

21.        Non-smokers do see advertisements for tobacco products.

Objections

[85]            The parties agreed that all objections raised at trial and not pleaded would be presumed to have been abandoned.

[86]            The plaintiffs pleaded only a few objections on the last day of the trial, and the Court shall dispose of them as follows:

[87]            Objections 1, 2, 7 and 8 are overruled.

[88]            Document D-42 (Objection 1), submitted to witness Waterson, provides the Court with useful explanations. Its production is hereby allowed.

[89]            Document D-95 (Objection 2), presented at an international conference which two representatives of Imperial Tobacco Ltd. (I.T.L.) attended, deals with the social acceptability of tobacco. Its production is allowed.

[90]            Document D-153 (Objection 7) comes from a world-renowned organization, and witness Davis was questioned on its content. Its production is allowed.

[91]            Document D-154 (Objection 8), despite a dubious cover page, contains statistics from a Scandinavian country that the Court sees no reason to exclude. Its production is allowed.

[92]            Document I-15 (Objection 3) shall remain sealed and kept strictly confidential at I.T.L.’s request, as it contains trade secrets. Its production is allowed.

[93]            Objections 4, 5 and 6 seeking to have these documents filed as extrinsic evidence rather than as regular exhibits are overruled.

[94]            Document D-109 (Objection 4) was submitted and used by witness Ritter, who was cross-examined. Its production is allowed.

[95]            Document D-127 (Objection 5) was used and submitted by witness Morissette, who was cross-examined. Its production is allowed.

[96]            Documents D-141 to D-148 (Objection 6) consist of a series of annual reports of the Surgeon General of the United States, submitted and commented upon by witness Davis, who had taken part in their preparation Their production is allowed.

 

*     *     *     *     *

 

[97]            The plaintiffs urged the Court to exercise caution when considering exhibits D-222, D-226, D-221, D-90, JPB-54, D-91, D-93, D-94, D-179, JPB-44 and D-97, as their use in oral arguments would be unfair to the witnesses.

[98]            Some of these documents, being rather voluminous, were commented upon in an anecdotal fashion by the witnesses, but the Attorney General, claim the plaintiffs, could use these documents illegally for altogether different purposes other than putting questions to the witnesses.

[99]            The Court takes note of the plaintiff’s warning and will act accordingly.


 

The Facts

[100]       Witnesses were heard from January to June 2002. Closing arguments were heard in September 2002, and the case was taken under advisement on September 19, 2002.

[101]       The hearing generated nearly 10,000 pages of stenographic notes, and 988 exhibits totalling hundreds of thousands of pages were entered into the record.

[102]       Although many references were made to the first case, which ended in the Tobacco Products Control Act being declared invalid, we must bear in mind that the T.P.C.A. was enacted in 1989 and that the case was heard before this court in 1991.

[103]       The Act in question in the case at hand was given Royal Assent in 1997, and its Regulations were passed in 2000 and 2001.

[104]       Much has changed since the first case.

[105]       The Court is bound by the conclusions of law and some of the conclusions of fact drawn by the Supreme Court in the first case unless different evidence is introduced.

[106]       This being said, this is a completely new trial, and the Court must draw its conclusions from the evidence presented to it, weighing the relevance of that evidence and the credibility of the witnesses heard.

[107]       In 1991, Jean-Jude Chabot J. heard a specific set of evidence and rendered his decision based on that evidence. This Court, in 2002, has heard different evidence. Eleven years have passed between the two cases.

[108]       The evidence mainly consists of testimony heard in court. This testimony is summarized in Appendix 1 and is an integral part of this judgment.

[109]       The parties also submitted stenographic records of out-of-court examinations of a number of witnesses. They are also included in the evidence, and the Court gave special attention to the parts that were referred to during the hearing and the oral arguments. 

[110]       The parties submitted a considerable amount of extrinsic evidence, referred to in the section entitled Extrinsic Evidence.


 

DISCUSSION

Comments on the evidence

[111]       The Court wishes to make the following comments on the evidence summarized in Appendix 1.

Rafe S. Engle

[112]       As the Court does not find the witness credible, the expert testimony of Mr. Engle shall be disregarded. It has been demonstrated that the Tobacco Industry Voluntary Packaging and Advertising Code was created primarily to serve the industry’s purposes, with consumer protection trailing far behind this first objective.

Dr. Adrian Wilkinson

[113]       As interesting as it may be, Dr. Wilkinson’s study was limited to a target group and is of little assistance in resolving the issue at hand.

Michael Waterson

[114]       The Court accepts Mr. Waterson’s expert opinion that advertising professionals, and even researchers in this field, do not agree on what constitutes “lifestyle” advertising. 

[115]       The Court does not accept his conclusion that “advertising of branded goods does not have any impact on overall levels of consumption of the product,”[305]as it is contradicted by the other evidence in the record and defies common sense.

[116]       The Court will take into consideration his third conclusion, that is, that he cannot demonstrate a relationship between tobacco consumption and the presence or absence of warnings.

Ed Ricard

[117]       The tobacco companies devote more effort to marketing their products than to any other activity.

[118]       Sophisticated, in-depth studies profiling smokers and their needs are constantly being updated in an effort to give consumers what they want.

[119]       Each percentage point of the Canadian tobacco market represents $20 million out of a total $2 billion in net profits per year. Tobacco companies are locked in fierce competition for every percentage point they can get.

[120]       Each cigarette brand projects an image specific to the kind of person who typically smokes it.

[121]       Despite Mr. Ricard’s claims to the contrary, the Court does not believe that cigarette advertising is first and foremost aimed at “switchers”. It is just as much, probably even more so, aimed at attracting new smokers.

[122]       Furthermore, the Court does not believe that cigarette advertising is solely aimed at smokers over 19 years of age. All the advertising campaigns contain elements that are attractive to the young people who are the industry’s future. The tobacco companies are well aware that most people start smoking between the ages of 12 and 18 and systematically target this susceptible age group with its advertising and marketing.

[123]       Cigarette packaging is designed to convey a positive image of the product and of a specific lifestyle.

[124]       Imperial Tobacco launched its Player’s Premiere brand by claiming it was less irritating to the throat, but Mr. Ricard cannot explain how this is so because I.T.L. commissioned no medical or scientific studies to back its claims.

[125]       After the first legislative measures prohibiting direct tobacco advertising were enacted in 1989, the industry turned to sponsorships instead.

Dr. Roderick Pakenham Power

[126]       With respect, Dr. Power’s research is flawed by the basic assumption the tobacco companies have him use as a departure point.

[127]       He is asked to assume that the public generally understands and accepts the risks of tobacco consumption, while the evidence, however, shows that consumers and the general public are ill-informed about the adverse effects of smoking.

[128]       Furthermore, Dr. Power talks about the size and the visual perception of the warnings without even having seen them. 

[129]       He concedes that warnings can have an effect on certain categories of smokers, such as parents and pregnant women.

Dr. Leonard Ritter

[130]       Smoking puts smokers at a terrible risk while offering no benefit apart from satisfying their cravings for nicotine.

[131]       For over 50 years, the scientific community has known definitively that smoking causes cancer, and while the industry has been aware of this for over 40 years, it has never fully disclosed this knowledge to smokers.

[132]       Tobacco smoke contains 43 toxic substances recognized as carcinogens by the scientific community.

Yves-Marie Morissette

[133]       Although his comparative study includes only 19 countries, a much larger number of countries around the world have passed anti-tobacco legislation. 

[134]       The general trend is toward more restrictive regulation of tobacco advertising.

[135]       Warning labels featuring a recurring series of messages are now the norm, and the trend is toward taking an increasingly hard-line approach. Warnings in Europe now take up 30-40% of the total surface of packaging, a little more in bilingual and trilingual countries.

[136]       Legislation to expand regulation of tobacco is not progressing at the same rate or uniformly, but it is irreversibly moving in the same direction.

[137]       Everywhere, the regulatory approach to tobacco advertising has been turned on its head. Before, all advertising was permitted, with certain exceptions; now, all advertising is forbidden, with certain exceptions.

[138]       Legislative measures around the world make reference to “lifestyle” and advertising “appealing to young persons.”

Dr. Nancy-Michelle Robitaille

[139]       According to the World Health Organization, 3.5 million die from tobacco use every year.

[140]       Each year, 45,000 Canadians die from tobacco-related illnesses:

a)     40% from heart disease;

b)     40% from cancer;

c)      20% from lung disease.

[141]       Tobacco is responsible for:

a)     85% of all cases of lung cancer;

b)     85% of all cases of chronic lung diseases;

c)      30% of all cases of cancer;

d)     30% of all cases of heart disease.

[142]       A person who begins smoking at 20 has a 50% chance of dying prematurely (15 years earlier) and will have a greatly diminished quality of life.

[143]       Between 1964 and 1987, more Canadian women died of lung cancer than breast cancer, this despite the fact that only half of them smoked.

[144]       Nicotine addiction is so powerful that it takes eight to ten attempts to quit smoking.

[145]       Hospital patients beg their doctors to disconnect their heart monitor or oxygen supply so that they can go smoke a cigarette.

[146]       Since 1950, the scientific community has known that:

a)     smoking is addictive;

b)     second-hand smoke is a health hazard;

c)      tobacco is not essential to life.

[147]       After just one year, the risks of atherosclerosis and cancer are significantly reduced, if an individual stops smoking.

[148]       Smoking causes a significant increase in erectile dysfunction in smokers.

[149]       The respiratory health of children is compromised when they are exposed to second-hand smoke while their respiratory systems are still developing. Children whose parents smoke are twice as likely to develop respiratory infections as other children. 

[150]       A mother’s smoking affects the health of her unborn baby.

[151]       Smoking is the leading public health problem in Canada. Smoking causes more deaths than car accidents, suicide, murder, AIDS and drug abuse combined.

[152]       When people stop smoking, their health improves and continues to improve as long as they continue to refrain from smoking. The success rates of treatments for tobacco addiction are low: therapy (10%), nicotine patches (20-23%), antidepressants such as Zyban (20-25%).

[153]       Since the 1960s and 1970s, there has been a significant increase in the number of Canadian women who smoke.

Dr. André Castonguay

[154]       Canadian tobacco contains 2,500 different substances. Cigarettes are like little chemical plants, containing thousands of substances. When cigarettes burn at the high temperatures reached when a smoker lights up, the number of substances present increases to 5,000.

[155]       A cigarette’s filter only catches toxic materials in particulate form, allowing gaseous toxins to pass through unhindered.

[156]       Both smokers and non-smokers are exposed to the toxic agents in cigarette smoke.

[157]       The main components of cigarette smoke are tar, nicotine, carbon monoxide, chrome, cadmium and lead.

[158]       Smokers change their consumption habits, often unconsciously, to meet their nicotine needs by:

a)     increasing the number of cigarettes they smoke per day; or

b)     deliberately or unconsciously inhaling more deeply.

[159]       In short, filters have virtually no effect, as a smoker’s need for nicotine will motivate him or her to do whatever it takes to inhale the dose required to feed his or her addiction. The industry has been aware of this situation for a long time.[306]

[160]       The clear link between lung cancer and smoking has been known to science for over 50 years.

[161]       In Quebec, smoking has long been associated with an increased risk of cancers of the lung (90%), bladder (53%), esophagus (54%), stomach (35%) and pancreas (33%).

[162]       Dr. Castonguay was the first scientist to show that when a pregnant woman smokes, the cigarette smoke penetrates the amniotic fluid, exposing the fetus to toxic substances.

[163]       The leaves at the top of a tobacco plant contain more nicotine than those at the bottom.

[164]       The tobacco industry has manipulated the nicotine levels of cigarettes not by means of genetic engineering, but rather through the selection of tobacco plants and leaves.

[165]       The amount of tobacco in a cigarette decreased between 1968 and 1995, but the quantity of nicotine did not. Thus, in order to maintain the same quantity of nicotine per cigarette required by smokers’ systems, the concentration of nicotine per gram of tobacco had to be increased.

[166]       By deliberately selecting leaves from the top of the tobacco plant, the industry, or at least some companies in the industry, manipulated nicotine levels.

[167]       Having studied the composition of main-stream smoke from Player’s Premiere cigarettes, a brand marketed as being less irritating to the throat, the witness concluded that this brand actually has more irritating substances in its smoke than Player’s Light Smooth Regular or Player’s Light Regular.

[168]       Furthermore, there is nothing to indicate that Premiere cigarettes contain fewer irritating substances than Export ‘A’ Medium, du Maurier King Size, Player’s Light Smooth Regular or du Maurier Regular. In fact, generally speaking, Player’s Premiere contains more irritating substances than any of the other most commonly sold brands of cigarette in Canada.

[169]       The introduction of Player’s Premiere is nothing more than a huge marketing ploy.

Larry Swain

[170]       Canadian statistics from 1985 to 2000 show that:

a)     The percentage of people who smoke fell from 35% to 24%;

for men, the percentage fell from 38% to 26%;

for women, the percentage fell from 32% to 23%.

b)     The percentage of those who smoke has decreased for every age group except for 15 to 19 year-olds.

c)      -     people with less education smoke more;
-     people with lower family incomes smoke more.

d)     Cigarette sales in Canada declined from 1985 to 1993, then climbed again from 1994 to 1996 and, finally, resumed their decline until 2000.

e)     Cigarette production exceeded consumption in Canada by 1% to 12% from 1985 to 1990 and from 1995 to 2000. From 1991 to 1994, production was 22% to 54% greater than demand in Canada.

Judy Ferguson

[171]       Following the Supreme Court’s 1995 decision, the federal Minister of Health asked the witness to develop a comprehensive anti-smoking strategy. 

[172]       She assembled a team of 50 people to advise the Minister on all aspects of the issue.

[173]       In December 1995, Health Canada published a blueprint[307] outlining the issues and consulted Canadians on their views. Three thousand comments and eighty‑five papers were submitted.

[174]       Several different versions of the final report representing the Minister’s range of options were prepared.[308] Four options were selected and submitted to Cabinet.

[175]       The option approved by Cabinet called for a comprehensive approach to combating smoking and proposed new legislation. The bill was debated in committee, both in the House of Commons and the Senate.

[176]       The bill complied with the teachings of the Supreme Court; it banned “lifestyle” advertising and advertising appealing to young people while still permitting informational and brand preference advertising.

Dr. Ronald M. Davis

[177]       The witness studied a series of communications from around the world on cigarette promotion and its effects on people, especially young persons.

[178]       The U.S. Surgeon General’s 1989 report,[309] the culmination of 25 years of study of the health effects of tobacco, concluded that:

a)     advertising encourages adolescents and young adults to consume tobacco;

b)     advertising can increase an individual’s daily cigarette consumption;

c)      advertising decreases a person’s motivation to quit smoking;

d)     advertising can encourage former smokers to start smoking again.

[179]       Internationally recognized studies[310] show a direct link between advertising and cigarette consumption.

[180]       Children are particularly susceptible to advertising.

[181]       Tobacco companies spend millions on advertising and resort to sponsorship if advertising is prohibited.

[182]       Sponsorship expenditures in the United States consistently increased from 1980 to 1998.

[183]       Sponsorship and advertising have the same goal.

[184]       The U.S. Surgeon General’s 1994 report[311] made the following points:

a)     studies conducted around the world show a relationship between spending on advertising and cigarette consumption;

b)     cigarette advertising has an influence on children and adolescents;

c)      studies show a link between tobacco company advertising and the decision to start smoking.

[185]       The Court finds this witness’s credibility is mitigated by his adherence to an anti-tobacco philosophy but accepts his assessment of the documents as being representative of the accepted views of the scientific community.

Dr. Richard Pollay

[186]       This witness is a virtual living encyclopedia on tobacco advertising and a scrupulously rigorous marketing researcher.

[187]       For years, Dr. Pollay has studied the tobacco companies archives and advertising materials.

[188]       For the tobacco industry, advertising and sponsorship share the same goal and have similar characteristics.

[189]       Advertising basically serves to recruit new smokers, who are between the ages of 13 and 16, according to every study, particularly those of the U.S. Surgeon General.

[190]       All the tobacco companies have been aware of this since the 1940s and specifically target young people with their advertising.

[191]       The target smoker has a lower income and self-esteem than the average person. Adolescents’ feelings of insecurity make them more susceptible to advertising.

[192]       Certain advertising campaigns (Player’s Light, Export ‘A’ and Belvedere) are clearly aimed at new smokers, and numerous sponsorships and promotional tools specifically target this group with messages incorporating themes of freedom, independence, the outdoors, skiing and extreme sports.

[193]       Cigarette advertising is sophisticated and of exceptionally high quality and makes use of popular, well-known individuals.

[194]       From 85 to 90% of new smokers are 14 to 16 years old; it is completely unrealistic to claim that tobacco advertising does not target people under 19 years old.

[195]       Numerous advertising campaigns specifically focus on adolescents and their aspirations: independence, freedom, emancipation and risk-taking.

[196]       Adolescents accept these messages while denying any possibility of addiction. They tell themselves they can quit anytime, they will not smoke their entire life, everyone else smokes and, even if smoking is hazardous to their health, at least it infuriates their parents, which is another good reason for smoking.

[197]       The sole objective of cigarette advertising is to give people what they want.

[198]       Cigarettes and cigarette packaging are like badges for consumers. They give consumers a sense of individuality.

[199]       A 1996 research project for a new tobacco advertising campaign[312] explicitly attempted to make smokers feel less guilty about their habit. Recent tobacco industry advertising has three objectives:

a)     reaching out to young people;

b)     reassuring smokers;

c)      reaching out to women.

[200]       The Vantage, Medallion and Accord brands were clearly introduced to reassure smokers about potential health problems. Advertising for Vantage creates the impression that people who smoke this brand are concerned about their health.

[201]       A study conducted by RJR-McDonald in 1990[313] shows that at that time, one third of all smokers regret smoking. Today, 80% wish they did not smoke. The study also shows that the average smoker is male, undereducated and economically disadvantaged.

[202]       Cigarette advertising gives smokers a false sense of security and makes them feel less guilty about the potential health problems they risk developing.

[203]       So-called “lifestyle” advertising is the cornerstone of tobacco companies’ marketing strategies. A study of the history of the Belvedere brand from 1957 to 1996[314] states on page one:

Belvedere has a legacy. It is one that has been communicated through extensive product and lifestyle advertising.

[204]       The witness pointed out that, from a historical standpoint, the tobacco industry has always exploited, and will continue to exploit, every loophole in legislation to avoid its impact and secure their market share.

[205]       The Linebacker project[315], a study commissioned by the tobacco companies, shows that consumers perceive light cigarettes to be better for their health. The industry gives smokers what they want, so “ultra-light”, “deluxe ultra light” and “ultimate light” brands were created.

[206]       Advertising never explicitly claims that light cigarettes are less hazardous to one’s health, but it is implied, and smokers believe it. The message is that intelligent smokers smoke light cigarettes, that those wanting to quit should switch to lights and that pregnant women would do better to smoke lights.

[207]       All cigarette brands are associated with a lifestyle, even though no one in the advertisements is actually seen smoking.

[208]       According to the witness, the cigarette itself is of no importance; the brand with the best advertisements sells. Numerous blind taste tests have shown that smokers are unable to distinguish one brand of cigarettes from another.

[209]       Packaging and presentation play a crucial complementary role to advertising and sponsorship. They are communications tools for tobacco companies and the final step in the entire marketing program.

[210]       The look of a cigarette package is constantly updated to reflect current tastes as indicated by periodic impact studies. The package’s appearance conveys an idea, an image to the consumer.

[211]       Young people are particularly attracted to the emblematic characteristics of cigarette packaging.

[212]       Tobacco company studies show that the package must act as an antidote to a smoker’s feelings of guilt. Other studies show that smokers, especially pregnant women and mothers of young children, are particularly sensitive to the mandatory warnings on cigarette packages. People aged 19 to 24 wish they had packages without warnings.

[213]       A study commissioned by Rothmans, Benson & Hedges Ltd. (R.B.H.) in the year 2000 (Project Jagger, June 23, 2000) and mentioned in Dr. Pollay’s report[316] shows that the warnings with photos recently mandated by the federal government are having a major impact on consumers.

[214]       The government-imposed information appearing on packaging is undermining the tobacco companies’ marketing plan, which presents their product as being harmless. In the words of the witness, “It’s killing the romance.”

[215]       The introduction of Player’s Premiere is a mere advertising ploy. There is no scientific evidence supporting the notion that the brand is less irritating to smokers’ throats. Three years after its introduction, we are still trying to figure out the nature of the magic tobacco formula trumpeted at the launch of this brand of cigarette.

[216]       The same is true of the so-called special filters specific to Premiere-brand cigarettes, which are in no way different from the filters that have been in use for years. As is the case with all carbon filters, the industry is unable to say precisely how they are more effective.


 

Freedom of expression

(s. 2(b) of the Charter)

Contextual analysis

[217]       We must ask ourselves what values are at stake in the case at bar. On the one hand, we have the constitutionally guaranteed freedom of expression; on the other, we have the right to health and, ultimately, the right to life, guaranteed under section 7 of the Charter. By extension, Parliament is obligated to promote the health of all Canadians.

[218]       In enacting this legislation, Parliament responded to a factual and social context made manifest by the evidence, whose major points can be summarized as follows.

[219]       Smoking is by far the most serious health problem facing Canada. Smoking killed 30,000 people in 1981 and will kill 45,000 this year. Every year, more Canadians die from smoking than from car accidents, suicide, murder, AIDS and drug abuse combined.

[220]       Smoking causes 85% of all lung cancers and chronic lung diseases and, to a lesser extent, countless other cancers and cardiovascular diseases.

[221]       Smokers die prematurely and enjoy a greatly diminished quality of life.

[222]       Parents who smoke damage their children’s health.

[223]       Second-hand smoke is just as hazardous to non-smokers.

[224]       Smokers quickly develop a powerful addiction to nicotine.

[225]       Smokers usually begin smoking as teenagers, typically between the ages of 13 and 16.

[226]       It is extremely difficult to quit smoking.

[227]       Smoking does not offer any benefit to smokers apart from satisfying their cravings for nicotine.

[228]       Cigarette advertising and sponsorships encourage people to smoke, reassure smokers and undermine the efforts of those who are trying to quit.

[229]       Cigarette advertising is aimed at target audiences, especially young people, who are the industry’s future.

[230]       The worldwide trend in countries comparable to Canada is toward banning cigarette advertising with a few limited exceptions.

[231]       Warnings are effective and undermine tobacco companies’ efforts to use cigarette packages as badges associated with a lifestyle.

 

*     *     *     *     *

 

[232]       The evidence related to tobacco companies points to the following factual and social contexts.

[233]       The industry has known for 50 years that cigarettes cause lung cancer and are hazardous to health but have never thought it necessary to warn consumers about this.

[234]       The industry has always known that light cigarettes are as damaging to health as regular cigarettes but has nevertheless mounted a subtle marketing plan that leads smokers to infer that they should smoke light cigarettes if they are concerned about their health.

[235]       The industry has always known that filtered cigarettes are as dangerous as unfiltered ones and that smokers unconsciously change the way they smoke to satisfy their need for nicotine, this despite all their marketing efforts claiming the opposite. 

[236]       Cigarettes produced today contain less tobacco than in the past but have the same levels of nicotine because manufacturers use leaves from the top of the tobacco plant, specially selected for their high nicotine content. This fact has never been disclosed to consumers.

[237]       The launch of the Player’s Premiere brand of cigarettes, supposedly less irritating to the throat, is nothing more than a massive marketing ploy that purports to give consumers what they want but offers, in fact, a product that is no different from ordinary cigarettes.

[238]       The evidence shows that no cigarette causes less throat irritation than another.

[239]       Although the tobacco companies deny it, their marketing efforts target new smokers, especially adolescents, through advertising deliberately designed to have this effect. Advertising is also aimed at other target groups: women, blue-collar workers, etc.

[240]       The industry was a willing accomplice of black-market cigarette smugglers.

[241]       The industry says it would accept some limitations on its freedom of expression, but has never offered any precise, effective or realistic recommendations for going about this.

[242]       The evidence shows that the typical heavy smoker is male, undereducated, economically disadvantaged and has low self-esteem.

[243]       The evidence also shows that the typical new smoker is an adolescent.[317] It is interesting to note that from 1985 to 2000, the percentage of people who smoke fell for all age groups, except 15 to 19 year olds.

[244]       In short, the evidence leads to one inescapable conclusion:

- The smoker always comes out the loser.

[245]       Faced with this evidence, the tobacco companies decided not to present any evidence to the contrary.

 

*     *     *     *     *

 

[246]       Freedom of expression is essential to human beings. It ensures the free circulation of ideas, promotes critical thought and allows people to form their own opinions, however wrong they might be.

[247]       The tobacco companies are absolutely right when they say the Act limits their freedom of expression.

[248]       However, with respect, not all rights are equal, and the tobacco companies’ freedom to praise the merits of cigarettes cannot be accorded the same constitutional protection as the right to freely express political, cultural or scientific ideas.

In my view, the harm engendered by tobacco, and the profit motive underlying its promotion, place this form of expression as far from the "core" of freedom of expression values as prostitution, hate mongering, or pornography, and thus entitle it to a very low degree of protection under s. 1. It must be kept in mind that tobacco advertising serves no political, scientific or artistic ends; nor does it promote participation in the political process. Rather, its sole purpose is to inform consumers about, and promote the use of, a product that is harmful, and often fatal, to the consumers who use it. The main, if not sole, motivation for this advertising is, of course, profit […][318]

[249]       Unless one wishes to live in a dream world, it is important to look closely at how the tobacco companies have used their freedom of expression up to now and at the effects their messages have had on the health and lives of consumers.

Legal challenges to the Act

[250]       The tobacco companies ask that the entire Act be declared invalid, but their arguments are structured around the following elements, which, they claim, violate various provisions of the Charter:

a)     the Act amounts to a total ban on the advertisement of tobacco products;

b)     sections 19 to 24 are vague;

c)      the definition of “lifestyle advertising” and advertising “appealing to young persons” (s. 22) is illegal, unreasonable and unintelligible;

d)     the total ban on sponsorship is illegal;

e)     the mandatory warnings (Tobacco Products Information Regulations; ss. 15 to 17 of the Act) are unreasonable and constitute an illegal expropriation of cigarette packaging;

f)        the Tobacco Reporting Regulations constitute an unreasonable and never-ending search.

The Oakes test

Pressing and substantial objective

[251]       We have seen that section 1 of the Charter allows limitations to be placed on a right as long as they can be justified in a free and democratic society.

[252]       Section 4 of the Act defines its objective:

4.  The purpose of this Act is to provide a legislative response to a national public health problem of substantial and pressing concern and, in particular,

(a) to protect the health of Canadians in light of conclusive evidence implicating tobacco use in the incidence of numerous debilitating and fatal diseases;

(b) to protect young persons and others from inducements to use tobacco products and the consequent dependence on them;

(c) to protect the health of young persons by restricting access to tobacco products; and

(d) to enhance public awareness of the health hazards of using tobacco products.[319]

[253]       In Canadian society, few objectives could be more important, pressing or substantial than combatting the effects of smoking.

[254]       Some people would contend that we could simply ban the sale of cigarettes, but the experience of the United States with respect to the prohibition of alcohol teaches us that such a measure is unenforceable and only increases criminal activity.

[255]       The plaintiffs admit that the objective is important and justifies some limitation of their freedom of expression.

[256]       In the Supreme Court’s decision in the first tobacco case, the Court recognized the legitimacy of the federal government’s objective.

[257]       The Act aims to keep young people from gaining access to tobacco. The objective of protecting a vulnerable group in society is recognized in Irwin Toy v. Quebec (A.G.)[320], a case involving the potential manipulation of children through toy advertising.

[258]       The Act also speaks of the importance of informing smokers of the dangers of smoking.

Proportionality

[259]       The decision in Oakes teaches that the principle of proportionality consists of three components:

                             (i)            Rational connection

[260]       The Attorney General must show that there is a rational connection between the “evil” or problem to be addressed and the measures proposed under the Act. 

[261]       In RJR-MacDonald, the Supreme Court recognized the existence of a rational connection between the objective of the T.P.C.A. and the ban on advertising.[321]

                           (ii)            Minimal impairment

[262]       In R. v. Advance Cutting & Coring Ltd.,[322] Le Bel J. reminds us that the minimal impairment criterion should not be applied too literally and that, in regard to social issues, the courts must allow Parliament a certain degree of latitude in the legislative choices it makes.

[263]       In Dunmore[323], Bastarache J. discusses the margin of deference to be accorded to Parliament:

[T]he margin will vary according to whether legislature has (1) sought a balance between the interests of competing groups, (2) defended a vulnerable group with a subjective apprehension of harm, (3) chosen a remedy whose effectiveness cannot be measured scientifically, and (4) suppressed an activity whose social or moral value is relatively low.

[264]       Generally speaking, the courts are reluctant to substitute their judgment for that of Parliament with respect to the chosen means of attaining a law’s objective.

                         (iii)            Proportionality

[265]       The Court must be convinced that there is a balance between the deleterious and salutary effects of the Act.

[266]       Each case must be considered on its own merits, and personal convictions and subjectivity must often be taken into account.

 

*     *     *     *     *

 

[267]       Now that we have reviewed these basic principles, it is important that we go over each section of the Act challenged by the plaintiffs one by one, even though the exercise may seem tedious and superfluous, and decide if these sections are in keeping with the teachings of the Oakes case.

Permitted and prohibited advertising
  (sections 19 and 22)

[268]       Following the trend observed in other industrialized countries, Parliament chose to enact a general prohibition against promoting tobacco products, coupled with a number of exceptions to the ban:

19. No person shall promote a tobacco product or a tobacco product-related brand element except as authorized by this Act or the regulations.[324]

[269]       The Minister and her research team have always maintained that they would have preferred to enact a total ban on tobacco advertising but concede that such a measure, as evidenced by the dialogue between Parliament and the Supreme Court, would be ultra vires.

[270]       Section 22 permits informational and brand-preference advertising while forbidding “lifestyle” advertising and advertising that is “appealing to young persons.”

22. (1) Subject to this section, no person shall promote a tobacco product by means of an advertisement that depicts, in whole or in part, a tobacco product, its package or a brand element of one or that evokes a tobacco product or a brand element.

(2) Subject to the regulations, a person may advertise a tobacco product by means of information advertising or brand-preference advertising that is in

(a) a publication that is provided by mail and addressed to an adult who is identified by name;

(b) a publication that has an adult readership of not less than eighty-five per cent; or

(c) signs in a place where young persons are not permitted by law.

(3) Subsection (2) does not apply to lifestyle advertising or advertising that could be construed on reasonable grounds to be appealing to young persons.

(4) The definitions in this subsection apply in this section.

"brand-preference advertising" means advertising that promotes a tobacco product by means of its brand characteristics.

"information advertising" means advertising that provides factual information to the consumer about

(a) a product and its characteristics; or

(b) the availability or price of a product or brand of product.

"lifestyle advertising" means advertising that associates a product with, or evokes a positive or negative emotion about or image of, a way of life such as one that includes glamour, recreation, excitement, vitality, risk or daring.[325]

Rational connection

[271]       The Attorney General argues that there is a rational connection between section 22 and the objective of the Act, which is to reduce cigarette consumption and protect young people from inducements to smoke.

[272]       In the RJR-MacDonald case, the Supreme Court has already recognized the existence of such a rational connection.[326] The evidence in the case at bar establishes on a balance of probabilities that advertising is central to the tobacco companies’ strategy, has a direct impact on cigarette consumption, appeals to the imaginations of young persons and gives smokers exactly what they want, that is, the feeling that smoking is socially acceptable and not hazardous to health.[327]

[273]       The tobacco companies spend millions of dollars each year on their advertising campaigns. Common sense dictates that these sophisticated marketing campaigns, which use the services of top advertising professionals and whose impact on consumers is regularly monitored, have a decisive effect on the collective imagination, encouraging young people to start smoking and others to continue smoking.

[274]       The legislative facts submitted as extrinsic evidence and commented on above also show on a balance of probabilities that a rational connection exists between advertising and cigarette consumption.[328]

[275]       The tobacco companies’ own internal documents confirm the existence of a rational connection despite the official position of the manufacturers to the effect that their advertisements serve only to secure the loyalty of their existing clientele.

Minimal impairment

[276]       The evidence shows that the federal government, when tabling legislation for consideration in committee, as well as in the Commons and the Senate, sought to address a complex social problem while taking into consideration the teachings of the Supreme Court.

[277]       Federal Minister of Health Dingwall, in a speech given when the Act was tabled in the House of Commons, stated:

This legislation is a product of a deliberate and thoughtful process. We have taken the guidance of the Supreme Court of Canada. We have studied the results of the research conducted by and on behalf of Health Canada as well as the extensive body of international data on tobacco promotion and tobacco use.[329]

[278]       In the RJR-MacDonald case, McLachlin J. (as she then was), writing on behalf of a majority of the Court, noted:[330]

As noted in my analysis of rational connection, while one may conclude as a matter of reason and logic that lifestyle advertising is designed to increase consumption, there is no indication that purely informational or brand preference advertising would have this effect.  The government had before it a variety of less intrusive measures when it enacted the total ban on advertising, including: a partial ban which would allow information and brand preference advertising; a ban on lifestyle advertising only; measures such as those in Quebec's Consumer Protection Act, R.S.Q., c. P-40.1, to prohibit advertising aimed at children and adolescents; and labelling requirements only (which Health and Welfare believed would be preferable to an advertising ban: A. J. Liston's testimony).  In my view, any of these alternatives would be a reasonable impairment of the right to free expression, given the important objective and the legislative context.

[279]       Thus, the Act permits informational and brand-preference advertising but prohibits “lifestyle” advertising and advertising that appeals to children and adolescents.

[280]       When it declared the T.P.C.A. invalid, the Supreme Court gave Parliament guidelines for striking the difficult balance between rights and freedoms and the legitimate objective of tobacco legislation. Parliament is accorded a certain degree of latitude with respect to the enactment of new legislation in this area provided it respects the general thrust of the Court’s guidance.[331] We must also bear in mind that new knowledge about the effects of tobacco became available between the enactment of the first and second acts. 

[281]       Furthermore, we must not forget the nature of the product the Act seeks to regulate. Cigarettes are a harmful product that offers consumers no benefit. They are often consumed by the most vulnerable members of our society. They are so powerfully addictive that sheer force of will is usually of no avail when trying to quit. The evidence shows that 80% of all smokers wish they did not smoke but cannot quit.

[282]       Parliament weighed these two conflicting interests and came down in favour of public health while still allowing free expression to a certain degree. In this case, the threshold of minimal impairment is certainly different, given the low social and ethical value of the tobacco companies’ message.

[283]       To accord freedom of the press and the freedom to sing the praises of an “ultra‑light” cigarette the same degree of protection under the Constitution would be a travesty of justice.

[284]       The plaintiffs submit that Parliament has disregarded the Court’s guidance in this area. This court cannot accept this argument. 

Proportionality

[285]       In light of the discussion above and the evidence on record, it is clear that the Act’s objective is so important to the government’s comprehensive strategy for curbing smoking that the benefits of the Act outweigh the negative effects on the tobacco companies.

[286]       The chosen response is proportional to the scale of the health problem Parliament seeks to address. A close reading of all the opinions handed down by the Supreme Court in the first case, together with the evidence introduced at this trial, indicates that a total ban on tobacco advertising would be much more easily defended now than in 1989.  

Sponsorship
  (ss. 24 and 25)

[287]       When the Act came into force, sections 24 and 25 restricted sponsorship in the following manner:

24. (1) Subject to the regulations and subsections (2) and (3), a person may display a tobacco product-related brand element in a promotion that is used in the sponsorship of a person, entity, event, activity or permanent facility if the person, entity, event, activity or facility

(a) is associated with young persons or could be construed on reasonable grounds to be appealing to young persons or if young persons are its primary beneficiaries; or

(b) is associated with a way of life such as one that includes glamour, recreation, excitement, vitality, risk or daring.

(2) A person may display a tobacco product-related brand element only within the bottom ten per cent of the display surface of any promotional material.

(3) A person may use promotional material that conforms with subsection (2) and that displays tobacco product-related brand elements

(a) in a publication that is provided by mail and addressed to an adult who is identified by name;

(b) in a publication that has an adult readership of not less than eighty-five per cent;

(c) in signs or programs available on the site of the event, activity or permanent facility; or

(d) in signs in a place where young persons are not permitted by law.

4) Where the criteria described in paragraphs (1)(a) and (b) do not apply to a sponsorship, a person may, subject to the regulations, use a tobacco product-related brand element in the promotion of the sponsorship.

25. If a tobacco product-related brand element is part of the name of a permanent facility, the tobacco product-related brand element may appear on the facility in accordance with the regulations.

[288]       Effective October 1, 2003, promotional sponsorship will be completely prohibited, and section 24 will be amended to read as follows:

24. No person may display a tobacco product-related brand element or the name of a tobacco manufacturer in a promotion that is used, directly or indirectly, in the sponsorship of a person, entity, event, activity or permanent facility.[332]

[289]       On December 10, 1998, section 25, which permitted tobacco-related products to be associated with the names of permanent facilities, was amended and now reads as follows:

25. No person may display a tobacco product-related brand element or the name of a tobacco manufacturer on a permanent facility, as part of the name of the facility or otherwise, if the tobacco product-related brand element or name is thereby associated with a sports or cultural event or activity.[333]

[290]       The evidence presented at this trial proves on a balance of probabilities that conventional advertising and sponsorship serve the same purpose for tobacco companies. Realizing that traditional advertising was increasingly being restricted across the country and around the world, Canada’s tobacco companies invested massively in sponsorships while reducing their conventional advertising budgets.[334] The same phenomenon has been observed in the United States.

[291]       Health Canada is locked in an epic battle with the tobacco industry. The two camps represent two opposing philosophies, two ways of viewing and conceptualizing the major issues at stake, two totally opposite and irreconcilable interests.

[292]       The tobacco industry takes advantage of every legislative and regulatory loophole and, admittedly, has every right to do so.

[293]       Thus, when the T.P.C.A. was enacted, the tobacco companies found ways to circumvent prohibitions against “lifestyle” advertising. Gone were the pictures of a man sitting on a mountaintop while smoking a cigarette, an image once found in magazines and on billboards everywhere. In their place, we soon found sponsored activities with famous individuals such as Patrick Carpentier or Alexandre Tagliani climbing mountains, biking through the wilderness or speeding around the race track while sporting the colours of “Team Player’s”.

[294]       Witness Ed Ricard and the tobacco companies’ own internal documents testify to the fact that sponsorships are designed to associate a cigarette brand with a particular lifestyle.[335]

[295]       One particularly striking example of this strategy stands out above the rest. The du Maurier Arts Council (Le Conseil des Arts du Maurier) supports a number of cultural activities. In the year 2000, photography was added to the list of sponsored activities.

[296]       In 2001, the Council awarded five bursaries to Canadian photographers for various photography projects.

[297]       The five bursaries totalled $39,333. The 2001 budget for marketing the du Maurier photography sponsorships, meanwhile, was $1.1 million.[336]

[298]       While a laudable initiative, it is first and foremost a sponsorship/advertising activity.

[299]       When Mr. Ricard stated that the tobacco companies had begun sponsoring events to give back to the community a little of what they had received form their loyal customers, the Court could not help but notice some amused looks in the courtroom.

 

*     *     *     *     *

 

[300]       The Tobacco Act was given Royal Assent on April 25, 1997.

[301]       The situation in Canada and around the world has since changed. On December 17, 1998, the Quebec National Assembly prohibited all tobacco sponsorship activities effective October 1, 2003, and set up a transitional fund.

[302]       The European Economic Community (E.E.C.) will ban tobacco company sponsorship of cultural and sporting events, including Formula 1 races, as of the year 2006.

[303]       Belgium outlawed tobacco sponsorship effective this year, and the 2003 Belgian Grand Prix Formula 1 race was cancelled. The event is expected to resume in the future, once new sponsors are found.

[304]       The U.S. tobacco industry has reached an agreement with all 50 states that will restrict sponsorship activities.

[305]       On June 3, 1998, then federal Minister of Health Allan Rock tabled Bill C-42 to amend section 24 of the Tobacco Act, the provision respecting sponsorship.

[306]       The Attorney General admits that section 24, which will come into force on October 1, 2003, infringes on the Charter guarantee of freedom of expression, but argues that the infringement is justified under section 1 of the Charter. The plaintiffs argue that the ban on sponsorship cannot be justified.

 

*     *     *     *     *

 

Rational connection

[307]       In light of the evidence, the Court is convinced that sponsorship is merely an extension of conventional advertising that has been adapted to suit new needs and often resorts to more subtle and sophisticated marketing principles. All sponsorships necessarily relate to a lifestyle associated with the sponsored activity, a lifestyle that is then associated with a brand of cigarettes.[337]

[308]       To prohibit advertising while allowing sponsorship would render the first measure useless.

[309]       The rational connection between sponsorship and the Act’s objective is the same as the one explained in the preceding section.

Minimal impairment

[310]       Sponsorship is associated with a lifestyle. So-called “lifestyle” advertising is prohibited for the reasons explained in the preceding section and is accepted by the Supreme Court as being a minimal impairment of freedom of expression.

[311]       Despite the tobacco companies’ dire predictions, the world will not come to an end with the ban on sponsorship. Other sponsors will replace the cigarette makers, and the Court’s duty of deference obliges it to rule that, in the debate on smoking and public health, the ban on sponsorship meets the minimal impairment test with respect to the overall long-term objectives of the fight against smoking.

[312]       As La Forest J.[338]observed in RJR-MacDonald, permitting sponsorship allows tobacco companies to circumvent the law:

Moreover, in considering the comparative advantages of partial and full advertising prohibitions, it is also significant that, in countries where governments have instituted partial prohibitions upon tobacco advertising such as those suggested by the appellants, the tobacco companies have developed ingenious tactics to circumvent the restrictions. For example, when France attempted to institute a partial prohibition on tobacco advertising in the 1980s (by prohibiting "lifestyle" tobacco advertising but not informational or brand preference advertising), the tobacco companies devised techniques for associating their product with "lifestyle" images which included placing pictures on the brand name and reproducing those pictures when an advertisement showed the package, and taking out a full-page magazine advertisement and subcontracting three-quarters of the advertisement to Club Med, whose lifestyle advertisements contributed to a lifestyle association for the brand; see Luc Joossens, "Strategy of the Tobacco Industry Concerning Legislation on Tobacco Advertising in some Western European Countries" in Proceedings of the 5th World Conference on Smoking and Health (1983).

[313]       If the prohibition against “lifestyle” advertising meets the minimal impairment test, it follows logically that a ban on sponsorship does as well.

[314]       Taking into account the conflicting interests at stake, Parliament opted for a five‑year transition toward a total ban on sponsorship activities and explained its reasons for doing so.[339] In the context of the federal government’s comprehensive approach to smoking, the measure is reasonable and appropriate.

Proportionality

[315]       As already discussed, Parliament chose measures that may seem severe, but they are proportional to the scope of the public health problem facing Canadians.

Non-tobacco products
          (ss. 27 and 28)

[316]       Sections 27 and 28 of the Act regulate non-tobacco products used by tobacco companies for advertising purposes (branded merchandising):

27. No person shall furnish or promote a tobacco product if any of its brand elements is displayed on a non-tobacco product, other than an accessory, or is used with a service, if the non-tobacco product or service

   (a) is associated with young persons or could be construed on reasonable grounds to be appealing to young persons; or

   (b) is associated with a way of life such as one that includes glamour, recreation, excitement, vitality, risk or daring.

28. (1) Subject to the regulations, a person may sell a tobacco product, or advertise a tobacco product in accordance with section 22, if any of its brand elements is displayed on a non-tobacco product, other than an accessory, or used with a service, if the non-tobacco product or service does not fall within the criteria described in paragraphs 27(a) and (b).

(2) Subject to the regulations, a person may promote a non-tobacco product, other than an accessory, that displays a tobacco product-related brand element, or a service that uses a tobacco product-related brand element, to which section 27 does not apply.[340]

Rational connection

[317]       The U.S. Food and Drug Administration made the following comments on the use of advertising on non-tobacco products (branded merchandising):

In response, the agency concludes that the evidence presents a compelling case to prohibit the sale and distribution of all non‑tobacco items that are identified with a cigarette or smokeless tobacco product brand name or other identifying characteristic. The evidence establishes that these non-tobacco items are readily available to young people and are attractive and appealing to them with as many as 40 to 50 percent of young smokers having at least one item (60 FR 41314 at 41336). The imagery and the item itself create a badge product for the young person and permit him/her the means to portray identification.

FDA has shown that tobacco advertising plays out over many media, and that any media can effectively carry the advertising message. Moreover, the agency recognizes that the tobacco industry has exploited loopholes in partial bans of advertising to move its imagery to different media. When advertising has been banned or severely restricted, the attractive imagery can be and has been replicated on non-tobacco items that go anywhere, are seen everywhere, and are permanent, durable, and unavoidable. By transferring the imagery to non-tobacco items, the companies have “thwarted” the attempts to reduce the appeal of tobacco products to children.

In addition, items, unlike advertisements in publications and on billboards, have little informational value. They exist solely to entertain, and to provide a badge that, as the Tobacco Institute asserted, allows the wearer to make a statement about his “social group” for all to see. But because tobacco is not a normal consumer product, it should not be treated like a frivolity.[341]

[318]       The Attorney General argues, and the Court accepts this position, that the multifaceted anti-smoking campaign favoured by the Minister of Health and adopted by Parliament through legislation requires the prohibition of parallel advertising campaigns.

[319]       Outlawing promotional shirts, balls, sports bags and other accessories that become badges for young people or associate smoking with a lifestyle is essential to attaining the Act’s objective.

[320]       A Health Canada study found the following:

First, most branded merchandising, judging from the type of article on offer, seems intended for youth or young adults as lifestyle accessories or fashion display. Second, some items (e.g. T-shirts, tote bags), when worn or carried as accessories, create a new advertising medium that can enter schools or other locations where tobacco product advertising would not normally be permitted, in effect ²giving the companies the opportunity to turn their customers into a promotional medium.² Third, unlike other forms of tobacco product advertising, these items do not display health-warning messages, even though the use of the brand/logo stands in for many of the connotative elements found in the product advertising copy. Fourth, by being both ubiquitous and seemingly innocuous in their social contexts, this type of advertisement may achieve greater market penetration than overt product advertising, simply because the marketing intention seems tangential to the merchandise’s mundane daily use. The promotional value of branded merchandise is enhanced by its role in providing a comfort level for the presence of cigarette brand names in all social settings.[342]

[321]       The industry itself sees this as a promotional tool whose full potential, as yet, remains explored.[343]

[322]       If there is a rational connection between advertising and consumption, then a connection must also exist between branded merchandising and consumption.

Minimal impairment

[323]       The restrictions are limited to products associated with youth or a lifestyle. The minimal impairment test is met, as explained in the preceding sections.

Proportionality

[324]       Comments are the same as previously discussed.

False promotion
          (s. 20)

[325]       Section 20 of the Act states:

20. No person shall promote a tobacco product by any means, including by means of the packaging, that are false, misleading or deceptive or that are likely to create an erroneous impression about the characteristics, health effects or health hazards of the tobacco product or its emissions.

[326]       False promotion is not protected under section 2(b) of the Charter. The plaintiffs made no attempt to argue otherwise.

Celebrities
          (s. 21)

[327]       Section 21 reads as follows:

21. (1) No person shall promote a tobacco product by means of a testimonial or an endorsement, however displayed or communicated.

(2) For the purposes of subsection (1), the depiction of a person, character or animal, whether real or fictional, is considered to be a testimonial for, or an endorsement of, the product.

(3) This section does not apply to a trade-mark that appeared on a tobacco product for sale in Canada on December 2, 1996.

[328]       Since the Court has determined that the restrictions on advertising and sponsorship in the Act are justified under section 1 of the Charter, there is even more reason to conclude that a ban on the use of sports figures or cartoon characters to promote cigarettes meets the criteria set out in Oakes.

Retail display of products
          (s. 30)

[329]       Section 30 of the Act states:

30. (1) Subject to the regulations, any person may display, at retail, a tobacco product or an accessory that displays a tobacco product-related brand element.

(2) A retailer of tobacco products may post, in accordance with the regulations, signs at retail that indicate the availability of tobacco products and their price.

[330]       First of all, the plaintiffs are manufacturers, not retailers, so their standing to challenge the constitutionality of section 30 in what is effectively a factual vacuum is questionable.

[331]       Secondly, section 30 allows retailers to display tobacco products in their establishments provided they comply with the relevant provisions of the Act.

[332]       A challenge to the Tobacco Act does not necessarily oblige the Court to address every constitutional question that could possibly arise. Per McLachlin C.J.:

The interpretation of the section is a necessary pre-condition to the determination of constitutionality, although it is understood, of course, that courts in future cases may refine the analysis in light of the facts and considerations that emerge with experience.[344]

[333]       Therefore, the Court cannot offer any guidance on the way in which retailers may sell tobacco products.

Communication media
          (s. 31)

[334]       The Act stipulates that restrictions on sponsorship and advertising apply not only to the tobacco companies, but also to the media.

31.        (1) No person shall, on behalf of another person, with or without consideration, publish, broadcast or otherwise disseminate any promotion that is prohibited by this Part.

(2) Subsection (1) does not apply to the distribution for sale of an imported publication or the retransmission of radio or television broadcasts that originate outside Canada.

(3) No person in Canada shall, by means of a publication that is published outside Canada, a broadcast that originates outside Canada or any communication other than a publication or broadcast that originates outside Canada, promote any product the promotion of which is regulated under this Part, or disseminate promotional material that contains a tobacco product-related brand element in a way that is contrary to this Part.

[335]       Section 31(1) would appear to be redundant. That which is generally prohibited under the Act is prohibited for all, including the media.

Promotion
          (s. 18)

[336]       Section 18 of the Act states:

18. (1) In this Part, "promotion" means a representation about a product or service by any means, whether directly or indirectly, including any communication of information about a product or service and its price and distribution, that is likely to influence and shape attitudes, beliefs and behaviours about the product or service.

(2) This Part does not apply to

(a) a literary, dramatic, musical, cinematographic, scientific, educational or artistic work, production or performance that uses or depicts a tobacco product or tobacco product-related brand element, whatever the mode or form of its expression, if no consideration is given directly or indirectly for that use or depiction in the work, production or performance;

(b) a report, commentary or opinion in respect of a tobacco product or a brand of tobacco product if no consideration is given by a manufacturer or retailer, directly or indirectly, for the reference to the tobacco product or brand in that report, commentary or opinion; or

(c) a promotion by a tobacco grower or a manufacturer that is directed at tobacco growers, manufacturers, persons who distribute tobacco products or retailers but not, either directly or indirectly, at consumers.

[337]       The first subsection defines the term “promotion.” Section 19 of the Act forbids the promotion of tobacco products except as authorized by law.

[338]       The plaintiffs argue that the combined effect of the two sections reaches well beyond the Act’s stated target, which is commercial expression. They submit that these sections go so far as to prohibit industry press releases, submissions to parliamentary committees and the disclosure of scientific research conducted by the industry. In short, the sections would completely obliterate the tobacco companies’ freedom of expression.

[339]       First, it is clear that Parliament feared, and with good reason, that the tobacco companies might find loopholes in the Act, allowing them to thwart its objective.[345]

[340]       Second, the plaintiffs should find comfort in section 18(2). When the bill was before the Senate, Minister Dingwall made the following statement:

Growers feared that the bill would unduly interfere in the internal workings of their industry. At report stage, we amended the definition and application clauses of the bill to assure them that it focuses on matters which touch the public rather than the internal workings of industry.[346]

[341]       At this stage, and in the absence of a factual context, the Court cannot speculate on every possible interpretation of the Act.[347] What is clear is that the second subsection of section 18 stipulates that only commercial promotion, that is, promotion directed at consumers, falls within the definition of promotion.

[342]       Nothing in this section limits the tobacco companies’ freedom of expression within the industry or their right to advocate their point of view democratically using whatever forum they might wish. The tobacco companies and the tobacco lobby do exist and have every right to exist.

Publication of a conviction
          (s. 59(c))

[343]       Section 59(c) of the Act stipulates:

59. When the court is sentencing an offender who has been convicted of an offence under this Act, in addition to any other punishment that may be imposed, the court may, having regard to the nature of the offence and the circumstances surrounding its commission, make an order having any or all of the following effects:

[…]

c) directing the offender to publish, in the manner directed by the court, the facts relating to the commission of the offence;

[344]       The tobacco companies are worried that this provision would infringe on their freedom of expression.

[345]       Similar provisions can be found in countless federal and provincial acts, usually ones related to environmental and health protection.

[346]       As a conviction would be in the public domain anyway, the Court cannot see how publication would infringe on freedom of expression. The provision allows a judge to oblige an offender to assume the costs of publicizing the conviction in cases where it can be demonstrated that this would be useful.

[347]       It is the court’s decision that would be published, not the offender’s point of view.


 

Section 7 of the Charter

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

[348]       The plaintiffs argue that several sections of the Act violate section 7 of the Charter:

a)     sections 18, 20, 22, 24 and 25 are vague;

b)     sections 58, 59(c) and 59(f) are overbroad;

c)      sections 19, 20, 21, 22, 24, 26, 27 and 31 deny them the defence of due diligence.

a) Legal entities

[349]       In the case at bar, it is far from clear that the plaintiffs, being legal entities, are entitled to protection under section 7, as they are not the object of criminal proceedings.[348]

b) Infringement on the right to life, liberty and security of the person

[350]       Even if the plaintiffs are entitled to protection under section 7, the decision in Beare tells us the following:

The analysis of s. 7 of the Charter involves two steps. To trigger its operation there must first be a finding that there has been a deprivation of the right to "life, liberty and security of the person" and, secondly, that that deprivation is contrary to the principles of fundamental justice.[349]

[351]       The absence of either of these two elements is fatal to a claim of infringement.

[352]       Most of the provisions challenged here do not carry a sentence of imprisonment, and many are only punishable by a fine (ss. 24, 25, 58 and 59(f)). These provisions in no way infringe on the right to life, liberty and security of the person.

c) Vagueness of the legislation

[353]       There can be no doubt that a law that is vague is contrary to the principles of fundamental justice.

[354]       As Gonthier J. observed in Nova Scotia Pharmaceutical:

Factors to be considered in determining whether a law is too vague include (a) the need for flexibility and the interpretative role of the courts, (b) the impossibility of achieving absolute certainty, a standard of intelligibility being more appropriate and (c) the possibility that many varying judicial interpretations of a given disposition may exist and perhaps coexist. [350]

Indeed no higher requirement as to certainty can be imposed on law in our modern State. Semantic arguments, based on a perception of language as an unequivocal medium, are unrealistic. Language is not the exact tool some may think it is. It cannot be argued that an enactment can and must provide enough guidance to predict the legal consequences of any given course of conduct in advance. All it can do is enunciate some boundaries, which create an area of risk. But it is inherent to our legal system that some conduct will fall along the boundaries of the area of risk; no definite prediction can then be made. Guidance, not direction, of conduct is a more realistic objective.[351]

A vague provision does not provide an adequate basis for legal debate, that is for reaching a conclusion as to its meaning by reasoned analysis applying legal criteria. It does not sufficiently delineate any area of risk, and thus can provide neither fair notice to the citizen nor a limitation of enforcement discretion. Such a provision is not intelligible, to use the terminology of previous decisions of this Court, and therefore it fails to give sufficient indications that could fuel a legal debate. It offers no grasp to the judiciary. This is an exacting standard, going beyond semantics.[352]

[355]       Few acts have been struck down by the Supreme Court because of vagueness. Judicial deference is called for in such cases.

[356]       The Tobacco Act is the instrument of a public health objective, an objective involving a number of social science concepts that are in a constant state of evolution and for which rigorously scientific proof is rarely available. Analysis must necessarily go “beyond semantics.”

d) False promotion

[357]       Section 20 prohibits false or misleading promotion. The text is clear, can be found in other acts, and is in no way vague.

e) Appealing to young persons

[358]       Section 22(3) reads as follows:

22. (3) Subsection (2) does not apply to lifestyle advertising or advertising that could be construed on reasonable grounds to be appealing to young persons.

[359]       The Court of Appeal and a unanimous Supreme Court agree that Parliament may prohibit “lifestyle” advertising and “advertising aimed at children and adolescents.”[353]

[360]       The plaintiffs claim that since no definition of either expression is given, the wording of the Act is not in keeping with the teachings of the Court. Section 22(3), they argue, is unintelligible.

[361]       First, the expression “on reasonable grounds” has a clear meaning in case law: credibly based probability, reasonable probability or reasonable belief.[354]

[362]       As for the words “appealing to young persons,” or “attrayants pour les jeunes“ in French, they are sufficiently clear such that a court would be able to interpret them, not merely in theoretical terms, but in light of the facts and considerations surrounding a specific event in real life.

f) “Lifestyle” advertising

[363]       Section 22(3) is linked to the definition in section 22(4):

(4) The definitions in this subsection apply in this section.

"lifestyle advertising" means advertising that associates a product with, or evokes a positive or negative emotion about or image of, a way of life such as one that includes glamour, recreation, excitement, vitality, risk or daring.

[364]       Much of the evidence introduced by the tobacco companies concerned their claim that the definition of “lifestyle” advertising contemplated in the Act is unintelligible and so overbroad as to effectively prohibit all advertising.

[365]       First, we should bear in mind that it was the tobacco companies themselves who suggested to the Court of Appeal and the Supreme Court that “lifestyle” advertising and advertising “directed at children” should be prohibited. In the words of La Forest J.:

The appellants submit that Parliament has unjustifiably imposed a complete prohibition on tobacco advertising and promotion when it could have imposed a partial prohibition with equal effectiveness. They suggest that Parliament could have instituted a partial prohibition by forbidding "lifestyle" advertising (which seeks to promote an image by associating the consumption of the product with a particular lifestyle) or advertising directed at children, without at the same time prohibiting "brand preference" advertising (which seeks to promote one brand over another based on the colour and design of the package) or "informational" advertising (which seeks to inform the consumer about product content, taste and strength and the availability of different or new brands). According to the appellants, there is no need to prohibit brand preference or informational advertising because both are targeted solely at smokers, and serve a beneficial function by promoting consumer choice.[355]

[366]       Second, the evidence shows that the tobacco companies know very well what “lifestyle” advertising is, as a large proportion of their advertising associates cigarettes with a lifestyle. The industry’s voluntary code refers to “lifestyle” advertising, and both Health Canada[356] and the Canadian Cancer Society make reference to it.[357] In general, all the parties to this case have referred to the concept.

[367]       The various examples of tobacco advertising featuring themes of independence, zest for life, risk-taking and recreation introduced into evidence by the parties demonstrate that the definition is sufficiently clear to allow a court to interpret it.

[368]       While it is true that the definition is broad, we must remember that the Act imposes a general ban on advertising, except in specific circumstances where permitted.

g) Overbreadth of sections 58 and 59(f)

[369]       Section 58 reads:

58. If an offender has been convicted of an offence under this Act and the court is satisfied that as a result of the commission of the offence the offender acquired any monetary benefits or that monetary benefits accrued to the offender, the court may order the offender to pay, despite the maximum amount of any fine that may otherwise be imposed under this Act, an additional fine in an amount equal to the court's estimation of the amount of those monetary benefits.

[370]       Section 59(f) states:

59. When the court is sentencing an offender who has been convicted of an offence under this Act, in addition to any other punishment that may be imposed, the court may, having regard to the nature of the offence and the circumstances surrounding its commission, make an order having any or all of the following effects:

[…]

(f) directing the offender to pay an amount for the purposes of conducting research into any matters relating to tobacco products that the court considers appropriate.

[371]       The plaintiffs argue that these two sections are overly broad and therefore violate section 7 of the Charter.

[372]       There are conflicting opinions in the case law and doctrine as to whether overbreadth of legislation can be considered a violation of the principles of fundamental justice.[358] There is no need, however, to resolve that issue, as the plaintiffs’ argument fails for other reasons.

[373]       Parliament has given judges the discretion to tailor the punishment for contravening the Act to the financial benefit accruing from the offence. A judge may even order the offender to pay for research. 

[374]       While innovative, this formula is not without precedent in penal legislation. The Act looks for modern solutions to a modern problem. Any defendant found guilty of an offence under the Act may plead at sentencing that the application of these special measures would be inappropriate.

[375]       The Court must defer to Parliament in this legislative choice, which provides for judicial scrutiny and whose scope does not appear to be excessive.

h) Due diligence defence

[376]       The plaintiffs argue that sections 19 to 22, 24, 26, 27 and 31 of the Act violate section 7 of the Charter because they do not allow the defence of due diligence to be raised.

[377]       This issue will be dealt with in detail in the next section of this judgment, where the same argument involving the due diligence defence is raised with regard to section 8 of the Charter.

[378]       For the moment, the Court will content itself to conclude that the Tobacco Act, being regulatory in nature, creates strict liability offences against which the traditional common law defences of due diligence and reasonable mistake of fact may be raised, whether the Act says so or not. 

[379]       This presumption is set aside in instances where Parliament clearly intended to create absolute liability offences, which is not the case here.

[380]       In cases of doubt, the offence must be interpreted as a strict liability offence so that it complies with the Charter.

[381]       Nothing in the Act prevents an accused from raising the due diligence offence; therefore, the Act in no way violates section 7 of the Charter.


 

Section 8 of the charter

a) Due diligence defence

[382]       The plaintiffs submit that inspectors’ powers of inspection, search and seizure under Part V of the Act violate section 8 of the Charter, in that the powers are unreasonable and contrary to the teachings of Hunter.[359]

[383]       Furthermore, as offences under the Act do not include a mens rea element, they deprive offenders of the defence of due diligence.

[384]       Section 8 of the Charter reads as follows:

8. Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

 

*     *     *     *     *

 

[385]       Offences and punishments under the Act are found in Part VI, sections 43 to 59.

[386]       Some offences are punishable by a fine, others by a fine and imprisonment. All fines are maximum ones; no minimum fines are contemplated. The same is true of prison sentences, the most serious of which does not exceed two years.

[387]       Most of the offences are punishable by summary conviction. A few are mixed offences, which give the Attorney General the choice of proceeding by summary conviction or indictment (s. 43).

[388]       Section 34 (2) of the Interpretation Act[360] states:

34 (2) All the provisions of the Criminal Code relating to indictable offences apply to indictable offences created by an enactment, and all the provisions of that Code relating to summary conviction offences apply to all other offences created by an enactment, except to the extent that the enactment otherwise provides.

[389]       In short, the Criminal Code applies to any prosecution brought pursuant to the Tobacco Act except where the Act provides otherwise, as do all the common-law rules laid down by Canada’s courts over the years.

[390]       We have seen that Parliament has the power to impose sanctions with respect to the regulation of tobacco pursuant to federal jurisdiction over criminal law.

[391]       Still, the type of criminal liability stipulated by the Act must be determined, since the case law on section 8 of the Charter, as we shall see, varies depending on whether the particular case involves traditional criminal law or regulatory offences.

[392]       Per La Forest J. in Hydro-Québec:[361]

Contrary to the respondent's submission, under s. 91(27) of the Constitution Act, 1867, it is also within the discretion of Parliament to determine the extent of blameworthiness that it wishes to attach to a criminal prohibition. So it may determine the nature of the mental element pertaining to different crimes, such as a defence of due diligence like that which appears in s. 125(1) of the Act in issue. This flows from the fact that Parliament has been accorded plenary power to make criminal law in the widest sense. This power is, of course, subject to the "fundamental justice" requirements of s. 7 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms, which may dictate a higher level of mens rea for serious or "true" crimes; cf. R. v. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 S.C.R. 154 , and R. v. Rube, [1992] 3 S.C.R. 159 , but that is not an issue here.

[393]       “True crimes” are known in French as crimes graves or crimes proprement dits. La Forest J. continues his analysis, stating on page 302:

On this basis, Gonthier J. then turned to an examination of terms similar to those in the Act under review. He was there dealing with a provincial regulatory statute, but the same underlying need to protect the vulnerable and the public generally is inherent in criminal offences of the type in question here. This was recognized by Cory J. in Wholesale Travel Group Inc., supra. That case concerned offences under the Competition Act (formerly the Combines Investigation Act), long held to be constitutionally supportable under Parliament's criminal law power. Cory J. carefully distinguished between the type of offences there in question, which he described as regulatory offences, and "true crimes" such as murder.[362]

[394]       In short, the federal Parliament has broad criminal law powers giving it authority to create prohibitions on specific acts in order to prevent true crimes and regulatory-type offences.

[395]       In Wholesale Travel Group,[363] a case involving the Competition Act, Cory J. remarked:

The fundamental issue raised on this appeal is whether regulatory statutes which impose a regime of strict liability for breach of their provisions infringe ss. 7 and 11(d) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms.

p. 210

[…]

The common law has long acknowledged a distinction between truly criminal conduct and conduct, otherwise lawful, which is prohibited in the public interest. Earlier, the designations mala in se and mala prohibita were utilized; today prohibited acts are generally classified as either crimes or regulatory offences.

p. 216

[…]

The Sault Ste. Marie case recognized strict liability as a middle ground between full mens rea and absolute liability. Where the offence is one of strict liability, the Crown is required to prove neither mens rea nor negligence; conviction may follow merely upon proof beyond a reasonable doubt of the proscribed act. However, it is open to the defendant to avoid liability by proving on a balance of probabilities that all due care was taken. This is the hallmark of the strict liability offence: the defence of due diligence.

p. 218

[…]

It has always been thought that there is a rational basis for distinguishing between crimes and regulatory offences. Acts or actions are criminal when they constitute conduct that is, in itself, so abhorrent to the basic values of human society that it ought to be prohibited completely. Murder, sexual assault, fraud, robbery and theft are all so repugnant to society that they are universally recognized as crimes. At the same time, some conduct is prohibited, not because it is inherently wrongful, but because unregulated activity would result in dangerous conditions being imposed upon members of society, especially those who are particularly vulnerable.

The objective of regulatory legislation is to protect the public or broad segments of the public (such as employees, consumers and motorists, to name but a few) from the potentially adverse effects of otherwise lawful activity. Regulatory legislation involves a shift of emphasis from the protection of individual interests and the deterrence and punishment of acts involving moral fault to the protection of public and societal interests. While criminal offences are usually designed to condemn and punish past, inherently wrongful conduct, regulatory measures are generally directed to the prevention of future harm through the enforcement of minimum standards of conduct and care.

pp. 218-219

[396]       Upon reading the preceding, one must conclude that the Tobacco Act is clearly regulatory in nature. We should bear in mind that the Competition Act, the legislation declared constitutional in Wholesale, provided for five years’ imprisonment for some offences.

[397]       The behaviour condemned by the Tobacco Act is what La Forest J. described in Thomson as “conduct which is made criminal for strictly instrumental reasons.”[364]

[398]       As the Tobacco Act is regulatory in nature, the offences therein are presumed to belong to the category of strict liability offences.

[399]       As Cory J. explained in R. v. Pontes:[365]

It may be helpful to undertake a very brief review of the reasons of Dickson J. (as he then was) in Sault Ste. Marie, supra. In that case, he noted that there were three categories of offences. First, he referred to the traditional criminal law offence, which required proof of either an intent to commit the prohibited act or a reckless disregard for the consequences of committing that act. Second, at the opposite end of the scale was the absolute liability offence which did not permit of any explanation by the accused; the performance of the act alone was sufficient to establish culpability. Third, between these two categories was the offence of strict liability. In that category of offence, the accused could escape liability by demonstrating that he had exercised due diligence by taking all reasonable steps to avoid the commission of the prohibited act, or that he reasonably believed in a mistaken set of facts which, if true, would render the act or omission innocent.

[400]       After quoting passages from Sault Ste. Marie, Cory J. recognized that the question of “what minimal intent should be required in light of the passage of s. 7 of the Charter[…]”[366] would have to be addressed.

[401]       Referring to the Reference Re B.C. Motor Vehicle Act[367], Cory J. reiterated that absolute liability offences punishable by imprisonment violate section 7 of the Charter.

[402]       When it enacted the Tobacco Act, Parliament, being well aware of the Supreme Court’s teachings, could not have intended to create absolute liability offences, as the plaintiffs claim, and in fact did not take this course.

[403]       The offences and penalties in parts V and VI of the Act are clearly strict liability offences against which an accused could always raise the due diligence defence.

[404]       Per Lamer C.J. in R. v. Rube[368]:

We agree with the Court of Appeal of British Columbia that the wording of the sections [ss. 5(1) and 29 of the Food and Drugs Act, R.S.C. 1970, c. F-27] is open to interpretation and does not explicitly exclude a defence of due diligence. We agree that given the penalties, this is not an offence that could, without offending the Canadian Charter of Rights and Freedoms, be one of absolute liability.

On the presumption that Parliament intends its legislation to conform to the exigencies of the Charter, we are of the view that the section [s. 5(1) of the Act] is one of strict liability and that a defence of due diligence is available to the accused.

[405]       At this stage in the analysis of the Act, assuming the Act is constitutional with respect to its breadth, the plaintiffs’ argument to the effect that the Act deprives tobacco companies of the defence of due diligence is rejected.

b) Burden of proof

[406]       The plaintiffs argue that section 53 of the Act reverses the traditional burden of proof, obliging those accused of offences under the Act to prove their innocence.

53. (1) No exception, exemption, excuse or qualification prescribed by law is required to be set out or negatived, as the case may be, in an information or indictment for an offence under this Act or under section 463, 464 or 465 of the Criminal Code in respect of an offence under this Act.

(2) In a prosecution for an offence referred to in subsection (1), the burden of proving that an exception, exemption, excuse or qualification prescribed by law operates in favour of the accused is on the accused and the prosecutor is not required, except by way of rebuttal, to prove that it does not operate in favour of the accused, whether or not it is set out in the information or indictment.

[407]       The argument is rejected. For strict liability offences, the Crown must always prove the actus reus, or the act prohibited by law, beyond all reasonable doubt. This is the initial burden of proof to be met.

[408]       Once this burden has been met, the accused must establish on a balance of probabilities that he or she took every reasonable precaution not to commit the offence. In short, the accused must demonstrate due diligence, as is the case for any strict liability offence created by regulatory legislation. If the accused can show this, he or she will be acquitted.

[409]       Section 53 of the Act is actually borrowed from sections 794(1) and (2) of the Criminal Code.

794. (1) No exception, exemption, proviso, excuse or qualification prescribed by law is required to be set out or negatived, as the case may be, in an information.

(2) The burden of proving that an exception, exemption, proviso, excuse or qualification prescribed by law operates in favour of the defendant is on the defendant, and the prosecutor is not required, except by way of rebuttal, to prove that the exception, exemption, proviso, excuse or qualification does not operate in favour of the defendant, whether or not it is set out in the information.

c) The Hunter test

[410]       As is the case with all Charter rights and freedoms, the constitutional protections guaranteed under section 8 do not have the same scope in regulatory matters as they do in criminal ones.

[411]       Here, we are dealing with a regulatory matter, and the Act’s objective (s. 4) is to combat a serious public health problem affecting Canadians, especially young ones.

[412]       In Hunter, Dickson J. discussed the notion of “reasonable expectation”:

The guarantee of security from unreasonable search and seizure only protects a reasonable expectation. This limitation on the right guaranteed by s. 8, whether it is expressed negatively as freedom from “unreasonable” search and seizure, or positively as an entitlement to a “reasonable” expectation of privacy, indicates that an assessment must be made as to whether in a particular situation the public's interest in being left alone by government must give way to the government's interest in intruding on the individual's privacy in order to advance its goals, notably those of law enforcement. [369]

[413]       The criteria prerequisite to a reasonable search or seizure are summarized by Wilson J. in R. v. McKinlay Transport Ltd.:[370]

(a) a system of prior authorization, by an entirely neutral and impartial arbiter who is capable of acting judicially in balancing the interests of the State against those of the individual;

(b) a requirement that the impartial arbiter must satisfy himself that the person seeking the authorization has reasonable grounds, established under oath, to believe that an offence has been committed;

(c) a requirement that the impartial arbiter must satisfy himself that the person seeking the authorization has reasonable grounds to believe that something which will afford evidence of the particular offence under investigation will be recovered; and

(d) a requirement that the only documents which are authorized to be seized are those which are strictly relevant to the offence under investigation.

[414]       At page 647, she goes on to draw a distinction with respect to seizures in a regulatory context:

It is consistent with this approach, I believe, to draw a distinction between seizures in the criminal or quasi-criminal context to which the full rigours of the Hunter criteria will apply, and seizures in the administrative or regulatory context to which a lesser standard may apply depending upon the legislative scheme under review.

[415]       Canadians’ privacy expectations in this area are undeniably limited, particularly with respect to section 8 of the Charter. As Cory J. observed in 14371 Canada Inc. v. Quebec (A.G.):[371]

There are a number of matters that must be conceded at the outset. The documents seized in this case are commercial in nature. It follows that there cannot be the same privacy interest in those documents that there would be in personal papers. The expectation of privacy in business records is necessarily low. They do not ordinarily contain the type of personal information that lies at the heart of the constitutional protection of privacy. Further, it must be recognized that the state must have the power to regulate business, both for economic reasons and in order to provide protection to the vulnerable individual against private power. This was set out with great cogency by La Forest J. in Thomson Newspapers Ltd. v. Canada (Director of Investigation and Research, Restrictive Trade Practices Commission), [1990] 1 S.C.R. 425 , at pp. 517-18. It follows that since the search in this case was made pursuant to a regulatory statute in the highly regulated field of restaurants and hotels the expectation of privacy must of necessity be diminished.

[416]       In Potash,[372] La Forest J., writing on behalf of a majority of the Court, emphasized that the requirement of obtaining proper authorization before a seizure, a principle set out in Hunter, does not apply to regulatory inspections such as those found in the Tobacco Act:

It is thus impossible, without further qualification, to apply the strict guarantees set out in Hunter v. Southam Inc., supra, which were developed in a very different context. The underlying purpose of inspection is to ensure that a regulatory statute is being complied with. It is often accompanied by an information aspect designed to promote the interests of those on whose behalf the statute was enacted. The exercise of powers of inspection does not carry with it the stigmas normally associated with criminal investigations and their consequences are less draconian. While regulatory statutes incidentally provide for offences, they are enacted primarily to encourage compliance. It may be that in the course of inspections those responsible for enforcing a statute will uncover facts that point to a violation, but this possibility does not alter the underlying purpose behind the exercise of the powers of inspection. The same is true when the enforcement is prompted by a complaint. Such a situation is obviously at variance with the routine nature of an inspection. However, a complaint system is often provided for by the legislature itself as it is a practical means not only of checking whether contraventions of the legislation have occurred but also of deterring them.

p. 421

[…]

In view of the important purpose of regulatory legislation, the need for powers of inspection, and the lower expectations of privacy, a proper balance between the interests of society and the rights of individuals does not require, in addition to the legislative authority, a system of prior authorization.

p. 422

d) Inspection regime under the Act

[417]       The plaintiffs object to sections 35, 36 and 39 of the Act, which allow an inspector, for the purposes of enforcing the Act, to inspect any place where cigarettes are manufactured and seize anything that has been used to commit an offence under the Act.

[418]       First of all, we must once again bear in mind that the Court does not have a factual context to evaluate here, as no seizure has yet been carried out and brought to the attention of the Court.

[419]       Thus, there is no infringement of section 8, and the courts are reluctant to pronounce judgment in a factual vacuum.[373]

[420]       Secondly, even if we assume that some of the powers given to inspectors by the three sections cited above include those to conduct searches or seizures within the meaning of section 8, we must still determine if they are unreasonable or not.

[421]       It would appear to this Court that, in light of the teachings of the Supreme Court, the guidelines framing the inspection powers under Part V of the Act are sufficient to allay any fear that the Act could be abused.

[422]       Section 35 limits inspectors’ powers to enforcing the Act in places where tobacco products are manufactured, stored or sold.

[423]       Section 36 forbids inspections of dwellings without a search warrant. The use of force is not authorized unless a warrant is first obtained.

[424]       The power to seize anything “by means of which or in relation to which the inspector believes on reasonable grounds that this Act has been contravened” under section 39 of the Act is already codified in section 489(2) of the Criminal Code and recognized in the common law “plain view” doctrine:

489. (2) Every peace officer, and every public officer who has been appointed or designated to administer or enforce any federal or provincial law and whose duties include the enforcement of this or any other Act of Parliament, who is lawfully present in a place pursuant to a warrant or otherwise in the execution of duties may, without a warrant, seize any thing that the officer believes on reasonable grounds

(a) has been obtained by the commission of an offence against this or any other Act of Parliament;

(b) has been used in the commission of an offence against this or any other Act of Parliament; or

(c) will afford evidence in respect of an offence against this or any other Act of Parliament.

[425]       The examples above and other guidelines specified in the Act effectively limit government intrusion when enforcing the Act. As La Forest J. reiterated in Potash:[374]

It goes without saying that these powers must be exercised in accordance with the purpose of the Act and the inspectors are required to act in complete good faith. It will always be possible to challenge abuses; but that does not alter the validity of the legislative scheme and the balance it strikes between the interests of society and the individual's right to privacy.

[426]       Once again, as already discussed, the Court has great difficulty examining the question of an unreasonable search in the total absence of a factual basis.

[427]       For the moment, the plaintiffs’ claims of infringement of section 8 must be rejected.


 

presumption of innocence

[428]       The plaintiffs submit that section 53(2) of the Act illegally reverses the burden of proof, placing it on the accused and thus violating the presumption of innocence guaranteed under section 11(d) of the Charter.

53. (1) No exception, exemption, excuse or qualification prescribed by law is required to be set out or negatived, as the case may be, in an information or indictment for an offence under this Act or under section 463, 464 or 465 of the Criminal Code in respect of an offence under this Act.

(2) In a prosecution for an offence referred to in subsection (1), the burden of proving that an exception, exemption, excuse or qualification prescribed by law operates in favour of the accused is on the accused and the prosecutor is not required, except by way of rebuttal, to prove that it does not operate in favour of the accused, whether or not it is set out in the information or indictment.

[429]       In Oakes, Dickson C.J. stressed, “The presumption of innocence confirms our faith in humankind; it reflects our belief that individuals are decent and law-abiding members of the community until proven otherwise.”[375]

[430]       The Crown must therefore produce its evidence and convince the courts of the accused’s guilt beyond a reasonable doubt before the accused chooses whether or not to respond.

[431]       The plaintiffs argue that section 53(2) requires the accused to prove that its advertising falls within one of the categories of advertising permitted under the Act, that is, “information” or “brand-preference” advertising.

[432]       This is not the meaning the Court gives to this section. The burden of proving the essential elements of an offence always rests with the Crown.

[433]       Section 7(2) of the former Narcotic Control Act, R.S.C. 1970, c. N-1 is similar in construction to section 53(2):

7(2) In any prosecution under this Act the burden of proving that an exception, exemption, excuse or qualification prescribed by law operates in favour of the accused is on the accused, and the prosecutor is not required, except by way of rebuttal, to prove that the exception, exemption, excuse or qualification does not operate in favour of the accused, whether or not it is set out in the information or indictment.


[434]       The effect of this section was discussed in Perka:[376]

The Crown contends that the defence of necessity is an “exception, exemption, excuse or qualification prescribed by law.” I find no merit in this contention.

The Narcotic Control Act provides for several statutory exceptions to its broad prohibitions against importation, sale, manufacture, and possession. The offences created by the Act are generally subject to the proviso that the accused not have been acting under the authority of the Act or the regulations thereunder. See sections 3(1) (possession), 5(1) (importation), 6(1) (cultivation). Section 12 of the Act implements this scheme by providing for a set of regulations governing the issuance of licences for, inter alia, the importation, sale, manufacture, or possession of narcotics. One who sells, imports, manufactures or possesses narcotics pursuant to such authority does not commit an offence.

It seems clear that it is to these statutory exemptions that s. 7(2) refers, and not to common law defences such as necessity. One who wishes to plead the possession of a licence or other lawful authority in response to a charge of importation bears, under s. (7), the burden of persuading the trier of fact that such licence exists. One who pleads necessity bears no such burden. Section 7(2) does not place a persuasive burden as to the defence of necessity on the accused.

[435]       The Tobacco Reporting Regulations created pursuant to the Act require manufacturers to provide the federal government once a year with a chemical analysis of emissions contained in smoke for each brand of cigarette.

[436]       The Minister may exempt a manufacturer from providing this information under certain conditions. It is clear that if a manufacturer is prosecuted for not providing this annual report, it falls upon that company to prove that they have obtained an exemption.

[437]       This procedure in no way reverses the burden of proof applied in penal proceedings. The onus is always on the Crown to prove guilt.

[438]       The same approach was adopted with respect to firearms possession in R. v. Schwartz, [1988] 2 S.C.R. 443 .

[439]       Seen in this light, section 53 of the Act does not violate section 11(d) of the Charter.


 

Extra-territoriality
          (s. 31(3))

[440]       The plaintiffs argue that section 31(3) is ultra vires because of its extra‑territorial reach:

31. (3) No person in Canada shall, by means of a publication that is published outside Canada, a broadcast that originates outside Canada or any communication other than a publication or broadcast that originates outside Canada, promote any product the promotion of which is regulated under this Part, or disseminate promotional material that contains a tobacco product-related brand element in a way that is contrary to this Part.

[441]       The federal Parliament has the legislative authority to give extra-territorial effect to its laws, as professors Brun and Tremblay[377] explain:

[TRANSLATION] The federal Parliament has unlimited personal jurisdiction. Its legislation applies not only to persons within Canada, but also to persons outside Canada, be they Canadian citizens or foreign nationals.

This extra-territorial reach is made possible by section 3 of the Statute of Westminster, 1931, which declares that “the Parliament of a Dominion has full power to make laws having extra-territorial operation.” The Extra-territorial Act, 1933, which became section 8 (3) of the Interpretation Act, R.S.C. 1985, c. I-21, makes this effect retroactive. See Croft v. Dunphy, [1933] A.C. 156; British Coal Corp. v. R., [1935] A.C. 500 and Pan American World Airways v. R.,  [1979] 2 F.C. 34 , 46.

The federal Parliament may therefore enact laws that purport to apply to persons outside Canada, even if those persons are not Canadian citizens or resident in Canada. For example, in British Columbia Electric Ry. Co. v. R., [1946] A.C. 527, we have the case of a federal tax levied on non-residents. Today, laws with extra-territorial operation are often used to allow certain offences committed outside Canada to be punished in Canada. For examples of this, see section 29 of the Citizenship Act, R.S.C. 1985, c. C-29 and sections 6(2) and 7 of the Criminal Code, R.S.C. 1985, c. C-46. See also the Canadian Human Rights Act, R.S.C. 1985, c. H-6, paragraph 40(5)(c). 

Parliament may even give its extra-territorial laws an annexationist effect. Today, this legislative intention is particularly prominent in marine space matters. For example, federal acts have established the existence of Canadian territorial waters and extended their limits to 12 nautical miles. See Chapter 3 for a discussion of Canadian maritime boundaries. The same legal situation applies to unsubmerged territories, be they claimed by other states or not. A Canadian law that declares itself applicable to a territory currently part of the United States, although probably unenforceable, would nevertheless be upheld as valid by Canadian courts. “In this Court we have nothing to do with the question of whether the Legislature has or has not done what foreign powers may consider a usurpation in a question with them”: Mortensen v. Peters, (1906), cited in K. and L. 3. 

[442]       With this Act, Parliament has taken steps to restrict tobacco product advertising in Canada. The Court takes judicial notice of the penetration of U.S. media into this country, especially in English-speaking parts of Canada. The fact that Parliament would like to prevent Canadians from doing in the United States what they are forbidden to do here is legitimate and does not pose any constitutional problem.[378]

 

*     *     *     *     *


 

Tobacco Products Information Regulations

Legal challenges

[443]       Sections 17 and 33 of the Act allow the Governor in Council to make regulations to further the objectives of the Act. Pursuant to section 42.1 of the Act, the Regulations challenged here were unanimously approved by the House of Commons on June 8, 2000, after being studied by the Standing Committee on Health.

[444]       The Regulations oblige tobacco companies to place warnings and certain other information on their products, most notably on cigarette packages.

[445]       The warnings must take up 50% of the total surface of a cigarette package (compared with 35% under the T.P.C.A.) and include the graphic illustrations reproduced in Appendix 4 of this judgment.

[446]       Tobacco products must also list and quantify six distinct toxic emissions and include a message about the health effects of tobacco and how to go about quitting smoking.

[447]       The plaintiffs contest the legality of the Regulations on three grounds:

a)     the Regulations are ultra vires the regulatory powers under the Act;

b)     the warnings constitute an illegal expropriation of the cigarette package;

c)      the Regulations infringe on freedom of expression.

a) Legality of the Regulations

[448]       We are already well aware of the Act’s public health objectives as laid out in section 4. Part III of the Act, “Labelling,” gives the Governor in Council the power to regulate tobacco information pursuant to the objectives of the Act. Section 33 of the Act sets out the exact nature of the regulations that can be made.

[449]       The Tobacco Products Information Regulations are clearly based on the powers contemplated under sections 17 and 33 of the Act, which further the Act’s general objective of protecting the health of Canadians from a serious problem, smoking, by informing them of its dangers.

[450]       The plaintiffs’ argument pertaining to the legality of the Regulations is rejected.

b) Illegal expropriation

[451]       The plaintiffs submit that the warnings imposed by the Regulations constitute an illegal expropriation of their property (i.e., the cigarette package) without compensation.

[452]       The legal concept of expropriation does not apply to the case at bar, as there has been no conveyance of property from the tobacco companies to the federal government.

[453]       When the government, through its legislation, requires food product manufacturers to list the ingredients on the products they sell, there is no expropriation. The same is true for manufacturers of dangerous goods, who must label their products as such. 

[454]       At any rate, the government has no constitutional obligation to offer compensation for an expropriation,[379] and economic rights are not protected under the Charter.[380]

[455]       When the government imposes warnings that occupy 50% of the cigarette package, it does so to serve a public health interest, not an economic one.

Most forms of regulation impose costs on those who are regulated, and it would be intolerably costly to compensate them. Moreover much regulation has a redistributive purpose: it is designed to reduce the rights of one group (manufacturers, employers, for example) and increase the rights of another (consumers, employees, for example). A compensation regime would work at cross-purposes to the purpose of the regulation.[381]

[456]       The plaintiffs’ argument is rejected.

c) Freedom of expression

[457]       The plaintiffs claim infringement of their freedom of expression guaranteed under section 2(b) of the Charter. Given the highly restrictive nature of the Act, the warnings, they claim, are so intrusive as to deprive them of their last remaining means of communicating with consumers.

[458]       First, while the Act may be very restrictive, the tobacco companies still have other means of communicating with their customers to conduct informational and brand‑preference advertising.

[459]       They may place informational inserts in their cigarette packages, and the other 50% of the package’s surface area remains at their disposal.

[460]       The tobacco companies rely on Pacific Press, [2000] 5 W.W.R. 219 (B.C.S.C.), a case involving a requirement that the media publish certain information when reporting on surveys.

[461]       The case can be distinguished from the case at bar. In Pacific Press, political expression and freedom of the press were at stake; here, we are concerned with products that are a health hazard.

[462]       Let us choose a cigarette package at random for examination: a package of 25 Player’s Filter King-size cigarettes. The warning “Cigarettes are a heartbreaker” takes up 50% of the package. This information has been scientifically proven.

[463]       The other 50% of the package, apart from the traditional Player’s logo, contains the following information: “light, smooth, traditional taste — less irritating.” All of these claims have been demolished by the evidence.

[464]       Freedom of expression under the Charter is a broader and more generous concept than the tobacco companies would have us think.

[465]       The Supreme Court has already addressed the legality of warnings attributed to Health Canada. Per McLachlin J. (as she then was):

Unlike La Forest J., I take the view that s. 9 of the Act, which requires tobacco manufacturers to place an unattributed health warning on tobacco packages, also infringes the right of free expression. As La Forest J. notes in para. 113, this Court has previously held that "freedom of expression necessarily entails the right to say nothing or the right not to say certain things": Slaight Communications Inc. v. Davidson, [1989] 1 S.C.R. 1038 , at p. 1080, per Lamer J. (as he then was). Under s. 9(2), tobacco manufacturers are prohibited from displaying on their packages any writing other than the name, brand name, trade mark, and other information required by legislation. The combination of the unattributed health warnings and the prohibition against displaying any other information which would allow tobacco manufacturers to express their own views, constitutes an infringement of the right to free expression guaranteed by s. 2(b) of the Charter.[382]

[466]       The new Act corrects the deficiencies of the first. The new warnings are attributed to their author, Health Canada (ss. 4(1) and 4(2) of the Regulations).

 

*     *     *     *     *

 

Justification under section 1 of the Charter

[467]       In the first judgment, warnings were accepted as justified under section 1 of the Charter. As McLachlin J. (as she then was) observed:

The government is clearly justified in requiring the appellants to place warnings on tobacco packaging. For the reasons given with respect to the advertising ban, a lower level of constitutional scrutiny is not justified in deciding whether it was necessary to prohibit the appellants from attributing the message to the government […].[383]

Per Iacobucci J.:

At this juncture, I should like to offer some indication of what sorts of measures would, in my mind, have survived Charter scrutiny. As I have already mentioned, it is clear that health warnings can and should be placed on the packages, but the strictures of the Charter necessitate that they be attributed to their author, in all likelihood Health and Welfare Canada.[384]

a) Pressing and substantial objective

[468]       The evidence clearly shows that consumers and the general public are not aware of the dangers of cigarettes, apart from the fact that they are a health hazard.

[469]       Tobacco is a harmful product. Smoking is the most serious health problem facing Canada. Consumers are unaware of this or have only a vague idea of how dangerous cigarettes are.

Our research shows that Canadians are generally aware that tobacco is bad for health, but they are not aware of the range and the seriousness of the diseases caused by smoking. In particular, smokers are less likely than non-smokers to think tobacco use is a major health problem. This is one of the fundamental reasons we are pursuing these regulations.

For example, young people who smoke are notably less likely, at 68%, than non-smoking youth, at 89%, to see tobacco as a major health problem. That is, of young people who are non-smokers, 89% see tobacco use a major health problem, but of young smokers, only 68% see it as a major health problem. This is the knowledge gap that these regulations are intended to address.[385]

[470]       Witness Power, whose expert testimony is based on the hypothesis that the public has general knowledge of the risks of tobacco consumption, is convinced that the public does not understand that cigarettes can cause erectile dysfunction and that, even if they were told, smokers would not believe it. 

[471]       The overwhelming evidence on this subject, however, cannot be ignored.

[472]       Manufacturers have a legal and a moral duty to warn consumers of the inherent dangers of the products they market, as we see in Hollis v. Dow Corning Corp.:[386]

It is well established in Canadian law that a manufacturer of a product has a duty in tort to warn consumers of dangers inherent in the use of its product of which it has knowledge or ought to have knowledge. This principle was enunciated by Laskin J. (as he then was), for the Court, in Lambert v. Lastoplex Chemicals Co., [1972] S.C.R. 569 , at p. 574, where he stated:

Manufacturers owe a duty to consumers of their products to see that there are no defects in manufacture which are likely to give rise to injury in the ordinary course of use. Their duty does not, however, end if the product, although suitable for the purpose for which it is manufactured and marketed, is at the same time dangerous to use; and if they are aware of its dangerous character they cannot, without more, pass the risk of injury to the consumer.

The duty to warn is a continuing duty, requiring manufacturers to warn not only of dangers known at the time of sale, but also of dangers discovered after the product has been sold and delivered; see Rivtow Marine Ltd. v. Washington Iron Works, [1974] S.C.R. 1189 , at p. 1200, per Ritchie J. All warnings must be reasonably communicated, and must clearly describe any specific dangers that arise from the ordinary use of the product; see, for example, Setrakov Construction Ltd. v. Winder's Storage & Distributors Ltd. (1981), 11 Sask. R. 286 (C.A.); Meilleur v. U.N.I.-Crete Canada Ltd. (1985), 32 C.C.L.T. 126 (Ont. H.C.); Skelhorn v. Remington Arms Co. (1989), 69 Alta. L.R. (2d) 298 (C.A.); McCain Foods Ltd. v. Grand Falls Industries Ltd. (1991), 116 N.B.R. (2d) 22 (C.A.).

[473]       This is the duty imposed by the Regulations, especially with respect to the warning labels. The duty must be imposed because the tobacco companies have continuously failed to fulfil their obligations in this respect, despite their knowledge of tobacco’s dangers.

[474]       In the matter of an unsuccessful application to suspend implementation of the T.P.C.A., the Supreme Court discussed the effects of warnings:

The increased number and revised format of the health messages reflect the strong consensus of the public health community that the serious health hazards of using these products be more fully and effectively communicated to consumers. Support for these changes has been manifested by hundreds of letters and a number of submissions by public health groups highly critical of the initial regulatory requirements under this legislation as well as a number of Departmental studies indicating their need.

These are clear indications that the government passed the regulations with the intention of protecting public health and thereby furthering the public good. Further, both parties agree that past studies have shown that health warnings on tobacco product packages do have some effects in terms of increasing public awareness of the dangers of smoking and in reducing the overall incidence of smoking in our society. The applicants, however, argued strenuously that the government has not shown and cannot show that the specific requirements imposed by the impugned regulations have any positive public benefits. […][387]

[475]       Everyone agrees that warnings that are attributed to their author are acceptable. It is the size, appearance and format of the warnings that are being challenged. The nature and scope of the warning will obviously vary with the type of product marketed. As we can see in the decision in Hollis:[388]

The nature and scope of the manufacturer's duty to warn varies with the level of danger entailed by the ordinary use of the product. Where significant dangers are entailed by the ordinary use of the product, it will rarely be sufficient for manufacturers to give general warnings concerning those dangers; the warnings must be sufficiently detailed to give the consumer a full indication of each of the specific dangers arising from the use of the product.

[476]       The cigarette package is the industry’s hallmark and the consumer’s badge. Cigarette packages must, therefore, be the primary vehicle for comprehensive information.

[477]       The objective of the regulations is undeniably pressing and substantial.

b) Proportionality

                             (i)            Rational connection

[478]       The connection was recognized by the Supreme Court in the first case. Per McLachlin J. (as she then was):

[P]ackage warnings, attributed or not, may be seen as encouraging people to reduce or cease using tobacco. All this taken together with the admittedly inconclusive scientific evidence is sufficient to establish on a balance of probabilities a link based on reason between certain forms of advertising, warnings and tobacco consumption. [389]

[479]       The justices of the Supreme Court, as well as the parties, were unanimous on this subject:

Further, both parties agree that past studies have shown that health warnings on tobacco product packages do have some effects in terms of increasing public awareness of the dangers of smoking and in reducing the overall incidence of smoking in our society.[390]

[480]       The measures chosen by Parliament are therefore likely to contribute to the achievement of the Act’s objective.

                           (ii)            Minimal impairment

[481]       The plaintiffs argue that less prejudicial measures could have been taken and that the 35% of the package’s total area previously devoted to warnings would have been reasonable.

[482]       We must recall, however, that the tobacco companies have always aggressively challenged any attempt at imposing warnings and that only the passage of time and the intervention of the courts have spurred on changes in attitudes.

[483]       If this were any other product, the Court would have been inclined to find in the plaintiffs’ favour. The warning messages are tough, harsh and shocking.

[484]       Cigarettes, however, are every bit as tough and harsh on the body. The industry knew this, but said nothing.

[485]       The type of warning chosen is proportional to the social problem addressed. The problem is a unique and difficult one. As Lamer C.J. observed in Chaulk:

In my view, the question to be addressed at this stage of the s. 1 inquiry is whether Parliament could reasonably have chosen an alternative means which would have achieved the identified objective as effectively.

Recent judgments of this Court (R. v. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 S.C.R. 713 ; Irwin Toy Ltd. v. Quebec (Attorney General), [1989] 1 S.C.R. 927 ; and Reference re ss. 193 and 195.1(1)(c) of the Criminal Code (Man.), [1990] 1 S.C.R. 1123 ) indicate that Parliament is not required to search out and to adopt the absolutely least intrusive means of attaining its objective. Furthermore, when assessing the alternative means which were available to Parliament, it is important to consider whether a less intrusive means would achieve the "same" objective or would achieve the same objective as effectively.[391]

[486]       The evidence shows that, in order for warnings to be effective, they must be varied, innovative and non-repetitive, or consumers will ignore them.[392]

[487]       Health Canada developed a series of alternating messages that catch the attention. The exercise has been a success. In the oral arguments from the first case, one of the tobacco companies’ lawyers conceded that Parliament had the right to make its warnings “more hard-hitting and punchy.”[393]

[488]       While it is true that Canada’s anti-tobacco legislation is cutting-edge (or reactionary, depending on one’s point of view), it is in line with a seemingly irreversible worldwide trend.

[489]       Brazil has recently followed Canada’s example by requiring that warning labels similar to ours occupy 50% of the surface area of cigarette packages; more specifically, the warnings are to appear on one full side (see Appendix 5). We can only presume that retailers will tend to display the side without the warning. The European Union requires that 30 to 40% of a cigarette package, more in bilingual countries, be devoted to warnings. 

[490]       With respect to warnings, Parliament’s actions may be questionable, but they are certainly not unreasonable given the Act’s objective. Judicial deference obliges the Court to uphold a measure that, on the whole, constitutes a minimal impairment.

                         (iii)            Proportionality

[491]       Given the preceding discussion and the specific circumstances surrounding the Act, the Attorney General has shown the Regulations’ detrimental effects are proportional to its salutary ones.


 

Tobacco reporting regulations

Legal challenges

[492]       As was the case with the Tobacco Products Information Regulations, the Tobacco Reporting Regulations were enacted pursuant to sections 17 and 33 of the Act on June 8, 2000.

[493]       The Regulations require manufacturers and importers of tobacco products to submit reports on their sales, manufacturing processes, toxic emissions from their products and research activities.

[494]       Other acts impose the same requirements, including the Excise Act,R.S.C. 1985, c. E-14, sections 31, 32 and 36 through 39.

[495]       The information collected will further the objectives outlined in section 4 of the Act.

[496]       The plaintiffs raise four issues in challenging the Regulations:

a)     division of powers

b)     section 8 of the Charter

c)      section 2(b) of the Charter

d)     legality under the Act

a) Division of powers

[497]       The plaintiffs submit the Regulations are ultra vires Parliament’s criminal law power within the meaning of section 91(27) of the Constitution Act, 1867.

[498]       The Supreme Court ruled on this question in the first tobacco case, in which La Forest J., on behalf of a majority of the Court with respect to this particular issue, made this observation:[394]

It appears, then, that the detrimental health effects of tobacco consumption are both dramatic and substantial. Put bluntly, tobacco kills. Given this fact, can Parliament validly employ the criminal law to prohibit tobacco manufacturers from inducing Canadians to consume these products, and to increase public awareness concerning the hazards of their use? In my view, there is no question that it can.

p. 245

This Court has long recognized that Parliament may validly employ the criminal law power to prohibit or control the manufacture, sale and distribution of products that present a danger to public health, and that Parliament may also validly impose labelling and packaging requirements on dangerous products with a view to protecting public health.

p. 252

[T]here is no evidence in the present cases that Parliament had an ulterior motive in enacting this legislation, or that it was attempting to intrude unjustifiably upon provincial powers under ss. 92(13) and (16). They thus differ from the Margarine Reference, supra, where the prohibition was not really directed at curtailing a public evil, but was in reality, in pith and substance, aimed at regulating the dairy industry.

p. 247

[499]       Nothing in the case at bar would indicate that Parliament had an ulterior motive or sought to encroach illegally upon provincial jurisdiction.

[500]       The argument is rejected.

b) Section 8 of the Charter

[501]       The Court has already laid out the principles related to section 8 in the preceding discussion. They apply equally here.

[502]       The plaintiffs submit that the Regulations constitute an illegal monitoring of their business. No evidence was produced in support of this.

[503]       The tobacco trade is a government-regulated activity and, for this reason, enjoys a more limited expectation of privacy.[395] The Regulations apply to manufacturers, not individuals.


[504]       The reporting requirement is a seizure within the meaning of section 8, but cannot be considered a serious intrusion. Per Cory J. in 14371 Canada Inc.:[396]

Obviously, searches of private property are far more intrusive than a demand for production of documents. The greater the intrusion by the searchers into the business premises and private residences, the greater weight should be attached to the provisions of s. 8 of the Charter.

[505]       The plaintiffs point out that this particular type of seizure is carried without the Crown having to obtain prior authorization or show reasonable grounds.

[506]       As already discussed, these requirements do not apply in the case at bar. As explained by Wilson J. in McKinlay,[397] a case involving the Income Tax Act:

Accordingly, the Minister of National Revenue must be given broad powers in supervising this regulatory scheme to audit taxpayers' returns and inspect all records which may be relevant to the preparation of these returns. The Minister must be capable of exercising these powers whether or not he has reasonable grounds for believing that a particular taxpayer has breached the Act.

[507]       As for the plaintiffs’ argument that these information requests constitute ongoing, never-ending searches, Cory J. addresses this issue in 14371 Canada Inc.:

Those who enter a regulated field must accept regulations as an integral part of their business operations.[398]

[508]       Again, the collection of this information serves to further the objectives set out in section 4 of the Act, namely, the protection of public health from tobacco, a toxic product manufactured by an industry that has always been far less than forthcoming with information to consumers and the government. The Regulations are designed to remedy these problems, as shown by the evidence.

c) Section 2(b) of the Charter

[509]       As no evidence was presented to the Court on this issue, the argument is rejected.

d) Legality

[510]       As discussed above in the section on the Tobacco Products Information Regulations, the Tobacco Reporting Regulations find their legal basis in sections 7 and 33 of the Act, sections that were themselves created pursuant to the public health objectives laid out in section 4 of the Act. 

[511]       The Regulations were validly enacted and are in keeping with the powers provided for under the Act.


 

CONCLUSIONS

[512]       The Court has done its utmost to address all the questions of law raised by the parties and offer its opinion, an opinion guided by the principle of the rule of law.

[513]       The rule of law comprises the guidelines we as human beings set for ourselves so that we can live together in relative, if not perfect, harmony.

[514]       Our concept of the rule of law is constantly evolving and is rooted in common sense. In 1904, a Quebec court ruled that Balzac’s La comédie humaine was contrary to good morals.[399] In 1960, the Court of the Sessions of the Peace in Montreal declared Lady Chatterley’s Lover by D.H. Lawrence obscene. The decision was unanimously upheld by the Court of Appeal, but the Supreme Court of Canada overturned the lower court’s decision in a five-to-four split decision, setting aside the obscenity charge.[400]

[515]       The case at bar was demanding in every respect. The issues at stake are difficult ones that require us to plot a course between two perils: demagoguery on one side and naiveté on the other.

[516]       Smokers are not social outcasts. They should not be crucified for exercising their right to chose to smoke.

[517]       Tobacco companies have a right to produce and sell cigarettes.

[518]       However…

[519]       …we must remind ourselves of what the evidence has shown and common sense dictates as this debate draws to a close. To do so is no affront to the rule of law.

[520]       We live in a country where the state assumes the costs of health care. Such is not necessarily the case elsewhere in the world.

[521]       Dr. Davis, former Surgeon General of Maryland and director of one of the largest private health-care centres in the United States, pointed out that, at this moment, 40 million Americans do not have access to health care because they cannot afford it. That is more people than the entire population of Canada.

[522]       Cigarettes kill 45,000 Canadians each year, more than the population of Drummondville, Quebec or Prince Albert, Saskatchewan.

[523]       The testimony of cardiologist Dr. Nancy-Michelle Robitaille was troubling. Smokers die, on average, 15 years prematurely and enjoy a greatly diminished quality of life. When we hear that one of her patients begged her to disconnect his heart monitor so he could go smoke a cigarette, we come to the realization that the fight to curb smoking is not a witch hunt; rather, it is a struggle against a very real social problem.

[524]       Nicotine is powerfully addictive. This is not mere conjecture. It is a fact.

[525]       When Dr. Robitaille spoke about the anguish of patients whose smoking had caused them to develop erectile dysfunctions, nobody was laughing.

[526]       The evidence shows that second-hand smoke harms everyone, both smokers and non-smokers, and that the children of smokers are particularly affected. This is not an attempt to lay blame. It is a fact.

[527]       Fact: there is incontrovertible evidence that advertising and sponsorship encourage people, especially adolescents, to consume tobacco products. Advertising is designed to reassure smokers and relies on associating cigarettes with a positive lifestyle.

[528]       Fact: the supposedly less-irritating cigarette is merely the creation of a tobacco company’s marketing department; filters allow every single carcinogenic gas contained in cigarette smoke to pass through; and there is no such thing as a “light” or “healthier” cigarette.

[529]       Fact: tobacco companies “select” the tobacco leaves they use so that they can put less tobacco in their cigarettes while still maintaining the same levels of nicotine.

[530]       Fact: tobacco companies have been aware of these facts for a long time, in some cases for over 50 years, and have always denied them or refused to disclose them to consumers.

[531]       It should therefore come as no surprise that the government, as fiduciary of public health, would so doggedly pursue a comprehensive policy aimed at curbing smoking and informing Canadians about tobacco’s effects. In Canada, the health costs attributed to smoking are in the neighbourhood of $15 billion, more than the entire national budget of several countries in the world.

[532]       This is not to suggest that freedom of expression can be bought off for a fistful of dollars. At issue is a painful social problem, as well as freedom of expression that, it must be said, has hitherto not been used appropriately. 

[533]       The tobacco companies are in a particularly difficult position. They sell a harmful product and know it. They have the right to sell it because outright prohibition would be unrealistic.

[534]       They offer no evidence to rebut the claimed ill effects of cigarettes because there is none. Their evidence respecting the effects of advertising was unconvincing.

[535]       They are trying to save an industry in inevitable decline. They have every right to do so.

[536]       Their rights, however, cannot be given the same legitimacy as the government’s duty to protect public health.

[537]       Parliament is seeking to prohibit tobacco advertising, with a few specific exceptions. This is part of a worldwide trend, one that is far from unreasonable.

[538]       The evidence at trial compels the Court to exercise the degree of deference that common sense would dictate.

[539]       Therefore, this Court dismisses plaintiffs’ actions.


 

acknowledgements

[540]       As already mentioned, this trial has been a most demanding one. No fewer than 22 lawyers from all parties took part in it. The case could easily have degenerated but proper decorum was maintained, thanks in large part to the intelligence, discipline and unflagging determination of counsel.

[541]       Though the plaintiffs were unsuccessful, it was certainly through no fault of their more-than-capable lawyers.

[542]       The Court would like to thank the officers of the Court, who helped see this case through to its conclusion. In particular, the Court would like to thank Jacinthe Lamonde, the undersigned’s assistant, who acted as clerk. Her attention to detail and exemplary devotion to duty throughout the trial and subsequent deliberations were of immeasurable assistance. 

 

*     *     *     *     *

 

[543]       FOR THESE REASONS, THE COURT:

[544]       DISMISSES the three actions,

[545]       WITH COSTS.

 

 

 

 

ANDRÉ DENIS, J.S.C.

 

Doug Mitchell

Catherine McKenzie

IRVING, MITCHELL & ASSOCIATES

and

Georges Thibaudeau

BORDEN, LADNER, GERVAIS

Counsel for plaintiff

J.T.I. MACDONALD CORPORATION

 

Simon Potter

Gregory Bordan

Marc Prévost

Sophie Perreault

Johanne Gauthier

OGILVY, RENAULT

Counsel for plaintiff

IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITED

 

Marc-André Blanchard

Chantal Masse

Gérald Tremblay

Yan Paquette

McCARTHY, TÉTRAULT

Counsel for plaintiff

ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

 

Claude Joyal

Marie Marmet

Marc Ribeiro

Bernard Mandeville

CÔTÉ, MARCOUX & JOYAL

and

Maurice Régnier

Guy Gilbert

Jean Leclerc

Sophie Truesdell-Ménard

GILBERT, SIMARD, TREMBLAY

Counsel for the defendant

and

Julie Desrosiers

Christian Trépanier

MARTINEAU, WALKER

 

Rob Cunningham

Counsel for the intervener

 

Date taken under advisement:

September 19, 2002



APPENDIX 1
SUMMARY OF THE TESTIMONY

 

I.        POUR LES DEMANDERESSES

Me Rafe S. Engle[401]

[546]       Avocat, Me Engle conseille les compagnies de publicité depuis 20 ans notamment sur les codes et la réglementation en matière de publicité.

[547]       Il est déclaré témoin expert à ce titre par le tribunal.

[548]       Le témoin a agi régulièrement comme conseiller juridique pour Les N/ormes canadiennes de la publicité (NCP) (Advertising Standards Canada) où il étudie la légalité des publicités soumises par les membres eu égard à la loi ou aux codes en vigueur.

[549]       La NCP est un organisme à but non lucratif qui compte parmi ses membres de nombreux publicistes, agences de publicité et des fournisseurs de services qui ont fréquemment à utiliser la publicité.

[550]       Les membres ont rédigé le Code canadien des normes de la publicité, (Canadian Code of Advertising Standards) le principal outil d’autorégulation au Canada. La NCP étudie les plaintes du public ou de compétiteurs des compagnies annonçant leurs produits.

[551]       La NCP assume depuis 1992 la responsabilité d’étudier la conformité des publicités en matière d’aliments et de boissons non alcooliques en regard de la Loi sur les aliments et drogues.

[552]       De même, la NCP assure ce service pour les produits suivants :

a)     cosmétiques (1992);

b)     médicaments sans ordonnance (1997);

c)      boissons alcooliques (1997);

d)     publicité aux enfants (1973).

[553]       De mars 1996 à avril 1997, la NCP a également étudié les demandes d’approbation de publicité de l’industrie du tabac en vertu du Code volontaire d'emballage et de publicité de l'industrie des produits du tabac (Voluntary Packaging and Advertising Code of the Canadian Tobacco Manufacturers' Council).

[554]       La principale conclusion de l’expert, à titre d’avocat spécialisé en publicité, est qu’il ne pourrait adéquatement conseiller ses clients sur la portée de la Loi sur le tabac et ainsi assurer la légalité d’une éventuelle publicité.

[555]       En l’absence de standards clairs, de directives, d’information contenue à la loi ou à la réglementation, il lui est impossible de déterminer ce que serait une publicité « style de vie » (art. 22) ou une publicité « attrayante pour les jeunes » (art. 24).

[556]       La conclusion de l’expert est contenue à la page 10 de son expertise P-31 :

« I could not confidently advise a client that any tobacco product advertising is permitted under the Act. I have come to this conclusion bearing in mind that contravention of the Act could lead to a fine or imprisonment, without the right of appeal; and that, on the basis of the Act, it is impossible to know with any certainty what advertising does not constitute, or may not be regarded as, “lifestyle advertising” or is not “appealing to young persons”.

[557]       En contre-interrogatoire, le témoin perd énormément de crédibilité, sinon totalement, en refusant de reconnaître des évidences.

[558]       Au fil des questions, il apparaît comme le défenseur de l’industrie de la publicité et comme un témoin ayant épousé la cause de ses clients.

[559]       Sa qualité d’expert est rudement mise à l’épreuve et la Cour ne peut lui accorder de crédibilité.

[560]       Le témoignage de Me Engle a été fait nonobstant l’objection de la partie défenderesse voulant que l’expertise déposée ne soit en fait qu’une opinion juridique (Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374 ).

[561]       L’objection n’est pas sans mérite, mais compte tenu des commentaires du tribunal sur le témoignage de l’expert, elle devient théorique.


Dr Adrian Wilkinson[402]

[562]       Docteur en psychologie, le témoin a complété ses études à l’Université York en Ontario.

[563]       Il est déclaré témoin expert à titre de psychologue « expert in multiple drug use ».

[564]       De 1970 à 1988, le témoin a travaillé à la Fondation de la recherche sur l’alcoolisme et la toxicomanie de l’Ontario (Addiction Research Foundation of Ontario) (ARF) où il a supervisé le travail clinique et effectué des recherches sur l’évaluation et le traitement, notamment des personnes consommant des drogues multiples.

[565]       Depuis 1988, il oeuvre en pratique privée à titre de consultant.

[566]       Le Dr Wilkinson a analysé une recherche faite auprès des étudiants de 12 à 19 ans dans des écoles secondaires de l’Ontario entre 1977 et 1999 sur la consommation de drogues.

[567]       Les drogues utilisées par les étudiants étaient le tabac, l’alcool, le cannabis, la colle, les autres solvants, les barbituriques, l’héroïne, les amphétamines, les stimulants, les tranquillisants, le LSD, les autres hallucinogènes et la cocaïne.

[568]       Bref, on a remis au Dr Wilkinson la recherche intitulée : « Drug use among Ontario Students : Findings from the OSDUS 1977-1999 »[403] et le mandat donné par les demanderesses était de déterminer la ou les causes des variations observées dans la consommation du tabac pendant ces années.

[569]       Sa conclusion montre, avec des nuances pour quatre substances, que la consommation des drogues chez les étudiants de l’Ontario pendant la période observée suit à peu près la même courbe pour toutes les substances.

[570]       Le graphique 14[404] montre une augmentation de la consommation des 13 drogues de 1977 à 1979 puis une diminution jusqu’en 1991 pour enfin constater une remontée jusqu’en 1999.

[571]       Bref, la consommation des drogues suit à peu près la même courbe de consommation au cours des années, quelle que soit la substance consommée.

[572]       Les comportements des élèves varient donc dans le temps pour toutes les drogues de la même façon.

[573]       Cette tendance est représentative des données disponibles à Santé Canada pour les jeunes de 15 à 19 ans.

[574]       De même, le comportement des jeunes Américains serait semblable sauf pour le LSD.

[575]       La raison probable d’une telle constance est un changement dans l’attitude fondamentale des usagers plus que des conditions dans lesquelles les drogues sont disponibles.

[576]       Il est donc improbable que la publicité soit la raison pour laquelle les jeunes changent leur comportement face aux drogues et notamment au tabac. Ce serait donc moins une question de publicité qu’une question de perception et d’habitude.

[577]       Le témoin précise cependant qu’aucune hypothèse ne peut être éliminée y compris la publicité mais que celle-ci ne lui apparaît pas la raison probable du comportement des jeunes.

[578]       En contre-interrogatoire, le témoin précise que si on ne faisait pas de publicité pour l’alcool, il aurait tendance à croire que la consommation diminuerait légèrement. À tout le moins quant au pourcentage de ceux qui en consomment.

[579]       Le tribunal souligne la rigueur intellectuelle de la démarche de l’expert et les nuances qu’il ne manque jamais de faire dans une question où tout n’est pas noir ou blanc.

[580]       La conclusion de l’expert contenue à la page 8 de son expertise P-33 se lit comme suit :

« Given  these facts, certain hypotheses about causes of change in prevalence become implausible - i.e. hypotheses specific to a particular type of substances. For example, it is unlikely that the changes in prevalence of use reflect changes in availability or price or advertising of specific substances, or the pharmacology of specific substances. This is because such effects would probably vary significantly among this heterogeneous group of substances over time. In my opinion, it is most reasonable to interpret the present data as indicating that the main cause of changes in prevalence of use over time have lain in some variation in the nature or conditions of the users. Change in the conditions of the users access to substances, or change in some attribute or properties of the substances are much less probably valid. This conclusion is justified since highly correlated changes in prevalence have occurred in such a pharmacologically diverse range of legal and illicit substances. Of course, from observational data such as these, outstanding though they are, no certain conclusions can be drawn about the actual causes of the observed changes. But one can make reasonable deductions about the more probable or less probable causes. In my opinion the most probable cause is some variation or variations in the nature or conditions of the consumers. Much less probable is some attribute or condition peculiar to a single class of substance. »


M. Michael Waterson[405]

[581]       Titulaire d’un baccalauréat en sciences économiques et d’une maîtrise en marketing, le témoin est déclaré témoin expert « in the functions, effects and economics of advertising ».

[582]       Praticien et chercheur depuis 25 ans, le témoin préside à Londres sa propre compagnie Information Sciences Ltd. depuis 1989. Il a mis sur pied le World Advertising Research Center (WARC) qui possède une des plus grandes collections d’informations reliées au monde de la publicité.

[583]       À titre de consultant, M. Waterson conseille notamment les grandes sociétés de publicité sur la façon de concevoir la publicité et d’en mesurer les effets.

[584]       Il a reçu le mandat des demanderesses « to review how brand advertising works in markets and what impact brand advertising has on behaviour ». Il a reçu également mandat de vérifier s’il existe dans l’industrie une définition acceptée de la publicité « style de vie ».

[585]       Sa conclusion est contenue à la page 2 de l’expertise[406] :

« Based on my experience, I have concluded that :

1)         Advertising of branded goods does not have any impact on overall levels of consumption of the product

2)         There is no commonly accepted definition of the term “lifestyle advertising” either among professionals or among academics in the field

3)         The empirical evidence does not demonstrate any correlation between changes in consumption patterns of tobacco products and the presence or absence of advertising bans or restrictions.

[586]       En cour, le témoin explique que l’industrie ne peut fonctionner sans publicité. La publicité commerciale vise essentiellement à faire acheter une marque de dentifrice plutôt qu’une autre. Elle ne vise pas à changer les comportements et inciter les gens à se brosser les dents.

[587]       Les objectifs de la publicité sont plus humbles qu’il n’y paraît. Comme le marché est très souvent stable, la publicité vise à aller chercher des parts de marché chez les concurrents.

[588]       Seuls des produits nouveaux comme récemment le marché de l’informatique, de l’Internet ou de la vidéo axeront leur publicité sur la présentation d’un nouveau service. On crée un besoin et on offre son produit de préférence à un autre.

[589]       Il existe deux exceptions à ces règles, soit la publicité générique pour inciter par exemple les gens à consommer du lait, du thé, des œufs ou la publicité santé pour, notamment, décourager les gens de boire de l’alcool ou d’utiliser l’huile à friture.

[590]       Ces publicités, souvent le fait d’agences gouvernementales, visent à faire changer un comportement. Ces campagnes sont très difficiles à mener et souvent leurs résultats très mitigés.

[591]       En Grande-Bretagne, une campagne intensive pour inciter les gens à boire du thé n’a pu inverser la tendance observée depuis 40 ans au déclin de cette pratique traditionnelle.

[592]       Quant à la publicité « style de vie », elle n’est pas vue par l’industrie comme une section à part de la publicité. Elle est indissociable de la publicité. Toute publicité vise un public cible et est liée à un style de vie.

[593]       Ainsi, la publicité sur les souliers de course montrera souvent des personnes joggant durant une fin de semaine à la campagne.

[594]       Le tableau #1 annexé à l’expertise[407] montre que les restrictions sur la publicité du tabac n’ont que peu ou pas d’influence sur la consommation.

[595]       Ainsi, la Norvège, où la loi impose des restrictions sur la publicité du tabac, a connu de 1975 à 2000 une augmentation de 40% de la consommation de la cigarette.

[596]       À l’inverse, en Grande-Bretagne et aux États-Unis où il n’y a pas de restrictions, un déclin de 35% a été constaté durant la même période.

[597]       En contre-interrogatoire, le témoin doit admettre que les statistiques compilées au tableau #1 sont sujettes à de nombreuses interprétations mais que l’ensemble des données connues à travers le monde tendent à démontrer que les restrictions législatives n'ont que peu d’effet sur la consommation de cigarettes.

[598]       Il appert clairement de l’ensemble du témoignage de M. Waterson que, depuis toujours, il est convaincu que toute restriction législative imposée à l’industrie de la publicité n’a que peu d’effet sur le comportement humain et nuit à cette dernière.


M. Ed Ricard

[599]       À l’emploi de la demanderesse Imperial Tobacco (ITCL) depuis 25 ans, le témoin a travaillé dans toutes les sections de vente et de mise en marché de la compagnie. Il est aujourd’hui directeur de la mise en marché (market strategy director).

[600]       ITCL est propriété à part entière depuis le 1er février 2000 de British American Tobacco (BAT), mais conserve sa propre gestion et mise en marché. La collaboration BAT/ITCL existe cependant depuis plusieurs années.

[601]       ITCL manufacture et vend des cigarettes et autres produits du tabac. Elle possède un important secteur de mise en marché qui relève du vice-président de la mise en marché (Marketing) et finalement du comité de direction (Management Committee).

[602]       La cigarette est composée de tabac séché roulé dans un papier spécialisé auquel on peut ajouter un filtre attaché à la cigarette au moyen d’un tube de papier.

[603]       Aucun additif n’est ajouté au tabac des cigarettes canadiennes à l’exception d’un humidifiant (glycérol) qui sert à garder le tabac frais. La saveur de menthe (menthol) est ajoutée au papier aluminium à l’emballage et se répand dans le tabac.

[604]       La cigarette est plus ou moins forte selon la marque, avec ou sans filtre, sous forme régulière (72mm), format géant (84mm ou 100mm), en paquets de 20 ou 25 cigarettes, normale (25mm de diamètre) ou mince (23mm),

[605]       Trois cigarettiers canadiens occupent 98% du marché : ITCL (70% du marché canadien), Rothmans, Benson & Hedges (17%) et JTI Macdonald (13%).

[606]       Mensuellement, ces compagnies s’échangent les données de ventes de chaque marque de cigarettes. Ces données sont scrutées à la loupe par l’équipe de mise en marché d’ITCL et les correctifs sont apportés très rapidement s’il y a lieu.

[607]       Chaque point de pourcentage (1%) du marché canadien représente des profits nets de 20 M $. Un paquet de cigarettes coûte 5 $ et 70% de cette somme va en taxes gouvernementales.[408]

[608]       De 1981 à 2001, on constate un déclin constant du volume de cigarettes vendues par les demanderesses[409]. Soixante-six milliards de cigarettes étaient vendues au Canada en 1981 et quarante-quatre milliards en 2001.

[609]       ITCL, depuis 30 ans, effectue de rigoureuses études de marché pour connaître les goûts des consommateurs et découvrir pourquoi une marque plaît et une autre non. Des sondages téléphoniques, des entrevues, des réunions de groupes cible (focus group) sont constamment au menu de l’équipe de mise en marché.

[610]       La bataille pour chaque point de pourcentage est féroce.

[611]       Les consommateurs commentent le goût, la force, le degré d’irritation des cigarettes. Chaque marque a sa caractéristique personnelle : masculinité, féminité, classe, image projetée, type de paquet, logo, etc. On donne au consommateur ce qu’il demande.

[612]       On calcule que 8% à 12% des consommateurs sont volages (switchers) et changent de marque de cigarettes. C’est d’abord à cette clientèle que s’attaque la publicité et la mise en marché des cigarettiers.

[613]       Toutes les études de marché sont réalisées auprès de fumeurs de plus de 19 ans.

[614]       Les consommateurs indiquent qu’ils aiment la cigarette Player’s, mais la souhaiteraient moins irritante pour la gorge. Après un processus de développement de quatre ans, on lance la Player’s Première (1996).

[615]       ITCL attache une grande importance à prévoir les tendances du marché (forecasting) pour chacune des marques de cigarettes. Ces prévisions sont essentielles pour mesurer à l’avance les besoins de l’industrie en tabac et autres matériaux de base servant à fabriquer les cigarettes.

[616]       Pour ce faire, une section d’ITCL étudie les tendances des consommateurs : le taux de fumeurs dans la population canadienne, le taux de décrocheurs, le taux de personnes qui n’ont jamais fumé, la consommation quotidienne par personne et toute autre donnée démographique disponible.

[617]       De même, on tentera de prévoir l’influence des variations de prix, de l’augmentation des taxes et des cigarettes à escompte sur la consommation.

[618]       En matière de prévision, ITCL ne tient pas compte de la publicité, de la commandite ou des mises en garde imposées par le Gouvernement car ces éléments n’ont pas d’impact sur le volume de cigarettes vendues au Canada.

[619]       La première loi sur le tabac (LRPT) n’a eu aucune influence sur le volume de cigarettes manufacturées au pays.

[620]       Le témoin explique l’importance que sa compagnie attache aux 19-24 ans où l’on retrouve un fort taux de fumeurs qui changent fréquemment de marque de cigarettes.

[621]       Il explique également le fonctionnement de différents projets de mise en marché.[410]

[622]       Le témoin explique que l’industrie s’est donné un code d’éthique volontaire lorsque la première loi sur le tabac a été annulée par la Cour.[411]

[623]       ITCL s’est intéressée à la commandite d’événements dès 1970 pour remettre à la communauté une partie de ses profits.

[624]       Au milieu des années ’80, avec les restrictions législatives imposées aux cigarettiers sur la publicité, on met l’accent sur les marques de commerce puisque l’information sur des marques spécifiques est interdite.

[625]       De plus en plus, le paquet de cigarettes devient le seul véhicule qui permette de faire la promotion d’une marque de cigarettes. Tout est étudié pour transmettre une image positive au moyen du paquet de cigarettes, de son design, de ses couleurs et de son style.

[626]       Ainsi, par exemple, le paquet de Player’s, en plus de rappeler la longue tradition de la marque veut s’associer à un style de vie où la fierté du marin domine, le soin mis à la présentation, la modernité, etc. Tout comme du Maurier doit être associée à la qualité et la distinction.

[627]       D’autres paquets visent à associer la cigarette à la fierté nationale, la classe, la sophistication, l’indépendance financière; d’autres s’adressent clairement aux femmes ou à des groupes d’âge ou des styles de vie.

[628]       Rien dans la mise en marché de ITCL ne s’adresse aux personnes de moins de 18 ans.

[629]       Le témoin dépose une série[412] de revues américaines vendues au Canada où les cigarettiers américains annoncent librement leurs cigarettes.

[630]       Comme le paquet devient essentiel au message de publicité que les cigarettiers veulent transmettre, ITCL se plaint de ce que la loi amenuise indûment la surface laissée au fabricant. Le témoin dénonce également le fait que la loi impose la couleur des mises en garde et oblige le fabricant à insérer d’autres mises en garde à l’intérieur du paquet.

[631]       Le fumeur connaît les dangers du tabac et ces mises en garde sont inutiles.

[632]       Enfin, ITCL se plaint du nombre exagéré de rapports mensuels exigés des cigarettiers par le Gouvernement.

[633]       Commentant l’expertise du Dr Richard W. Pollay qui doit témoigner pour la défense, le témoin n’est pas d’accord pour dire qu’il n’existe à peu près aucune différence entre les marques de cigarettes. Les consommateurs exigent des produits spécifiques et l’industrie répond à la demande.

[634]       L’information donnée aux fumeurs est honnête et précise.

[635]       En ré-interrogatoire, le témoin précise que les sondages de ITCL ne montrent pas que des fumeurs passent à une marque légère plutôt que d’arrêter de fumer.

 

*     *     *     *     *

 

[636]       En contre-interrogatoire, le témoin ne peut expliquer ce qui cause l’irritation à la gorge chez certains fumeurs. Il admet que ITCL n’a pas fait d’expertise médicale pour affirmer que la Player’s Première causait moins d’irritation.

[637]       De même, aucun test n’a été fait pour connaître les effets sur la santé, s’il en est, du glycérol (humidifiant) ajouté au tabac.

[638]       La ligne d’aide et commentaires 1-800 mentionnée aux paquets de cigarettes permet à ITCL d’entrer en contact avec ses consommateurs. Toute question relative à la santé est référée à Santé Canada.

[639]       ITCL prévoit une baisse graduelle de ses ventes d’ici à 2004, Ses ventes dans les boutiques hors taxes ont diminué substantiellement depuis avril 2001.

[640]       ITCL a une banque de données qui lui permet de communiquer avec ses clients par la poste.

 

*     *     *     *     *

 

[641]       M. Ricard est entendu brièvement en contre-preuve.

[642]       Il commente les pièces P-112 et P-113 et souligne que selon l’industrie, dans les études réalisées sur le comportement des fumeurs, les nouveaux fumeurs (starters) constituent une quantité négligeable.

[643]       Il se plaint de ce que récemment, certains détaillants, principalement des dépanneurs, ont été visités par des inspecteurs de Santé Canada reprochant l’illégalité de certaines publicités de cigarettes. Des inspecteurs auraient même enlevé certains éléments de publicité.

[644]       Bref, l’industrie aurait peine à savoir ce qui est permis et ce qui ne l’est pas.

 

*     *     *     *     *

 

[645]       Après vérification à Santé Canada, les parties admettent que si une personne en autorité à Santé Canada venait témoigner, elle affirmerait que jamais ses inspecteurs n’ont eu la consigne d’enlever quelque matériel publicitaire et que si certains l’ont fait, ils l’ont fait sans autorisation.


Dr Roderick Pakenham Power[413]

[646]       Détenteur d’un doctorat en psychologie de l’Université de Sydney en Australie (1966), le professeur Power a enseigné la psychologie à l’Université de Belfast jusqu’en 1975 puis à l’Université Macquarie en Australie jusqu’à sa retraite en 2001.

[647]       Auteur de nombreuses publications, il est fellow de la British Psychological Society, de la Psychological Society of Ireland et de l’Australian Psychological Society.

[648]       La Cour le déclare expert « as an experimental psychologist specialized in visual perception » ce qui a été sa spécialisation pendant toute sa carrière universitaire.

 

*     *     *     *     *

 

[649]       Les demanderesses lui ont demandé de déterminer si des mises en garde de plus grande dimension sur les paquets de cigarettes sont susceptibles d’avoir  un effet sur le comportement des fumeurs dans une population qui connaît de façon générale les risques liés à la consommation du tabac.[414]

[650]       Le professeur Power soumet que le changement de dimension des messages de mise en garde sur les paquets de cigarettes ont peu ou pas d’effet sur la consommation de cigarettes.

[651]       De nouvelles mises en garde plus grandes et accompagnées de photos sont plus voyantes et remarquables au premier abord, mais elles n’apporteront pas d’information nouvelle au consommateur à moins que les messages précédents n’aient pas été clairs.

[652]       Si l’information répète des messages déjà acquis, elle a peu d’impact sur le comportement humain.

[653]       Le témoin définit la perception comme l’expérience consciente des objets et des événements dans la vie courante. Les facteurs les plus importants affectant la perception sont la nouveauté et le mouvement.

[654]       La nouveauté attire l’attention par sa différence. De même le mouvement par sa menace sur notre environnement. Tout mouvement ressenti dans la vie quotidienne est d’abord perçu comme une menace. Par exemple, un oiseau qui s’envole à deux pas de nous.

[655]       Le témoin donne l’exemple d’un passant sur une rue qui ne lui est pas familière. La première fois, il regardera chaque fenêtre, chaque vitrine comme une découverte. Après plusieurs passages sur cette rue, il portera moins attention puisque l’information qu’il perçoit devient redondante.

[656]       Le témoin souligne que la plupart, voire toutes les informations perçues par le système visuel entraînent une émotion.

[657]       Ainsi, un message sur un paquet de cigarettes peut entraîner une réaction émotionnelle positive ou négative. Plusieurs variables sont à la source de notre attention : la nouveauté, les contrastes, la couleur etc. Toutes ces notions sont bien connues des publicitaires.

[658]       Le même principe s’applique aux mises en garde des paquets de cigarettes. À partir du moment où la personne sait que la cigarette est liée à des maladies mortelles, il est difficile de concevoir quelles informations supplémentaires peuvent entraîner un changement de comportement chez le consommateur.

[659]       La nouveauté des mises en garde ou des photographies plus imposantes peut avoir un effet initial sur le comportement des fumeurs, mais l’effet maximal est vite atteint et par la suite, l’effet sera très limité sur leur comportement.

[660]       Les mises en garde deviennent alors ignorées quand ce n’est pas un effet de défi à l’autorité.

[661]       Le témoin souligne qu’il est possible d’évaluer de façon scientifique si le passage à des mises en gardes plus imposantes doublées de photographies a un effet sur le comportement des fumeurs par rapport à des mises en garde traditionnelles.

[662]       Il explique cette façon de faire qui lui apparaît plus rigoureuse que le simple sondage ou le questionnaire unique d’un groupe cible.

[663]       La conclusion générale de l’expert se lit comme suit :

« In a society where the risks associated with the consumption of tobacco are known and accepted, and where the existence of these risks is clearly stated on the packages, I would expect that any change in warning size, format and content would have very little or no impact on actual tobacco consumption. It would be possible to conduct proper and ethical experiments to verify the hypothesis that a change in warning format would have an impact on consumption. Focus group studies and quantitative studies about future intentions are inadequate to verify this hypothesis. »[415]

 

*     *     *     *     *

 

 

[664]       En contre-interrogatoire, M. Power admet avoir accepté différents mandats de recherche de l’industrie du tabac.

[665]       En rédigeant son expertise, il n’avait pas vu les mises en garde actuellement imposées aux manufacturiers canadiens.

[666]       Le fondement de son expertise veut que les consommateurs connaissent pertinemment les dangers de la consommation des cigarettes. C’est le cas en Australie et il suppose que les Canadiens ont la même perception.

[667]       Il doute cependant que les gens sachent que la cigarette peut, par exemple, causer des dysfonctions érectiles et que même si on leur disait, ils ne le croiraient pas.

[668]       De même, les consommateurs ne savent pas de façon précise que 85% des cancers du poumon sont causés par la cigarette. Leur connaissance des effets du tabagisme est beaucoup plus floue.

[669]       Le témoin admet que plusieurs auteurs sont d’avis que les mises en garde ont un effet sur le comportement des fumeurs, mais il n’a pas lu ces études et ne partage pas ce point de vue.

[670]       Il admet également que certaines mises en garde peuvent avoir un effet sur certaines catégories de citoyens comme les femmes enceintes et les parents (fumée secondaire). De fait, il est d’accord pour que des mises en garde apparaissent sur les paquets de cigarettes.


 

II.       POUR LES DÉFENDERESSES

Dr Leonard Ritter[416]

[671]       Docteur en biochimie de l’Université de Guelf en Ontario, le témoin est professeur de biologie environnementale à l’Université de Guelf et directeur exécutif du Canadian Network of Toxicology Center de la même université depuis 1993.

[672]       Il a travaillé en toxicologie à Santé Canada de 1978 à 1993. Membre de plusieurs sociétés scientifiques et auteur de nombreuses publications, le Dr Ritter est déclaré expert en toxicologie.

[673]       La toxicologie est la science traitant des poisons, de leurs effets sur l’organisme et de leur identification.

[674]       L’essentiel de l’expertise du Dr Ritter est contenu à sa conclusion retrouvée à la page 15.

Overall Conclusions

          The science of toxicology can be very useful for identifying and quantifying risks, associated with exposure to chemical substances encountered in everyday life; risks can then be weighed against benefits as the basis of informed decisions.

          Tobacco use carries very substantial risks. These risks are difficult to justify in the absence of direct benefits, other than addiction relief to smokers.

          Tobacco use was widespread worldwide long before any of the risks were known; tobacco has been known to be a cancer causing agent in humans for approximately fifty years.

          While experimental animals refuse to smoke and modify their behaviour to avoid smoke, epidemiology studies in humans have confirmed the serious effects of tobacco use.

          Research has identified many features of the mechanism by which tobacco exerts its cancer causing effects, including interaction with the genetic material.

          Tobacco smoke and/or tobacco condensates contain up to 43 compounds which the International Agency for Research on Cancer have identified as carcinogenic.

          Tobacco smoke is one of the most toxic substances in widespread use.

          The tobacco industry has been aware for almost forty years of the adverse health effects which could be associated with the use of tobacco, but did not publish or release the breadth or depth of their knowledge.


Me Yves-Marie Morissette[417]

[675]       Titulaire d’un baccalauréat en Science politique (UQAM), d’une licence en droit (Université de Montréal) et d’un doctorat en philosophie (Oxford), le témoin est professeur à la faculté de droit de l’Université McGill depuis 1977. Il en a été le doyen de 1989 à 1994.

[676]       Membre de comités aux fonctions administratives et scientifiques, auteur de nombreuses publications, le professeur Morissette est déclaré expert en droit comparé.

[677]       Il dépose deux avis à titre d’expertise, un premier daté du 27 octobre 2000 (D‑123) et un second du 25 avril 2001 (D-124).

[678]       Le mandat reçu du Procureur général du Canada se lit comme suit :

1. à l’aide de sources primaires lorsqu’elles existent en français ou en anglais, ou de sources secondaires fiables (telle la documentation publiée par l’Organisation mondiale de la santé), dresser un inventaire de certaines législations étrangères comparables à la législation canadienne en vigueur et portant sur la promotion des produits du tabac ainsi que sur diverses mesures connexes pour combattre le tabagisme;

2. présenter un état comparatif des législations relevées sous 1. afin de mettre en lumière les diverses méthodes de réglementation qui ont cours dans les pays étudiés.[418]

[679]       Le professeur Morissette fait appel à des sources internationales colligées par l’Organisation mondiale de la Santé dont il fait état à ses avis.

[680]       Des dizaines de pays dans le monde ont adopté une législation relative à l’usage du tabac. L’expert retient les législations de 19 pays (dont l’Union européenne) qui sont des états démocratiques dotés d’institutions juridiques stables de type occidental.

[681]       La Cour est satisfaite de la démonstration faite par l’expert de ce que ses sources sont les sources disponibles les plus fiables à ce jour.

[682]       De même, le choix des États par l’expert permet une étude de législation comparée utile à la réflexion du présent dossier. (voir pp. 6, 7 de D‑123)

[683]       La période de référence couvre les années 1982 à 2001.

[684]       La synthèse des contenus des deux avis du professeur Morissette se lit comme suit :

Présentation comparative de législations étrangères sur le tabac - 27 octobre 2000

Synthèse des contenus

De manière générale, comme on l’a signalé plus haut, la tendance très nette dans les législations étudiées ici est au durcissement de la réglementation sur la publicité des produits du tabac.

Il y a des exceptions. Certains pays parmi ceux étudiés ici pratiquent encore ce que l’on peut appeler un régime permissif. C’est le cas en l’occurrence du Luxembourg, de l’Espagne, de la Grèce ou même de l’Allemagne, pays qui devront tous se conformer à une éventuelle réglementation de l’Union européenne, mais dont le régime actuel de contrôle des produits du tabac offre des caractéristiques semblables à celles que présentaient iI y a plus de quinze ans les régimes en vigueur au Canada ou en Australie. La publicité dans ces régimes permissifs est certes réglementée, voire interdite dans certains media comme la radio et la télévision, mais on n’y pratique pas comme ailleurs une interdiction générale, sous réserve de quelques exceptions précises, de la promotion (y compris la publicité, les commandites et le parrainage) des produits du tabac. En revanche, dans deux des trois pays mentionnés ci-dessus, le régime des avertissements sanitaires, ou mises en garde sur les produits du tabac, prévoit des mises en garde rotatoires plus contraignantes que celles apparues avec les premières mesures de contrôle des produits du tabac. Les particularismes de chaque régime rendent plus difficiles les comparaisons entre eux. Ainsi, l’Espagne, dont le régime est décrit ici comme permissif, applique néanmoins des mesures de contrôle sur la publicité du tabac que Roemer qualifiait en 1993 de «virtually total ban» (voir à ce sujet la note I de l’Annexe II et la note 1 de l’Annexe VI).

Parmi les pays dont la réglementation est plus ferme, on peut dégager deux modèles juridiques principaux, qui sont véhiculés avec de nombreuses variantes de détail, mais dont les caractéristiques essentielles varient peu. Dans l’un et l’autre cas (comme par exemple en France, en Norvège ou en Islande d’une part, et en Australie, en Irlande ou au Canada d’autre part), la promotion des produits du tabac, définie de manière extensive afin de viser, selon l’expression de la loi française, la publicité «directe et indirecte», est interdite, sous réserve d’exceptions et, occasionnellement, de dispenses ministérielles ou administratives.

Sont alors visées par ces régimes les activités de promotion des produits du tabac autres que la publicité directe, tels le parrainage ou la commandite d’événements sportifs ou culturels (sous réserve de quelques exceptions généralement administrées au cas par cas), ou encore la mise en marché ou en circulation de produits de diversification. Ces régimes paraissent tous favoriser une élimination progressive, jusqu’au minimum juridiquement acceptable, de la publicité des produits du tabac (voir pour l’Australie la note 4 de l’Annexe II). Malgré quelques particularismes dans les techniques législatives utilisées, comme par exemple pour l’Irlande la réduction obligatoire et progressive des budgets de publicité, ou pour la France le retrait du prix du tabac des indices de prix à la consommation, les moyens utilisés pour parvenir à cette fin se ressemblent beaucoup.

La différence entre ces régimes se situe surtout dans le degré de spécificité de la législation et de la réglementation, et dans son mode de sanction. On peut observer que les pays d’Europe continentale favorisent un style législatif et réglementaire qui laisse une large marge d’appréciation aux tribunaux ou aux autorités ministérielles ou administratives (voir par exemple la norme de contrôle utilisée en Suède, note 4 de l’annexe VIII). A l’inverse, l’Irlande, l’Australie (et plusieurs de ses états) ainsi que le Canada ont promulgué des textes beaucoup plus explicites et détaillés, laissant moins de place à l’interprétation, et présentant les caractéristiques de forme que partagent généralement les législations des pays de common law (voir par exemple la définition de «tobacco advertisement» employée dans la législation fédérale australienne, note 3, Annexe IX). Il est cependant plausible que les effets respectifs de ces régimes, malgré leurs différences de forme, soient assez semblables.

La Loi sur le tabac canadienne, et la réglementation adoptée sous son empire (dont au premier chef les règles relatives aux mises en garde), comprennent certaines dispositions très spécifiques qui n’ont pas leur équivalent dans les pays étudiés ici, mais il existe ailleurs, en particulier dans les pays de common law, des dispositions à première vue draconiennes qui n’ont pas leur pendant au Canada. En outre, cette spécificité des dispositions de la législation canadienne devrait généralement avoir pour effet de réduire le degré d’imprévisibilité des applications de la loi dans des cas spécifiques.

Sur le plan de la sanction, le modèle réglementaire français encourage la participation d’associations anti-tabagisme aux poursuites intentées en vertu de la loi en permettant à ces associations de se porter parties civiles. Ce modèle se retrouve ailleurs en Europe.

II convient enfin de signaler que la législation canadienne attache une importance particulière au contrôle ou à l’élimination du tabagisme chez les jeunes. Les types de publicité, de commandites et de parrainage tolérés par la Loi sur le tabac, et de façon générale les exceptions très étroitement circonscrites par cette loi, tendent à démontrer l’importance particulière que revêt dans ce régime la protection de la santé chez les jeunes. Certaines législations étrangères, dont la législation française, paraissent moins soucieuses de distinguer entre la publicité destinée aux jeunes (plus sévèrement réglementée au Canada) et la publicité destinée aux adultes (moins sévèrement réglementée au Canada).[419]

 

Présentation comparative de réglementations sur l’information relative aux produits du tabac - 25 avril 2001

Synthèse des contenus

La réglementation considérée ici n’est pas un phénomène récent. Ainsi, à titre d’exemple, la Belgique réglemente l’information sur les emballages des produits du tabac depuis 1975, la France depuis 1976 (par une mesure entrée en vigueur en 1978) et, antérieurement, le Royaume-Uni avait conclu sur cette question une première entente contraignante avec les manufacturiers dès 1971. La Nouvelle-Zélande avait elle aussi procédé à l’origine par une entente avec l’industrie, en vigueur à compter de 1973. Cette forme d’action gouvernementale est donc assez ancienne et, sauf peut-être pour l’Italie (dont la réglementation antérieure à la Directive européenne 92/41/CEE du 15 mai 1992 est difficile à consulter, les seules sources disponibles à ce sujet étant extrêmement pauvres), elle a partout précédé l’apparition d’une réglementation générale sur la publicité des produits du tabac.

De manière générale, comme on l’a signalé plus haut, la tendance très nette dans les législations et réglementations étudiées ici est au durcissement des règles relatives à l’information sur les produits du tabac. Cette conclusion ressort clairement d’une lecture des textes recensés à l’Annexe I et de la comparaison effectuée à l’Annexe III. Plus aucun des États répertoriés ici ne permet la simple utilisation de la mise en garde conventionnelle : (« Fumer est dangereux pour la santé.» - «Smoking is hazardous to health»). Le recours àplusieurs mises en garde rotatoires est désormais la norme universelle dans tous les États considérés ici, et ce depuis plusieurs années. À cet égard, la Directive européenne 92/41/CEE du 15 mai 1992, dont l’échéance fixéepour la mise en œuvre de la législation dans les États membres était le 1er juillet 1992, paraît avoir fortement contribué à uniformiser les réglementations européennes. Celles-ci, pour la majorité des pays d’Europe, présente un profil assez semblable à celui du régime actuellement en vigueur en Nouvelle-Zélande: quatre à six mises en garde obligatoires, moins générales par leur contenu que la mise en garde conventionnelle mais moins spécifiques que les mises en garde utilisées dans les États où la réglementation est la plus stricte; des conditions précises quant à la présentation visuelle (dimensions, emplacement, lisibilité) de ces mises en garde; un avertissement sanitaire obligatoire sur les émissions et constituantes toxiques, dont la présentation visuelle est elle aussi spécifiquement contrôlée, soit en prescrivant l’emploi d’un caractère typographique, soit en fixant des exigences de lisibilité et de clarté. Plusieurs autres exigences apparaissent fréquemment dans la réglementation et n’ont pas été relevées systématiquement ici: par exemple, la présence de mises en garde et d’avertissement en plusieurs langues dans certains États, l’interdiction de faire figurer sur les produits des renseignements affirmant la non-nocivité des produits du tabac ou atténuant l’effet des mises en garde obligatoires (comme en Allemagne), ou l’interdiction de placer les mises en garde et avertissement sur un emballage provisoire (comme en Finlande, en Irlande, au Luxembourg ou en Suède). Dans le cas de la réglementation européenne, la tendance au durcissement se vérifie en outre par les travaux législatifs actuellement en cours au Parlement européen: c’est ce que démontre le document fourni comme Annexe II.

Par ailleurs, comme le démontre l’Annexe III, les réglementations considérées ici présentent de nombreux points de ressemblance avec la réglementation canadienne, même si cette dernière est actuellement parmi les plus strictes, tant par la portée que par la spécificité de ses exigences. Deux États ont adopté une réglementation proche de celle mise en place au Canada par le Règlement sur l’information relative aux produits du tabac: l’Australie (au niveau fédéral) et la Suède. Il faut noter que, dans le cas de ces deux pays, la réglementation est moins récente que la réglementation canadienne. La Suède avait déjà en 1976 une réglementation sur le contenu des mises en garde qui est peut-être la plus exigeante de toutes. Quant à la réglementation fédérale australienne, qui semble présenter le plus de points de ressemblance avec la réglementation canadienne, elle remonte à 1994 (et 1993 pour le Australian Capital Territory). La réglementation canadienne ne se distingue vraiment de celle de ces États que par l’exigence d’une représentation pictoriale, qui n’existe pas ailleurs, et l’obligation de fournir un prospectus d’information avec certains produits. Mais le contenu élaboré des mises en garde australiennes, et le renvoi dans la réglementation de cet État à une source d’information externe, atténuent cette différence.[420]

[685]       L’étude du professeur Morissette, qu’il qualifie lui-même de cistercienne, est le fruit d’une recherche colossale impossible à faire avant l’avènement de l’informatique.

[686]       En Cour, l’expert formule sept conclusions à sa recherche comparative des diverses législations mondiales :

1)     Expansion de l’aire de la réglementation et de son objet :

­          on réglemente d’abord la publicité conventionnelle dans les grands médias et la publicité adressée aux mineurs;

­          restriction du contenu de la publicité permise (ex : mises en garde);

­          interdiction de la publicité directe du tabac (Loi Veil en France) et reconnaissance de certaines exceptions;

­          extension de l’interdiction de la publicité indirecte (brand sharing, brand stretching);

­          interdiction de formes de publicité échappatoires comme le témoignage de personnes connues;

­          interdiction de la commandite (sponsorship) sauf exception;

­          même évolution pour l’étiquetage :

­          mises en garde conventionnelles

­          augmentation des mises en garde

­          invention des mises en garde rotatoires pour éviter l’accoutumance, des pictogrammes et des photos[421]

2)     L’évolution des législations n’est ni simultanée, ni uniforme, mais elle est unidirectionnelle et irréversible.

3)     Au cours de cette évolution, on observe partout une inversion du régime : dans un premier temps, toute publicité est permise avec exceptions et dans un deuxième temps, tout est interdit avec exceptions.

             L’interdiction totale (total ban), bien qu’ainsi qualifiée dans certains pays, n’existe nulle part à l’état pur.

4)     On remarque le passage d’un régime consensuel (codes de conduite de l’industrie) à un régime légal ou réglementaire au fil des ans.

5)     Partout, résistance très forte des cigarettiers à la réglementation constatée par une jurisprudence abondante.

6)     Différents styles de législation et moyens variés pour atteindre le but.

Ainsi, la culture civiliste germanique (Suède) serait inacceptable ici parce que trop générale.

La loi canadienne s’inscrit dans le sens des textes de pays de common law : complexe et plus difficile à saisir.

7)     Cette conclusion générale résume l’opinion de l’expert sur l’ensemble de sa recherche : « élargissement et durcissement progressif mais constant des mesures d’interdiction de la promotion des produits du tabac. »

La loi canadienne se situerait dans un peloton de tête avec des pays comme l’Australie, le Danemark, les Pays-Bas, l’Irlande, le Royaume-Uni et la Belgique.

 

*     *     *     *     *

 

[687]       En contre-interrogatoire, le professeur Morissette explique que l’absence des États-Unis dans les états-référence est due au fait que ce pays n’a pas de cadre réglementaire traditionnel. La dynamique réglementaire américaine se fonde sur les ententes consensuelles État/industrie souvent conclues dans le cadre de poursuites devant les tribunaux.

[688]       Comme il y a peu ou pas d’intervention législative, il est impossible d’y faire le type d’étude comparée faite en l’instance.

[689]       Quant à la publicité « style de vie », le témoin y voit une image métaphorique pour décrire une forme de publicité subliminale. On y fait référence ailleurs mais avec des mots différents pour la définir.

[690]       Même chose pour la publicité « qui pourrait être attrayante pour les jeunes ». Le thème est récurrent partout, mais les définitions sont différentes.

[691]       Quant aux mises en garde sur les paquets, la dernière directive du Parlement européen (D-139) impose 30% sur un côté et 40% sur l’autre. Un peu plus pour les pays bilingues ou trilingues.

[692]       Le Canada serait donc plus strict à ce chapitre que l’ensemble des pays.


Docteur Nancy-Michelle Robitaille[422]

[693]       Le témoin a fait ses études de médecine à l’Université Laval de Québec (1968-1971) et une spécialité en médecine interne et cardiologie (1972-1976).

[694]       Elle fait des études post doctorales à l’Université du Minnesota où elle obtient une maîtrise en santé publique (épidémiologie cardio-vasculaire) (1976-1977).

[695]       Fellow puis Scholar de la Fondation des maladies du cœur (1976-1982).

[696]       Chercheure, membre d’équipes pluridisciplinaires, le Dr Robitaille est auteure de nombreuses publications dont certaines sur les effets du tabagisme.

[697]       Cardiologue au Centre hospitalier Laval de Québec, le Dr Robitaille est médecin-conseil au Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL), membre associée au Centre François-Charon, professeure de clinique au Département facultaire de médecine de l’Université Laval et membre du comité d’éthique de la recherche médicale.

[698]       Le Dr Robitaille est ressource en formation médicale continue auprès de ses collègues médecins et agit à titre de consultante auprès de ces derniers.

[699]       Après avoir été clinicienne de nombreuses années en première ligne, le Dr Robitaille concentre aujourd’hui ses activités à titre de cardiologue en prévention et réadaptation auprès d’une clientèle particulièrement lourde.

[700]       Elle aide les patients à vivre après un accident cardiaque notamment en les aidant à modifier leurs facteurs de risque.

[701]       La Cour déclare le témoin expert en médecine avec spécialité en cardiologie.

 

*     *     *     *     *

 

[702]       Elle reçoit mandat de la défenderesse de mettre à jour les connaissances médicales sur les effets du tabagisme sur la santé.

[703]       L’Organisation mondiale de la santé établit que 3.5 millions de décès sont attribués au tabac dans le monde en 1998.

[704]       Chaque année au Canada, 45,000 personnes meurent prématurément de maladies liées à l’usage du tabac :

­          40% par maladies cardio-vasculaires;

­          40% par cancer;

­          20% par maladies pulmonaires.

[705]       Le tabac est responsable de :

­          85% des cancers du poumon

­          85% des maladies pulmonaires chroniques

­          30% de tout cancer

­          30% des maladies cardio-vasculaires.

[706]       Chez ceux qui fument à 20 ans, 50% meurent prématurément (15 ans plus tôt) de maladies liées au tabagisme et leur qualité de vie est grandement diminuée.

[707]       En 1964, le Surgeon general des États-Unis établit une relation causale entre le tabagisme et le cancer du poumon chez les hommes. La fumée de cigarette est plus importante comme facteur que tous les autres.

[708]       De 1964 à 1987, plus de Canadiennes meurent du cancer du poumon que du cancer du sein bien que seulement la moitié des femmes fument.

[709]       Le fumeur ne réalise pas qu’il est dépendant tant qu’il n’a pas essayé d’arrêter. Il faut souvent entre 8 et 10 tentatives pour réussir à arrêter de fumer.

[710]       La dépendance pour le cardiologue s’exprime par :

­          60% des patients qui recommencent à fumer moins d’un an après un infarctus, un pontage ou une dilatation coronarienne;

­          des patients qui exigent d’être débranchés pour sortir de l’unité coronarienne et aller fumer;

­          des patients angineux dont l’anxiété croît au rythme des tentatives infructueuses d’arrêter de fumer.

[711]       La dépendance pour le pneumologue s’exprime par :

­          70% des asthmatiques et des patients traités pour le cancer du poumon qui sortent de l’unité de soins respiratoires ou de leur traitement de chimiothérapie pour fumer;

­          les patients en insuffisance respiratoire qui débranchent leur système d’oxygène portable pour aller fumer.

[712]       La preuve scientifique établie depuis le milieu des années cinquante montre que le tabagisme est une importante cause de maladie et de décès. L’usage du tabac présente trois caractéristiques particulières :

­          il crée une dépendance;

­          l’utilisateur impose aux non-utilisateurs des effets sur leur santé par la fumée secondaire;

­          la consommation des produits du tabac n’est pas essentielle à la vie.

[713]       Aujourd’hui, il est admis scientifiquement que le tabagisme est associé à un risque élevé de développer, entre autres, des maladies cardio-vasculaires par athérosclérose, des cancers ou des maladies pulmonaires chroniques.

[714]       Une étude du Dr Robitaille[423] montre que chez un coronarien de 50 ans, le fumeur présente un risque de récidive deux fois plus grand que le non-fumeur. Au moment de l’infarctus, 80% des patients étaient fumeurs.

[715]       L’arrêt du tabac chez le fumeur coronarien réduit le risque de moitié en un an non seulement pour les maladies liées à l’athérosclérose, mais pour plusieurs autres maladies dont les cancers.

[716]       Dans les années 90, parmi les symptômes liés à la progression de l’athérosclérose, les problèmes de dysfonction érectile retiennent particulièrement l’attention. On note que 52% des hommes de 40 à 70 ans souffrent de dysfonction érectile. Ce symptôme qui affecte gravement la qualité de la vie augmente avec l’âge et est plus fréquent chez les patients qui ont une maladie coronarienne, une hypertension artérielle, du diabète et sont fumeurs. Une étude du Massachusetts Male Aging Study fait ressortir une prévalence de dysfonction érectile de 56% chez les fumeurs atteints de maladie cardiaque comparativement à 21% chez les non fumeurs.[424]

[717]       Le cancer du poumon est la principale cause de décès chez les Canadiens, hommes et femmes confondus. L’espérance de vie dépasse rarement cinq ans après le diagnostic.

[718]       Le tabagisme est un agent causal de plusieurs atteintes respiratoires tels les maladies pulmonaires obstructives chroniques, l’asthme, la bronchite chronique et l’emphysème. Ces atteintes diminuent la qualité de vie des personnes, augmentent leur susceptibilité aux infections respiratoires, prédisposent au cancer du poumon et augmentent le risque de décès.

[719]       La fumée de cigarette influence la santé de ceux qui l’inhalent, fumeurs ou non. Les fumeurs passifs voient leur santé affectée de leur naissance à la vie adulte.

[720]       Les enfants exposés aux substances toxiques contenues dans la fumée de cigarette, alors que leur système respiratoire est en formation, voient leur santé pulmonaire compromise.

[721]       Les infections des voies respiratoires supérieures, déjà prédominantes dans l’enfance, sont au moins deux fois plus fréquentes chez les enfants dont les parents fument.

[722]       Le fœtus humain est exposé à la fumée secondaire in utero pendant la grossesse de la mère. L’enfant dont la mère fume pendant la grossesse a un risque élevé de naître avec un poids inférieur à la moyenne.

[723]       Le risque de mort subite du nouveau-né est doublé chez les nouveau-nés exposés à la fumée secondaire après la naissance et triplé chez ceux exposés pendant la grossesse et après la naissance.[425]

[724]       Le tabagisme est le principal problème de santé publique au Canada. Il cause à lui seul plus de décès que les accidents de la route, les suicides, les meurtres, le sida et l’usage des stupéfiants réunis.[426]

[725]       Les fumeurs vivent moins bien et moins longtemps.

[726]       L’arrêt de la consommation du tabac amène une amélioration de l’état de santé qui augmente avec le prolongement de l’abstinence. Le traitement de la dépendance a une efficacité limitée.

[727]       La thérapie donne un taux de réussite de 10%. Le timbre nicotiné, de 20% à 23% de réussite et les antidépresseurs (Zyban), de 20% à 25% de réussite.

[728]       De 1993 à 1997, on a observé une diminution de 10% du taux de décès par cancer du poumon chez les Canadiens. Une baisse du tabagisme a été observée de 1977 à 1991 chez les hommes.

[729]       Pour la même période de 1993 à 1997, le taux de décès par cancer du poumon a augmenté chez la femme canadienne. Il dépasse celui du cancer du sein depuis 1987 et continue d’augmenter.

[730]       Depuis les années 1960-70, on a constaté une augmentation considérable des fumeuses canadiennes.

[731]       En conclusion générale, l’expertise du Dr Robitaille souligne[427] :

          Les fumeurs vivent moins longtemps et leur qualité de vie (santé) est affectée bien avant leur décès.

          En plus de la souffrance physique liée aux différentes pathologies (angine, infarctus, bronchite chronique, cancer), ils subissent l’angoisse liée aux diagnostics et aux longues attentes de traitement.

          L’efficacité de l’intervention individuelle d’un médecin face à son patient est limitée par la dépendance et survient tardivement, souvent lorsque la maladie est déjà installée.

 

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[732]       Les demanderesses formulent une objection générale au témoignage et à l’expertise du Dr Robitaille voulant que l’un et l’autre ne servent qu’à colorer le dossier et qu’ils soient inutiles vu les admissions des demanderesses.

[733]       L’objection est rejetée. Le témoignage et l’expertise vont bien au-delà des admissions des demanderesses et sont utiles pour déterminer la raisonnabilité et la proportionnalité de la législation au sens de l’article 1 de la Charte canadienne. La rigueur scientifique du témoin et sa vaste expérience clinique en font un témoin précieux pour comprendre l’ampleur du problème du tabagisme au Canada.


Dr André Castonguay[428]

[734]       Docteur en chimie organique de l’Université Laval en 1976, le témoin effectue trois années d’études post-doctorales dans des universités américaines soit à titre de stagiaire ou d’attaché de recherche.

[735]       En 1979, il est chercheur à l’American Health Foundation (AHF) où il travaille avec une équipe de scientifiques dont les docteurs Hecht et Hoffmann reconnus pour leurs recherches sur le tabac et sur l’identification des NNN et des NNK[429]. Ces deux chercheurs et leur équipe ont apporté une contribution monumentale à la cancérogenèse associée au tabagisme.

[736]       Le Dr Castonguay a publié de nombreux articles en collaboration avec ces deux chercheurs. Il est le premier à démontrer que la NNK cause un dommage à l’ADN.

[737]       En 1984, le témoin est nommé chef de la Section immunochimie de l’ AHF. Il a également collaboré à l’étude des demandes de subvention pour le National Institute of Health.

[738]       En 1985, il devient professeur à l’École de pharmacie de l’Université Laval où il développe un programme de recherche sur les cancérigènes du tabac et plus spécifiquement sur la NNK. Son groupe de recherche obtient de nombreuses subventions de divers organismes canadiens et américains.

[739]       Depuis 1997, il est professeur titulaire à la Faculté de pharmacie de l’Université Laval. Il est déclaré témoin expert-chimiste par le tribunal.

 

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[740]       À la demande du Procureur général, le Dr Castonguay a étudié les caractéristiques physiques, chimiques et toxicologiques des tabacs manufacturés canadiens.

[741]       Pour préparer son expertise, le témoin a référé à de nombreuses études scientifiques et notamment l’importante étude du Dr W.S. (Bill) Rickert de la compagnie Labstat[430].

[742]       La cigarette est une véritable usine chimique où des milliers de substances sont mélangées. Le tabac canadien contient 2,500 substances différentes. Ces substances sont brûlées à une température de 600ºC à 900ºC lorsque le fumeur allume sa cigarette entraînant la formation d’autres substances chimiques par pyrosynthèse atteignant alors 4,000 à 5,000 substances.

[743]       La cigarette est constituée de quatre composantes :

a)     le tube en papier qui possède des caractéristiques physiques particulières (poreux, perméable, perforé);

b)     le filtre dont le rôle est de retenir la phase particulaire des constituants toxiques lors de la combustion du tabac. Les autres constituants toxiques gazeux ne sont pas retenus par les filtres d’acétate de cellulose.

c)      l’embout de ventilation contribue avec le papier à la ventilation de la cigarette;

d)     le mélange de tabac est constitué de diverses parties de la plante de tabac dont le contenu en nicotine varie suivant la position de la feuille sur la tige de la plante de tabac.

[744]       Les quatre types de fumée de tabac sont :

a)     la fumée principale soit celle qui est inhalée par le fumeur;

b)     la fumée secondaire soit celle qui se dégage de la cigarette entre les bouffées;

c)      la fumée tertiaire soit celle qui est expirée par le fumeur;

d)     la fumée ambiante.

[745]       Les fumeurs et les non-fumeurs sont exposés à la fumée de cigarette qui contient des agents toxiques.

[746]       L’expert étudie les conditions expérimentales de combustion de la cigarette au moyen d’une machine à fumer[431] qui permet de comparer les caractéristiques de la fumée des différentes marques de cigarettes canadiennes.

Les quantités de fumée (inhalées) peuvent varier considérablement entre les fumeurs. Le fumeur modifie volontairement ou involontairement son profil d’inhalation selon ses besoins ponctuels en nicotine.[432]


[747]       La cigarette est un bien de consommation qui a évolué au fil des ans. Ses modifications ont amené des changements dans les rendements[433] des composantes de la fumée. Ces composantes sont notamment :

-       le goudron : la moyenne des rendements des cigarettes canadiennes était de 23mg en 1964. Ce n’est qu’en 1978 que ces rendements commencent à diminuer. En 1993, ils seront de 14mg par cigarette et ils sont sensiblement les mêmes aujourd’hui. Cependant, sous conditions de combustion intense, ces rendements atteignent 38,7mg par cigarette;

-       la nicotine : les rendements de nicotine sont constants entre 1968 et 1978 suivis d’une diminution rapide entre 1979-1981 eux-mêmes suivis d’une augmentation entre 1981-1988. Les rendements ont par la suite diminué jusqu’en 1993;

-       monoxyde de carbone : les rendements sont similaires à ceux du goudron de 1968 à 1993. Ils passent de 23mg à 16mg durant cette période.

-       chrome : la fumée du tabac est une source majeure d’exposition au chrome pour le fumeur. La moyenne des contenus était de 1.32 microgramme en 1968 et 1.47 microgramme en 1988;

-       cadmium : de 1989 à 1995, le contenu en cadmium passe de 1.88 à 1.565 microgramme/gramme de tabac;

-       plomb : aucun changement n’a été observé dans les rendements en plomb durant les années 1989 à 1995.

[748]       Les rendements inscrits sur le paquet de cigarettes pour les différentes substances ne reflètent pas la livraison de ces cigarettes.

[749]       Peu importe par exemple la valeur de rendement de goudron ou nicotine déclarée sur le paquet de cigarettes, le rendement en NNK (substances toxiques) augmentera avec le volume des bouffées.

[750]       Le fumeur qui inspire une plus grande bouffée (qui inspire profondément) sera exposé à une plus grande quantité du cancérigène NNK. Ce qui est vrai tant pour le fumeur de cigarettes à faible teneur en goudron que pour celui qui fume des cigarettes à forte teneur en goudron.

[751]       Les fumeurs qui développent une dépendance à la nicotine (nicotinomanie) modifient de plusieurs façons leur habitude de tabagisme pour maintenir leur dose de nicotine :

a)     Augmentation par le fumeur de la fréquence de sa consommation (nombre de cigarettes fumées par jour);

b)     Augmentation consciente ou inconsciente de l’absorption de nicotine en inhalant la fumée plus profondément;

[752]       En augmentant le volume de la bouffée, le fumeur augmente l’exposition des parties périphériques de ses poumons à la fumée du tabac. Cette exposition aux substances toxiques contenues dans la fumée de cigarettes cause le cancer des bronches et des alvéoles du poumon.

[753]       Depuis les années cinquante, un lien clair a été établi entre le tabagisme et le cancer du poumon.

[754]       Les dangers associés à une inhalation plus grande de la fumée sont connus de l’industrie du tabac depuis longtemps. En 1978, un consultant pour B.A.T., le Dr F.J.C. Roe écrit :

Perhaps the most important determinant of the risk to health or to a particular aspect of health is the extent to which smoke is inhaled by smokers. If so, then deeply inhaled smoke from low-tar delivery cigarettes might be more harmful than uninhaled smoked from high-tar cigarettes.[434]

[755]       Les recherches du témoin montrent que les pathologies associées au tabagisme sont nombreuses. Au Québec, le tabagisme est associé à des risques accrus de cancer du poumon (90%), vessie (53%), œsophage (54%), estomac (35%) et pancréas (33%).

La feuille de tabac contient des quantités importantes de nicotine. Elle contient également des nitrates et nitrites. Ces substances se combinent par une réaction chimique durant le séchage de la feuille de tabac et la combustion de la cigarette. Ces réactions entre la nicotine et les nitrites ou nitrates produisent de nouvelles substances qui sont appelées nitrosamines spécifiques au tabac. Ce nom vient du fait que la plante de tabac (Nicotiana tabacum) est la seule plante à produire de la nicotine de façon naturelle. On retrouve donc les nitrosamines dérivées de la nicotine uniquement dans la plante de tabac et la fumée générée par la combustion de cette plante incluant la feuille.[435]

[756]       Les deux plus importantes nitrosamines dérivées de la nicotine sont la NNK et la NNN qui ont suscité beaucoup d’intérêt en cancérologie parce que ce sont de puissants cancérigènes.

[757]       Les études du témoin et celles de la communauté scientifique démontrent de fortes indications que la NNK est impliquée dans la formation et le développement du cancer chez l’humain.

[758]       De même, les travaux de l’équipe du Dr Castonguay au premier chef et d’autres scientifiques ont démontré que le fœtus d’une femme enceinte qui fumait durant la grossesse était exposé à la NNK.

[759]       La NNN de son côté est présente dans la paille séchée de tabac et il a été démontré qu’elle induit des tumeurs cancéreuses chez les rats.

[760]       La conclusion[436] de l’expertise du Dr Castonguay se lit comme suit :

1-      Les rendements de la fumée principale en agents toxiques augmentent sous les conditions de combustion intense de la cigarette. Les données suggèrent que le fumeur puisse augmenter son exposition à ces substances toxiques en altérant son profil d’inspiration de la fumée de cigarettes. L’information sur une augmentation de l’exposition aux substances toxiques en fonction du mode d’utilisation de la cigarette n’est pas transmise aux consommateurs.

2-      La cigarette est un bien de consommation qui a changé au cours des ans. Si cette information était connue des fabricants de tabac, elle ne fut pas communiquée aux consommateurs.

3-      Les fumeurs canadiens sont exposés à des substances qui ne sont pas présentes dans l’environnement et qui se retrouvent uniquement dans la fumée de tabac. Ces substances sont des nitrosamines dérivées de la nicotine et sont donc spécifiques aux végétaux qui produisent la nicotine, c’est-à-dire la plante de tabac. La NNN et la NNK sont des exemples de ces substances. Par ailleurs, le taux des substances toxiques (et cancérogènes) présentes dans la fumée de tabac auxquels sont exposés les fumeurs canadiens sont beaucoup plus élevés que celle qu’on retrouve dans l’environnement. Des exemples de ces substances sont le benzéne, le chrome, l’arsenic, le cadmium et le nickel.

 

*     *     *     *     *

 

[761]       Dans son témoignage devant la Cour, le Dr Castonguay précise les éléments suivants.

[762]       La plante du tabac est connue sous son nom latin de nicotiana tabacum. Les parties de la feuille sont la tige (stem), la lame (lamina) et les nervures (midrib).

[763]       Les feuilles du bas de la plante contiennent moins de nicotine que celles du haut. Il y a également des variations du taux de nicotine dans les différentes parties de la même feuille.

[764]       La cigarette est composée d’un tube de papier qui retient la colonne de tabac. Ce papier a une certaine perméabilité à l’air. Cette perméabilité peut être augmentée par la présence de trous de ventilation dans le papier ou dans l’embout de filtration. Au bout du tube de papier, il y a un filtre, généralement fait de fibres d’acétate de cellulose, retenu au papier par un embout de filtration (overwrap). Le rôle du filtre est de retenir partiellement certaines parties de la fumée générée par la combustion de la cigarette.

[765]       Lorsqu’un fumeur fume une cigarette, il se produit les événements suivants :

a)     Avant l’allumage, une cigarette contient environ 2 500 substances chimiques;

b)     Une fois allumée, la température dans le cône de combustion (la partie qui brûle) peut atteindre 800 à 900 degrés;

c)      La combustion du tabac à de si hautes températures, la présence d’autant de substances chimiques et la présence d’oxygène apporté par l’air circulant dans le cône de combustion entraînent la formation de quantité d’autres substances chimiques (pyrosynthèse) dont le nombre grimpe alors entre 4 000 et 5 000;

d)     Les substances formées dans le cône de combustion migrent alors dans la colonne de tabac, se refroidissent et une certaine partie traverse le filtre;

e)     Les substances les plus solides, telle la nicotine, forment la phase particulaire (goudron), dont une partie seulement est retenue par le filtre;

f)        Les plus volatiles, tels l’acide cyanhydrique, le monoxyde de carbone et le formaldéhyde, peuvent traverser toute la colonne de tabac et ne sont pas retenues par les filtres d’acétate de cellulose;

g)     Lors de la pyrosynthèse, il y a formation notamment de NNK, qui passe de l’état liquide à l’état gazeux (distillation), ce qui lui permet de migrer à travers la colonne de tabac, de passer à travers le filtre en partie et de se retrouver dans la fumée aspirée par le fumeur (transfert);

h)      Ce que le fumeur aspire, ce sont les substances formées au niveau du cône de combustion ainsi qu’une certaine quantité d’air qui a passé à travers le papier ou les trous de ventilation;

i)        Si on bouche les trous de ventilation, moins d’air entre dans la bouffée et le gaz aspiré vient presque uniquement du cône de combustion donc les quantités de substances inspirées par le fumeur sont plus importantes;

j)        Le fumeur peut boucher les trous de ventilation avec ses doigts en tenant la cigarette.

[766]       L’étude du Dr Rickert que commente abondamment le témoin avait pour but de déterminer entre 1968 et 1995 :

if [   ] there is evidence for a consistent identifiable pattern of nicotine manipulation and, to determine how this was accomplished[437]

[767]       Le Dr Castonguay en retient les éléments suivants qui sont reconnus par la communauté scientifique :

a)     Les rendements en nicotine ont été manipulés indépendamment des rendements en goudron;

b)     La quantité de nicotine est plus grande dans les feuilles du haut du plant par rapport aux feuilles du bas du plant;

c)      On a observé une variation des contenus en nicotine dans le tabac qui provient de la lame au fil des années;

d)     Il y a une augmentation linéaire dans le contenu en nicotine depuis 1980 et il y a également un accroissement de la fraction de la lame dans le tabac; on observe aussi des différences significatives dans la stratégie des différents manufacturiers canadiens quant au contenu de leurs cigarettes;

e)     La quantité de tabac par cigarette a diminué au cours de la période étudiée donc, pour maintenir la même quantité de nicotine par cigarette, il a fallu augmenter la concentration de nicotine par gramme de tabac;

f)        Ce ne sont pas tous les manufacturiers de tabac au Canada qui semblaient avoir la même détermination à manipuler la nicotine;

g)     La manipulation génétique dont il est question dans cette étude consiste en une sélection des plants et des feuilles et non en de l’ingénierie génétique;

h)      Tabac reconstitué : on prend certaines parties de la plante pour faire des cigarettes; ce qui reste est réduit en poudre puis mélangé avec des liants, ce qui donne une pâte qu’on étend et qu’on fait sécher; on découpe ensuite en morceaux de même dimension que la plante et on s’en sert comme des feuilles de tabac pour mettre dans les cigarettes;

i)        Les conclusions de cette étude sont valides scientifiquement.

 

*     *     *     *     *

 

[768]       La Cour tient à souligner la rigueur de la démarche intellectuelle du témoin qui rend tant son expertise que son témoignage hautement crédibles.

 

*     *     *     *     *

 

Dr André Castonguay[438] (suite)

[769]       Déjà entendu comme témoin et déclaré expert chimiste[439] par la Cour, le professeur Castonguay reçoit du Procureur général du Canada le mandat additionnel de comparer les rendements en substances irritantes des principales cigarettes canadiennes par rapport à la cigarette Player’s Première.

[770]       Cette nouvelle expertise est faite suite au témoignage de M. Ed Ricard, représentant des demanderesses et directeur de la mise en marché chez Imperial Tobacco.

[771]       D’entrée de jeu, le professeur propose deux définitions de la substance irritante :

« substance qui cause une douleur ou une inflammation dans un organe »[440]

« any substance [...] that on immediate, prolonged or repeated contact with normal living tissue will induce a local inflammatory reaction »[441]

[772]       À partir notamment d’un document de recherche d’Imperial Tobacco (C. Saint-Joly 1986), du projet Tomahawk (lancement de la cigarette Première de Player’s 1996), du rapport Labstat, un projet de recherche financé par Santé Canada en 1998, et de documents publiés par le Gouvernement de la Colombie-Britannique, le témoin identifie 14 irritants présents dans les courants principaux et secondaires de la fumée de cigarette.

[773]       Il souligne au passage que l’étude de Mme Saint-Joly conclut qu’il y a plus de substances irritantes dans le courant secondaire (sidestream) que dans le courant principal (mainstream).

[774]       Après une démonstration sans faille au plan de la rigueur scientifique qui emporte l’adhésion du tribunal, le professeur Castonguay conclut :

Conclusion :

Notre analyse de tous les documents fournis par le Procureur général du Canada montre que la fumée principale de la cigarette Player’s Première contient une plus grande quantité de substances irritantes que la fumée de la Player’s légère douce régulière et de la Player’s légère régulière.

Notre analyse des mêmes documents nous permet d’affirmer qu’il n’y a pas d’évidences montrant que la Player’s Première contient moins de substances irritantes que les quatre autres cigarettes (Export’A medium, du Maurier extra long, Player’s régulière, du Maurier régulière).[442]

[775]       De fait, à étudier de près les données de l’étude du professeur Castonguay et en tenant compte de l’effet cumulatif des substances irritantes, la Player’s Première contient plus de matières irritantes, de façon générale, que toutes les autres marques de cigarettes les plus vendues au Canada.

[776]       En contre-interrogatoire, le témoin est confronté au fait que certains consommateurs dont les habitudes de fumer ont été testées en groupes cible ont pu percevoir moins d’irritation en fumant la Player’s Première.

[777]       Le témoin ne peut qu’exprimer de nettes réserves sur ce type d’exercice essentiellement subjectif et affirmer préférer la rigueur de son analyse scientifique.

[778]       Il ajoute que le moins qu’Imperial Tobacco aurait dû faire avant de lancer son nouveau produit (Player’s Première), aurait été d’effectuer les tests qu’il a lui-même faits.


M. Larry Swain[443]

[779]       Détenteur d’un baccalauréat en sciences (mathématiques et statistiques) en 1969 et d’un baccalauréat en éducation (mathématiques) en 1971 tous deux de l’Université de Toronto, le témoin obtient en 1970 une maîtrise en mathématiques à l’Université York de Toronto.

[780]       Jusqu’à sa retraite en novembre 2001, M. Swain a travaillé à Statistique Canada, un organisme reconnu mondialement pour sa rigueur scientifique.

[781]       Il a occupé différents postes d’analyste principal et de gestionnaire. De 1998 à sa retraite, il était assistant-directeur de la section des statistiques sur la santé (Health Statistics Division).

[782]       Après novembre 2001, M. Swain a continué à travailler comme consultant à temps partiel pour Statistique Canada.

[783]       Statistique Canada, et particulièrement sa section Santé, compile et analyse des statistiques notamment sur l’espérance de vie des Canadiens, sur l’exercice, la consommation d’alcool et le tabagisme.

[784]       Du consentement des parties, le témoin est déclaré expert en statistiques.

 

*     *     *     *     *

 

[785]       Le témoin définit les statistiques telles que comprises à Statistique Canada comme la compilation d’un ensemble de données servant à mesurer des éléments de la vie économique et sociale du pays. Ces renseignements sont compilés, analysés et mis à la disposition des Canadiens.

[786]       Ces données servent à comprendre et prévoir. Elles sont utilisées par tous les organismes gouvernementaux à tous les paliers, du gouvernement fédéral à la commission scolaire.

[787]       D’entrée de jeu, M. Swain précise que les statistiques ne sont pas une science exacte et il identifie deux limitations importantes dont le scientifique doit tenir compte tout comme ceux qui utilisent les statistiques.

[788]       Premièrement, il est difficile et quelquefois impossible de mesurer certains domaines de l’activité humaine parce que soit les données ne sont pas disponibles, soit trop coûteuses à compiler, soit trop complexes.

[789]       Ainsi, il n’est pas possible de déterminer pourquoi un étudiant choisit certains programmes plutôt que d’autres à l’école secondaire, au collège ou à l’université.

[790]       Deuxièmement, dans certains sondages ou enquêtes d’opinion, certaines personnes consciemment ou non, ne répondent pas la vérité.

[791]       Ainsi, à la question combien de bières buvez-vous par semaine, pourront se glisser un certain nombre de réponses erronées.

 

*     *     *     *     *

 

[792]       Le Procureur général du Canada, dans le cadre du présent litige, a donné mandat au témoin de résumer l’ensemble des données statistiques compilées à Statistique Canada de 1985 à ce jour sur les habitudes de consommation du tabac par les Canadiens.

[793]       L’expert prépare sept tableaux pour illustrer son expertise :

 

Table 1 :      Current Smoking Prevalence, by age and sex, household population aged 15 or older, Canada excluding territories, 1985 to 2000

 

1985

1991

1994

1994/95

1996

1996/97

1998/99

1999

2000

Total

35%

31%

30%

31%

27%

29%

28%

25%

24%

Men

Women

38%

32%

32%

30%

32%

29%

33%

28%

29%

26%

31%

26%

29%

26%

27%

23%

26%

23%

15-19

20-24

25-44

45-64

65+

27%

43%

39%

36%

21%

23%

40%

36%

30%

16%

27%

39%

35%

29%

16%

28%

36%

37%

29%

15%

25%

36%

32%

24%

14%

29%

35%

33%

26%

15%

28%

37%

33%

26%

13%

28%

35%

30%

22%

12%

25%

32%

30%

21%

13%

 

Sources: Gilmore (2000); Special tabulations, Statistics Canada, Health Canada

Surveys:                  General Social Survey: 1985, 1991, 1996;

                                 Survey of Smoking in Canada: 1994 (cycle 1);

                                 National Population Health Survey: 1994/95, 1996/97, 1998/99

                                 Canadian Tobacco Use Monitoring Survey: 1999 (annual), 2000 (annual)


 

Table 2:       Current Smoking Prevalence, by province and territory, household population aged 15 or older, Canada, 1985 to 2000

 

1985

1991

1994

1994/95

1996

1996/97

1998/99

1999

2000

CANADA

35%

31%

30%

31%

27%

29%

28%

25%

24%

NFLD

PEI

NS

NB

QC

ON

MB

SK

AB

BC

NWT

Yukon

39%

43%+

36%

37%

40%

32%

38%

31%

36%

33%

-

-

35%

29%+

27%

35%

33%

29%

28%

29%

34%

29%

-

-

27%

37%

29%

35%

38%

27%

31%

30%

30%

25%

-

-

34%

33%

34%

33%

35%

28%

30%

31%

30%

27%

56%

41%

29%

19%++

29%

29%

32%

25%

23%

32%

28%

23%

-

-

32%

33%

33%

29%

33%

26%

27%

31%

29%

25%

57%

40%

30%

32%

32%

30%

31%

26%

28%

29%

30%

23%

-

-

28%

26%

29%

26%

30%

23%

23%

26%

26%

20%

-

-

28%

26%

30%

27%

28%

23%

26%

28%

23%

20%

-

-

 

Sources: Special tabulations, Statistics Canada; Health Canada (2001)

Surveys:                  General Social Survey: 1985, 1991, 1996

                                 Survey of Smoking in Canada: 1994 (cycle 1)

                                 National Population Health Survey: 1994/95, 1996/97, 1998/99

                                 Canadian Tobacco Use Monitoring Survey: 1999 (annual), 2000 (annual)

* Ten provinces

+ Coefficient of variation (CV) = 10%; ++ Coefficient of variation (CV) = 14%; remaining CV s are
less than 10%


 

Table 3 :      Current Smoking Prevalence, by education, household population aged 12 or older, Canada excluding territories, 1996/97

Highest level of education

(age-standardized)

Current Smoking

Prevalence

Total

28%

Less than high school

High school/some post-secondary

Post-secondary diploma/certificate

University degree

39%

28%

25%

14%

 

Source:    Health Canada et al. (1999)

Survey:     National Population Health Survey, 1996/97

 

Table 4:       Current Smoking Prevalence, by household income, household population aged 12 or older, Canada excluding territories, 1996/97

Household Income

(age-standardized)

Current Smoking

Prevalence

Total

28%

Lowest

Lower middle

Middle

Upper middle

Highest

41%

36%

30%

27%

18%

 

Source: Special tabulation, Statistics Canada

Survey: National Population Health Survey, 1996/97


 

Table 5:       Domestic Sales of Cigarettes and Fine Cut Tobacco, Canada, 1985 to 2000

 

Year

 

Cigarettes

(millions)

 

Fine Cut

Tobacco

(tonnes)

Fine Cut

Equivalent

(1g/cigarette)

millions)

 

Total Cigarettes

(1g for fine cut)

(millions)

 

Total Cigarettes

Per Capita

1985

58,954

6,866

6,866

65,820

3,236

1986

55,437

7,414

7,414

62,851

3,048

1987

52,612

7,863

7,863

60,475

2,890

1988

51,054

8,028

8,028

59,082

2,784

1989

47,603

7,748

7,748

55,351

2,559

1990

45,917

6,656

6,656

52,573

2,393

1991

38,946

6,362

6,362

45,308

2,037

1992

35,060

5,081

5,081

40,141

1,783

1993

30,225

3,828

3,828

34,053

1,495

1994

45,743

3,965

3,965

49,708

2,154

1995

45,581

3,833

3,833

49,414

2,114

1996

47,118

4,049

4,049

51,167

2,161

1997

45,518

3,971

3,971

49,489

2,062

1998

45,579

4,179

4,179

49,758

2,049

1999

45,112

4,149

4,149

49,261

2,004

2000

43,433

3,921

3,921

47,354

1,902

 

Sources:    CANSIM II database, Table 303-0007, Statistics Canada, November 20, 2001

                    CANSIM II database, Table 051-0001, Statistics Canada, November 27, 2001

Survey:       Production and Disposition of Tobacco Products : 1985-2000

                    Estimates of Population, ages 15+: 1985-2000


 

Table 6:       Production of Cigarettes and Fine Cut Tobacco, Canada, 1985 to 2000

 

Year

 

Cigarettes

(millions)

 

Fine Cut

Tobacco

(tonnes)

Fine Cut

Equivalent

(1g/cigarette)

(millions)

 

Total Cigarettes

(1g for fine cut)

(millions)

 

Ratio of Total

Production to Total

Domestic Sales

1985

63,486

6,406

6,406

69,892

1.06

1986

55,632

7,858

7,858

63,490

1.01

1987

54,006

7,896

7,896

61,902

1.02

1988

54,607

9,015

9,015

63,622

1.08

1989

50,634

8,171

8,171

58,805

1.06

1990

48,664

6,491

6,491

55,155

1.05

1991

46,494

9,264

9,264

55,758

1.23

1992

45,485

7,399

7,399

52,884

1.32

1993

46,286

6,202

6,202

52,488

1.54

1994

55,475

4,959

4,959

60,434

1.22

1995

51,493

4,046

4,046

55,539

1.12

1996

50,186

4,525

4,525

54,711

1.07

1997

48,084

3,958

3,958

52,042

1.05

1998

48,730

4,275

4,275

53,005

1.07

1999

47,224

4,079

4,079

51,303

1.04

2000

46,068

3,770

3,770

49,838

1.05

 

Source:      CANSIM II database, Table 303-0007, Statistics Canada, November 20, 2001

Surveys:     Production and Disposition of Tobacco Products : 1985-2000

 

Table 7:       Daily Cigarette Consumption by Daily Smokers, household population aged 15 or older, Canada excluding territories, 1985 to 2000

Number of

Cigarettes

Daily

 

1985

 

1989

 

1990

 

1991

 

1994

 

1994/95

 

1996

 

1996/97

 

1998/99

 

1999

 

2000

1 to 10

19%

26%

26%

22%

23%

23%

28%

27%

29%

26%

29%

11 to 25

67%

64%

65%

68%

65%

68%

65%

67%

65%

67%

64%

26+

14%

10%

9%

10%

12%

9%

7%

6%

6%

7%

6%

 

Sources: Special tabulations, Statistics Canada, Health Canada

Surveys:         General Social Survey: 1985, 1991, 1996

        National Alcohol and Other Drugs Survey: 1989

        Health Promotion Survey: 1990

        Survey of Smoking in Canada: 1994 (cycle 1)

 

[794]        Les grandes lignes de l’étude de M. Swain montrent les statistiques suivantes :

a)     De 1985 à 2000, le pourcentage des fumeurs au pays passe de 35% à 24%. (tableau 1)

b)     Chez les hommes, on passe de 38% à 26% et chez les femmes, de 32% à 23%. (tableau 1)

c)      Tous les groupes d’âge voient leur pourcentage de tabagisme diminuer de façon marquée sauf les 15 - 19 ans où le tabagisme demeure stable. (tableau 1)

d)     La répartition des fumeurs par province se retrouve au tableau 2. On fume plus dans les Maritimes, au Québec et en Saskatchewan et moins en Colombie-Britannique.

e)     Les personnes plus scolarisées fument moins que les personnes peu scolarisées (tableau 3)

f)        Les personnes au revenu familial plus élevé fument moins que les personnes ayant un plus faible revenu familial. (tableau 4)

g)     Les ventes de cigarettes canadiennes ont décliné de 1985 à 1993 pour augmenter soudainement en 1994 à un niveau où elles ont perduré jusqu’à 1996 pour connaître un nouveau déclin jusqu’en 2000. (tableau 5)

h)      La production canadienne de cigarettes dépasse la capacité de consommation de la population. De 1985 à 1990 et de 1995 à 2000, la production a été de 1% à 12% plus élevée que la consommation canadienne. De 1991 à 1994, la production a été de 22% à 54% plus élevée que la consommation canadienne. (tableau 6)

i)        De 1985 à 2000, le nombre de fumeurs de 26 cigarettes ou plus par jour a diminué alors que le nombre de fumeurs de 1 à 10 cigarettes par jour a augmenté. Celui des fumeurs de 11 à 25 cigarettes par jour est resté stable. (tableau 7)

 

*     *     *     *     *

 

[795]       L’expert souligne que les données sur le tabagisme colligées par Statistique Canada avant 1985 sont utiles et valables mais qu’elles ne peuvent être comparées parfaitement à celles obtenues après 1985.

[796]       En effet, la méthodologie des sondages a changé en 1985 et les questions posées ont été modifiées. Par exemple, avant 1985, dans les sondages téléphoniques, on demandait à la personne interviewée de répondre pour l’ensemble de la famille. Aujourd’hui, on ne tient compte que des réponses des personnes interrogées.

[797]       Les données de Statistique Canada sont fiables 19 fois sur 20 avec une marge d’erreurs de 2 à 4%.

[798]       L’expert a retenu une période d’analyse de 15 ans qui lui apparaît suffisante pour découvrir les changements significatifs.

[799]       M. Swain insiste pour expliquer que les données statistiques ne font que constater un état de fait et qu’il se sent inapte à expliquer les causes de ces constatations.

[800]       Par exemple, il est un fait que les gens moins scolarisés fument plus que les personnes scolarisées, mais il ignore pourquoi et ne veut surtout pas s’engager sur cette voie qui n’a rien à voir avec son expertise.

[801]       Pour l’expert, un changement significatif est un changement supérieur à 2%.

[802]       La Cour est impressionnée par la rigueur scientifique du témoin tant pour la préparation de ses données statistiques que pour son refus à tirer de ces données des conclusions qui ne font pas partie de son champ d’expertise.


Madame Judy Ferguson

[803]       Le témoin fait carrière dans la fonction publique fédérale depuis 24 ans et est actuellement sous-ministre adjointe.

[804]       À compter de 1991 et pour toute la période relative à la passation de la Loi sur le tabac (26 avril 1997), elle a travaillé à Santé Canada à titre de directrice-générale de la Politique et de l’information du Département de la Santé (Health Policy and Information, Department).

[805]       Son rôle était de conseiller la ministre de la Santé sur les différentes mesures à adopter en matière de santé au Canada dont notamment sur les stratégies à mettre de l’avant en matière de médicaments et drogues.

[806]       À ce dernier chapitre, elle a été responsable de la mise sur pied d’une politique sur le tabagisme et particulièrement après le jugement de la Cour suprême dans le premier dossier en septembre 1995.

[807]       La perception du témoin est que le jugement de la Cour suprême du Canada annule à toutes fins pratiques la Loi réglementant les produits du tabac entrée en vigueur le 1er janvier 1989. Un vide juridique est créé que la ministre de la Santé veut combler le plus rapidement possible.

[808]       Une équipe qui comptera jusqu’à cinquante personnes dont une douzaine à temps plein s’attaque à la tâche de conseiller la ministre sur la nouvelle politique à mettre de l’avant pour respecter les enseignements de la Cour suprême.

[809]       Des spécialistes de différents secteurs de Santé Canada font partie de l’équipe à laquelle se joint une équipe de juristes. Mme Ferguson assume la direction de l’ensemble.

[810]       En décembre 1995, Santé Canada publie le document La lutte contre le tabagisme : un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et Canadiens[444](Tobacco Control : A Blueprint to Protect the Health of Canadians). Ce document préparé par l’équipe de Mme Ferguson énonce l’état de la question du tabagisme au Canada selon Santé Canada et le cadre législatif proposé.

[811]       Le document, publié à des milliers d’exemplaires servira à la consultation publique souhaitée par la ministre. On visera, en plus des Canadiens en général, à consulter les provinces, les municipalités, l’industrie du tabac, les lobbies de toutes sortes et on tentera de voir ce qui se fait ailleurs au monde.

[812]       Le but de l’exercice est de fournir à la ministre une information adéquate et de qualité pour décider de la législation à adopter. On veut aussi tester les impressions du groupe auprès de la population comme partie intégrante du processus démocratique.

[813]       Santé Canada recevra 3,000 commentaires, la plupart d’individus, dont 85 mémoires. Une trentaine de rencontres formelles avec des groupes seront organisées.

[814]       Le groupe de Mme Ferguson prépare la compilation et l’analyse de la réflexion tirée de la consultation et du travail de l’équipe dans un document intitulé Analyse d’options en matière de restrictions des activités de promotion du tabac(Policy Analysis of Tobacco Product Promotional Activity Restrictions) [445]. Ce document est daté de mars 1997 à titre de document final, mais comporte plusieurs projets déposés sous D-273 a) à g).

[815]       Le texte du document D-271 et de ses avant-projets a été rédigé par M. Byron Rogers, à la demande et sous la direction de Mme Ferguson. L’équipe critique les projets et M. Rogers en assure la réécriture jusqu’au document final.

[816]       Le document étudie quatre options : deux extrêmes et deux plus modérées. La première s’en remet au Code volontaire d’éthique adopté le 1er janvier 1996 par les cigarettiers après l’annulation de la loi par les tribunaux.

[817]       Cette option est mise de côté puisqu’elle repose sur le volontariat des manufacturiers de cigarettes, n’est pas coercitive et ne rejoint pas les détaillants et autres intervenants de l’industrie.

[818]       L’autre option écartée rapidement est celle du bannissement total de toute forme de publicité ou commandite de la cigarette. Cette avenue est jugée illégale.

[819]       Une troisième option met de l’avant la possibilité de négocier avec l’industrie le renforcement du code volontaire du 1er janvier 1996 avec menace de recourir à la loi si le texte du code n’est pas satisfaisant.

[820]       Cette option a l’avantage d’éliminer toute possibilité d’adoption d’une loi illégale en tout ou en partie.

[821]       Le désavantage est l’obligation pour le gouvernement d’établir une relation intime avec l’industrie du tabac ce qui risque de miner la crédibilité du gouvernement auprès de la population. D’autre part, on met en doute la volonté de l’industrie de négocier volontairement la perte de droits sans législation et que le code s’applique à tous les intervenants.

[822]       La quatrième option vise une approche globale du problème visant à contrebalancer l’obligation du gouvernement de réduire la consommation du tabac et le respect du droit d’expression de l’industrie.

[823]       Le fondement de la réflexion du gouvernement sur le phénomène du tabagisme tourne autour des connaissances suivantes :

-                               le tabac est terriblement nocif, cause de nombreuses maladies, la mort et coûte une fortune à l’économie (de 11 à 15 milliards l’an);

-                               le tabac est facilement accessible à tous, jeunes et adultes, provoque la dépendance et une grande difficulté à ceux qui tentent d’abandonner la cigarette;

-                               tout porte à encourager la consommation du tabac : la publicité sous toutes ses formes incluant la commandite, fumer est bien vu et attirant pour les jeunes, le tabac est socialement accepté.

[824]       La législation doit donc s’attaquer à toutes ces facettes du problème si elle veut contrer le mal : diminuer la publicité, s’attaquer au fait social et faire quelque chose pour les jeunes.

[825]       L’ensemble du document D-271 explique en détail les pistes qu’une nouvelle législation devra couvrir.

 

*     *     *     *     *

 

[826]       En contre-interrogatoire, Mme Ferguson admet que son équipe a toujours pensé que l’idéal serait une interdiction totale de toute publicité du tabac. Comme un tel idéal est illégal, on cherche à limiter le plus possible la présence de la cigarette dans la vie quotidienne tout en respectant la Charte.

[827]       Le document D-274 est vu comme la pensée de Santé Canada lancée dans la population avec la mention : « voici ce que l’on pense : réagissez! »

[828]       Mme Ferguson souligne que la loi devait se préoccuper de la publicité accessible aux jeunes et la publicité « style de vie », deux thèmes où la Cour suprême permettait le bannissement. Le problème avec la notion « style de vie » est que la Cour suprême n’en définit pas le concept.

[829]       L’équipe de Mme Ferguson fait des recherches exhaustives à ce sujet et fait des recommandations à la ministre.

[830]       Mme Ferguson admet que les notions de « faisant appel à la jeunesse » ou « style de vie » ne sont pas faciles à définir, mais que le sens commun doit prévaloir au-delà du strict libellé.

[831]       La ministre avait annoncé ses couleurs dans D-274 et souhaitait déposer une loi. Le cabinet a demandé qu’on lui soumette différentes options, ce qui a été fait et rapporté dans D-271.

[832]       Mme Ferguson insiste sur le fait que son équipe a suivi rigoureusement les enseignements de la Cour suprême sur les notions de « restriction partielle de la publicité », « faisant appel aux jeunes » et « style de vie ».

[833]       Les documents D-271 et D-274 sont le fruit de la réflexion de personnes raisonnables de formations diverses qui ont consulté l’ensemble des Canadiens sur un sujet difficile.

[834]       Il est clair, selon le témoin, que les conclusions de son équipe sont de rechercher l’interdiction de publicité la plus globale possible avec certaines exceptions à certaines conditions.

[835]       C’est ce que la loi a donné.

[836]       Comme la loi a rapidement été soumise au tribunal, le dialogue entre Santé Canada et l’industrie a été interrompu pour laisser le tribunal se prononcer.

[837]       La Cour considère que la crédibilité du témoin ne fait aucun doute tout comme son engagement à conseiller la ministre le plus adéquatement possible compte tenu de la difficulté de la tâche.

 

 

 


Dr Ronald M. Davis[446]

[838]       Le Dr Davis a terminé ses études de médecine à l’Université de Chicago en juin 1983.

[839]       Il fait un stage de deux ans en épidémiologie au U.S. Center for Disease Control où il étudie les constantes de maladies et de décès dans la population et les moyens de les prévenir et de les guérir. Le tabagisme est l’un des phénomènes étudiés.

[840]       Le témoin se spécialise en médecine préventive.

[841]       Il étudiera en santé de l’environnement en 1987-1988 au John Hopkins University School of Hygiene and Public Health à Baltimore, Maryland.

[842]       Le témoin sera Surgeon general du Maryland de 1991 à 1995.

[843]       Depuis 1995, il est directeur du Center for Health Promotion and Disease Prevention au Henry Ford Health System à Detroit, Michigan.

[844]       Ce centre privé offre des services de santé à 600,000 personnes dont les coûts sont assurés par les employeurs dans le cadre de services aux employés.

[845]       Le témoin souligne que malheureusement 40 millions d’Américains sont actuellement privés de soins de santé faute d’assurances adéquates et par manque de ressources financières.

[846]       L’approche du centre Henry Ford se fonde sur la prévention et l’éducation des membres notamment au moyen de campagnes invitant les personnes à cesser de fumer.

[847]       La Cour déclare le témoin expert en médecine préventive et santé communautaire (expert in preventry medecine and public health).

 

*     *     *     *     *

 

[848]       L’expertise du Dr Davis porte le titre « The Effects of Tobacco Advertising, Promotion, and Sponsorship Prepared for the Department of Justice, Canada, November 2000 ».

[849]       Le Dr Davis a analysé une série d’études à travers le monde sur la promotion de la cigarette et de ses effets sur les personnes et notamment les jeunes.

[850]       Il constate ainsi que le rapport du Surgeon general des Etats-Unis de 1989[447] fait la recension de 25 années d’effets néfastes du tabagisme sur la santé. Le témoin fait siens les commentaires du Surgeon general sur les quatre éléments qui peuvent participer à l’augmentation du tabagisme[448] :

a.   Advertising and promotion could encourage children or young adults to experiment with tobacco products and initiate regular use.

b.   Advertising and promotion could increase tobacco users’ daily consumption of tobacco products by serving as a cue to tobacco use.

c.   Advertising and promotion could reduce current tobacco users’ motivation to quit.

d.   Advertising and promotion could encourage former smokers to resume smoking.

[851]       Des études britanniques (SMEE Report)[449] et les recherches de Andrews et Franke portant sur de nombreux pays pour la période de 1933 à 1990 montrent un lien direct entre la publicité et la consommation de cigarettes.

[852]       Une étude publiée dans le Journal of American Medical Association (JAMA) en 1991 montre que 91% des enfants de six ans de cinq états américains peuvent associer le personnage Joe Camel à la cigarette. Le même pourcentage peut associer Mickey Mouse à Disney.

[853]       Les cigarettiers dépensent des milliards de dollars annuellement en publicité. Par exemple, des budgets annuels considérables sont alloués à la commandite de la revue américaine Sports Illustrated lue par cinq millions de lecteurs de moins de 18 ans (chiffres de 1994).[450]

[854]       Un corps important d’études mondiales font un lien entre la publicité et la consommation de cigarettes, notamment chez les jeunes.

[855]       La commandite et toute autre forme de publicité indirecte constituent un débouché naturel des cigarettiers à mesure que la publicité directe est interdite par législation.

[856]       Les statistiques disponibles aux États-Unis montrent que les dépenses des cigarettiers liées à la publicité indirecte sont en constante augmentation de 1980 à 1998.

[857]       Ce type de publicité comprend notamment la commandite d’événements culturels ou sportifs, les échantillons gratuits, les produits dérivés aux couleurs d’une marque de cigarettes, les coupons-rabais et les « Buy one, get one free ».

[858]       La commandite d’événements permet de donner une visibilité de premier plan aux produits des cigarettiers dans les médias et surtout la télévision.

[859]       Par exemple, on a remarqué que lors du Grand Prix automobile Marlboro aux États-Unis en juillet 1989, le nom Marlboro a été vu ou mentionné 5,933 fois pendant une émission de 90 minutes.

[860]       Même chose pour le billard en Grande-Bretagne ou les Grand Prix de Formule 1 en Europe, voire le Festival Juste pour rire à Montréal.

[861]       Ce type de commandite, soutient le témoin, viole l’esprit et la lettre de nombreuses lois restreignant la publicité sur les cigarettes.

[862]       Le témoin fait siennes les conclusions du rapport du Surgeon general américain de 1994 dans son étude « Preventing Tobacco Use Among Young People »[451]

My own conclusions are similar to those of the 1994 Surgeon General’s report and the Food and Drug Administration. The evidence reviewed in this report indicates that tobacco advertising and promotion increase aggregate tobacco consumption, in part through a material effect on smoking by youth. The several lines of evidence that lead to these conclusions include:

A.   Time-series studies from several countries showing a relationship between tobacco consumption and tobacco advertising expenditures at the national level;

B.   Studies showing that tobacco advertising and promotion reach children and adolescents;

C.  Numerous cross-sectional studies showing that smoking status and smoking initiation are correlated with awareness, recognition, and approval of tobacco advertisements and promotions; exposure to tobacco advertisements and promotions; “receptivity” to tobacco advertising and promotion; receipt or ownership of tobacco promotional items; and a feeling that cigarette ads make them want to smoke a cigarette;

D.  Two longitudinal studies showing that approval of cigarette advertising and “receptivity” to tobacco marketing predict the likelihood of taking up smoking or moving through the process of smoking initiation; and

E.   Studies showing relationships between cigarette brand preference among youth and the following variables: a) cigarette advertising expenditures for certain brands, b) the use of youth-oriented imagery in certain advertising (e.g., Joe Camel), and c) the degree to which teenagers “like” different ads.

In addition, promotion, sponsorship, and indirect advertising represent particularly effective means of marketing cigarettes, especially to youth.[452]

 

*     *     *     *     *

 

[863]       Les demanderesses s’opposent à la production de l’expertise du Dr Davis pour deux motifs : d’une part, il ne témoigne pas dans son champ d’expertise et d’autre part, il ne démontre pas l’objectivité nécessaire à un expert.

[864]       Le témoin a été déclaré expert en médecine préventive et santé communautaire. Une grande partie de ses fonctions au cours des ans a été l’éducation populaire de sa clientèle notamment en prévention du tabagisme.

[865]       Son curriculum vitae, son expertise et son témoignage montrent que ce sujet est devenu une passion voire une croisade pour lui. Il est convaincu que le tabagisme est un fléau qui doit être combattu sur tous les fronts.

[866]       Son travail l’a amené à étudier tout ce qui s’écrit sur la publicité du tabac. Il n’est pas un expert en publicité, mais il fait une recension minutieuse d’études qui sont déjà partie du dossier et qui ont été commentées abondamment par les témoins et les procureurs.

[867]       En ce sens, l’expertise est utile au tribunal même si l’expert fait siennes les conclusions du Surgeon general américain.

[868]       Il est évident cependant que lorsque le témoin oppose le « dark side of the room » (les demanderesses) au « bright side » (les défenderesses), il s’éloigne de son rôle d’expert  serein et neutre et y perd en crédibilité.

[869]       Il faut cependant avouer que tous les témoins, de par la nature même du dossier, ont affiché une nette passion pour la thèse qu’ils ont présentée.

[870]       La Cour reçoit l’expertise du Dr Davis, mais les remarques justifiées des demanderesses l’empêcheront d’y accorder autant de crédibilité qu’à d’autres témoignages. La Cour ne retiendra que les commentaires appuyés d’une source scientifique fiable.


Dr Richard Pollay[453]

[871]       Étudiant à l’Université de Chicago de 1962 à 1966, le témoin obtient dans un premier temps un diplôme de maîtrise (MBA) en Management Engineering avec majeure en marketing puis un doctorat (Ph. D.).

[872]       Sa recherche à l’époque portait sur les effets du marketing sur le comportement du consommateur tant du point de vue psychologique, sociologique, qu’anthropo-logique.

[873]       De 1966 à 1970, le Dr Pollay est professeur-assistant à l’Université du Kansas où ses recherches sur le comportement du consommateur toucheront notamment à la dynamique familiale et les effets de la publicité sur l’enfant.

[874]       Ses recherches porteront également sur l’histoire de la publicité et l’histoire de la législation en matière de publicité. Auteur de nombreuses publications, notamment dans le Journal of Marketing Research (JMR).

[875]       De 1970 à ce jour, il est professeur à l’Université de Colombie-Britannique (UBC) où il sera nommé professeur émérite en 2001. Il y enseigne le marketing à tous les niveaux universitaires.

[876]       Ses recherches au cours des ans l’ont amené à étudier l’évolution de la publicité au cours du 20e siècle et à en tracer un historique fortement documenté. Comme la publicité du tabac est un élément fondamental de l’histoire du marketing, il met au point une bibliographie et une documentation complètes de l’évolution de la publicité dans l’industrie du tabac.

[877]       Il a accès à une information abondante sur le sujet et notamment à des archives privées de l’industrie du tabac. Le sujet le passionne et il met au point un système d’archives unique comprenant notamment 10,000 publicités sur le tabac au cours des ans. Sur ce sujet, il est une référence mondiale.

[878]       Bref, le Dr Pollay a recensé tout ce qui s’est dit et écrit sur le tabac au cours du  vingtième siècle.

[879]       Ses recherches vont d’une étude comparative entre la publicité destinée aux noirs et aux blancs en passant par le ciblage en publicité de minorités afro-américaines, hispaniques, celle visant les femmes, d’autres s’attachant à des stéréotypes sexuels et enfin à la publicité visant les jeunes, les sous-cultures, les fumeurs se sentant coupables, ceux qui veulent cesser de fumer, etc.

[880]       Le Dr Pollay a témoigné devant les tribunaux sur le marketing en matière de cigarette de même que devant de nombreux comités gouvernementaux au Canada et aux États-Unis.

[881]       Contre-interrogé sur ses qualifications, le témoin insiste sur le fait qu’il n’est pas un fanatique anti-tabac mais que ses recherches l’ont amené à conclure que les compagnies de tabac tiennent un langage différent de ce qu’ils font et qu’il a décelé un problème sérieux d’éthique dans la mise en marché de leurs produits.

[882]       À titre de professeur d’université, la Cour déclare le témoin expert en marketing.

 

*     *     *     *     *

 

[883]       Fort de ses recherches au cours des ans et de son expérience, le témoin a étudié à la demande du Procureur général du Canada de nombreux documents émanant des cigarettiers et déposés en preuve pour tenter de comprendre les outils promotionnels utilisés par les compagnies de tabac canadiennes, à qui s’adresse la publicité, les mécanismes psychologiques de persuasion utilisés et l’évolution du marketing selon les époques.

[884]       Le Dr Pollay présente son expertise en deux temps : le premier document s’intitule « How cigarette advertising works : rich imagery and poor information » (octobre 2000 - D-57) et le second : « The role of packaging seen through industry documents » (mars 2001 - D-166).

[885]       Témoignant sur la première expertise, le Dr Pollay commente à grands traits les conclusions retrouvées aux pages 45 et 46 de l’étude et ci-après reproduites :

10.1 Promotion, Advertising and Sponsorships are Important.  Cigarette promotional campaigns and their imagery rehearses, shapes and reinforces perceptions of smoking, both in general and for specific brands, biasing judgments about the popularity of smoking, the healthfulness of smoking, the social approval of smoking, and the independence and self-reliance characteristic of those addicted to nicotine.  It is assumed by the industry to influence perceptions and attitudes, not only of smokers and pre-smokers, but also of the parents and peers of the youth target market that is the future of the industry.  Because they promote sales, profit maximizing firms support their products with generous budgets for promotional communications.  Cigarette advertising images are carefully crafted and controlled through research on both the target persons and their reactions to promotional efforts.

10.2 Sponsorship Communications are Promoting Cigarette Brands.  Like the more traditional forms of promotion, those more obviously merchandising products, promotional communications featuring sponsorships are rich in their imagery, providing firms with valuable associations. This is well recognized by Canadian cigarette firms who employ various sponsorships provide various brands with associative imagery such as youthful fun, adventure, daring, fashion, contemporary music, athleticism, self-reliance and heroic independence.

10.3 The Strategic Concern about Quitters.  Cigarettes function in a market contaminated by cancer.  The result is unfavorable publicity from time to time, but also a high degree of anxious concern and psychological conflict among its consumers, many of whom would like to quit.  In any given year, many will make quit attempts, and many stop smoking permanently, if only because many will die.  This high rate of attrition threatens the sales and profit of firms.  Thus, profit seeking firms are actively concerned about pre-quitters and communications to them provide unwarranted psychological reassurances.

10.4 The Strategic Concern about Starters.  Consistent with the addictiveness of nicotine, smokers demonstrate very high degrees of brand loyalty, with only a very small fraction of them seen by the firms as “convertables”, i.e. brand switchers.  In addition to being few in number, brand switchers are demonstrably fickle, and many are motivated by a desire to quit eventually.  Since addiction and brand loyalties are established among the young, this drives the competitive dynamics toward desiring to be successful in marketing to the young, including those who are “starters” or “new smokers”.  In some cases, “starters” and “new smokers” are included among the so-called “switchers”.

10.5 The “Mature Market” Hypothesis is Invalid. The cigarette market in Canada fails all of the diagnostic tests of a “mature market.” No known corporate marketing documents rely on this classification as a determinant of their strategy. Empirical research by a major international ad agency showed the invalidity of the “mature market” concept in the case of the U.S. cigarette market long ago [Dhalla and Yuseph 1976]. Thus it is not surprising that the implication of this classification, that firms need are not concerned with either market attrition (quitting) or uptake (starting), is also inconsistent with the evidence.

10.6 Promotional Imagery Reassures Concerned Smokers.  Associations with athletic events, facilities and related imagery of physical lifestyles (playing tennis, hang gliding, skiing, biking, windsurfing, etc) convey healthfulness.  Other images vividly convey that sophisticated, intelligent people are smokers.  These brand images are inherently false, as it is neither healthful nor "intelligent" to smoke rather than quit.

10.7 Promotional Imagery Recruits Starters.  Associations with sponsored events and related imagery of these serve to shape perceptions of smokers as adventuresome risk takers, independently self-reliant, getting social approval - sometimes precisely because of the risk taking, as in auto racing.   This appeals to adolescents’ pressing psychological need to assert their independence, making cigarettes an easily appropriated and highly lauded and publicized tool for displaying “independence”.  The typical brand image is inherently false and misleading, as smoking does not deliver independence, but addiction.

10.8 Promotion Misleads Consumers about Filters.  As the result of years of advertising on behalf of filtered cigarette products, and the nature of these ads, typical consumers have faith that products sold with terms such as "light", "mild" and "low-tar" are safe, or at least substantially safer, than products without such descriptors, and that products with lower tar and nicotine yield data or claims are safe or safer, everything else being equal.  The typical consumer accepts the provided tar and nicotine data as descriptive of what they actually consume.  The persistent offering of low-tar products as if a meaningful step for them to take toward improving their health prospects, and as an alternative to quitting, has created and persistently reinforced the false impression that these product forms are substantially risk reduced.

10.9 Cigarette Promotion Yields Little or No Public Benefit.  The potential role of promotion and advertising as a source of information, producing a net public benefit by allowing for better informed decision making and a more efficient marketplace, is not now realized in the specific case of tobacco marketing.  Cigarette promotion and advertising create brand images and brand personalities, rather than provide information to enhance consumer knowledge and decision-making.  Indeed, the undermining of the efforts of others to inform and educate the public about cigarettes seems to be the effect of the cigarette advertising.

[886]       Pour le Dr Pollay, publicité et commandite participent de la même réalité. Les cigarettiers visent trois cibles dans leur effort de marketing : les hommes, les femmes et les jeunes.

[887]       Il réfute la théorie du témoin Waterson : même si les ventes de cigarettes sont stables, il faut sans cesse recruter de nouveaux fumeurs. Il est inexact de soutenir que la publicité ne sert pas à recruter de nouveaux fumeurs.

[888]       Les nouveaux fumeurs se recrutent essentiellement chez les 13-16 ans comme l’indiquent toutes les études et particulièrement celles du Surgeon general américain. Plus on commence jeune à fumer, plus longtemps on fume.

[889]       Le fumeur-type est plus pauvre et a une pauvre estime de lui. L’insécurité naturelle et normale de l’adolescent le rend vulnérable à la cigarette.

[890]       Toutes les compagnies de cigarettes connaissent ces faits depuis les années quarante aux États-Unis. De nombreuses études des compagnies de cigarettes le démontrent et ont mené à viser carrément les jeunes comme public cible.

[891]       Certaines campagnes de publicité (Player’s légère, Export ’A’ et Belvédère) s’adressent clairement aux nouveaux fumeurs (starters). De nombreux canaux de commandites et outils de promotion sont faits pour attirer les nouveaux fumeurs.

[892]       Commentant la pièce D-168, le témoin explique son propos quant à l’imagerie véhiculée par la Player’s pour attirer les nouveaux fumeurs : liberté, indépendance, confiance en soi et jeunes hommes pratiquant le camping, l’équitation, le ski et le parapente.

[893]       Le thème de la campagne appuie l’image : « a taste you can call your own ».

[894]       Tout est mis en œuvre pour faire passer le message : appel aux meilleures boîtes de publicité, campagnes de relations publiques raffinées, appel à des personnalités populaires comme le coureur automobile Alexandre Tagliani.

 

*     *     *     *     *

 

[895]       Au fil des ans, l’Export ‘A’ a visé un public d’hommes jeunes, virils, aventuriers avec messages assortis : « un goût pour l’aventure » (a taste for adventure) ou « affirme-toi! » (go your own way). Cette cigarette est aujourd’hui associée aux sports extrêmes.

[896]       Le témoin souligne ce type de publicité rencontré dans deux revues : dans un premier magazine d’avril 1998, on fait référence à une compétition de ski qui se tiendra… en février 1998; dans une autre revue de septembre 2000, on annonce la tenue d’un événement du printemps 2000. Même chose sur le mur d’un dépanneur. L’événement n’a plus d’importance, seule prime la publicité de la marque de cigarettes.

[897]       Le témoin affirme que tous les messages portant sur la liberté, la fête, l’acceptation par les pairs s’adressent avant tout à l’adolescence et à ses besoins. Une étude attentive de la documentation émanant de l’industrie du tabac montre à l’évidence que cette dernière sait très bien ce qu’elle fait et ce qu’elle vise en misant sur l’indépendance, la liberté et l’affranchissement.

[898]       Les jeunes sont l’avenir de l’industrie : il faut remplacer ceux qui arrêtent de fumer ou ceux qui meurent. On tente particulièrement d’influencer leur perception en misant sur la sécurité, le statut social, l’approbation des autres. Tout se fait graduellement, par répétition. On compte aussi, sans jamais le dire, sur la nicotine comme agent de dépendance.

[899]       Quand les compagnies de tabac affirment ne viser que les 19-24 ans dans leur publicité, elles savent que c’est inexact. Toutes les études montrent, et l’industrie le sait comme le disent ses propres documents, que 85% à 90% des nouveaux fumeurs ont entre 14 et 16 ans.

[900]       Ce que la publicité vise, ce sont les 15-19 ans. Aucune compagnie ne peut dire sérieusement que ses messages s’arrêtent aux jeunes de 19 ans. Tous ceux qui se reconnaissent adhèrent au message. Or le message porte sur la jeunesse, le plaisir, le fait d’être cool, l’affranchissement, toutes valeurs propres à l’adolescence.

[901]       L’adolescent adhère à ces messages et évacue toute idée de dépendance : « Je suis capable d’arrêter, je ne fumerai pas toute ma vie… et de toute façon, tout le monde le fait! ».

[902]       Certains messages tablent même sur la rébellion propre aux adolescents : « c’est mauvais pour la santé, ça embête mes parents, raison de plus pour fumer! »

[903]       À l’aide d’études minutieuses et de groupes de discussions constamment renouvelés, les cigarettiers savent exactement où et comment frapper.

[904]       Le succès d’Imperial Tobacco est notamment d’avoir su rallier les jeunes : commandite de course automobile, concerts rock, etc. En ce sens, l’image de Jacques Villeneuve (D-181) utilisée par les cigarettiers est une aubaine en matière de marketing.

[905]       La publicité des compagnies de tabac n’a qu’un but : donner aux gens ce qu’ils veulent.

 

*     *     *     *     *

 

[906]       Une étude par le témoin du groupe cible de la famille Export ‘A’ vise clairement les jeunes, les personnes à faible revenu et les cols bleus. Quand on dit qu’on limite la publicité aux 19-24 ans, c’est pour la Cour. On cherche des jeunes en quête d’identité, on leur crée un message et on les accompagne dans cette démarche quel que soit leur âge.

[907]       Les compagnies ont compris depuis longtemps que les personnes aiment s’identifier à une griffe. Calvin Klein pour les vêtements, Corvette pour l’auto et telle marque de cigarettes pour tel groupe social. C’est ce qu’on appelle un « badge product ».

[908]       Les cigarettiers suggèrent des badges pour leur clientèle : la personne cool et sociable fume Belvédère. Celle qui se préoccupe de sa santé fumera Vantage, Accord ou Médallion. Les femmes qui prennent le temps de s’arrêter et de penser à elles fumeront Matinée, etc. Les messages, soutient le témoin, sont à la fois subtils et grossièrement évidents.

[909]       Les études des compagnies cigarettières montrent que les fumeurs sont loyaux à leur marque d’origine et qu’il est très difficile de les faire changer. Seulement 3% des fumeurs sont susceptibles de changer de marque et parmi eux, les jeunes sont majoritaires (D-179). À 25 ans, tout est joué.

[910]       Les études des cigarettiers montrent que les jeunes de 19-24 ans répondent mieux à la publicité de cigarettes. Il est évident, selon le témoin que ces études incluent les mineurs qui sont trois fois plus influençables sur le choix de leur marque de cigarettes.

[911]       L’expert affirme que toutes les fois où les cigarettiers parlent des 19-24 ans, il faut comprendre les 14-24 ans, voire les plus jeunes encore.

[912]       Citant une publicité carrément axée sur l’adolescence, l’expert réfère à une annonce d’Imperial Tobacco :

« Nobody tells an Export A smoker what to do! »

 

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[913]       Référant à différentes études commandées par les cigarettiers canadiens, le témoin s’attache tout d’abord à une recherche sur ce qui est « moderne » pour le consommateur (D-180, 1990). Des groupes de discussion (focus group) sont formés pour mesurer la perception du public sur ce qui est moderne. L’association modernité/jeune public est évidente.

[914]       Le témoin souligne que des sommes d’argent considérables sont consacrées à ces recherches et à leur suivi. Elles ne le seraient pas si elles n’étaient essentielles aux cigarettiers.

[915]       Pour le témoin, le plan de communication d’Export ‘A’ (D-183) de 1996 vise une clientèle dont la définition est celle de l’adolescence.

[916]       Le projet de recherche sur une nouvelle campagne publicitaire (D-184) de 1996 vise explicitement à déculpabiliser le fumeur (guilt free way).

[917]       Sous D-191, le témoin dépose un tableau qui permet de comprendre la façon de faire des cigarettiers en publicité : les cigarettiers proposent que leurs marques deviennent un badge d’identification. Tout est mis au service de l’image à véhiculer.

[918]       Le message fait appel à tous ceux qui recherchent les valeurs proposées par la publicité. Il est destiné au premier chef aux 15-35 ans, mais on vise la prédisposition psychologique avant tout.

[919]       La répétition engendre la familiarité et l’habitude : fumer fait partie de la vie, d’un style de vie. Le risque est banalisé, tout le monde le fait; fumer est accepté socialement.

[920]       La publicité vise à rendre la cigarette douce, amicale, conviviale. L’expert soumet que les cigarettiers ont compris depuis longtemps que « repetition is the soul of persuasion ».

[921]       Un message d’Export ‘A’ en 1997 (D-192) promet un « bénéfice émotionnel » au fumeur c’est-à-dire, fumez une Export ‘A’ et vous aurez confiance en vous, vous avez une personnalité bien à vous, vous êtes quelqu’un.

[922]       Un fumeur d’Export ‘A’, c’est ça!

[923]       Le témoin insiste pour réaffirmer que la commandite donne le même résultat que la  publicité traditionnelle puisqu’elle vise les mêmes fins. Le plan stratégique 1994-95 de RBH l’affirme carrément (D-195).

[924]       Par exemple, si un cigarettier commandite un Grand Prix de Formule 1, on verra à ce que les caméras balaient régulièrement le logo de la compagnie. On s’assure ainsi d’une publicité ininterrompue de deux heures.

 

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[925]       L’étude du phénomène de la publicité récente de l’industrie du tabac amène l’expert à soutenir que le but des cigarettiers en marketing est de :

a)     rejoindre les jeunes

b)     rassurer les fumeurs

c)      rejoindre les femmes

[926]       L’apparition des Vantage, Médallion et Accord avait clairement pour but de rassurer les fumeurs sur d’éventuels problèmes de santé.

[927]       La publicité sur les cigarettes légères vise à diminuer la culpabilité des fumeurs et diminuer l’anxiété face aux dangers des problèmes de santé liés au tabagisme.

[928]       L’industrie du tabac sait tout des préoccupations des fumeurs au moyen de recherches poussées, précises et constamment mises à jour.

[929]       Un document de recherche de RBH de 1991 (D-201) montre que la première expérience de fumer est très négative et se situe entre 10 et 15 ans.

[930]       Une étude de RJR MacDonald de 1990 (D-202) auprès de 1,500 personnes montre qu’un tiers des fumeurs regrettent de fumer. Aujourd’hui, selon le témoin, 80% des fumeurs le regretteraient. Cette étude montre que le « gros » fumeur type est un homme, peu instruit et économiquement défavorisé.

[931]       Toutes ces études, et l’industrie l’admet, servent à connaître le consommateur et lui donner ce qu’il veut. Or, la cigarette est le seul bien de consommation qui ne procure aucun avantage.

[932]       La publicité des cigarettiers sert donc à procurer au fumeur une image de fausse sécurité et à le déculpabiliser.

 

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[933]       Une étude sur l’historique de la marque Belvédère 1957-1996 (D-209), commandée par son fabricant, précise en première page :

Belvedere has a legacy. It is one that has been communicated through extensive product and lifestyle advertising.

[934]       Le témoin affirme qu’il est clair pour l’industrie ce que signifie la publicité « style de vie ». Belvédère veut être associée à un groupe de jeunes sur la plage autour d’un feu de camp, ce qui est une publicité « style de vie ».

[935]       Le témoin admet qu’il peut être difficile de déterminer ce qui est une publicité « style de vie » et ce qui ne l’est pas. Cette difficulté est tout à fait normale puisque la définition d’une telle expression doit recourir à l’exemple.

[936]       Mais la publicité elle-même est raffinée et continuellement mise à jour. Chaque cas devra être étudié à son mérite.

[937]       Le témoin rappelle qu’historiquement, l’industrie du tabac a su et saura profiter de chaque faille d’une loi pour la contourner et assurer sa part de marché.

 

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[938]       Le projet Linebacker commandé par RBH (D-213) montre que la perception des consommateurs est que la cigarette légère est meilleure pour la santé. L’industrie n’hésite pas et donne au fumeur ce qu’il veut : on crée des cigarettes « ultra légères », « de luxe ultra-légères » et « ultimate light ».

[939]       Jamais la publicité n’affirme que la cigarette légère est meilleure pour la santé. On le laisse simplement supposer. Les groupes de discussion montrent que le fumeur est convaincu que les cigarettes légères sont meilleures pour la santé, que le fumeur intelligent fume une légère, que celui qui veut arrêter de fumer pourra se rabattre sur une légère, que la fumeuse enceinte devrait fumer une légère.

[940]       Les cigarettiers, dans leur effort pour créer un produit-badge associent une marque de cigarettes à une façon d’être.

[941]       Ainsi, la Matinée sera la cigarette de la femme qui prend le temps de penser à elle, qui relaxe. La publicité montre donc un bain de mousse ou une femme assise dans un jardin. La commandite Matinée associera la marque à des événements pour les femmes.[454] Les études montrent que les hommes ne fument pas la Matinée.

[942]       Du Maurier est associée à la classe, au statut social, au style de vie sophistiqué. (D-168) La publicité montre en conséquence des personnes au chalet de ski, sur un bateau luxueux, conduisant une Alfa Romeo, dans un appartement branché.

[943]       Jamais personne ne fume dans ces publicités.

[944]       Selon le témoin, Imperial Tobacco a gagné la meilleure part du marché parce que son message est le plus adéquat, sa recherche en marketing très forte, très profonde et très disciplinée à tous les stades de la mise en marché.

[945]       Chaque message en appuie un autre. Ils prennent des décisions, généralement les bonnes, et s’y tiennent. Ils concentrent leur budget de publicité sur trois marques dominantes. L’effet d’entraînement a fait le reste. Tout le monde fume leurs cigarettes, ce qui incite les nouveaux fumeurs à suivre le groupe.

[946]       Le témoin affirme que la cigarette elle-même n’a aucune importance : ITL a la meilleure publicité et c’est ce qui compte. De nombreux tests à l’aveugle ont montré que les fumeurs sont incapables d’identifier une marque de cigarettes par rapport à une autre.

[947]       On présume souvent que les fumeurs sont hautement informés sur la cigarette. Rien n’est plus faux soutient M. Pollay et particulièrement chez les jeunes.

 

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[948]       Quant à la seconde expertise (D-166) portant sur le rôle du paquet de cigarettes ou de l’emballage présenté au public, elle est préparée à partir des documents fournis par l’industrie du tabac et déposés en preuve.

[949]       On y retrouve les conclusions à la page 29 qui se lisent comme suit :

12.1    Packaging and its design, is an integral part of the promotional communications mix of a firm.

12.2    Package designs are subject to extensive research efforts and investments of time, talent and money. 

12.3    Package designs are frequently revisited and revised.

12.4    Concerns when designing packaging include the functional (e.g. product protection, pack durability), the merchandising (e.g. retail display impact), product imagery (e.g. mildness) and user imagery (e.g. masculine).

12.5    The criteria for evaluating new package designs focus on the product and user imagery, and to a lesser extent the merchandising aspects and, to an even lesser extent, the pragmatic functional aspects.

12.6    Cigarettes are a "badge product", with the package graphics and branding constituting the visible "badge". In the purchase, possession and use of a brand, the consumer acquires both the physical product and these associated meanings. The nature of the specific badge determines how consumers perceive themselves as users, how they perceive the product experience, how others perceive them as users, and how they assume that others will perceive them.

12.7    Some brands have packaging designed to make them seem “youthful, modern, cool”.

12.8    Some brands have packaging designed to give them the “status redeeming” qualities of “style, sophistication, class”.  When successful, this can trigger perceptions of “How bad can it be?” 

12.9    Packaging is, therefore, employed as a tool to realize the strategic goals of appealing to new smokers and reassuring and retaining existing smokers goals manifest in non-packaging documents.

12.10  Consumers judge product strength, mildness and associated risks based on the colour tones employed in packaging. This perceptual patterning bears an imperfect relation to actual product ratings.  At the extreme, use of the colour white implies risk reduction and healthfulness. 

12.11  Research guides package design down to fine details (e.g. the uses of fine lines, background tints, the weight of a trademark cat).

12.12  Research is careful to avoid package designs with even remote associations that might remind some consumers of health risks, illness or death. For example, a “starburst” design was revised to avoid “religious overtones” that might have associations with heaven and hence death.

12.13  Warnings constitute a “major challenge” to the industry. 

12.14  The essentials of pack design for trademark recognition and retail transaction convenience are the “signature elements”.  For examples, for Rothmans this is given as the crest and scripted name. For Players : “Hero, Blue Player’s Chevron”. For Matinee: “scripted Matinee, Pegasus, Alan Ramsey & Co. Ltd, bright and feminine look.”

 

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[950]       Le professeur Pollay présente cette seconde expertise comme un complément à son premier document. Il s’explique en page 2 :

Scope of Report. This report supplements an earlier report, “How Cigarette advertising Works: Rich Imagery and Poor Information,” which addressed the various promotional tactics employed by the cigarette industry and the psychological mechanisms of persuasion and attitude change that the industry consequently relies upon. That report identified a basic dilemma faced by the cigarette firms: how to market a product that was ideally to seem less harmful to health without provoking consumers’ anxieties about health. This drove them to “image” based strategies as these avoid making consumers more informed about the product, its constituents and/or the consequences of its use, as additional information that is honest, factual and fully disclosing almost inevitably discourages consumption. Smokers experience a related dilemma in that some realize that additional information, particularly about the health consequences of consumption, may aggravate rather than reduce their conflicted feelings about smoking.

In this present report, supplemental documents produced by the industry are reviewed to generate an understanding of the role of package design as an element in the marketing mix, particularly in realizing the pressing strategic needs of the firms identified in the earlier report as reassuring existing concerned smokers and recruiting “new smokers”. In addition, evidence is presented showing how the image/information dilemma faced by the firms, and the conflicted feelings of smokers, influence packaging decisions. Beyond some introductory material, none of this report repeats the earlier report as all citations herein are from documents from a supplemental document production, and were not cited in the first report.

[951]       L’emballage et la présentation du paquet de cigarettes jouent un rôle complémentaire essentiel à la publicité et la commandite. C’est le badge[455] qui identifie le fumeur à sa cigarette et la cigarette qui révèle qui est son fumeur.

[952]       C’est un outil de communication des cigarettiers et l’étape finale de tout le programme de mise en marché.

[953]       La facture du paquet de cigarettes est constamment mise à jour. Ainsi, le paquet d’Export ‘A’ a été modifié en 1991, 1996 et 2000.

[954]       Les cigarettiers commandent régulièrement des études d’impact de la présentation de leur paquet et ajustent le tir tenant compte notamment des commentaires des fumeurs.

[955]       Tout est étudié pour en arriver à une présentation idéale : la couleur, le dessin, le texte et sa présentation sont mis au service d’une idée et d’une image à transmettre au public fumeur ou potentiellement fumeur.

[956]       Ainsi, la recherche visant à la mise à jour du paquet d’Export ‘A’ en 1996 visait les buts suivants[456] :

·        modernité tout en maintenant la tradition Export ‘A’;

·        renforcer l’image de la marque : confiance en soi et individualité;

·        diminuer les concepts vieux, seul et masculin;

·        rivaliser avec la Player’s;

·        augmenter l’impact des présentoirs en magasin.

 

*     *     *     *     *

 

[957]       Traitant du paquet de cigarettes comme d’un badge, le designer John Digianni disait :

A cigarette package is unique because the consumer carries it around with him all day. … It’s part of a smoker’s clothing, and when he saunters into a bar and plunks it down, he makes a statement about himself.[457]

[958]       Des magazines de l’industrie du tabac reprenaient l’idée:

Cigarette pack… will have to work harder than ever, not only at the point of sale to provide increased « stand out », but also whilst in use to communicate the values of the brand to the consumer - to reassure and build loyalty. This is particularly so because of the role of cigarettes as “badge products” with which the consumer identifies personally and which he uses to communicate his own identity to others.[458]

[959]       Le témoin souligne que ces badges sont particulièrement importants pour les jeunes.

[960]       Une étude montre que les fumeuses admettent que le design d’un paquet de cigarettes a une influence sur les cigarettes qu’elles essaieront.[459]

[961]       Les études des cigarettiers décrites dans l’expertise du Dr Pollay aux pages 14 et suivantes décrivent les buts recherchés en confectionnant le paquet de cigarettes et l’effet obtenu auprès des consommateurs. Chaque paquet de cigarettes a sa personnalité propre :

a)     Player’s : autonomie, liberté, indépendance;

b)     Export ‘A’ : indépendance, confiance en soi, jeunesse;

c)      Belvédère : jeune, amical, cool;

d)     Matinée : féminin, moderne, contemporain, jeune;

e)     Rothmans : jeune, vivant, racé

f)        Winfield : masculin, mature, plein air.

 

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[962]       Le paquet de cigarettes doit être un antidote à la culpabilité du fumeur. Tout est mis en œuvre pour faire oublier le côté nocif du tabagisme. Deux recherches des cigarettiers sur l’Export ‘A’ soulignent :

“Feelings of social rejection prompted some smokers to suggest that the ideal cigarette design would make a contribution to alleviating their feeling of guilt.” (Explorations of Various Design Parameters re: Export ‘A’ Pack Re-design, Qualitative Science, June 1991, p5.) [JTI-1677]

“Suggested solutions varied from innocuous designs, to light and healthy designs, to designs which would contribute prestige to smoking… You’d think; ‘How bad could it be in a nice pack like that?’ Somehow it doesn’t seem so harmful.” (Explorations of Various Design Parameters re: Export ‘A’ Pack Re-design, Qualitative Science, June 1991, p13.) [JTI-1677] (emphasis added)[460]

[963]       Les études démontrent également que les fumeuses sont particulièrement sensibles aux avertissements imposés sur les paquets de cigarettes. Les femmes ont un sens plus élevé de culpabilité en fumant, particulièrement celles qui sont enceintes ou les mères de jeunes enfants.

« Many women influenced by smoker’s guilt prefer a more attractive package than a less visible (i.e. discreet) ne. The latter implies a secretive and hypocritical attitude… they desire a package which could enhance their image as a smoker, not one that pretends their habit doesn’t exist… Oona women dislike gaudy or aggressive designs but appreciate simple elegance. They define their ideal package as elegant, feminine, attractive, chic, classic and classy.” (Oona II: A Qualitative Study, Nov 1994, p3) [RBH:TA-4158].

“Most targets of anti-smoking pressure (whether angry or embarrassed) desire a more socially acceptable product and image… and, above all, they describe that desired ‘image’ as classier. … The negative feeling were described as… ‘guilty, conspicuous, humiliated, second-class, feeling like a leper, like an outcast’. Direct antidotes, therefore, would be Oona propositions designed to make the smoker feel ‘carefree, discreet, confident, first-class, feeling healthy, feeling sociable’.” (Project Oona IV: Qualitative Research, July 1995, Johnston & Associates, p6) [RBH:TA-4182].[461]

[964]       Les études montrent également que les jeunes fumeurs (19-24 ans) n’apprécient pas particulièrement les avertissements imposés sur les paquets de cigarettes et souhaitent plutôt un paquet plus attirant.

[965]       Le témoin soutient que les cigarettiers attachent une grande importance aux couleurs choisies pour les paquets de cigarettes et évitent toute allusion à la mort ou à toute circonstance désagréable.

 

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[966]       Les cigarettiers considèrent les avertissements imposés par le gouvernement comme un défi majeur à leur effort de mise en marché.

[967]       Les premiers messages gouvernementaux composés de phrases comme « Avis : Le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social considère que le danger pour la santé croît avec l’usage » ont rapidement été ignorés des fumeurs qui, pour la majorité, ne les remarquaient plus.

[968]       Les derniers messages accompagnés de photos (voir annexe 5) ont eu un impact majeur sur les consommateurs comme le montre une étude de RBH de juin 2000 :

”Very disgusting; I don’t believe smoking causes this; not very pleasant to look at; this must be stopped” “I find these labels offensive.” “Gut-wrenching’ makes you think about what you’re doing to your body’ I don’t like looking at the picture.” “That would be shitty. I already know how bad it is and I don’t want to be reminded every time I have a smoke.” “Very repulsive’ harsh advertisement; powerful but disgusting’ it would definitely make people think twice about starting or continuing to smoke.” (Project Jagger, June 23, 2000, np.)[462]

[969]       L’industrie cigarettière cherche par tous les moyens à contrer ces avertissements et à les occulter et de façon générale à soustraire les consommateurs à leur vue.

[970]       Ces avis, selon l’expert, font l’objet d’une guerre gouvernement/industrie. Le nouveau paquet de cigarettes imposé par le gouvernement contient beaucoup plus d’information et contrecarre le plan de marketing de l’industrie visant à faire passer la cigarette pour inoffensive. “It’s killing the romance” conclut M. Pollay.

[971]       Comme à l’usage, on s’habitue à tout, le Dr Pollay trouve excellent qu’il y ait 16 messages différents. L’industrie admet, malgré ce qu’en dit M. Ricard, que le marketing des cigarettiers vise ceux qui changent de marque de cigarettes (switchers) mais aussi et surtout les nouveaux fumeurs et essentiellement les jeunes.

[972]       Les avertissements gouvernementaux sont adressés à tous les consommateurs actuels et éventuels.

 

*     *     *     *     *

 

[973]       Étudiant les documents d’Imperial Tobacco sur l’arrivée sur le marché de la Player’     s Première qui promet de réduire l’irritation causée par le tabagisme, le témoin retrouve des documents de la compagnie qui, trois ans après le lancement, essaie de “find a recipe blend that would increase the amount of taste without increasing irritation”.

[974]       Le témoin soutient que la création de la Player’s Première n’est qu’un concept publicitaire et qu’aucun test scientifique n’a pu démontrer une diminution de l’irritation de la gorge chez les fumeurs.

[975]       Cette cigarette annonce un filtre unique. Le témoin affirme que le filtre existait depuis des années et qu’il n’a rien d’unique. Même chose pour les filtres au charbon dont l’industrie est incapable de dire en quoi ils sont plus efficaces.

[976]       Des tests à l’aveugle menés par l’industrie montrent que 10% des consommateurs (ne sachant pas ce qu’ils fument) trouveront la Première moins irritante et 29% la trouveront plus irritante.

[977]       D’autres tests chez des consommateurs à qui on fait essayer les Première (et qui savent ce qu’ils fument) la trouveront moins irritante à 40%. Simple affaire de mise en marché affirme le témoin.

[978]       Bref, la Première est lancée sans étude, sans présenter un nouveau produit, mais avec tout un arsenal publicitaire.

 

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[979]       La Cour accorde une grande crédibilité au témoin Pollay. Sa connaissance du marketing des produits du tabac est encyclopédique et aide la Cour à percevoir l’historique de la publicité du tabac, des recherches entreprises au cours des ans et les connaissances acquises par les cigarettiers.

[980]       Il est évident que les travaux du professeur l’ont amené à accorder une faible crédibilité aux propos et publicité des cigarettiers avec le temps. Mais les faits mis en preuve par le témoin et analysés dans ses expertises aident le tribunal à réfléchir sur l’ensemble de la question.


APPENDIX 2
sections of the T.P.C.A.

 

Loi interdisant la publicité en faveur des produits du tabac, réglementant leur étiquetage et prévoyant certaines mesures de contrôle :

 

                          3.  La présente loi a pour objet de s'attaquer, sur le plan législatif, à un problème qui, dans le domaine de la santé publique, est grave, urgent et d'envergure nationale et, plus particulièrement:

 

                          a)  de protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens compte tenu des preuves établissant de façon indiscutable un lien entre l'usage du tabac et de nombreuses maladies débilitantes ou mortelles;

 

                          b)  de préserver notamment les jeunes, autant que faire se peut dans une société libre et démocratique, des incitations à la consommation du tabac et du tabagisme qui peut en résulter;

 

                          c)  de mieux sensibiliser les Canadiennes et les Canadiens aux méfaits du tabac par la diffusion efficace de l'information utile aux consommateurs de celui‑ci.

 

                          4.  (1)  La publicité en faveur des produits du tabac mis en vente au Canada est interdite.

 

                          (2)  Il est interdit, à titre onéreux et pour le compte d'une autre personne, de diffuser, notamment par la presse ou la radio‑télévision, la publicité en faveur d'un produit du tabac mis en vente au Canada.

 

                          (3)  Il est entendu que le paragraphe (2) ne s'applique pas à la distribution en vue de la vente de publications importées au Canada ou à la retransmission d'émissions de radio ou de télévision de l'étranger.

 

                          (4)  Il est interdit à toute personne se trouvant au Canada de faire de la publicité en faveur d'un produit du tabac dans une publication étrangère ou une émission radiodiffusée de l'étranger dans le but, principalement, de promouvoir la vente d'un produit du tabac au Canada.

 

                          (5)  Malgré les paragraphes (1) et (2) le fabricant ou l'importateur d'un produit du tabac peut, jusqu'au 1er janvier 1991, exclusivement, faire de la publicité en faveur du produit par des affiches à condition que:

 

                          a)  le montant qu'il dépense pour la préparation, en 1989, de la publicité relative à ces affiches et pour la présentation de ces affiches au public au cours de la même année ne dépasse pas les deux tiers des dépenses engagées pour la préparation et la présentation d'affiches au cours de son dernier exercice clos avant le 1er janvier 1988;

 

                          b)  le montant qu'il dépense pour la préparation et la présentation d'affiches en 1990 ne dépasse pas le tiers des dépenses engagées au cours de l'exercice visé à l'alinéa a);

 

                          c)  les affiches installées après l'entrée en vigueur de la présente loi comportent une mise en garde réglementaire.

 

                   Les montants et dépenses visés au présent paragraphe se calculent conformément aux règlements.

 

                          (6)  Pour l'application du paragraphe (5), «affiche» ne vise pas:

 

                          a)  les supports publicitaires se trouvant à l'intérieur ou aux abords de l'établissement d'un détaillant;

 

                          b)  les mentions visées aux alinéas 6(1)a) ou b).

 

                          5.  (1)  Malgré l'article 4, le détaillant peut:

 

                          a)  exposer des produits du tabac pour la vente dans son établissement;

 

                          b)  signaler dans ce lieu, par des affiches réglementaires quant à leur forme, leur teneur et leur quantité, les produits du tabac qui y sont vendus ainsi que leur prix, sans toutefois, mentionner leur nom ou leur marque;

 

                          c)  faire usage, ailleurs qu'à la radio‑télévision, de sa dénomination ou de sa raison sociale à des fins publicitaires ‑‑ même quand l'un de ses éléments indique qu'il vend des produits du tabac ‑‑ sans toutefois y associer un produit du tabac;

 

                          d)  jusqu'au 1er janvier 1993, exclusivement, conserver, à l'intérieur ou aux abords de son établissement, les supports publicitaires ‑‑ ou parties de ceux‑ci:

 

                               (i)  soit dont il avait déjà fait usage avant le 25 janvier 1988,

 

                               (ii)  soit dont il est tenu de faire usage conformément aux stipulations d'un contrat conclu avant le 25 janvier 1988, à l'exclusion de toute stipulation autorisant le renouvellement ou la prorogation du contrat après cette date.

 

                          (2)  Malgré l'article 4, l'exploitant d'un distributeur automatique de produits du tabac peut les représenter ou les nommer et en indiquer les prix sur celui‑ci selon les modalités réglementaires.

 

                          6.  (1)  Sous réserve du paragraphe (2), il est possible, malgré l'article 4 et le paragraphe 8(1), d'utiliser le nom intégral du fabricant ou de l'importateur d'un produit du tabac et, dans les cas où l'exige un contrat conclu avant le 25 janvier 1988, le nom du produit, sans toutefois y associer un produit du tabac, dans toute mention au public:

 

                          a)  qui vise à promouvoir une activité ou une manifestation culturelles ou sportives;

 

                          b)  qui fait état des concours financiers ou autres apportés par le fabricant ou l'importateur à la réalisation de cette activité ou manifestation.

 

                          (2)  La valeur, calculée conformément aux règlements, des concours financiers ou autres apportés par le fabricant ou l'importateur de produits du tabac à la réalisation d'activités ou manifestations culturelles ou sportives dans le cadre desquelles est mentionné le nom des produits ne peut dépasser, pour une année civile donnée, la valeur, ainsi calculée, des concours qu'il a apportés en 1987 à la réalisation de telles activités ou manifestations.

 

                          7.  (1)  Il est interdit aux négociants de distribuer des produits du tabac à titre gratuit ou d'en fournir à cette fin.

 

                          (2)  Il est interdit d'offrir un cadeau ou une remise, ou la possibilité de participer à un concours, une loterie ou un jeu, en contrepartie de l'achat d'un produit du tabac ou de la production d'une preuve d'achat de celui‑ci.

 

                          8.  (1)  Il est interdit aux fabricants et aux importateurs de produits du tabac:

 

                          a)  d'apposer des marques qu'ils sont habilités à utiliser à l'égard de ces produits sur des articles, autres que les produits du tabac et les emballages servant à vendre ou expédier ceux‑ci, sous une forme reprenant celle qui figure sur les emballages de ces produits alors vendus au Canada;

 

                          b)  de faire usage de ces marques et sous cette forme dans toute publicité en faveur d'autres articles que les produits du tabac ou de services, manifestations ou activités.

 

                   La présente interdiction s'applique même si les fabricants ou les importateurs sont par ailleurs habilités à utiliser ces marques à l'égard de ces autres articles ou de ces services, manifestations ou activités et vise également quiconque agit avec le consentement, exprès ou tacite, de ces fabricants ou ces importateurs.

 

                          (2)  Il est interdit de distribuer, de vendre, de mettre en vente ou d'exposer en vue de la vente des articles, autres que les produits du tabac et les emballages servant à vendre ou expédier ceux‑ci, s'ils portent la marque d'un produit du tabac sous une forme reprenant celle qui figure sur les emballages de ce produit vendus au Canada.

 

                          (3)  Les paragraphes (1) et (2) ne s'appliquent pas si, en 1986 et au Canada, la valeur estimative, calculée conformément aux règlements, des ventes au détail d'articles autres que les produits du tabac portant la marque en question était supérieure au quart de celle, ainsi calculée, des produits du tabac portant également cette marque.

 

                          (4)  Le paragraphe (2) ne s'applique pas à la vente ou à la distribution, avant le 1er janvier 1993, d'articles fabriqués avant le 30 avril 1987 ou commandés à leur fabricant ou fournisseur avant cette date, sauf s'il s'agit d'une commande permanente qui doit être confirmée ou peut prendre fin après cette date.

 

                          9.  (1)  Il est interdit aux négociants de vendre ou mettre en vente un produit du tabac qui ne comporte pas, sur ou dans l'emballage respectivement, les éléments suivants:

 

                          a)  les messages soulignant, conformément aux règlements, les effets du produit sur la santé, ainsi que la liste et la quantité des substances toxiques, que celui‑ci contient et, le cas échéant, qui sont dégagées par sa combustion;

 

                          b)  s'il y a lieu, le prospectus réglementaire contenant l'information sur les effets du produit sur la santé.

 

                          (2)  Les seules autres mentions que peut comporter l'emballage d'un produit du tabac sont la désignation, le nom et toute marque de celui‑ci, ainsi que les indications exigées par la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation et le timbre et les renseignements prévus aux articles 203 et 204 de la Loi sur l'accise.

 

                          (3)  Le présent article n'a pas pour effet de libérer le négociant de toute obligation qu'il aurait, aux termes d'une loi fédérale ou provinciale ou en common law, d'avertir les acheteurs de produits du tabac des effets de ceux‑ci sur la santé.



JD 1648

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-05-031299-975
500-05-031306-978
500-05-031332-974

 

 

 

DATE :

2 mai 2002

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ANDRÉ DENIS, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

500-05-031299-975

 

J.T.I. MACDONALD CORPORATION

demanderesse

c.

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

défenderesse

et

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER

intervenante

 

500-05-031306-978

 

ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

demanderesse

c.

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

défenderesse

et

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER

intervenante

 

500-05-031332-974

 

IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITED

demanderesse

c.

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

défenderesse

et

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER

intervenante

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[981]       Les demanderesses contestent la validité de nombreuses dispositions de la Loi sur le tabac[463] qui porteraient atteinte notamment à la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés.[464]

[982]       Le Procureur général présente une défense fondée sur l’article premier de la Charte.

[983]       La Société canadienne du cancer a été autorisée à intervenir au dossier par un jugement du 28 août 1997 de cette Cour (juge Danielle Grenier).

[984]       L’audition commencée en janvier 2002 et prévue pour une année, a progressé plus rapidement que prévu à telle enseigne qu’il ne reste qu’un témoin à faire entendre le 3 mai prochain.

[985]       Le Procureur général a déposé, pour compléter sa preuve à titre de preuve extrinsèque, 211 documents (documents 1 à 211) et l’intervenante, 62 documents (documents 212 à 274).

[986]       Les demanderesses acceptent la production d’une partie des documents et s’opposent à une autre.

 

Le droit

 

Quelques définitions

EXTRINSÈQUE : lat. extrinsecus, en dehors. Qui est extérieur à l’objet dont il s’agit, n’appartient pas à son essence. Étranger, extérieur.[465]

EXTRINSIC EVIDENCE: 1. Evidence relating to a contract but not appearing on the face of the contract because it comes from other sources, such as statements between the parties or the circumstances surrounding the agreement. Extrinsic evidence is usu. not admissible to contradict or add to the terms of an unambiguous document. - Also termed extraneous evidence; parol evidence; evidence aliunde. 2. Evidence that is not legitimately before the court. Cf. intrinsic evidence.

INTRINSIC EVIDENCE. 1. Evidence brought out by the examination of the witness testifying. 2. Evidence existing within a writing. cf. extrinsic evidence.[466]

La jurisprudence

[987]       La preuve devant les tribunaux se fait en général au moyen de témoins assermentés ou par la connaissance d’office du tribunal.

[988]       La première est bien connue et ne pose pas de difficulté en l’instance. De nombreux témoins ont été entendus et contre-interrogés par la partie adverse.

[989]       L’autre façon de faire est plus complexe : la connaissance d’office du tribunal.

La connaissance d'office dispense de la nécessité de prouver des faits qui ne prêtent clairement pas à controverse ou qui sont à l'abri de toute contestation de la part de personnes raisonnables. Les faits admis d'office ne sont pas prouvés par voie de témoignage sous serment. Ils ne sont pas non plus vérifiés par contre-interrogatoire. Par conséquent, le seuil d'application de la connaissance d'office est strict. Un tribunal peut à juste titre prendre connaissance d'office de deux types de faits : (1) les faits qui sont notoires ou généralement admis au point de ne pas être l'objet de débats entre des personnes raisonnables; (2)  ceux dont l'existence peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles dont l'exactitude est incontestable.[467]

[990]       Ces règles sont relativement simples à appliquer pour l’ensemble des litiges présentés aux tribunaux. Les litiges constitutionnels, comme en l’instance, ajoutent une difficulté à l’examen de ce genre de preuve.

[991]       Les tribunaux ont eu à établir une distinction entre les faits adjudicatifs ou législatifs.

The adjudicative facts are those to which the law is applied in the process of adjudication.  They are the facts that normally go to the jury in a jury case.  They relate to the parties, their activities, their properties, their businesses.  Legislative facts are the facts which help the tribunal determine the content of law and of policy and help the tribunal to exercise its judgement or discretion in determining what course of action to take.[468]

[992]       Les faits adjudicatifs sont présentés par témoins et appréciés par la Cour au regard de la règle de droit.

[993]       En matière constitutionnelle, et particulièrement depuis l’avènement de la Charte, où les juges sont appelés à remettre en question les mesures législatives, le tribunal hérite d’un pouvoir créateur de règles juridiques.[469]

[994]       Ce faisant, le tribunal examine les faits législatifs et doit prendre en considération le contexte social, économique, politique et historique dans lequel la mesure législative a été adoptée.

[995]       Les règles de preuve des faits législatifs sont forcément plus subtiles à circonscrire que celles plus aisément codifiées des faits adjudicatifs. L’affirmation est évidente lorsque la preuve fait appel à des réalités relevant des sciences sociales qui, de par leur nature, font rarement l’unanimité.

[996]       La preuve de faits législatifs est fréquemment soulevée dans des litiges de droit constitutionnel, mais n’y est pas exclusive.

[997]       Il est clair que la jurisprudence canadienne a connu une importante évolution en matière de preuve extrinsèque au fil des ans.

[998]       Dans l’affaire Procureur général du Manitoba c. Manitoba Egg and Poultry Assn., dans laquelle la Cour étudie la validité d’une législation provinciale visant à contrôler le commerce et l’importation des oeufs du Manitoba, le juge Laskin s’étonne de la preuve anémique :

En fait, je ne sais rien de la nature du marché des oeufs à l'intérieur ou à l'extérieur du Manitoba, rien de la production des oeufs dans cette province, rien des utilisations de la production, rien du nombre des producteurs au Manitoba, rien des problèmes que l'entrée d'oeufs de l'extérieur de la province auraient pu causer quant à la qualité, aux prix ou autrement.

[...]

Il serait utile, pour déterminer l'application du plan législatif, d'avoir une certaine connaissance du marché au Manitoba, de la mesure où il est alimenté par les producteurs du Manitoba et de la concurrence qui se fait entre eux et qui se reflète dans l'approvisionnement, la qualité et les prix.[470]

[999]       Et le juge Laskin rend sa décision « En l’absence de ce que je considère comme des données pertinentes[...] »

[1000]   Ainsi, les années suivantes voient la mise en preuve en première instance, mais plus souvent en appel, de statistiques, études gouvernementales, études liées aux sciences sociales, tant d’origine canadienne qu’étrangère.

[1001]   L’ensemble de ces informations est connu sous le nom de preuve extrinsèque auxquelles certains juges réfèrent même d’office.

[1002]   L’admissibilité de la preuve extrinsèque visant à établir les faits législatifs dans une affaire constitutionnelle est étudiée une première fois par la Cour suprême dans le renvoi relatif à la Loi anti-inflation où la question est de savoir si un haut taux d’inflation est un état d’urgence qui permet au Parlement fédéral d’invoquer son pouvoir de « paix, ordre et bon gouvernement ».

[1003]   La Cour reçoit et tient compte d’un rapport rédigé par un économiste annexé au mémoire d’un intervenant. Le juge en chef Laskin :

J'en viens maintenant au troisième des quatre points susmentionnés, savoir, la pertinence et le poids de la preuve extrinsèque ainsi que l'importance de la connaissance d'office. Lorsque, comme en l'espèce, des circonstances exceptionnelles sont à la base du pouvoir législatif en litige, on peut demander à la Cour d'examiner des éléments de preuve extrinsèque des circonstances alléguées, soit à l'appui soit à l'encontre de la validité de la législation contestée. En examinant ces éléments de preuve et en appréciant leur poids, la Cour ne se demande pas s'ils démontrent l'existence des circonstances exceptionnelles comme on prouve un fait dans une cause ordinaire. Elle est appelée à se prononcer sur une question de politique sociale et économique, c'est-à-dire sur le jugement exercé par le gouvernement et le Parlement. Il est possible que les circonstances exceptionnelles soient d'une telle notoriété que la Cour puisse en prendre connaissance d'office sans recourir à des éléments de preuve extrinsèque. Lorsque la situation n'est pas aussi claire, les éléments de preuve extrinsèque ne sont requis que pour convaincre la Cour que la loi contestée a un fondement rationnel dans le pouvoir législatif invoqué à l'appui de sa validité.[471]

[1004]   Le juge Laskin ajoute au paragraphe suivant :

Cette Cour a devant elle des publications de Statistique Canada, sur lesquelles elle est justifiée de se fonder.

[1005]   Dans le renvoi relatif à la Loi de 1979 sur la location résidentielle de l’Ontario où il est question de la validité d’une loi provinciale qui permet à un organisme administratif de gérer les relations locateur/locataire, le juge Dickson souligne :

Avant l'audition en Cour d'appel de l'Ontario, le procureur général de l'Ontario a produit à la cour le rapport de 1968 de la Commission de réforme du droit de l'Ontario intitulé « Interim Report on Landlord and Tenant Law Applicable to Residential Tenancies », le rapport de 1972 de la Commission sur la Partie IV de The Landlord and Tenant Act, le rapport de 1976 de la Commission intitulé « Report on Landlord and Tenant Law » ainsi qu'un livre vert intitulé « Policy Options for Continuing Tenant Protection » que le Ministry of Consumer and Commercial Relations a publié en 1978. Devant la Cour d'appel, on a soulevé la question de savoir si ces documents avaient été validement produits et dans quelle mesure ils l'avaient été. Il y a bien eu un certain débat sur ce point, mais on n'a pas insisté au point que la Cour d'appel estime nécessaire de se prononcer sur la question. La cour a consenti à admettre ces documents s'ils pouvaient servir à titre de documentation, et à reporter à la fin des plaidoyers la décision quant à leur pertinence et à leur valeur. Finalement, la Cour d'appel était convaincue que la réception de ces documents n'a pas influencé sa décision.

Ces quatre documents nous ont été soumis et il semble opportun de décider à ce moment si cela est régulier. Il y a bien peu de doctrine et de jurisprudence qui nous éclaire.

[...]

Il semble maintenant assez évident que les rapports d'une commission royale ou les rapports des comités parlementaires établis avant l'adoption d'une loi sont recevables pour montrer le contexte factuel et le but que vise la loi, même si le juge Cartwright, c'était alors son titre, a dit dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Reader's Digest Association (Canada) Ltd., [1961] R.C.S. 775, qu'en règle générale, s'il y a opposition, ils ne devraient pas être admis. Si les rapports sont pertinents, on ne voit pas clairement pourquoi il faudrait les exclure si une partie s'y oppose.

[...]

En général, quand il s'agit d'établir le caractère constitutionnel d'une loi, nous ne devons pas nous priver de l'aide que peuvent nous apporter les rapports d'une commission royale d'enquête ou d'une commission de réforme du droit qui sont à la base de la loi à l'étude. Bien sûr, l'importance qu'il faut attribuer à ces rapports est une question tout à fait différente. Ils peuvent être très importants, peu importants ou inutiles, mais, à mon avis, il faudrait au moins les admettre de façon générale pour nous aider à établir les conditions sociales et économiques dans lesquelles la loi a été adoptée. Voir Attorney-General for Alberta v. Attorney-General for Canada and Others, [1939] A.C. 117 (l'arrêt Alberta Bank Taxation). La situation que la loi vise à corriger, les circonstances dans lesquelles elle a été adoptée et le cadre institutionnel dans lequel elle doit être appliquée sont tous logiquement pertinents. Voir Letang v. Cooper, [1965] 1 Q.B. 232, à la p. 240 et Pillai v. Mudanayake and Others, [1953] A.C. 514, à la p. 528.

Un renvoi constitutionnel n'est pas un exercice stérile d'interprétation des lois. Il s'agit d'une tentative pour préciser les objectifs généraux et la portée de la constitution, considérée, selon le langage expressif de lord Sankey dans l'arrêt Edwards and Others v. Attorney-General for Canada and Others, [1930] A.C. 124 , comme un "arbre", et y donner effet. Les documents qui sont pertinents aux questions soumises à la cour, qui ne sont pas douteux en soi et qui ne pêchent pas contre l'ordre public devraient être recevables, à la condition que ces documents extrinsèques ne servent pas à l'interprétation des lois.[472]

[1006]   Les mêmes propos sont repris par le juge McIntire dans le renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights reversion Act, 1980 (Terre-Neuve).[473]

[1007]   Il est admis que la preuve extrinsèque n’est pas réservée aux seuls renvois non plus qu’aux seules affaires constitutionnelles.[474]

[1008]   Plusieurs des premiers litiges invoquant la Charte ont été présentés en droit criminel. En matière d’ivressomètre et d’interception de véhicule, dans l’affaire R. c. Seo[475], sept volumes de preuve extrinsèque furent déposés pour justifier les dispositions contestées. Ils contenaient des documents sur l’historique législatif des dispositions dont des extraits du Hansard, des statistiques liant conduite en état d’ébriété et la gravité des accidents, des sondages, des études sur la conduite en état d’ébriété, les recherches, etc.

[1009]   La Cour d’appel de l’Ontario a accepté cette preuve.

[1010]   Même chose en matière d’avortement dans l’affaire Morgentaler[476]où la Cour suprême réfère à plusieurs études relatives à l’avortement.

[1011]   Dans l’affaire Ford c. P. G. Québec[477]sur l’affichage commercial en français au Québec, la Cour suprême souligne :

Les documents annexés au mémoire du procureur général du Québec consistent en des études générales de sociolinguistique et de planification linguistique auxquelles s'ajoutent des articles, des rapports et des statistiques décrivant la situation de la langue française au Québec et au Canada, situation qui aurait inspiré et justifierait la politique de planification linguistique qui se reflète dans la Charte de la langue française ainsi que dans les lois québécoises antérieures visant le même but général.

[...]

Étant donné que les parties paraissent ne pas avoir été prises au dépourvu ni désavantagées d'une manière inéquitable par la production en cette Cour des documents se rapportant à l'article premier et à l'art. 9.1 et qu'en plus, elles s'étaient bien préparées à débattre la valeur de ces documents et l'ont fait, la Cour estime qu'il convient de les considérer comme régulièrement présentés devant la Cour et de les examiner. Il s'agit en fait de documents du même genre que ceux dont la Cour a demandé la production et qu'elle a examinés dans d'autres affaires concernant l'application de l'article premier de la Charte, sans qu'ils aient été soumis à l'épreuve des débats contradictoires. Il s'agit de documents qui sont examinés de la même manière que le sont des traités et des articles dans d'autres contextes judiciaires.

[1012]   Dans Irwin Toy c. P. G. Québec[478], sur la publicité destinée aux enfants, la Cour suprême accepte une preuve extrinsèque postérieure à l’adoption de la loi.

Toutefois, pour établir que l'objectif premier demeure urgent et réel, le gouvernement peut certainement et doit même faire appel aux meilleurs éléments de preuve qui existent au moment de l'analyse.

[1013]   Dans l’arrêt Danson c. P.G. Ontario[479], le juge Sopinka souligne quant aux faits législatifs :

Ces faits sont de nature plus générale et les conditions de leur recevabilité sont moins sévères.

[1014]   Dans le premier débat entre les parties sur la validité de la Loi réglementant les produits du tabac[480], la Cour suprême fait référence à de nombreux documents déposés à titre de preuve extrinsèque :

En passant, je tiens à mentionner le principe bien établi selon lequel un tribunal a le droit, dans le cadre d'une analyse du caractère véritable, de se reporter à une preuve extrinsèque, comme les textes législatifs connexes, les débats parlementaires et la preuve du «mal» que le texte vise à corriger; voir Morgentaler, précité, aux pp. 483 et 484; Renvoi relatif à la Loi anti-inflation, [1976] 2 R.C.S. 373 , à la p. 437; Renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights Reversion Act, [1984] 1 R.C.S. 297 , aux pp. 317 à 319.[481]

[1015]   Dans l’affaire Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada[482], la Cour supérieure de Colombie-Britannique, confirmée en appel et en Cour suprême, traite de la preuve extrinsèque en matière d’importation de matériel obscène.

The plaintiffs do not object on the ground of relevancy. The federal Crown contends, correctly in my view, that the material is relevant to show that there is a body of scientific opinion that would provide a reasonable and rational basis for Parliament to conclude that homosexual obscenity causes harm to society. As the issue is not which social science school of opinion should prevail, but only whether there is a rational basis for Parliament to act, the fact that the evidence was not offered viva voce and was not tested by cross-examination is not fatal to its admission. These articles have been published and have therefore added to the known body of social science evidence relating to the links between pornography and harm. They have passed the low threshold of admissibility for such evidence and, like the books and journal articles referred to in Butler, supra, may be considered by the court.

[1016]   En résumé, dans les dossiers qui s’y prêtent :

-       la preuve extrinsèque est non seulement permise, mais elle est souvent essentielle;

-       en examinant les faits législatifs, le tribunal doit prendre en considération le contexte dans lequel la législation a été adoptée;

-       la preuve des faits sociaux est plus complexe à apprécier et l’unanimité est rarement au rendez-vous;

-       le tribunal se prononce sur le jugement exercé par le législateur et cherche à savoir si la loi contestée a un fondement rationnel;

-       sont acceptés, les documents pertinents aux questions soumises qui ne sont pas douteux en soi et que ne pêchent pas contre l’ordre public;

-       la partie adverse ne doit pas être prise par surprise;

-       le tribunal doit avoir accès aux meilleurs éléments de preuve qui existent au moment de l’analyse;

-       chaque cas demeure un cas d’espèce.

Application au présent dossier

[1017]   La Loi sur le tabac, le Procureur général l’admet, prive les demanderesses de certains droits dont le moindre n’est certes pas la liberté d’expression garantie par la Charte.

[1018]   Le Procureur général, invoquant l’article 1 de la Charte, soumet que les droits des demanderesses peuvent être restreints par une règle de droit adoptée dans des limites raisonnables et dont la justification se démontre dans une société libre et démocratique.

[1019]   L’arrêt Oakes[483] a fixé le cadre analytique de l’application de l’article 1 de la Charte. La Cour suprême retient la norme de preuve civile de la prépondérance des probabilités à laquelle l’État doit satisfaire pour justifier une atteinte à une liberté fondamentale. La démonstration doit être rigoureuse.

[1020]   Elle retient deux critères pour justifier l’atteinte aux droits. :

1.   identification de l’objet de la législation qui soit suffisamment important pour justifier la suppression d’un droit fondamental

2.   critère de la proportionnalité :

-       lien rationnel entre les mesures adoptées et l’objectif en question;

-       choix de la mesure la moins susceptible de porter atteinte au droit supprimé;

-       proportionnalité entre les effets de la restriction et l’objectif de celle-ci.

[1021]   Dans le premier dossier sur le même thème opposant les parties, le juge Le Bel, au nom de la majorité de la Cour d’appel, confirmé en cela par la Cour suprême, dénonce une approche trop restrictive en matière de preuve dans ce genre de dossier :

Une telle approche se méprend sur la nature d'une affaire constitutionnelle comme celle‑ci.  Elle ne s'assimile pas à un simple procès civil.  Nous ne sommes pas placés devant un dossier où un plaideur particulier tenterait, par hypothèse, de démontrer que, dans son cas, sa consommation de tabac et la publicité faite par tel manufacturier dont il consommait les cigarettes, ont causé son cancer du poumon ou son emphysème.  Il s'agit plutôt de déterminer sur quelle base un législateur peut choisir d'agir, dans des perspectives incertaines.[484]

[1022]   Le présent dossier oppose deux droits fondamentaux : liberté d’expression et droit à la santé publique et individuelle. Deux domaines où toute forme de manichéisme doit être évitée. Deux domaines où l’on tente « d’établir un équilibre entre des valeurs sociales légitimes mais opposées ».[485]

[1023]   Le présent dossier a des ramifications insoupçonnées. Le tabagisme est un phénomène complexe et, il faut le dire puisque la preuve le démontre et les demanderesses l’admettent, il est nuisible à la santé.

[1024]   Un large « corps d’opinion » mondial tente de cerner la question et d’y trouver des solutions. De même se pose la question de lien entre la publicité et la consommation de tabac.

[1025]   Le tribunal doit prendre connaissance de ce corps d’opinion et il est illusoire de penser le faire selon le processus contradictoire propre aux faits adjudicatifs. Il serait inutile de le faire puisque les deux types de preuve visent des fins différentes.

[1026]   Prendre connaissance d’un rapport du Chirurgien général des États-Unis sur l’état du tabagisme chez nos voisins en 1995 est utile à la réflexion du tribunal. Cela ne veut pas dire que le tribunal doive endosser ses conclusions et recommandations, mais simplement qu’il est le reflet d’une connaissance actuelle dans un pays industrialisé et que le législateur canadien en a pris connaissance avant d’adopter la loi.

[1027]   Il est inutile dans ce cas précis d’assigner et de contre-interroger le Chirurgien général. Cette preuve est un exemple de preuve extrinsèque.

 

*     *     *     *     *

 

[1028]   Les demanderesses reconnaissent l’à-propos de la plupart des énoncés que le tribunal vient de formuler. C’est pourquoi elles acceptent la production de la majorité des documents que le Procureur général veut déposer en preuve extrinsèque. Elles ont plus de réserve pour ceux présentés par l’intervenante.

[1029]   La contestation des demanderesses s’articule autour des éléments suivants :

-       certains documents soumis par le Procureur général n’étaient pas annoncés dans la règle 15;

-       le Procureur général veut bonifier sa preuve au moyen de la preuve extrinsèque faute d’avoir pu le faire par la preuve normale sur les faits adjudicatifs;

-       la Cour suprême a récemment condamné la tentative de permettre la preuve de matériel controversé sous le parapluie de la preuve extrinsèque dans l’arrêt PSBAA c. Alberta.[486]

-       la règle demeure celle de la preuve contradictoire, la preuve extrinsèque est l’exception;

-       la Cour supérieure est maître de décider de l’admissibilité de la preuve extrinsèque et de la valeur probante de chaque document;

-       un document admis comme preuve extrinsèque ne fait pas preuve de son contenu et est admissible seulement pour démontrer l’objet et le contexte social entourant l’adoption de la loi;

-       le Procureur général doit identifier clairement la nature du document qu’il dépose et la conclusion qu’il demande au tribunal de tirer;

-       chaque cas est cas d’espèce;

-       le Procureur général et l’intervenante ont déposé 750 documents en preuve extrinsèque ce qui impose au tribunal une « tâche d’analyse herculéenne » alors qu’il a déjà démontré une sérénité et une patience exemplaires (ce qui est admis des parties);

-       les demanderesses consentent à ce que le tribunal « prenne connaissance d’un contexte global auquel le législateur faisait face lorsqu’il a adopté la mesure sous étude et postérieurement » (plan de plaidoirie 24 avril 2002).

 

*     *     *     *     *

 

[1030]   L’argumentation des demanderesses n’est pas sans mérite, mais dans l’ensemble n’est pas en nette contradiction avec les principes énoncés par le tribunal.

[1031]   La plupart des documents que le Procureur général veut déposer en preuve extrinsèque ont été annoncés depuis longtemps et ne prennent pas les demanderesses par surprise.

[1032]   La Cour tient à souligner d’une part, que dans un dossier comme celui-ci où un débat de société est évident, une approche souple et libérale de la réception de la preuve extrinsèque est de mise. Particulièrement à ce stade des procédures où les plaidoiries seront entendues le mois prochain.

[1033]   Il sera plus facile d’élaguer à larges pans après les plaidoiries dans le jugement final. Mieux vaut en avoir plus et d’écarter que de réouvrir l’enquête.

[1034]   Ce qui amène la Cour à l’arrêt PSBAA c. Alberta (P.G.)[487] où le juge Binnie, siégeant seul rejette une requête pour production de nouveaux éléments de preuve présentée à la Cour suprême. Traitant de ce que les demanderesses nomment « parapluie de la preuve extrinsèque », le juge Binnie souligne :

Un fait législatif est habituellement admis au moyen de la connaissance d’office, qui exige que les « faits » soient à ce point notoires ou exempts de controverse qu’il ne soit pas nécessaire d’en faire la preuve. Un fait législatif peut également être présenté par un témoin. Cependant, on ne peut, sous le couvert d’un « fait législatif », saisir le tribunal d’un élément de preuve controversé, au détriment de la partie adverse, sans permettre convenablement à cette dernière d’en contester la véracité. En l’espèce, la PSBAA tente de produire des éléments apparemment controversés sans recourir à un témoin averti. Elle a produit à l’appui un affidavit faisant état de « la connaissance et la croyance » d’un membre du Board of Trustees of the Edmonton School District No. 7, qui énumère essentiellement les différentes catégories de la preuve nouvelle à partir de renseignements fournis par l’un des avocats de la partie appelante. L’auteur de l’affidavit ne fait pas mention de compétences ou de connaissances personnelles pertinentes.[488]

[1035]   Au-delà du débat soulevé par les parties de savoir si ce jugement lie la Cour suprême, la Cour ne voit rien dans cet arrêt qui contredit les principes énoncés plus avant.

[1036]   C’est justement pour éviter une telle requête que la Cour, dans un premier temps, préfère avoir plus de sources d’information que de devoir en rechercher d’autres d’elle-même.

[1037]   Le juge Binnie, tout en soulignant que cette nouvelle requête est le fruit de la plus récente escarmouche entre les parties en matière de preuve nouvelle ne permet pas que sous le couvert du concept de fait législatif on tente de déposer un élément de preuve controversé sans donner à l’autre partie la possibilité d’en contester la véracité.

[1038]   Que les demanderesses se rassurent, la Cour ne permettra pas au Procureur général de le faire.

[1039]   Encore une fois, la Cour acceptera à titre de preuve extrinsèque d’une part les faits notoires et exempts de controverse et d’autre part, les documents pertinents au litige qui ne sont pas douteux en soi (not inherently unreliable) et qui ne pêchent pas contre l’ordre public.

[1040]   Il n’en reste pas moins que dans toute la jurisprudence citée au chapitre du droit, les idées avancées dans la preuve extrinsèque acceptée par les tribunaux étaient controversées et faisaient l’objet de débat.

[1041]   Ces documents qui font partie d’un large corps d’opinion mondial ne font pas preuve de leur contenu, ils expriment le débat.

[1042]   La Cour ne partage pas le point de vue des demanderesses à l’effet que la preuve des faits adjudicatifs est la règle et celle des faits législatifs est l’exception. Ce sont deux règles parallèles soumises à des exigences différentes.

 

*     *     *     *     *

 

[1043]   Une fois les questions de droit déterminées, les demanderesses ont raison de s’étonner de l’ampleur de la preuve extrinsèque soumise.

[1044]   Le président du tribunal n’est pas Hercule, loin s’en faut, et il le regrette.

[1045]   Il s’est écoulé moins d’une semaine entre la plaidoirie de la présente requête et l’obligation de rendre jugement pour la suite des choses.

[1046]   Évidemment, la Cour n’a pu prendre connaissance en profondeur de la preuve soumise. Comme chaque cas est un cas d’espèce et chaque dossier unique, l’appréciation de la preuve extrinsèque devra se faire en deux temps.

[1047]   Dans un premier temps, la Cour recevra certains documents à titre de preuve extrinsèque et permettra aux parties de plaider sur ces éléments.

[1048]   Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont pertinents au débat et que la Cour devra nécessairement les retenir en preuve.

[1049]   Le juge en chef Lamer dans R. c. Morgentaler[489]

Cependant, comme c’est souvent le cas en matière d’interprétation, la simple lecture des dispositions législatives ne dit pas tout. Pour comprendre la nature et la portée véritables de l’art. 251, il est nécessaire d’examiner l’application pratique des dispositions. La Cour a reçu une myriade de mémoires sur les faits à cet égard. L’une des sources d’information les plus utiles est le rapport Badgley.

[1050]   Comme on le voit dans cette affaire, la Cour suprême retient un document parmi une myriade de mémoires. Seul le jugement final de la Cour permet de départager le bon grain de l’ivraie.

 

*     *     *     *     *

 

Les documents

a)         Le Procureur général

[1051]   Le Procureur général propose de déposer à titre de preuve extrinsèque les documents 1 à 211.

[1052]   Dans une lettre du 19 avril 2002, Me Gregory Bordan, au nom des demanderesses, accepte que la majorité de ces documents soient reçus soit à titre de preuve extrinsèque ou comme pièces au dossier.[490]

[1053]   Me Bordan nuance son acceptation pour des motifs qui tiennent de la plaidoirie sur la pertinence des documents. Le jugement final en disposera.

[1054]   Certains documents sont anecdotiques, d’autres difficilement compréhensibles ou inutiles. Les parties ont plaidé et il est impossible de porter un jugement détaillé sur chacun mais ils seront écartés.

[1055]   D’autres, émanant d’organismes reconnus mondialement, seront reçus même au stade de projet. S’ils ne sont pas pertinents au débat, ils seront écartés au jugement final.

[1056]   En conséquence, la Cour reçoit à titre de preuve extrinsèque (ou comme pièces selon l’accord entre les parties), sous réserve des mises en garde précitées tous les documents soumis par le Procureur général portant les numéros 1 à 211 à l’exception des documents portant les numéros 1, 16, 24, 26, 27, 28, 36, 46, 48, 118, 119, 127, 167 et 172.

[1057]   Il est évident que les demanderesses pourront aussi déposer d’ici le 10 mai 2002 à 17 h tout document de preuve extrinsèque qu’elles jugeront utiles au tribunal.

[1058]   S’il y a lieu, la Cour tranchera tout débat sur leur recevabilité en preuve.

 

b)         La Société canadienne du cancer

[1059]   Différents organismes ou personnes ont souhaité intervenir au débat et la juge Danielle Grenier dans un jugement du 28 août 1997 n’a retenu que la Société canadienne du cancer. Elle s’explique :

Elle (la Société canadienne du cancer) a subventionné de nombreuses recherches visant à établir et prouver l’existence d’un lien entre la publicité et la consommation du tabac. (p. 14)

[...]

L’intervention de la Société canadienne du cancer devra être circonscrite et limitée [...]. Elle devra donc restreindre le champ de son intervention à la question de savoir si les dispositions contestées de la Loi sur le tabac relatives à la publicité constituent des violations au droit à la liberté d’expression qui peuvent être justifiées à la lumière de l’article 1 de la Charte. Elle n’est pas autorisée à faire valoir son point de vue sur les autres questions en litige. (pp. 15‑16)

[1060]   La Société canadienne du cancer propose à titre de preuve extrinsèque les documents 212 à 274.

[1061]   Le document 273 comporte lui-même 165 documents et le 274 compte 208 documents.

[1062]   Les demanderesses sont inquiètes devant un tel débordement. La Cour partage cette inquiétude. Le jugement de la juge Grenier n’est pas une simple suggestion, mais une ordonnance que la Cour partage si besoin en était.

[1063]   La Société canadienne du cancer devait faire entendre trois experts qui n’ont pas été entendus.

[1064]   On ne peut suppléer par preuve extrinsèque une preuve intrinsèque qui peut être utile au tribunal.

[1065]   Ces chose étant dites, il est évident que la Cour n’a pu lire en profondeur les 400 ou 500 documents soumis.

[1066]   La Cour a retenu l’intervention pour que la Société canadienne du cancer, par son expertise, établisse un lien entre la publicité et la consommation du tabac.

[1067]   L’intervenante n’a pas présenté de preuve. C’est donc qu’elle juge la preuve présentée par les autres parties suffisante.

[1068]   Les documents présentés en preuve extrinsèque ne font pas preuve de leur contenu, ils ne visent, la procureure de l’intervenante l’affirme, qu’à établir le contexte social mondial dans lequel les parlementaires canadiens ont adopté la loi contestée.

[1069]   La Cour prend acte de ce que les demanderesses acceptent la production des documents 216 à 226, 239 à 244 et 272.

[1070]   La Cour refuse de recevoir les documents 213, 214, 230, 234, 236, 250.

[1071]   Quant aux documents 273 et 274, ils font craindre à la Cour que le dossier ne devienne un entrepôt.

[1072]   Tout ce qui est communiqués de presse, discours, jurisprudence et autres opinions juridiques n’y ont pas leur place.

[1073]   Certains documents peuvent être utiles pour démontrer un corps d’opinion mondial, mais ils ne peuvent faire preuve de leur contenu.

[1074]   De même, plusieurs articles scientifiques sont le fait des trois experts que la Société canadienne du cancer a décidé de ne pas faire entendre. Ces articles ne sauraient devenir des expertises auxquelles l’intervenante a renoncé.

[1075]   Pour l’heure, il est impossible de départager l’anecdote de ce qui sera utile à la Cour.

[1076]   La Cour recevra en conséquence les documents 273 et 274 étant entendu qu’à moins d’y référer spécifiquement en plaidoirie, ils seront écartés de la réflexion finale.

[1077]   PAR CES MOTIFS, LA COUR :

[1078]   ACCUEILLE en partie la requête pour production d’une preuve extrinsèque.

[1079]   REÇOIT à titre de preuve extrinsèque les documents 1 à 274 à l’exception des documents portant les numéros 1, 16, 24, 26, 27, 28, 36, 46, 48, 118, 119, 127, 167, 172, 213, 214, 230, 234, 236 et 250.

[1080]   PERMET aux demanderesses de déposer d’ici le 10 mai 2002 à 17 h leur propre preuve extrinsèque en réponse à la preuve soumise par le Procureur général et l’intervenante sous réserve des objections de ces dernières qui seront décidées par la Cour.

[1081]   SANS FRAIS.

 

 

 

ANDRÉ DENIS, J.C.S.


 


Me Doug Mitchell

Me Catherine McKenzie

IRVING, MITCHELL & ASSOCIÉS

Me Georges Thibaudeau

BORDEN, LADNER, GERVAIS

Avocats de la demanderesse

J.T.I. MACDONALD CORPORATION

 

Me Gérald Tremblay

Me Marc-André Blanchard

Me Chantal Masse

Me Yan Paquette

McCARTHY, TÉTRAULT

Avocats de la demanderesse

ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

 

Me Marc Prévost

Me Simon Potter

Me Gregory Bordan

Me Sophie Perreault

OGILVY, RENAULT

Avocats de la demanderesse

IMPERIAL TOBACCO

 

Me Claude Joyal

Me Marie Marmet

Me Marc Ribeiro

CÔTÉ, MARCOUX & JOYAL

Me Guy Gilbert

Me Maurice Régnier

Me Jean Leclerc

Me Sophie Truesdell-Ménard

GILBERT, SIMARD, TREMBLAY

Avocats de la défenderesse

 

Me Julie Desrosiers

Me Christian Trépanier

MARTINEAU, WALKER

Me Rob Cunningham

Avocats de l’intervenante

 

 

 

 


APPENDIX 4
HEALTH CANADA WARNINGS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




[1]    [1991] R.J.Q. 2260 (C.S.), le juge Jean-Jude Chabot

[2]    [1993] R.J.Q. 375 (C.A.) les juges LeBel, Rothman; et Brossard (dissident)

[3]    [1995] 3 R.C.S. 199 , les juges Lamer, Sopinka, McLachlin, Iacobucci et Major; les juges La Forest, L’Heureux-Dubé, Gonthier et Cory (dissidents)

[4]    Loi sur le tabac, L.C. 1997, ch. 13

[5]    Jugement de la juge Danielle Grenier, 26 juin 2001

[6]    Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada) (1982, R.-U., c. 11)]

[7]    L.C. 1988, ch. 20

[8]    RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 , 239-240

[9]     McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 229 , 285-286 (j. La Forest)

[10]   R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 , 137(j. Dickson)

[11]   R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 , par. 82

[12]   Id., 138-139

[13]   R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 , 344 (j. Dickson)

[14]   Thomson Newspaper Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877 , par. 87

[15]   R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 , 138-139

[16]   Id., par. 33

[17]   Id., par. 154

[18]   Id., par. 84

[19]   Id., par. 89

[20]   RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199

[21]   Id., par. 29, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 123, j. McLachlin; par. 181, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[22]   Id., par 39, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 123, j. McLachlin; par. 181, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[23]   Id., par. 158, j. McLachlin (et j. Sopinka et j. Major); par. 185, j. Iacobucci (et j. Lamer); par. 119 (, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory)

[24]   Id., par. 185, j. Iacobucci (et j. Lamer) ); par. 119, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory)

[25]   Id., par. 164, j. McLachlin (et j. Sopinka et j. Major); par. 191, j. Iacobucci (et j. Lamer); par. 119 (j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory)

[26]   Id., par. 164, j. McLachlin (et j. Sopinka et j. Major); par. 191, j. Iacobucci (et j. Lamer); par. 119 (j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory)

[27]   Id. par 164, j. McLachlin (et j. Sopinka et j. Major); par. 119, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory)

[28]   Id., par. 124, j. McLachlin (et j. Sopinka et j. Major); par. 182 et 190, j. Iacobucci (et j. Lamer); par. 59, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory)

[29]   Id., par. 158, j. McLachlin (et j. Sopinka et j. Major); par. 185, j. Iacobucci (et j. Lamer); par. 119 (j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory)

[30]   Id., par. 173, j. McLachlin (et j. Sopinka et j. Major); par. 191, j. Iacobucci (et j. Lamer); par. 116 (j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory)

[31]   Id., par. 177, j. McLachlin (et j. Sopinka et j. Major); par.83 et 119 (, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory)

[32]   Id., par. 30, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 123 (j. McLachlin); par. 181, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[33]   Id., par. 31, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 123 (j. McLachlin); par. 181, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[34]   Id.

[35]   Id., par. 31, (j. La Forest)

[36]   Id., par. 31, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 123 (j. McLachlin); par. 181, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[37]   Id.

[38]   Id.

[39]   Id. par. 31, (j. La Forest)

[40]   Id., par. 34, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 123 (j. McLachlin); par. 181, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[41]   Id.

[42]   Id. par. 34, (j. La Forest)

[43]   Id., par. 38, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 123 (j. McLachlin); par. 181, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[44]   Id., par. 48, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 123 (j. McLachlin); par. 181, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[45]   Id., par. 83, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 185, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[46]   Id.

[47]   Id., par. 88, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 185, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[48]   Id., par. 91, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 185, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[49]   Id.

[50]   Id., par. 92, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 185, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[51]   Id., par. 88, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 185, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[52]   Id., par. 158 (j. McLachlin)

[53]   Id., par. 91 (j. La Forest)

[54]   Id., par. 158 (j. McLachlin)

[55]   Id., par. 92, j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 185, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[56]   Id.

[57]   Id.

[58]   Id., par. 93 j. La Forest (et j. L’Heureux-Dubé, j. Gonthier et j. Cory); par. 185, j. Iacobucci (et j. Lamer)

[59]   Admissions en date du 13 juin 1997 produites par les demanderesses au dossier de la Cour. (Le document est reproduit textuellement)

[60]   P. 36, p. 2

[61]   D-113, p. 14

[62]   D-274

[63]   D-273 a) à g)

[64]   Surgeon general D-142

[65]   D-149

[66]   D-145

[67]   D-184

[68]   D-202

[69]   D-209

[70]   D-213

[71]   D-166, p. 26

[72]   D-205, p. 25

[73]   RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 , j. La Forest, par. 75

[74]   Loi sur le tabac, L.C. 1997, ch. 13, art. 4

[75]   [1989] 1 R.C.S. 927

[76]   RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 , pp. 290-291

[77]   2001 C.S.C. 70

[78]   Dunmore c. Ontario (P.G.), 2001 C.S.C. 94 , par. 57

[79]   Loi sur le tabac, L.C. 1997, ch. 13

[80]   Loi sur le tabac, L.C. 1997, ch. 13

[81]   RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 , p. 342 (j. McLachlin); pp. 353-4 (j. Iacobucci); pp. 291-294 (j. La Forest)

[82]   Voir notamment le témoignage du Dr Pollay

[83]   Voir notamment D-185, ED-183, D-271

[84]   ED-55, p. 8

[85]   RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 , p. 344

[86]   R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668 , par. 55-58 et 59

[87]   L.C. 1998, ch. 38, art. 1

[88]   L.C. 1998, ch. 38, art. 2

[89]   Voir notamment D-195 (RBH Strategic plan); D-200 (RJR MacDonald Inter-office correspondence); témoignages Davis, Pollay et Ricard

[90]   Témoignage Ed Ricard, vol. 10, pp. 2128 et ss.; documents I-11, I-12, I-13, D-196, D-190

[91]   P-122-3 Undertakings by Mr. Ed Ricard January 28, 2002

[92]   Voir notamment D-271, ED-180, ED-47

[93]   RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 , 311-312

[94]   ED-87 Délibérations de la Chambre sur le projet de loi C-42, 2e lecture, 30 septembre 1998, p. 56

[95]   Loi sur le tabac, L.C. 1997, ch. 13

[96]   ED-47, p. 44524

[97]   D-271, p. 67 Analysis of options for Tobacco Product Promotional Activity Restrictions (1997)

[98]   RF-42 Benson & Hedges p. 7414; D-196 ITL p. 13907

[99]   R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S., 45, par. 32

[100]  R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668 , par. 55-58 et 59; et le document de la FDA, pièce ED-47, p. 44490

[101]  ED-74 Délibérations du comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles - 56 9 avril 1997 - Projet de loi C-71

[102]  R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 , par. 32

[103]  Irwin Toy Ltd. c. Québec (P.G.), [1989] 1 R.C.S. 927

[104]  R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387 , 401

[105]  R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606 , 627

[106]  Id., p. 639

[107]  Id., pp. 639-640

[108]  RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 , 344 (j. McLachlin)

[109]  R. c. Bernshaw, [1995] 1 R.C.S. 254 , pp. 304-305

[110]  RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 , par. 95

[111]  D-271

[112]  ED-183, p. 8

[113]  Ontario c. Canadien Pacifique ltée, [1995] 2 R.C.S. 1031 ; R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761 ; D. STUART « Annotation R. c. Heywood », (1995) 34 C.R. (4th) 135; P.W. HOGG, Constitutional Law of Canada, 4th ed. (Toronto; Carswell, 1997) pp. 1102-1106; J. ROSS, “R. v. Heywood: Overbreadth in the Law or in the Judgement ?”, (1995) 6 Forum Constitutionnel 88

[114]  Hunter c. Southam inc., [1994] 2 R.C.S. 145

[115]  L.R. (1985), ch. I-21

[116]  R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213 , 291

[117]  Id., p. 302

[118]  R. c. Wholesale Travel Group inc., [1991] 3 R.C.S. 154

[119]  Thomson c. R., [1990] 1 R.C.S. 425 , 510, citée par le juge Cory dans Wholesale Travel Group c. R., [1991] 3 R.C.S. 154 , 223

[120]  R. c. Pontes, [1995] 3 R.C.S. 44 , 57

[121]  Id. p. 58

[122]  [1985] 2 R.C.S. 486

[123]  [1992] 3 R.C.S. 159 , 160

[124]  Hunter c. Southam inc., [1984] 2 R.C.S. 145 , 159-160

[125]  [1990] 1 R.C.S. 627 , 642-643

[126]  [1994] 2 R.C.S. 339 , 377

[127]  Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406

[128]  Baron c. Canada, [1993] 1 R.C.S. 416 , pp. 452-453

[129]  Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406 , 425

[130]  R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 , 120

[131]  Perka c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 232 , pp. 258-259

[132]  Henri BRUN et Guy TREMBLAY, Droit constitutionnel, 3e édition, 1997, Éditions Yvon Blais pp. 568-569

[133]  Voir aussi Canada (CDP) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626 , p. 670, (j. Bastarache)

[134]  P. W. HOGG, Constitutional Law of Canada, 4th ed. (Toronto: Carswell, 1997) p. 715

[135]  Irwin Toy c. P.G. Québec. [1989] 1 R.C.S. 927 , 1003

[136]  P.W. HOGG, Constitutional Law of Canada, 4th ed. (Toronto; Carswell, 1997), p. 714

[137]  RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 , 326, 327

[138]  Id., p. 349

[139]  Id., p. 355

[140]  Témoignage de Ian Potter, sous-ministre adjoint, Santé Canada, le 30 mai 2000, devant le Comité permanent de la santé dans le cadre des auditions portant sur la Réglementation, page 38/496. Pièce ED-111

[141]  [1995] 4 R.C.S. 634 , 652, 653

[142]  RJR MacDonald inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311 , 352-353

[143]  Hollis c. Dow Corning Corp., [1995] 4 R.C.S. 634 , par. 22

[144]  RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 , 342

[145]  RJR MacDonald inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311 , p. 353

[146]  R. c. Chaulk, [1990] 3 R.C.S. 1303 , 1341

[147]  Il faut noter que les mises en garde doivent avoir un certain effet à voir tous les couvre-paquets de cigarettes (dont certains en léopard) vendus chez les marchands de tabac.

[148]  ED-209, p. 121

[149]  RJR-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199

[150]  Thomson c. R., [1990] 1 R.C.S. 425 , par. 62 (juge La Forest); R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154 par. 49-52

[151]  14371 Canada inc. c. Québec (P.G.), [1994] 2 R.C.S. 339 , 380

[152]  [1990] 1 R.C.S. 627 , 648

[153]  [1994] 2 R.C.S. 339 , 377

[154]  Sutherland c. Gariépy (1905), 11 R.J.Q. 314

[155]  La Reine c. Brodie, [1961] B.R. 610; renversée Brodie c. La Reine [1962] R.C.S. 681

[156]    Curriculum vitae déposé sous P-1

      Expertise déposée sous P-31

[157]    Curriculum vitae et expertise sous P-33

[158]    P-34

[159]    P-33, onglet 2 (Figure 14 - All Substances)

[160]    Curriculum vitae et expertise sous P-36

[161]    P-36, p. 2

[162]    P-36

[163]    Le témoin hésite à donner le prix d’un paquet de cigarettes affirmant ne pas en avoir acheté depuis longtemps. Il est de connaissance judiciaire qu’il est loin du compte.

[164]    P-41

[165]   P-49, P-50 et P-51

[166]   P-28

[167]   P-62 à 68

[168]   Curriculum vitae sous P-82

      Expertise sous P-83. Gravement malade, M. Power a été interrogé dans le Dorset en Grande-Bretagne. Malgré sa maladie, il a tenu à compléter son mandat et répondre avec courage et sérénité aux questions des procureurs en présence du président du tribunal. Il est décédé début juillet 2002.

[169]   P-83, p. 1

[170]   P-83, p. 9

[171]   Curriculum vitae sous D-106

      Rapport sous D-107

[172]   Curriculum vitae sous D-125

      Expertise sous D-123 et D-124

[173]   D-123, p. 2

[174]   D-123, pp. 10-12

[175]   D-124, pp. 4, 5

[176]   Le témoin dépose sous D-134 les mises en garde brésiliennes qui occupent la moitié du paquet. (Voir annexe 6)

[177]   Curriculum vitae sous D-155

Expertise sous D-156

[178]   D-156, pp. 8 et ss.

[179]   D-156, p. 10

[180]   D-156, p. 22

[181]   D-156, p. 25

[182]   D-156, p. 32

[183]   Curriculum vitae déposé sous D-111, publications sous D-112 et sa première expertise sous D-113

[184]   Constituants toxiques de la fumée de cigarettes

[185]   A historical study of nicotine yields of Canadian cigarettes in relation to the composition and nicotine content of cigarette tobacco 1968-1995, 31 mars 1995. D-118

[186]   Représentation photographique, pièce D-114

[187]   Expertise D-113, p. 10

[188]   Rendement d’une cigarette : quantité de substances libérées par la cigarette lorsqu’elle est fumée par une machine à fumer

      Livraison de la cigarette : quantité de substances contenues dans la fumée de cigarette et qui sont inhalées par le fumeur

      Contenu : quantité de substances présentes dans le tabac avant combustion.

[189]   D-113, p. 14

[190]   D-113, p. 15

[191]   D-113, p. 21

[192]   D-118, p. 1

[193]   Expertise déposée sous D-241

[194]   Curriculum vitae déposé sous D-111, publications sous D-112 et sa première expertise sous D-113

[195]   Petit Larousse

[196]   Differential Responsiveness to Irritant Mixtures, Rebecca Bascom, Annals of the New York Academy of Sciences, Volume 641, 1992 p. 226

[197]   D-241, p. 5

[198]   Expertise et curriculum vitae sous D-245

[199]   Pièce D-274

[200]   D-271

[201]   Curriculum vitae déposé sous D-138

      Expertise déposée sous D-139

 

[202]   D-142

[203]   D-139, p. 2

[204]   D-149

[205]   Id. p. 5

[206]   D-145

[207]   D-139, p. 13

[208]   Curriculum vitae déposé sous D-165

      Expertise du 30 octobre 2000 déposée sous D-57

      Expertise du 22 mars 2001 déposée sous D-166

[209]   D-216

[210]   Badge :    insigne distinctif muni d’une inscription ou d’un dessin (et qui est porté en broche). Le Petit Larousse illustré, 2002

[211]   D-166, p. 5

[212]   D-166, p. 11

[213]   Id.

[214]   Id.

[215]   D-166, p. 18

[216]   Id, p. 19

[217]   D-166, p. 26

[218]    L.C. 1997, ch. 13

[219]    Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982, R.-U., c. 11)], art. 24

[220]    Le Nouveau Petit Robert, Paris, 2000

[221]    Black’s Law Dictionary, Seventh Edition, St. Paul 1999

[222]    R. c. Find, [2001] 1 R.C.S. 863, 886-887

[223]    Administrative Law Treatise, (St-Paul (Minn.) : West Publishing Co., 1958), T. 2, par. 15.03, p. 353

[224]    Lord REID, « Judge as Law Maker », (1972) 12 J.S.P.T.L. (N.S.) 22; J. DESCHÊNES, « Le rôle législatif du pouvoir judiciaire », (1974) 5 R.D.U.S. 1 ; D. GIBSON, « Judges as Legislators : Not Whether But How », (1986-87) 25 Alta L. Rev. 249.

[225]    [1971] R.C.S. 689 pp. 704 à 706

[226]    [1976] 2 R.C.S. 373 , pp. 422-423

[227]   [1981] 1 R.C.S. 714 pp. 720-724

[228]   [1984] 1 R.C.S. 297

[229]   Willick c. Willick, [1994] 3 R.C.S. 670

[230]   (1986) 54 O.R. (2d) 293 (Ont. C.A.)

[231]   R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30

[232]   [1988] 2 R.C.S. 712 pp. 774-778

[233]   [1989] 1 R.C.S. 927 pp. 983-984

[234]   [1990] 2 R.C.S. 1086 , p. 1099

[235]   Précitée, note 6

[236]   R.J.R. MacDonald c. P. G. Canada, [1995] 3 R.C.S. 199 pp. 242-243

[237]   (1996) 131 D.L.R. (4th) 486, 526 (B.C.S.C.) confirmé (1998) 160 D.L.R. (4th) 385 et confirmé [2000] 2 R.C.S. 1120

[238]   Précité, note 8

[239]   Précité, note 2, 391

[240]    McKinney précitée, note 7

[241]   [2000] R.C.S. 44

[242]   Id.

[243]   Id., 47-48

[244]   [1988] 1 R.C.S. 30 , 65

[245]   EP-1

[246]    [1991] R.J.Q. 2260 (Sup.Ct.), Jean-Jude Chabot J.

[247]    [1993] R.J.Q. 375 (C.A.), LeBel and Rothman JJ.A. and Brossard J.A. (dissenting).

[248]    [1995] 3 S.C.R. 199 , Lamer C.J., Sopinka, McLachlin, Iacobucci and Major JJ. and La Forest, L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ. (dissenting).

[249]    Tobacco Act, S.C. 1997, c. 13.

[250]    Decision of Danielle Grenier J., June 26, 2001.

[251]    Canadian Charter of Rights and Freedoms, Part I of the Constitution Act, 1982, being Schedule B to the Canada Act, 1982 (U.K.), 1982, c. 11.

[252]    S.C. 1988, c. 20.

[253]    RJR-MacDonald Inc. v. Canada (A.G.), [1995] 3 S.C.R. 199 at 239-240.

[254]     McKinney v. University of Guelph, [1990] 3 S.C.R. 229 at 285-286, La Forest J.

[255]   R. v. Oakes, [1986] 1 S.C.R. 103 at 137, Dickson J [hereinafter Oakes].

[256]   R. v. Sharpe, [2001] 1 S.C.R. 45 at para. 82.

[257]   Oakes, ibid. at 138-139.

[258]   R. v. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 S.C.R. 295 at 344, Dickson J.

[259]   Thomson Newspaper Co. v. Canada (A.G.) [1998] 1 S.C.R. 877 at para. 87.

[260]   R. v. Sharpe, [2001] 1 S.C.R. 45 at 138-139.

[261]   Ibid. at para. 33.

[262]   Ibid. at para. 154.

[263]   Ibid. at para. 84.

[264]   Ibid. at para. 89.

[265]   RJR-MacDonald Inc. v. Canada (A.G.), [1995] 3 S.C.R. 199 .

[266]   Ibid. at para. 29, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 123, McLachlin J; at para. 181, Iacobucci J (and Lamer C.J.).

[267]   Ibid. at para. 39, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 123, McLachlin J.; at para. 181, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[268]   Ibid. at para. 158, McLachlin J. (and Sopinka and Major JJ.); at para. 185, Iacobucci J. (and Lamer C.J.); at para. 119, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.).

[269]   Ibid. at para. 185, Iacobucci J. (and Lamer C.J.); at para. 119, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.).

[270]   Ibid. at para. 164, McLachlin J. (and Sopinka and Major JJ.); at para. 191, Iacobucci J. (and Lamer C.J.); at para. 119, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.).

[271]   Ibid. at para. 164, McLachlin J. (and Sopinka and Major JJ.); at para. 191, Iacobucci J. (and Lamer C.J.); at para. 119, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.).

[272]   Ibid. at para. 164, McLachlin J. (and Sopinka and Major JJ.); at para. 119, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.).

[273]   Ibid. at para. 124, McLachlin J. (and Sopinka and Major JJ.); at para. 182 and 190, Iacobucci J. (and Lamer C.J.); at para. 59, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.).

[274]   Ibid. at para. 158, McLachlin J. (and Sopinka and Major JJ.); at para. 185, Iacobucci J. (and Lamer C.J.); at para. 119, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.).

[275]   Ibid. at para. 173, McLachlin J. (and Sopinka and Major JJ.); at para. 191, Iacobucci J. (and Lamer C.J.); at para. 116, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.).

[276]   Ibid. at para. 177, McLachlin J. (and Sopinka and Major JJ.); at para. 83 and 119, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.).

[277]   Ibid. at para. 30, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 123, McLachlin J.; at para. 181, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[278]   Ibid. at para. 31, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 123, McLachlin J.; at para. 181, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[279]   Ibid.

[280]   Ibid. at para. 31, La Forest J.

[281]   Ibid. at para. 31, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 123, McLachlin J.; at para. 181, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[282]   Ibid.

[283]   Ibid.

[284]   Ibid. at para. 31, (La Forest J.)

[285]   Ibid. at para. 34, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 123, McLachlin J.; at para. 181, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[286]   Ibid.

[287]   Ibid. at para. 34, La Forest J.

[288]   Ibid. at para. 38, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 123, McLachlin J.; at para. 181, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[289]   Ibid. at para. 48, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 123, McLachlin J.; at para. 181, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[290]   Ibid. at para. 83, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 185, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[291]   Ibid.

[292]   Ibid. at para. 88, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 185, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[293]   Ibid. at para. 91, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 185, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[294]   Ibid.

[295]   Ibid. at para. 92, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 185, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[296]   Ibid. at para. 88, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 185, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[297]   Ibid. at para. 158, McLachlin J.

[298]   Ibid. at para. 91, La Forest J.

[299]   Ibid. at para. 158, McLachlin J.

[300]   Ibid. at para. 92, La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 185, Iacobucci J. (and Lamer C.J.).

[301]   Ibid.

[302]   Ibid.

[303]   Ibid. at para. 93 La Forest J. (and L’Heureux-Dubé, Gonthier and Cory JJ.); at para. 185, Iacobucci J. (and Lamer C.J.)

[304]   Admissions dated June 13, 1997, filed by the plaintiffs and entered in the Court record. (Textually)

[305]   P. 36, p. 2.

[306]   D-113, p. 14.

[307]   D-274.

[308]   D-273 a) to g).

[309]   Surgeon General D-142.

[310]   D-149.

[311]   D-145.

[312]   D-184.

[313]   D-202.

[314]   D-209.

[315]   D-213.

[316]   D-166, p. 26.

[317]   D-205, p. 25.

[318]   RJR-MacDonald Inc. v. Canada (A.G.), [1995] 3 S.C.R. 199 at para. 75, La Forest J.

[319]   Tobacco Act, S.C. 1997, c. 13, s. 4.

[320]   [1989] 1 S.C.R. 927 .

[321]   RJR-MacDonald Inc. v. Canada (A.G.), [1995] 3 S.C.R. 199 at 290-291.

[322]   2001 S.C.C. 70.

[323]   Dunmore v. Ontario (A.G.), 2001 S.C.C. 94 at para. 57.

[324]   Tobacco Act, S.C. 1997, c. 13

[325]   Tobacco Act, S.C. 1997, c. 13.

[326]   RJR-MacDonald Inc. v. Canada (A.G.), [1995] 3 S.C.R. 199 , p. 342, McLachlin J.; pp. 353-4, Iacobucci J.;,pp. 291-294, La Forest J.

[327]   See especially the testimony of Dr. Pollay.

[328]   See especially D-185, ED-183 and D-271.

[329]   ED-55, p. 8.

[330]   RJR-MacDonald Inc. v. Canada (A. G.), [1995] 3 S.C.R. 199 , p. 344.

[331]   R. v. Mills, [1999] 3 S.C.R. 668 at para. 55-58 and 59.

[332]   S.C. 1998, c. 38, s. 1.

[333]   S.C. 1998, c. 38, s. 2.

[334]   See especially D-195 (R.B.H. Strategic Plan); D-200 (RJR MacDonald inter-office correspondence); testimony of witnesses Davis, Pollay and Ricard.

[335]   Testimony of Ed Ricard, vol. 10, pp. 2128 et seq.; Documents I-11, I-12, I-13, D-196 and D-190.

[336]   P-122-3, undertakings by Mr. Ed Ricard, January 28, 2002.

[337]   See especially D-271, ED-180, ED-47.

[338]   RJR-MacDonald Inc. v. Canada (A. G.), [1995] 3 S.C.R. 199 , 311-312.

[339]   ED-87, House of Commons debate on Bill C-42, 2nd reading, September 30, 1998, p. 56.

[340]   Tobacco Act, S.C. 1997, c. 13.

[341]   ED-47, p. 44524.

[342]   D-271, Analysis of Options for Tobacco Product Promotional Activity Restrictions (1997), p. 67.

[343]   RF-42, R.B.H., p. 7414; D-196, I.T.L., p. 13907.

[344]   R. v. Sharpe, [2001] 1 S.C.R. 45 at para. 32.

[345]  R. v. Mills, [1999] 3 S.C.R. 668 at para. 55-58 and 59; document from the FDA, Exhibit ED-47 at 44490.

[346]  ED-74, debates of the Standing Senate Committee on Legal and Constitutional Affairs - 56, April 9, 1997 - Bill C-71.

[347]  R. v. Sharpe, [2001] 1 S.C.R. 45 at para. 32.

[348]  Irwin Toy Ltd. v. Quebec (A.G.), [1989] 1 S.C.R. 927 .

[349]  R. v. Beare, [1988] 2 S.C.R. 387 at 401.

[350]  R. v. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 S.C.R. 606 at 627.

[351]  Ibid. at 639.

[352]  Ibid. at 639-640.

[353]  RJR-MacDonald Inc. v. Canada (A.G.), [1995] 3 S.C.R. 199 at 344, McLachlin J.

[354]  R. v. Bernshaw, [1995] 1 S.C.R. 254 at 304-305.

[355]  RJR-MacDonald Inc. v. Canada (A.G.), [1995] 3 S.C.R. 199 at para. 95.

[356]  D-271.

[357]  ED-183, p. 8.

[358]  Ontario v. Canadian Pacific Ltd., [1995] 2 S.C.R. 1031 ; R. v. Heywood, [1994] 3 S.C.R. 761 ; D. Stuart, “Annotation R. v. Heywood”, (1995) 34 C.R. (4th) 135; P.W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 4th ed. (Toronto: Carswell, 1997) at 1102-1106; J. Ross, “R. v. Heywood: Overbreadth in the Law or in the Judgement?” (1995) 6 Constitutional Forum 88.

[359]  Hunter v. Southam Inc., [1994] 2 S.C.R. 145

[360]  R.S.C. (1985), c. I-21.

[361]  R. v. Hydro-Québec, [1997] 3 S.C.R. 213 at 291.

[362]  Ibid. at 302.

[363]  R. v. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 S.C.R. 154 .

[364]  Thomson v. R., [1990] 1 S.C.R. 425 at 510, cited by Cory J. in Wholesale Travel Group v. R., [1991] 3 S.C.R. 154 at 223.

[365]  R. v. Pontes, [1995] 3 S.C.R. 44 at 57.

[366]  Ibid. at 58.

[367]  [1985] 2 S.C.R. 486 .

[368]  [1992] 3 S.C.R. 159 at 160.

[369]  Hunter v. Southam Inc., [1984] 2 S.C.R. 145 at 159-160.

[370]  [1990] 1 S.C.R. 627 at 642-643.

[371]  [1994] 2 S.C.R. 339 at 377.

[372]  Comité paritaire de l’industrie de la chemise v. Potash, [1994] 2 S.C.R. 406 .

[373]  Baron v. Canada, [1993] 1 S.C.R. 416 at 452-453.

[374]  Comité paritaire de l’industrie de la chemise v. Potash, [1994] 2 S.C.R. 406 at 425.

[375]  R. v. Oakes, [1986] 1 S.C.R. 103 at 120.

[376]  Perka v. R., [1984] 2 S.C.R. 232 at 258-259.

[377]  H. Brun and G. Tremblay, Droit constitutionnel, 3rd ed. (Cowansville, Qc.: Yvon Blais, 1997) at 568-569.

[378]  See also Canada (Human Rights Commission) v. Canadian Liberty Net, [1998] 1 S.C.R. 626 at 670, Bastarache J.

[379]  P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 4th ed. (Toronto: Carswell, 1997) at 715.

[380]  Irwin Toy v. Quebec (A.G.), [1989] 1 S.C.R. 927 at 1003.

[381]  P.W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 4th ed. (Toronto; Carswell, 1997) at 714.

[382]  RJR-MacDonald Inc. v. Canada (A.G.), [1995] 3 S.C.R. 199 at 326-327.

[383]  Ibid. at 349.

[384]  Ibid. at 355.

[385]  Testimony of Ian Potter, Assistant Deputy Minister, Health Canada, May 30, 2000, before the Standing Committeee on Health during hearings on the Regulations, page 38/496. Exhibit ED-111.

[386]  [1995] 4 S.C.R. 634 at 652-653.

[387]  RJR MacDonald Inc. v. Canada (P.G.), [1994] 1 S.C.R. 311 at 352­-353.

[388]  Hollis v. Dow Corning Corp., [1995] 4 S.C.R. 634 at para. 22.

[389]  RJR-MacDonald Inc. v. Canada (A.G.), [1995] 3 S.C.R. 199 at 342.

[390]  RJR MacDonald Inc. v. Canada (A.G.), [1994] 1 S.C.R. 311 at 353.

[391]  R. v. Chaulk, [1990] 3 S.C.R. 1303 at 1341.

[392]  The warnings must be having the desired effect, judging by the wide variety of cigarette package covers (even available in leopard print!) sold in stores alongside tobacco products.

[393]  ED-209 at 121.

[394]  RJR-MacDonald Inc. v. Canada (Attorney General), [1995] 3 S.C.R. 199 .

[395]  Thomson v. R., [1990] 1 S.C.R. 425 at para. 62, La Forest J.; R. v. Fitzpatrick, [1995] 4 S.C.R. 154 at paras. 49-52.

[396]  [1994] 2 S.C.R. 339 at 380.

[397]  [1990] 1 S.C.R. 627 at 648.

[398]  [1994] 2 S.C.R. 339 at 377.

[399]  Sutherland v. Gariépy (1905), 11 R.J.Q. 314.

[400]  R. v. Brodie, [1961] B.R. 610, rev’d [1962] S.C.R. 681.

[401]    Curriculum vitae déposé sous P-1

      Expertise déposée sous P-31

[402]    Curriculum vitae et expertise sous P-33

[403]    P-34

[404]    P-33, onglet 2 (Figure 14 - All Substances)

[405]    Curriculum vitae et expertise sous P-36

[406]    P-36, p. 2

[407]    P-36

[408]    Le témoin hésite à donner le prix d’un paquet de cigarettes affirmant ne pas en avoir acheté depuis longtemps. Il est de connaissance judiciaire qu’il est loin du compte.

[409]    P-41

[410]   P-49, P-50 et P-51

[411]   P-28

[412]   P-62 à 68

[413]   Curriculum vitae sous P-82

      Expertise sous P-83. Gravement malade, M. Power a été interrogé dans le Dorset en Grande-Bretagne. Malgré sa maladie, il a tenu à compléter son mandat et répondre avec courage et sérénité aux questions des procureurs en présence du président du tribunal. Il est décédé début juillet 2002.

[414]   P-83, p. 1

[415]   P-83, p. 9

[416]   Curriculum vitae sous D-106

      Rapport sous D-107

[417]   Curriculum vitae sous D-125

      Expertise sous D-123 et D-124

[418]   D-123, p. 2

[419]   D-123, pp. 10-12

[420]   D-124, pp. 4, 5

[421]   Le témoin dépose sous D-134 les mises en garde brésiliennes qui occupent la moitié du paquet. (Voir annexe 6)

[422]   Curriculum vitae sous D-155

Expertise sous D-156

[423]   D-156, pp. 8 et ss.

[424]   D-156, p. 10

[425]   D-156, p. 22

[426]   D-156, p. 25

[427]   D-156, p. 32

[428]   Curriculum vitae déposé sous D-111, publications sous D-112 et sa première expertise sous D-113

[429]   Constituants toxiques de la fumée de cigarettes

[430]   A historical study of nicotine yields of Canadian cigarettes in relation to the composition and nicotine content of cigarette tobacco 1968-1995, 31 mars 1995. D-118

[431]   Représentation photographique, pièce D-114

[432]   Expertise D-113, p. 10

[433]   Rendement d’une cigarette : quantité de substances libérées par la cigarette lorsqu’elle est fumée par une machine à fumer

      Livraison de la cigarette : quantité de substances contenues dans la fumée de cigarette et qui sont inhalées par le fumeur

      Contenu : quantité de substances présentes dans le tabac avant combustion.

[434]   D-113, p. 14

[435]   D-113, p. 15

[436]   D-113, p. 21

[437]   D-118, p. 1

[438]   Expertise déposée sous D-241

[439]   Curriculum vitae déposé sous D-111, publications sous D-112 et sa première expertise sous D-113

[440]   Petit Larousse

[441]   Differential Responsiveness to Irritant Mixtures, Rebecca Bascom, Annals of the New York Academy of Sciences, Volume 641, 1992 p. 226

[442]   D-241, p. 5

[443]   Expertise et curriculum vitae sous D-245

[444]   Pièce D-274

[445]   D-271

[446]   Curriculum vitae déposé sous D-138

      Expertise déposée sous D-139

 

[447]   D-142

[448]   D-139, p. 2

[449]   D-149

[450]   Id. p. 5

[451]   D-145

[452]   D-139, p. 13

[453]   Curriculum vitae déposé sous D-165

      Expertise du 30 octobre 2000 déposée sous D-57

      Expertise du 22 mars 2001 déposée sous D-166

[454]   D-216

[455]   Badge :    insigne distinctif muni d’une inscription ou d’un dessin (et qui est porté en broche). Le Petit Larousse illustré, 2002

[456]   D-166, p. 5

[457]   D-166, p. 11

[458]   Id.

[459]   Id.

[460]   D-166, p. 18

[461]   Id, p. 19

[462]   D-166, p. 26

[463]    L.C. 1997, ch. 13

[464]    Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982, R.-U., c. 11)], art. 24

[465]    Le Nouveau Petit Robert, Paris, 2000

[466]    Black’s Law Dictionary, Seventh Edition, St. Paul 1999

[467]    R. c. Find, [2001] 1 R.C.S. 863, 886-887

[468]    Administrative Law Treatise, (St-Paul (Minn.) : West Publishing Co., 1958), T. 2, par. 15.03, p. 353

[469]    Lord REID, « Judge as Law Maker », (1972) 12 J.S.P.T.L. (N.S.) 22; J. DESCHÊNES, « Le rôle législatif du pouvoir judiciaire », (1974) 5 R.D.U.S. 1 ; D. GIBSON, « Judges as Legislators : Not Whether But How », (1986-87) 25 Alta L. Rev. 249.

[470]    [1971] R.C.S. 689 pp. 704 à 706

[471]    [1976] 2 R.C.S. 373 , pp. 422-423

[472]   [1981] 1 R.C.S. 714 pp. 720-724

[473]   [1984] 1 R.C.S. 297

[474]   Willick c. Willick, [1994] 3 R.C.S. 670

[475]   (1986) 54 O.R. (2d) 293 (Ont. C.A.)

[476]   R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30

[477]   [1988] 2 R.C.S. 712 pp. 774-778

[478]   [1989] 1 R.C.S. 927 pp. 983-984

[479]   [1990] 2 R.C.S. 1086 , p. 1099

[480]   Précitée, note 6

[481]   R.J.R. MacDonald c. P. G. Canada, [1995] 3 R.C.S. 199 pp. 242-243

[482]   (1996) 131 D.L.R. (4th) 486, 526 (B.C.S.C.) confirmé (1998) 160 D.L.R. (4th) 385 et confirmé [2000] 2 R.C.S. 1120

[483]   Précité, note 8

[484]   Précité, note 2, 391

[485]    McKinney précitée, note 7

[486]   [2000] R.C.S. 44

[487]   Id.

[488]   Id., 47-48

[489]   [1988] 1 R.C.S. 30 , 65

[490]   EP-1

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