Groupe Dubé et Associés inc. c. Meimari

2012 QCCS 4340

JB3984

 
 COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-072099-123

 

DATE :

17 septembre 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

GUYLÈNE BEAUGÉ, J.C.S.

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GROUPE DUBÉ & ASSOCIÉS INC.

Demanderesse

c.

MANNY MEIMARI

Défendeur

-et-

COFFRAGE EFCO INC.

Mise en cause

 

 

JUGEMENT

sur une requête du défendeur pour suspension de l'instance

et sur une requête de la mise en cause pour mise hors de cause

 

[1]           Groupe Dubé & Associés Inc. (« GDAI ») poursuit l'ingénieur Manny Meimari pour préjudice découlant de la conception fautive de plans dans le cadre de l'exécution d'un contrat de construction sous-traité à son employeur, Coffrage Efco Inc. (« CEI »). Elle lui réclame quelque 210 000 $, et met en cause CEI.

[2]           Dans une autre instance introduite deux ans plus tôt (500-17-062640-100) et dont l'audition est fixée en mai 2014, CEI poursuit GDAI pour environ 80 000 $ relativement au non-paiement des sommes dues aux termes de ce sous-contrat. Notons que dans ce dossier, GDAI avait requis la mise en cause forcée de M. Meimari, demande rejetée par cette Cour[1] au motif de tardivité de la requête ainsi que d'absence de lien de droit entre GDAI et M. Meimari, Les allégations de GDAI en l'instance reprennent essentiellement celles de sa défense et demande reconventionnelle dans l'autre dossier.

[3]           Pour éviter des décisions contradictoires, M. Meimari demande la suspension de la présente instance jusqu'à ce que jugement soit rendu dans l'autre dossier et passé en force de chose jugée. Il soutient que ce jugement décidera des fautes et de la responsabilité des parties, ce qui influera sur le litige dans la présente instance. En outre, aux paragraphes 11 à 14 de sa requête, il argue que :

·        Les deux actions reposent essentiellement sur les mêmes faits;

·        GDAI invoque les mêmes pièces dans les deux instances;

·        Il existe un lien de connexité évident entre les deux instances;

·        Les deux actions soulèvent les mêmes questions de droit et de faits, à savoir la prétendue mauvaise conception des plans et son erreur professionnelle.

[4]           Pour sa part, CEI fait valoir que GDAI poursuit son employé M. Meimari sur une base extracontractuelle, ne recherchant aucune conclusion contre elle. Elle demande donc sa mise hors de cause, estimant sa présence non nécessaire en l'instance, son assignation comme témoin pouvant suffire aux fins du dossier.

[5]           GDAI plaide le mal fondé de la suspension de la présente instance. Elle ajoute, sans toutefois présenter de requête écrite, que la jonction des deux actions s'avèrerait pertinente en raison du lien de connexité évident qu'admet même M. Meimari. Celui-ci et CEI s'opposent à la jonction spontanée des instances en l'absence d'une requête dûment signifiée qu'ils pourraient contester.

[6]           Les deux requêtes doivent être rejetées.

[7]           Quant à la requête en suspension de l'instance, les arguments du défendeur Meimari militeraient plutôt en faveur d'une réunion d'action. En effet, il apparaît disproportionné de multiplier les procédures et les frais, et de tenir deux procès fondés sur les mêmes faits et la même preuve testimoniale et documentaire alors que de l'aveu même du défendeur, un lien de connexité s'impose comme évident entre les deux actions et que la preuve se révèlera essentiellement la même dans les deux dossiers. Ainsi, il convient de distinguer la présente affaire du jugement de cette Cour dans Martin c. Raymond Kyling Machinery Inc.[2], car bien qu'ici le premier recours procède d'une inexécution contractuelle et le second se fonde sur une faute extracontractuelle, la preuve se révélera identique puisque les parties invoquent essentiellement les mêmes faits.

[8]           Quant à la requête pour mise hors de cause, CEI fonde sa position notamment sur le fait que GDAI ne recherche aucune conclusion contre elle, et que sa présence ne se trouve pas nécessaire.

[9]           Dans Alcoa Ltd c. Va Tech JST, s.a.[3], cette Cour rappelle la prudence qui s'impose avant d'écarter une partie au litige, et ajoute que l'absence de conclusion contre une partie mise en cause ne suffit pas à l'exclure. En effet, le statut de mise en cause se distingue de celui de partie défenderesse précisément par cette absence de conclusion.

[10]        La jurisprudence constante enseigne que la mise en cause d'une partie ne saurait être autorisée à moins de s'avérer nécessaire à la solution complète du litige. Cette notion de nécessité se distingue de la simple utilité[4].

[11]        En l'instance, compte tenu de la nature des reproches adressés au défendeur Meimari - des fautes dans l'exécution de ses fonctions - son employeur CEI se trouve nécessairement interpellé. D'ailleurs, les allégations de la demande pourraient même conférer à CEI le statut de co-défenderesse, car elle pourrait être appelée à répondre des éventuelles fautes professionnelles de son employé. À ce stade-ci, alors que M. Meimari n'a pas encore fait valoir ses moyens de défense, mais que les allégations dans l'autre action permettent de les deviner en partie, il apparaît prématuré - voire imprudent - de mettre CEI hors de cause.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[12]        REJETTE la requête du défendeur pour suspendre l'instruction de la demande;

[13]        REJETTE la requête de la mise en cause pour mise hors de cause;

[14]        FRAIS À SUIVRE.

 

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GUYLÈNE BEAUGÉ, j.c.s.

Me Jean-Philippe Asselin

LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS

Avocat de la demanderesse

 

Me Dominique Zaurrini

ZAURRINI AVOCATS

Avocat du défendeur et de la mise en cause

 

Date d'audience: 25 juillet 2012

 



[1]     2011 QCCS 6865 .

[2]     J.E. 2001-2015 (C.S.).

[3]     2009 QCCS 1348 , conf. par 2009 QCCA 1113 .

[4]     Procureur général du Québec c. Consolidated Bathurst inc., [1984], R.D.J 363 (C.A.).

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