Groupe Jean Coutu (PJC) inc. c. Parfums Christian Dior Canada inc

2007 QCCS 3296

JM1838

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT  DE

  MONTRÉAL

 

N° :

500-17-035888-075

 

 

 

DATE :

  Le 10 juillet 2007

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

ROBERT MONGEON, J.C.S.

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LE GROUPE JEAN COUTU (PJC) INC.

LES PHARMACIENS FRANCHISÉS DU GROUPE JEAN COUTU (PJC) INC.

Demanderesses

c.

PARFUMS CHRISTIAN DIOR CANADA INC

PARFUMS GIVENCHY CANADA LIMITÉE

Défenderesses

 

 

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MOTIFS DU JUGEMENT RENDU SÉANCE TENANTE

LE 27 MARS 2007

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[1]    Lorsque l'on sollicite une injonction provisoire, le Tribunal doit faire preuve de prudence pour la simple raison qu'il n'est pas saisi de l'ensemble de tout le problème.  Je ne suis saisi que de la pointe de l'iceberg. 

[2]    Une importante quantité de faits et de détails additionnels seront versés au dossier avec le temps, avec la mise en état du dossier.  Les commentaires du Tribunal lors d'une demande d'injonction provisoire  peuvent être lourds de conséquences pour les prochaines étapes. 

[3]    C'est pourquoi je préface mes commentaires en vous disant tout de suite que ceux-ci ne valent que pour l'injonction provisoire et, en aucune façon, ces commentaires ne devraient être retenus de façon péremptoire lors d'autres étapes, en disant que le juge saisi de la demande de provisoire aurait déjà dit telle ou telle chose vis-à-vis les droits des parties.  Je ne me prononce que dans le contexte de ce qui m'a été représenté et je laisse aux juges saisis des autres étapes du dossier, de décider des questions qui leur seront soumises ce qu'ils devront décider à la lumière de la preuve qui leur sera faite. 

[4]    J'ai quatre critères à considérer.  L'urgence, l'apparence de droit, le préjudice irréparable et la balance des inconvénients. 

L'URGENCE

[5]    Je comprends que la relation d'affaires entre les parties a durée jusqu'en janvier 2007.  En janvier 2007, il y a terminaison ou annonce de terminaison des relations d'affaires.  Il y a néanmoins un délai d'accordé entre les parties suite à des discussions pour une durée de 60 jours et la requête en injonction provisoire est instituée dans les quelques jours qui suivent la fin de ce délai de 60 jours.  Je m'imagine très mal que Pharmacies Jean Coutu aurait aidé sa position en instituant des procédures d'injonction en janvier 2007.  Cela n'avait aucune logique d'affaires.  Pharmacied Jean Coutu avait le droit d'attendre que le délai de 60 jours expire, peut-être dans l'espoir de voir un autre délai négocié, mais je crois que le critère de l'urgence est de rencontrer, dans les circonstances, en prenant des procédures d'injonction en janvier dès l'annonce de la terminaison et malgré le fait qu'on accordait un délai de 60 jours aurait eu comme conséquence de mettre un terme définitif à toute possibilité de relation d'affaires entre les deux groupes. 

[6]    Donc, je crois que Pharmacies Jean Coutu était justifiée d'attendre la fin du délai de 60 jours et je considère que sa requête rencontre le critère de l'urgence.  

L'APPARENCE DE DROIT:

[7]    On plaide que il y a un droit clair à l'injonction.  Je n'ai pas de contrat complet négocié entre les parties.  Je n'ai aucune entente signée.  Je n'ai pas beaucoup plus que la démonstration qu'il existe depuis un an des discussions en vue de conclure une entente cadre qui verrait à réglementer et régulariser le commerce entre Pharmacies Jean Coutu et Dior où certains critères de présentation et d'entourage devront être rencontrés par Pharmacie Jean Coutu en contrepartie de quoi Dior fournirait ses produits. 

[8]    Cette entente là n'est pas complétée.  Elle est en voie de l'être, elle est en train d'être négociée et je comprends des explications factuelles qui m'ont été fournies que cette entente ne sera pas réalisée ou complétée suite à l'échec des négociations entre les parties sur un certain nombre de points qui restent à déterminer.  J'en ai pour preuve l'échange de lettres qui ont été produites notamment les lettres de mars 2006 où on voit clairement notamment dans la lettre du 1er mars 2007 une certaine série de conditions qui sont demandées à Pharmacies Jean Coutu et réponse de la part des avocats de Jean Coutu qui semblent pas vouloir continuer les négociations sur la base proposée par les procureurs de Dior ou de Givency. 

[9]    Donc, je note l'existence de pourparlers, de discussions.  J'ai certainement l'expression d'une intention ferme de part et d'autres de vouloir conclure une entente, mais l'entente n'a pas été finalisée.  Je n'ai pas la citation au bout des doigts, vous pourrez la trouver facilement.  Il y a un décision de la Cour d'appel dans une affaire de Prudential Alarm   vs. Yaffe  qui remonte à quelques année, qui doit remonter à 25 ans environ, mais qui établit le principe suivant:  quand les parties entendent faire un contrat écrit pour gérer leurs relations d'affaires, tant et aussi longtemps que l'entente écrit n'est pas conclue on ne peut pas prétendre qu'il existe une entente et ici, je crois qu'on a les ingrédients pour démonter que les parties sont certainement en pourparlers depuis un an, visent à conclure une entente, mais pour des raisons que j'ignore encore, l'entente n'est pas conclue ou ne se fera pas.  Est-ce que sur la base d'une entente qui n'a pas été négociée jusqu'à sa conclusion, est-ce que j'ai à ce moment là, la base pour accorder une injonction provisoire?   Chose certaine, sur la base de ce que je viens d'énoncer, je ne peux pas conclure à l'existence d'un droit clair. 

[10]            Il existe par contre certaines relations d'affaires qui sont présentes de façon indéniable.  Il y a actuellement du moins jusqu'à mars 2007, fourniture de produits par Dior / Givency et vente de ces produits par Jean Coutu.  Donc, il y a une relation d'affaires quelque part et il y a une entente entre les parties leur permettant de recevoir de la marchandise et de la vendre.  Un point c'est tout. 

[11]            Je dois donc décider s'il y a apparence de droit.

[12]            Le test de l'apparence de droit découle des principes de S.D.B.J.  c. Chef Robert Kanatewat [1975] C.A. 166. ou encore sur ceux de l'affaire  American Cyanamid  c.  Ethicom  [1075] 1 All. E.R. 504. 

[13]            Le test de l'apparence de droit est un test relativement facile à franchir mais je dois conclure que l'apparence de droit en faveur de Pharmacies Jean Coutu n'est pas clair.

[14]            En fait, il est douteux car il est sujet à un tas de points contractuels qui n'ont pas été conclus entre les parties.  En conséquence, même si je ne suis prêt à reconnaître que Jean Coutu rencontre ce second test,  je me répète, le test de l'apparence de droit est rencontré mais certainement pas au niveau qui m'est représenté par Pharmacie Jean Coutu.

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[15]            L'activité de vente des produits Dior et Givency, dans les meilleures des circonstances et selon l'appréciation que j'en faits au stade où j'en suis, est marginal.  Je n'ai aucun détail sur les chiffres de vente et des quelques dernières années tant pour l'un ou l'autre produit.  Je ne peux absolument pas mesurer l'impact de la disparition de ce marché pour Jean Coutu tant en termes de ventes brutes que de profits nets ou alors d'impacts sur son activité commerciale, etc.  Donc, tout ce que j'ai c'est la possibilité de conclure à l'existence d'un préjudice qui résulte du fait qu'on mettrait un terme à une relation d'affaires.  

[16]            Toute terminaison d'affaires causant par définition un certain préjudice, oui il y en a un.  Est-il irréparable?  Est-il sérieux au sens des teste de Ameciran Cyanamid ou de Kanatewat?  Je n'en suis pas convaincu.  Je crois que il appartiendra à Jean Coutu de démontrer le caractère sérieux et irréparable du préjudice que l'entreprise subit comme résultat de la perte alléguée de ces deux ententes avec Dior et Givency.  Pour le moment, je n'ai pas cette preuve. 

BALANCE DES INCONVÉNIENTS

[17]            Je ne pense pas que Jean Coutu satisfait au critère de la balance des inconvénients.  On ne m' a pas représenté que l'inconvénient pour Jean Coutu était plus important que l'inconvénient pour Dior et, Givency.  Il me semble que dans la meilleure des circonstances, les représentations qui m'ont été faites me laissent dans une situation où les inconvénients seront présents de part et d'autres à part égale.  La balance des inconvénients est définie comme suit:  est-il plus problématique pour Dior/Givency que l'on accorde une injonction ou est-il plus problématique pour Pharmacie Jean Coutu qu'on ne lui accorde pas un injonction?   Et ici j'ai une situation neutre.  J'ai une perte d'activité commerciale pour Pharmacie Jean Coutu que je ne peux pas mesurer et je ne connais pas (et on ne m'a pas démontré) l'impact plus négatif pour Jean Coutu qu'il y en aurait contre Dior/Givency si une injonction était accordée. 

[18]            Dans les circonstances je me dois de rejeter la demande d'injonction provisoire mais j'ajouterais que ce dossier là est un dossier qui est relativement simple quant à sa mise en état et il est peut-être un peu tard aujourd'hui pour régler la question d'un échéancier, mais je pense que vous auriez intérêt à revenir jeudi.  J'aimerais que les parties négocient un échéancier pour mettre le dossier en état aux fins d'une audition au stade interlocutoire.  La situation est relativement simple.  Elle pourrait se faire sur la base d'affidavits. C'est une audition qui ne devrait pas être très longue au niveau de l'interlocutoire et elle pourrait se faire rapidement. 

 

[19]            POUR CES MOTIFS,  le Tribunal:

[20]            REJETTE  la requête pour injonction provisoire.

[21]            FRAIS À SUIVRE.

[22]            CONTINUE la requête introductive d'instance Pro Forma, le 3 avril 2007 en Salle 16.12 pour dépôt d'un échéancier.   

 

 

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ROBERT MONGEON, J.C.S.

 

 

Me Jean-Pierre Michaud

BORDEN LADNER GERVAIS

1000, rue de la Gauchetière Ouest

Bureau 900

Montréal (Québec)

H3B 5H4

(514)879-1212

(514)954-1905 FAX

Me David Joanisse

HEENAN BLAIKIE

1250, boul. René-Lévesque Ouest

Bureau 2500

Montréal (Québec)

H3B 4Y1

(514)846-2261

(514)846-3427 FAX

 

Date d’audience :

Demande de transcription:

Le 27 mars 2007

Le 4 mai 2007

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.