Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des)
JP1215 JC2399 JL3645 |
2012 QCTP 127 |
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TRIBUNAL DES PROFESSIONS |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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N° : |
400-07-000009-073 |
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DATE : |
Le 21 septembre 2012 |
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CORAM : |
LES HONORABLES |
LOUISE PROVOST, J.C.Q. PIERRE CODERRE, J.C.Q. RENÉE LEMOINE, J.C.Q. |
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PIERRE MAILLOUX |
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APPELANT-intimé |
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c. |
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MARIO DESCHÊNES, en qualité de syndic adjoint du Collège des médecins du Québec |
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INTIMÉ-plaignant |
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et CHRISTIAN GAUVIN, en qualité de secrétaire du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec MIS EN CAUSE |
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JUGEMENT |
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CONFORMÉMENT AU CODE DES PROFESSIONS, LE TRIBUNAL PRONONCE LES ORDONNANCES SUIVANTES :
· INTERDISANT L'ACCESSIBILITÉ, LA PUBLICATION ET LA DIFFUSION DU NOM DES PATIENTS MENTIONNÉS DANS LES DOCUMENTS DÉPOSÉS EN PREUVE AU SOUTIEN DE L'APPEL AINSI QUE DE TOUTE INFORMATION PERMETTANT DE LES IDENTIFIER.
· INTERDISANT LA PUBLICATION ET LA DIFFUSION DU NOM DES PATIENTS MENTIONNÉS LORS DE L'AUDITION DE L'APPEL ET DE TOUT CE QUI PERMETTRAIT DE LES IDENTIFIER.
· LA MISE SOUS SCELLÉS DE L'ORIGINAL DES DOCUMENTS DÉPOSÉS AU SOUTIEN DE LA REQUÊTE DU 8 MARS 2012 « EN RÉOUVERTURE DES DÉBATS POUR FINS DE PRODUCTION D'UNE PREUVE NOUVELLE »;
· INTERDISANT L'ACCESSIBILITÉ, LA DIFFUSION ET LA DIVULGATION DU NOM DU PATIENT MENTIONNÉ AUX DOCUMENTS DÉPOSÉS AU SOUTIEN DE LA REQUÊTE DU 14 JUIN 2012 « EN RÉOUVERTURE DES DÉBATS AFIN DE PRÉSENTER UNE PREUVE NOUVELLE ».
[1] L'appelant se pourvoit devant le Tribunal des professions à l'encontre des décisions sur culpabilité et sur sanction rendues par le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec les 26 février 2010[1] et 30 mars 2011[2].
[2] Datée du 5 décembre 2006, la plainte disciplinaire portée contre l'appelant par le syndic adjoint du Collège des médecins du Québec (le Collège) comporte 12 chefs d'infraction, énoncés dans les termes suivants, sur lesquels il a été reconnu coupable:
Je, soussigné, Dr Mario Deschênes, médecin, agissant ès qualités de syndic adjoint du Collège des médecins du Québec, sis au numéro 2170, boulevard René-Lévesque ouest, à Montréal, district de Montréal, affirme solennellement et dis :
Que je suis raisonnablement informé, ai raison de croire et crois véritablement que le Dr Pierre Mailloux, un professionnel membre du Collège des médecins du Québec, détenant un certificat de spécialité en psychiatrie, a commis des actes dérogatoires :
1. En émettant intempestivement, à l’endroit de madame S.D., née le […] 1961, une patiente qui le consultait à l'hôpital Comtois de Louiseville, depuis le ou vers le 23 octobre 1997, des ordonnances de Fluanxol, un antipsychotique, à des doses excessives allant jusqu'à 250 mg aux 2 semaines alors que la dose maximale recommandée est de 80 mg aux 3 - 4 semaines et ajoutant depuis le ou vers le 16 mai 2002 des ordonnances de Seroquel, un antipsychotique, à des doses excessives allant jusqu'à 1200 mg par jour alors que la dose maximale recommandée est de 800 mg par jour, ordonnances médicales qu'il continue d'émettre jusqu'à ce jour à des doses excessives, sans aucune justification médicale et contrairement aux données de la science médicale actuelle, malgré le fait que la patiente présentait de nombreux effets secondaires de cette médication, notamment des troubles importants de la concentration, une fatigue, l'absence d'énergie, des signes de dystonie musculaire, de la difficulté à fonctionner alors qu'elle mentionnait régulièrement qu'elle se sentait affaissée, compromettant ainsi l'état de santé de sa patiente, notamment en entraînant un ralentissement psychomoteur et diminuant sérieusement la qualité de vie de la patiente, le tout contrairement aux articles 44 (2.03.15), 47 (2.03.17), 50 (2.03.21), 51 (2.03.36) et 55 (2.03.25) du Code de déontologie des médecins.
2. En
émettant intempestivement à l'endroit de monsieur R.P., né le […] 1958, un
patient qui le consultait à l'hôpital Comtois de Louiseville, entre le 2 mars
2006 et le ou vers le 29 mai 2006, des ordonnances de Trilafon, un
antipsychotique, à des doses excessives allant jusqu'à lui prescrire des doses
six fois supérieures aux doses maximales recommandées, malgré le fait que ce
patient était connu polytoxicomane, alcoolique, manipulateur et qu'il avait
déjà présenté dans le passé une crise convulsive alors qu'il est décrit que les
antipsychotiques peuvent abaisser le seuil convulsif et qu'il présentait des
symptômes évidents de surdosage, tel notamment la somnolence, sans aucune
justification médicale et contrairement aux données de la science médicale
actuelle, compromettant ainsi l'état de santé de son patient, notamment en
masquant les effets secondaires, en entraînant un ralentissement psychomoteur
et diminuant sérieusement la qualité de vie du patient, le tout contrairement
aux articles
3. Au
cours du mois de mai 2006, et notamment le ou vers le 29 mai 2006, à l'hôpital
Comtois de Louiseville, lors de la consultation de monsieur R.P., né le […]
1958, un patient connu polytoxicomane, alcoolique, manipulateur qui manifestait
des symptômes évidents d'une détérioration de sa condition psychiatrique, en
faisant défaut d'élaborer ou de voir à ce que soit élaboré un diagnostic avec
la plus grande attention, notamment en négligeant de faire hospitaliser son
patient ou de veiller à ce qu'il soit pris en charge adéquatement afin de
s'assurer d'une surveillance étroite de sa condition clinique et de sa
dangerosité dans un milieu sécuritaire protégé et omettant intempestivement et
contrairement aux règles de l'art de réviser le traitement prescrit et ainsi
considérer les alternatives thérapeutiques, tel le changement
d'antipsychotiques, se limitant plutôt à renouveler la même médication, soit
Trilafon 96 mg QID, à une dose excessive soit six fois supérieure aux doses
maximales recommandées et malgré le fait que le patient présentait des effets
secondaires de ladite médication, le tout contrairement aux articles
4. Le
ou vers le 12 septembre 2003, alors qu'il était informé par téléphone que
monsieur J.T., né le […] 1975, un patient qui résidait dans un foyer d'accueil
de Louiseville, connu comme porteur d'un diagnostic de schizophrénie paranoïde
résiduelle et qui présentait des idées suicidaires importantes, en négligeant
intempestivement et contrairement aux règles de l'art notamment d'évaluer
adéquatement le risque suicidaire qu'il présentait et de recommander que
celui-ci soit amené à son cabinet ou référé à une salle d'urgence pour qu'on
puisse procéder à une évaluation adéquate de sa condition psychiatrique, alors
qu'il savait que ce patient avait fait une tentative suicidaire sérieuse au
mois de juin 2003 qui avait nécessité une intervention neurochirurgicale, se
limitant plutôt à recommander que soit donnée au patient une augmentation de la
dose de Seroquel, un antipsychotique, sans voir ledit patient, le tout
contrairement aux articles
5. En
recommandant et prescrivant intempestivement à l'endroit de monsieur E.P.G., né
le […] 1984, un patient qui le consultait à l'hôpital Comtois de Louiseville,
entre le 6 septembre 2005 et le 6 juin 2006, la prise concomitante de trois
antipsychotiques à savoir Risperdal, Seroquel et Modecate, dont certains à des
doses excessives et malgré le fait que cette association de trois
antipsychotiques n'a aucune justification médicale et est contraire aux données
de la science médicale actuelle, risquant ainsi de compromettre l'état de santé
de son patient, notamment en masquant les effets secondaires, en entraînant un
ralentissement psychomoteur et diminuant sérieusement la qualité de vie du
patient, alors qu'il reconnaissait lors d'une rencontre du 11 octobre 2006 avec
le syndic qu'il n'existe pas de littérature médicale reconnue supportant cette
pratique, le tout contrairement aux articles
6. Lors
de l'émission radiophonique « Doc Mailloux » diffusée le 2 octobre 2006 sur les
ondes de CKAC 730, en agissant de manière intempestive et contraire aux données
de la science médicale actuelle, en négligeant d'élaborer ses commentaires
diagnostics avec la plus grande attention, omettant de recueillir tous les
renseignements pertinents, émettant des interprétations psychodynamiques sans
nuance, gratuites, exposant le public et principalement l'interlocutrice
prénommée C... à des opinions médicales sans fondement, potentiellement
préjudiciables à sa santé et à son bien-être, et allant jusqu'à lui recommander
de se méfier de ses parents, contrevenant aux articles
7. En émettant publiquement des propos indignes d'un médecin, lors de l'émission radiophonique « Doc Mailloux », diffusée le 2 octobre 2006 sur les ondes de CKAC 730, adoptant à l'égard de l'interlocutrice prénommée C..., du public et de sa profession, une attitude répréhensible et inacceptable et négligeant de conserver une conduite irréprochable, allant jusqu'à évoquer le recours à la violence.
« … ce père aimant-là, ça lui a pas tenté d'y maudire une claque sur la gueule? »
« Une … une gonzesse qui dit ça à une jeune, à une adolescente, c'est une claque sur la gueule instantanément, parce que c'est un crime contre la personne. »,
contrevenant ainsi aux articles
8. Lors
de l'émission radiophonique « Doc Mailloux » diffusée le 8 juin 2006 sur les
ondes de CKAC 730, en agissant de manière intempestive et contraire aux données
de la science médicale actuelle, en négligeant d'élaborer ses commentaires
diagnostics avec la plus grande attention, omettant de recueillir tous les
renseignements pertinents, émettant des interprétations psychodynamiques sans
nuance, gratuites, exposant le public et principalement l'interlocutrice
prénommée Isabelle, qui rapportait avoir été victime d'attouchements de son
grand-père, à des opinions médicales sans fondement, potentiellement
préjudiciables à sa santé et à son bien-être, et allant jusqu'à lui recommander
de se méfier « de ce coeur vide et froid qu'est votre mère », alors que son
interlocutrice n'avait pas exprimé de problème relationnel avec sa mère,
contrevenant aux articles
9. En
émettant publiquement des propos indignes d'un médecin, utilisant des termes
irrespectueux et abusifs, lors de l'émission radiophonique « Doc Mailloux
», diffusée le 8 juin 2006 sur les ondes de CKAC 730, adoptant une attitude
répréhensible et inacceptable à l'égard de l'interlocutrice prénommée Isabelle,
du public et de sa profession, négligeant de conserver une conduite
irréprochable, notamment lorsqu'il décrit les grands-parents de ladite
interlocutrice, utilisant entre autres les termes « vieille truie », « vieux
cochon » et « vermine », contrevenant ainsi aux articles
10. En
faisant défaut de constituer, tenir, détenir et maintenir un dossier médical
pour monsieur M.P., une personne qui l'a consulté à son cabinet de
Trois-Rivières, négligeant notamment de conserver la liste de documents ainsi
que les documents ou copies des documents pertinents ayant permis la rédaction
de(s) rapport(s) d'expertise concernant ce patient, allant jusqu'à maintenir un
tel défaut durant l'enquête du syndic concernant ce patient, malgré les
demandes de corriger la situation et les demandes répétées d'accès au dossier
des docteurs Jacques Deblois et Mario Deschênes agissant ès qualités de
syndics adjoints, et ce depuis le 9 mai 2006, le tout contrairement au Règlement
sur la tenue des dossiers des cabinets ou bureaux de médecins ainsi que des
autres effets, commettant en outre une entrave à l'enquête du syndic,
contrairement à l'article
11. Le ou
vers le 11 mai 2006, sur les ondes des stations CHLT-AM et CHLN-AM, en
véhiculant le message que les jeunes femmes atteintes de mongolisme, n'ont pas
la même valeur qu'une belle jeune femme universitaire et qu'il y a un problème
à valoriser les personnes atteintes de mongolisme en faisant croire qu'elles
auraient la même valeur, allant jusqu'à préciser qu'il en aurait « de ça » dans
son bureau, à propos de certains de ses patients, le tout portant atteinte
collectivement à la dignité des personnes atteintes de trisomie 21 ainsi qu'à
l’honneur et à la dignité de sa profession, contrairement aux articles
12. Les ou
vers les 1er et 2 mai 2006, sur les ondes de la station CHLT-AM
(et/ou CKRS-AM, amendé le 2 novembre 2009), en dénigrant, tant sur le plan
personnel que professionnel, un membre d'un autre ordre professionnel, à savoir
une psychologue agissant comme témoin expert dans une instance familiale dans
laquelle il agissait lui-même à ce titre pour la partie opposée, notamment en
disant qu'elle devait aller se « rhabiller », la traitant de «
gonzesse », et indiquant qu'elle devrait acquérir le diplôme puis « glousser »,
tenant des propos méprisants tant envers cette professionnelle qu'envers sa
profession, contrevenant aux articles
[…]
(Reproduction intégrale)
[3] À la suite des déclarations de culpabilité sur chacun des chefs, le Conseil impose à l'appelant plusieurs sanctions dont des périodes de radiation, une limitation ainsi que des amendes, sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement.
[4] Un bref historique sur le cheminement de ce dossier paraît utile d'abord pour mieux comprendre le long délai de presque trois années entre la date du dépôt de la plainte et l'audition au fond mais aussi en raison de certains arguments présentés par l'appelant relatifs à l'appel sur la sanction.
CHRONOLOGIE DE LA PLAINTE DISCIPLINAIRE
[5] La plainte disciplinaire comprend trois catégories d'infraction.
[6] Les cinq premiers chefs reprochent à l'appelant l'émission intempestive de hautes doses ou de mégadoses d'antipsychotiques souvent combinées à l'endroit de quatre patients ou une mauvaise évaluation de leur état de santé.
[7] Le chef 10 concerne le défaut de détenir un dossier médical pour son patient alors que les autres chefs lui reprochent des commentaires indignes tenus lors d'émissions radiophoniques.
[8] Se greffe à cette plainte, déposée le 5 décembre 2006, une requête en radiation provisoire immédiate signée par l'intimé.
[9] Radié provisoirement par le Comité de discipline[3] (le Comité) le 23 janvier 2007, le Tribunal des professions (le Tribunal) ordonne la suspension de l'exécution de cette décision le 4 avril suivant[4].
[10] Puis, le 30 avril 2007, la Cour supérieure du Québec[5] rejette la requête de l'intimé qui cherche à obtenir une ordonnance de sursis du jugement du Tribunal.
[11] Statuant sur l'appel au fond de la décision qui ordonne la radiation provisoire de l'appelant, le Tribunal infirme, par jugement du 18 janvier 2008[6], la décision du Comité et rejette la demande de radiation provisoire estimant que :
[…] le Comité ne dispose d'aucun élément, même en marge d'un fardeau de présentation, qui puisse étayer raisonnablement une situation d'urgence à laquelle il convient de parer en ordonnant la radiation provisoire immédiate de l'appelant.
[12] L'appelant dépose par la suite de nombreuses requêtes, qui représentent toutefois peu d'intérêt aux fins de cet appel et qui n'ont connu aucun accueil favorable de la part du Comité[7].
[13] Le Comité, devenu Conseil de discipline, se réunit les 6 octobre, 2, 3, 4, 5, 9, 10, 11 et 26 novembre 2009 pour procéder à l'instruction de la plainte disciplinaire déposée par le syndic adjoint.
[14] Déclaré coupable le 26 février 2010 sur les 12 chefs d'infraction visant l'une ou l'autre des dispositions du Code de déontologie des médecins[8] (le Code de déontologie) ou du Code des professions[9] (le Code), le Conseil procède à l'audition sur sanction les 12, 13, 14 et 18 octobre 2010.
[15] Lors de la preuve sur sanction, l'intimé-plaignant soumet les pièces SP-1 à SP-5 constituées, entre autres, des antécédents disciplinaires de l'appelant, des lettres d'avertissements et des recommandations émises par le Comité de l'inspection professionnelle (CIP)[10].
[16] Pour sa part, l'appelant dépose une volumineuse preuve documentaire sous les cotes SI-1 à SI-132, rend témoignage et fait entendre de nombreux témoins[11] notamment six médecins qui occupent diverses fonctions dont celles de syndic, syndic adjoint et secrétaire du Collège, ainsi que le propriétaire d'une résidence d'accueil à Louiseville où logent neuf patients souffrant de schizophrénie dont la patiente visée au chef 1 de la plainte.
[17] L'appelant verse également au dossier aux fins de la décision sur sanction la transcription de notes sténographiques de la preuve sur sanction qu'il a présentée devant une autre division du Conseil qui contiennent notamment son témoignage rendu en 2010.
[18] Les recommandations des parties quant aux sanctions à être imposées sont diamétralement opposées, l'appelant, invitant le Conseil à innover, propose[12] de ne lui imposer aucune sanction relativement aux chefs 1, 2, 3, 4, 5, et 10[13] et la sanction la moins sévère en ce qui concerne les chefs 6, 7, 8, 9, 11 et 12[14].
[19] Pour sa part, l'intimé réclame des périodes de radiation accompagnées d'une limitation ainsi que des amendes substantielles.
[20] Enfin, à la demande de l'appelant, le Conseil convoque de nouveau les parties le 9 février 2011 pour procéder à l'audition d'une requête en réouverture des débats qu'il rejette le 16 mars 2011[15].
[21] Dans une décision motivée, le Conseil se prononce comme suit, le 30 mars 2011, en regard des sanctions retenues :
Pour ces motifs, le Conseil :
- Sous le chef 1, IMPOSE à l'intimé une radiation d'une période de deux (2) années;
- Sous le chef 2, IMPOSE à l'intimé une radiation d'une période de deux (2) années;
- Sous le chef 3, IMPOSE à l'intimé une radiation d'une période de deux (2) années;
- Sous le chef 4, IMPOSE à l'intimé une radiation d'une période de deux (2) années;
- Sous le chef 5, IMPOSE à l'intimé une radiation d'une période de deux (2) années;
-
- ORDONNE que toutes ces périodes de radiation soient purgées concurremment;
-
- Sous le chef 6, IMPOSE à l'intimé une amende de 5 000 $;
- Sous le chef 7, IMPOSE à l'intimé une amende de 5 000 $;
- Sous le chef 8, IMPOSE à l'intimé une amende de 5 000 $;
- Sous le chef 9, IMPOSE à l'intimé une amende de 5 000 $;
- Sous le chef 10, IMPOSE à l'intimé une amende de 3 000 $;
- Sous le chef 11, IMPOSE à l'intimé une amende de 5 000 $;
- Sous le chef 12, IMPOSE à l'intimé une amende de 5 000 $;
- ÉMET une ordonnance interdisant à l'intimé de dépasser, dans ses prescriptions de neuroleptiques typiques et atypiques, les doses maximales recommandées par les fabricants telles qu'approuvées par Santé Canada et répertoriées par le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques (CPS) et de prescrire de façon concomitante plusieurs neuroleptiques à la fois chez un même patient;
- DÉCLARE que la limitation imposée à l'intimé, au paragraphe précédent, demeurera valide tant et aussi longtemps que le Collège des médecins ne recommandera pas le recours à la prescription de mégadoses de neuroleptiques typiques et atypiques aux adultes dans le traitement de la schizophrénie;
- ORDONNE au secrétaire du Conseil de discipline de faire publier, aux frais de l'intimé, dans un journal circulant dans la localité où ce dernier avait son domicile professionnel, un avis des sanctions imposées à l'intimé;
- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel, dès sa signification à l’intimé.
[…]
[22] Avant d'examiner la requête en appel et les mémoires respectifs des parties, le Tribunal souligne que l'appelant a présenté dans le cadre de son appel deux requêtes en réouverture des débats afin de produire une preuve nouvelle, l'une au début de l'audition de l'appel et la seconde le 14 juin 2012 au moment du délibéré.
[23] La première présentée le 19 mars 2012 a été rejetée séance tenante, motifs à suivre, alors que la seconde a été mise en délibéré. Elle ne sera pas accueillie pour les raisons qui suivent.
LES REQUÊTES EN RÉOUVERTURE DES DÉBATS POUR PRODUCTION D'UNE PREUVE NOUVELLE
[24] La première requête comprend 5 lettres postérieures au 4 juillet 2011 ainsi qu'un cahier contenant 62 onglets visant des patients de l'appelant autres que ceux mentionnés aux chefs 1 à 5 de la plainte disciplinaire.
[25] L'article 169 , alinéa 1, du Code des professions qui régit la demande de présenter une preuve nouvelle indispensable prévoit :
169. Le tribunal peut aussi, en raison de circonstances exceptionnelles et lorsque les fins de la justice le requièrent, autoriser la présentation d'une preuve nouvelle indispensable, documentaire ou verbale.
[…]
[26] Une jurisprudence[16] constante de l'ensemble des tribunaux établit les conditions nécessaires à l'admissibilité d'une preuve nouvelle que l'on peut circonscrire comme suit :
· elle doit être nouvelle;
· elle doit être indispensable;
· l'on doit être en présence de circonstances exceptionnelles;
· les fins de la justice requièrent l'introduction de cette preuve.
[27] Le Tribunal doit également être prudent lorsqu'il s'agit de décider d'admettre une preuve dont ne disposait pas le premier décideur. Autrement, l'on altérerait le caractère de l'appel qui consiste à faire le procès de la décision au regard de la preuve, telle qu'elle a été présentée au premier décideur.
[28] Le Tribunal a maintes fois rappelé qu'une preuve nouvelle ne sera autorisée que si l'appelant démontre, de façon prépondérante, que les éléments qu'il souhaite produire satisfont à ces conditions.
[29] Par l'introduction de cette nouvelle preuve, l'appelant prétend dans sa requête qu'il est en mesure de démontrer que les chefs 1 à 5, lui reprochant d'avoir contrevenu aux données de la science médicale actuelle, « concernent un débat scientifique à être géré par le Collège des médecins et non une faute disciplinaire à être jugée par le Conseil de discipline ».
[30] Or, ce qui est reproché à l'appelant dans les chefs 1 à 5 a fait l'objet d'une preuve constituée de plusieurs expertises présentées au Conseil par les parties. Les experts ont reconnu que le recours à des mégadoses pouvait être utilisé de nos jours, mais de façon exceptionnelle et dans un processus bien encadré[17].
[31] Ces documents que l'appelant souhaite introduire à titre de preuve nouvelle sont des rapports de consultation psychiatrique, signés par différents psychiatres, à la suite de demandes émises par divers médecins-requérants à l'égard de patients suivis par l'appelant.
[32] Si, comme l'estime l'appelant, les chefs 1 à 5 ne sont qu'une illustration de l'existence de deux écoles de pensée au sein de la confrérie médicale quant à l'usage de mégadoses, en quoi ces rapports psychiatriques, eurent-ils été connus en temps utile, auraient-ils pu justifier une décision différente.
[33] En l'espèce, et bien qu'elle soit nouvelle, cette preuve ne rencontre pas certains des critères exigés, notamment son caractère indispensable. Il y a ici non seulement absence totale de pertinence en lien avec les cinq premiers chefs de la plainte disciplinaire, mais de plus, cette preuve ne saurait aucunement influer sur la décision du Conseil par laquelle l'appelant a été déclaré coupable ou même sur celle lui imposant les sanctions précitées.
[34] Pour ces raisons, le Tribunal n'a pas accueilli le 19 mars 2012 la requête en réouverture des débats présentée par l'appelant, celle-ci n'ayant pas rencontré la finalité de l'article 169 du Code.
[35] Plus concise, la seconde requête de juin dernier, de même nature, connaîtra le même sort, et ce, pour des raisons identiques.
[36] Dans ce cas, il s'agit d'un seul rapport d'évaluation psychiatrique du 5 décembre 2011 concernant un seul patient de l'appelant. À l'annexe 3, le psychiatre Pelletier mentionne que l'ordonnance émise par ce dernier peut être maintenue puisque ce dosage est dans les normes habituelles.
[37] Or, l'appelant faisant l'objet d'une ordonnance de limitation émise par le Conseil dans sa décision sur sanction en regard des chefs 1 à 5 ne peut signer l'ordonnance recommandée par le psychiatre, ce qu'il considère être une injustice.
[38] Sensibilisé par l'appelant, le syndic du Collège lui répond qu'il constate que le Dr Pelletier, ne faisant l'objet d'aucune limitation d'exercice, pourrait alors procéder à l'émission des ordonnances médicamenteuses requises[18].
[39] Selon l'appelant, cette situation qu'il qualifie d'absurde démontre qu'il est un médecin compétent et une victime de discrimination gratuite de la part du syndic.
[40] De plus, par lettre datée du 30 janvier 2012[19], le président du Collège des médecins du Québec, à la suite d'une demande de rencontre de l'appelant concernant la prescription de façon concomitante de plus d'un neuroleptique à la fois chez un même patient, répond laconiquement ne pouvoir donner suite à cette demande, le dossier étant actuellement sous étude par le Tribunal.
[41] Encore ici, cet échange de correspondance ne peut constituer une preuve nouvelle au sens de la jurisprudence relative aux conditions d'admissibilité préalablement énoncées, notamment en raison de son absence de pertinence et de l'impossibilité qu'elle puisse influer sur le résultat.
[42] Conséquemment, la seconde requête en réouverture des débats est également rejetée.
LA REQUÊTE EN APPEL
Appel relatif à la culpabilité
[43] Dans sa requête en appel, l'appelant écrit que le Conseil a erré en faits et en droit dans cette décision. Sur plusieurs paragraphes, il précise d'abord « que le Conseil a erré en manquant totalement de rigueur quant à la supposée expertise des confrères psychiatres déclarés experts par le Conseil »[20].
[44] Relatifs aux chefs 1 à 5, en voici quelques extraits :
[…]
15. Mailloux prétend que l'analyse sur dossier est un jeu à très haut risque d'erreur en psychiatrie, et devrait amener tout Tribunal à une extrême prudence face à ces psychiatres qui, à la lecture d'un dossier psychiatrique manuscrit, accepte de pourfendre un confrère. […][21]
[…]
17. Mailloux prétend que les 3 psychiatres qui ont examiné les dossiers manuscrits de ses patients ne peuvent absolument pas contredire son diagnostic, et ne pourraient se prononcer sur le traitement que s'il y avait une interdiction stricte d'utiliser un produit pharmaceutique dans la pathologie invoquée par Mailloux, un interdit connu et déposé en preuve de ne pas excéder une dose donnée d'un produit pharmaceutique, ce qui n'est aucunement le cas ici.[22]
18. […] Le Conseil a erré gravement en octroyant une valeur probante aux supposées expertises des 3 psychiatres du syndic adjoint qui n'ont jamais fait aucune démarche clinique respectable et valable, qu'elle soit auprès des patients concernés, dont 2 étaient tout à fait accessibles parce que demeurant à Louiseville, (Chef 1 et 5), et dont le patient au Chef 5, M. E.P.G. toujours suivi et traité activement, avec succès, par Mailloux, et à des doses élevées d'antipsychotiques (ou neuroleptiques) pour schizophrénie réfractaire ( c'est-à-dire ne répondant pas aux doses usuelles d'anti-psychotiques).[23]
[…]
21.Le Conseil a erré sérieusement en reprochant à Mailloux de ne pas utiliser la Clozapine, produit reconnu dangereux par le psychiatre Morrissette qui a écrit, dans son rapport (I-2 p.4) que la Clozapine pouvait provoquer de l'«Agranulocytose» […][24]
[…]
25. Le Conseil a erré en négligeant de considérer que le psychiatre Beauséjour ([79] de la Décision sur culpabilité) a témoigné à l'effet que l'augmentation des doses était définitivement une approche respectable, ainsi que la combinaison de plusieurs antipsychotiques (polypharmacie).[25]
[…]
31. Le Conseil a erré en traitant de façon cavalière et méprisante le jugement clinique de Mailloux, qui n'a absolument pas été contredit par aucun psychiatre, aucun d'eux n'ayant dûment expertisé, selon les règles de l'art, les 4 patients concernés dans les Chefs 1 à 5 de la plainte.[26]
[…]
(Reproduction intégrale)
[45] De plus, il affirme à de nombreuses reprises que le Conseil ne détient aucune preuve claire et convaincante pour établir sa culpabilité, que les experts de l'intimé n'ont jamais rencontré les quatre patients et que certains experts n'ont aucune expérience dans le traitement de la schizophrénie réfractaire à long terme.
[46] Il précise que le Conseil a démontré son incapacité à comprendre un dossier psychiatrique, plus spécifiquement le cas du patient J.T., mentionné au quatrième chef. « Le document P-15 est pourtant très clair pour qui sait lire un dossier psychiatrique, évidemment »[27], ajoute l'appelant.
[47] Et plus loin :
52. C'est donc
dans la plus grande confusion que le Conseil s'est permis de déclarer Mailloux
coupable de deux infractions à l'article
[…]
54. En manquant de rigueur scientifique, les 3 psychiatres mandatés par le syndic adjoint ont été incapable de démêler le Conseil sur la preuve loufoque de ce dernier et l'ont entretenu dans une confusion dont il a été incapable de s'extirper, et ce aussi malgré la mise en garde très claire des Tribunaux supérieurs lors de l'appel sur la radiation provisoire dans la même cause, il y a 4 ans. Donc confusion dans les faits et manque de rigueur dans l'application du droit.[29]
(Reproduction intégrale)
[48] L'appelant invite le Tribunal à se pencher sur certains témoignages dont ceux des psychiatres Morrissette[30] et Beauséjour[31] ainsi que de MM. Louis Lebeau[32] et Alain Houde[33], psycho-éducateur, sur lesquels il semble s'appuyer aux fins de justifier ses conclusions tant en regard de la culpabilité que de la sanction.
[49] Sur les chefs 6 à 9 inclusivement, concernant les commentaires indignes sur les ondes radiophoniques, l'appelant réfère principalement au témoignage du psychiatre Michel Brochu, expert de l'intimé, à l'égard duquel il estime que le Conseil aurait pu être plus circonspect en raison de son absence totale d'expérience radiophonique[34].
[50] Quant au chef 10, soit d'avoir fait défaut de détenir un dossier médical commettant en outre une entrave au syndic, il allègue que « l'attitude du syndic était davantage tatillonne que sérieuse tant qu'à (sic) ce chef, pour ne pas dire le reflet d'un manque de jugement important de sa part »[35].
[51] Il affirme d'ailleurs que ce dossier appartient au patient et non au médecin ou au Collège.
[52] Relativement au chef 11 lui reprochant d'avoir véhiculé un message indigne à l'endroit des jeunes femmes atteintes de mongolisme, il écrit[36] :
71. Le Conseil joue à la vierge offensée à [279] et [280] de sa Décision sur culpabilité : tout citoyen avec un minimum de jugement reconnaîtra effectivement qu'une personne atteinte de mongolisme devient nécessairement un citoyen de deuxième classe, une personne de moindre valeur parce que lourdement handicapée sur le plan mental et atteinte à différent degré selon le cas, d'une déficience intellectuelle variant de légère à sévère.
72. Le conseil a erré en adoptant de son cru, sans aucune confirmation par un expert dans la matière, que les personnes atteintes de mongolisme étaient des personnes de qualité égales aux autres, ce qui devient plutôt une farce qu'une position sérieuse, ce qui ne veut pas dire cependant que ces personnes ne méritent pas un encadrement social et des traitements emprunts de dignité, ce que Mailloux a toujours fait envers ses individus, allant même jusqu'à prodiguer à R.D. une expertise psychiatrique extensive quasi gratuitement, lui et sa vieille mère n'ayant pas les moyens de payer les honoraires réguliers (sera déposé en preuve nouvelle).
(Reproduction intégrale)
[53] Quant au chef 12, qui lui fait grief d'avoir dénigré sur les ondes radiophoniques un membre d'un autre ordre professionnel, l'appelant affirme n'avoir aucun problème avec les psychologues. Il soutient que l'attitude rusée et la motivation malveillante de l'intimé auraient par ailleurs incité le Conseil à le déclarer coupable sur ce chef[37].
[54] Le Tribunal retrouve essentiellement dans le mémoire de l'appelant les mêmes arguments et commentaires dont un retour sur les jugements antérieurs, rendus tant par le Tribunal que par la Cour supérieure, qui lui ont été favorables ainsi que l'expression d'un profond mépris à l'égard de l'intimé.
[55] Afin de mieux saisir le propos de l'appelant, quelques paragraphes additionnels méritent d'être ici reproduits :
B. COMPÉTENCES DE L'APPELANT
[…]
14. a) Mailloux prétend qu'il est une sommité au Canada en matière de traitement des personnes sévèrement atteintes de schizophrénie, en matière d'utilisation de mégadoses d'antipsychotiques pour les traiter, et aussi d'utilisation de combinaisons d'antipsychotiques à différents dosages toujours à cette fin.
[…]
47. Mailloux est un grand psychiatre, un scientifique avant-gardiste et a été, à date, cruellement puni pour des manquements qu'il n'a pas commis, et suffisamment châtié pour des manquements minimes pour ses emportements à la radio.
Il demeure un fleuron de sa profession et continuera de l'être, dusse-t-il conserver la santé, autant dans sa pratique professionnelle que lors de ses interventions.
LA PREUVE ET LE DROIT
CHEF 1 À 5
[…]
37. Mailloux est très familier depuis 32 ans, avec cette approche et l'applique lorsqu'il la juge indiquée. Il utilise son jugement clinique et obtient des résultats probants, appréciés par les patients, leurs proches, leur médecin de famille, leur intervenants.
CHEFS 6 à 9, 11 et 12
43. […]
Le Conseil s'est permis de son crû, sans se baser sur la preuve, de se créer une définition-maison de «commentaire diagnostique», démontrant ainsi clairement sa complaisance envers le Syndic-adjoint, son manque de rigueur scientifique et juridique.
[…]
44. De août 1995 à avril 2007, donc près de 12 ans, Mailloux a animé une quotidienne à la radio de trois heures par après-midi, cinq jours par semaine. Ses conseils, commentaires, opinions, prises de position, n'étaient pas parfaits, parfois crus, mais avaient le mérite d'être clairs, accessibles au public, recherchés, appréciés et incitatifs à la réflexion, n'en déplaise aux «bien-pensants outremontais» ou à cette petite élite québécoise hermétique et despotique.
(Reproduction intégrale)
APPEL RELATIF À LA DÉCISION SUR SANCTION
[56] S'appuyant sur certaines erreurs factuelles commises par le Conseil, l'appelant nous incite d'abord à nous interroger sur l'absence de rigueur déployée par le Conseil et sur la partialité dont aurait fait preuve ce dernier, en l'espèce, à l'avantage du syndic.
[57] Comme le souligne l'intimé dans son mémoire, l'appelant ne propose cependant aucun argument soutenant que les sanctions comportent des erreurs manifestes et dominantes.
[58] Sans autre motif, il requiert tout simplement leur annulation, en réitérant qu'il a toujours joui d'une bonne réputation[38], que son assiduité à des congrès scientifiques et à des formations médicales continues n'est pas contestée[39] et qu'aucun tort ou préjudice n'a été causé à l'un ou à l'autre de ses patients[40].
[59] Il revient par ailleurs sur deux témoignages, ceux de MM. Louis Lebeau et Alain Houde insistant sur le fait qu'ils n'ont pas été contre-interrogés[41]. Il a cependant omis d'inclure dans son mémoire la transcription de leur témoignage respectif.
[60] Enfin, au moment de l'audition, l'appelant insiste sur l'attitude revancharde de l'intimé à l'égard duquel il écrit dans son mémoire :
17. Le Syndic adjoint a cumulé, depuis 1999, au-delà de 75 jours d'audition devant les six Conseils différents contre Mailloux, et ce n'est pas terminé.
Il a englouti des sommes faramineuses et a coûté une petite fortune à Mailloux, qui fort heureusement se défend lui-même, sinon il serait ruiné financièrement depuis belle lurette.
(Reproduction intégrale)
LES QUESTIONS EN LITIGE ET LES MOYENS D'APPEL
[61] Il faut d'abord souligner que les questions en litige identifiées dans le mémoire de l'appelant sont formulées dans des termes très généraux.
[62] Bien que l'appelant écrive :
23. Mailloux entend démontrer par ses éléments de preuve que les deux décisions du Conseil ne sont pas fondées sur une preuve claire, convaincante et prépondérante mais sur des allégations farfelues, non prouvées, une émotivité mal contrôlée, une compétence juridique douteuse et une ignorance inacceptable voir un mépris de la preuve de Mailloux.
24. Mailloux laisse à l'appréciation du Tribunal les propos et commentaires à la radio, autant quant à sa culpabilité qu'à la gravité objective devant être sanctionnée s'il y a lieu.
il ne produit aucun élément de preuve documentaire ou testimoniale au soutien des reproches qu'il adresse au Conseil.
[63] En réponse aux commentaires de l'appelant, l'intimé énonce divers moyens que nous aborderons lors de l'analyse.
[64] Conséquemment, le Tribunal formule comme suit les questions en litige :
· Dans la décision sur la culpabilité, le Conseil a-t-il erré dans l'appréciation de la preuve?
· Dans la détermination des sanctions imposées à l'appelant, le Conseil a-t-il commis des erreurs manifestes et dominantes?
LA FONCTION D'APPEL DU TRIBUNAL
[65] Tant à l'égard de la décision sur culpabilité qu'à l'égard de celle sur sanction, les questions en litige retenues par le Tribunal sont des questions mixtes de faits et de droit.
[66] En 2011, la Cour d'appel déterminait la fonction d'appel du Tribunal en ces termes dans l'arrêt Parizeau c. Barreau du Québec[42] :
[76] Le législateur confie ici au Tribunal des professions,
tribunal administratif spécialisé54,
une fonction d’appel des décisions disciplinaires et des décisions d’admission
ou de réadmission des comités des ordres professionnels, selon des modalités
propres à l’appel. Peut-on, en l’absence d’une indication législative précise,
transformer cet appel en quasi-révision judiciaire? Le législateur n’a pas
restreint la fonction d’appel dévolue au Tribunal des professions et, tant en
matière disciplinaire qu’en matière d’inscription et de réinscription, il a
conféré à celui-ci le pouvoir d’intervention le plus vaste qui soit, à savoir
celui de « confirmer, modifier ou infirmer toute décision qui lui est soumise
et rendre la décision qui, à son jugement, aurait dû être rendue en premier
lieu » (articles
[…]
[81] La Cour suprême et notre cour ont rappelé sans cesse l’enseignement suivant : l’instance d’appel peut en principe corriger toute erreur de droit entachant la décision dont appel ou toute erreur manifeste et dominante dans la détermination des faits ou dans l’application du droit (s’il a été correctement déterminé) aux faits57. Cette norme vaut tout aussi bien pour les appels formés auprès de tribunaux administratifs et la norme d’intervention développée en matière d’appel judiciaire est certainement transposable à l’appel quasi judiciaire, avec les réserves et les adaptations qu’imposent la loi particulière de chaque espèce ainsi que les règles générales du droit administratif.
(Références omises)
[67] Exerçant une fonction et une compétence d'appel, le Tribunal interviendra en l'espèce uniquement en cas d'erreur manifeste ou dominante concernant les questions de fait ou les questions mixtes de faits et de droit, si le droit a été correctement déterminé.
[68] En matière de sanction, le rôle d'un tribunal d'appel n'est pas de substituer son choix à celui du premier décideur en l'occurrence le Conseil. Ainsi notre intervention ne peut se justifier qu'en cas d'erreur manifeste et dominante[43].
[69] L'erreur manifeste et dominante est ainsi définie dans l'arrêt Parizeau, précité :
[91] […] L’erreur manifeste et dominante est l’erreur qui, étant telle indiscutablement ─ il ne s’agit donc pas d’une divergence de vues sur l’appréciation de la preuve ─, détermine l’issue du litige en ce que la conclusion du décideur des faits, c’est-à-dire le dispositif de sa décision, ne peut tenir, rendant ipso facto cette décision déraisonnable68.
(Référence omise)
L'ANALYSE
L'appel sur la culpabilité
[70] L'appelant requiert la cassation des verdicts de culpabilité sur les 12 chefs d'infraction et invite le Tribunal à évaluer la décision du Conseil rendue à la suite de neuf jours d'audition.
[71] Tel que l'indique le Conseil dans sa décision sur culpabilité du 26 février 2010 :
[4] Au soutien de sa preuve, le plaignant a rendu témoignage, a fait entendre les Drs David Bloom, Pierre André Michel Beauséjour et Michel Brochu, reconnus experts par le Conseil et a déposé, sous les cotes P-1 à P-38, une preuve documentaire;
[5] En défense, l'intimé a rendu témoignage et fait entendre les Drs Brian Bexton, Pierre Assalian, Yves Robert, ainsi que le Dr Louis Morissette qui a été reconnu expert par le Conseil et il a déposé, sous les cotes I-1 à I-30, une preuve documentaire;
[72] Les arguments des parties ont par la suite été soumis le 26 novembre 2009.
[73] Sur les chefs 1 à 5, les trois rapports d'expertise sont les éléments constitutifs essentiels de la preuve sur ces chefs, dont celui du Dr Louis Morissette qui a témoigné pour l'appelant.
· La partialité des experts
[74] Bien que l'appelant déplore la partialité des experts en faveur de la thèse de l'intimé, il faut rappeler que le Tribunal ne dispose d'aucune transcription de leurs témoignages.
[75] Voici en quels termes le Conseil réagit quant à cette allégation dénoncée par l'appelant :
[16] Qui plus est la qualité d'expert du Dr Bloom a été admise par l'intimé et celle du Dr Morissette, reconnue par le plaignant, a été prononcée par le Conseil à la demande de l'intimé;
[…]
[19] En raison de cette partialité, invoquée par l'intimé, celui-ci suggère que la crédibilité des experts est très gravement affectée;
[20] L'allégation de partialité soulevée par l'intimé trouve son fondement sur un extrait du témoignage du Dr Morissette qui a déclaré avoir participé, à la fin du mois d'octobre 2009, à une rencontre que l'intimé qualifie de « réunion des experts »;
[21] Aucune question n'a été adressée au Dr Morissette sur le contenu de cette rencontre, ses objectifs, les buts recherchés et les propos alors échangés;
[22] Une simple allégation de partialité ne constitue pas une preuve de partialité, encore faut-il que cette allégation soit soutenue par des faits;
[23] Aucun fait n'a été mis en preuve pour justifier un tel jugement, de la part de l'intimé, à l'endroit de la partialité des experts;
[24] Une rencontre d'une partie avec son procureur et ses témoins, incluant les experts le cas échéant, en vue de la préparation d'une audition ne constitue pas un motif suffisant pour remettre en question l'impartialité des témoins experts qui, par surcroit, avaient déjà rédigé leurs expertises;
(Reproduction intégrale)
[76] Le Conseil a également constaté qu'il n'existe aucune forme de collusion entre ces derniers.
· La valeur probante des rapports d'expertise et la présence de deux écoles de pensée
[77] Le Conseil estime d'abord que le mandat confié aux experts ne justifiait pas qu'ils soient tenus de rencontrer les quatre patients[44] pour ensuite résumer ce qu'il retient de leurs témoignages :
[43] Les experts ont reconnu l'existence du recours, dans certains cas, à des doses de médicaments supérieures au dosage maximum prescrit;
[44] Les experts ont reconnu que le recours à des fortes doses, ou mégadoses, a été utilisé au cours des années 1960 et 1970;
[45] Les experts ont reconnu que le recours à des mégadoses peut être utilisé de nos jours, mais de façon exceptionnelle, notamment en période de crise aiguë, dans un processus bien encadré et limité dans le temps;
[…]
[49] L'intimé a tenté d'amener le Conseil à considérer qu'il y aurait actuellement deux (2) écoles de pensée dans le traitement de la schizophrénie réfractaire;
[…]
[62] L'intimé n'a fait entendre aucun témoin, reconnu expert par le Conseil, pour démontrer l'existence d'une seconde école de pensée recommandant l'utilisation d'antipsychotiques à haut dosage pour le traitement de la schizophrénie réfractaire;
[63] Les données de la science médicale actuelle en matière de traitement de la schizophrénie réfractaire ont été présentées par trois (3) experts et le Conseil doit s'en tenir à cette preuve et non au témoignage de l'intimé et aux documents qu'il a produits émanant de tiers, non reconnus experts, ou de firmes pharmaceutiques;
[…]
[72] Le Conseil juge, en fonction de la preuve qui lui a été présentée, qu'il n'est pas en présence de deux (2) écoles de pensée appuyées par les autorités médicales reconnus.
[73] La preuve des données de la science médicale actuelle a été établie par le plaignant;
(Soulignements ajoutés)
[78] Le Conseil conclut :
[86] Le Conseil constate donc qu'en date du 7 décembre 2007, l'intimé ne possédait aucune étude scientifique le justifiant d'avoir recours à l'utilisation de mégadoses d'antipsychotiques;
[…]
[93] L'expert Morissette, témoin entendu à la demande de l'intimé, reconnaît dans son expertise qu'il y a eu, pendant les années 1960 et 1970, des articles parus dans la littérature scientifique psychiatrique décrivant l'utilisation des antipsychotiques de première génération à très hauts dosages;
[94] Cette pratique n'est cependant plus recommandée depuis les années 1990, les antipsychotiques à hautes doses étant remplacés par l'utilisation de la Clozapine qui serait, selon la littérature scientifique, le meilleur antipsychotique actuellement disponible;
[95] L'intimé n'a jamais eu recours à la Clozapine pour traiter ses patients et déclare qu'il ne l'utilisera jamais car il juge ce médicament :
§ dangereux,
§ pas adapté à l'utilisation en milieu rural où les prises de sang régulières et fréquentes sont difficilement réalisables, voire même impossibles pour plusieurs patients,
§ trop onéreux;
[79] C'est donc sur la base de ces rapports, dont celui de l'expert de l'appelant, qui n'ont pas été transmis au Tribunal, que le Conseil a retenu la culpabilité de l'appelant sur les cinq premiers chefs, et ce, dans une décision bien motivée :
Chef 1 :
[115] La preuve soumise au Conseil démontre clairement que l'intimé a prescrit à Mme S.D. des antipsychotiques à des doses très supérieures aux doses maximales recommandées;
[116] Non seulement, l'intimé a excédé la limite maximale recommandée pour un antipsychotique, il en a combiné deux à de très fortes doses;
[…]
[126] Le
Conseil est conscient que Mme S.D. avait besoin de soins mais la
médication, tel que prescrit par l'intimé, n'était pas médicalement nécessaire
suivant les données de la science médicale (article
(Reproduction intégrale)
[80] Ayant retenu la culpabilité de l'appelant fondée sur l'article 50 du Code de déontologie, le Conseil ordonne une suspension conditionnelle relativement aux articles 44, 47 et 55 du Code et l'acquitte en raison d'une absence de preuve sur l'article 51.
[81] L'article 50 du Code de déontologie prévoit :
50. Le médecin ne doit fournir un soin ou émettre une ordonnance que si ceux-ci sont médicalement nécessaires.
Chefs 2 et 3[45] :
[82] Quant à ces chefs, le Conseil écrit :
[157] En présence d'une telle preuve non contredite, présentée par des experts, et d'une défense de dénégation générale fondée uniquement sur le témoignage de l'intimé, le Conseil conclut que ce dernier a commis les infractions suivantes :
§
au chef 2, l'intimé a contrevenu aux dispositions des articles
§
au chef 3, l'intimé a contrevenu aux dispositions des articles
[83] Au chef 2, le Conseil retient uniquement la culpabilité relative à l'article 44 et ordonne une suspension conditionnelle des procédures en regard des manquements aux autres articles de rattachement.
[84] Relativement au chef 3 :
[159] Au chef 3, le Conseil déclare l'intimé coupable de deux (2) infractions soit :
§
ne pas avoir élaboré son diagnostic avec la plus grande attention
et en utilisant les méthodes scientifiques les plus appropriées, contrevenant
ainsi aux dispositions de l'article
§
avoir posé des actes intempestifs et contraires aux données
actuelles de la science médicale en prescrivant une combinaison
d'antipsychotiques à des doses manifestement déraisonnables, contrevenant ainsi
aux dispositions de l'article
[85] Ces articles prévoient :
44. Le médecin doit exercer sa profession selon les normes médicales actuelles les plus élevées possibles; à cette fin, il doit notamment développer, parfaire et tenir à jour ses connaissances et habiletés.
[…]
46. Le médecin doit élaborer son diagnostic avec la plus grande attention, en utilisant les méthodes scientifiques les plus appropriées et, si nécessaire, en recourant aux conseils les plus éclairés.
47. Le médecin doit s’abstenir de faire des omissions, des manoeuvres ou des actes intempestifs ou contraires aux données actuelles de la science médicale.
[86] Le Conseil se prononce en ces termes en ce qui concerne les chefs 4 et 5 :
Chef 4 :
[175] Les trois (3) experts entendus concluent unanimement que l'intimé n'a pas, le 12 septembre 2003, élaboré son diagnostic avec la plus grande attention et en utilisant les méthodes scientifiques appropriées;
[176] Le fait que le patient ait été vu par deux (2) psychiatres, le 27 août 2003, ne justifie pas l'intimé de ne pas avoir pris, quinze (15) jours plus tard, les mesures appropriées en présence d'un signalement de menaces de suicide chez ce dernier;
[177] En
présence de la preuve par experts présentée par le plaignant, le Conseil, à
l'unanimité, déclare que l'intimé s'est rendu coupable des deux (2) infractions
qui lui sont reprochées soit les manquements aux articles
Chef 5 :
[200] Au cours de cette période il est reproché à l'intimé d'avoir prescrit à ce patient une médication qui dépassait largement les normes maximales acceptées par la science médicale;
[201] Les experts Bloom, Beauséjour et Morissette sont unanimes sur ce point;
[202] Pour
ces motifs, le Conseil juge que l'intimé n'a pas exercé sa profession suivant
les normes médicales reconnues (art.
[203] La médication prescrite à ce patient n'a pas produit les effets escomptés par l'intimé qui l'a augmentée et ce même après avoir noté au dossier l'absence de résultats positifs et la persistance d'effets négatifs tels que : somnolence, hallucinations auditives et raideur à la mâchoire (art. 55);
[204] L'intimé
a reconnu, devant le Conseil avoir fait preuve de complaisance lorsqu'il a, le
28 mars 2006, prescrit à M. E.P.G. du Nozinan parce que celui-ci lui en a
demandé, ce qui contrevient directement aux dispositions de l'article
[205] La preuve présentée par le plaignant démontre que l'ensemble des médicaments prescrits par l’intimé n'était pas médicalement nécessaire (art. 50);
(Reproduction intégrale)
[87] Sur le cinquième chef, le Conseil retient le reproche fondé sur l'article 50 du Code de déontologie, rejette les manquements reprochés aux dispositions de l'article 51 du Code de déontologie et ordonne une suspension conditionnelle des procédures à l'égard des autres articles de rattachement.
[88] L'intimé affirme, à juste titre, que le Tribunal ne dispose pas des éléments de preuve nécessaires pour intervenir notamment sur ces cinq chefs.
[89] Le Tribunal rappelle que le Conseil, premier décideur, se trouvait dans une position privilégiée pour décider de la culpabilité de l'appelant sur les cinq premiers chefs de la plainte disciplinaire en regard de la preuve dont il disposait.
[90] En effet, les moyens et les conclusions recherchées par l'appelant sont tels que le Tribunal doit avoir accès à l'ensemble de la preuve pour évaluer le bien-fondé des moyens allégués par ce dernier[46].
[91] En l'occurrence, l'appelant n'a produit qu'une quinzaine de pièces, pour la plupart des documents émanant de tiers non reconnus experts par le Conseil ou émanant de firmes pharmaceutiques concernant l'utilisation de neuroleptiques.
[92] Sur ce point, la Cour d'appel écrivait le 2 mai 1986, dans Pateras c. M.B.[47] :
L'appel est un pourvoi contre un jugement et non la reprise du procès. Le rôle de la Cour d'appel est de vérifier si le juge de première instance a bien apprécié les faits en litige, s'il en a tiré les bonnes conclusions et s'il s'est bien dirigé en droit. Pour ce faire, elle doit être placée dans la position où était le premier juge lorsqu'il a rendu jugement. Elle doit donc avoir, quant aux questions soulevées par l'appel, le dossier tel qu'alors constitué de façon à ce qu'elle soit en mesure de vérifier, en regard de la contestation telle que liée et de la preuve soumise, le bien-fondé de la décision attaquée et, s'il y a eu erreur de fait ou de droit, de rendre elle-même une ordonnance aux lieu et place du juge de première instance.
C'est à l'appelant
qu'incombe la tâche de démontrer à la Cour que le jugement dont appel doit être
modifié ou cassé ; selon l'article
[93] Le Tribunal estime que les manquements retenus aux chefs 1 à 5 relèvent de la compétence du Conseil et qu'il n'y a pas lieu d'intervenir en l'absence d'erreur manifeste et dominante, ce qui n'a pas été ici démontré.
[94] Sur les chefs 6 à 9, 11 et 12, le Tribunal ne dispose pas de la transcription ou des enregistrements reproduisant les propos tenus par l'appelant et dont a pu bénéficier le Conseil.
[95] Comment le Tribunal peut-il alors déterminer que le Conseil a erré de manière manifeste et dominante lorsqu'il déclare l'appelant coupable d'avoir tenu des propos indignes et dérogatoires?
[96] Le Conseil résume comme suit la preuve qui lui fut présentée sous les chefs 6 à 9.
[210] Dans le cadre de sa preuve, le plaignant a témoigné et a fait entendre le Dr Michel Brochu, reconnu expert par le Conseil;
[211] Le plaignant a déposé les enregistrements sonores des émissions des 8 juin et 2 octobre 2006, la transcription de ces émissions ainsi qu'une expertise effectuée par le Dr Brochu;
[212] En défense, l'intimé s'est fait entendre et a nié avoir commis les infractions qui lui sont reprochées tout en reconnaissant qu'il a pu à l'occasion tenir un « langage cru » (chef 6), qui « peut choquer » (chef 7), qui est destiné à provoquer une réaction chez son interlocuteur ou interlocutrice (chef 8) et qui peut même contenir des propos vulgaires (chef 9);
[97] L'appelant reproche d'abord au Conseil qu'il n'existerait aucune preuve consacrant médicalement le terme « commentaires diagnostics » utilisé au chef 6.
[98] Dans sa décision sur culpabilité, le Conseil s'exprime en ces termes relativement à ce volet :
[216] Dans son témoignage, le Dr Brochu émet l'opinion que l'intimé a, dans le cadre d'une émission radiophonique où il est clairement identifié comme psychiatre, fait des commentaires à la suite de renseignements obtenus d'auditeurs ou d'auditrices et tiré des conclusions;
[217] En réponse à une question de l'intimé, le Dr Brochu a défini, comme suit, la notion d'interprétation psychodynamique :
« un commentaire ou opinion donné à une personne à qui on explique notre compréhension de sa condition psychologique »
[218] L'intimé a acquiescé à cette définition donnée par le Dr Brochu mais déclare n'avoir jamais essayé de faire de commentaires diagnostiques à la radio, comme cela lui est reproché et ajoute qu'il ignore ce qu'est un commentaire diagnostique;
[219] Pour sa part, le Conseil comprend qu'un commentaire diagnostique est un commentaire qui identifie la nature d'un dysfonctionnement ou d'une difficulté;
[220] Le Conseil est d'opinion que l'intimé a émis de tels commentaires;
[99] S'appuyant sur la preuve d'expert, le Conseil rend une décision motivée quant à la culpabilité de l'appelant tel qu'en font foi les extraits qui suivent.
Chef 6
[100] Sur le chef 6, alors qu'une auditrice lui fait part d'un problème d'infertilité, le Conseil juge que la réaction de l'appelant porte, en elle-même, un jugement de valeur sur les parents de l'auditrice et que l'appelant a eu un comportement inacceptable pour un professionnel de la santé :
[222] Après moins d'une minute, l'intimé émet une opinion sur les parents de l'auditrice :
« Est-ce qu'il est possible que vos deux gerlots de parents, immatures, vous aient privée de votre féminité avec la complicité de leur entourage à la con? »
[…]
[225] Mais qui plus est, l'intimé ajoute, sans avoir préalablement obtenu de l'auditrice aucune information supplémentaire :
« Ça nous dit gros de ce que les crétins de parents que vous avez eus ont fait avec vous. »
pour conclure :
« Ces deux maudits gerlots immatures, vos parents, pis tenez-vous-en-loin, s'il vous plaît, tenez votre enfant loin de cet… de ce genre d'humanité là surtout.
(…)
… C'est impardonnable, et je vous dis et je vous répète méfiez-vous de ces deux gerlots là, ce sont deux suprêmes immatures : c'est malsain, malsain pour vos enfants. »
[…]
[228] Le Conseil juge être en présence d'un diagnostic posé par l'intimé à l'effet que l'infertilité de son interlocutrice avait été causée par ses parents;
(Reproduction intégrale)
[101] Le Conseil retient la culpabilité de l'appelant en lien avec l'article 59.2 du Code à savoir d'avoir commis des actes dérogatoires à l'honneur et à la dignité de la profession et ordonne une suspension conditionnelle quant aux autres dispositions de rattachement, après avoir établi que l'appelant avait, par sa conduite, transgressé à divers degrés toutes ces dispositions.
Chef 7
[102] Il en est de même au chef 7 en regard duquel le Conseil écrit :
[233] Le Conseil retient la même conclusion en regard du chef 7 de la plainte alors que l'intimé, après avoir qualifié de « guenille » le père de son interlocutrice dit :
« … ce père aimant-là, ça lui a pas tenté d'y maudire une claque sur la gueule? »
Et, sous un faux prétexte de légitime défense, incite à la violence :
« Non, non, une… une gonzesse qui dit ça à une jeune, à une adolescente, c'est une claque sur la gueule instantanément, parce que c'est un crime contre la personne. »
Chefs 8 et 9
[103] Ces chefs concernent des propos tenus par l'appelant, lors de son émission radiophonique « Doc Mailloux » du 8 juin 2006, que le Conseil déclare également dérogatoires à l'honneur et à la dignité de la profession en vertu de l'article 59.2 du Code.
[104] À l'égard de la même interlocutrice, dans les deux chefs, qui confiait au professionnel avoir été victime d'attouchements sexuels de la part de son grand-père paternel, l'appelant tient les propos suivants, tels que relatés par le Conseil :
[237] […]
« La vieille truie faisant des biscuits pendant que le bonhomme il allait la chercher, il lui poignait les fesses puis là après, il était tout excité. La bonne femme, elle le savait. Elle voyait bien dans sa face, le bonhomme, hey il bandait simonac.
(…)
Bien oui, vous serviez de bougie d'allumage. Parce que là, il venait tout excité puis là, il allait fourrer la bonne femme après… »
[238] L'intimé conclut son étude du cas de son interlocutrice en ces termes :
« C'est que le cercle est pas mal plus large qu'il paraissait au début. On est parti avec le vieux cochon. Là, on se ramasse avec une truie complice… Possiblement, le père le savait, s'en doutait, était complice, et là, on découvre derrière ça une mère qui n'a pas su établir un bon lien maternel avec sa fille. »
[239] La solution est toute tracée d'après l'intimé :
« Méfiez-vous de ce coeur vide et froid qu'est votre mère. »
[105] Pour ensuite conclure :
[247] Sans aucune justification ni assise thérapeutique, l'intimé enjoint son interlocutrice à couper les liens avec ses parents qu'il qualifie de « vermines » en utilisant des termes grossiers et irrespectueux;
[248] Le
Conseil juge que la conduite de l'intimé constitue un manquement très grave aux
dispositions de l'article
[106] Le Conseil émet par la suite le constat suivant avant d'ordonner dans ses conclusions une suspension conditionnelle des procédures, en regard des manquements reprochés aux dispositions des articles 3, 4, 14, 17, 46, 47, 88 et 89 du Code de déontologie :
[249] Le
Conseil ne croit pas nécessaire d'examiner plus spécifiquement cette conduite
en rapport avec les articles
[107] Comme le premier décideur a l'obligation de rendre une déclaration de culpabilité à l'égard de toutes les infractions et de toutes les dispositions législatives ou réglementaires auxquelles elles se rapportent, il s'agit ici d'une erreur de droit.
[108] De même, rappelons qu'un acquittement doit être prononcé, le cas échéant, même si la règle peut s'appliquer.
[109] Le Tribunal réitère que la suspension conditionnelle des procédures n'est pas un acquittement, bien qu'une fois devenue permanente, les effets juridiques soient équivalents. Cette suspension doit également s'appliquer à l'égard de l'infraction disciplinaire la moins grave.
[110] Cette règle, élaborée par la Cour suprême du Canada dans R. c. Kienapple[48], prohibant les condamnations multiples, non pas les accusations ou infractions multiples, trouve également application en droit disciplinaire québécois.
[111] Il semble que le Conseil en soit conscient mais qu'il ait décidé de ne pas se prononcer à l'égard des nombreuses autres dispositions identifiées par l'intimé lors du dépôt de la plainte disciplinaire.
[112] En l'espèce, tant sur le chef 8 que sur le chef 9, le Conseil a retenu la disposition la plus grave puisqu'il a déclaré l'appelant coupable d'avoir contrevenu à l'article 59.2 du Code :
59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l'ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l'honneur, la dignité ou l'exercice de sa profession.
[113] Comme le Tribunal n'entend pas intervenir sur ces chefs en l'absence d'une erreur manifeste et dominante tant sur la culpabilité qu'à l'égard de la décision sur sanction, il serait fastidieux de retourner le dossier pour que le Conseil se prononce en regard des autres dispositions de rattachement contenues dans la plainte.
[114] Ainsi, dans le dossier tel que constitué, et ce, même en l'absence d'effets concrets, le Tribunal ne peut passer sous silence cette erreur de droit.
[115] De plus, le Tribunal ne peut se prononcer et rendre la décision qui devrait être rendue en l'absence de la preuve dont disposait le Conseil et qui n'a pas été produite au soutien de l'appel.
[116] Il est d'ailleurs déplorable que plusieurs conseils persistent à ignorer cette obligation qui leur incombe, le Tribunal s'étant prononcé régulièrement sur cette question depuis de nombreuses années.
Le chef 11
[117] La plainte reproche à l'appelant d'avoir véhiculé sur les ondes d'une station de radio un message selon lequel les jeunes femmes atteintes de mongolisme n'ont pas la même valeur qu'une « belle jeune femme universitaire ».
[118] Le Conseil écrit :
[271] Devant le Conseil, l'intimé réitère que ses propos n'ont pas dépassé sa pensée mais qu'il aurait néanmoins dû dire « des cas comme ça » au lieu d'utiliser le mot « ça » en parlant des personnes atteintes de mongolisme;
[272] L'intimé maintient que son manque d'élégance langagière ne constitue pas une faute déontologique et qu'il n'a transgressé aucune disposition du Code de déontologie des médecins;
[…]
[274] Le Conseil n'est pas appelé à décider si l'intimé a fait un mauvais choix de mots en parlant de « mongolisme » au lieu de « trisomie »;
[…]
[279] Lorsque l'intimé énonce, sur les ondes publiques, que les personnes atteintes de mongolisme ont moins de valeur que d'autres, il jette un discrédit sur l'ensemble de ces personnes;
[280] Ces propos, prononcés par un psychiatre, sont de nature à amener une partie de la population à considérer les gens atteints de mongolisme comme des citoyens de seconde classe, des gens de moindre valeur;
[281] En agissant ainsi, l'intimé pose un geste qui est de nature à affecter la santé mentale des gens ainsi dépréciés alors qu'il doit promouvoir en tout temps la santé et le bien-être des individus, tant sur le plan individuel que collectif;
[119] Encore une fois, le Conseil ordonne la suspension conditionnelle des procédures en regard des reproches aux articles 14 et 16 du Code de déontologie et 59.2 du Code sans avoir d'abord déterminé la culpabilité de l'appelant ou l'acquittement de ce dernier, le cas échéant.
[120] Il commet ainsi une erreur de droit pour les raisons ci-avant énoncées.
[121] Sur ce chef, le Conseil à juste titre retient que l'article 3 du Code de déontologie n'a pas été respecté :
3. Le médecin a le devoir primordial de protéger et de promouvoir la santé et le bien-être des individus qu’il sert, tant sur le plan individuel que collectif.
Chef 12
[122] La culpabilité de l'appelant est également retenue sur le chef 12 pour avoir dénigré sur les ondes radiophoniques une autre professionnelle à savoir une psychologue en déclarant :
[287] […]
« Si tu n'as pas la formation, ferme ta gueule. »
Avant d'ajouter :
« Puis moi, j'ai fait un cours de médecine puis une spécialisation en psychiatrie pour pouvoir porter des diagnostics psychiatriques. Ça fait que là, trois ans versus, dans mon cas, j'ai été dix ans. Ça m'a pris dix ans pour devenir psychiatre, dix ans d'études, puis tu vas me faire accroire qu'une gonzesse arrive puis elle a trois ans d'université, Monsieur, puis elle va être sur la même égalité que moi. Non, non, non, non, non, non. Fais tes études comme il faut, acquiers le diplôme puis viens glousser après. »
(Reproduction intégrale)
[123] Après une analyse minutieuse de la preuve et l'écoute de la cassette audio reproduisant les paroles prononcées par l'appelant, le Conseil retient qu'il y a manquement en regard de l'article 110 du Code de déontologie ainsi formulé :
110. Le médecin ne doit pas, à l’égard de quiconque est en relation avec lui dans l’exercice de sa profession, notamment un confrère ou un membre d’un autre ordre professionnel, le dénigrer, abuser de sa confiance, l’induire volontairement en erreur, surprendre sa bonne foi ou utiliser des procédés déloyaux.
[124] De nouveau, le Conseil ordonne la suspension conditionnelle des procédures quant aux dispositions des articles 3 et 17 du Code de déontologie et à l'article 59.2 du Code, commettant ainsi une erreur de droit. De plus, il ne réfère aucunement à la preuve pouvant permettre au Tribunal d'évaluer le bien-fondé d'une déclaration de culpabilité ou d'un acquittement en regard de ces dispositions.
[125] Pour des raisons préalablement mentionnées, le Tribunal n'intervient pas.
Chef 10
[126] Demeure le chef 10 pour lequel l'appelant fut trouvé coupable d'avoir enfreint le Règlement sur la tenue des dossiers, des cabinets ou bureaux des médecins ainsi que des autres effets.
[127] Le Tribunal déclare que la décision du Conseil sous ce chef est bien fondée, cette dernière ne comportant aucune erreur manifeste et dominante.
[128] Avec raison, le Conseil écrit :
[256] En défense, l'intimé plaide qu'il a pris lui-même la décision de laisser à son patient la possession physique de son dossier médical;
[…]
[258] L'intimé considère que le patient avait de bonnes raisons pour demeurer en possession de son dossier médical;
[…]
[261] La preuve présentée au Conseil est, d'une part, l'existence d'une réglementation quant à la conservation par un professionnel de la santé des dossiers des patients rencontrés et, d'autre part, l'absence entre les mains de l'intimé du dossier de M. M.P., un patient qui l'a consulté à son cabinet;
[262] Le témoignage de l'intimé est sans équivoque : il a pris la décision de ne pas respecter ce règlement;
(Soulignement ajouté)
[129] L'appelant ne conteste pas de l'avoir déclaré coupable d'entrave à l'enquête du syndic sous ce même chef contrairement à l'article 114 du Code.
[130] Des extraits qui précèdent, on constate que la décision du Conseil est motivée et prend appui sur la preuve présentée.
[131] À cet égard, le Tribunal ne constate aucune erreur de la part du Conseil qui justifierait une intervention en appel.
[132] Sur les 12 chefs d'infraction, le Tribunal conclut que les reproches formulés par l'appelant visant la décision sur culpabilité ne peuvent être retenus pour les raisons préalablement identifiées.
L'APPEL SUR LA SANCTION
[133] Tenant compte du contexte global de cette affaire, les choix faits par les pairs de l'appelant, ayant examiné et entendu tous les témoins, sont suffisamment judicieux, motivés et exempts d'une erreur manifeste et dominante qu'ils justifient le Tribunal à ne pas intervenir au regard des sanctions imposées sur les chefs 1 à 12 pour les motifs qui suivent.
[134] D'entrée de jeu, mentionnons que la décision du Conseil tient sur 25 pages et fait suite à 4 journées d'audition au cours desquelles 8 témoins ont été entendus dont l'appelant. De plus, une volumineuse preuve documentaire a été déposée dont l'antécédent disciplinaire en semblable matière de l'appelant quant à certains chefs.
[135] Dans sa décision sur sanction, le Conseil impose à l'appelant des périodes de radiation temporaire de deux ans à être purgées concurremment à l'égard des chefs 1 à 5, des amendes totalisant 33 000 $ pour les chefs 6 à 12 ainsi qu'une limitation de son droit de prescrire des neuroleptiques au-delà des doses maximales recommandées.
[136] Des erreurs de fait déterminantes n'ont pas été identifiées par l’appelant qui requiert toutefois l'annulation des sanctions sans qu'il ne produise aucune preuve en appel.
[137] Comme l'évoque l'intimé dans son mémoire[49], les moyens formulés par l'appelant au chapitre de la sanction relèvent d'ailleurs de la question relative à la culpabilité.
[138] Premièrement, l'erreur d'écriture relative à la posologie d'un médicament, commise par le Conseil au paragraphe 146 de la décision sur culpabilité, ayant été corrigée ultérieurement ne comporte aucune pertinence au niveau de la sanction.
[139] L'appelant souhaite que nous prenions en compte les propos de M. Alain Houde, mais le Tribunal n'a pas en sa possession ce témoignage rendu lors de l'audition sur culpabilité.
[140] Voici toutefois ce qu'écrit le Conseil à ce sujet dans sa décision sur culpabilité[50] :
[195] L'intimé a fait témoigner M. Alain Houde, technicien en éducation spécialisée en sante mentale depuis plus de trente ans;
[196] Le 2 juillet 2007 l'intimé a inscrit dans les notes évolutives du dossier de M. E.P.G. au Centre de santé et de services sociaux de Maskinongé;
« M. Alain Houde qui connaît E… depuis 4 ans affirme : « E…, c'est un cas de réussite, S'ils veulent savoir pourquoi, prêt à leur dire. » M. Houde accepte de venir témoigner librement devant le Comité de discipline au besoin. »
[197] Lors de son témoignage M. Houde a décliné ses nom, adresse et occupation et a reconnu la note inscrite par l'intimé en date du 2 juillet 2007;
[198] Aucune autre question n'a été adressée par l'intimé à M. Houde qui n'a pas été contre-interrogé par le plaignant;
[199] Les reproches adressés à l'intimé couvrent la période du 6 septembre 2005 jusqu'au 6 juin 2006;
[200] Au cours de cette période il est reproché à l'intimé d'avoir prescrit à ce patient une médication qui dépassait largement les normes maximales acceptées par la science médicale;
[201] Les experts Bloom, Beauséjour et Morissette sont unanimes sur ce point;
(Reproduction intégrale)
[141] Le Conseil a donc référé à ce témoin sans toutefois y voir, avec raison, une pertinence appréciable.
[142] Les périodes concurrentes de radiation temporaire imposées par le Conseil sur les chefs 1 à 5 sont fondées sur la gravité des infractions qui touchent le coeur même de la profession ainsi que sur le fait que l'appelant avait fait l'objet de plusieurs mises en garde de la part du Collège quant aux prescriptions de mégadoses;
[143] En voici quelques extraits[51] :
[127] Les infractions pour lesquelles ce professionnel a été déclaré coupable sont jugées très graves par les membres du Conseil car elles se situent au coeur même de la profession des médecins et de leur relation patient-médecin;
[128] Avant le dépôt de la présente plainte, l'intimé avait fait l'objet de plusieurs mises en garde de la part du Collège des médecins concernant ses prescriptions de mégadoses;
[129] Le 12 août 1991, le Dr Guy Legros, syndic adjoint écrivait à l'intimé relativement à l'administration à deux (2) patients de doses excessives de médicaments et le prévenait que toute nouvelle plainte, identique à celles étudiées, entraînerait le dépôt d'une citation devant le Conseil de discipline;
[130] Le 23 juin 1995, le Dr Jacques Martin, syndic adjoint, écrivait à l'intimé que ses inscriptions dans le dossier de son patient S.C. étaient trop succinctes et ne pouvaient justifier l'utilisation de mégadoses de neuroleptiques;
[131] Le 30 novembre 1995, le Dr Michel Léveillée, syndic adjoint, écrit à l'intimé ce qui suit :
« La littérature médicale récente ne supporte pas l'utilisation de mégadoses de neuroleptiques dans le traitement de la schizophrénie. »
[132] Dans une lettre qu'il adressait au Dr Legros le 26 août 1991, et qui faisait suite à celle de ce dernier portant la date du 12 août 1991, l'intimé écrit :
« D'ailleurs, pour ce qui est de l'utilisation de neuroleptiques à hautes doses dans le traitement de la schizophrénie et de la dyskinésie tardive, j'ai été invité à prononcer des conférences sur ces sujets à des confrères médecins ou psychiatres à plus de 20 reprises, que ce soit au Québec, en Nouvelle-Écosse ou en Saskatchewan. En octobre prochain, j'ai été invité à prononcer une conférence, toujours sur ces mêmes sujets au Clark Institute de Toronto de même qu'au Queen Street Mental Health Center. »
[…]
[135] L'intimé affirme haut et fort qu'il est une « sommité », en psychiatrie;
[136] Malheureusement pour l'intimé, le Conseil n'a pas la compétence pour décréter qu'il est, comme il le prétend, une « sommité » et que tous les experts entendus, ainsi que les données actuelles de la science médiale auxquelles ces derniers réfèrent, sont dépassées;
[…]
[139] Depuis les années 1990, cette approche thérapeutique n'est plus recommandée, bien qu'elle puisse être utilisée, à l'occasion, dans le cadre d'un protocole bien encadré;
[140] Malgré cette contre-indication, l'intimé continue à administrer des mégadoses d'antipsychotiques à des patients;
[141] L'utilisation de ces mégadoses est, suivant le témoignage de l'intimé, une pratique courante chez lui;
(Soulignements ajoutés)
[144] Le Conseil souligne également certains facteurs aggravants[52] :
[142] Un facteur aggravant se greffe à la pratique déviante de l'intimé qui ne se limite pas à administrer à des patients des mégadoses d'un antipsychotique, il fait l'usage combiné de plus d'un antipsychotique à doses excessives à un même patient;
[143] Qui est plus, nonobstant la décision du Conseil qui l'a déclaré coupable d'avoir, en agissant ainsi, contrevenu aux normes actuelles de la science médicale, l'intimé continue et, envers et contre tous, augmente même de 1 600 mg à 2 400 mg la dose de Seroquel qu'il administre à son patient E.P.G.;
[144] Le Conseil ne peut que constater que l'intimé est convaincu qu'il a raison et que personne ne viendra lui dire, experts, Collège des médecins ou Conseil de discipline, comment traiter ses patients;
[145] Le Conseil note de plus que l'appelant lui-même avoue que sa conduite demeure inchangée[53] :
[145] L'intimé n'exprime aucun repentir, ni même remise en question de ses façons de procéder;
[146] Le Conseil est, de toute évidence, en présence non pas d'un cas de risque de récidive mais bien d'un cas de récidive probable;
[147] Le Conseil dont la mission, à l'étape de l'imposition de la sanction, est d'assurer la protection du public ne peut laisse perdurer une telle situation;
[148] En réponse à la question que l'intimé lui a directement adressée, le Conseil juge que l'intimé constitue actuellement, pas son utilisation combinée de plus d'un antipsychotique à dose excessive à un même patient, un danger pour la protection du public;
[…]
[162] L'intimé continue, depuis le prononcé de la décision du Conseil, d'administrer des mégadoses combinées d'antipsychotiques à des patients à qui il a même, dans le cas du patient E.P.G., augmenté les doses qui étaient déjà excessives;
[146] Conséquemment[54] :
[163] Le Conseil doit intervenir auprès de l'intimé afin que celui-ci respecte les données actuelles de la science médicale;
[164] Pendant une période de deux (2) ans, soit pendant la radiation qui lui est imposée, l'intimé ne pourra prescrire ni administrer aucun médicament à des patients;
[…]
[166] Considérant l'attitude actuelle de l'intimé, et ses propos, il est plus que probable que celui-ci reprendra l'exercice de sa profession dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles il a oeuvré jusqu'à présent, c'est-à-dire en faisant fi de toute opinion, directive ou expertise qui diffère de la sienne, incluant le recours à l'administration, en combinaison, de mégadoses d'antipsychotiques pour traiter des patients souffrant de schizophrénie;
[167] Dans les circonstances, le Conseil juge essentiel de faire droit à la demande formulée par le plaignant et de limiter le droit de l'intimé de dépasser les doses maximales recommandées par les fabricants, telles qu'approuvées par Santé Canada et répertoriées dans le CPS, dans ses prescriptions de neuroleptiques typiques et atypiques et de lui interdire de prescrire de façon concomitante plusieurs neuroleptiques à la fois chez un même patient;
[168] Cette limitation demeurera en vigueur tant et aussi longtemps que le Collège des médecins, appuyé sur les données de la science médicale, ne recommandera le recours à l'administration de mégadoses de neuroleptiques typiques et atypiques;
[…]
[180] Le
Conseil condamne le plaignant au paiement des débours prévus à l'article
[147] Relativement aux chefs concernant les propos tenus lors d'émissions radiophoniques, soit les chefs 6 à 12 (à l'exception du chef 10), le Conseil, à juste titre, note la gravité des propos de l'appelant, souligne les écarts de langage et retient qu'il a un antécédent disciplinaire en semblable matière[55] :
[78] Relativement aux chefs d'infraction concernant son langage, l'intimé semble considérer qu'il ne s'agit que de simples peccadilles;
[…]
[88] Le plaignant souligne la gravité des propos tenus par l'intimé, en sa qualité de psychiatre, sur des ondes radiophoniques;
[89] L'intimé minimise ses écarts de langage qu'il impute, en partie, à ses origines modestes;
[…]
[91] Ses écarts de langage et ses prises de position tranchantes et non suffisamment documentées ont permis à l'intimé de présenter un « show » à la radio, suivant ses propres mots, qui lui ont rapporté jusqu'à 325 000 $ par année;
[92] Les propos tenus par l'intimé ont été écoutés par le Conseil qui a conclu qu'ils étaient indignes d'un médecin et dérogatoires à l'honneur et à la dignité de cette profession;
[93] Les propos tenus par l'intimé, sur les ondes radiophoniques, ont permis à ce dernier de percevoir des revenus très intéressants;
[94] Dans les circonstances, le Conseil considère qu'il est approprié d'imposer à l'intimé une sanction à caractère économique, soit l'imposition d'amendes;
[95] Dans la fixation du montant des amendes à être imposées à l'intimé, le Conseil doit également prendre en considération que ce dernier a un antécédent disciplinaire en semblable matière;
[96] Le 25 avril 2002 l'intimé a, dans le dossier du Conseil de discipline du Collège des médecins portant le numéro 24-99-00487, reconnu sa culpabilité à cinq (5) chefs d'infraction où il lui était reproché d'avoir tenu, sur les ondes radiophoniques, des propos semblables à ceux pour lesquels le Conseil a conclu à sa culpabilité dans le présent dossier;
[97] Le 17 septembre 2002, l'intimé s'est vu imposer des réprimandes accompagnées d'amendes de 2 500 $, 2 500 $, 1 500 $ et de 3 500 $, de même qu'une radiation d'une période de sept (7) jours;
[98] Le 8 septembre 2003, le Tribunal des professions3 a rejeté, avec dépens, l'appel logé par l'intimé à l'encontre de cette décision du Conseil de discipline;
(Référence omise)
[148] À ce chapitre, le Conseil prend également en considération qu'il n'a aucun remord ni repentir.
[149] Pour l'ensemble de ces motifs[56] :
[101] […], le Conseil fixe à 5 000 $ le montant des amendes imposées à l'intimé aux chefs 6, 7, 8, 9 et 11 de la plainte;
[102] Le Conseil impose la même sanction en ce qui concerne les propos dénigrants prononcés par l'intimé, les 1er et 2 mai 2006 sur les ondes radiophoniques, à l'endroit d'un membre d'un autre ordre professionnel et par ricochet sur l'ensemble des membres de cette professions (chef 12);
[…]
[105] Pour ces motifs, le Conseil impose à l'intimé, sous le chef 12, une amende de 5 000 $;
[150] Quant au chef 10, qui reproche à l'appelant d'avoir négligé de conserver le dossier médical d'un patient et d'avoir entravé le syndic, le Conseil retient que l'appelant n'a nullement collaboré avec l'intimé, qu'il ne manifeste aucun respect à son endroit et qu'il s'agit d'une entrave importante.
[151] Le risque de récidive et l'absence de repentir sont également des éléments qui ont été considérés dans l'imposition d'une sanction d'amende de 3 000 $.
[152] Le Conseil se prononce en ces termes sur ce volet[57] :
[106] Au chef 10, le Conseil a déclaré l'intimé coupable de ne pas avoir constitué et conservé le dossier médical d'un patient qui l'a consulté;
[107] Invoquant son devoir de secret professionnel, l'intimé a négligé de conserver le dossier médical d'un client à qui il lui en a remis la possession;
[108] Lorsque requis par le plaignant de lui remettre ledit dossier, l'intimé ne s'est pas exécuté et n’a effectué aucune démarche sérieuse auprès de son patient pour récupérer son dossier, n'offrant d'ailleurs aucune collaboration au plaignant;
[109] Dans les dossiers Bissonnette4, Pelletier5, Issed6 et Arcelin7, le Conseil de discipline du Collège des médecins a imposé des amendes de 1 500 $ à des médecins reconnus coupables de ne pas avoir inscrit des informations pertinentes dans le dossier d'un patient;
[110] Dans le présent dossier, le Conseil ignore si l'intimé a inscrit, dans le dossier de son patient, toutes les inscriptions qui doivent y apparaître;
[111] Le Conseil, tout comme le plaignant, n'a pas eu le loisir de consulter ledit dossier que l'intimé a remis à son patient malgré les prescriptions très précises que l'on retrouve à l'article 4 du Règlement sur la tenue des dossiers, des cabinets ou bureaux de médecins;
[112] Après avoir commis cette infraction, l'intimé a refusé ou négligé d'apporter toute forme de collaboration au plaignant dans sa démarche afin de récupérer ce dossier, commettant ainsi une entrave à l'endroit du travail du syndic;
[113] Qui plus est, l'intimé a affirmé catégoriquement que, si une situation analogue à celle qu'il a connue avec son patient M. M.P. se présentait à nouveau à lui, il agirait exactement de la même façon;
[114] Le Conseil a été à même de constater le peu, pour ne pas dire l'absence totale de respect et de considération que porte l'intimé à l'endroit du plaignant qui occupe la fonction de syndic adjoint au Collège des médecins du Québec;
(Références omises)
[153] L'appelant plaide que les sanctions sont démesurément sévères, le Tribunal ne le croit pas.
[154] Elles sont peut-être à première vue sévères, mais sans l'être de façon déraisonnable. À ce sujet, le Tribunal rappelle ces extraits de l'arrêt Pigeon c. Daigneault[58] de la Cour d'appel en 2003, tels que rapportés par l'honorable Yves Morissette dans l'arrêt Laliberté c. Huneault[59] en 2006 :
[19] […] Il y a ici une nuance importante que le juge Fish exprime en ces termes dans ses motifs de l'arrêt Pigeon23:
[89] Ryan precludes appellate intervention on the sole ground that the reviewing tribunal considers the sanction imposed at first instance to be either lenient or severe. That would not warrant intervention even under the Criminal Code.
[90] It remains proper to intervene, however, where the sanction imposed by the Disciplinary Committee, considered in the light of all the relevant factors and circumstances, is shown to be too lenient, too severe, or otherwise fatally flawed because of an error in principle, a mistake of law or a material and significant misapprehension of fact.
[91] In my view, a sanction that suffers from any of these defects cannot be said to be "reasonable".
(les soulignés sont tirés de l'original)
Le juge Chamberland, pour sa part, écrit ce qui suit sur le même point :
La sanction infligée n'est pas déraisonnable du simple fait qu'elle est clémente ou sévère; elle le devient lorsqu'elle est si sévère, ou si clémente, qu'elle est injuste ou inadéquate eu égard à la gravité de l’infraction et à l'ensemble des circonstances, atténuantes et aggravantes, du dossier.
(Référence omise)
[155] Bien que l'appelant souhaite que la période de radiation provisoire maintenant terminée soit retranchée, si la période de radiation temporaire de deux ans imposée à titre de sanction devait être confirmée, le Tribunal n'estime pas qu'il doive intervenir à cet égard.
[156] Enfin, plusieurs conclusions recherchées par l’appelant dans son avis d'appel à l'endroit de l'intimé sont irrecevables dont celles relatives à des ordonnances à être émises à l'encontre du syndic adjoint en raison de son acharnement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la « requête en réouverture des débats pour fin de production d'une preuve nouvelle sur les chefs de la plainte 640 » présentée le 19 mars 2012;
REJETTE la « requête en réouverture des débats afin de présenter une preuve nouvelle » présentée le 27 juin 2012;
REJETTE l'appel tant de la décision sur la culpabilité que celle sur la sanction;
CONFIRME la décision du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec datée du 26 février 2010 déclarant l'appelant coupable des chefs 1 à 12;
CONFIRME la décision sur sanction rendue par le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec le 30 mars 2011;
DÉCLARE irrecevables les sixième et septième conclusions recherchées par l'appelant;
LE TOUT, avec déboursés.
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__________________________________ LOUISE PROVOST, J.C.Q.
__________________________________ PIERRE CODERRE, J.C.Q.
__________________________________ RENÉE LEMOINE, J.C.Q. |
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M. Pierre Mailloux |
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Appelant-intimé |
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(Non représenté) |
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Me Jacques Prévost |
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Pouliot, Caron, Prévost, Bélisle, Galarneau |
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Pour l'intimé-plaignant |
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Me Christian Gauvin Secrétaire du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec Mis en cause
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Dates d'audition :
C.D. No : |
19 mars 2012 27 juin 2012
24-06-00640 Décision sur culpabilité rendue le 26 février 2010 Décision sur sanction rendue le 30 mars 2011 |
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[1] Décision sur culpabilité, D.C., vol. I. p. 84 à 127.
[2] Décision sur sanction, D.C., vol. I. p. 59 à 83.
[3]
L'article
[4] 2007 QCTP 41 , D.C., vol. 1, p. 128, Mme la juge Louise Provost.
[5] 2007 QCCS 1947 , D.C., vol. 1, p. 140, M. le juge Jean-Yves Lalonde.
[6] 2008 QCTP 9 , D.C., vol. I, p. 151, MM. les juges Denis Lavergne et Claude H. Chicoine et Mme la juge Danielle Côté.
[7] D.C., vol. V, p. 847 à 898, 10 octobre 2008, Décision sur les requêtes de l'intimé en « arrêt des procédures », en « rejet des chefs 1, 2, 3, 4 » et en « rejet du chef 5 » de la plainte disciplinaire.
[8] L.R.Q., c. M-9, a. 3
[9] L.R.Q., chap. C-26.
[10] Précitée, note 2, p. 60, paragr. 4 et 5.
[11] Id., paragr. 6.
[12] Id., paragr. 23.
[13] Chefs 1 à 5 relatifs à l'utilisation de mégadoses d'antipsychotiques contrairement aux données de la science médicale actuelle et chef 10 relatif au défaut de constituer un dossier médical.
[14] Ces chefs concernent des commentaires indignes et le dénigrement d'une membre d'un autre ordre professionnel sur les ondes radiophoniques.
[15] D.C., vol. IV, p. 780.
[16]
Fournier c. De Wever,
[17] Précitée, note 1, p. 89, paragr. 45.
[18] Lettre du 18 mai 2012, annexe 1 de la requête en réouverture des débats afin de présenter une preuve nouvelle présentée le 27 juin 2012.
[19] Annexe 5 de la requête en réouverture des débats afin de présenter une preuve nouvelle présentée le 27 juin 2012.
[20] Requête en appel, D.C., vol. I, p. 20 et suiv., allégation 14.
[21] Id., p. 23.
[22] Id., p. 23.
[23] Id., p. 24.
[24] Id., p. 24.
[25] Id., p. 25.
[26] Id., p. 26.
[27] Id., p. 29, allégation 47.
[28] Id., p. 30.
[29] Id., p. 31.
[30] Id., p. 24, allégation 21.
[31] Id., p. 25, allégation 25.
[32] Id., p. 27, allégation 34.
[33] Id., p. 31, allégation 56.
[34] Id., p. 33, allégations 64 à 67.
[35] Id., p. 34, allégation 69.
[36] Id., p. 34 et 35.
[37] Id., p. 36, allégations 79 et 80.
[38] Mémoire de l'appelant, p. 3.
[39] Id., p. 4.
[40] Id., p. 13.
[41] Id., p. 13 et 14.
[42]
[43]
Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Hanol,
[44] Précitée, note 1, paragr. 35 à 41.
[45] Concernent le même patient.
[46] Le Règlement du Tribunal (C-26, r. 10) indique à l'article 21 ce que doit comporter le mémoire de la partie appelante.
[47]
[48]
[49] Mémoire de l'intimé, p. 20.
[50] Précitée, note 1, p. 109 et 110.
[51] Id., p. 76 et 77.
[52] Id., p. 77.
[53] Id., p. 78 et 79.
[54] Id., p. 79 à 81.
[55] Id., p. 70 et 72.
[56] Id., p. 73.
[57] Id., p. 73 et 74.
[58] 2003 CanLII 32934.
[59]
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