CONSIDÉRANT que le jugement déposé le 29 décembre 1999 comporte une erreur de numéro de dossier;
Le présent arrêt de rectification corrige ainsi cette erreur : le jugement déposé porte le numéro de dossier 200-09-001115-960 alors que le bon numéro de dossier est 200-09-002189-980;
PAR CES MOTIFS,
ORDONNE la correction sur le jugement du 29 décembre 1999.
COUR D'APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE QUÉBEC
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No: |
200-09-002189-980 |
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(100-05-000860-988)
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DATE: 29 décembre 1999 |
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EN PRÉSENCE De: |
LES HONORABLES |
LOUISE MAILHOT J.C.A. THÉRÈSE ROUSSEAU-HOULE J.C.A. ANDRÉ BIRON J.C.A. AD HOC |
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LES BÂTIMENTS KALAD'ART INC., APPELANTE - intimée c. CONSTRUCTION D.R.M. INC., INTIMÉE - requérante |
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ARRÊT RECTIFICATIF |
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[1] LA COUR, statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 2 juillet 1998 par la Cour supérieure, (district de Rimouski l'honorable Roger Banford), qui a accueilli la requête en radiation de Construction D.R.M. Inc. à l'encontre de l'inscription de l'avis d'hypothèque légale et du préavis d'exercice d'un recours hypothécaire faite par les Bâtiments Kalad'Art Inc.
[2] Après étude du dossier, audition et délibéré;
[3] Pour les motifs exprimés aux opinions des juges Mailhot et Biron auxquels souscrit la juge Rousseau-Houle;
[4] REJETTE le pourvoi avec dépens.
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________________________________ LOUISE MAILHOT J.C.A.
________________________________ THÉRÈSE ROUSSEAU-HOULE J.C.A.
________________________________ ANDRÉ BIRON J.C.A. AD HOC
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Me Normand Carrière Avocat de l'appelante
Me John White Avocat de l'intimée
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Date d'audience: 20 octobre 1999 |
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Domaine du droit: |
PRÊT
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Opinion de la juge MAILHOT |
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[5] Le
présent litige se résume à une seule question : un entrepôt à sel et à sable appartenant à une municipalité
peut-il être qualifié de «bien affecté à l'utilité publique» au sens de
l'article
[6] Les faits ayant conduit au litige sont simples. La ville de Rimouski conclut un contrat avec Construction D.R.M. Inc. («D.R.M.») pour la construction d'un entrepôt à sel et à sable (le sel et le sable étant destinés à l'épandage dans les rues de la municipalité). Bâtiments Kalad'Art Inc. («Kalad'Art») fournit à D.R.M. des matériaux pour la construction de l'entrepôt. D.R.M. faisant défaut de lui payer le solde des matériaux fournis, Kalad'Art procède à l'inscription d'un avis d'hypothèque légale, puis à l'inscription d'un préavis d'exercice. D.R.M. réplique en présentant une requête en radiation de l'inscription de l'avis d'hypothèque légale et du préavis d'exercice. Au soutien de sa requête, D.R.M. affirme que l'entrepôt à sel et à sable ne peut faire l'objet de l'inscription d'une hypothèque légale, puisqu'il s'agit d'un immeuble appartenant à la ville de Rimouski et que cet immeuble est d'utilité publique. Kalad'Art conteste la requête et argumente que le Code civil du Québec, contrairement au Code civil du Bas-Canada, permet l'inscription d'une hypothèque légale appartenant à une municipalité.
[7] Le
juge de première instance a reconnu d'emblée le caractère d'utilité publique de
l'entrepôt à sel et à sable et a conclu que suivant la théorie de la dualité
domaniale, un tel bien ne peut être grevé d'une hypothèque légale, puisqu'il
est insaisissable. Selon le juge, le Code civil du Québec n'affecte pas
l'application des règles de droit public aux biens faisant partie du domaine
public. En fait, l'article
[8] Le juge de première instance a donc ordonné la radiation de l'inscription de l'avis d'hypothèque légale et du préavis d'exercice inscrits par Kalad'Art. D'où le pourvoi.
* * * * *
[9] Il s'agit donc essentiellement, en l'instance, de déterminer si l'entrepôt à sel et à sable appartenant à la ville de Rimouski est un bien affecté à l'utilité publique.
[10] L'article
Les biens s'acquièrent par contrat, par succession, par occupation, par prescription, par accession ou par tout autre mode prévu par le loi.
Cependant, nul ne peut s'approprier par occupation, prescription ou accession les biens de l'État, sauf ceux que ce dernier a acquis par succession, vacance ou confiscation, tant qu'ils n'ont pas été confondus avec ses autres biens. Nul ne peut non plus s'approprier les biens des personnes morales de droit public qui sont affectés à l'utilité publique.
Property is acquired by contract, succession, occupation, prescription, accession or any other mode provided by law.
No one may appropriate property of the State for himself by occupation, prescription or accession except property the State has acquired by succession, vacancy or confiscation, so long as it has not been mingled with its other property. Nor may anyone acquire for himself property of legal persons established in the public interest that is appropriated to public utility. [mes soulignements]
[11] Afin
d'être en mesure de saisir la portée exacte de l'article
Les chemins, rues, quais, débarcadères, places, marchés, et autres lieux de même nature, possédés pour l'usage général et public, ne peuvent s'acquérir par prescription, tant que la destination n'a pas été changé autrement que par l'empiètement souffert.
Roads, streets, wharfs, landing-places, squares, markets and other places of a like nature, possessed for the general use of the public, cannot be acquired by prescription, so long as their destination has not been changed otherwise than by tolerating the encroachment. [nos soulignements]
[12] La
version anglaise de l'article
[13] L'arrêt
Cité de Montréal c. Hill-Clark-Francis
(Quebec) Ltd. reprenait une certaine interprétation de notre Cour de
l'article
C'est en vain que les avocats de l'appelante nous diront que, pour qu'il en soit ainsi, il faut que la chose non seulement soit pour le bénéfice du public, mais en plus soit affectée à l'usage de tous les citoyens, ut singuli. Même si la distinction existe, il me semble qu'il est permis à tous les citoyens, tous les hommes vivant à Québec, d'utiliser l'eau de l'aqueduc, soit pour se désaltérer, se blanchir, soit pour arrosage ou protection contre l'incendie, etc.[4].
[14] Dans un arrêt subséquent, notre Cour a considéré un réservoir raccordé à un aqueduc comme étant un bien faisant partie du domaine public de la municipalité[5], suivant le raisonnement établi dans l'affaire Concrete Column Clamps.
[15] Le
courant jurisprudentiel se basant sur la version anglaise du texte de l'article
[16] L'interprétation
donnée à la version française de l'article
[17]
Toutefois, l'interprétation de l'article
[18]
Tout comme l’article
[19]
Quelle était l’intention du législateur lorsqu’il a édicté
l’article
[20]
Tout d’abord, il est possible de considérer que l’article
[21]
Enfin, l’article
[22]
Il serait aussi possible, dans le cadre de l'interprétation
des termes "affectés à l'utilité publique" utiliés à l'article
[23]
Dans l’arrêt Cité de
Montréal c. Hill-Clark-Francis Ltd.,
la Cour a décidé, sous la plume du juge Choquette, en se basant sur le critère
d’usage général et public employé dans
les affaires Concrete Column Clamps Ltd.
et Stanton Pipes qu’un bâtiment abritant
un atelier d’entretien et de réparation, de même qu’une remise à marchandises
(tous reliés au service d’assainissement des eaux de la municipalité) n’est pas
destiné à l’usage général et public et ne fait donc pas partie, sur la base de
cette conclusion, du domaine public de la municipalité, puisqu’il n’est destiné
qu’au seul usage de l’administration municipale. Cette solution n’est pas sans
surprendre. Je crois que le juge Choquette, n’a pas appliqué le critère d’usage
général et public tiré de la version française de l’article
[24] L’application de la théorie de l’accessoire à une situation telle que celle de l’affaire Cité de Montréal c. Hill-Clark-Francis (Quebec) Ltd. aurait pour effet de conduire à une solution de loin plus logique. En effet, comment un bâtiment dont la fonction est d’abriter le service d’entretien du système d’aqueduc peut-il ne pas être considéré comme un bien d’utilité publique? Un auteur a écrit à propos de l’arrêt Cité de Montréal c. Hill-Clark-Francis (Quebec) Ltd.: "[L]es dépendances et les accessoires indissociables des biens susdits devraient faire partie des biens du domaine public, par application de la règle de l’accessoire (accessorium sequitur principale). Ainsi, l’atelier d’entretien et les autres accessoires d’un aqueduc municipal devraient relever nécessairement du domaine public de la municipalité concernée"[23].
[25] L’application de la théorie de l’accessoire n’a cependant rien de totalement nouveau. En effet, notre Cour paraît l’avoir utilisée dans l’affaire Calor Ltd. c. Kwiat:
Il a donc été établi que l’incinérateur «Des Carrières» est un édifice qui sert à tous les citoyens de Montréal et qu’il fait partie intégrante du système de disposition des déchets, le tout en raison du devoir de la ville d’assurer l’hygiène et la salubrité sur son territoire.
[26] Dans cette même affaire, la Cour établit un parallèle avec l’affaire Concrete Column Clamps: "Comme le réservoir de la cité de Québec, l’incinérateur «Des Carrières» de la ville de Montréal n’est qu’un accessoire de son système de disposition des déchets"[24].
[27] En outre, notre Cour a confirmé le jugement de première instance dans l’affaire Laval (Ville de) c. 139172 Canada Inc.[25]. Dans cette affaire, il a été décidé qu’une caserne de pompiers était un bien faisant partie du domaine public et affecté à l’utilité publique. La conclusion du juge de première instance, à laquelle a adhéré la présente Cour, suit le raisonnement suivant: "Un service de pompier, un service de protection d’incendie, d’une municipalité peut-il fonctionner sans caserne, ou s’agit-il d’un accessoire utile, mais d’un accessoire dont on ne peut se passer?"[26].
[28]
Alors, est-il possible de qualifier ici l’entrepôt à sel et à
sable de bien affecté à l’utilité publique au sens de l’article
[29]
Au regard de ce qui précède, je suis d’avis que le juge de
première instance n’a pas erré en qualifiant l’entrepôt à sel et à sable sur
lequel Kalad’Art a inscrit un avis d’hypothèque légale, de bien affecté à
l’utilité publique. Cette qualification est en accord avec la portée et
l’interprétation que devrait recevoir l’article
[30] Je serais donc d’avis de qualifier l’entrepôt à sel et à sable de bien affecté à l’utilité publique et, par le fait même, de rejeter avec dépens l’appel de Kalad’Art. Une telle conclusion rend les autres questions soulevées en l’instance par Kalad’Art sans fondement.
[31] En terminant, j’ai lu le commentaire du juge Biron et je le considère à propos.
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________________________________ LOUISE MAILHOT J.C.A.
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Opinion du juge BIRON |
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[32] Je suis d'accord avec l'opinion exprimée par ma collègue, Madame la juge Mailhot, que l'entrepôt à sel et à sable construit pour la ville de Rimouski est un bien affecté à l'utilité publique et comme tel, insaisissable, comme le serait l'aqueduc. L'hypothèque légale du fournisseur de matériaux qui a participé à la construction de cet entrepôt ne peut donc le grever.
[33] Je partage donc l'opinion de ma collègue que le pourvoi doit être rejeté avec dépens. Il me paraît cependant opportun de faire les observations suivantes.
[34] L'interprétation
large qui est donnée à l'art.
[35] En effet,
il ne sera pas toujours possible pour le sous-traitant de déterminer avec
certitude si sa créance éventuelle sera garantie par l'hypothèque légale que
l'art.
[36] Les
municipalités y perdraient si, par crainte de ne pas être payés, les
architectes, ingénieurs, fournisseurs de matériaux, entrepreneurs et
sous-entrepreneurs exigeaient de contracter directement avec la municipalité
pour pouvoir bénéficier des dispositions des
[37] Je suis donc humblement d'avis que le législateur devrait fixer clairement l'état du droit sur la question de façon à ce que les personnes qui participent à une construction destinée à un usage municipal connaissent exactement l'étendue de leurs droits. Il me semble qu'à défaut de permettre qu'une hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction puisse être enregistrée sur un bien immeuble d'une municipalité, un autre mécanisme puisse être trouvé qui garantisse la créance des sous-traitants.
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________________________________ ANDRÉ BIRON J.C.A. (AD HOC)
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[1] [1968] C.A. 211.
[2] Concrete Column Clamps Ltd. c. Cie de construction de Québec Ltée, (1939) 67 B.R. 536 et Concrete Column Clamps Ltd c. Cité de Québec, [1940] R.C.S. 522 .
[3] [1940] R.C.S. 522 .
[4] Concrete Column Clamps Ltd c. Cie de construction de Québec Ltée, (1939) 67 B.R. 536 à la p. 555.
[5] Stanton
Pipes (Canada) Ltd c. Sylvain,
Voir le point «Cas en l'espèce» à la p. 8 et s. du présent texte pour un développement sur l'affaire Cité de Montréal c. Hill-Clark-Francis (Quebec) Ltd.
[6] Voir A. Lemay, «La propriété immobilière municipale» dans Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Développements récents en droit municipal, vol. 100, Cowansville, Yvon Blais, 1998, 33 à la p. 42 qui rapporte l'opinion d'un autre auteur sur cette question.
[7] (10 novembre 1975), Montréal, 09-000650-73 (C.A.).
[8] Calor Ltd c. Kwiat, (10 novembre 1975), Montréal, 09-000650-73 à la p. 5 (C.A.).
[9] Voir J. Hétu, Y. Duplessis et D. Pakenham, Droit municipal : principes généraux et contentieux, Montréal, Hébert Denault, 1998 aux pp. 1130-1131; A. Lemay, «La propriété immobilière municipale» dans Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Développements récents en droit municipal, vol. 100, Cowansville, Yvon Blais, 1998, 33 à la p. 41.
[10] J.
Serrentino Construction Co. Ltd c. Cité de Laval-sur-le-Lac,
[11] A. Lemay, «La propriété immobilière municipale», dans Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Développements récents en droit municipal, vol. 100, Cowansville, Yvon Blais, 1998, 33 à la p. 42.
[12] L. Payette, Les
sûretés dans le Code civil du Québec, Cowansville, Yvon Blais, 1994 à la p.
297; J. Hétu, Y. Duplessis et D. Pakenham,
[13] P.-C. Lafond,
[14] P.-C. Lafond,
[15] F. Pérodeau, «L'impact du Code civil du Québec sur l'étendue du
domaine public en matière municipale» (1997) 4 Bulletin de droit municipal 110
à la p. 115: "La notion d'utilité publique que l'on retrouve maintenant à
l'article
[16] Un auteur a exprimé son désaccord avec cette solution: F. Pérodeau, «L'impact du Code civil du Québec sur l'étendue du domaine public en matière municipale», (1997) 4 Bulletin de droit municipal 110 à la p. 114.
[17] A. Lemay, «La propriété immobilière municipale» dans
Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Développements récents en droit municipal, vol. 100, Cowansville,
Yvon Blais, 1998, 33 à la p. 44; J.
Hétu, Y. Duplessis et D. Pakenham,
[18] Pour ce dernier critère, voir A.Lemay, supra. Généralement, voir D.-C.
Lamontagne,
[19]J. Hétu , Y. Duplessis et D. Pakenham,
[20] J. Hétu , Y. Duplessis et D. Pakenham, supra p. 1133.
[21] Voir J. Hétu, Y. Duplessis et D. Pakenham, supra p. 1131.
[22] D.-C.
Lamontagne,
[23] D.-C. Lamontagne,
[24]Calor Ltd. c. Kwiat, (10 novembre 1975), Montréal, 09-000650-73 à la p. 5 (C.A.).
[25] (31 août 1994), Laval, 540-05-000520-944 (C.S.) confirmé par 139172 Canada Inc. c. Laval (Ville de), (7 février 1997), Montréal, 500-09-001499-946 (C.A.).
[26] (31 août 1994), Laval, 540-05-000520-944 à la p. 3 (C.S.).