1. Le ou vers le 6 mai 2007, à Salaberry-de-Valleyfield, district de Beauharnois, sans justification ou excuse raisonnable et avec l'intention d'obtenir quelque chose, ont induit ou tenté d'induire Alain Houle, par des menaces, accusations ou la violence, à accomplir ou faire accomplir quelque chose, soit : leur remettre une somme d'argent, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 346 (1) (1.1)b) du Code criminel.
2. Le ou vers le 6 mai 2007, à Salaberry-de-Valleyfield, district de Beauharnois, sans justification ou excuse raisonnable et avec l'intention d'obtenir quelque chose, ont induit ou tenté d'induire Pierre-Yves Billette, par des menaces, accusations ou la violence, à accomplir ou faire accomplir quelque chose, soit : une somme d'argent, commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 346 (1) (1.1)b) du Code criminel.
3. Entre le 30 avril 2007 et le 6 mai 2007, à
Salaberry-de-Valleyfield, district de Beauharnois, ont comploté avec Roland
Benjamin afin de commettre un acte criminel, soit : une extorsion, commettant
ainsi l'acte criminel prévu à l'article
[2] Après ses études en assurance de dommages, l'appelant Éric Davignon intègre le cabinet de courtage Rochefort, Perron, Billette et associés (RPB). Il est congédié environ un an et demi plus tard à la suite d'un conflit avec les dirigeants.
[3] Le 30 mai 2006, les dirigeants Alain Houle et Pierre-Yves Billette le rencontrent et lui remettent un document exposant les montants dus par chaque partie selon RPB :
- Dû par l'appelant à RPB (représentant des avances d'argent et des mauvaises créances) : 4 655,18 $
- Dû par RPB à l'appelant (représentant des commissions et l'achat de sa clientèle) : 10 740,53 $.
[4] L'appelant considère que RPB lui doit plutôt 30 000$ et que le montant offert est insuffisant. Il refuse de signer le document et quitte son emploi sans que cette question soit réglée.
[5] Au printemps 2007, il n'a toujours pas réussi à trouver un autre emploi dans le domaine de l'assurance et il reçoit d'une institution financière un préavis d'exercice d'un droit hypothécaire. Il doit rembourser 8 000 $ afin d'éviter la prise en paiement de sa résidence.
[6] Après avoir tenté sans succès d'obtenir un prêt auprès d'une autre institution financière, il est dirigé vers Joël Derepentigny qui accepte de lui prêter 8 000 $ s'il peut fournir une garantie suffisante.
[7] Ne pouvant offrir sa résidence en gage puisqu'elle est déjà lourdement hypothéquée, l'appelant montre à Derepentigny le document qui lui avait été remis par RPB et faisant état d'une créance d'environ 6 000 $ en sa faveur. Il lui dit qu'il considère que PRB lui doit plutôt 30 000 $.
[8] Joël Derepentigny, intéressé par cette garantie, lui demande d'autres informations dont les noms et adresses personnelles de ses anciens patrons.
[9] En 2005, pendant qu'il était toujours chez RPB, l'appelant avait transféré dans son ordinateur des documents contenant les adresses personnelles d'Alain Houle et de Pierre-Yves Billette. Il propose à Derepentigny de lui fournir une copie de ces documents.
[10] Derepentigny demande ensuite à un certain Roland Benjamin de lui recommander quelqu'un pour collecter une somme d'argent. Benjamin le réfère à Alain Thomas, une personne à qui il vend des stupéfiants et qui lui doit 6 000 $.
[11] Au début du mois de mai 2007, Derepentigny dit à l'appelant d'aller déposer une copie du document de reconnaissance de dette ainsi que les informations personnelles des dirigeants de RPB chez Alain Thomas et d'aviser Roland Benjamin lorsque cela sera fait.
[12] C'est ainsi que le 6 mai 2007, l'appelant se rend vers 18h00 au [23 rue A] à Valleyfield pour y remettre les documents à Alain Thomas. Véronique Delisle, la conjointe de Thomas, est présente et affirme avoir entendu dire que ces documents étaient nécessaires pour faire une collecte d'argent auprès d'assureurs.
[13] Le même jour, vers 20h00, Alain Thomas[1] téléphone chez Pierre-Yves Billette :
Il me dit : « Vous êtes bien Pierre-Yves Billette? - J'ai dit : - Oui. - Vous demeurez bien au [17 rue B] - J'ai dit : - Oui. - Votre conjointe s'appelle bien Carole Archambault? - J'ai dit : - Est-ce que je peux savoir à qui je parle s'il vous plaît? - Il dit : - Je vais continuer à parler, vous allez savoir à qui vous parlez. - J'ai dit : - Non, je ne vais pas plus loin que ça, je veux savoir à qui je parle. - Il dit : - Mon nom, c'est Ricardo. - J'ai dit : - Qu'est-ce que je peux faire pour toi, Ricardo? - Il dit : - Vous devez treize mille dollars (13 000,00 $) à Éric D'Avignon. - Il dit : - Vous connaissez Éric D'Avignon? - J'ai dit : - Oui. - Il dit : - Vous lui devez treize mille dollars (13 000,00 $). - Il dit : - C'est moi qui a la charge de collecter. - Il dit : - C'est trente mille dollars (30 000,00 $) que vous me devez et je m'en vais chez vous et je m'en vais vous casser les deux (2) jambes si vous ne voulez pas collaborer ».
[14] Après avoir raccroché, Pierre-Yves Billette compose *57.
[15] Vers 20h30, un autre appel est fait, cette fois chez Alain Houle. Un dénommé Ricardo lui réclame 30 000 $ que l'entreprise PRB doit à l'appelant Éric Davignon et ajoute qu'il se rend chez lui pour lui casser les deux jambes s'il n'accepte pas de payer.
[16] Alain Houle en informe Stéphane Benoît, un voisin qui est policier enquêteur à la Sûreté du Québec, qui se rend chez lui et compose le *57. Il apprend que l'appel provient de la résidence d'Alain Thomas. M. Benoît téléphone ensuite à l'appelant et lui demande de mettre fin aux démarches.
[17] Peu après, Messieurs Houle et Benoît aperçoivent un véhicule blanc qui s'éloigne dès que M. Benoît sort de la résidence. Trois autres appels téléphoniques provenant du cellulaire de Roland Benjamin seront ensuite faits à la résidence d'Alain Houle.
[18] Le véhicule blanc aperçu devant la résidence de M. Houle appartient à Roland Benjamin qui avait accepté d'y conduire Alain Thomas. Selon Roland Benjamin, c'est Alain Thomas qui a appelé chez Alain Houle après avoir emprunté son cellulaire.
[19] Alain Thomas est arrêté le soir même à son domicile et les documents que lui avait remis l'appelant sont retrouvés chez lui.
[20] Les témoignages de Roland Benjamin, Alain Thomas, Véronique Delisle et de l'appelant sont contradictoires relativement à la participation de chacun dans les événements.
[21] Véronique Delisle dit que c'est Benjamin qui a imposé ce contrat sous la menace à son conjoint Alain Thomas pour qu'il puisse le rembourser et qui l'a mis en contact avec l'appelant. Lorsque l'appelant arrive chez elle le 6 mai 2007, il discute 10 à 15 minutes avec Thomas. Elle croit les avoir entendu dire que cette collecte auprès des assureurs leur permettrait de payer leurs dettes envers Benjamin. Puis, en soirée, elle entend Alain Thomas faire un appel à l'un des assureurs avant de le voir quitter le logement avec Roland Benjamin, dans le véhicule de ce dernier.
[22] Thomas affirme lui aussi que ce contrat de collecte d'argent lui a été imposé par Benjamin qui désirait qu'il rembourse la dette de 6 000 $ qu'il avait envers lui. Le 6 mai 2007, l'appelant vient lui porter les documents et ils discutent pendant 10 à 15 minutes. La collecte leur permettrait de rembourser leurs dettes respectives auprès de Benjamin. Thomas raconte avoir fait le premier appel aux dirigeants de RPB et que son colocataire a fait les suivants. Benjamin l'aurait ensuite rejoint pour se rendre au domicile de messieurs Houle et Binette grâce aux informations fournies par l'appelant.
[23] Benjamin nie toute implication, sauf d'avoir fourni les coordonnées d'Alain Thomas à Joël Derepentigny. Il affirme s'être trouvé par hasard chez Alain Thomas le soir du 6 mai 2007, lorsque celui-ci lui aurait demandé de le conduire à Valleyfield. Puis, Thomas a emprunté son cellulaire dans son véhicule pour faire des appels. Il nie avoir communiqué par téléphone avec l'appelant les 4 et 6 mai 2007. Malgré tout, le 29 janvier 2010, Roland Benjamin plaide coupable à une accusation d'extorsion ainsi qu'à une autre de complot.
[24] Quant à l'appelant, il dit ne pas connaître Alain Thomas et Roland Benjamin. C'est uniquement selon les instructions de Joël Derepentigny, à qui il avait demandé un prêt, qu'il a fourni à Thomas des documents personnels relatifs à Alain Houle et Pierre-Yves-Billette. Il affirme qu'il n'a jamais été question de collecter de l'argent, mais simplement de fournir une garantie pour obtenir un prêt. Lorsque le policier Benoît l’a rejoint concernant les appels faits chez Alain Houle, il a immédiatement communiqué avec Joël Derepentigny et lui a demandé de tout arrêter.
[25] Après avoir exposé les faits, la juge de première instance souligne, en référant à l'arrêt Rousseau c. R[2], que la poursuite devait établir que l'appelant avait menacé ou usé de violence à l'égard d'une personne pour l'induire à faire ce qu'elle avait le droit de s'abstenir de faire.
[26] Elle ajoute que si l'appelant avait un droit sur la chose demandée, elle devra examiner s'il y avait une justification ou une excuse raisonnable pour proférer les menaces.
[27] Elle retient que l'appelant, un ex-homme d'affaires, courtier en assurances, ne pouvait ignorer, en remettant des documents contenant des informations confidentielles à des inconnus, des intermédiaires, des contacts établis à la sauvette, que ces personnes s'en serviraient pour obtenir, par des menaces ou des pressions, le remboursement de la somme d'argent qu'il n'osait pas réclamer lui-même ou, du moins, qu'il n'avait jamais réclamée auparavant.
[28] Elle conclut que la preuve établit hors de tout doute raisonnable le complot de l'appelant avec Roland Benjamin et Alain Thomas dans le but de commettre une extorsion et que l'appelant a joué un rôle dans les démarches d'extorsion. Des menaces ont été proférées dans l'intention d'induire Pierre-Yves Billette et Alain Houle à accomplir quelque chose, et ce, sans justification ou excuse raisonnable. Elle déclare donc l'appelant coupable des deux chefs d'accusation d'extorsion et du chef d'accusation de complot.
[29] L'appelant propose l'étude des questions suivantes :
- La juge de première instance a-t-elle fondé son jugement sur une interprétation erronée de la preuve et de la trame des événements, de sorte qu'elle n'a pas rendu un verdict juste?
- La juge a-t-elle erré dans le cadre de la question en litige qu'elle a examinée, l'appelant n'ayant aucunement présenté une défense d'excuse raisonnable ou de justification?
- La juge a-t-elle erré en imposant à l'appelant le fardeau de démontrer une excuse raisonnable ou une justification à l'extorsion alléguée?
- La juge a-t-elle erré dans son cheminement intellectuel quant à l'application du doute raisonnable relativement au témoignage de l'appelant?
1) L'interprétation de la preuve
[30] L'appelant invoque que la juge de première instance a commis plusieurs erreurs portant sur des éléments importants dans son analyse de la preuve, au point que la déclaration de culpabilité prononcée contre lui doit être infirmée puisqu'elle ne peut raisonnablement s'appuyer sur la preuve offerte. (article 686. (1) a) C.cr.).
[31] Dans l'arrêt R. c. Lohrer, la Cour suprême réitère que, pour justifier l'intervention d'une cour d'appel, l'interprétation erronée de la preuve doit porter sur l'essence plutôt que sur des détails et que les erreurs doivent avoir joué un rôle capital non seulement dans les motifs du jugement, mais encore dans le raisonnement à l'origine de la déclaration de culpabilité :
2 L’arrêt Morrissey, faut-il le souligner, établit une norme stricte. L’interprétation erronée de la preuve doit porter sur l’essence plutôt que sur des détails. Elle doit avoir une incidence importante plutôt que secondaire sur le raisonnement du juge du procès. Une fois ces obstacles surmontés, il faut en outre (le critère étant énoncé de manière conjonctive plutôt que disjonctive) que les erreurs ainsi relevées aient joué un rôle capital non seulement dans les motifs du jugement, mais encore « dans le raisonnement à l’origine de la déclaration de culpabilité ».[3]
[nos soulignements]
[32] La norme d'intervention de la Cour est bien établie :
9 L’appelant soutient qu’à cet égard,
notamment, la Cour d’appel s’est écartée à tort de l’appréciation que le juge
du procès a faite de la preuve. En toute déférence, je suis d’accord avec
lui. Mais puisque, de toute manière, je suis d’avis d’accueillir le
pourvoi pour d’autres motifs, j’estime qu’il suffit simplement, en l’espèce, de
réaffirmer les principes applicables. Les cours d’appel ne peuvent pas
modifier les inférences et conclusions de fait du juge du procès, à moins
qu’elles soient manifestement erronées, non étayées par la preuve ou par ailleurs
déraisonnables. De plus, l’erreur imputée doit être clairement
relevée. Il faut aussi démontrer qu’elle a influé sur le résultat.
Les mots « erreur manifeste et dominante » expriment de manière
concise et éloquente cette norme bien établie : voir Stein c. Le
navire « Kathy K »,
[33] L'appelant plaide d'abord que la juge de première instance commet une erreur en retenant que l'appel de menaces chez Pierre-Yves Billette provenait du cellulaire de Roland Benjamin, alors que la preuve révèle que cet appel provenait plutôt de la résidence de Véronique Delisle et Alain Thomas.
[34] Cette erreur n'a aucun impact sur le raisonnement à l'origine de la déclaration de culpabilité puisque la juge identifie correctement Alain Thomas comme étant la personne qui a fait cet appel et que cela n'implique aucune participation additionnelle de l'appelant à la commission des infractions.
[35] L'appelant dénonce ensuite que la juge retient que l'appel chez Alain Houle est survenu quelques secondes seulement après celui d’Alain Thomas chez Pierre-Yves Billette. Bien qu'il se soit effectivement écoulé environ 30 minutes entre ces deux appels, l'erreur n'est pas déterminante puisque ce n'est pas l'appelant qui les a faits et qu’il n'a pas été en contact avec ses prétendus complices pendant ce délai. Par ailleurs, il appert du jugement que la juge était bien au fait du délai de 30 minutes entre les deux appels :
[12] Donc vers 20 heures, Pierre-Yves Billette reçoit un téléphone d'un individu se nommant Ricardo et mentionnant : […]
[…]
[15] Puis quelques secondes plus tard, c'est au tour d'Alain Houle de recevoir chez lui à la maison un appel téléphonique du même genre : il est 20h32 : […]
[nos soulignements]
[36] L'appelant reproche aussi à la juge d'affirmer que l'appel chez Alain Houle à 20h32 provenait du cellulaire de Roland Benjamin :
[19] Quant à Alain Houle, il ajoute qu'après l'appel logé vers 20h30 et le recours à l'aide auprès de son voisin policier, ceux-ci observent un véhicule blanc passer devant chez lui. La preuve a révélé que Rolland Benjamin, qui a aussi plaidé coupable à l'accusation d'extorsion, conduisait Alain Thomas dans la rue devant la maison de Houle. Benjamin avait prêté son cellulaire à Thomas et les relevés téléphoniques ont prouvé cet appel logé Alain Houle à 20h32.
[nos soulignements]
[37] La preuve révèle que cet appel provenait plutôt de la résidence de Véronique Delisle et d'Alain Thomas, tout comme l'appel précédent chez Pierre-Yves Billette. D'ailleurs, dans le paragraphe suivant de son jugement, la juge le souligne :
[20] La preuve du relevé téléphonique obtenu suite à un mandat de perquisition démontrera que Alain Thomas a placé l'appel à Alain Houle de chez lui [(…)]. La conversation à cet effet a été entendue par Véronique Delisle conjointe de Thomas qui a fourni un témoignage en ce sens devant le Tribunal.
[38] Cette confusion quant à l'endroit d'où provenaient ces appels n'est toutefois pas déterminante puisque la juge ne commet pas d'erreur en identifiant Alain Thomas comme étant la personne qui les a effectués, et ce, hors la présence de l’appelant.
[39] L'appelant invoque que la juge commet une autre erreur lorsqu'elle affirme qu'il y aurait eu quatre conversations téléphoniques entre l'appelant et ses présumés complices peu de temps après les appels effectués par Alain Thomas chez Pierre-Yves Billette et Alain Houle :
[20] Enfin la preuve des relevés téléphoniques de ce cellulaire appartenant à Rolland Benjamin [(…)] et utilisé par Alain Thomas, démontre aussi quatre communications téléphoniques entre D'Avignon et eux entre 21h01 et 21h33.
[21] Éric D'Avignon les admet aussi. […]
[40] Or, il appert qu'il n’y a eu que trois communications pendant ce délai, et ce, entre le téléphone cellulaire de Roland Benjamin et la résidence d'Alain Houle. L'appelant n'a pas communiqué avec Roland Benjamin après les appels faits par Alain Thomas chez Pierre-Yves Billette et Alain Houle ni après l'appel du policier Stéphane Benoît lui demandant de mettre un terme aux menaces.
[41] Selon le registre téléphonique, il y a eu des communications le 6 mai 2007 entre l'appelant et le cellulaire de Roland Benjamin. Toutefois, ce n’était pas entre 21h01 et 21h33, mais plutôt vers l’heure du souper.
[42] De prime abord, l'erreur ainsi commise par la juge semble sérieuse étant donné la nature des accusations de complot et d'extorsion (par le biais de la complicité) portées contre l'appelant.
[43] Relativement à une accusation de complot, la preuve des communications entre les présumés complices revêt une grande importance et retenir à tort que l'appelant a communiqué avec l'un d'eux après les appels faits chez les victimes et l'avertissement de Stéphane Benoît paraît très préjudiciable à l'appelant.
[44] Dans États-Unis d'Amérique c. Dynar, la Cour suprême expose ainsi les éléments essentiels de l'infraction de complot :
86. Dans l’arrêt R. c. O’Brien, [1954] R.C.S. 666, aux pp. 668 et 669, notre Cour a fait sienne la définition du complot énoncée dans l’arrêt anglais Mulcahy c. The Queen (1868), L.R. 3 H.L. 306, à la p. 317:
[traduction] Un complot ne réside pas seulement dans l’intention de deux ou plusieurs personnes, mais dans l’entente conclue entre deux ou plusieurs personnes en vue de commettre un acte illégal, ou d’accomplir un acte légal par des moyens illégaux. Tant qu’un tel projet reste au stade de l’intention, il ne peut faire l’objet de poursuites. Lorsque deux personnes conviennent de le mettre à exécution, le projet lui-même devient un acte distinct, et l’acte de chaque partie [. . .] devient punissable s’il vise un but criminel …
L’intention de conclure une entente, la conclusion d’une entente et l’existence d’un projet commun sont essentiels.[5]
[45] En l’espèce, le fait que la juge de première instance retienne erronément de la preuve que l'appelant aurait communiqué avec Roland Benjamin après les appels de menaces d’Alain Thomas auprès des victimes n'apparaît toutefois pas déterminant dans le raisonnement l'amenant à conclure à l'existence d'une entente entre les complices. En effet, ce sont manifestement d’autres éléments qu’elle a retenus de la preuve qui se sont avérés déterminants dans son raisonnement :
[56] Quand Éric D'Avignon confirme à Rolland Benjamin vers l'heure du souper ce dimanche 6 mai, qu'il est allé porter les renseignements confidentiels à Alain Thomas, n'est-ce pas parce que l'entente entre eux est complète, il a fait sa part, maintenant à Benjamin et son homme de faire le reste.
[46] Cette erreur n’a donc pas joué un rôle capital dans les motifs du jugement de la juge ni dans son raisonnement à l’origine de la déclaration de culpabilité. En effet, elle a décidé que l'entente entre les complices avait déjà été conclue lorsque l'appelant a téléphoné à Roland Benjamin pour l'aviser vers l'heure du souper, le 6 mai 2007, qu’il avait livré les documents chez Alain Thomas.
[47]
L'appelant reproche aussi à la juge d'avoir mentionné que c'est à la
suite de l'émission d'un mandat de perquisition (art.
[48] Or, que le policier ait obtenu ce renseignement au moyen d'un mandat de perquisition ou encore à la suite d'une ordonnance de communication n'a aucune incidence dans le raisonnement de la juge, d'autant plus que la légalité de cette ordonnance n'a jamais été contestée par l'appelant en première instance ni en appel.
[49] L'appelant soulève que la juge erre en affirmant que :
[42] Lorsque Derepentigny l'informe que l'on va tenter d'obtenir le financement initialement requis de 8 000 $, mais majoré à 30,000$, il demande les coordonnées des deux débiteurs.
[50] Le seul témoin qui parle de cette rencontre est l'appelant lui-même qui relate que les coordonnées de ses débiteurs Alain Houle et Pierre-Yves Billette devaient être fournies en plus du document faisant état de sa créance afin d’en « prouver la tangibilité ». Il admet toutefois avoir dit à Derepentigny que RPB lui devait environ 30 000 $ et c'est d'ailleurs le montant que Thomas a réclamé en effectuant les appels de menaces.
[51] Ainsi, selon la preuve, la juge de première instance pouvait raisonnablement retenir que l’appelant avait été informé qu’on tenterait d’obtenir 30 000 $. Il n'appartient pas à la Cour d'intervenir à ce sujet.
[52] La juge de première instance souligne aussi dans ses motifs qu'il y aurait eu une ou deux rencontres entre l'appelant et Roland Benjamin dans un restaurant à la suite d'un contact établi par Joël DeRepentigny et que ce serait Benjamin qui aurait fourni l’adresse de Thomas à l’appelant :
[44] Au départ, le contact est établi avec Derepentigny puis un lien est dirigé vers Rolland Benjamin, un numéro de cellulaire, une rencontre ou deux au restaurant et enfin il va livrer ces informations personnelles et confidentielles à une troisième personne, Alain Thomas, un dimanche en début de soirée dans un logement infect et délabré dont l'adresse vient de lui être communiquée par Benjamin.
[53] Selon l'appelant et Benjamin, la juge de première instance serait dans l’erreur puisque, d’une part, ils ne se seraient rencontrés auparavant qu'une seule fois par hasard dans un restaurant et, d’autre part, c’est Derepentigny et non Benjamin qui aurait communiqué l'adresse d'Alain Thomas à l'appelant.
[54] Mais, d’autre part, selon Alain Thomas et Véronique Delisle, c'est Benjamin qui aurait proposé la « magouille » à Alain Thomas et qui lui aurait présenté l'appelant. De plus, ni Benjamin ni l'appelant n'ont pu expliquer pourquoi le registre du cellulaire de Benjamin indiquait trois communications entre eux le 4 mai 2007, soit 2 jours avant les événements.
[55] Il appartenait à la juge de première instance d'apprécier la crédibilité de l'appelant et des autres témoins, notamment Roland Benjamin. Compte tenu de la grande déférence dont doit faire preuve la Cour à l'égard des questions relatives à la crédibilité des témoins[6], l'appelant ne nous a pas convaincus que ce moyen d'appel était fondé.
[56] Par ailleurs, malgré que l'appelant ait raison de soulever que la juge de première instance a commis certaines erreurs dans l'interprétation de la preuve, aucune de ces erreurs ne s'avère déterminante.
2) L'excuse raisonnable ou la justification
[57] Nous examinerons simultanément les deuxième et troisième motifs d'appel en raison de leur connexité.
[58] L'appelant reproche à la juge de première instance d’avoir erré en déterminant la véritable question en litige et en imposant à l’appelant le fardeau de fournir une excuse raisonnable ou une justification.
[59] Dès le début de son jugement, la juge énonce ainsi la question en litige :
[2] L'accusé a-t-il fourni une justification ou une excuse raisonnable au fait que des menaces d'extorsion ont été proférées aux deux victimes?
[60] L'appelant prétend que cette question n'a jamais été au cœur de l'affaire et qu'il a toujours plaidé ne pas avoir eu l'intention spécifique de commettre le complot ni les extorsions dont il était accusé.
[61]
L'infraction d'extorsion est prévue à l'article
346 (1) Extorsion - Commet une extorsion quiconque, sans justification ou excuse raisonnable et avec l'intention d'obtenir quelque chose, par menaces, accusations ou violence, induit ou tente d'induire une personne, que ce soit ou non la personne menacée ou accusée, ou celle contre qui la violence est exercée, à accomplir ou à faire accomplir quelque chose.
[62] Dans l'arrêt Natarelli, la Cour suprême énumère les éléments essentiels qui doivent être établis par la poursuite :
Speaking generally, the essential ingredients of an offence under s. 291 are, (i) that the accused has used threats, (ii) that he has done so with the intention of obtaining something by the use of threats; (whatever meaning be given to the word “extort” the word “gain” as used in the section is simply the equivalent of “obtain”) and, (iii) that either the use of the threats or the making of the demand for the thing sought to be obtained was without reasonable justification or excuse; (the question on this aspect of the matter is not whether one item in the accused’s course of conduct, if considered in isolation, might be said to be justifiable or excusable but rather whether his course of conduct considered in its entirety was without justification or excuse).[7]
[63] Dans l'arrêt R c. Alexander, la Cour d'appel de l'Ontario souligne que l’absence de justification ou d’excuse raisonnable s'ajoute aux autres éléments essentiels :
[72] The broad prohibition in s. 346(1) is tempered by the availability of the defence of “reasonable justification or excuse”. That defence and similarly-phrased defences appear in many of the offence-creating provisions of the Criminal Code (e.g., ss. 69, 254(5), 349, 351, 450, 452). A reasonable justification or excuse refers to some matter that is extraneous to the existence of the essential elements of the offence that justifies or excuses actions that would otherwise constitute the crime. An accused who relies on a “reasonable justification or excuse” admits that he committed the prohibited act with the requisite culpable mental state, but argues that the circumstances in which he did so justify or at least excuse what he did. [références omises][8]
[notre soulignement]
[64]
En l'espèce, puisque c'est Alain Thomas et non pas l'appelant qui a
proféré les menaces à Alain Houle et Pierre-Yves Billette de leur « casser
les deux jambes » s'ils ne lui remettaient pas la somme de 30 000 $,
c'est donc en invoquant les dispositions de l'article
[65] En première instance comme en appel, l'appelant ne plaide pas l'excuse raisonnable ou la justification, mais plutôt l'absence de preuve hors de tout doute raisonnable de sa participation à l'infraction commise par Alain Thomas. D'ailleurs, son avocat conclut ainsi son plaidoyer :
Donc, (inaudible) quand vous avez une question comme ça, est-ce que vous avez une preuve hors de tout doute raisonnable que monsieur D'Avignon a extorqué ou a participé à l'extorsion de ces gens-là, même en s'aveuglant volontairement ? Je vous soumets respectueusement que je pense que non. Je pense que monsieur D'Avignon a agi de manière peut-être irréfléchie, mais il cherchait un prêt et il n'y avait rien à lui faire soupçonner ou croire que l'extorsion allait sortir, allait résulter du (inaudible). Merci.
[66] Puisque l'appelant nie avoir participé à la commission des infractions et non pas d'avoir eu une excuse raisonnable, la question en litige, telle que posée par la juge de première instance, peut surprendre.
[67] Malgré cela, il appert qu’elle a clairement motivé sa conclusion que l'appelant avait effectivement été partie aux infractions qui lui sont reprochées et qu’elle n’a pas ignoré la véritable défense offerte par l'appelant. Elle retient plus particulièrement les gestes posés par l’appelant et son aveuglement volontaire :
[50] N'a-t-il pas agi ainsi dans le but d'obtenir que de l'argent soit payé par Billette et Houle dont il bénéficierait par la suite ?
[51] Sinon à quoi peuvent servir les renseignements personnels. Une demande de remboursement pouvait être faite par avocat à la place d'affaires des ex-employeurs. Peut-être avait-il un droit réel, civil et exigible mais comment ne pas savoir que ceux à qui il remettait ces informations n'utiliseraient pas les recours civils et appropriés. Ils étaient des inconnus, des intermédiaires, des contacts établis à la sauvette dans un restaurant, des documents confidentiels confiés à un jeune un dimanche soir dans un appartement délabré.
[52] Il ne pouvait pas ignorer que l'on utiliserait des moyens détournés pour obtenir cet argent. C'est de l'aveuglement ou de la naïveté, comme l'a mentionné son procureur, mais tel que cité par la Cour Suprême dans l'affaire Natarelli précitée, la conduite de l'accusé doit être analysée dans son ensemble.
[68] Dans l'arrêt Briscoe, la Cour suprême expose en quoi l'aveuglement volontaire d'un individu peut être suffisant pour retenir sa participation à une infraction :
[21] L’ignorance volontaire ne définit pas la mens rea requise
d’infractions particulières. Au contraire, elle peut remplacer la
connaissance réelle chaque fois que la connaissance est un élément de la mens
rea. La doctrine de l’ignorance volontaire impute une connaissance à
l’accusé qui a des doutes au point de vouloir se renseigner davantage, mais qui
choisit délibérément de ne pas le faire. Voir Sansregret c.
La Reine,
[69] L'intention et la connaissance de l’appelant pouvaient ainsi être prouvées en démontrant qu’il avait délibérément fermé les yeux sur ce qui se passait. C'est d’ailleurs ainsi que conclut la juge de première instance en rejetant la version des faits de l'appelant :
[53] Un ex-homme d'affaires, courtier en assurances, qui ferme les yeux ou qui ne prend pas les précautions raisonnables en de telles circonstances ne peut être crédible.
[70] L'appelant allègue aussi que la juge commet une erreur en analysant l'aveuglement volontaire sous un angle objectif plutôt que subjectif.
[71] Dans l'arrêt Sansregret, la Cour suprême distingue la négligence civile de l'insouciance emportant la responsabilité criminelle d'un individu en ce que cette notion doit comporter un élément subjectif pour entrer dans la composition de la mens rea criminelle :
16. Le concept de l'insouciance comme fondement de la responsabilité criminelle a fait l'objet de nombreux débats. La négligence, c'est-à-dire l'absence de diligence raisonnable, est un concept de droit civil qui, de façon générale, ne s'applique pas pour déterminer la responsabilité criminelle. Néanmoins, elle est souvent confondue avec l'insouciance au sens criminel et il faut prendre bien soin de distinguer les deux concepts. La négligence s'apprécie selon le critère objectif de la personne raisonnable. La dérogation à sa conduite pondérée habituelle, sous la forme d'un acte ou d'une omission qui démontre un niveau de diligence inférieur à ce qui est raisonnable, entraîne une responsabilité en droit civil mais ne justifie pas l'imposition de sanctions criminelles. Conformément aux principes bien établis en matière de détermination de la responsabilité criminelle, l'insouciance doit comporter un élément subjectif pour entrer dans la composition de la mens rea criminelle. Cet élément se trouve dans l'attitude de celui qui, conscient que sa conduite risque d'engendrer le résultat prohibé par le droit criminel, persiste néanmoins malgré ce risque. En d'autres termes, il s'agit de la conduite de celui qui voit le risque et prend une chance. C'est dans ce sens qu'on emploie le terme "insouciance" en droit criminel et il est nettement distinct du concept de négligence en matière civile.[10]
[72] Bien qu'elle affirme que l'appelant n'a pas pris « les précautions raisonnables en de telles circonstances », la juge d'instance ne s'est toutefois pas écartée de cette norme.
[73] En effet, elle rejette d’abord les explications de l'appelant quant aux raisons l'ayant amené à remettre à Alain Thomas des documents contenant les coordonnées personnelles d'Alain Houle et de Pierre-Yves Billette. Elle retient ensuite qu'il s'est fermé les yeux sur le fait que des menaces et de l'intimidation seraient utilisées pour réclamer auprès de ses débiteurs la somme qu'il estimait lui être due.
[74] Aussi, selon Alain Thomas et Véronique Delisle, l'appelant savait qu'il y aurait une collecte d’argent auprès de Pierre-Yves Billette et Alain Houle, même s'il ne s'est pas informé des moyens qui seraient utilisés. C’est ainsi que la juge de première instance considère que « ses agissements n'avaient qu'un seul but, soit d'obtenir l'argent perdu le plus rapidement possible en utilisant des moyens illégaux laissés à la discrétion de ses deux complices »[11].
[75] Ainsi, malgré que la juge ait contribué à créer de la confusion en identifiant incorrectement la véritable question en litige, elle a néanmoins analysé tous et chacun des éléments essentiels des infractions reprochées à l’appelant de même que ses moyens de défense avant de conclure qu'il avait participé aux infractions commises et qu'il avait l'intention requise compte tenu de son aveuglement volontaire.
[76] Comme le souligne la Cour dans R. c. Cedeno, « [l]'application de la doctrine de l'ignorance volontaire est intimement liée à l'appréciation de la preuve, et singulièrement à l'appréciation de la crédibilité de l'accusée, deux questions qu'il me semble plus prudent de laisser au tribunal de première instance le soin de trancher »[12].
[77] Ces moyens d’appel ne sont donc pas fondés et l'intervention de la Cour n'est pas justifiée.
3) L’application du doute raisonnable relativement au témoignage de l'appelant
[78] L'appelant reproche ici à la juge de première instance de ne pas avoir considéré la deuxième étape de l'arrêt R. c. W. (D.) )[13] avant de conclure à sa culpabilité :
Premièrement, si vous croyez la déposition de l'accusé, manifestement vous devez prononcer l'acquittement.
Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l'accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l'acquittement.
Troisièmement, même si vous n'avez pas de doute à la suite de la déposition de l'accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l'accusé.[14]
[notre soulignement]
[79] Tel que l'a rappelé la Cour dans S.L. c. R., le test exposé dans R. c. W.(D.) ne constitue pas une formule sacrée. Pour déterminer si un juge a suivi la démarche, il faut analyser ses motifs de façon globale en regard avec le fardeau de preuve de la poursuite :
[42] [….] Comme la Cour suprême l’a écrit dans C.L.Y. c. R., la formule en trois étapes énoncée dans l’affaire R. c. W.(D.) n’est pas obligatoire. Elle ne constitue pas le seul itinéraire que peut emprunter le juge du procès, mais elle offre des repères utiles. L’essentiel est que le fardeau et la norme de preuve appropriés soient appliqués.
[43] La question fondamentale dans tout procès criminel demeure celle de savoir si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, le juge des faits éprouve un doute raisonnable quant à la culpabilité d’un accusé. La preuve doit faire l’objet d’une analyse et d’une appréciation rigoureuses. Ce travail requiert aussi un exercice délicat de jugement. Par exemple, le rejet hâtif de la version de l’accusé parce que son témoignage est perfectible quant à un élément périphérique peut conduire à l’erreur judiciaire. De la même façon, la propension exagérée à aplanir les contradictions dans le témoignage du plaignant peut également conduire à l’erreur judiciaire. Or, tous en conviennent, il vaut mieux qu’un criminel échappe à la justice qu’un innocent soit déclaré coupable. [15]
[nos soulignements]
[80] En l’espèce, la juge de première instance, qui n’a manifestement pas cru l'appelant, devait ensuite, conformément au test de R. c. W.(D.), se demander si son témoignage soulevait un doute raisonnable relativement à l'un des éléments essentiels des infractions reprochées.
[81] Or, elle a clairement exprimé qu’elle était convaincue que la preuve établissait hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l'appelant :
[57] Dans l'esprit du Tribunal, la preuve hors de tout doute raisonnable a été faite par la poursuite tant de l'accusation de complot avec Benjamin dans le but de commettre l'extorsion qu'avec Alain Thomas de faire des pressions auprès de Billette et Houle afin que ceux-ci remettent une somme d'argent. L'accusation d'extorsion a aussi été prouvée hors de tout doute raisonnable.
[60] Dans notre affaire, des menaces ont été proférées avec l'intention d'induire les personnes menacées à accomplir quelque chose et il n'existait pas de justification ou d'excuse raisonnable de proférer ces menaces. L'ensemble de la preuve analysée et la conduite de l'accusé à cet égard ne laissent planer aucun doute quant au rôle qu'a joué Éric D'Avignon dans cette démarche d'extorsion.
[82] Certes, la juge ne mentionne pas spécifiquement la deuxième étape du test de R. c. W.(D.). Mais, comme le précise la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Boucher, la démarche énoncée dans W. (D.) ne constitue pas une formule sacro-sainte :
[…] La démarche énoncée dans W. (D.) ne constitue
pas une formule sacro-sainte emprisonnant les tribunaux d’instance dans un
carcan. Les juges d’instance rendent quotidiennement des jugements oraux et
limitent souvent leurs motifs à l’essentiel. Ce serait une erreur de leur
imposer l’obligation d’expliquer par le menu le cheminement qu’ils ont suivi
pour arriver au verdict. Il leur suffit de motiver leur jugement de façon à en
permettre la compréhension par les parties et l’examen par les tribunaux
d’appel : R. c. Sheppard,
[83] Tout comme dans l'arrêt Boucher, nous sommes d'avis qu'en l’espèce, en déclarant qu’elle ne croyait pas Éric Davignon, la juge de première instance s'exprime implicitement sur les deux premières étapes de W. (D.).
[84] Ce moyen d'appel doit donc aussi être rejeté.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[85] REJETTE l'appel.
[1] Alain Thomas, accusé conjointement avec l'appelant, a plaidé coupable le 13 septembre 2007 aux deux chefs d'accusation d'extorsion et au chef d'accusation de complot.
[2]
Rousseau c. R.,
[3]
R. c. Lohrer,
[4]
R. c. Clark,
[5]
États-Unis d'Amérique c. Dynar,
[6]
Voir notamment : R. c. Beaudry,
[7]
R. v. Natarelli,
[8] R. v. Alexander (2005), 206 C.C.C. (3d) 233, paragr. 72 (C.A. Ont.) (demande d'autorisation d'appeler à la Cour suprême rejetée).
[9]
R. c. Briscoe,
[10]
Sansregret c. La Reine,
[11]
Jugement dont appel, paragr. 58 (la juge reprend ici les propos du juge
Belisle dans l'affaire R. c. Poirier,
[12]
R. c. Cedeno,
[13]
R. c. W.(D.),
[14] Ibid., p. 758.
[15]
S.L. c. R.,
[16] R. c. Boucher, supra, note 15, paragr. 29.
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