Brousseau c. Laboratoires Abbott ltée |
2011 QCCS 5211 |
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JH-5116 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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N° : |
200-06-000107-089 |
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DATE : |
27 juillet 2011 |
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EN PRÉSENCE DE : |
L’HONORABLE |
SUZANNE HARDY-LEMIEUX, J.C.S. |
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ANGÈLE BROUSSEAU -et- JEAN-CLAUDE PICARD
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Requérants |
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c.
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LABORATOIRES ABBOTT LTÉE
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Intimée |
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JUGEMENT SUR LA REQUÊTE POUR AUTORISATION D'INTENTER UN RECOURS COLLECTIF |
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[1] Les requérants désirent être autorisés à intenter un recours collectif pour le groupe suivant:
«Toutes les personnes physiques au Canada ayant subi, soit à titre de victimes directes soit à titre de victimes par ricochet, des dommages découlant des effets secondaires de troubles psychiatriques induits par le médicament Biaxin (clarithromycine) fabriqué, commercialisé et distribué par l'intimée.»
[2] Parce que madame Brousseau souffre d'une pneumonie, son médecin traitant, Dr Roland Faucher, lui prescrit, le 21 septembre 2005, l'antibiotique Biaxin. Celui-ci est fabriqué et distribué par Laboratoires Abbott Ltée (Abbott).
[3] Madame prend le médicament conformément à la posologie. Le 23 septembre 2005, elle consulte de nouveau Dr Godin. Elle lui mentionne avoir la sensation de «flotter» et avoir de la difficulté à respirer. Dr Godin ne décèle rien de nouveau.
[4] Dans la nuit du 23 au 24 septembre 2005, elle se lève et va à la cuisine. Elle s'y automutile avec un couteau au niveau du poignet. Son conjoint, monsieur Jean-Claude Picard, doit la maîtriser pour l'empêcher de se mutiler davantage. Madame Brousseau subit une intervention chirurgicale au niveau du poignet gauche le 25 septembre 2005. Elle éprouve toujours des problèmes et limitations au niveau du poignet gauche.
[5] Madame Brousseau soutient que le feuillet que lui remet le pharmacien, le 21 septembre 2005, ne mentionne aucun risque d'effets secondaires majeurs[1]. Son médecin ne l'en avise pas non plus.
[6] Madame Brousseau n'a jamais repris de Biaxin depuis. Elle n'a jamais non plus vécu de problèmes d'automutilation depuis. Selon elle, c'est le Biaxin qui est la cause des troubles psychiatriques qu'elle subit. Ce risque n'est pas décrit dans les livrets d'instructions du médicament ni dans les documents reçus de la pharmacie[2].
[7] Dr Bouchard, psychiatre expert qui examine madame, mentionne que le risque de troubles psychiatriques causés par le Biaxin n'apparaît pas dans les livrets d'instructions du médicament ni dans la section monographie de cet antibiotique[3].
[8] Abbott soutient plutôt que le recours collectif n'est pas le véhicule procédural approprié en l'espèce. D'une part, les questions de droit et de faits ne seraient pas connexes ou suffisamment similaires ou identiques. Ceci entraînerait une multiplicité de «mini-procès» lors de l'audience. La définition du groupe ne serait pas appropriée car elle serait plutôt circulaire et imprécise. Les faits allégués ne justifieraient pas les conclusions recherchées. Abbott ajoute aussi que madame Brousseau et son conjoint ne sont pas des représentants adéquats.
[9] Il convient maintenant de rappeler les principes pertinents qui s'appliquent en semblable matière.
1.- Les principes pertinents
[10]
Les conditions énoncées à l'article
«1003. Le tribunal autorise l'exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu'il désigne s'il est d'avis que:
a) les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;
b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67; et que
d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres.»
[11] Il est bien reconnu en droit québécois que le recours collectif n'est pas un recours exceptionnel. Il s'agit, comme le mentionne le juge Jean-Louis Baudoin «d'un remède ordinaire qui vise à favoriser une meilleure justice sociale.»[4]
[12] À ce sujet, monsieur le juge Baudoin précise, au niveau des principes généraux, que:
«Le troisième est qu'il est indispensable de bien distinguer la qualité de la preuve qui doit être faite aux deux étapes du processus. Lorsqu'il s'agit de la requête en autorisation d'exercer le recours, le fardeau du requérant en est simplement un de simple démonstration et non de preuve par prépondérance. En outre, les faits allégués doivent être tenus pour avérés.
La quatrième, enfin, est qu'il n'est pas nécessaire que toutes les questions soulevées soient communes au groupe; il suffit qu'un certain nombre d'entre elles le soit. Cependant, le tribunal doit exiger une apparence sérieuse de droit à la lumière des faits allégués.»[5]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[13] Monsieur le juge Gendreau, dans l'arrêt Pharmascience Inc. c. Option Consommateurs, précise ce qui suit:
«Il ne faut pas confondre l'action intentée une fois
autorisée et la procédure visant cette autorisation. L'objet et la finalité de
l'une et l'autre sont antinomiques. Dans le premier cas, le Tribunal doit
statuer sur le mérite même de l'action; seront alors appliquées toutes les
règles de procédure et de preuve imposées par la loi. Dans le second, le
juge ne fait que vérifier si les conditions stipulées à l'article
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[14] Monsieur le juge Gascon, dans Option Consommateurs c. Banque de Montréal, rappelle que:
«Le recours collectif est un simple moyen de procédure. Ce n'est pas un régime exceptionnel. C'est une mesure sociale qui favorise l'accès à la justice en permettant une réparation comparable et équitable à tous les membres sans qu'il y ait sur-multiplicaiton de recours similaires, dans un cadre qui assure l'équilibre des forces entre les parties; la procédure d'autorisation est une étape sommaire ou préparatoire qui se veut un mécanisme de filtrage et de vérification, sans plus;
À ce stade, on ne décide pas du mérite du litige puisque les intimés conservent le droit de faire valoir tous leurs moyens de défense lors du déroulement du recours, une fois l'autorisation accordée. Il ne s'agit donc pas d'évaluer le bien-fondé de l'action au fond. La requête en autorisation n'est pas le procès, ni n'en fait partie. Elle ne décide pas du fond du débat.»[7]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[15] Il convient maintenant d'appliquer ces principes au présent litige.
2.- L'assise du recours
[16]
Le fondement du présent recours est la dangerosité du Biaxin et
l'intensité du devoir d'information des fabricants et distributeurs de
médicaments dans le contexte de la responsabilité extracontractuelle. Ce
recours se fonde donc sur les articles
[17]
Quant à la qualité du médicament Biaxin, l'article
[18] Selon madame Brousseau, Abbott commet une faute à son égard ainsi qu'à celle des membres du groupe en n'émettant pas des mises en garde adéquates précisant la possibilité d'effets secondaires graves, tels les troubles d'ordre psychiatrique à l'occasion de la prise du Biaxin. La divulgation tardive de cette information à l'intention des médecins et pharmaciens dans le «Compendium de produits pharmaceutiques (PCF)» ne saurait être suffisante.[8]
[19] Abbott est présumée connaître les effets secondaires mineurs et majeurs des médicaments qu'elle fabrique et distribue dont la possibilité que certains usagers du Biaxin subissent des effets secondaires d'ordre psychiatrique. Dans ce cas, elle a l'obligation de divulguer ces risques tant à l'utilisateur qu'à la communauté médicale et pharmaceutique. Elle ne le fait pas.
[20] Abbott admet d'ailleurs qu'il est possible que le Biaxin cause des effets secondaires de nature psychiatrique. Cependant, elle affirme qu'en en ayant avisé les médecins et les pharmaciens, son obligation d'information est remplie. Il appartient ensuite à ces derniers d'informer adéquatement leurs patients avant de leur prescrire ou remettre, selon le cas, le médicament.
[21] Le Tribunal ne peut, à ce stade, retenir que le recours intenté par les requérants est frivole et manifestement mal fondé.
[22] Il convient maintenant d'examiner s'il y a connexité des questions de droit ou de faits identiques ou similaires.
3.- La présence ou non
de questions de droit ou de faits identiques, similaires ou connexes (art.
[23] Comme le mentionne récemment la Cour d'appel dans l'arrêt Collectif de défense des droits de la Montérégie (C.D.D.M.) & Al c. Centre Hospitalier régional du Suroît du Centre de santé et des services sociaux du Suroît & Al.[9] l'analyse de cette question doit se faire ainsi:
«[22] Or, la seule présence d'une question de
droit commune, connexe ou similaire est suffisante pour satisfaire la condition
à l'article
[23] Il est fort possible que la détermination des questions communes ne constitue pas une résolution complète du litige, mais qu'elle donne plutôt lieu à des petits procès à l'étape du règlement individuel des réclamations. Cela ne fait pas obstacle à un recours collectifs.»
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[24] Puis, encore plus récemment, la Cour d'appel dans l'arrêt Carrier & Al c. Procureur général du Québec[10], sous la plume de monsieur le juge Guy Gagnon, précise qu'en cas de doute sur l'importance du groupe:
«[73] (…) Il est possible que les nuisances vécues
par les membres du groupe le soient à des degrés divers. Il faut cependant
se garder de mettre sur le même pied l'autorisation d'un recours collectif et
son exécution finale. Il appartiendra au juge du fond de distinguer les
questions individuelles que soulève le recours. À cet égard, celui-ci
jouit de la discrétion suffisante afin de modifier le groupe en cours
d'instance de sorte à prendre en compte certaines caractéristiques révélées par
la preuve et ainsi être en mesure de mieux traiter la diversité des
réclamations individuelles dont il est saisi. La description définitive du
groupe sera également l'une des considérations du jugement final, sans compter
que la loi prévoit des modalités particulières concernant l'analyse des
réclamations individuelles lorsque le jugement acquiert l'autorité de la chose
jugée (articles
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[25] Or, il est bien connu qu'une question s'avère être commune lorsque sa réponse est nécessaire pour disposer de la demande de chaque membre du groupe et ce, sans que chacun de ceux-ci ne soit dans une situation similaire[11].
[26] La définition du groupe proposé par les requérants est, comme on le sait, le suivant:
«Toutes les personnes physiques au Canada ayant subies, soit à titre de victime directe, soit à titre de victime par ricochet, des dommages découlant des effets secondaires de troubles psychiatriques induits par le médicament Biaxin (clarithromycine) fabriqué, commercialisé et distribué par l'intimée.»
[27] De l'avis du Tribunal, cette définition permet aux membres de s'y identifier aisément et est fondée sur des critères objectifs basés sur un fondement rationnel. Il ne s'agit pas d'une description circulaire et elle ne repose pas sur des hypothèses qui dépendent du jugement final.
[28] Il y a lieu de distinguer le présent litige de celui soumis dans Option Consommateurs & Al c. Merck Canada Inc. & Al[12]. Dans ce litige relatif à la prise du médicament FOSAMAX, prescrit pour prévenir et/ou contrer l'ostéoporose, des effets secondaires importants peuvent s'en suivre, notamment l'ostéonécrose de la mâchoire. Le groupe proposé visait toutes les personnes physiques qui, dans la Province de Québec, avaient acheté et/ou consommé ce médicament et qui ont subi un dommage par sa prise incluant aussi conjoint, père et mère et autre ascendant, enfant, succession des personnes en question. Malgré les reproches que la représentante pressentie a à l'égard de ce médicament et malgré la requête pour autorisation d'un recours collectif qu'elle intente le 31 mai 2007, cette personne continue à en consommer jusqu'à la fin de l'année 2008.
[29] Or, plusieurs types de dommages peuvent survenir suite à la consommation du FOSAMAX outre le problème de la mâchoire. Ainsi, il peut y avoir fracture atypique du fémur ou de la hanche. Ces éléments requièrent une analyse individuelle des facteurs de risque appartenant à l'état de santé de chaque personne et du nombre d'années pendant laquelle elle consomme ce médicament. C'est dans ce contexte, que la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif est rejetée.
[30] Or, dans le présent cas, seul un type d'effet secondaire en est l'objet: les troubles psychiatriques induits par le médicament Biaxin.
[31]
Par ailleurs, s'il y a eu prescription du recours de l'un ou l'autre des
membres, celui-ci requiert l'analyse par le juge saisi du mérite du dossier de
l'à-propos ou non d'appliquer les conditions relatives à la suspension de la
prescription telles qu'énoncées par l'article
[32] Encore là, cet élément que soulève Abbott appartient, de l'avis du Tribunal, à la détermination du fond du litige et non de la requête pour être autorisé à exercer un recours collectif.
[33] Les questions communes identifiées aux paragraphes 5.1 à 5.14 de la requête ré-amendée permettent d'identifier s'il y a faute ou non d'Abbott quant à la dangerosité du médicament Biaxin et au défaut de mise en garde adéquate. À cette première réponse qui concerne chacun des membres du groupe, s'ajoutera, si elle est affirmative, celle de la détermination d'un lien de causalité entre la faute et les dommages. Ce n'est qu'après cette deuxième détermination qu'il y aura lieu de vérifier le bien-fondé ou non des dommages réclamés[13].
[34] Un débat survient, lors de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif, concernant la grille d'analyse utilisée par Dr Bouchard, soit la grille inspirée de l'évaluation de Naranjo. De l'avis du Tribunal, après avoir pris connaissance de l'opinion de Dr Bouchard, cette grille permet effectivement une analyse objective de la réclamation de chaque membre du groupe. Elle est donc utile et appropriée en l'espèce.
[35] En l'espèce, le Tribunal est d'opinion que les questions communes portent sur des éléments principaux qui concernent les aspects suivants du litige:
· La causalité générale reconnue par Abbott quant à ce type d'effets secondaires pouvant être causés par le Biaxin;
· La gravité des effets secondaires;
· La dangerosité du médicament Biaxin;
· Le caractère adéquat ou non de la dénonciation des risques faits par Abbott;
· La prise du médicament par chaque membre du groupe;
· La survenance ou non de troubles psychiatriques soudains, imprévus et atypiques au cours des journées qui suivent le début de la médication;
· L'absence totale de connexité entre ces symptômes et la nature des maladies traitées par Biaxin;
· La fin des symptômes après l'arrêt de la prise du Biaxin;
· La suspension du délai de prescription;
· Le droit ou non à des dommages punitifs.
[36] Il est maintenant approprié d'examiner si les faits allégués peuvent justifier les conclusions recherchées.
4.- Le rapport juridique entre les faits allégués et les
conclusions recherchées (art.
[37] Abbott soutient que le lien de causalité n'est pas établi. Encore là, il y a lieu de rappeler qu'à cette étape, le fardeau des requérants n'est que de faire une démonstration et non d'en administrer la preuve.
[38] En l'espèce, le dossier médical de madame Brousseau établit bien la séquence des faits. L'expertise de Dr Bouchard confirme, à cette étape, la présence d'un lien de causalité. Quant aux dommages, comme pour tous recours, ils devront être établis selon les règles de la prépondérance de la preuve.
[39] De la même façon, le requérant Jean-Claude Picard, conjoint de madame Brousseau, devra établir, lors de l'audience au fond, qu'il est une victime par ricochet et qu'il subit les dommages qu'il allègue et ce, en raison des effets secondaires consécutifs à la prise du Biaxin par sa conjointe.
[40] De l'avis du Tribunal, l'énoncé du syllogisme juridique des requérants établit, à cette étape, prima facie les éléments susceptibles de constituer la responsabilité d'Abbott, soit sa faute, la présence de dommages possiblement subis par chaque membre du groupe et lien de causalité entre la faute et le dommage que chacun d'eux allègue.
[41] Il y a maintenant lieu de disposer de la composition du groupe.
5.- La composition du
groupe (art.
[42]
L'application des articles
[43] À cette étape, il est illusoire de penser que les requérants peuvent retracer ou joindre chaque membre potentiel pour obtenir un mandat ou une procuration de leur part. Le Biaxin est un antibiotique fabriqué, distribué et commercialisé auprès de tous les médecins et pharmaciens. Le nombre de personnes en ayant consommé et ayant ressenti des effets secondaires de troubles psychiatriques est impossible à établir à ce stade.
[44] Le Tribunal est d'avis que les requérants établissent qu'ils rencontrent ce critère.
[45] Une dernière question à ce sujet doit être abordée: l'à-propos ou non de permettre la composition de ce groupe à portée extraterritoriale.
[46] Certes, le médicament Biaxin a été distribué et vendu dans toutes les provinces et territoires du Canada et les fautes reprochées à Abbott l'ont été à l'égard de tous les acheteurs résidant au Canada.
[47] Cependant, aucune preuve n'établit la présence de symptômes similaires pour des consommateurs canadiens résidant à l'extérieur de la Province de Québec. Le Tribunal ne nie pas que cela soit possible. Cependant, le Tribunal estime approprié de limiter le présent recours à la Province de Québec.
[48] Dans ces circonstances, il y a lieu d'identifier le groupe que les requérants représenteront, soit celui de:
«Toutes les personnes physiques domiciliées et résidant dans la Province de Québec et ayant subi, soit à titre de victimes directes, soit à titre de victimes par ricochet, des dommages découlant des effets secondaires de troubles psychiatriques induits par le médicament Biaxin (clarithromycine) fabriqué, commercialisé et distribué par l'intimée.»
«All natural persons living and residing in the Province of Quebec having sustained, either as direct victims or as indirect victims, damages resulting from secondary effects of psychiatric troubles inducted by Biaxin, (clarithromycin) medicine manufactured, commercialised and distributed by respondent.»
[49] Il y a maintenant lieu de disposer de la représentativité adéquate des membres par la personne qui veut en être le représentant.
6.- Le représentant
des membres (art.
[50] À ce sujet, la Cour suprême, dans l'arrêt Western Canadian Shopping Centers Inc. c. Dutton[14], précise ce qui suit:
«[41] Quatrièmement, le représentant du groupe doit adéquatement représenter le groupe. Quand le tribunal évalue si le représentant proposé est adéquat, il peut tenir compte de sa motivation, de la compétence de son avocat et de sa capacité d'assumer les frais qu'il peut avoir engager personnellement (par rapport à son avocat ou aux membres du groupe en général). Il n'est pas nécessaire que le représentant proposé soit un modèle type du groupe, ni qu'il soit le meilleur représentant possible. Le tribunal devrait toutefois être convaincu que le représentant proposé défendra avec vigueur et compétence les intérêts du groupe.»
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[51] Les motifs et les faits pour lesquels les requérants désirent obtenir le statut de représentant sont décrits aux paragraphes 10.1 à 10.12 de la requête réamendée. Or, à cette étape, ces faits doivent être tenus pour avérés.
[52] Madame Brousseau effectue de nombreuses recherches et démarches pour identifier les faits qui sont à la source même de sa démarche judiciaire. Elle donne accès à Abbott à l'intégralité de son dossier médical. Elle s'est soumise à des expertises. Elle s'est déplacée pour son interrogatoire. Elle est aussi entrée en contact avec certains membres du groupe potentiels. Les pièces produites au soutien de la requête sont aussi des documents sérieux que madame Brousseau obtient. Monsieur Picard supporte cette dernière dans ses démarches.
[53] Dans les circonstances en l'espèce, le Tribunal n'a aucune hésitation à accorder aux requérants le statut de représentants.
[54] Le Tribunal identifie de la façon suivante les principales questions de fait et de droit qui seront traitées collectivement:
(1) Le médicament Biaxin (clarithromycine) est-il dangereux et présente-t-il un risque d'entraîner des effets secondaires de troubles psychiatriques?
(2) La détermination de l'intensité de l'obligation de dénonciation par Abbott des effets secondaires potentiels de troubles psychiatriques aux utilisateurs de ce médicament à l'occasion de sa consommation?
(3) Abbott a-t-elle minimisé le risque des effets secondaires de troubles psychiatriques?
(4) La présomption de responsabilité du fabricant et/ou du manufacturier à l'endroit d'Abbott peut-elle s'appliquer en faveur des requérants et des membres du groupe?
(5) Abbott a-t-elle commis une ou des fautes civiles génératrices de responsabilité, en sa qualité de fabricant et de distributeur, à l'égard des requérants et des membres du groupe?
(6) Si la responsabilité d'Abbott est engagée, peut-elle être tenue responsable, en sa qualité de fabricant et de distributeur, des dommages causés par la consommation de Biaxin?
(7) La requérante et les membres du groupe sont-ils en droit de réclamer des dommages à Abbott et ce, en leur qualité de victimes directes, sur quelle base et sur quel chef de réclamation?
(8) La définition de victime par ricochet quant au requérant ainsi qu'à ceux qui seront dans la même situation que lui comme membres du groupe?
(9) Le requérant, en sa qualité de victime par ricochet ainsi que les autres membres du groupe dans la même position que lui peuvent-ils réclamer des dommages à Abbott, sur quelle base et sur quel chef de réclamation?
(10) La présence ou non d'un lien de causalité entre la ou les fautes commises par Abbott et les dommages subis par les requérants et les membres du groupe?
(11) Abbott peut-elle être contrainte de payer des dommages punitifs et exemplaires aux requérants et aux membres du groupe?
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[55] ACCUEILLE en partie la requête des requérants;
[56] AUTORISE l'exercice du recours collectif introduit par les requérants, pour la Province de Québec, contre l'intimée, Laboratoires Abbott Ltée, tel que ci-après décrit:
«Une action en dommages-intérêts compensatoires, punitifs et exemplaires contre l'intimée afin de sanctionner son manquement à ses obligations de renseignement, de prudence et de diligence, soit le fait d'avoir mis en marché un produit dangereux et de ne pas avoir, de façon appropriée, mis en garde le public contre l'utilisation du médicament Biaxin (clarithromycine) ou d'avoir minimisé les risques d'effets secondaires de troubles psychiatriques et le fait d'avoir fait défaut de s'assurer que ce produit était sécuritaire pour les utilisateurs.»
[57] ATTRIBUE le statut de représentants aux requérants Angèle Brousseau et Jean-Claude Picard aux fins d'exercer le présent recours collectif pour le compte du groupe ci-après décrit:
«Toutes les personnes physiques domiciliées et résidant dans la Province de Québec et ayant subi, soit à titre de victimes directes, soit à titre de victimes par ricochet, des dommages découlant des effets secondaires de troubles psychiatriques induits par le médicament Biaxin (clarithromycine) fabriqué, commercialisé et distribué par l'intimée.»
«All natural persons living and residing in the Province of Quebec having sustained, either as direct victims or as indirect victims, damages resulting from secondary effects of psychiatric troubles inducted by Biaxin, (clarithromycin) medicine manufactured, commercialised and distributed by respondent.»
[58] IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait ou de droit qui seront traitées collectivement:
Le médicament Biaxin (clarithromycine) est-il dangereux et présente-t-il un risque d'entraîner des effets secondaires de troubles psychiatriques?
La détermination de l'intensité de l'obligation de dénonciation par Abbott des effets secondaires potentiels de troubles psychiatriques aux utilisateurs de ce médicament à l'occasion de sa consommation?
Abbott a-t-elle minimisé le risque des effets secondaires de troubles psychiatriques?
La présomption de responsabilité du fabricant et/ou du manufacturier à l'endroit d'Abbott peut-elle s'appliquer en faveur des requérants et des membres du groupe?
Abbott a-t-elle commis une ou des fautes civiles génératrices de responsabilité, en sa qualité de fabricant et de distributeur, à l'égard des requérants et des membres du groupe?
Si la responsabilité d'Abbott est engagée, peut-elle être tenue responsable, en sa qualité de fabricant et de distributeur, des dommages causés par la consommation de Biaxin?
La requérante et les membres du groupe sont-ils en droit de réclamer des dommages à Abbott et ce, en leur qualité de victimes directes, sur quelle base et sur quel chef de réclamation?
La définition de victime par ricochet quant au requérant ainsi qu'à ceux qui seront dans la même situation que lui comme membres du groupe?
Le requérant, en sa qualité de victime par ricochet ainsi que les autres membres du groupe dans la même position que lui peuvent-ils réclamer des dommages à Abbott, sur quelle base et sur quel chef de réclamation?
La présence ou non d'un lien de causalité entre la ou les fautes commises par Abbott et les dommages subis par les requérants et les membres du groupe?
Abbott peut-elle être contrainte de payer des dommages punitifs et exemplaires aux requérants et aux membres du groupe?
[59] IDENTIFIE comme suit les conclusions recherchées qui s'y rattachent:
A- ACCUEILLIR la requête introductive d'instance des requérants;
B-
CONDAMNER l'intimée à verser à la requérante la somme de
265 000,00$, quitte à parfaire, soit le montant évalué des dommages subis,
incluant les dommages punitifs et exemplaires, avec intérêts au taux légal
majorés de l'indemnité additionnelle prévue à l'article
C-
CONDAMNER l'intimée à verser au requérant la somme de 10 000,00$,
quitte à parfaire, soit le montant évalué des dommages subis, avec intérêts au
taux légal majorés de l'indemnité additionnelle prévue à l'article
D-
CONDAMNER l'intimée à verser à chacun des membres du groupe le montant
équivalent aux dommages subis, avec intérêts au taux légal majorés de
l'indemnité additionnelle prévue à l'article
E-
CONDAMNER l'intimée à verser à chacun des membres victimes par ricochet
le montant des dommages subis, avec intérêts au taux légal majorés de
l'indemnité additionnelle prévue à l'article
F-
ORDONNER que les réclamations des membres du groupe soient l'objet de
réclamations individuelles selon les prescriptions des articles
G- CONDAMNER l'intimée à tout autre remède approprié jugé juste et raisonnable;
H- LE TOUT, avec dépens, incluant les frais pour les pièces, les experts, les expertises et la publication d'avis;
[60] DÉCLARE qu'à moins d'exclusion, les membres du groupe seront liés par tout jugement à intervenir sur le recours collectif de la manière prévue par la Loi;
[61] FIXE le délai d'exclusion à trente (30) jours après la date de publication de l'avis aux membres, délai à l'expiration duquel les membres du groupe qui ne se seront pas prévalus des moyens d'exclusion seront liés par tout jugement à intervenir;
[62]
ORDONNE la publication d'un avis aux membres conformément aux
prescriptions de l'article
[63] RÉFÈRE le dossier au juge en chef pour détermination du district dans lequel le recours collectif devra être exercé;
[64] ORDONNE au greffier de la Cour supérieure du district de Québec de transmettre le dossier au greffier du district désigné, au cas où le présent recours serait exercé dans un autre district, et ce, dès la décision du juge en chef;
[65] FRAIS à suivre.
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__________________________________ SUZANNE HARDY-LEMIEUX, J.C.S. |
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Me David Bourgoin - casier 72 |
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Me Alain Daigle - casier 204 |
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Me Maxime Ouellette - casier 204 Procureurs des requérants |
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Me Sylvie Rodrigue 1981, McGill Collège, # 1100 Montréal, QC H3A 3C1
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Me Mylaine Desrosiers-Harvey - casier 92 |
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Me Marie-Josée Simard 8401, route Transcanadienne Saint-Laurent, Qc H4S 1Z1 Procureures des intimées |
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Date d'audience: |
10 et 11 mai 2011 |
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[1] R-4
[2] R-4 et R-7.2
[3] Affidavit du Dr Bouchard en date du 15 juin 2010, par. 56 et suivants et interrogatoire sur affidavit du Dr Bouchard en date du 10 février 2011, page 46: lignes 8 à 23, page 71: lignes 9 à 12 et page 77: lignes 5 à 8
[4]
Harmegnies c. Toyota Canada Inc.,
[5] Harmegnies c. Toyota Canada Inc., 2008 QCCA380, aux paragraphes 27 à 31
[6] Pharmascience Inc. c. Option Consommateurs, 2005 QCCA437, par. 25 (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejeté, CS Can., 2005-08-25, 30922)
[7] Option Consommateurs c. Banque de Montréal, 2006 QCCS5353, par. 55 et 56
[8]
Voir: Gagné, Mathieu,
[9] 2011 QCCA 826
[10]
[11]
Jacques c. Pétro-Canada,
[12] Jugement inédit de la Cour supérieure du district de Montréal, numéro 500-06-000402-079, en date du 4 juillet 2011
[13]
Vermette c. General Motors du Canada,
[14]
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.