Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Modèle de décision CLP - juin 2011

Perreault et Déménagements Rapide inc.

2012 QCCLP 2790

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

23 avril 2012

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

445372-64-1107

 

Dossier CSST :

113543755

 

Commissaire :

Isabelle Piché, juge administrative

 

Membres :

Monsieur Alain Allaire, associations d’employeurs

 

Monsieur Pierre-Jean Olivier, associations syndicales

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Richard Perreault

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Les Déménagements Rapide inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 22 juillet 2011, monsieur Richard Perreault (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 28 juin 2011, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 4 février 2011, refusant la réclamation du travailleur à titre de récidive, rechute ou aggravation du 12 janvier 2011, d’une lésion professionnelle initiale du 7  août 1997.

[3]           L’audience s’est tenue le 17 avril 2012 à Saint-Jérôme en présence de monsieur Perreault et de sa procureure. Les Déménagements Rapide inc. (l’employeur) était pour sa part absent.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que le 12 janvier 2011, il a subi une rechute, récidive ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale.

LES FAITS

[5]           En 1997, monsieur Perreault occupe le poste de chauffeur-déménageur pour le compte de l’employeur. Il est victime d’un accident du travail le 7 août de cette même année alors qu’il reçoit sur son épaule le poids d’un piano de 800 livres. Il s’inflige à ce moment une entorse lombaire avec irradiations dans la jambe droite.

[6]           Cette lésion est consolidée en date du 9 mars 1998 à la suite de traitements conservateurs sans désignation d’une atteinte permanente, mais avec détermination d’une limitation fonctionnelle, soit de ne pas transporter de charges de plus de 50 livres.

[7]           Au Rapport d’évaluation médicale complété par le médecin qui a charge, il est mentionné que le travailleur a passé un scan et une myélographie ne démontrant pas une hernie discale. Une dégénérescence discale avec légère sténose spinale est cependant signalée au niveau L5-S1.

[8]           Le 2 septembre 1998, à la suite d’un processus de réadaptation, l’emploi convenable de chauffeur de camion est arrêté.

[9]           Durant l’année de recherche d’emploi qui suit, monsieur Perreault éprouve deux épisodes de douleurs lombaires pour lesquels il présente une réclamation qui s’avère ultérieurement refusée. Ce litige se règle par le versement d’un montant forfaitaire en contrepartie d’un désistement.

[10]        Le 15 juin 2003, le travailleur consulte le neurochirurgien Jean-François Giguère qui fait état d’une symptomatologie dans le territoire L3-L4 gauche.

[11]        Durant la même période, une résonance magnétique interprétée par la docteure Bélair révèle une discopathie dégénérative aux niveaux L4-L5 et L5-S1 accompagnée de petites hernies.

[12]        Sur réception de ces résultats, le docteur Giguère retient les diagnostics de sténose foraminale L5-S1 gauche et droite avec hernie discale en L5-S1 et dégénérescence multiétagée. Il rédige également un Rapport d’évaluation médicale dans lequel il mentionne que le patient présente une condition lombaire préexistante chez qui en 1998 un premier épisode d’entorse lombaire a éveillé un syndrome douloureux qui évolue en dents de scie depuis ce temps. Il fait aussi état de preuves radiologiques démontrant l’installation d’une instabilité lombaire. Dans ce contexte, il estime nécessaire d’octroyer des limitations fonctionnelles de classe I.

[13]        Sur la foi de ces documents médicaux, monsieur Perreault soumet une nouvelle réclamation pour récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle.

[14]        Cette demande est cependant refusée par la Commission des lésions professionnelles[1] au mois de mai 2004.

[15]        Il y a lieu, à des fins de compréhension, de reproduire intégralement les motifs de ce refus :

[29]      La Commission des lésions professionnelles est d'avis que monsieur Perreault n'a pas réussi à démontrer que la lésion pour laquelle il consulte le docteur Giguère depuis le mois de juin 2003 est en lien direct avec la lésion professionnelle du 7 août 1997.

 

[30]      En effet, bien que le fait accidentel initial soit sérieux, la lésion professionnelle du 7 août 1997 a été consolidée le 9 mars 1998 sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et avec un diagnostic d'entorse lombaire avec sciatalgie.

 

[31]      Or, en 2003, il ne s'agit plus du simple diagnostic d'entorse lombaire puisque le médecin qui a charge pose plusieurs diagnostics dont celui de hernie discale L5 - S1 qui n'a jamais été reconnu à titre de lésion professionnelle en 1998.

 

[32]      De plus, le docteur Giguère fait référence à une dégénérescence discale multiétagée, ce qui, de l'avis de la soussignée, fait davantage référence à une condition préexistante personnelle.  En fait, il n'y a aucun élément de preuve permettant d'établir que la dégénérescence discale multiétagée résulterait du fait accidentel du 7 août 1997.

 

[33]      La Commission des lésions professionnelles note, d'autre part, que malgré le fait que monsieur Perreault allègue la persistance de la symptomatologie au niveau lombaire depuis la consolidation de sa lésion professionnelle initiale, il n'y a pas eu de suivi médical régulier entre les mois de mars 1998 et de juin 2003 et plus particulièrement en ce qui a trait à la période comprise entre les mois de juin 1999 et de novembre 2002.

 

[34]      La Commission des lésions professionnelles constate, en outre, que le délai entre les deux réclamations est assez long puisque la lésion professionnelle initiale a été consolidée en mars 1998 et que la rechute, récidive ou aggravation alléguée survient plus de cinq ans plus tard.

 

[35]      Enfin, la recrudescence de douleur n'est pas consécutive à un nouvel événement au travail puisque monsieur Perreault a barré alors qu'il se trouvait chez lui.

 

[36]      La Commission des lésions professionnelles rappelle qu'en matière de rechute, récidive ou aggravation, il revient à la personne qui demande la reconnaissance du caractère professionnel de sa lésion d'établir par une preuve médicale prépondérante la relation de cause à effet entre la lésion professionnelle initiale et la rechute, récidive ou aggravation alléguée.  Or, monsieur Perreault n'a pas déposé de rapport d’expertise médicale qui démontre et explique cette relation médicale.  Le dépôt de la liste des produits achetés en pharmacie n'est pas concluant notamment en raison du fait que ce document ne permet pas de comprendre pour quelle pathologie ces médicaments ont été prescrits.

 

[37]      La Commission des lésions professionnelles considère donc, en raison de l'ensemble des motifs qui précèdent, que la preuve médicale prépondérante ne permet pas d'établir que monsieur Perreault a subi une lésion professionnelle le 15 juin 2003, à savoir une rechute, récidive ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 7 août 1997.

 

[16]        Le matin du 12 janvier 2011, monsieur Perreault explique qu’il éternue sur les lieux de son travail et qu’il barre alors immédiatement au niveau lombaire. Il est en conséquence transféré à l’hôpital en ambulance.

[17]        Il est à ce moment examiné par le docteur Tardif qui diagnostique une exacerbation de lombalgie sur dégénérescence discale. Un arrêt de travail avec prise d’analgésique est recommandé, de même que la réalisation d’un scan lombaire.

[18]        Ce dernier examen est interprété par le radiologue Béliveau deux jours plus tard. L’opinion rapportée est la suivante :

Signes de spondylodiscarthrose à L4-L5 et L5-S1. Hernie discale centro-postérieure un peu latéralisée vers la gauche à L5-S1 venant légèrement s’appuyer contre le sac dural. Sténose foraminale bilatérale à ce niveau. Possibilité d’une hernie discale à L4-L5. À corréler avec une résonance magnétique.

 

 

[19]        Considérant ces constats, l’arrêt de travail est prolongé et le diagnostic de hernies discales L4-L5 et L5-S1 et officiellement posé. De la morphine est prescrite, de même que des traitements de chiropraxie.

[20]        Lors de l’audience, monsieur Perreault explique que depuis cet événement, il consulte un chiropraticien en moyenne une fois par mois, mais de trois à quatre fois par semaine lorsqu’il éprouve des douleurs trop importantes.

[21]        La conjointe du travailleur confirme cet état de fait et ajoute que ces soins soulagent énormément ce dernier. Elle estime que les étirements réalisés empêchent une progression défavorable des hernies et la prise trop importante de médicaments.

[22]        Monsieur Perreault témoigne également du fait qu’avant sa lésion professionnelle survenue en 1997, il était un grand sportif, aujourd’hui, même la marche s’avère pénible.

[23]        Il précise finalement avoir consulté le médecin à quelques reprises au cours des années en raison de ses problèmes de dos, mais qu’on lui suggère systématiquement de prendre les médicaments prescrits, de voir le chiropraticien et de se reposer.

[24]        À cet égard, le travailleur dépose une liste de médicaments pris depuis 2005, mais ne spécifie pas l’utilisation des produits en cause.

[25]        Il remet également une lettre de son chiropraticien qui indique que le travailleur le consulte depuis quelques années en raison de lombalgies chroniques associées à des hernies discales lombaires. Il spécifie que les traitements améliorent les symptômes et aident à prévenir l’apparition des douleurs.

[26]        Il y a lieu de signaler en dernier lieu que le travailleur avait requis le report de son dossier à deux reprises afin d’obtenir une expertise médicale, mais qu’un tel document n’est pas présenté le jour de l’audience.

L’AVIS DES MEMBRES

[27]        Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête de monsieur Perreault. Ils estiment en effet que ce dernier n’a pas démontré par une preuve prépondérante une modification de son état physique en relation avec la lésion d’origine.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[28]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur  a subi une récidive, rechute ou aggravation en date du 12 janvier 2011 en ce qui concerne sa condition lombaire.

[29]        C’est à l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) que l’on retrouve cette notion:

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation; (Notre soulignement)

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

[30]        Cette expression n’étant par ailleurs pas définie à la loi, la jurisprudence[3] a retenu le sens courant de ces termes et a établi que ceux-ci signifiaient une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion initiale ou de ses symptômes.

[31]        De manière générale, il y a donc lieu de rechercher un changement significatif de l’état de santé du travailleur au moment de sa réclamation en lien avec la lésion professionnelle initiale. La reconnaissance d’une telle forme de lésion professionnelle nécessite en effet obligatoirement la preuve d’une relation entre la seconde blessure ou maladie et la première.

[32]        Pour ce faire, la preuve requise doit être objective et la chronicité d’un état ne constitue pas une récidive, rechute ou aggravation[4].

[33]        La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles[5] a également énoncé certains critères d’appréciation de l’existence du lien de causalité, lesquels ne doivent pas être pris isolément, mais dans leur ensemble soit : la gravité de la lésion initiale, la continuité de la symptomatologie, l’existence ou non d’un suivi médical, le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles, la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique, la présence ou l’absence d’une condition personnelle, la compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la rechute avec la nature de la lésion initiale et le délai entre la rechute alléguée et la lésion initiale.

[34]        En l’instance, monsieur Perreault demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que les diagnostics de hernie discale L4-L5 et L5-S1 sont reliés à la lésion d’entorse lombaire survenue en 1997. Cependant, il ressort du dossier qu’aucun des médecins consultés en 2011 n’exprime d’opinion à cet égard, ils se contentent simplement d’énoncer les diagnostics sans plus.

[35]        Cette lacune au niveau de la preuve est d’autant plus importante que la lésion reconnue au dossier concerne essentiellement une problématique d’ordre musculaire, alors qu’en 2011, ce sont des lésions discales qui sont en cause. Le simple fait que la symptomatologie éprouvée en 1997 et en 2011 concerne le dos ne suffit pas à établir une relation entre les deux pathologies d’origine distinctes.

[36]        L’analyse exhaustive de la preuve révèle au surplus que le travailleur est porteur d’une condition personnelle préexistante de dégénérescence pouvant expliquer la formation de ces hernies discales au fil du temps.

[37]        D’ailleurs, il y a lieu de rappeler qu’en 2004, la Commission des lésions professionnelles refuse la demande de récidive, rechute ou aggravation dont le diagnostic est une hernie discale L5-S1 puisqu’elle relie justement cette condition à l’évolution de la maladie discale personnelle.

[38]        Ainsi, bien que le tribunal reconnaisse la gravité de l’accident du travail survenu en 1997 et que le travailleur exprime avoir toujours eu des problèmes de dos à compter de cette période, il appert que la lésion d’origine a été consolidée sans atteinte permanente, qu’il existe un délai important de près de 14 ans entre la nouvelle demande et la lésion d’origine, qu’il y a peu de documents au dossier démontrant une symptomatologie continue, ainsi qu’un suivi médical et surtout, il y a présence d’une importante condition personnelle de dégénérescence multiétagée qui explique la symptomatologie manifestée.

[39]        Enfin, la soussignée tient à mentionner qu’il est de connaissance d’office du tribunal que le simple fait d’éternuer, ce qui constitue en l’occurrence un geste de nature personnelle et non professionnelle, est suffisant pour exacerber les symptômes d’une pathologie de nature discale dégénérative.

[40]        Considérant ces éléments, le tribunal ne peut donc faire droit à la demande du travailleur.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Richard Perreault, le travailleur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 28 juin 2011, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas été victime, le 12 janvier 2011, d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion initiale du 7 août 1997.

 

 

 

__________________________________

 

Isabelle Piché

 

 

 

 

Me Natacha Roberge

Dionne Roberge, avocats

Représentante de la partie requérante

 

 



[1]           214267-64-0308, 17 mai 2004, M. Montplaisir.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001

[3]           Lapointe et compagnie minière Québec-Cartier (1989) C.A.L.P.38.

[4]           Lafontaine et C.H.-C.H.S.L.D. de Papineau C.L.P. 170168-07-0110, 27 août 2003, N. Lacroix.

[5]           Boisvert et Halco inc.(1995) C.A.L.P.19.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.