Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Droit de la famille — 10312

Droit de la famille — 10312

2010 QCCS 589

JB 1988

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUCE

 

Nº :

350-04-000207-044

 

DATE :

4 février 2010

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

DOMINIQUE BÉLANGER, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

N… F...

 

Demanderesse

 

c.

 

N... G...

 

Défendeur

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR REQUÊTES

EN MODIFICATION DE DROIT D'ACCÈS

ET FIXATION DE PENSION ALIMENTAIRE

______________________________________________________________________

 

[1]                Les parties sont les parents de trois enfants, X 18 ans, Y 15 ans et Z 9 ans.

[2]                Depuis la séparation survenue il y a maintenant six ans, madame a la garde des trois enfants.

[3]                Au moment de la séparation, monsieur a obtenu un droit de sortie de ses enfants, selon entente à l'amiable entre les parties.

[4]                En décembre 2009, madame a demandé à ce que les droits d'accès à Z soient déterminés de manière à éviter les problèmes qui ont surgi l'automne dernier.

[5]                Monsieur a répliqué par une requête, par laquelle il demande une garde partagée lors des vacances estivales, une période de sept jours consécutifs durant la période des fêtes, soit du 23 au 29 décembre 2009, de même que sept jours au cours de la semaine de relâche.

[6]                Une pension alimentaire doit également être déterminée.

Situation familiale

[7]                Le présent dossier soulève une problématique familiale complexe. Monsieur n'a à peu près plus aucun contact avec les deux aînées depuis plusieurs années.

[8]                Les tentatives de monsieur pour se rapprocher de X et de Y sont demeurées vaines. Peut-être l'approche était-elle malhabile, mais il demeure que monsieur est profondément malheureux de cette situation.

[9]                La communication entre les parties est totalement absente et les tentatives se soldent par des pleurs et des cris. Récemment, la nouvelle conjointe de monsieur a même giflé madame.

[10]            Le Tribunal a souligné aux parties, avec insistance, l'importance d'établir entre elles une communication fonctionnelle, dans l'intérêt de leurs enfants. Le Tribunal n'est pas en mesure, parce qu'il n'est pas saisi de cette question, de déterminer où se situe le problème, mais c’est vraisemblablement ce problème qui a fait en sorte que monsieur n’a plus de contacts avec ses deux aînées.

[11]            Le Tribunal constate que monsieur aimerait s'investir auprès de Z et aimerait qu'une relation s'installe avec ses deux aînées. Le Tribunal a suggéré aux parties d'avoir recours à de l'aide extérieure pour y arriver, tels travailleurs sociaux et psychologues.

[12]            La question que le Tribunal doit décider est celle des accès de monsieur à Z.

[13]            Cette question doit être décidée dans le contexte particulier où cette dernière va seule chez son père, ses deux sœurs demeurant à la maison avec leur mère.

[14]            Il fait peu de doute que le lien entre monsieur et Z est fragilisé par la situation et que toute décision relative aux accès doit viser à solidifier ce lien.

[15]            Par ailleurs, il apparaît que Z tient à participer à toutes les activités ayant lieu chez sa mère, bien qu'elle désire avoir accès à son père.

[16]            Toutefois, il n'apparaît pas de la preuve que ce soit un désir profond de l'enfant que de voir son père plus souvent qu’elle le voit présentement.

[17]            Le témoignage de monsieur est plutôt que c’est lui qui désire voir sa fille plus souvent.

Période des fêtes

[18]            La période des fêtes pose problèmes, car depuis des années, madame organise deux rencontres familiales, soit les 24 et 31 décembre.

[19]            Monsieur voudrait que Z le visite le 24 décembre. Bien qu'il eût été aisé pour le Tribunal d'instaurer, comme il se fait souvent, une alternance d'une semaine, une semaine, entre Noël et le Jour de l'an, cette façon de faire n'est pas appropriée dans le présent dossier.

[20]            Permettre à monsieur d'avoir accès à Z le 24 décembre serait la priver d'être chez sa mère avec ses sœurs à cette occasion.

[21]            Le Tribunal craint que s’il accède à la demande de monsieur, avec le temps, Z refuse d’aller chez son père le 24 décembre. Le Tribunal estime qu’il faut éviter toute situation qui pourrait engendrer la rupture du lien entre Z et monsieur.

[22]            Par contre, monsieur peut tout aussi bien organiser les activités avec sa propre famille à compter du 25 décembre.

[23]            Bien que le Tribunal comprenne que pour monsieur il serait plus « juste » de pouvoir avoir accès à Z, une année sur deux, la soirée du 24 et du 31 décembre, cette demande ne sera pas accordée.

[24]            Ainsi, le Tribunal accordera à monsieur des accès à Z du 25 décembre à 12 h au 31 décembre à 12 h, chaque année.

Semaine de relâche

[25]            Monsieur aimerait avoir un accès à Z sept jours au cours de la semaine de relâche.

[26]            Le Tribunal est d'avis qu'il faut partager ce congé de cinq jours de façon égale entre les parents. Ainsi, monsieur aura accès à Z pour deux jours et demi après entente avec madame.

 

 

Vacances estivales

[27]            Monsieur désire que l'on instaure une garde partagée une semaine, une semaine, durant la période estivale.

[28]            Pour plusieurs motifs, le Tribunal écarte l'alternative de la garde partagée complète durant l'été.

[29]            Le premier motif est que Z va au terrain de jeux avec ses amies lorsqu'elle est chez sa mère et que cela lui plaît bien.

[30]            Or, les parties habitent à une distance telle que l'enfant ne peut fréquenter le même terrain de jeux lorsqu'elle est chez son père que lorsqu'elle est chez sa mère.

[31]            Par ailleurs, monsieur a deux semaines de vacances durant l'été et, étant camionneur, il est parti sur la route plusieurs journées consécutives.

[32]            Chacun des parents prend deux semaines de vacances et il y a chevauchement entre ces semaines de vacances.

[33]            Celles de monsieur prennent place durant les deux semaines de la construction.

[34]            Pour sa part, madame est en vacances la dernière semaine de la construction et la semaine suivante. Son conjoint étant aussi camionneur, il prend également comme vacances les deux semaines de la construction.

[35]            Toutefois, ce qui facile la tâche, c'est qu'il semble que ni monsieur ni madame ne s'absentent pour une période de deux semaines consécutives.

[36]            Le Tribunal est d'avis que monsieur doit avoir accès à sa fille durant trois semaines au cours de l'été.

[37]            Comme les vacances de monsieur et de madame se chevauchent, il devra y avoir alternance entre les deux parents quant au choix des deux semaines de vacances à être exercées de façon consécutive ou non.

[38]            Pour l'année 2010, monsieur pourra décider en priorité quelles sont les deux semaines de vacances en question.

[39]            À l'été 2011, madame pourra choisir en priorité les deux semaines de vacances où Z sera avec elle, et ainsi de suite, d'une année à l'autre.

[40]            Quant à la troisième semaine de vacances à être prise avec monsieur, celle-ci sera la dernière semaine avant la rentrée scolaire, après la fermeture du terrain de jeux.

 

Pension alimentaire

Revenus des parties

[41]            Le salaire annuel de madame est admis à 21 000 $.

[42]            Les revenus de monsieur sont contestés. Monsieur est camionneur et retire un salaire d'une compagnie dont il est l’unique actionnaire.

[43]            Le salaire brut qu'il reçoit de cette compagnie est de 30 826 $.

[44]            Toutefois, étant camionneur, ce dernier déduit à des fins fiscales la somme de 7 425 $ pour des repas et des frais de logements et de douche lorsqu'il est sur la route. Il s'agit de dépenses acceptées par le ministère du Revenu et qui dépendent du nombre de jours passés sur la route, ainsi que de la moyenne d'heures de conduite par voyage.

[45]            Monsieur demande donc au Tribunal de tenir compte d'un revenu moindre que celui qu'il retire de sa compagnie.

[46]            Le Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants[1] prévoit que ce sont les revenus nets tirés de l’exploitation d’une entreprise ou d’un travail autonome qui sont considérés.

[47]            Soulignons qu’il a été reconnu que le revenu d’un parent ne se limite pas à son revenu fiscal. Le parent qui bénéficie, dans le cadre de son emploi, de diverses dépenses acceptées au niveau fiscal peut se voir ajouter à son revenu une partie de ces déductions.

[48]            Ainsi, le Tribunal doit tenir en compte et comptabiliser les dépenses fiscales qui constituent un bénéfice personnel retiré par le débiteur alimentaire. L’idée est que le travailleur autonome qui peut bénéficier de déductions fiscales soit traité sur le même pied que le salarié.

[49]            La déclaration de revenus de monsieur nous apprend que pour l’année 2008, il a été sur la route pendant 251 jours et a effectué 194 voyages.

[50]            Le formulaire tient en compte que 582 repas ont été pris lors de ces voyages. Voilà autant de repas pour lesquels monsieur n’a pas eu à faire d’épicerie.

[51]            Quant aux dépenses de repas, 65 % des 9 894 $ encourus ont été déduits pour fins fiscales, soit la somme de 6 431,10 $.

[52]            Tenant pour acquis que chaque personne, peu importe sa situation fiscale, doit encourir une dépense pour se nourrir, la question devient de savoir quelle est la partie de la dépense de 9 894 $ qu’aurait dû encourir monsieur s’il avait été à la maison?

[53]            Il est de connaissance judiciaire qu’il est généralement plus coûteux de se nourrir au restaurant que de faire l’épicerie.

[54]            Basé sur les chiffres fournis, monsieur s’est nourri à l’extérieur pour l’équivalent d’environ 35 semaines (251 ÷ 7 jours). Il en coûte environ 100 $ par semaine pour nourrir une personne seule, ce qui fait que monsieur aurait de toute façon assumé une dépense d’épicerie d’environ 3 500 $.

[55]            Il apparaît donc que la dépense reconnue fiscalement (6 431 $) s’approche considérablement de la dépense réelle, soit 6 394 $ (9 894 $ - 3 500 $).

[56]            Monsieur a pu déduire 994 $ comme dépenses de logement et de douches, dépenses que le Tribunal considérera en entier.

[57]            Les dépenses reconnues fiscalement, soit le montant de 7 425 $ dans le présent cas, correspondent aux dépenses supplémentaires réelles de monsieur.

[58]            Le Tribunal retient donc, aux fins de l'établissement de la pension alimentaire pour enfants, un salaire annuel de 23 401 $ (30 826 $ - 7 425 $) pour monsieur.

[59]            Pour ce qui est des dépenses encourues par la compagnie, aucune preuve probante n’a été apportée au Tribunal lui permettant de prendre en considération que monsieur bénéficie personnellement d’une partie de ces dépenses.

[60]            Basée sur les revenus des parties, la pension alimentaire, à l'exclusion des frais particuliers, doit être de 387,47 $ par mois.

Frais particuliers

[61]            Par ailleurs, madame encourt des frais particuliers pour les trois enfants, entre autres, relativement aux lunettes, frais que monsieur accepte de payer.

[62]            Pour les trois enfants, madame réclame la somme de 1 114 $ de lentilles, lunettes et optométrie. Ces frais comprennent trois paires de lunettes.

[63]            Madame a également dû payer des frais d'orthodontie de 3 500 $ pour Y.

[64]            L'ensemble des frais médicaux payés de 4 614 $ représente des frais médicaux nets de 2 011,50 $.

[65]            Toutefois, une partie de cette somme n'étant pas récurrente, le Tribunal la répartira sur une période de vingt-quatre mois, car monsieur n'est pas en mesure de payer sa part en un seul versement.

[66]            Monsieur devra aussi verser à madame la moitié des coûts nets que cette dernière devra encourir dans l'avenir pour les lentilles et lunettes des enfants.

[67]            POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[68]            ACCORDE au défendeur des accès à l'enfant Z à être exercés de la façon suivante :

1.      En tout temps, après entente avec la demanderesse;

2.      Une fin de semaine sur deux, du vendredi 19 h au dimanche 19 h;

3.      Le dimanche de la fête des Pères, de 10 h à 19 h, étant entendu que Z pourra être avec sa mère le dimanche de la fête des Mères;

4.      Six jours consécutifs pour la période des fêtes, du 25 décembre à 12 h au 31 décembre à 12 h;

5.      Deux jours et demi au cours de la semaine de relâche, après entente avec la demanderesse;

6.      Trois semaines durant l'été, dont deux semaines consécutives ou non, à être choisies de façon prioritaire par le défendeur une année sur deux, commençant en 2010;

7.      Une troisième semaine en août, juste avant la rentrée scolaire et après la fermeture du terrain de jeux.

[69]            ORDONNE au défendeur de payer à la demanderesse une pension alimentaire au bénéfice des enfants de 387,47 $ par mois, à compter du 1er janvier 2010;

[70]            CONDAMNE le défendeur à verser à madame un montant supplémentaire de 84 $ par mois, durant vingt-quatre mois, pour les années 2010 et 2011, sans indexation;

[71]            ORDONNE au défendeur d’acquitter la moitié des frais nets encourus relativement aux lunettes et lentilles des enfants;

 

 

 

[72]            LE TOUT sans frais, vu la nature du litige.

 

 

 

__________________________________

DOMINIQUE BÉLANGER, j.c.s.

 

Me Marcel De Blois

Procureur de la demanderesse

 

Me Marie-Claude Perron

Parent Doyon Rancourt

Procureurs du défendeur

 

Date d’audience :

21 janvier 2010

 



[1]     Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants, c. C-25, r.1.2., art. 9

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.