Décision

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Protection de la jeunesse — 077494

Protection de la jeunesse — 077494

2007 QCCQ 21722

JD1531

 
 COUR DU QUÉBEC

 

Canada

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

[...]

LOCALITÉ DE

[...]

« Chambre de la jeunesse »

N° :

450-41-003081-073

 

 

 

DATE :

19 décembre 2007

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MICHEL DURAND, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

DANS LA SITUATION DE L'ADOLESCENT :

 

X

Né le [...] 1993

________________________________

 

 

[INTERVENANTE 1], personne dûment autorisée par la directrice de la protection de la jeunesse du Centre jeunesse de A dont le bureau est situé au […], ville  A, district A

Partie demanderesse

Et

 

A, adresse inconnue

et

B, […], ville B,

Parents de l’adolescent

Et

 

LA COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, […], ville A, district A

 

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                Le tribunal est saisi d'une requête pour réviser l'ordonnance rendue le 18 avril 2007, par laquelle le tribunal ordonnait l'hébergement de X en famille d'accueil jusqu'au 7 novembre 2007.

[2]                L'avocate du directeur de la protection de la jeunesse a résumé dans quelques paragraphes les faits nouveaux survenus depuis cette ordonnance du 18 avril 2007 et le tribunal croit utile de les citer, car il s'agit d'un bon résumé de ce que nous retrouvons dans le rapport de révision de madame [intervenante 1] daté du 8 octobre 2007.

 

«3. …

a)      X vit actuellement chez madame C en famille d'accueil. Dans ce milieu X fonctionne bien et accepte les règles de vie;

b)     La famille d'accueil note que X répond bien à l'intervention et fait preuve d'une belle ouverture;

c)      Toutefois, au mois d'août 2007, certains comportements de contestation et d'opposition ainsi que d'agressivité ont été notés;

d)     X a participé positivement au suivi psychosocial. Il a démontré une belle capacité d'introspection et a su départager ses responsabilités de celles de sa mère;

e)     Actuellement, la famille d'accueil mentionne être satisfaite du fonctionnement du jeune et le décrit comme étant un jeune plein de potentiel, agréable à vivre, ayant cependant besoin d'un encadrement clair, stable et cohérent pour fonctionner;

f)       Au plan scolaire X a complété son secondaire un avec succès (obtention d'un méritas);

g)     X fréquente toujours l'école A de ville B et est en secondaire deux;

h)     En avril 2007, X a réintégré le mouvement des cadets et a débuté un travail sur la ferme à la fin des classes;

i)        Pendant l'été 2007 X avait la possibilité d'aller au camp d'été des cadets, toutefois la mère n'est jamais venue signer l'autorisation et ce, malgré plusieurs relances de la déléguée;

j)        Depuis son entrée scolaire 2007-2008, X s'est réinscrit au basket-ball et il y vit de la valorisation et y trouve beaucoup de plaisir;

k)      Au plan social, X a un réseau d'amis positifs et significatifs;

l)        Concernant la mère du jeune, madame B, celle-ci as fait preuve de collaboration mitigée au suivi psychosocial en se présentant peu aux rencontres et en ne reconnaissant pas les faits de la situation de son fils;

m)    Madame B a démontré beaucoup d'instabilité au niveau de son lieu de résidence ainsi que dans sa relation amoureuse;

n)     Toutefois, le 12 juillet dernier, madame B semblait plus réceptive et exprimait sa part de responsabilité dans la situation de X. Elle admettait également son instabilité émotionnelle et physique;

o)     Cette rencontre fut positive entre X et sa mère. Cette dernière a accueilli son fils dans son vécu;

p)     La déléguée tente actuellement de régulariser la fréquence des contacts entre X et sa mère. Présentement X demande à ce que la soussignée soit présente lors des contacts avec sa mère;

q)     Au cours de la dernière ordonnance X n'a eu aucun contact avec son père;

r)       À l'été 2007, X a été évalué au niveau psychologique par madame [intervenante 2], tel qu'il appert de la pièce produite et déposée sous la cote D-2.»

[3]                La preuve de ces allégations a été faite non seulement par le dépôt du rapport de madame [intervenante 1] daté du 8 octobre 2007, mais aussi par le témoignage de la mère et de X.

AUDITION DU 5 DÉCEMBRE 2007

[4]    Le 5 décembre 2007, le directeur de la protection de la jeunesse demande au tribunal de continuer l'hébergement des deux enfants en famille d'accueil jusqu'à leur majorité respective.

[5]    La mère conteste le placement de Y jusqu'à sa majorité, car elle veut la reprendre avec elle avant sa majorité.

[6]    En ce qui concerne X, la mère est d'accord pour qu'il reste en famille d'accueil, car elle veut respecter le désir de son fils qui veut rester là où il est, tout en ayant des contacts avec sa mère.

[7]    À l'audition du 5 décembre 2007, la mère a reconnu son instabilité résidentielle au cours de la dernière année, car elle est partie de ville B pour aller à ville C, puis à ville D et après à ville E où habitent son père et son frère; par la suite, elle est revenue vers la ville F, à ville G, et de là, elle est de retour à ville B depuis trois semaines.

[8]    En réponse à la question de son avocate, la mère a dit rester à ville B où elle habite seule… «pour l'instant», a-t-elle ajouté.

[9]    Sur ses démarches pour régler un problème de dépendance affective, elle dit être allée au Centre des femmes et qu'elle a lu plusieurs livres sur le contrôle de soi, sur la gestion de la colère et qu'elle a travaillé sur sa colère et son impulsivité.

[10]            Quand son avocate lui demande ce qu'elle a fait concrètement, elle dit qu'elle fait de la méditation le matin, lit des livres qui parlent de soi, pour contrôler la colère et l'agressivité.

[11]            Alors, son avocate lui demande si elle a vu des changements et elle répond:  «Je comprends plus le pourquoi, j'admets que j'ai fait certaines choses dans le passé»… Entre autres, elle référait à sa façon d'agir avec les enfants.

[12]             Maintenant, elle dit qu'elle essaie plus de comprendre et d'avoir une oreille attentive et d'écouter mieux ce que ses enfants ont à dire.

[13]            Questionnée si cela a amélioré sa relation, la mère dit qu'elle parle à Y une fois par mois, environ quinze minutes, et qu'elle ne parle pas très souvent à X.

[14]            Et justement, elle dit être revenue à B pour faciliter les contacts avec ses enfants et aussi «pour avoir l'opportunité de signer des papiers pour les enfants.»

[15]            Questionnée sur la façon dont elle voit les visites avec ses enfants, le tribunal répète en substance ses propres mots:  «Cela varie selon les besoins des enfants, ce qu'eux veulent, j'aimerais les voir tous les jours, mais il faut commencer graduellement, pour en arriver à une augmentation des contacts et faire des choses avec eux et éventuellement en arriver à des couchers à la maison.»

[16]            Au niveau des suivis, elle dit attendre d'avoir un appareil téléphonique chez elle et par la suite, elle dit vouloir faire des démarches au CLSC et prendre des rendez-vous avec monsieur [intervenant 3], l'intervenant qu'elle consultait avant son départ pour ville E.

[17]            Elle dit vouloir retourner aussi au Centre des femmes, car les rencontres individuelles lui font du bien et que dans les rencontres de groupe «on parle de plein de choses».

[18]            La mère a reconnu aussi avoir fait une «gaffe» le 18 avril dernier quand elle a quitté la Cour dans une grande colère, sans attendre ce que le juge avait à dire. Elle dit qu'elle a perdu le contrôle et qu'elle n'était pas prête à entendre quoi que ce soit.

[19]            Avec honnêteté, elle a reconnu que le tribunal avait pris la peine de lui demander trois fois si elle était prête à écouter et entendre ce que le tribunal avait à lui dire; malheureusement, comme elle l'a dit le 5 décembre dernier, elle n'était vraiment pas prête.

[20]            Le tribunal a appris que sa colère a continué même à l'extérieur de la Cour, puisqu'elle est partie en trombe avec son véhicule-automobile et qu'elle fut accusée de conduite dangereuse dont la conséquence a été qu'elle a perdu son permis de conduire pour une année.

[21]            La mère dit avoir réalisé que ça ne donne rien «de péter sa coche et de casser la barraque…»

[22]            La mère a reconnu aussi que dans le passé elle avait fait des promesses, comme elle en a fait le 5 décembre dernier, mais que maintenant elle se dit plus sereine dans sa tête et qu'elle est plus consciente de ce qui se passe et qu'elle ira vraiment chercher de l'aide, car cela pourrait bénéficier à ses enfants.

[23]            La mère dit qu'elle ne vit avec personne «pour l'instant», mais elle a un nouveau "chum", monsieur D, qu'elle décrit comme étant un homme non-violent et qui «se tient à sa place».

[24]            À cet égard, elle a manqué de transparence, car lorsque l'intervenante lui a demandé si elle avait un nouveau chum, la mère avait décrit monsieur D comme étant un ami qui l'aidait seulement à déménager.

[25]            Plus tard, l'intervenant apprendra qu'il s'agit plus que d'un ami et quand on entend le témoignage de X à l'audition du 5 décembre,  il est facile de conclure que c'était plus qu'un déménageur.

[26]            Il ne s'agit pas ici de faire un drame avec ce manque de transparence, mais cela serait beaucoup plus simple si la mère nous disait toute la vérité, car cela démontrerait que la mère veut véritablement changer et qu'il serait plus facile de lui faire confiance.

[27]            Mais enfin, souhaitons-lui qu'il soit plus adéquat que son ancien conjoint E et que la mère soit en contrôle dans cette relation et non sous contrôle.

[28]            Suite à une question de l'avocate du directeur de la protection de la jeunesse sur ses rencontres au Centre des femmes, la mère a reconnu qu'elle n'avait eu à ce jour que cinq rencontres, et concernant son suivi médical, elle n'avait pas encore fait transférer son dossier de ville E à ville B.

[29]            Questionnée par l'avocat de X sur ce qu'elle pense du désir de X de rester en famille d'accueil, la mère a dit encore une fois vouloir respecter la volonté de son fils et qu'elle comprenait bien que son fils ne voulait pas s'éloigner d'elle, mais voulait aussi continuer d'avoir des contacts avec sa mère; elle a reconnu les succès de son fils depuis la dernière ordonnance.

[30]            Concernant Z, elle a dit qu'elle était heureuse du fait que sa fille voulait revenir avec elle et elle a ajouté - et le tribunal répète ses propres mots - «Si cela venait qu'à se faire, je vais l'accueillir…»

[31]            C'est alors que l'avocat de Z lui a demandé ce qu'elle voulait dire quand elle a dit «Si ça venait qu'à se faire.»  La mère a dit qu'elle était consciente que ce retour ne pouvait pas se faire du jour au lendemain et qu'il y avait des étapes à passer.

[32]            L'avocat de Z lui a demandé aussi si quelqu'un l'avait empêchée au cours de la dernière année de voir sa fille et pourquoi elle s'était rendue jusque là: la mère a reconnu sa responsabilité et qu'elle aurait pu venir voir sa fille, mais elle a ajouté qu'à ce moment, elle était en réaction contre tout le monde.

[33]            À nouveau, elle a reconnu qu'il y avait des étapes à franchir et pour gagner la confiance du directeur de la protection de la jeunesse, elle s'est engagée à faire un suivi personnel, comme cela lui a été demandé depuis longtemps, particulièrement au niveau de sa dépendance affective.

[34]            Elle a dit qu'elle ne prenait pas cet engagement pour faire plaisir, mais vraiment pour elle et le bien de ses enfants; elle se disait prête à reprendre le suivi avec monsieur [intervenant 3].

[35]            Par la suite, X a témoigné et a mentionné qu'il voulait rester en famille d'accueil jusqu'à ses dix-huit ans, mais il a été clair à l'effet qu'il voulait continuer d'avoir des contacts avec sa mère:  «Ce n'est pas parce que je suis en famille d'accueil que je ne veux pas la voir et l'oublier.»

[36]            X veut vraiment continuer à voir sa mère, mais il se dit conscient «qu'il faut recommencer au bas de l'échelle» mais il est prêt à suivre les étapes.

[37]            La présence du "chum" de sa mère ne le dérange pas; mais il ajoute «Sil vient en visite et qu'il prend plus de place que moi et que ma mère lui donne plus d'affection qu'à moi, il va falloir travailler ça.»

[38]            X a dit qu'il était capable de le dire à sa mère et qu'il le lui a déjà dit; il a dit aussi que ça lui faisait du bien de voir que sa mère acceptait son désir de demeurer en famille d'accueil.

[39]            Quand l'avocate de la mère a demandé à ce jeune comment il voyait la reprise des contacts, il est intéressant de mentionner ses propres paroles:  «Quand je peux, les fins de semaine si je m'ennuie, je pourrais l'appeler et plus tard, je pourrais rester à coucher; je veux pas renier ma mère, une mère sert à donner de la tendresse et répondre quand on en a besoin; en étant en famille d'accueil, je vais lui enlever un fardeau et je vais la voir plus; elle va pouvoir faire ses affaires la semaine et nous, la voir la fin de semaine, et tout va aller bien et elle n'aura pas besoin de péter sa coche.»

[40]            Quant à Y, tout en reconnaissant qu'auparavant elle se préoccupait plus de ses chums que de sa mère, elle a dit qu'elle aimait sa mère et qu'il était important pour elle de revivre avec elle.

[41]            Quand son avocat lui a rappelé que la mère venait de dire qu'il faudrait y aller par étapes, Y a dit que sa mère avait raison et qu'il va falloir effectivement y aller par étapes.

[42]            Au cours de la dernière année, les contacts de Y avec sa mère ont été des contacts téléphoniques, à raison de quinze minutes par mois.

[43]            Concernant les visites, quatre ont été organisées, mais elle reconnaît que trois se sont terminées d'une façon négative et elle dit qu'il y a eu «dérapage».

[44]            Elle dit que ça va mieux en famille d'accueil et aussi à l'école, car elle a obtenu de bonnes notes.

[45]            Malgré qu'elle n'a parlé à sa mère que quinze minutes par mois au cours de la dernière année, elle croit que sa mère a changé et elle sent qu'elle est mieux dans sa peau.

[46]            Y reconnaît qu'il  y a des étapes à suivre avant de retourner vivre avec sa mère, mais elle dit vouloir y retourner même si les contacts doivent être graduels; même si elle veut retourner auprès de sa mère, elle envisage encore un projet d'appartement.

[47]            Quand l'avocate du directeur de la protection de la jeunesse lui a demandé pourquoi les trois visites ne s'étaient pas bien passées, Y a mentionné qu'il y a eu de la colère autant de sa part que de la part de sa mère.

[48]            Sur la reprise de contacts, elle envisage de voir sa mère d'abord quelques heures puis par la suite pour une journée  pour continuer à augmenter et finalement pour aboutir à des couchers chez sa mère.

[49]            Y a aussi écrit une lettre dont le tribunal a fait lecture et qu'il a déposée au dossier.

[50]            Madame [intervenante 1] connaît bien la situation de cette famille puisqu'elle est au dossier depuis l'année 2005; tel que mentionné dans les allégations que le tribunal a citées au début de cette décision, la mobilisation de la mère au cours de la dernière année a été très faible, car elle a quitté pour se rendre à E.

[51]            Malgré les ententes entre le Centre jeunesse de cet endroit et celui de A, la mère aurait pu venir voir ses enfants, mais elle n'est pas venue et elle a oublié aussi au moins une rencontre avec les intervenants.

[52]            Mais, madame [intervenante 1] mentionne que le vent a tourné de bord le 12 juillet:  en effet, elle a eu une rencontre à cette date avec la mère et elle l'a trouvée «plus réceptive, centrée sur ses enfants et elle reconnaissait ses difficultés.» À cette date du 12 juillet, madame [intervenante 1] mentionne que la mère comprenait que vu sa situation, le projet de vie des enfants en famille d'accueil jusqu'à leur majorité était le plus conforme à l'intérêt des enfants et elle était d'accord avec ces deux placements à majorité.

[53]            Pour Y, la mère acceptait son placement, tout en voulant plus de contacts avec sa fille.

[54]            Après cette rencontre du 12 juillet 2007, elle a fait une visite surprise au domicile de la mère le 27 novembre et elle lui a demandé si elle habitait seule ou si elle avait un chum; c'est là que la mère lui a répondu qu'elle habitait seule et qu'elle n'avait pas de "chum" sauf qu'elle avait un ami qui l'avait aidée à déménager.

[55]            C'est le 30 novembre, quand X a voulu lui dire qu'il voulait demeurer en famille d'accueil que la mère a admis qu'elle avait un "chum".

[56]            Concernant la question des contacts, l'intervenante mentionne qu'elle a toujours été favorable aux contacts entre les enfants et leur mère, mais qu'il fallait procéder par étapes, compte tenu que la mère n'était pas venue voir ses enfants au cours de la dernière ordonnance et qu'il n'était pas possible de balayer tout ce qui s'était passé.

[57]            Madame [intervenante 1] a mentionné qu'elle était d'accord avec une reprise avec des temps déterminés pour voir si la mère est capable de respecter les ententes; elle veut voir aussi ce qu'elle va faire pendant ces visites et si elle va favoriser son conjoint au détriment des enfants, comme elle l'a fait depuis 2005.

[58]            En ce qui concerne son nouveau "chum", monsieur D, l'intervenante en tient compte mais voudrait qu'au début, au moins, que la mère priorise plus de temps entre elle et ses enfants.

[59]            Concernant Y, madame [intervenante 1] rappelle que depuis 2005, Y était confiée à une famille d'accueil avec la possibilité de l'intégrer auprès de sa mère.

[60]            L'intégration auprès de sa mère a été complétée le 7 juin 2006 et déjà le 7 novembre 2006, le placement était redemandé, suite à une colère et une chicane entre l'enfant et sa mère, dont elle ne connaît pas les raisons, car il n'y a pas eu de transparence à ce sujet.

[61]            Quand il fut demandé à l'intervenante pourquoi elle préconisait un placement jusqu'à majorité, elle répond qu'il n'y a pas eu de contacts stables entre l'enfant et sa mère alors que la mère savait que le directeur de la protection de la jeunesse était dans un processus de clarification d'un projet de vie; elle dit qu'elle l'a dit à la mère et lui a redit et malgré cela la mère ne venait pas voir sa fille ou était irrégulière.

[62]            L'intervenante ajoute aussi que la mère a fait des démarches dont elle n'a pas de preuve actuellement et surtout pas les résultats. Alors, elle craint un risque d'éclatement et de nouvelles chicanes et c'est la raison pour laquelle elle croit que la reprise de contacts devrait être bien préparée et qu'il faudrait d'abord laisser la mère faire ses démarches.

[63]            Pendant ce temps, les enfants ont droit à la continuité des soins et surtout à la stabilité.

[64]            Concernant les quatre visites organisées dont trois se sont mal terminées, madame [intervenante 1] mentionne que dans une première visite, la situation a mal tourné, car la mère avait priorisé son conjoint E à sa fille.

[65]            Dans la deuxième, Y ne devait pas sortir de chez elle le matin et alors la mère a réagi fortement et il n'était pas possible de résoudre le conflit entre les deux et la famille d'accueil a dû revenir chercher Y

[66]            Et pour la troisième, l'intervenante ne se souvenait pas sur le moment la raison pour laquelle cela n'a pas fonctionné.

[67]            Concernant les contacts téléphoniques, l'intervenante constate que Y se referme depuis quelque temps et qu'elle ne peut avoir aucune information et évidemment elle s'interroge sur les messages passés à cette adolescente.

[68]            Toujours concernant Y, l'intervenante mentionne qu'elle lui a demandé de lui faire un plan concernant la reprise de contacts, mais elle ne l'a pas reçu, sauf que sur l'heure du dîner de l'audition du 5 décembre 2007, Y a dit vouloir se greffer à X lors de la fête du Jour de l'An.

[69]            Il a justement été question très longuement  de la période des Fêtes qui arrive à grands pas, et les deux enfants ont manifesté le désir d'être avec leur mère à Noël et d'y rester pour y coucher.

[70]            L'intervenante a mentionné qu'elle ne craignait pas pour la sécurité des enfants  et qu'elle ne voyait aucun danger physique s'ils restaient tous les deux avec leur mère à la Fête de Noël.

[71]            Mais, comme la mère était d'accord à procéder par étapes et que les enfants acceptaient aussi, l'intervenante croyait que c'était d'aller trop vite et qu'il serait peut-être difficile par la suite de revenir en arrière.

[72]            Elle croit fermement qu'il faut prendre le temps de bien faire les choses pour que tout se passe bien et que ces visites soient réussies et par la suite il sera toujours temps d'augmenter.

[73]            Le tribunal a très bien perçu que cette intervenante ne voulait pas jouer le rôle "d'un empêcheur de tourner en rond", mais elle veut véritablement s'assurer que la reprise de contacts se fasse dans la prudence, pour éviter encore des déceptions et des échecs et aussi préserver la relation que la mère a avec ses enfants.

[74]            Le tribunal a demandé à cette intervenante ce qu'elle demandait à la mère de faire pour corriger la situation; elle a répondu:

·        travailler au niveau de sa dépendance affective;

·        au niveau de son impulsivité et de son agressivité;

·        sa sensibilité aux besoins des enfants;

·        avoir un suivi médical et prendre soin de sa santé physique;

·        assiduité au niveau des rencontres et respect des ententes;

·        respect des modalités de contacts;

·        travailler avec monsieur E au niveau du mode éducationnel, c'est-à-dire au niveau de ses méthodes éducatives avec les enfants et que monsieur E l'accompagne dans son rôle parental.

·        et surtout de la transparence.

ANALYSE ET DÉCISION

[75]            Le 5 décembre 2007, le tribunal a tenu à rassurer la mère à l'effet qu'il n'était pas question de prendre une décision en fonction de la "crisette" qu'elle a faite le 18 avril dernier.

[76]            La mère s'est suffisamment punie elle-même en étant privée de son permis de conduire pour un an. Puis, il ne serait pas très logique de priver les enfants de leur mère pour donner à cette mère une conséquence additionnelle à ses gestes d'impulsivité et d'agressivité.

[77]            Et surtout, il n'est pas question ici de prendre une décision contre la mère, mais il faut prendre une décision en se basant sur la loi:  la loi exige du tribunal qu'il prenne une décision dans l'intérêt des enfants:

 

3.  Les décisions prises en vertu de la présente loi doivent l'être dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de ses droits.

Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l'enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation.

 

[78]            L'historique de la situation des deux enfants et l'ensemble de la preuve démontrent qu'il y a eu dans le passé lointain et récent, une instabilité du coté de la mère au niveau de ses résidences, de ses conjoints, de ses contacts avec les enfants et de ses humeurs et ses attitudes.

[79]            La preuve démontre que les enfants ont un besoin de stabilité et c'est là que se trouve leur intérêt.

[80]            L'intervenante en est arrivée à la conclusion qu'il faut procéder par étapes et augmenter les contacts des enfants avec leur mère de façon graduelle.

[81]            Cette prudence s'impose pour éviter de nouvelles déceptions, des conflits et encore des brisures.

[82]            La stratégie est de ne pas aller trop vite pour s'assurer que les contacts connaîtront un succès durable et ainsi préserver la relation de la mère avec les enfants; la prudence s'impose pour éviter de nouveaux échecs.

[83]            La mère a elle-même dit qu'il fallait y aller graduellement et respecter certaines étapes.

[84]            Le tribunal veut croire que la mère a été honnête et croyait en ce qu'elle disait elle-même quand elle parlait d'y aller par étapes.

[85]            Car c'est la logique qu'elle exprimait:  en effet, il serait risqué de croire que toutes les difficultés passées sont réglées par seulement cinq rencontres de groupes de femmes, la lecture de livres sur le contrôle de soi et de la méditation le matin.

[86]            Généralement, les personnes interprètent à leur avantage les enseignements contenus dans les livres; en plus des lectures, il est préférable d'être guidé de temps en temps par un bon thérapeute qui peut vérifier la bonne compréhension des livres et voir si les conseils sont mis en pratique; et ensuite, évaluer les résultats.

[87]            Et ce processus prend un certain temps…

[88]            Non seulement la mère, mais Y disait aussi qu'il fallait y aller par étapes et elle disait accepter cette façon de renouer des contacts.

[89]            Mais en même temps qu'elle affirmait accepter d'y aller par étapes, Y se disait convaincue que sa mère avait changé et qu'elle en était fortement convaincue; elle trouvait que sa mère l'écoutait plus.

[90]            Le tribunal ne nie pas que la mère est changée, car elle avait une meilleure attitude à la Cour le 5 décembre 2007; mais de là à dire qu'elle a changé si vite et à ce point que tout est presque réglé, il y a une marge à ne pas franchir trop vite.

[91]            Le tribunal le souhaite, mais il faut regarder et observer si la mère a bien intégré les leçons apprises et si les changements durent pendant un bon moment.

[92]            Il faut comprendre le besoin de Y d'avoir une mère disponible pour elle, mais il y avait un peu de pensée magique quand elle insistait sur les grands changements de sa mère:  en effet, il est difficile pour quiconque d'évaluer des changements quand il n'y a presque pas de contacts pendant plusieurs mois et qu'on parle à sa mère quinze minutes au téléphone par mois; et trois contacts sur quatre se sont mal finis et il y a eu «dérapage», selon les propres mots de Y.

[93]            C'est pourquoi l'expérience nous démontre qu'il faut être prudent, ne pas aller trop vite et observer pour éviter de nouveaux échecs.

[94]            Même X, dans sa belle lucidité et logique pour son âge, disait qu'il faut commencer «au bas de l'échelle»; donc, y aller par étapes.

[95]            Il faut maintenant "placer la balle dans le camp" de la mère.

[96]            Si elle a été honnête quand elle disait accepter les étapes et qu'elle n'a pas dit cela juste pour plaire aux intervenants et au tribunal, elle est sur la bonne voie.

[97]            Si elle fait tout ce qu'elle s'est engagée à faire:

·        travailler au niveau de sa dépendance affective

·        au niveau de son impulsivité et de son agressivité

·        sa sensibilité aux besoins des enfants

·        avoir un suivi médical et prendre soin de sa santé physique

·        assiduité au niveau des rencontres et respect des ententes

·        respect des modalités de contacts

·        travailler avec monsieur E au niveau du mode éducationnel, c'est-à-dire au niveau de ses méthodes éducatives avec les enfants et que monsieur E l'accompagne dans son rôle parental

·        et surtout de la transparence

elle serait encore plus sur la bonne voie et il y aura beaucoup plus de chances de succès et que cette fois-là sera la bonne.

[98]            La mère sait que, peu importe la durée de l'ordonnance, six mois, un an, deux ans ou la majorité des enfants, elle peut revenir devant le tribunal pour faire changer la présente décision.

[99]            Si le tribunal fixe six mois dans la situation de Y et que la mère n'a pas fait ce qu'elle a à faire, le directeur de la protection de la jeunesse demandera une autre ordonnance de six mois et peut-être encore jusqu'à majorité.

[100]       Si le tribunal fixe le placement de Y jusqu'à sa majorité, comme pour X, et que la mère a rempli ses engagements et maintenu ses acquis, elle peut revenir avant la majorité de Y.

[101]       L'important, ce n'est pas la durée, mais que la mère remplisse ses engagements et qu'elle vienne faire la preuve de changements significatifs et de changements qui s'observent depuis assez longtemps pour amener à conclure qu'il y a des chances qu'ils seront durables.

[102]       Il est capital d'être clair et d'ajouter que même si la mère fait ses preuves et qu'elle devient prête, il faudra que Y soit elle aussi prête et que sa situation au niveau de sa personne, ses comportements en famille d'accueil, à l'école et ses résultats scolaires n'aillent pas en se détériorant, mais en s'améliorant.

[103]       Le tribunal fixera donc le placement de Y jusqu'à sa majorité, comme pour X; si la mère respecte ses engagements et que des résultats durables sont prouvées et que la situation de Y a continué de s'améliorer, la mère et la fille pourront revenir devant le tribunal pour tenter de faire réviser la décision.

 

NOËL

[104]       Rappelons que l'intervenante a dit qu'elle ne craignait pas pour la sécurité des enfants, s'ils couchaient chez leur mère à Noël.

[105]       Elle disait que d'accorder un coucher serait d'aller trop vite alors que tout le monde comprend qu'il est plus prudent d'y aller par étape.

[106]       Elle craint qu'un précédent sera créé et qu'après un coucher, il sera difficile de revenir en arrière et d'établir des contacts de quelques heures sans coucher.

[107]       En entendant cela, l'avocat des enfants a dit que Y et X sont assez grands et intelligents pour comprendre que c'était juste pour la soirée et la nuit de Noël.

[108]       L'avocat des enfants a rajouté que ses jeunes clients comprennent que ce n'est pas Noël tous les jours et que l'autorisation d'un coucher aussi vite ne serait que pour cette occasion spéciale.

[109]       Par après, Y et X comprennent qu'il faudra revenir à des contacts graduels, sans coucher, afin de respecter les étapes pour éviter des difficultés comme dans le passé.

[110]       Alors, le tribunal trouve que c'est peut-être un peu vite d'autoriser un coucher alors qu'il y a eu si peu de contact depuis longtemps, mais il s'agit aussi d'une bonne occasion de vérifier si la mère et les enfants ont vraiment compris et s'ils sont capables de respecter les ententes.

[111]       Il y aura donc un contact pour Noël, avec coucher chez la mère, du lundi 24 décembre à 14 h au mercredi 25 décembre à 14 h.

[112]       Par la suite, les contacts se feront selon les étapes établis par l'intervenante pour s'assurer que cette démarche connaisse un succès.

[113]       La mère ne rendrait pas service à ses enfants si elle les incitait à faire d'autres demandes de coucher avant qu'elle ne se soit engagé dans un processus d'aide ou une thérapie pendant un certain temps.

[114]       Rien ne sera réglé automatiquement par un coucher chez la mère, même s'il se déroule parfaitement bien; il y en a eu des Noëls dans le passé et cela n'a pas empêché les difficultés d'apparaître et revenir.

[115]       La magie de Noël n'est pas une thérapie et les cadeaux ne règlent rien et la mère doit se rappeler qu'elle a pris des engagements et que "LA BALLE EST DANS SON CAMP".

 

[116]       POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[117]       ACCUEILLE la présente requête.

[118]       DÉCLARE la sécurité et le développement du jeune X encore compromis.

[119]       RÉVISE l’ordonnance rendue le 18 avril 2007 dans le présent dossier.

[120]       ORDONNE que le jeune X soit confié au directeur de la protection de la jeunesse du Centre jeunesse de A, pour hébergement en famille d'accueil, à être désignée par le directeur de la protection de la jeunesse et ce, jusqu' sa majorité, le [...] 2011.

[121]       ORDONNE que le jeune X reçoive les soins de santé requis par sa situation.

[122]       AUTORISE en faveur du jeune X des contacts avec sa mère, selon les modalités établies par le directeur de la protection de la jeunesse.

[123]       AUTORISE la supervision des contacts entre la mère et X selon l'évolution de la situation.

[124]       AUTORISE, pour Noël seulement, une visite des enfants chez leur mère, avec coucher, du lundi 24 décembre de 14 heures au 25 décembre 14 heures.

[125]       INTERDIT tout contact direct ou indirect entre X et son père, monsieur A, sauf dans le cadre de visites supervisées à la condition que le père rencontre la déléguée du directeur de la protection de la jeunesse, avec la possibilité de lever la supervision selon l'évolution de la situation.

[126]       RETIRE aux parents l'exercice des attributs de l'autorité parentale concernant les soins de santé, les autorisations scolaires et parascolaires et la permission de voyager incluant l'obtention d'un passeport.

[127]       DÉSIGNE le directeur de la protection de la jeunesse pour exercer ces mêmes attributs;

[128]       ORDONNE qu’une ou des personnes oeuvrant au sein du Centre jeunesse A ou de tout autre établissement ou organisme soient désignées pour apporter aide, conseil et assistance au jeune X et à ses parents, si ces derniers en font expressément la demande, et ce, jusqu'à sa majorité le [...] 2011.

[129]       CONFIE la situation de X au directeur de la protection de la jeunesse du Centre jeunesse A pour l’exécution de la présente ordonnance.

 

 

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MICHEL DURAND, J.C.Q.

 

 

Me Sonia Côté

Avocate du D.P.J.

 

Me Johanne Pelletier

Avocate de la mère

 

Me Mario Proulx

Avocat du jeune

 

Date d’audience :

5 décembre 2007

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.