comité de déontologie policière

 

 

québec        Sainte-Foy, le 13 JUIN 2003

 

dossiers :  

           

C-2000-2899-2

 (98-0386-1,2)

                                                         devant :        Me pierre drouin

C-2000-2900-2

 (98-0385-1,2)

audiences tenues les :          13 et 14 mai 2002;

C-2000-2901-2                                21, 22 et 23 août 2002;

 (98-0385-1,2,3)                               4, 5, 23, 25, 26 et 27 septembre 2002;

                                                         31 octobre 2002; 1er novembre 2002;

C-2000-2902-2                                7, 19 et 20 février 2003

 (98-0385-3)

 

 

 

 

À :                                                     Sainte-Foy

 

 

 

 

le commissaire à la déontologie policière

 

Représenté par :

Me Christian Reid

 

c.

 

L’agent Roger St-hilaire, matricule 400 et

L’agent Denis Nadeau, matricule 540

Membres du Service de police de Québec

Représentés par :

Me Robert DeBlois

 

L’agent Berchams Martin, matricule 56

Membre du Service de police de Charlesbourg

Représenté par :

Me Jean-Guy Légaré

 

L’agent roger Ferland, matricule 159

Membre du Service de police de Sainte-Foy

Représenté par :

Me Claude Gagnon

 

L’agent Marc Tremblay, matricule 156

Membre du Service de police de Lévis

Représenté par :

Me Serge Gagné

 

 

 

décision

 


citation

[1]               Le 2 juin 2000, le Commissaire à la déontologie policière dépose au Comité de déontologie policière les citations suivantes :

C-2000-2899-2

 

«          Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de déontologie policière, l'agent Roger St-Hilaire, matricule 400, membre du Service de police de Québec, ainsi que l'agent Berchams Martin, matricule 56, membre du Service de police de Charlesbourg :

 

1.   lesquels, à L'Ancienne-Lorette, le ou vers le 28 novembre 1997, alors qu’ils étaient dans l’exercice de leurs fonctions, ont abusé de leur autorité en utilisant la force sans justification contre monsieur François Laliberté, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec [R.R.Q., c. O-8.1, r.1];

2.   lesquels, à L'Ancienne-Lorette, le ou vers le 28 novembre 1997, alors qu’ils étaient dans l’exercice de leurs fonctions, n’ont pas respecté l’autorité de la loi et des tribunaux en procédant à l'arrestation de monsieur François Laliberté sans l'informer des motifs de celle-ci, contrairement aux droits garantis par les Chartes canadienne et québécoise, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec [R.R.Q., c. O-8.1, r.1]. »

C-2000-2900-2

«          Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de déontologie policière, les agents Roger Ferland, matricule 159, membre du Service de police de Sainte-Foy, et Denis Nadeau, matricule 540, membre du Service de police de Québec :

 

lesquels, à L'Ancienne-Lorette, le ou vers le 28 novembre 1997, alors qu’ils étaient dans l’exercice de leurs fonctions, n'ont pas respecté l’autorité de la loi et des tribunaux en ne produisant pas le mandat de perquisition qu'ils exécutaient alors que monsieur Philippe Laliberté leur en faisait la demande [art. 29C.cr.], commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec [R.R.Q., c. O-8.1, r.1]. »

C-2000-2901-2

«          Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de déontologie policière, les agents Roger Ferland, matricule 159, membre du Service de police de Sainte-Foy, Denis Nadeau, matricule 540, membre du Service de police de Québec, et Marc Tremblay, matricule 156, membre du Service de police de Lévis :

 

1.   lesquels, à L'Ancienne-Lorette, le ou vers le 28 novembre 1997, alors qu’ils étaient dans l’exercice de leurs fonctions, ont abusé de leur autorité en utilisant la force sans justification contre monsieur Philippe Laliberté, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec [R.R.Q., c. O-8.1, r.1];

2.   lesquels, à L'Ancienne-Lorette, le ou vers le 28 novembre 1997, alors qu’ils étaient dans l’exercice de leurs fonctions, n’ont pas respecté l’autorité de la loi et des tribunaux en procédant à l'arrestation de monsieur Philippe Laliberté sans l'informer des motifs de celle-ci, contrairement aux droits garantis par les Chartes canadienne et québécoise, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec [R.R.Q., c. O-8.1, r.1]. »

C-2000-2902-2

«          Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de déontologie policière, l'agent Marc Tremblay, matricule 156, membre du Service de police de Lévis :

 

 

1.   lequel, à L'Ancienne-Lorette, le ou vers le 28 novembre 1997, alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions, a abusé de son autorité en crachant au visage monsieur Philippe Laliberté, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec [R.R.Q., c. O-8.1, r.1];

2.   lequel, à L'Ancienne-Lorette, le ou vers le 28 novembre 1997, alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions, ne s'est pas comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction, en utilisant un langage injurieux et en manquant de politesse à l'égard de monsieur Philippe Laliberté, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec [R.R.Q., c. O-8.1, r.1]. »

faits

[2]               La preuve présentée devant le Comité peut se résumer comme suit :

Introduction

[3]               L’intervention policière du 28 novembre 1997 se situe dans le contexte bien particulier de « la guerre des motards » qui sévissait alors dans la région de Québec.

[4]               Le soir du 28 novembre 1997, une dizaine de policiers de l’escouade GRICO [groupe régional d’intervention contre le crime organisé] procède à une « frappe » au bar « Une bande au coin », situé à l’Ancienne Lorette. À cette occasion, des policiers interviennent auprès de certains clients dont les frères Philippe et François Laliberté.

[5]               À la suite de cet incident, des procédures sont entreprises par les divers intervenants au dossier. Les frères Laliberté ont déposé une plainte déontologique ainsi qu’une plainte pénale pour brutalité contre certains policiers. Des poursuites pénales sont entreprises contre les deux frères et il y a eu procès. À ces occasions, des témoins des évènements ont, soit fourni une déclaration à l’enquêteur du bureau du Commissaire ou à celui de la Sûreté du Québec, soit témoigné aux procès.

[6]               Certaines de ces déclarations ou extraits de témoignage ont été déposés devant le Comité qui y réfèrera au besoin.

[7]               Pour une meilleure compréhension des faits, ceux-ci seront groupés de la façon suivante :

·        Préalablement à l’entrée des policiers au bar

·        L’entrée des policiers

·        Les évènements concernant Philippe Laliberté

·        Son interpellation

·        Événement se produisant dans la salle de toilettes

·        Sa maîtrise au sol

·        Événement se produisant à l’extérieur du bar

·        Les évènements concernant François Laliberté

·        Événement se produisant dans le bar

·        Événement se produisant à l’extérieur du bar

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·        Préalablement à l’entrée des policiers au bar

[8]               À l’époque des évènements, sévissait dans la région de Québec ce qui est convenu d’appeler « la guerre des motards ». Divers services de police municipaux se sont organisés et ont mis sur pied une escouade policière particulière (GRICO) pour contrer cette « guerre ». Les interventions de cette escouade visaient particulièrement les bars où s’effectuait, entre autres, du trafic de stupéfiants. Ces lieux étaient convoités par des groupes de motards criminalisés.

[9]               Il n’est pas contesté qu’une enquête policière avait conduit GRICO à intervenir le 28 novembre 1997 au bar « Une Bande au Coin » pour l’exécution d’un mandat de perquisition relatif au trafic de stupéfiants.

[10]           Le responsable de l’opération est l’agent Roger Ferland, maintenant sergent détective, du service de police de Sainte-Foy. La dizaine de policiers participant à l’opération se regroupent pas très loin du bar. Ils font le point sur l’opération et chaque policier se voit affecter une tâche.

[11]           L’une des personnes d’intérêt visées par l’opération, est appelée le « boss ». Il est celui à qui les vendeurs de stupéfiants doivent se rapporter. Il est décrit comme n’étant pas très grand, habillé d’une veste de cuir noire et se tiendrait à l’avant du comptoir.

[12]           Il est convenu que l’agent Ferland et un autre policier, tous deux habillés en civil, entreraient en premier afin de jeter un regard sur les lieux. Les autres policiers suivraient peu après.

[13]           Le soir du 28 novembre 1997, les frère Philippe et François Laliberté se rencontrent au « Harley blues bar ». Ils sont accompagnés d’un ami, Gaétan Girard. Ils y demeurent environ une heure et demie. Durant cette période, ils auraient consommé peu d’alcool. Gaétan Girard témoigne que Philippe et lui ont bu une grosse bière, et François une petite.

[14]           Ils quittent pour se rendre au bar « Une Bande au Coin » situé à l’Ancienne Lorette à bord du véhicule conduit par François. Ils arrivent vers 23 h 30.

[15]           Il s’agit d’un bar de quartier localisé dans un petit centre commercial.

[16]           Le véhicule de François est un genre de « big foot », soit un pick-up F - 150 de marque Ford, avec de très gros pneus. Il le stationne directement devant l’entrée du bar, le long du trottoir.

[17]           Dans le bar, il y a environ 40 personnes; ce qui est beaucoup compte tenu qu’il s’agit d’un petit bar. Gaétan Girard offre une consommation aux frères Laliberté pour les remercier du transport et il quitte avant l’arrivée des policiers.

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·        L’entrée des policiers dans le bar

[18]           Au moment de l’entrée des policiers, vers minuit, Philippe discute avec deux amis et désire se rendre aux toilettes. Soudain, il entend la barmaid, Cathy Laforce crier « GRICO ». Tournant le dos à la porte, il ne voit pas les policiers arriver. Il les entend cependant ordonner à tout le monde de ne pas bouger. Il décide malgré tout de se diriger vers les toilettes. Cependant, lorsqu’il arrive au coin du comptoir, il est interpellé par l’agent Denis Nadeau.

[19]           De son côté, François témoigne également qu’il ne constate pas l’arrivée des policiers puisque lui aussi leur tourne le dos. Il discute avec des connaissances devant le comptoir. C’est à ce moment que, sans raison apparente, l’agent Roger St-Hilaire intervient auprès de lui.

[20]           Concernant cette séquence des évènements, la barmaid témoigne avoir reconnu le policier Ferland lorsqu’il est entré. Elle a baissé le volume de la musique, n’a pas augmenté l’intensité de l’éclairage et a crié « GRICO ». Son but était de « scrapper » l’effet de surprise des policiers.

[21]           Elle précise que trois mois auparavant, l’agent Ferland avait procédé à son arrestation pour possession de stupéfiants alors qu’elle travaillait au « Harley Blues Bar ». Elle témoigne qu’à l’époque des évènements, elle avait des problèmes de consommation de stupéfiants.

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·        Évènements concernant Philippe Laliberté

·        Son interpellation

Version du Commissaire

[22]           Philippe Laliberté témoigne que l’agent Nadeau l’intercepte alors qu’il se dirige vers la salle de toilettes. Le policier lui demande de s’asseoir à une table et de s’identifier. Philippe l’informe qu’il désire aller aux toilettes. De plus, il lui demande « s’il avait un mandat pour être ici ». Le policier lui aurait répondu « des mandats on en a en masse ». Philippe lui présente son portefeuille en demandant à voir le mandat. En contre-interrogatoire, on lui exhibe sa plainte (pièce C-4) dans laquelle il déclare avoir sorti ses papiers. Cette plainte est rédigée avec l’assistance de son avocate et prend la forme d’une déclaration assermentée

[23]           Après être allé voir un autre policier qui semblait être son supérieur, l’agent Nadeau lui dit qu’il devait le suivre à la salle de toilettes où il lui montrerait le mandat et qu’à défaut de le suivre, il serait arrêté pour entrave. Philippe décide de suivre l’agent Nadeau et un autre policier qu’il ne peut identifier. D’une main, l’agent Nadeau tient Philippe par un bras et de l’autre, il tient une lampe de poche qui est allumée. L’autre policier ouvre la marche.

[24]           Le trajet pour se rendre aux toilettes se déroule calmement. Philippe ne résiste pas mais dit être « chambranlant » du fait qu’il souffrait d’une hernie discale. Arrivé à la salle de toilettes, un policier qu’il ne peut identifier, ouvre la porte pour le faire entrer. C’est à ce moment que les choses se gâtent. Au lieu de lui montrer le mandat, les policiers l’assaillent.

[25]           En contre-interrogatoire il dira que se sont les agents Nadeau et Tremblay qui l’ont conduit aux toilettes et que ce dernier tenait une lampe de poche. Il dira cependant un peu plus tard qu’un seul policier l’y a conduit. Il affirme aussi que durant cette séquence, il n’a jamais vu ou parlé à l’agent Roger Ferland. De plus, il témoigne n’avoir jamais vu le mandat de perquisition.

Version policière

[26]           L’agent  Denis Nadeau est policier depuis 20 ans. Il témoigneque pour les besoins de l’opération, il était en civil. En entrant dans le bar, il se dirige vers le centre de l’établissement. Il aperçoit un homme correspondant à la description du « boss » assis au comptoir. Malgré l’ordre donné aux clients de ne pas bouger, cet homme se lève et se dirige vers les toilettes. On ne tolère aucun déplacement dans ce type d’opération. Il se dirige vers lui, s’identifie comme policier, précise qu’ils procèdent à l’exécution d’un mandat de perquisition et lui demande de reprendre sa place.

[27]           La personne qui sera identifiée comme étant monsieur Philippe Laliberté demande à l’agent Nadeau, à trois reprises, d’aller aux toilettes. Le policier l’informe que la salle de toilettes est occupée et lui demande de s’asseoir. Philippe obéit. Le policier témoigne que l’individu semble ivre; sa démarche est chancelante, il a les yeux vitreux et un langage « mou ».

[28]           Le policier lui demande de s’identifier. Philippe veut voir le mandat avant de s’identifier. Le policier va voir l’agent Roger Ferland sachant qu’il a le mandat. Il l’informe de la situation. Il lui explique qu’un homme répondant à la description du « boss » s’est levé promptement à leur arrivée pour aller aux toilettes et qu’il refuse de s’identifier avant de voir le mandat. L’agent Ferland lui dit qu’il va s’en occuper. L’agent Nadeau demeure en retrait, pas très loin.

[29]           L’agent Ferland s’identifie à Philippe comme étant le responsable de l’opération. Il lui explique la nature du mandat en l’exhibant et constate que l’haleine de monsieur Laliberté dégage une odeur d’alcool fermenté et qu’il parle lentement; il semble « bourré ». L’agent Ferland lui demande de s’identifier.

[30]           Philippe lui tend son portefeuille. Le policier Ferland lui demande de sortir ses pièces d’identité. Au lieu de s’exécuter, Philippe remet son portefeuille dans ses poches. Le policier explique que la consigne est de ne pas prendre le portefeuille des gens. Le but est d’éviter tout imbroglio où l’on pourrait reprocher au policier d’y avoir pris ou placer quelque chose.

[31]           L’agent Ferland le prévient qu’à défaut de collaborer, il risque d’être arrêté pour entrave. Devant l’attitude négative de l’individu, le policier croit qu’il a peut-être affaire au « boss ». Philippe ne collaborant toujours pas, le policier l’informe qu’il l’arrête pour entrave et le soupçonne de trafic de stupéfiants. Il lui demande de le suivre à la salle de toilettes afin de procéder à sa fouille.

[32]           L’agent Ferland conduit Philippe à la salle de toilettes en le tenant par le bras droit. Il affirme l’avoir conduit seul, l’agent Nadeau étant toujours en retrait, à l’arrière.

[33]           L’agente Lyne Villeneuve témoigne que ses instructions sont que madame Laforce est une personne d’intérêt et qu’en entrant dans le bar, elle doit la prendre en charge. La policière confirme avoir fouillé madame Laforce dans un petit réduit. Cependant cette fouille est sommaire, par palpation seulement. Cela ne dure que quelques secondes. Elle nie l’avoir fouillée à nu. Elle témoigne que les personnes sont fouillées en retrait, tel que dans une salle de toilettes, afin de préserver leur vie privée.

·        Événement se produisant dans la salle de toilettes

Version du Commissaire

[34]           Devant le Comité, Philippe témoigne qu’en arrivant aux toilettes, l’un des policiers ouvre la porte. Au moment où il s’engage dans le cadre de la porte, il reçoit un coup de lampe de poche « derrière la tête », à la base du cou, qui le projette à l’intérieur. Il ne peut affirmer qui lui assène ce coup. Il se retrouve à l’intérieur avec au moins trois policiers. On le frappe partout. Il ne peut dire par qui. Cela dure entre 15 et 30 secondes.

[35]           Il affirme cependant avec certitude que l’agent Marc Tremblay le sort de la salle de toilettes en lui appliquant « une prise de cou ». Il se retrouve au sol près du comptoir.

[36]           En contre-interrogatoire, il précisera que sous l’effet des coups, il a « manqué de souffle » au point d’en perdre conscience. Il admet cependant qu’à son procès, il n’a pas mentionné avoir perdu conscience.

[37]           On attire son attention sur le fait que dans sa plainte (pièce C-4) il ne parle pas de « prise de cou » mais qu’il mentionne « ils m’ont traîné par terre ».

[38]           Dans la déclaration qu’il a donnée à l’enquêteur de la Sûreté du Québec (pièce P-1), il déclare : « rendu dans les toilettes je reçois une poussée, un coup derrière la tête comme pour me donner un élan ».

[39]           Philippe est certain que l’agent Roger Ferland n’est pas de ceux impliqués dans les évènements de la salle de toilettes.

Version policière

[40]           Le sergent détective Ferland témoigne qu’il a ouvert d’une main la porte de la salle de toilettes pour y faire entrer Philippe. Au moment où ce dernier passe le seuil de la porte, il fait une manœuvre qui laisse croire au policier qu’il s’apprête à le frapper d’un coup de coude. Le policier lève le sien par réflexe pour éviter le coup.

[41]           Le policier précisera, en contre-interrogatoire, qu’à ce moment il ne peut déterminer si le geste de Philippe est volontaire ou accidentel dû au plancher rendu glissant par la présence d’eau. Le tout se déroule très vite. La manœuvre d’évitement du policier fait perdre l’équilibre à Philippe qui semble patiner. Il se retrouve sur un mur de la salle de toilettes. Philippe lève le poing, prêt à frapper. Le policier est toujours dans le cadre de la porte et seul avec Philippe.

[42]           L’agent Ferland constate alors l’arrivée de l’agent Nadeau. Celui-ci saisit Philippe et le sort des toilettes.

[43]           Le policier Ferland affirme qu’il est seul avec Philippe dans la salle de toilettes avant que l’agent Denis Nadeau intervienne pour l’assister.

[44]           Par ailleurs, le policier Ferland précise qu’étant en civil, la seule lampe de poche qu’il possède est petite, ayant une longueur de six pouces.

[45]           L’agent Nadeau témoigne qu’il reste à bonne distance derrière le policier Ferland lorsque celui-ci conduit, seul, Philippe à la salle de toilettes. Soudain, il voit Philippe monter son coude droit au visage de l’agent Ferland. Ce dernier lève le sien pour se protéger. L’agent Nadeau constate que Philippe trébuche et tente d’asséner un coup de poing à l’agent Ferland. C’est à ce moment qu’il décide de lui porter assistance. Philippe semble en crise et se débat. Il donne des coups de pieds et de poings. L’agent Nadeau le saisit par son manteau de cuir et réussit à le tirer à l’extérieur.

[46]           Finalement, l’agent Nadeau ajoute qu’il était également habillé en civil et possédait seulement une petite lampe de poche d’une longueur de six pouces.

·        Sa maîtrise au sol

Version du Commissaire

[47]           Au sortir de la salle de toilettes, Philippe se retrouve au sol, face contre terre. Il y a au moins trois policiers « …par-dessus… ». Il y a celui qui maintient toujours sa prise d’encolure, un autre qui lui place un genou dans le dos et le dernier qui tente de lui maîtriser les jambes. Il dit ne plus être en mesure de respirer et il ne peut plus parler, il ne peut que grogner.

[48]           Philippe dit avoir eu le réflexe de placer ses mains sous son ventre. Il témoigne que l’un de ses bras était coincé sous lui. Les policiers lui demandent de sortir son bras. Il déclare « … ça forçait de tous les bords là pour essayer de m’arracher un bras ». Il affirme qu’il ne pouvait le sortir. Il réussit finalement à dégager son bras. Les policiers lui passent les menottes.

[49]           Il affirme que l’agent Marc Tremblay et un autre policier qu’il ne peut identifier, le relèvent par les bras. Il sera conduit immédiatement à l’extérieur par ces deux policiers. Il dit « j’ai pas resté là trente secondes ».

[50]           Dans sa plainte (pièce C-4, paragraphe 39), il déclare qu’à la suite de la brutalité dont il a été l’objet, il avait une bosse à la tête, un œil au beurre noir, des lésions au visage, aux jambes et à une cuisse, et une lèvre fendue. Il dépose un rapport médical au soutien de ses allégations (pièce C-3).

[51]           En contre-interrogatoire, il ne conteste pas avoir déclaré avoir reçu non pas un mais trois coups rapides de lampe de poche derrière la tête.

[52]           Par ailleurs, on lui montre sa plainte (pièce C-4) où il indique au paragraphe 13 avoir été « tabassé » par les policiers. On lui montre également un extrait du témoignage qu’il a rendu à son procès où il affirme qu’on le « vargeait »qu’il recevait des « coups ». On s’interroge sur le fait qu’il ne parle pas devant le Comité de ce comportement des policiers. On lui rappelle avoir également déclaré à l’enquêteur de la Sûreté du Québec qu’aucun coup n’a été échangé, ce n’était que du « forçage ». Philippe conclura en disant « au sol c’était du forçage »

[53]           Dans sa plainte, on lui souligne qu’au paragraphe 15, il affirme avoir dit aux policiers qu’il ne pouvait sortir son bras. Or, on lui rappelle qu’il a dit au Comité qu’on l’étouffait et qu’il ne pouvait parler. Philippe explique qu’il « … leur disaient dans sa tête ».

[54]           Philippe finira par dire que sa plainte assermentée a été dictée par son avocate. Bien qu’il l’ait lue avant de la signer, il n’a pas tout compris ce qui était écrit.

[55]           On lui rappelle qu’il a déclaré à son procès et à l’enquêteur de la Sûreté du Québec avoir été relevé par les menottes, alors que devant le Comité il affirme que c’est par les bras ou les coudes.

[56]           Toujours en contre-interrogatoire, il n’est pas contesté qu’en 1993 Philippe a été impliqué avec son frère François dans une bagarre au bar « Le Palace ». Philippe s’y était battu avec le portier. Trois personnes, dont un portier, voulaient l’expulser et il voulait savoir pourquoi.

[57]           En 1997, il a été accusé pour non-remisage sécuritaire de 6 fusils de chasse, 5 carabines ainsi qu’un pistolet semi-automatique.

[58]           Philippe termine en disant n’avoir jamais eu affaire à l’agent Roger Ferland et qu’il n’a rien à lui reprocher.

Version policière

[59]           Au moment où l’agent Nadeau parvient à sortir Philippe de la salle de toilettes, l’agent Tremblay venait de procéder à l’arrestation d’un individu et le gardait à vue. Il entend du bruit provenant des toilettes. Il constate que l’agent Nadeau sort un homme, à reculons, et se dirige vers lui. L’homme est agressif et se débat. L’agent Tremblay décide de venir assister l’agent Nadeau.

[60]           Il passe derrière Philippe et lui applique une prise d’encolure avec la main droite. Le policier affirme avoir suivi l’enseignement reçu. Le policier décrit la méthode utilisée. Le but visé est de créer un déséquilibre afin de parvenir à l’asseoir.

[61]           Cependant, l’individu est agité et la prise de l’encolure est effectuée avec une seule main sans appliquer une force suffisante. Philippe n’étant pas maîtrisé, il parvient à pivoter et peut se dégager. L’agent Tremblay réussit à le coucher sur le sol. Philippe est alors face contre terre. Le policier réajuste sa prise mais cette fois à l’aide des deux mains.

[62]           Le policier dit qu’il est alors positionné à gauche de Philippe. Il affirme qu’il n’a jamais « embarqué » sur son dos. Tel qu’il l’a appris, il exerce une pression suffisante pour créer une douleur afin de faire collaborer l’individu.

[63]           L’agente Villeneuve vient de terminer la fouille sommaire de madame Laforce et sort du « back store ». Elle entend du bruit provenant de la salle de toilettes. Elle regarde ce qui s’y passe. Elle constate que l’agent Tremblay applique une prise d’encolure sur une personne qui est face au sol. Elle constate aussi que l’agent Nadeau est à genoux et tient l’homme par le bras droit. L’homme a les deux mains sous lui. Elle décide de leur porter assistance.

[64]           Elle se place du côté gauche de Philippe. Elle s’agenouille près de son oreille. Elle lui demande de se calmer et de collaborer. Elle lui répète à plusieurs reprises de placer ses mains dans le dos. Les policiers parviennent à lui dégager les mains et à le menotter. Aussitôt menotté, Philippe se calme, il semble épuisé.

[65]           Les agents Nadeau et Tremblay relèvent Philippe. Les trois policiers affirment que ce dernier n’a pas été relevé par les menottes. Ils précisent qu’ils ne peuvent procéder ainsi sans « casser » un ou les deux bras de la personne; d’autant plus que l’agent Nadeau évalue le poids de Philippe à 220 livres.

[66]           L’agente Villeneuve dit qu’en aucun temps les policiers ont brutalisé Philippe. Ils l’ont maîtrisé et menotté. Une fois calmé, ils l’ont assis sur une chaise et l’agent Nadeau est demeuré près de lui.

[67]           Les policiers disent qu’au sol, Philippe ne fait que forcer et grogner. Il ne dit pas un mot.

[68]           L’agent Ferland témoigne que dès l’instant où l’agent Nadeau se saisi de l’individu pour le sortir de la salle de toilettes, il demeure en retrait. Il affirme aussi que Philippe n’est pas relevé par les menottes.

[69]           Lorsque Philippe est assis et plus calme, l’agent Ferland va le voir pour lui demander pourquoi il a agi ainsi. Il l’informe qu’il est maintenant arrêté pour entrave et voies de faits sur un agent de la paix. D’autres policiers, dont l’agente Villeneuve, entendent l’agent Ferland parler à Philippe.

[70]           Monsieur Bruno Poulin est coordonnateur en intervention physique et armes intermédiaires à l’École nationale de police du Québec. Après avoir entendu les représentations des procureurs, le Comité l’a reconnu à titre d’expert sur l’emploi de la force par les policiers.

[71]           À l’aide d’un tableau et de documents, il explique les diverses techniques de contrôle d’un individu qui sont enseignées aux policiers. Il s’est attardé sur le « contrôle par l’encolure ».

[72]           Il explique que la technique appliquée par l’agent Tremblay est de type « sanguine ». Antérieurement on enseignait la technique « respiratoire ». Cette dernière impliquait que l’on exerce une pression sur la trachée ce qui pouvait amener des complications au cerveau dû à un manque d’air. Au contraire, la technique sanguine s’applique en exerçant une pression sur les gros vaisseaux du cou, limitant ainsi l’afflux sanguin au cerveau. Il a été démontré que cette dernière méthode est moins risquée. Le policier peut exercer un degré de pression proportionnel à la résistance de la personne. Le but est de créer une douleur suffisante afin de forcer la personne à collaborer.

[73]           Après avoir entendu les divers témoins concernés et consulté les documents pertinents, monsieur Poulin est d’avis que la manière dont l’agent Tremblay a appliqué la technique est conforme à ce qui est enseigné. Monsieur Poulin apporte toutefois une nuance. Il précise que l’agent Tremblay aurait dû « verrouiller sa prise » en utilisant ses deux mains dès le début pour appliquer « le contrôle par l’encolure ». C’est pourquoi il a eu plus de difficulté à maîtriser monsieur Laliberté qui a été en mesure de se tourner sur le ventre.

[74]           Monsieur Poulin témoigne également sur la façon dont Philippe a été relevé. Il indique que monsieur Laliberté étant menotté dans le dos, les policiers lui aurait cassé les bras s’ils l’avaient relevé par les menottes.

·        Évènements se produisant à l’extérieur du bar

Version du Commissaire

[75]           Philippe témoigne qu’aussitôt relevé, l’agent Tremblay et un autre policier qu’il ne peut identifier le sortent du bar par la porte d’entrée. Ils le conduisent à un véhicule de patrouille. À l’extérieur, il voit son frère François étendu sur le sol; des policiers le menottent. Philippe passe à côté d’un ami, monsieur Éric Vizien.

[76]           En marchant, il demande aux deux policiers de s’identifier. En guise de réponse, l’agent Tremblay le traite de « gros chien sale » et de « bâtard ». De plus, le policier lui crache au visage et le frappe au ventre avec sa lampe de poche.

[77]           Arrivé au véhicule de patrouille, il est projeté à l’arrière et allongé sur le banc. Il y demeurera environ 25 minutes. Philippe dit qu’il est mal positionné, que sa hernie est douloureuse et qu’il a un doigt engourdi. Il est finalement transféré de véhicule par deux autres policiers. Ceux-ci acceptent de relâcher les menottes avant de le conduire au poste de police de Sainte Foy.

[78]           Sur place, on le met en cellule. Il sera relâché vers 6 heures. Il quitte sans qu’il soit informé des motifs de son arrestation. Il affirme que le policier à qui il a parlé au poste a refusé de prendre sa plainte déontologique.

[79]           Arrivé chez lui, il se couche jusqu’à 16 heures. Sa sœur vient prendre des photos de ses blessures (pièce C-2). Le lendemain, soit le dimanche 30 novembre, il consulte un médecin à qui il dit qu’il a été battu par trois individus. Le rapport médical est déposé au soutien de ses prétentions (pièce C-3).

[80]           Philippe sera acquitté des accusations portées contre lui d’entrave et de voies de faits sur un agent de la paix.

[81]           En contre-interrogatoire, il dira qu’il n’a pas précisé au médecin que les trois individus étaient des policiers. Il explique qu’il ne voulait pas avoir de « trouble », il ne voulait pas être « achalé ». On lui rappelle que pour une personne qui ne veut pas de trouble il a, peu après les évènements, convoqué la presse pour raconter son histoire. On dépose un extrait vidéo à cet effet (pièce P-3).

[82]           Il déclare aussi qu’à l’extérieur du bar, les deux policiers, dont l’agent Tremblay, éclairent le chemin avec des lampes de poches puisque « il fait noir ».

[83]           Monsieur Éric Vizien est un ami des deux frères Laliberté, particulièrement de François. Le soir des évènements, il décide d’aller au bar où il arrive vers minuit. Il n’a jamais pénétré dans le bar. Il témoigne sur certains faits se déroulant à l’extérieur et concernant les deux frères.

[84]           Monsieur Vizien affirme en contre-interrogatoire que Philippe est passé à côté de lui escorté par deux policiers. Il ne constate rien de particulier et ne voit aucun coup porté. Il ajoute que le stationnement est bien éclairé et que les policiers n’ont pas de lampe de poche.

Version policière

[85]           Vers minuit vingt, après avoir parlé à Philippe, alors qu’il est assis, l’agent Ferland communique avec le poste de police de Sainte-Foy afin de demander du renfort. Il souligne que les policiers n’étaient pas en nombre suffisant et qu’il désirait que l’on vienne immédiatement chercher Philippe compte tenu de ce qui venait de se passer. À la suite de cette demande, les agents Vital Côté et Daniel Thibault quittent le poste pour se rendre sur les lieux.

[86]           L’agent Côté témoigne que ne s’agissant pas d’un appel urgent, ils s’y rendent sans précipitation. Sur place, ils entrent dans le bar. L’agent Ferland vient les voir. Il leur désigne Philippe et leur demande de procéder à son transport. L’agent Ferland informe les policiers que Philippe est arrêté pour voies de faits sur un policier. Les deux policiers en prennent charge. Un policier, qu’ils ne connaissent pas, est à côté de lui. Il s’agit de l’agent Nadeau.

[87]           Ils le conduisent jusqu’au véhicule de patrouille sans qu’il n’offre de résistance. À l’extérieur tout se déroule bien. Il y a une petite neige sur le sol mais personne ne tombe. Ils ne voient personne couché sur le sol. Le secteur est bien éclairé; il y a l’éclairage des autres commerces et du stationnement. Ils n’ont pas vu l’agent Tremblay ni Éric Vizien à l’extérieur.

[88]           Les deux policiers sont techniciens en test d’ivressomètre. Ils constatent que la démarche de Philippe est chancelante et qu’il a le visage rouge. Durant le trajet, il y a dans le véhicule une forte odeur d’alcool. Ils considèrent que Philippe est sous l’effet de l’alcool. Arrivés au poste, l’agent Côté le conduit en cellule. Philippe s’étend sur le lit.

[89]           L’agent Tremblay affirme qu’il n’a pas pris en charge Philippe et qu’il n’est pas sorti à l’extérieur avant de quitter les lieux. Le sergent détective Ferland témoigne dans le même sens.

[90]           Le soir des événements, le lieutenant René Bédard est le chargé de relève. Vers minuit quinze, il reçoit la demande de renfort de l’agent Ferland. Il envoie les agents Côté et Thibault.

[91]           Ils reviennent vers une heure avec Philippe. Son frère François arrivera 20 minutes plus tard en compagnie des agents Villeneuve et Martin.

[92]           Le lieutenant Bédard évalue que les deux frères sont ivres. Ils ont les yeux rouges et leurs haleines dégagent une forte odeur d’alcool. De plus, il se dégage une forte odeur d’alcool de la cellule de Philippe qui parle difficilement. Ce dernier dormira un certain temps dans la cellule avant qu’il ne soit relâché vers 3 h 30 avec son frère. Le lieutenant Bédard se souvient que Philippe ne peut mettre ses chaussures debout; il doit s’asseoir.

[93]           Il constate également que Philippe est blessé à la lèvre et constate une éraflure à l’œil gauche. Cependant, le tout semble superficiel. Philippe ne demande pas à recevoir des soins. Il ne se plaint d’aucune douleur ni blessure.

[94]           Les deux frères quittent le poste ensemble. Avant de quitter, ils mentionnent au lieutenant Bédard qu’ils ont été brutalisés par des policiers. Ils ne donnent pas de détail. Le lieutenant leur demandent s’ils désirent porter plainte. Ils répondent affirmativement. Philippe est très agité. Le policier dit ne pas avoir refusé de prendre leur plainte mais il juge qu’ils ne sont pas dans un état pour donner leur version immédiatement. Il remet à François des formulaires de plainte en lui expliquant la démarche à suivre. Il lui donne certains conseils tel que prendre des photos des blessures qu’ils croient avoir subies et mettre par écrit leur version des faits. François semble satisfait.

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·        Évènements concernant François Laliberté

·        Événement se produisant dans le bar

Version du Commissaire

[95]           À l’arrivée des policiers dans le bar, monsieur François Laliberté est situé entre l’entrée et le comptoir, entre des tables hautes et une table de billard. Il discute avec des connaissances et tourne le dos aux policiers.

[96]           Deux policiers viennent vers lui et l’agent Roger St-Hilaire le pousse un peu en lui disant : « lâche ta bière » et il lui enlève sa bière de la main. L’agent Berchams Martin le conduit à une table près de la sortie de secours afin de procéder à son identification. L’agent Martin lui demande ses papiers d’identité. Il répond qu’il n’a aucun papier. Le policier réplique « T’as pas de papiers », comme si c’était grave. François lui dit alors « On est pas en Russie-là ». Finalement, il donne son nom et son adresse que le policier inscrit sur un petit bout de papier.

[97]           François se déplace un peu pour laisser la « place » à d’autres personnes qui attendent pour être identifiées. Il entend des policiers demander aux gens de ne pas bouger.

[98]           Peu après, il entend du bruit provenant du secteur des toilettes. Il ne voit pas très bien ce qui se passe mais cela semble être une bagarre. Une personne est au sol et des policiers sont sur lui. Il reconnaît la voix de son frère Philippe. Il avance d’un pas pour voir ce qui se passe.

[99]           Un policier lui dit de ne pas bouger. Il dit à ce policier qu’il veut voir si c’est son frère. François se lève sur le bout des pieds pour voir et dit « Ils sont en train de tuer mon frère ». Le policier l’empêche d’avancer croyant qu’il allait s’en mêler. Les agents St-Hilaire, Martin et un autre arrivent et, à trois, ils le poussent. Il se retrouve près du juke-box. Un policier en civil, qu’il ne peut identifier, et l’agent St-Hilaire, mais il n’est pas certain, le poussent à nouveau. Il perd l’équilibre et arrive la tête dans le juke-box situé près de la sortie de secours.

[100]       L’agent Martin intervient, le menotte en lui disant « Si tu restes pas tranquille, on va te faire une plainte d’entrave ». Il demeure tranquille afin de ne pas avoir de problème. Les agents St-Hilaire et Martin le conduisent immédiatement à l’extérieur par la porte d’entrée.

[101]       En contre-interrogatoire, François dira que bien qu’il ait conduit son véhicule, il n’avait pas sur lui son permis de conduire. Il le laisse chez lui par crainte de se le faire voler. Il n’a sur lui que de l’argent.

[102]       En 1997, il pesait près de 200 livres. Il prenait certains médicaments dont du « Prosac » pour traiter une dépression. Son médecin lui déconseillait de consommer de l’alcool avec sa médication.

[103]       Il savait que des stupéfiants étaient vendus et consommés à ce bar. Cependant il n’en consommait pas.

[104]       Toujours en contre-interrogatoire, il dit qu’il ne reproche rien aux policiers pour ce qui s’est passé à l’intérieur du bar mais seulement du traitement subi à l’extérieur. Il dit comprendre que les policiers accomplissaient leur devoir en intervenant auprès de lui. Il admet que s’il n’avait pas été menotté, il serait intervenu pour « défendre mon frère ».

[105]       Sur ce point, il dira que sa mère l’a traité de « sans cœur » pour ne pas avoir défendu son frère. Il se sentait coupable.

[106]       Il dira aussi que l’agent Martin lui a demandé à deux reprises de demeurer tranquille.

[107]       On attire son attention sur sa plainte assermentée (pièce C-8) dans laquelle il affirme qu’en le sortant à l’extérieur, les policiers « m’ont mentionné que j’étais arrêté pour entrave ». Il explique qu’il y a une erreur dans sa plainte.

[108]       Il admet qu’il a été impliqué en 1991 dans une bagarre dans un bar de Québec, le « Brandy ». En 1993 il est également impliqué dans la bagarre du bar « Le Palace » avec son frère Philippe. En 1997 il s’est battu dans un autre bar, le « Resto-Broue » où un motard lui « arrache une oreille. »

[109]       Finalement, il est également impliqué dans une histoire de bagarre avec un « ex-beau-frère » qui voulait s’en prendre à Philippe. François sera accusé de voies de faits.

Version policière

[110]       À son entrée dans le bar, l’agent Berchams Martin demeure dans la zone située devant le comptoir. Des policiers demandent à la clientèle de demeurer à leur place. Tous collaborent sauf François. Il est debout près d’une table haute devant le comptoir, une bière à la main. Il parle fort et dit que « c’est pas correct de faire ça, on est pas en Russie ». Il est volubile et se déplace devant la table. Il semble ivre.

[111]       Le policier va le voir et lui demande de demeurer à sa place. François lui répond qu’on n’est pas en Russie. L’agent Martin a l’impression qu’il veut mettre le « trouble ». Le policier lui demande à plusieurs reprises de se calmer et de s’asseoir mais sans succès. L’agent Martin lui dit, au moins à deux reprises, qu’il pourrait être arrêté pour entrave.

[112]       Le policier lui demande de s’identifier mais il n’a pas de papier sur lui. François donne son nom. Il ne semble pas prendre la situation au sérieux.

[113]       À un certain moment, l’agent Martin entend du bruit provenant du côté des toilettes. Il ne voit pas ce qui se passe. Il constate que François « part » et se dirige dans cette direction en disant : « Si vous touchez à mon frère je vais vous tuer ». L’agent Martin le rattrape au coin du comptoir. Il l’informe qu’il l’arrête pour entrave et qu’il l’avait déjà avisé.

[114]       L’agent Roger St-Hilaire arrive pour assister l’agent Martin. Il est informé que François est arrêté pour entrave. Celui-ci veut toujours se diriger vers la salle de toilettes. Les deux policiers menottent François au moment de sortir. L’agent St-Hilaire lui dit également qu’il est arrêté pour entrave et ils sortent dehors.

[115]       Les policiers le conduisent de force immédiatement à l’extérieur, au véhicule de patrouille, pour éviter la « chicane ». Ils empruntent la porte d’entrée.

·        Événement se produisant à l’extérieur du bar

Version du Commissaire

[116]       François affirme qu’à l’extérieur, pendant que l’agent Martin le pousse, l’agent St-Hilaire tente à deux reprises de le faire trébucher en lui faisant des « crocs-en-jambe ». À la deuxième reprise, il réussit et il tombe « en pleine face ».

[117]       Au sol, François sent que l’agent St-Hilaire lui applique un genou sur les menottes qui se serrent davantage. Il tente de se retourner pour voir ce qui se passe. L’agent St-Hilaire lui prend la tête, la pousse dans la neige en lui disant de ne pas le regarder.

[118]       Il voit l’un de ses amis qui vient lui demander si tout va bien. François lui répond de ne pas s’en mêler. Il dit aux policiers qu’il a maintenant un témoin. Ils cessent de le brutaliser mais le relèvent par les menottes. Ils le conduisent au véhicule de patrouille.

[119]       François demande à l’agent St-Hilaire d’aller chercher son manteau demeuré dans le bar. Le policier s’exécute. Il demande à l’agent Martin de relâcher un peu ses menottes, ce que fait le policier. Il attendra longtemps avant qu’on le conduise au poste.

[120]       François affirme qu’on ne lui a jamais donné les motifs de son arrestation. Au poste, il veut porter plainte mais on lui donne simplement un formulaire. Il quitte le poste vers 6 heures.

[121]       François va voir un médecin trois semaines plus tard pour un pouce engourdi.

[122]       Au pénal, il sera déclaré coupable d’entrave et de menaces de mort sur un agent de la paix.

[123]       En contre-interrogatoire, il dira qu’il n’a pas été blessé au visage lorsqu’on l’a fait tomber « en pleine face » au sol. Il explique qu’il a été protégé par sa « bedaine ».

[124]       Il admet qu’il y avait une petite neige au sol.

[125]       Il dira également ne rien reprocher aux policiers pour ce qui s’est passé à l’intérieur. Il dira : « ils ont fait leur job ».

[126]       On lui rappelle que dans sa plainte assermentée (pièce C-8), il affirme qu’après avoir été menotté, on l’a informé qu’il était arrêté pour entrave. Il dit que c’est inexact.

[127]       On lui souligne également que dans sa déclaration à l’enquêteur de la Sûreté du Québec (pièce P-4), il affirme que l’agent St-Hilaire lui a « sauté dans le dos » et qu’il l’aurait saisi par les cheveux pour lui pousser « le nez dans la neige ». Toujours dans cette déclaration, il affirme ne pas avoir reçu de coups.

[128]       On attire également son attention sur sa plainte assermentée où il déclare voir son ami Éric Vizien alors qu’il est au sol et non lorsqu’on le relève, comme il en témoigne devant le Comité.

[129]       On lui rappelle que dans sa plainte il affirme qu’un policier, qu’il identifie devant le Comité comme étant l’agent Martin, lui aurait dit qu’en cellule ils seraient seuls tous les deux et « qu’il m’organiserait ça ». On lui souligne qu’il n’a pas témoigné de ce fait et qu’il n’en fait pas mention dans ses autres déclarations alors qu’il s’agit d’un fait important.

Version policière

[130]       Les agents St-Hilaire et Martin témoignent qu’une fois à l’extérieur, ils se dirigent vers le véhicule de patrouille. Chaque policier tient François par un bras. L’agent St-Hilaire affirme qu’il sent François tomber au sol, sur le ventre et qu’il l’entraîne avec lui. L’agent St-Hilaire dit n’avoir jamais fait de « jambettes ». Il n’a pas mis son genou sur son dos. François est énervé et ils tentent de le calmer. Ils demeurent au sol environ 45 secondes.

[131]       Une fois calmé, ils le relèvent par les bras et non par les menottes. Ils le conduisent au véhicule de patrouille. À sa demande, l’agent Martin lui relâche les menottes. Le policier ne lui a jamais fait de menace.

[132]       L’agent St-Hilaire retourne à l’intérieur, l’agent Martin demeure avec François. Le policier considère qu’il est intoxiqué par l’alcool. Environ 40 minutes plus tard, sa partenaire, l’agente Villeneuve, arrive et ils quittent pour le poste de Sainte-Foy.

[133]       Au poste, le lieutenant Bédard témoigne qu’il voit arriver en premier Philippe et, vingt minutes plus tard, François. Il considère que ce dernier est sous l’effet de l’alcool mais dans une moindre mesure que son frère Philippe qui est plus agressif et qui crie beaucoup. François est plus calme.

[134]       L’opération GRICO a duré du mois de mars 1997 au mois de mai 1998. Les policiers affirment que durant cette période, ils ont procédé à près de deux mille interventions comme celle du bar « Une Bande au Coin ». Ils ont eu des problèmes à une seule autre occasion.

[135]       Le soir des événements, ils ont eu de la difficulté exclusivement avec les frères Laliberté. Ils n’ont eu aucun problème avec les autres clients ni même avec les personnes ciblées par l’opération.

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appréciation de la preuve et motifs de la décision

[136]       Le Comité est d’accord avec les procureurs au dossier à l’effet que la preuve est fortement contradictoire à plusieurs égards. Pour décider des citations, le Comité doit départager entre les diverses versions soumises. Seules les versions probables et non seulement plausibles doivent être retenues. Pour ce faire, le Comité doit apprécier le crédit des témoins et leur témoignage.

[137]       Le Comité doit également tenir compte de la neutralité des témoins tant à l’égard des deux plaignants que des policiers. D’une façon générale, le Comité constate que certains témoins importants du Commissaire ne peuvent être qualifiés de témoins neutres.

[138]       En premier lieu, le Comité retient que le bar où se déroule les événements, est associé aux groupes de motards criminalisés. Il avait la réputation d’être un « dépanneur » à stupéfiants. En effet, plusieurs témoins admettent qu’un bon nombre de clients, et même une employée, s’y rendaient pour se procurer ou pour vendre des stupéfiants.

[139]       Il est reconnu que ce type d’établissement attire une clientèle d’habitués. Il est logique de croire que ces derniers n’apprécient pas les policiers puisque ceux-ci, par leurs opérations policières, perturbent les activités illégales se déroulant dans ces lieux.

[140]       En ce qui concerne Cathy Laforce, elle était une amie proche de Philippe Laliberté. Ils étaient confidents l’un de l’autre. De plus, elle témoigne ne pas apprécier les policiers.

[141]       À titre de barmaid, elle représente l’autorité en l’absence du propriétaire. Lorsque les policiers entrent dans le bar, elle reconnaît l’agent Ferland et au lieu de collaborer, elle baisse immédiatement la musique, laisse la lumière tamisée et cri GRICO dans le but de « scrapper » l’effet de surprise de l’opération policière.

[142]       Elle admet qu’au moment des évènements, elle avait un problème de consommation de stupéfiants. Le soir même, elle en avait consommé dans le bar ainsi que de l’alcool. Trois mois précédemment, l’agent Ferland avait procédé à son arrestation pour possession de stupéfiants dans un autre bar où elle travaillait.

[143]       Dans le cas d’Éric Vizien, il est un ami des frères Laliberté depuis 20 ans. Il possède des antécédents judiciaires relatifs à du trafic de stupéfiants.

[144]       Concernant Mélanie Charron, elle connaît les frères Laliberté à titre de clients du bar. Au moment des événements, elle admet qu’elle avait un problème de consommation de stupéfiants. Elle se rendait au bar pour en acheter. Elle dira cependant à la Cour du Québec qu’elle ignorait qu’il se trafiquait des stupéfiants à cet endroit. Par son attitude à l’audience, le Comité constate qu’elle entretient de l’animosité envers les policiers. De plus, le 29 avril 2000, elle a communiqué avec des policiers en leur affirmant avoir été enlevée la nuit précédente. Or, l’enquête policière démontrera qu’elle a inventé cette histoire. Le fait d’inventer une telle histoire mine la crédibilité de Mélanie Charron.

[145]       Finalement, Caroline Laberge, barmaid à ce bar, connaît les frères Laliberté qui sont des habitués.

[146]       C’est donc avec prudence que le Comité apprécie le témoignage de ces personnes.

[147]       Hormis l’expert, monsieur Bruno Poulin, seuls des policiers ont témoigné pour la partie policière. La preuve ne révèle aucun fait qui aurait permis de conclure que certains témoins policiers étaient amis avec l’un ou l’autre des policiers cités. Au contraire, s’agissant d’une opération impliquant des policiers provenant de divers services policiers, certains ne se connaissaient pas. De plus, rien ne démontre que des policiers entretenaient une animosité quelconque à l’égard d’un ou de plusieurs des témoins du Commissaire.

APPRÉCIATION de la preuve et motifs de la décision

Citation C-2000-2900-2 - Agents Denis Nadeau et Roger Ferland (à l’égard de Philippe Laliberté)

[148]       Le Commissaire reproche aux agents Roger Ferland et Denis Nadeau de ne pas avoir montré le mandat de perquisition à monsieur Philippe Laliberté alors qu’il leur en faisait la demande.

[149]       L’article 29(1) du Code criminel se lit comme suit :

« Obligation de la personne qui opère une arrestation. - Quiconque exécute un acte judiciaire ou un mandat est tenu de l’avoir sur soi, si la chose est possible, et de le produire lorsque demande lui en est faite. »

[150]       Certaines décisions ont précisé les limites de cette obligation. Il ressort de celles-ci que la personne concernée par le mandat peut demander de le voir. Il s’agit plus souvent qu’autrement de « l’occupant » des lieux[1].

[151]       Dans le présent cas, le mandat obtenu vise la perquisition du bar. La personne concernée par le mandat est donc « l’occupant » des lieux, soit l’exploitant du bar ou son représentant. À ce titre, ces personnes peuvent exiger de voir le mandat. Les policiers n’avaient aucune obligation d’exhiber le mandat à Philippe Laliberté, celui-ci étant simplement client.

[152]       Par ailleurs, la preuve révèle que l’agent Ferland a tout de même montré le mandat à Philippe Laliberté.

[153]       En effet, Philippe dit qu’après avoir demandé à l’agent Nadeau de voir le mandat, ce dernier est allé consulter un collègue qui semblait être son supérieur. Cathy Laforce dit que deux policiers s’adressent à Philippe. Elle dit également que ce qui a attiré son attention c’est que « Philippe bave la police ».

[154]       L’agent Ferland est le responsable de l’opération et, à ce titre, il détient le mandat. Il est crédible lorsqu’il affirme que dans le but d’obtenir la collaboration de Philippe, il lui a montré le mandat.

[155]       Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que les agents Ferland et Nadeau n’ont pas commis l’acte dérogatoire reproché.

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Citation C-2000-2902-2 -  Agent Marc Tremblay (à l’égard de Philippe Laliberté)

1er chef : avoir craché au visage

2e chef : langage injurieux et manque de politesse

[156]       Philippe Laliberté affirme qu’après avoir été maîtrisé et relevé, il est immédiatement sorti du bar par l’agent Tremblay et un autre policier qu’il ne peut identifier.

[157]       À l’extérieur, alors qu’il demande aux policiers de s’identifier, l’agent Tremblay l’aurait traité de « gros chien sale » et de « bâtard ». Il ajoute que l’agent Tremblay lui aurait craché au visage et lui aurait même asséné un coup de lampe de poche au ventre.

[158]       Philippe mentionne que si l’agent Tremblay n’avait pas eu cette attitude à l’extérieur, il aurait oublié les événements survenus à l’intérieur du bar.

[159]       Pour sa part, Éric Vizien voit Philippe passer à coté de lui escorté par deux policiers qu’il ne peut identifier. Il ne constate rien de particulier.

[160]       L’agent Ferland témoigne que lorsque Philippe est maîtrisé et calmé, il communique avec le poste de police afin que l’on envoie des patrouilleurs pour venir le chercher. Ce point est confirmé par le lieutenant Bédard. Celui-ci reçoit la demande de l’agent Ferland et désigne les agents Côté et Thibault.

[161]       Les deux policiers se rendent sur place, rencontrent brièvement l’agent Ferland qui leur désigne Philippe en leur indiquant qu’il est arrêté pour entrave et voies de fait. Les agents Côté et Thibault affirment que ce sont eux qui l’ont pris en charge et l’ont amené à l’extérieur. À l’extérieur tout se déroule bien et ils le conduisent au poste immédiatement. Ils ne voient pas monsieur Vizien. Au poste, le lieutenant Bédard voit arriver les agents Côté et Thibault accompagnés de Philippe.

[162]       Le Comité n’a aucune raison de mettre en doute cette version des faits. Les agents Côté et Thibault sont des témoins indépendants et crédibles.

[163]       La preuve prépondérante est à l’effet que ce n’est pas l’agent Tremblay qui a amené Philippe à l’extérieur.

[164]       Pour ces motifs le Comité conclut qu’on ne lui a pas fait la preuve des dérogations contenues dans cette citation.

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Citation C-2000-2901-2 :  Agents Roger Ferland, Denis Nadeau et Marc Tremblay (à l’égard de Philippe Laliberté)

1er chef :utilisation de la force sans justification

[165]       Le Commissaire reproche aux agents Roger Ferland, Denis Nadeau et Marc Tremblay d’avoir utilisé la force sans justification contre monsieur Philippe Laliberté.

[166]       Ce reproche concerne la séquence des évènements se produisant à la salle de toilettes et lors de la maîtrise de monsieur Laliberté au sol, près du comptoir.

[167]       Le procureur du Commissaire plaide que l’arrestation de Philippe était injustifiée malgré que les policiers ne soient pas cités sur ce point. L’arrestation étant injustifiée, toute force utilisée sur la personne de Philippe devient également injustifiée.

[168]       Le Comité considère qu’il faut distinguer la légalité d’une arrestation de l’usage de la force pour procéder à celle-ci. Si une arrestation légale peut conduire à conclure que la force utilisée pour ce faire était plus grande que nécessaire, à l’inverse, l’analyse des circonstances d’une arrestation illégale, telle une erreur sur la personne, peut permettre de conclure que la force utilisée était justifiée dans les circonstances.

[169]       Dans le présent cas, aucun policier n’est cité pour arrestation illégale ou injustifiée. Le Comité n’a pas à s’attarder sur ce point. Par contre, certains sont cités pour avoir utilisé une force injustifiée. Compte tenu du libellé de la citation, le Comité conclut qu’il doit déterminer si dans les circonstances, les trois policiers concernés ont abusé de leur autorité en utilisant la force à l’égard de monsieur Philippe Laliberté.

[170]       La preuve démontre que les versions des témoins du Commissaire divergent sur des éléments pertinents ou sont contradictoires. Dans certains cas, la version d’un témoin diverge ou est contredite par l’une de ses déclarations antérieures.

Dans la salle de toilettes

[171]       Philippe affirme qu’il est conduit aux toilettes par l’agent Nadeau accompagné d’un autre policier qu’il ne peut identifier. L’agent Nadeau le tient par un bras et l’autre policier ouvre la marche.

[172]       Caroline Laberge témoigne voir deux policiers conduirent Philippe aux toilettes. Mais contrairement à ce dernier, elle affirme que l’un d’eux est derrière Philippe et le pousse dans le dos. Elle ne peut identifier les policiers.

[173]       Mélanie Charron témoigne voir, non pas deux mais trois policiers conduirent Philippe à la salle de toilettes.

[174]       L’agent Ferland dit que c’est lui qui conduit, seul, monsieur Laliberté aux toilettes afin de procéder à sa fouille. L’agent Nadeau confirme cette affirmation et ajoute qu’il est demeuré en retrait puisque l’agent Ferland a pris en charge Philippe.

[175]       Le Comité croit plus vraisemblable la version policière qui est plus cohérente que celle des témoins du Commissaire. Pour ce motif, il conclut que c’est l’agent Ferland qui conduit, seul, Philippe à la salle de toilettes.

[176]       Arrivé à la salle de toilettes, Philippe prétend qu’il reçoit un coup de lampe de poche derrière la tête. Ce coup le projette à l’intérieur où trois policiers le rouent de coups. Il dira même en contre-interrogatoire qu’il a perdu conscience. Il ne peut identifier les policiers, sauf l’agent Tremblay. Ce dernier le sort des toilettes en lui appliquant une « prise de cou ».

[177]       Dans sa plainte (pièce C-4 ), qui est rédigée peu après les évènements, il ne mentionne pas qu’il a perdu conscience dans la salle de toilettes, même s’il s’agit d’un élément important. Il ne mentionne pas également la « prise de cou » mais plutôt qu’on l’aurait traîné sur le sol.

[178]       À l’enquêteur de la Sûreté du Québec, il parle du coup comme étant davantage une poussée qu’un geste posé dans le but de lui infliger des blessures. Il y déclare « rendu dans les toilettes je reçois une poussée, un coup derrière la tête comme pour me donner un élan. » De plus, il ne fait pas mention qu’il a été roué de coups dans les toilettes, même si le but de l’enquête est d’investiguer à la suite de sa plainte de brutalité à l’encontre des policiers.

[179]       Le Comité constate qu’il y a pour le moins des divergences et des omissions significatives entre les diverses versions fournies par Philippe. Ce dernier est par ailleurs certain que l’agent Roger Ferland est absent de cette séquence des évènements.

[180]       Mélanie Charron témoigne voir un policier asséner un coup de lampe de poche à la tête de Philippe. Une bataille s’ensuit dans la salle de toilettes. D’autres policiers arrivent et sortent Philippe de là. Elle ne voit pas ce qui se passe à l’intérieur.

[181]       Dans la déclaration qu’elle a fait à l’enquêteur du Commissaire (pièce P-7) elle ne parle pas d’un seul coup de lampe de poche mais « des coups sur la tête sans aucune raison ». Contrairement à son témoignage devant le Comité, elle y déclare également qu’elle voit dans la salle de toilettes des policiers « frapper » Philippe.

[182]       Amenée à préciser les coups reçus par Philippe, elle admettra finalement qu’il n’a pas reçu de coups mais qu’il a été bousculé. Elle corrige sa déclaration en précisant que là où apparaît le terme « frappé » on devrait lire « bousculé ». Elle ne peut identifier les policiers concernés.

[183]       La version policière est à l’effet qu’une fois arrivé aux toilettes, l’agent Ferland ouvre la porte pour laisser entrer Philippe en premier. Au moment où ce dernier passe le seuil de la porte, il fait une manœuvre qui laisse croire au policier Ferland qu’il s’apprête à le frapper d’un coup de coude. Le policier lève le sien par réflexe pour éviter le coup.

[184]       L’agent Ferland affirme qu’il est seul avec Philippe et que le seul geste qu’il a posé, celui de lever son coude, était pour se protéger de ce qu’il a évalué comme étant une agression. Le policier mentionne qu’étant habillé en civil, il n’avait sur lui qu’une petite lampe de poche d’environ six pouces.

[185]       C’est l’agent Nadeau qui vient prêter main forte à son collègue en agrippant monsieur Laliberté pour le sortir des toilettes. Étant également en civil, il n’avait sur lui qu’une petite lampe de poche.

[186]       Il est plus raisonnable de croire que les deux policiers étant en « civil » et désirant être discrets, n’ont sur eux qu’une petite lampe de poche de six pouces et non la lampe de poche standard plus longue utilisée par le policier en uniforme et à laquelle réfère Philippe dans son témoignage. On a exhibé une petite lampe de poche devant le Comité. Il est improbable qu’un tel objet ait servi à frapper Philippe.

[187]       De plus, le témoignage de Mélanie Charron est exagéré puisqu’elle admettra finalement qu’on n’a pas « frappé » Philippe mais qu’il aurait été « bousculé ». Il y a une importante différence entre ces deux termes. Le terme « frappé » implique des coups, ce qui n’est pas le cas du terme « bousculé ».

Au sortir de la salle de toilettes

[188]       En résumé, Philippe affirme qu’au moins trois policiers le maintiennent au sol, dont l’un par une « prise de cou » qui l’étouffe au point qu’il ne peut plus respirer ni parler. Un autre  lui place un genou dans le dos et cela le fait souffrir. Le dernier tente de lui sortir les mains sous le ventre pour le menotter. Il dit « …ça forçait de tous les bords là pour essayer de m’arracher un bras. » On réussit à le menotter, mais l’agent Tremblay et un autre policier, non identifié, le relèvent par les bras et le sortent immédiatement dehors.

[189]       Le Comité constate que dans sa plainte il va plus loin en disant avoir été « tabassé » et lors de son témoignage devant la Cour du Québec, il affirme qu’on le « vargeait ». Interrogé sur le fait qu’il ne témoigne pas de ce niveau de violence devant le Comité, il conclura : « au sol, c’était du forçage ».

[190]       Le Comité peut difficilement prendre au sérieux une personne comme Philippe qui se plaint dans une déclaration assermentée d’avoir été « tabassé » et qui affirme devant le Comité que, finalement, ce n’était que du « forçage ». Il y a toute une différence entre ces deux termes qui sont très simples à comprendre.

[191]       Au sol, Philippe admet qu’il se débattait. Sa prétention à l’effet que l’un de ses bras était coincé sous son ventre est également farfelue. Il affirme dans sa plainte l’avoir dit aux policiers. Cependant, confronté à son témoignage où il dit que la prise de cou l’empêchait de parler, il se reprendra en expliquant qu’il  « …leur disait dans sa tête ».

[192]       Cathy Laforce dit que lorsque Philippe est au sol, elle ne voit que des têtes. Cependant, elle affirme que Philippe est « fessé », « tabassé ». Elle déduit ces gestes par le ton des voix car elle ne voit rien. Dans sa déclaration faite à l’enquêteur de la Sûreté du Québec, elle affirme cependant n’avoir jamais vu les policiers frapper Philippe. Confrontée à cette déclaration, elle conclura qu’elle ne peut dire si Philippe a été battu ou maîtrisé.

[193]       Mélanie Charron a antérieurement déclaré à l’enquêteur du Commissaire que Philippe a été « frappé » par quatre ou cinq policiers. Questionnée sur ce point, elle dira qu’elle voulait dire « bousculé ». Encore une fois, le Comité constate qu’il y a une grande différence entre ces deux termes. Une telle exagération mine le témoignage de madame Charron.

[194]       Finalement, confrontée à son témoignage à la Cour du Québec où elle dit également que Philippe a été frappé, elle dit ne pas avoir vu de coups portés contre lui.

[195]       Le Comité considère que ces témoins ont rendu des témoignages de complaisance en faveur de Philippe.

[196]       L’analyse du rapport médical déposé par Philippe (pièce C-3), ne soutient pas ses allégations de brutalité. Les ecchymoses et éraflures légères constatées vont à l’encontre de ses affirmations à l’effet qu’il a été « roué de coups ». Il est plus raisonnable de croire que les ecchymoses et éraflures sont dues à sa résistance.

[197]       De plus, au poste, le lieutenant Bédard a rencontré les frères Laliberté. Il témoigne avoir constaté, sur la personne de Philippe, des ecchymoses et des égratignures mineures. Philippe ne se plaint d’aucune douleur. Le policier évalue que l’état de santé de Philippe ne nécessitait aucun soin particulier. Il a même dormi dans sa cellule.

[198]       Philippe est apparu au Comité comme étant une personne ne craignant pas de se battre. D’ailleurs, par le passé, il a été impliqué dans plusieurs bagarres dans des bars. De plus, par son attitude devant le Comité, les policiers ne semblent pas l’impressionner. Le soir des événements, lui et son frère sont sous l’effet de l’alcool. Ce fait est constaté, entre autres, par le lieutenant Bédard qui doit être considéré comme un témoin indépendant et crédible.

[199]       Pour ces raisons, le Comité conclut qu’arrivé à la salle de toilettes, Philippe décide de résister à l’agent Ferland. Les agents Nadeau, Tremblay et Villeneuve arrivent en renfort et parviennent à le maîtriser. Lorsqu’il est menotté et plus calme, on le relève par les bras. Il est assis sur une chaise sous la garde de l’agent Nadeau jusqu’à l’arrivée des agents Côté et Thibault.

[200]       Selon l’expert, monsieur Bruno Poulin, la technique de prise par l’encolure telle qu’utilisée par l’agent Tremblay était conforme à l’enseignement reçu. Cette prise a été appliquée proportionnellement à la résistance de l’individu.

[201]       Sur la quarantaine de clients présents dans le bar, incluant les personnes d’intérêt, les policiers ont eu exclusivement de la difficulté avec les frères Laliberté.

[202]       Le Comité considère que les policiers visés par ce chef de la citation n’ont pas abusé de leur autorité en utilisant la force à l’endroit de monsieur Laliberté. Les blessures légères constatées sur sa personne sont la conséquence de sa résistance dans la salle de toilettes et lorsqu’il se débat pendant qu’on tente de le maîtriser au sol.

2e chef :ne pas avoir donné les motifs d’arrestation

[203]       Le Commissaire reproche aux agents Roger Ferland, Denis Nadeau et Marc Tremblay d’avoir procédé à l’arrestation de monsieur Philippe Laliberté sans l’informer des motifs de celle-ci.

[204]       Il ressort de la preuve non contredite que l’agent Tremblay n’a pas procédé à l’arrestation de monsieur Laliberté. L’intervention de ce policier se situe uniquement lorsqu’il vient porter assistance aux agents Ferland et Nadeau dans le but de maîtriser Philippe. Devant cette constatation, on ne peut retenir contre l’agent Tremblay le reproche mentionné au 2e chef de cette citation.

[205]       En ce qui concerne l’agent Nadeau, malgré le fait qu’il soit intervenu auprès de Philippe et qu’il lui a demandé de s’identifier, il a décidé de consulter l’agent Ferland qui a pris la décision de s’occuper de Philippe. À compter de ce moment, l’agent Nadeau demeure en retrait jusqu’au moment où il vient porter assistance à l’agent Ferland concernant la séquence de la salle de toilettes. Il ne procède donc pas à l’arrestation de Philippe Laliberté.

[206]       La preuve démontre que c’est l’agent Ferland qui avise Philippe qu’il l’arrête pour entrave lorsque celui-ci remet son portefeuille dans ses poches sans s’être identifié alors qu’on lui en a fait la demande. De plus, le policier l’informe qu’il le soupçonne de trafic de stupéfiants. Il le conduit à la salle de toilettes.

[207]       Il en est de même lorsque l’agent Ferland témoigne qu’après avoir maîtrisé Philippe, il est allé le voir alors qu’il est assis sur une chaise et est plus calme. Le policier lui demande pourquoi il a agi ainsi et l’informe que non seulement il est arrêté pour entrave, mais également pour voies de fait sur un agent de la paix. Cette version est corroborée par l’agente Villeneuve.

[208]       Cathy Laforce et Caroline Laberge entendent à un certain moment l’agent Ferland mentionné « voies de fait sur moi ». Madame Laberge a entendu également un policier parler d’entrave.

[209]       Compte tenu du peu de crédibilité accordée à Philippe et la cohérence exprimée dans le témoignage des policiers, le Comité considère qu’il est raisonnable de conclure que l’agent Ferland a avisé monsieur Laliberté des motifs de son arrestation.

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Citation C-2000-2899-2 :  Agents Roger St-Hilaire et Berchams Martin (à l’égard de François Laliberté)

1er chef :utilisation de la force sans justification

[210]       Comme il l’a déterminé lors de l’appréciation du chef de citation similaire concernant Philippe Laliberté, le Comité n’a pas à s’attarder à la pertinence de l’arrestation de François Laliberté. Le Comité doit déterminer si les policiers concernés ont abusé de leur autorité en utilisant la force à son endroit.

[211]       La preuve est à l’effet que, dans le bar, l’agent Berchams Martin constate que François n’obéit pas à l’ordre de ne pas bouger et continue de se déplacer. Il semble vouloir créer la discorde en disant à haute voix « on n’est pas en Russie » et ce, à plus d’une occasion.

[212]       Le policier se dirige vers lui et lui demande de collaborer. Devant la résistance de François, il est avisé qu’il pourrait être arrêté pour entrave. Il confirme que le policier lui demande à au moins deux reprises de demeurer tranquille. Lorsque l’agent Martin lui demande de s’identifier, François lui répond qu’il n’a pas son permis de conduire sur lui par crainte de se le faire voler. Explication un peu farfelue !

[213]       François constate que son frère Philippe est aux prises avec des policiers. Il témoigne qu’il voulait simplement voir ce qui se passait. Cependant, selon lui, les agents Martin et St-Hilaire interviennent sans raison, le malmènent, lui entrent la tête dans un « juke-box » et le sortent à l’extérieur.

[214]       Les deux policiers affirment que François se dirigeait vers la salle de toilettes pour intervenir auprès de son frère en disant « Si vous touchez à mon frère je vais vous tuer ». Ils se saisissent de lui. L’agent Martin l’informe qu’il l’avait avisé de demeurer tranquille et qu’il l’arrête pour entrave. Les policiers affirment que François résiste et veut toujours se diriger vers son frère. Ils réussissent à le maîtriser et à le menotter. Ils le sortent immédiatement. Tel qu’exprimé précédemment, le Comité considère que François est sous l’effet de l’alcool comme en témoigne le lieutenant Bédard lorsqu’il le rencontre au poste de police.

[215]       Madame Cathy Laforce témoigne avoir constaté que François se retrouve « la face dans le juke-box »mais ne peut expliquer comment. Elle ne voit pas de coups portés contre François. Elle a antérieurement déclaré à l’enquêteur de la Sûreté du Québec (pièce C-5) « … les policiers l’ont poussé après le juke-box… ». Elle n’y mentionne pas que son visage se retrouve dans le juke-box. Cette divergence entre les deux versions est importante s’agissant d’un fait sérieux. Pour cette raison et considérant la faible crédibilité qu’il accorde au témoignage de madame Laforce, le Comité ne retient pas sa version.

[216]       Les faits démontrent que François Laliberté se dirigeait en direction de son frère dans le but d’intervenir lorsque les deux policiers le saisissent. François admet que si les policiers ne l’avait pas menotté, il serait intervenu pour « défendre son frère ». Il ajoute qu’au retour à la maison, sa mère le traite de « sans cœur » pour ne pas avoir défendu son frère. Il dit même, qu’il se sentait coupable.

[217]       Le Comité retient de la preuve que cet homme ne semble pas avoir de problème à se battre. Il est même encouragé dans ce sens par sa mère. Il admet s’être battu par le passé dans des bars et même avec un ex-beau-frère. Ce n’était jamais de sa faute, selon lui.

[218]       Sans l’intervention des agents Martin et St-Hilaire, nul doute que François serait intervenu. Cela aurait compliqué certainement la situation. Sur ce point, François déclare comprendre, qu’à l’intérieur, les policiers faisaient leur devoir.

[219]       La prépondérance de la preuve démontre qu’il est plus raisonnable de croire que les policiers ont utilisé la force requise pour maîtriser et sortir à l’extérieur François Laliberté.

À l’extérieur du bar

[220]       François Laliberté prétend qu’en direction du véhicule de patrouille, l’agent Martin le pousse et l’agent St-Hilaire tente et parvient à le faire tomber au sol à l’aide d’un « croc-en-jambe ». Étant menotté, il tombe face première. L’agent St-Hilaire lui applique un genou sur les menottes et cela le fait souffrir. Le policier lui pousse la tête dans la neige en lui disant de ne pas le regarder. On le relève par les menottes et on le conduit dans le véhicule.

[221]       Alors qu’on le relève, François constate la présence d’un ami, monsieur Éric Vizien, qui vient lui demander si tout va bien. Dans sa plainte assermentée (pièce C-8), il déclare que c’est lorsqu’il est couché au sol qu’Éric Vizien s’adresse à lui. Il dit aux policiers qu’il a maintenant un témoin et ceux-ci auraient cesser de le brutaliser.

[222]       Interrogé sur le fait qu’il n’a pas subi de blessures au visage alors qu’il prétend être tombé « en pleine face », monsieur Laliberté dit que sa « bedaine » a amorti le choc. Cette explication est tout à fait loufoque et mine considérablement sa crédibilité.

[223]       Éric Vizien témoigne que lorsqu’il constate la descente policière, il retourne à sa voiture qu’il avait stationnée le long du trottoir longeant le bar, près de l’entrée. Il veut quitter les lieux mais la voiture refuse de démarrer. Il affirme qu’il voit la scène impliquant François se faisant brutaliser par les deux policiers puisque celle-ci se déroule directement devant sa voiture et qu’il n’y a aucun obstacle devant lui. Il sort de son auto et demande à François si tout va bien. Il n’a pas de réponse et retourne dans son véhicule.

[224]       Cependant, Éric Vizien ne peut voir la scène de l’intérieur de son véhicule puisque la preuve démontre que le gros « big foot » de François est stationné directement devant le sien, obstruant ainsi sa vue. Interrogé sur cette contradiction, il se reprend en disant qu’il se souvient avoir vu la scène à travers les fenêtres du véhicule de François. Le témoignage de monsieur Vizien n’est pas crédible.

[225]       Il n’est pas crédible non plus lorsqu’il affirme être allé voir François pour simplement lui demander si tout va bien et être retourné calmement dans son auto. Il est clair que s’il considérait que François se faisait brutaliser, cela n’allait certainement pas bien; il n’avait pas besoin d’aller lui poser la question.

[226]       Devant un tel témoignage, le Comité ne peut accorder de crédibilité à la version de monsieur Vizien qui, étant en plus un ami des frères Laliberté, a rendu un témoignage de complaisance. Le Comité ne croit pas à son histoire de panne. Il est plus probable de croire qu’il a quitté les lieux immédiatement après avoir constaté qu’il se déroulait au bar une opération policière. Il ne voulait pas être impliqué par cette opération. Il a appris des frères Laliberté leur « mésaventure ».

[227]       Le Comité considère la version policière plus crédible. Une fois à l’extérieur, François trébuche dû à la présence d’une petite neige au sol et l’agent St-Hilaire, qui le tient par le bras, est emporté dans la chute. Peu après, on relève François et on le conduit au véhicule de patrouille et au poste plus tard.

[228]       Pour toutes ces raisons, le Comité considère que monsieur François Laliberté s’est interposé dans le travail des policiers intervenant auprès de son frère Philippe. François a de plus insisté et résisté aux agents Martin et St‑Hilaire alors qu’ils tentaient de l’en empêcher. Les deux policiers étaient justifiés d’utiliser la force pour le maîtriser. Finalement, le Commissaire n’a pas fait la démonstration que les agents Martin et St-Hilaire ont utilisé une force déraisonnable à l’encontre de monsieur Laliberté, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du bar.

2e chef : ne pas avoir donné les motifs d’arrestation

[229]       Le Commissaire prétend que les agents Berchams Martin et Roger St‑Hilaire n’ont pas informé François Laliberté des motifs de son arrestation.

[230]       Ce dernier témoigne que l’agent Martin lui demande à au moins deux reprises de rester tranquille. À un certain moment le policier lui dit : « Si tu restes pas tranquille, on va te faire une plainte d’entrave ».

[231]       Dans sa plainte assermentée (pièce C-8), il affirme qu’en sortant à l’extérieur, les policiers « m’ont mentionné que j’étais arrêté pour entrave ».

[232]       Les agents Martin et St-Hilaire disent avoir effectivement averti François des conséquences de son refus de collaborer. Ils affirment l’avoir informé des motifs de son arrestation au moment de sortir du bar.

[233]       Compte tenue de ces constatations et le peu de crédibilité que le Comité accorde à François Laliberté, il est plus probable que les policiers concernés lui aient mentionné les motifs de son arrestation.

[234]       par ces motifs, après avoir entendu les parties, pris connaissance des pièces déposées et délibéré, le Comité de déontologie policière décide :

C-2000-2899-2

1er chef

[235]             l      que la conduite des agentsRoger St-Hilaire, matricule 400, membre du Service de police de Québec et Berchams martin, matricule 56, membre du Service de police de Charlesbourg le 28 novembre 1997, à L’Ancienne-Lorette, à l’égard de François Laliberté, ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 6 (usage de la force sans justification) du Code de déontologie des policiers du Québec;

2e chef

[236]             l      que la conduite des agentsRoger St-Hilaire, matricule 400, membre du Service de police de Québec et Berchams martin, matricule 56, membre du Service de police de Charlesbourg le 28 novembre 1997, à L’Ancienne-Lorette, à l’égard de François Laliberté, ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 7 (ne pas l’avoir informé des motifs de l’arrestation) du Code de déontologie des policiers du Québec;

C-2000-2900-2

[237]             l      que la conduite des agentsROGER FERLAND, matricule 159, membre du Service de police de Sainte-Foy et DENIS NADEAU, matricule 540, membre du Service de police de Québec, le 28 novembre 1997, à L’Ancienne-Lorette, à l’égard de Philippe Laliberté, ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 7 (ne pas avoir produit le mandat de perquisition) du Code de déontologie des policiers du Québec;

C-2000-2901-2

1er chef

[238]             l      que la conduite des agentsROGER FERLAND, matricule 159, membre du Service de police de Sainte-Foy et DENIS NADEAU, matricule 540, membre du Service de police de Québec et MARC TREMBLAY, matricule 156, membre du Service de police de Lévis, le 28 novembre 1997, à L’Ancienne-Lorette, à l’égard de Philippe Laliberté, ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 6 (usage de la force sans justification) du Code de déontologie des policiers du Québec;

2e chef

[239]             l      que la conduite des agentsROGER FERLAND, matricule 159, membre du Service de police de Sainte-Foy et DENIS NADEAU, matricule 540, membre du Service de police de Québec et MARC TREMBLAY, matricule 156, membre du Service de police de Lévis, le 28 novembre 1997, à L’Ancienne-Lorette, à l’égard de Philippe Laliberté, ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 7 (ne pas l’avoir informé des motifs de l’arrestation) du Code de déontologie des policiers du Québec;

C-2000-2902-2

1er chef

[240]             l      que la conduite de l’agent MARC TREMBLAY, matricule 156, membre du Service de police de Lévis, le 28 novembre 1997, à L’Ancienne-Lorette, à l’égard de Philippe Laliberté, ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 6 (avoir craché au visage) du Code de déontologie des policiers du Québec;

2e chef

[241]             l      que la conduite de l’agent MARC TREMBLAY, matricule 156, membre du Service de police de Lévis, le 28 novembre 1997, à L’Ancienne-Lorette, à l’égard de Philippe Laliberté, ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 5 (langage injurieux et manque de politesse) du Code de déontologie des policiers du Québec;

 

 

 

 

 

Pierre Drouin, avocat

                                                           

 

 



[1]  R. c. Gordon [1996] O.J. no. 1856 ;

     R. c. Lee [1998] N.W.T.J. no. 195 ;

     R. c. Reyklin [1999] B.C.S.C. no. 24036.

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