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Décision

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Gabarit EDJ

Robitaille c. Atelier Granite nature inc.

2012 QCCQ 14195

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile »

N° :

540-32-023297-102

 

 

 

DATE :

3 DÉCEMBRE 2012

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JIMMY VALLÉE, j.C.Q.

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

JEAN ROBITAILLE

-et-

ELLEN PARÉ

Demandeurs

c.

ATELIER GRANITE NATURE INC.

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Madame Paré et monsieur Robitaille réclament 7 000 $ à Atelier Granite nature inc. («Granite»). Leur réclamation se compose notamment du remboursement intégral du prix payé pour l'achat et l'installation d'un comptoir de cuisine en granite, en plus de 1 500 $ en dommages et intérêts suite aux préjudices et inconvénients subis pour son remplacement.

[2]           Jugement par défaut a été rendu dans ce dossier par l'honorable Yvan Nolet, j.C.Q. le 18 septembre 2012. Granite a par la suite déposé une requête en rétractation de jugement qui fut reçue le 9 octobre 2012.

[3]           Considérant la preuve testimoniale à l'effet que la partie défenderesse n'a reçu aucun avis d'audition pour l'audience du 18 septembre 2012, le Tribunal accueille la requête en rétractation de jugement.

LES FAITS

En demande

[4]           Madame Ellen Paré témoigne. Le 22 mai 2009, Granite installe chez elle le comptoir de granite qu'elle et son conjoint ont acheté.

[5]           Elle est absente de la maison lors de la fin de cette installation mais, dès son retour, elle constate une première fissure près du lavabo. Elle téléphone immédiatement au représentant de Granite pour lui en faire part.

[6]           Elle et son conjoint quittent pour l'Europe le soir même. De retour de voyage le 20 juin suivant, elle constate deux autres fissures. Madame Paré allègue également un polissage insatisfaisant de la surface. Un représentant de Granite se présente ensuite sur les lieux afin de procéder à certaines réparations.

[7]           Madame Paré précise avoir payé un total de 5 092 $ comptant à Granite.

[8]           Son conjoint Jean Robitaille explique au Tribunal avoir constaté d'importants problèmes dès la journée de l'installation. Il n'avait pas remarqué lui-même la première fissure mais confirme sa présence après que sa conjointe lui eut fait remarquer ce fait. Il a également noté d'autres fissures par la suite.

En défense

[9]           Monsieur Djamin Ghomari, président de Granite, explique au Tribunal que l'installation de ce comptoir de cuisine a été faite conformément aux règles de l'art.

[10]        Il précise avoir été informé d'une première fissure. Un de ses employés s'est rendu sur les lieux pour réparer. Il avance ensuite certaines hypothèses. Peut-être le plombier aurait-il causé les autres fissures? Il conclut en précisant que des réparations ont été faites, tout en convenant qu'elles ont peut-être été mal faites.

 

 

ANALYSE ET DÉCISION

Le fardeau de preuve

[11]        Les articles 2803 et 2804 du Code civil du Qébec énoncent que celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

[12]        Ces articles imposent aux demandeurs le fardeau de prouver les allégations contenues dans leur demande et ce, par prépondérance de preuve.

Qualification du contrat

[13]        Il n'existe en l'espèce aucun contrat écrit. Seul un document portant le numéro 134771 (P-2) semble avoir servi de guide aux parties. Il ne porte aucune mention de quelque nom d'entreprise que ce soit, ni de numéros d'enregistrement de taxes de vente. Il ne fait que donner certains détails quant aux travaux à effectuer, ainsi qu'un prix de 5 092$ sans aucune taxes.

[14]        De l'avis du Tribunal, il s'agit d'un contrat d'entreprise au sens de l'article 2098 du Code civil du Québec.

Légalité du contrat

[15]        Ce qui apparaît cependant de façon beaucoup plus évidente, c'est que ce contrat a été fait en contravention des lois fiscales pour des paiements «cash» et ce, dans un but ultime de priver la collectivité de taxes et impôts.

[16]        De façon tout aussi étonnante, les parties ne semblent même pas vouloir s'en cacher !

[17]        On parle ici d'une entente basée sur des paiements comptants, sans taxe et dont l'existence même ne laissera aucune trace, fiscale ou autre. Le Tribunal ne peut se faire complice d'une telle façon de faire qui prive indûment et illégalement la collectivité.

[18]        Ce contrat va à l'encontre de l'ordre public et doit en conséquence être déclaré nul. Un certain courant jurisprudentiel tend même vers le refus du Tribunal d'intervenir lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, une convention est conclue en fraude des droits collectifs.

[19]        Mais comme l'a écrit le juge Massol[1]:

[105] Ainsi, même si on conclut que le contrat est frappé de nullité, il y a lieu de mettre en application le principe posé à l'article 1422 C.c.Q. :

« Le contrat frappé de nullité est réputé n'avoir jamais existé.

Chacune des parties est, dans ce cas, tenue de restituer à l'autre les prestations qu'elle a reçues. »

[106] L'article 1700 C.c.Q., quant à lui, établit la façon que les parties peuvent se restituer les prestations :

« La restitution des prestations se fait en nature, mais si elle ne peut se faire ainsi en raison d'une impossibilité ou d'un inconvénient sérieux, elle se fait par équivalent.

L'équivalence s'apprécie au moment où le débiteur a reçu ce qu'il doit restituer. »

[107] Aux termes de l'article 1699 C.c.Q., ce n'est qu'exceptionnellement que le Tribunal peut refuser la restitution, mais il peut, de façon discrétionnaire selon les faits qui lui sont soumis, « modifier l'étendue ou les modalités de la restitution ».

[20]        Comme dans cette affaire, il serait ici contraire à l'équité et à la justice que le Tribunal ne sanctionne pas l'exécution déficiente des travaux effectués, s'il en vient à cette conclusion.

[21]        Le Tribunal peut donc, malgré la nullité prononcée en raison d'une contravention à l'ordre public, apporter un correctif en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 1699 C.c.Q., lequel se lit comme suit :

1699. La restitution des prestations a lieu chaque fois qu'une personne est, en vertu de la loi, tenue de rendre à une autre des biens qu'elle a reçus sans droit ou par erreur, ou encore en vertu d'un acte juridique qui est subséquemment anéanti de façon rétroactive ou dont les obligations deviennent impossibles à exécuter en raison d'une force majeure.

Le tribunal peut, exceptionnellement, refuser la restitution lorsqu'elle aurait pour effet d'accorder à l'une des parties, débiteur ou créancier, un avantage indu, à moins qu'il ne juge suffisant, dans ce cas, de modifier plutôt l'étendue ou les modalités de la restitution.

[22]        En l'espèce, le Tribunal conclut que la restitution des prestations n'est pas appropriée puisqu'elle aurait pour effet d'avantager indûment une des parties au contrat.

 

 

Le droit applicable

[23]        Le contrat intervenu entre les parties en est donc un d'entreprise. Granite s'est engagée envers les demandeurs à réaliser un ouvrage matériel, moyennant un prix que ces derniers se sont obligés à lui payer. Il s'agit d'un contrat à forfait conclu pour un prix qui comprend, à l'égard des travaux prévus, le coût de la main-d'œuvre et des matériaux.

[24]        Granite avait l'obligation d'exécuter les travaux selon les règles de l'art en se rapportant à l'ensemble des techniques et pratiques approuvées qui assurent des ouvrages de qualité.

[25]        Elle est assujettie à une obligation de résultat et elle doit garantir les malfaçons apparentes ou non qui affectent l'ouvrage une fois les travaux exécutés. L'entrepreneur, tenu au résultat, ne peut se dégager de sa responsabilité qu'en prouvant force majeure (2e al. de l'article 2100 C.c.Q). Telle preuve n'a pas été faite en l'instance.

[26]        Il ressort de la preuve que deux des trois morceaux du comptoir de céramique ont été fissurés. Le Tribunal n'a cependant entendu aucune preuve d'un témoin indépendant, notamment d'un expert en la matière, démontrant les problèmes exacts et la cause de ces problèmes.

[27]        Il n'y a eu non plus aucune preuve à l'effet qu'il est nécessaire de tout remplacer le comptoir en question au lieu de procéder à certaines réparations. Le Tribunal retient également qu'un des morceaux de ce comptoir n'a jamais été fissuré.

[28]        Finalement, dans son appréciation de la valeur des dommages à accorder à madame Paré et monsieur Robitaille, le Tribunal tient également compte du fait que ceux-ci n'ont pas remplacé le comptoir en question et ont continué à l'utiliser depuis maintenant déjà plus de trois ans.

[29]        Dans les circonstances, le Tribunal conclut que madame Paré et monsieur Robitaille ont prouvé en partie le bien-fondé de leur réclamation. Usant de la discrétion judiciaire dont il jouit, le Tribunal fixe à la somme de 1 500 $ les dommages auxquels auront droit madame Paré et monsieur Robitaille.

[30]        POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[31]        ACCUEILLE la requête en rétractation de jugement;

[32]        RÉTRACTE le jugement rendu le 18 septembre 2012 par l'honorable Yvan Nolet;

[33]        ACCUEILLE en partie la demande;

[34]        CONDAMNE Atelier granite nature inc. à payer à madame Ellen Paré et monsieur Jean Robitaille la somme de 1 500 $ avec intérêts au taux légal de 5% l'an majorés de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. le tout à compter du 23 juin 2010 ainsi que les frais judiciaires de 159 $.

 

 

__________________________________

JIMMY VALLÉE, j.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

16 NOVEMBRE 2012

 



[1] Dion c. Soucy  2012 QCCQ 3084

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