Provencher c. Industrielle Alliance |
2011 QCCS 2225 |
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JA0395 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
ARTHABASKA |
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N° : |
415-17-000719-090 |
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[Chambre civile] |
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DATE : |
28 avril 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
JULES ALLARD, J.C.S. |
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JEAN-ROCK PROVENCHER |
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Demandeur |
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c. |
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INDUSTRIELLE ALLIANCE |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] LE TRIBUNAL, sur une réclamation de prestations d'assurance invalidité fondée sur un régime d'assurance collective.
[2] Depuis l'année 2000 le demandeur Provencher est considéré comme l'employé de Les Entreprises Enixum du papier Inc.
[3] Lorsqu'il revient au travail en 2008, après avoir bénéficié de prestations hebdomadaires d'invalidité et d'une rente mensuelle, il est l'employé de Prowatt Inc., mais cela ne change rien puisque c'est le même contrat d'assurance qui s'applique.
[4] De fait, Provencher a été en arrêt de travail du 6 décembre 2005 au 11 février 2008. Une lettre du 10 avril 2006 de l'assureur Industrielle Alliance (Industrielle) fait état de cette situation:
Selon les dispositions de votre contrat d'assurance collective, les prestations débutent après 17 semaines de prestations hebdomadaires d'invalidité. Votre rente mensuelle débute donc le 4 avril 2006 et celle-ci a été établie à 1 924 $.
[5] C'est pendant cette période d'invalidité que Provencher a été opéré par le docteur Pierre Michaud pour une occlusion à la fémorale superficielle droite.
[6] Son retour au travail le 11 février 2008 a fait suite à un rapport favorable du chirurgien Michaud qui a alors qualifié l'évolution post-opératoire de Provencher comme «des plus satisfaisante.»
[7] À cette occasion, Provencher a dit à son médecin qu'il avait toujours des douleurs à un endroit précis de son membre inférieur mais qu'il désirait retourner au travail. Le docteur Michaud lui aurait alors dit «ça va se passer avec le temps.»
[8] Son retour au travail fut de courte durée puisque le 20 février 2008, son poste a été aboli.
[9] Il se met alors en recherche active d'un nouveau travail auprès d'un organisme qui favorise la réinsertion à l'emploi.
[10] Un mois après son congédiement, soit vers la fin mars ou le début d'avril, il ressent des douleurs de plus en plus fortes. Il demande alors un rendez-vous au docteur Michaud.
[11] Ce dernier n'était pas disponible à ce moment de sorte qu'il l'a convoqué pour le 10 juin 2008, date à laquelle il a demandé une consultation pour une aortographie abdominale et aux membres inférieurs.
[12] Il écrit au docteur Carmichaël:
Patient qui a eu une greffe de l'aorte et fem-pop gauche en novembre 2007. Le patient est fortement symptomatique de son côté droit. On sent un pouls fémoral droit mais on note que ce pouls est nettement diminué. Donc, j'ai l'impression qu'il a une sténose anastomotique. J'entreprends des démarches pour une artériographie et ce sur une base urgente et nous prendrons possiblement une sanction chirurgicale.
[13] Cet examen a eu lieu le 18 juin 2008.
[14] Le 7 juillet 2008, le docteur Michaud procède à une nouvelle intervention chirurgicale.
[15] Le 8 août 2008, il écrit à l'Industrielle, répondant probablement à madame Rolland, pour faire suite à différentes demandes de prolongation et de reprise des versements de la rente mensuelle d'assurance salaire de longue durée:
Monsieur Provencher a été opéré en novembre 2007, post-op, qui était adéquat. À noter, nous savions que monsieur Provencher avait déjà une occlusion à sa fémorale superficielle droite, mais il n'était plus symptomatique de son côté gauche. Le patient a été revu en février 2008 et l'évolution était des plus satisfaisante. Il est donc retourné travailler, il aurait perdu son travail une dizaine de jours plus tard. Toutefois, le patient nous a recontacté en mars-avril 2008 pour une récidive de ses symptômes, notamment du côté droit et à cause des non-disponibilités au bureau, le patient a été revu au laboratoire vasculaire qu'en juin 2008 où il présentait une ischémie critique de son membre inférieur droit. Nous avons procédé de façon semi-urgente et urgente pour les examens et une opération consécutive à son membre inférieur droit. Donc, effectivement le patient a recommencé ses symptômes au niveau du membre inférieur droit peu après sa visite du 7 février 2008, soit une sténose anastomatique au niveau de l'anastomose fémorale droite.
[16] Le 4 septembre 2008 (P-4) l'Industrielle fait savoir à Provencher qu'il n'était plus admissible à l'assurance. On donne comme motif que la période d'invalidité initiale remonte au 6 décembre 2005 et qu'elle a pris fin le 10 février 2008 à son retour au travail le 11. De plus, son employeur, le titulaire du régime a mis fin à son emploi le 20 février 2008.
[17] Est aussi invoqué le fait que le contrat d'assurance collective de l'employeur a pris fin le 31 mai 2007.
[18] Finalement, l'Industrielle prétend qu'elle n'a pas eu de demande et qu'elle ne détient pas de preuve à l'effet que Provencher présentait depuis mars 2008 une maladie totalement invalidante puisqu'il n'y avait pas eu de consultation, ni diagnostic, ni suivi médical, ni traitement curatif en rapport avec une maladie invalidante avant la consultation donnée par le docteur Michaud le 10 juin 2008.
[19] L'argument sur lequel l'Industrielle a le plus insisté est celui relatif à une clause du contrat intitulé Droits du participant à la résiliation du présent contrat ou d'une de ses garanties:
Toutefois, l'assureur n'est pas garant d'une rechute de l'affection invalidante après la résiliation de la garantie, si:
a) le participant n'est plus invalide depuis plus de quatre-vingt-dix (90) jours de la cessation de la première invalidité; ou …
[20] Dès lors, l'argument est simple. Depuis qu'il a été déclaré apte à retourner au travail le 10 février 2008, jusqu'au 10 juin 2008, il s'est écoulé plus de 90 jours et au sens de la police il n'y a pas eu constatation de l'existence d'une maladie invalidante affectant Provencher.
[21] Ainsi il me semble que la seule question en litige concerne la survie de la garantie contractuelle de l'assureur en raison de la récidive d'une maladie qui avait donné lieu à une indemnisation mais qui avait cessé le 11 février 2008 lorsque Provencher a repris le travail.
[22] Le contrat d'assurance comporte des stipulations qui par fictions maintiennent le statut de participant tout en mettant des limites contractuelles dans le temps à la garantie.
[23] Gardons en mémoire que Provencher n'a pu obtenir une rencontre avec son chirurgien, médecin-traitant, que le 10 juin 2008.
[24] C'est au moment où l'élément déclencleur se produit qu'il faut examiner l'obligation de l'assureur alors même que l'emploi du participant a pris fin, ou que le titulaire de la protection, l'employeur, a résilié son contrat.
[25] Aux pages I-12 et I-13 du contrat, on retrouve le titre «REMPLACEMENT DE CONTRAT OU D'UNE GARANTIE.»
[26] Sous ce titre, il a un chapitre intitulé «DROITS DU PARTICIPANT À LA RÉSILIATION DU PRÉSENT CONTRAT OU D'UNE DE SES GARANTIES.» Pour être plus exact, il faudrait lire: Droits du participant au moment de la résiliation du présent contrat ou de l'une de ses garanties.
[27] On peut y lire:
la résiliation du présent contrat ou d'une de ses garanties n'est opposable à aucune demande de prestations fondée sur:
a) …
b) …
c) Une invalidité résultant d'un accident survenu ou d'une maladie contractée avant la résiliation de la garantie; l'assureur demeure garant de l'assurance salaire de courte ou de longue durée payable pour une invalidité qui se prolonge après la résiliation de la garantie.
Toutefois, l'assureur n'est pas garant d'une rechute de l'affection invalidante après la résiliation de la garantie, si:
a) Le participant n'est plus invalide depuis plus de quatre-vingt-dix (90) jours de la cessation de la première invalidité; ou
b) …
c)
Dans tous les cas, l'affection invalidante qui a débuté avant la résiliation du contrat n'est pas prise en charge par l'assureur si elle a été déclarée à l'assureur plus de six (6) mois après sa survenance.
[28] En l'espèce c'est une récidive qui constitue l'affection invalidante.
[29] L'assureur a prévu les délais suivants de déchéance, celui de quatre-vingt-dix (90) jours et celui de six (6) mois de la survenance de la récidive. Selon l'Industrielle, seul est à considérer le délai de quatre-vingt-dix (90) jours.
[30] Mais il y a aussi à considérer la stipulation sous le titre PÉRIODES SUCCESSIVES D'INVALIDITÉ à la page 6-3 du contrat qui prévoit aussi un délai de six (6) mois. On y lit:
Si le participant qui a effectivement repris le travail redevient invalide durant l'effet de cette garantie, avant qu'une période de six (6) mois consécutifs se soit écoulée, et que l'invalidité soit attribuable à la même cause que celle de l'invalidité antérieure ou à des causes connexes, l'invalidité est considérée comme la continuation de l'invalidité antérieure. Au cours du délai de carence, les périodes successives d'invalidité résultant d'une même cause et séparées par quinze (15) jours ou moins sont considérées comme une seule période.
Cependant, si le participant qui a effectivement repris le travail redevient invalide, durant l'effet de cette garantie, par suite d'une maladie ou d'une blessure accidentelle n'ayant aucun rapport avec la cause de l'invalidité antérieure, l'invalidité est considérée comme une nouvelle invalidité, et un nouveau délai de carence est imposé.
[31] Il m'apparaît que ce qui est important pour que des périodes successives d'invalidité maintiennent la garantie c'est que ce soit la même cause ou des causes connexes qui affectent l'état du participant.
[32] Aux yeux de l'assureur, il est important d'appliquer dans toute sa rigueur l'invalidité du contrat pendant toute période de garantie (page 1-1 du contrat):
Invalidité: L'incapacité totale et continue du participant, telle que définie dans les garanties du présent contrat. Pour que l'invalidité soit reconnue, il faut que l'état du participant nécessite des soins réguliers effectivement donnés par un médecin ou un spécialiste. ……
[33] Comme entre le 10 février 2008 et le 10 juin 2008, il n'y a pas eu de soins réguliers par le chirurgien, strictement parlant, il manque un élément à la reconnaissance de l'invalidité.
[34] Cependant alors que Provencher était en recherche d'emploi à la fin de mars ou du début avril, il a constaté que ses douleurs s'accentuaient et il a alors consulté des professionnels d'une clinique médicale de Jonquière qui n'ont pas cru bon d'intervenir.
[35] Il devait donc saisir son médecin traitant de son état de santé dont les symptômes correspondaient à ceux pour lesquels il a dû cesser de travailler le 6 décembre 2005, et subit une intervention chirurgicale qui l'a maintenu invalide jusqu'au 10 février 2008.
[36] Bien avant que soit écoulée la période de quatre-vingt-dix (90) jours de déchéance invoquée comme ayant mis fin à la garantie, il a demandé d'être reçu par son médecin.
[37] Ce dernier, en raison de ses occupations n'a pu le recevoir avant le 10 juin de la même année.
[38] Dans sa lettre du 8 août 2008 aux assureurs, le docteur Michaud note que monsieur Provencher l'a contacté mars-avril 2008 pour une récidive. On peut aussi constater l'apparition des symptômes de la même maladie au niveau du membre inférieur droit qui se sont manifestés peu après sa visite du 7 février 2008, soit une sténose anastomotique au niveau de l'anastomose fémorale droite.
[39] En défense, on n'a pas tenté de contredire le docteur Michaud ni même de mettre en doute son affirmation à l'effet que la récidive est apparue un mois à peine après avoir quitté le travail.
[40] Provencher comme participant, qui avait toujours ce statut malgré la perte de son emploi, a fait ce qu'il fallait faire pour maintenir la garantie.
[41] Il n'est évidemment pas le maître de l'encombrement du système de santé, ni de l'agenda de son chirurgien. Mais sans aucun doute, la déclaration de ce dernier, bien que faite postérieurement, indique qu'à une époque pertinente, l'affection invalidante était certainement présente bien avant que ne soit expiré le délai de quatre-vingt-dix (90) jours et également bien avant l'arrivée du six (6) mois dont il vient d'être question dans des dispositions du contrat.
[42] Le tribunal estime que la lettre du docteur Michaud tient lieu de témoignage non contredit d'un spécialiste sur la nature de la maladie, sur sa récidive et sur son manque de disponibilité qui explique la tardivité de son intervention en réponse à une demande faite en temps utile.
[43] Selon le brocard issu de la tradition juridique, «à l'impossible nul n'est tenu»[1]. On ne peut donc pas reprocher à Provencher d'avoir tenté de déjouer les dispositions du contrat. Faut-il le dire, l'Industrielle n'a pas plaidé qu'elle subissait un quelconque préjudice prétendant seulement que Provencher n'avait plus droit à l'indemnité et plaidant qu'en conséquence il y a eu déchéance d'autant plus que suivant la définition de l'invalidité, il y a nécessité de soins par un médecin ou un spécialiste.
[44] Le tribunal met de côté les prétentions de l'assureur.
[45] En l'espèce il y a cependant des difficultés à condamner la défenderesse à un montant précis.
[46] D'une part, il y a lieu à une réduction des prestations comme il est prévu à la page 6-1 du contrat:
La prestation mensuelle payable en vertu de la présente garantie sera réduite, après l'application du maximum mensuel indiqué au Tableau sommaire, de toute prestation d'invalidités payable ou qui serait payable au participant si une demande satisfaisante a été faite en vertu du Régime des rentes du Québec ….
[47] De plus, la reprise du paiement de la rente mensuelle ne doit avoir lieu qu'à compter du 1er avril 2008 puisqu'il y a eu travail et salaires du 11 février au 20 février 2008.
[48] Le paiement de cette rente est aussi sujette à une définition particulière d'invalidité que l'on retrouve au chapitre de l'assurance salaire de longue durée:
L'incapacité totale et continue du participant, par suite d'une maladie ou d'une blessure accidentelle, qui l'empêche complètement d'exercer:
a) Toutes et chacune des tâches de son travail régulier durant le délai de carence et durant les vingt-quatre (24) mois qui suivent immédiatement ce délai, sans égard à la disponibilité de ce travail; et
b) Par la suite, toute fonction ou tout emploi rémunéré pour lequel il est raisonnablement qualifié en raison de sa formation, de son instruction et de son expérience, sans égard à la disponibilité de ce travail.
L'invalidité n'est reconnue qu'à la condition que le participant ne reçoive aucune rémunération directe ou indirecte d'un travail, sauf dans le cadre d'un programme de réadaptation approuvé par l'assureur.
[49] Plus de vingt-quatre (24) mois s'étaient écoulés au moment de l'introduction de l'action, puisque la rente mensuelle a débuté le 4 avril 2006.
[50] Il n'y a pas eu de réévaluation par l'assureur de la possibilité que Provencher occupe un emploi rémunéré pour lequel il est raisonnablement qualifié.
[51] La preuve révèle cependant qu'il a été déclaré totalement incapable par la Régie des rentes du Québec.
[52] Il n'y a pas eu de preuve contraire d'offerte.
[53] D'ailleurs, l'assureur a plaidé que dans l'éventualité où il serait condamné, il entendait bénéficier de la réduction des prestations de rente mensuelle puisque Provencher en recevait une de la Régie des rentes du Québec en raison de son invalidité.
[54]
Mais comme un tribunal ne peut refuser d'adjuger parce que l'affaire
présente un aspect déclaratoire (art.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[55] DÉCLARE que le demandeur bénéficie de la protection que prévoit la police d'assurance portant le numéro […] dont le titulaire du contrat est PROWATT INC.
[56] CONDAMNE la défenderesse à verser, à compter du 1er avril 2008 une rente mensuelle d'invalidité, déduction faite des montants reçus par le demandeur de la Régie des rentes du Québec.
[57] AVEC DÉPENS CONTRE LA DÉFENDERESSE.
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__________________________________ JULES ALLARD, j.c.s. |
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Me Marco Morin |
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Procureur du demandeur |
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Me Martin Winstall |
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bonneau dibblee |
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Procureurs de la défenderesse |
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Date d’audience : |
19 janvier 2011 |
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Du latin impossibilium nulla obligatio Rivet c. Corporation du Village de
St-Joseph
[1932] R.C.S. 1
,3; Stan-Jar Holdings c. Lot 82 Inc.,