Décision

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Andy Transport inc. c. CAT inc.

2011 QCCS 2502

JL 3124

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUHARNOIS

 

N°:

760-17-001826-083

 

 

 

DATE :

Le 31 mai 2011

 

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

HÉLÈNE LANGLOIS, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

Andy Transport inc.

Demanderesse

 

c.

 

C.A.T. inc.

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT RECTIFICATIF

______________________________________________________________________

 

 

[1]           CONSIDÉRANT le jugement rendu dans la présente affaire le 24 mai 2011;

[2]           CONSIDÉRANT la demande de rectification datée du 30 mai 2011 et présentée par le procureur de la demanderesse;

[3]           CONSIDÉRANT l'erreur cléricale quant à l'identification des procureurs;

[4]           CONSIDÉRANT l'article 475 du Code de procédure civile;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[5]           RECTIFIE la page 14 du jugement rendu le 24 mai 2011 de la façon suivante :

«[105] AVEC DÉPENS.

 

 

(s) Hélène Langlois, J.C.S. __________________________________

HÉLÈNE LANGLOIS, J.C.S.

 

Me Serban Mihai Tismanariu

Procureur de la demanderesse

 

Me Normand Perreault

Greenspoon, Perreault

Procureurs de la défenderesse

 

Dates d’audience :

Les 16 avril et 6 décembre 2010»

 

 

[6]           LE TOUT SANS FRAIS.

 

 

__________________________________

HÉLÈNE LANGLOIS, J.C.S.

 

Me Serban Mihai Tismanariu

Procureur de la demanderesse

 

Me Normand Perreault

Greenspoon, Perreault

Procureurs de la défenderesse

 

 

 


Andy Transport inc. c. CAT inc.

2011 QCCS 2502

 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUHARNOIS

 

N° :

760-17-001826-083

 

 

 

DATE :

Le 24 mai 2011

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

HÉLÈNE LANGLOIS, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

Andy Transport inc.

Demanderesse

c.

C.A.T. inc.

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

Introduction

[1]          La demanderesse, Andy Transport inc. (Andy), est une compagnie faisant affaires dans le domaine du transport et de l'entreposage.

[2]           La défenderesse, C.A.T. inc. (C.A.T.), est une compagnie de transport international de marchandises générales.

[3]           Le 5 janvier 2005, Andy et C.A.T. signent une convention de sous-traitance[1] d'une durée d'un an visant la fourniture par Andy à C.A.T. d'un service exclusif de camionnage pour le transport (la convention).

[4]           Aux fins d'exécuter la convention, Andy met à la disposition de C.A.T. un véhicule routier de type tracteur, modèle T-2000 Kenworth, acheté le 31 mai 2005 et portant le numéro de série 1XKTDB39X25J984920 (le véhicule).

[5]           Ce véhicule est équipé d'un système de repérage par voie de satellite de la compagnie Cancom.  Celle-ci est un fournisseur de données satellites qui permettent la transmission de messages échangés entre un chauffeur et le répartiteur de C.A.T. (répartiteur).

[6]           Également, au cours d'un voyage, ce système permet l'enregistrement de données au «Display Message»[2] et au «Vehicle Position History Listing»[3].

[7]           Le premier enregistre les rapports transmis par les chauffeurs au répartiteur quant à leurs activités, selon les heures.

[8]           Le second indique quant au véhicule, à chaque entrée de données, son positionnement en distance par rapport à la ville d'importance la plus rapprochée, la distance parcourue depuis la dernière entrée, si son moteur est en marche ou arrêté et sa vitesse moyenne entre les deux derniers enregistrements.

[9]           Le 25 mai 2006, le véhicule est volé.

[10]        Andy, s'appuyant sur les dispositions relatives à l'assurance incluses à la convention, réclame l'indemnisation par C.A.T. d'une perte au montant de 212 778,45 $ qu'elle allègue avoir subie en conséquence du vol.

[11]        Cette demande inclut les items de réclamation suivants :

-           la perte du véhicule :  118 788,45 $

-           la perte d'exploitation

du véhicule :                              93 990,00 $ (26 mois)

[12]        C.A.T. ayant refusé la réclamation, Andy introduit le présent recours.

·

[13]        Au chapitre de l'assurance, la convention prévoit :

Assurance

21.        Pour toute la durée de la présente convention, la compagnie s'engage à souscrire et à maintenir pour le(s) véhicule(s) routier(s) de l'entrepreneur indépendant une assurance responsabilité civile ainsi qu'une assurance cargo, lesquelles sont plus amplement décrites à l'annexe "D" des présentes, laquelle est réputée faire partie intégrante de la présente convention.  À cet effet, la compagnie s'engage à fournir annuellement à l'entrepreneur indépendant une copie du certificat délivré par la compagnie d'assurance identifiant le(s) véhicule(s) routier(s) visé(s) par son(leur) numéro de série.

22.        Il est toutefois spécifiquement convenu entre les parties que l'entrepreneur indépendant devra seul assumer le coût des primes annuelles et franchises payables par événement, telles qu'établies à l'annexe "D" ci-jointe.  Le montant dû est réparti sur 52 semaines.

             […]

ANNEXE .D.

ASSURANCES

1.          Couverture

Les polices d'assurance de la compagnie couvrent les éléments suivants :

- responsabilité civile générale :

10 000 000,00 $

- responsabilité civile pour la cargaison :

10 000 000,00 $

- plan dommages physiques (camion) :

selon la valeur de l'équipement

 

2.         Franchises

Les franchises payables, par événement, par l'entrepreneur indépendant, en vertu de la police d'assurance contractée par la compagnie, seront de :

Collision directe

5,000 $

Feu, vol de l'équipement et/ou de la marchandise

10,000 $

Marchandise endommagée

2,500 $

Responsabilité civile

5,00 $

Après deux (2) années sans réclamation ou accident dont le montant ne dépasse pas le déductible, celui-ci sera réduit à 2,500 $ pour collision seulement.

Il est à noter que les franchises susmentionnées seront payables en tout temps, que l'entrepreneur indépendant soit responsable ou non de l'accident, ou encore que ledit accident survienne sur un territoire de responsabilité sans faute tel que le Québec, l'Ontario ou le Michigan.

3.          Paiement des primes

L'entrepreneur indépendant est responsable du remboursement de sa portion de la prime à la compagnie au montant de :

1ère année :

3 000.00 $ par camion

2e année :

2 000.00 $ par camion

3e année :

1 000.00 $ par camion

4e année :

0.00 $

Si l'entrepreneur indépendant est responsable d'un accident, la prime sera ajustée à           2 000.00 $ l'année suivante et de 1 000.00 $ l'année subséquente.

La portion payable par l'entrepreneur indépendant sera déduite de sa compensation monétaire à raison de 1/12 de la somme totale payable tous les mois.

Clause de prorata

Les polices d'assurances de la compagnie couvrent la période du 1er janvier au 31 décembre de chaque année.

La prime payable par l'entrepreneur indépendant sera établie à son anniversaire de contrat.»

[14]        C.A.T. admet avoir souscrit, tel que le prévoit la convention, une police d'assurance couvrant la responsabilité et les dommages.  Elle a cependant choisi de supporter une franchise importante et elle assume elle-même le paiement des réclamations dont le montant est couvert par cette franchise.

[15]        C.A.T. emploie un directeur des réclamations qui voit au traitement des réclamations incluant l'enquête relative à une perte et, le cas échéant, au paiement de la réclamation.

[16]        John Wales (Wales)[4], directeur des réclamations chez C.A.T. à l'époque où Andy rapporte la perte, témoigne que cette perte était couverte par la franchise.

·

[17]        C.A.T. a refusé à Andy son droit à l'indemnisation.

[18]        À l'appui de sa décision elle soutient que l'enquête a révélé que le chauffeur, au cours du voyage où le vol est survenu, a contrevenu à ses obligations en vertu de la convention, aux règles internes de C.A.T. et à la réglementation statutaire applicable.  En plus, il a fait de fausses déclarations et a faussé les informations fournies à C.A.T..  Un tel chauffeur n'est pas compétent et, par voie de conséquence, Andy ayant failli à cet égard à son obligation en vertu de la convention, elle ne peut réclamer le bénéfice de la couverture d'assurance.

[19]        C.A.T. plaide aussi que le chauffeur a laissé le véhicule en marche, la clé dans le contact et sans surveillance, ce qui a contribué à la perte.

[20]        Enfin, elle soutient qu'une partie de la réclamation n'est pas couverte par la protection d'assurance.

·

[21]        Andy nie avoir contrevenu à quelque obligation pouvant avoir l'effet de la priver de son droit à la couverture d'assurance.

[22]        Subsidiairement, elle plaide que l'avis de C.A.T. lui refusant le droit à la couverture d'assurance lui a été transmis tardivement et en conséquence, elle demande au tribunal de déclarer C.A.T. forclose de lui invoquer un tel motif pour refuser sa réclamation.

Les faits

[23]        Le 23 mai 2006, afin de répondre à la demande de C.A.T., Andy met le véhicule à sa disposition pour le transport de marchandises jusqu'à la ville de Laredo dans l'État du Texas.

[24]        Le chauffeur désigné par Andy est Seny Varga (Varga).

[25]        Andy retient les services des chauffeurs au moyen de contrats de sous-traitance.

[26]        Ces chauffeurs reçoivent une formation de C.A.T. au cours de laquelle on leur enseigne ses règles internes de même que la réglementation tant canadienne qu'américaine applicable en matière de camionnage.

·

[27]        Varga quitte la région de Coteau-du-Lac dans l'après-midi du 23 mai 2006, il est accompagné de son épouse.

[28]        Il s'arrête pour la première fois le matin du 25 mai dans la région de la ville de Eddy au Texas.

[29]        En fin d'avant-midi, il livre la remorque au terminal de C.A.T. à Larego.

[30]        Il se rend ensuite avec le véhicule dans le stationnement d'un centre commercial où il se stationne pour y dormir quelques heures pendant que son épouse y fait des emplettes.

[31]        Entre 18h et 18h30, ils s'arrêtent pour souper au restaurant Papa Gallos, situé tout près du centre commercial.

[32]        Aucune place n'étant disponible dans le stationnement du restaurant, Varga gare le véhicule dans celui d'une boîte de nuit, le Golden Coral, situé tout à côté.

[33]        Selon lui, il est au restaurant moins d'une heure et à sa sortie, il constate que le véhicule a disparu.

[34]        Il appelle le président de Andy, Elie Cisien (Cisien), pour l'en informer et ensuite il contacte le répartiteur chez C.A.T. pour lui demander de retracer le véhicule par satellite, ce qui ne s'avère pas possible.

[35]        Ensuite, il appelle la police qui se rend sur place; un rapport est complété[5].

[36]        Varga rappelle le répartiteur chez C.A.T. lui demandant de tenter de nouveau de retracer le véhicule ce qui, encore une fois, s'avère impossible.

[37]        Le lendemain, au terminal de C.A.T. à Laredo, Varga complète un rapport d'accident[6].

·

[38]        Au cours de l'enquête, initiée à la suite de la réception de ce rapport d'accident, Wales note des contradictions entre, d'une part, les informations fournies par Varga et notées dans ses rapports et, d'autre part, les données apparaissant au Display Message et au Vehicle Position History Listing.

[39]        Il confronte Cisien à ce sujet lequel s'engage à vérifier auprès de Varga.

[40]        Il n'y aura aucune communication entre C.A.T. et Andy entre le mois de juillet 2006 et le mois d'avril 2007.

[41]        Le 11 avril 2007, Crisan transmet à Stéphane Garon (Garon), vice-président aux affaires juridiques de C.A.T., une lettre dans laquelle il l'avise qu'à moins de recevoir une réponse favorable à sa réclamation, Andy intenterait des procédures.

[42]        Le 17 avril 2007, Garon lui écrit « … it is our opinion that the drivers in your employment were negligent and contravened a clear company policy with respect to securing a vehicle while parked and unattended.  The facts presented show the drivers left the keys in the ignition with the vehicle running or with power on.  This act of negligence was a direct cause of the theft.  In that context, we formally deny your claim …»[7].

[43]        Garon n'apprendra, que lors de l'interrogatoire hors Cour de Varga, que ce dernier voyageait accompagné de son épouse et non d'un autre chauffeur.

Analyse et discussion

[44]        La convention inclut des dispositions relatives à sa durée, à la compensation financière payable pour les services rendus en vertu de la convention, au véhicule routier fourni, aux règles de la compagnie applicables lors de l'utilisation et la conduite d'un véhicule routier, à la réglementation statutaire applicable et à l'assurance.

[45]        Au chapitre de l'assurance, la convention prévoit que Andy bénéficie d'une couverture d'assurance de dommages aux biens couvrant les dommages pouvant résulter du vol moyennant, dans ce cas, une franchise de 10 000 $.

[46]        C.A.T. plaide les faits et gestes suivants qu'elle reproche à Varga :

·          avoir falsifié les données et fourni de fausses informations;

·          avoir conduit une distance dépassant celle autorisée sans arrêt réglementaire;

·          avoir fait le voyage sans être accompagné d'un autre chauffeur;

·          avoir laissé le véhicule stationné sans surveillance, en marche et avec la clé à l'intérieur.

[47]        En vertu de la réglementation applicable, un chauffeur est autorisé à effectuer seul un voyage de courte distance alors qu'il doit être accompagné d'un autre chauffeur pour un voyage de longue distance, tel le voyage à Larego.

[48]        Cette réglementation prévoit aussi le nombre d'heures qu'un chauffeur peut conduire sans prendre de repos.

[49]        Varga a admis avoir posé les faits et gestes associés aux trois premiers reproches.

[50]        Le chauffeur avec lequel il fait habituellement équipe s'étant déclaré non disponible le 23 mai 2006, il entreprend le voyage sans co-équipier et sans en informer C.A.T.

[51]        Au rapport d'accident du 25 mai 2006, il rapporte malgré tout la présence d'un co-équipier qu'il identifie comme étant Bogdan Dulhariu.

[52]        En plus, il a, tout au long du voyage, transmis, au nom de Bogdan Dulhariu, des rapports par voie de Display Message laissant ainsi croire au répartiteur de C.A.T. qu'un autre chauffeur l'accompagne.

[53]        Varga était accompagné de son épouse et la preuve ne révèle pas qu'il avait obtenu au préalable une autorisation écrite expresse de C.A.T. tel que le prévoit la convention[8].

[54]        Également, Varga effectue son premier arrêt de repos dans la région de la ville de Eddy, au Texas, ayant parcouru auparavant une distance dépassant celle autorisée.

[55]        Enfin, Varga admet avoir stationné le véhicule à un endroit où il ne pouvait l'apercevoir de l'intérieur du restaurant, ce qui est aussi contraire aux règles qui lui ont été enseignées.

·

[56]        Varga nie avoir laissé le véhicule en marche avec la clé à l'intérieur.

[57]        Il témoigne qu'il a stationné le véhicule dans un endroit libre de chaque côté, éteint le moteur et barré les portes.  À son retour à Montréal, il aurait remis les deux clés du véhicule à Crisan lequel témoigne les avoir ensuite remises à Wales qui confirme avoir reçu deux clés.

[58]        La preuve est contradictoire quant au moment où les clés ont été rapportées chez C.A.T..  Était-ce dans les jours suivants le vol, selon Varga et Cisien ou au mois de juillet 2006, tel qu'il apparaîtrait du dossier de C.A.T. ?  Selon cette dernière, la remise tardive des clés aurait pu permettre de les reproduire.

[59]        Au cours de l'enquête concernant la perte du véhicule, Wales obtient de Cancom Tracking les précisions suivantes sur le fonctionnement du système permettant de retracer le positionnement du véhicule à distance dont les données sont enregistrées au Vehicle Position history Listing[9] :

«As per our conversation, the Cancom truck positioning system that C.A.T. trucks utilize provide the C.A.T. dispatch centre with a position every hour once the unit has been turned on.  Positions are included with every message to and from the truck, and with every ignition off occurrence performed by the driver.  Ignition status is sent in with every position type as outlined above.  Please note that Cancom only retains satellite log file records for 14 days for troubleshooting purposes only.

[…]»

[60]        Bref, tant et aussi longtemps que la clé du véhicule se trouve dans le contact, le système satellite enregistre la position du véhicule, aux heures lorsqu'il est en marche, lorsque le moteur est éteint et, lorsque des messages sont envoyés ou reçus.

[61]        En l'espèce, le Vehicle Position History Listing enregistre des données toute la journée du 25 mai 2006, les heures indiquées correspondant à celles de Montréal alors qu'au Texas, il est une heure en moins.

[62]        Entre autre, entre 4h32 et 6h42, les données indiquent que le moteur du véhicule est éteint alors que le véhicule est dans la ville de Eddy.  Il s'agit de l'endroit où Varga témoigne avoir fait son premier arrêt pour un repos.

[63]        Ensuite, le relevé inclut, sans interruption jusqu'à 20.18, heure de la dernière donnée enregistrée, des données indiquant que le moteur, en tout temps, demeure en marche, notamment entre 18.39 et 19.16, alors que, selon Varga, le véhicule aurait été stationné, le moteur éteint, les portes barrées et la clé conservée en sa possession.

[64]        Cette preuve technique, non contredite par une preuve pouvant mettre en doute sa fiabilité, démontre pourtant que la clé est toujours restée dans le contact.

·

[65]        C.A.T. soutient qu'en vertu de la convention, les parties étaient tenues à des obligations synallagmatiques et dans les circonstances, elle plaide l'exception d'inexécution.

[66]        Varga, vu sa conduite, ne peut pas être considéré un chauffeur compétent au sens de la convention et Andy ayant, à cet égard, contrevenu à son obligation, C.A.T. ne peut pas être tenue de lui offrir une couverture d'assurance.

[67]        Au sujet de la défense d'exception d'inexécution, l'article 1591 C.c.Q. stipule :

«1591. Lorsque les obligations résultant d'un contrat synallagmatique sont exigibles et que l'une des parties n'exécute pas substantiellement la sienne ou n'offre pas de l'exécuter, l'autre partie peut, dans une mesure correspondante, refuser d'exécuter son obligation corrélative, à moins qu'il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des usages qu'elle soit tenue d'exécuter la première.»

[68]        Les auteurs Baudouin et Jobin[10] quant à l'application de ce moyen de défense ont écrit :

«818     -           Observations générales - L'exception d'inexécution118, aussi connue sous le nom latin d'exceptio non adimpleti contractus, permet à l'une des parties à un contrat synallgmatique, qui n'est pas tenue d'exécuter son obligation en premier, de refuser de le faire tant que son cocontractant refuse ou néglige d'exécuter la sienne, alors que celle-ci est exigible elle aussi119.

[…]

824       -           Moyen de défense - L'exception d'inexécution constitue essentiellement un moyen de défense à une demande en justice, instituée contre le contractant qui est lui-même victime d'une faute contractuelle; elle n'a pas pour effet, au contraire de la résolution, disposer de leurs droits139.  Elle ne peut pas non plus être invoquée pour se libérer d'une clause d'un contrat140.  Elle permet simplement la suspension de l'exécution de l'obligation du contractant qui l'invoque, jusqu'à l'exécution de l'obligation réciproque, laissant donc ouverts, en cas d'inexécution fautive, tous les recours prévus par la loi141.  Lorsqu'elle réussit, cette défense entraîne le rejet de l'action, sous réserve du droit du demandeur d'instituer une autre action quand il aura exécuté, ou au moins dûment offert d'exécuter son obligation.

[…]

(Références omises)»

[69]        Le contrat doit prévoir une exécution simultanée des obligations respectives dont il est question et alors «(O)n présume donc que le contractant … ne s'est engagé qu'en prévision de l'exécution simultanée de l'obligation réciproque»[11].

·

[70]        Une telle défense ne trouve pas application dans les circonstances.

[71]        L'obligation de C.A.T. quant à l'assurance et celle d'Andy de fournir un chauffeur compétent constituent des obligations distinctes dont la réalisation ne dépend pas l'une de l'autre.

[72]        Il ne peut pas être question d'obligations à exécution réciproque alors que l'assurance ne prend effet que lors de la réalisation d'un risque, c'est-à-dire de la survenance d'un événement soudain ne relevant pas de la volonté de l'assuré.

[73]        C.A.T. et Andy, à cet égard, n'étaient donc pas tenues à des obligations réciproques au sens de l'article 1591 C.c.Q.

·

[74]        Les contraventions aux règles et à la réglementation par Varga et ses fausses déclarations autorisent-elles C.A.T. à refuser la réclamation de Andy ?

[75]        Outre la convention, les parties n'ont produit aucun autre écrit relativement à l'assurance.

[76]        À défaut, l'article 2389 C.c.Q. prévoit que la survenance d'un risque couvert donne droit au paiement d'une prestation.

[77]        Également, en vertu de l'article 2402 C.c.Q., à moins qu'il s'agisse d'un acte criminel, la violation de la loi, en l'absence d'une clause d'exclusion spécifique, ne peut être un motif de négation de couverture.

[78]        Quant aux fausses déclarations de Varga, l'article 2572 C.c.Q., en matière d'assurance de dommages, énonce :

«2472. Toute déclaration mensongère entraîne pour son auteur la déchéance de son droit à l'indemnisation à l'égard du risque auquel se rattache ladite déclaration.

Toutefois, si la réalisation du risque a entraîné la perte à la fois de biens mobiliers et immobiliers, ou à la fois de biens à usage professionnel et à usage personnel, la déchéance ne vaut qu'à l'égard de la catégorie de biens à laquelle se rattache la déclaration mensongère.»

[79]        L'assureur, afin de pouvoir invoquer, avec succès, la déchéance du droit à l'indemnisation pour cette raison, doit prouver l'existence de déclarations inexactes de risque faites dans le but d'exploiter l'assureur …»[12].

[80]        La preuve n'établit pas que les fausses déclarations de Varga ont été faites dans ce but et qu'elles sont de la nature des déclarations mensongères pouvant faire perdre le droit à l'assurance.

[81]        Enfin, quant au fait que Varga a laissé le véhicule stationné sans surveillance alors que le moteur est en marche, un comportement en relation avec un événement couvert, soit le vol, ce fait ne fera perdre le bénéfice de l'assurance que si l'événement ne peut en conséquence du comportement correspondre à un accident.

[82]        En effet, l'article 2464 C.c.Q. énonce que «(L)'assureur est tenu de réparer le préjudice causé par une force majeure ou par la faute de l'assuré, […].  Il n'est toutefois jamais tenu de réparer le préjudice qui résulte de la faute intentionnelle de l'assuré.  […]».

[83]        La Cour d'appel, dans l'arrêt Jerry Cohen Forwarders ltd c. Bagatelle Canada inc.[13], a jugé que le fait pour un chauffeur qui a aperçu sur le terrain de stationnement des individus louches, de laisser un véhicule stationné, hors sa vue et en laissant fonctionner le moteur, constituait une faute lourde compte tenu que le vol du véhicule devenait, dans les circonstances, une éventualité prévisible.

[84]        En l'espèce, la preuve révèle que la ville de Larego est un endroit à haut risque pour le vol de véhicules mais elle ne révèle pas si Varga en était informé.

[85]        Cela dit, une faute lourde n'est pas nécessairement une faute intentionnelle.

[86]        Selon l'auteur Didier Lluelles «[…] seule devrait être considérée comme intentionnelle la faute dont l'assuré avait ou aurait dû avoir conscience du caractère inéluctable du dommage qui en résulte …»[14].

[87]        L'assuré, afin de perdre son droit à l'indemnité d'assurance, doit avoir été conscient du caractère inéluctable du dommage, c'est-à-dire que le risque était qu'un dommage serait inévitablement causé[15].

[88]        La preuve n'établit pas, selon la règle de la balance des probabilités, un tel état d'esprit de la part de Varga.

[89]        Qui plus est, seule la faute intentionnelle de l'assuré est en cause.

[90]        Or, la convention ne précise pas si Varga, qui est un sous-traitant de Andy, est un assuré.  À tout événement, en cas de pluralités d'assurés, un assureur serait tenu d'indemniser tout autre assuré qui n'a pas commis de faute intentionnelle[16].

·

[91]        Le vol étant un risque couvert, C.A.T. devait démontrer qu'elle était justifiée de refuser à Andy le bénéfice de l'assurance, ce à quoi elle a failli.

[92]        Vu la conclusion à laquelle en arrive le tribunal à ce sujet, il n'y a pas lieu qu'il se prononce sur l'argument subsidiaire de Andy relatif à la tardiveté de l'avis de refus de son droit à l'indemnisation.

·

[93]        Andy demande d'être indemnisée pour la perte d'exploitation du véhicule pendant une période de 26 mois et le remboursement de la valeur dépréciée du véhicule au moment de sa perte.

[94]        Selon la convention, la perte d'exploitation du véhicule n'est pas couverte[17].

[95]        L'objection formulée à l'encontre de la production du rapport de l'expert comptable, Michel Quesnel (Quesnel), sur cette question, parce qu'il est fondé sur des états financiers non vérifiés, devient en conséquence sans objet.

[96]        La perte matérielle du véhicule correspondant à la valeur de l'équipement moins une franchise de 10 000 $ est couverte.

[97]        Le véhicule a été acheté le 19 avril 2005 au prix de 130 946 $[18].

[98]        Au moment du vol, Quesnel a témoigné que, selon l'approche comptable, la valeur du véhicule se détermine selon la technique utilisée pour déterminer, au niveau fiscal, la valeur des biens en immobilisation, c'est-à-dire en appliquant une déduction de 15% la première année d'usage.

[99]        Ainsi, la valeur nette du véhicule est 109 667 $.

[100]     En l'absence de preuve d'une méthode convenue préalablement entre les parties, l'article 2490 C.c.Q. prévoit que «(L)a valeur du bien assuré s'établit de la manière habituelle lorsque le contrat ne prévoit pas de formule d'évaluation particulière.»

[101]     L'approche par laquelle la valeur de la perte d'un bien soit déterminée en fonction de sa valeur marchande à l'achat moins une dépréciation constitue une méthode d'évaluation qui a été acceptée[19].

[102]     En l'absence de preuve contradictoire et tenant compte que le véhicule a été acheté 13 mois avant son vol, le tribunal conclut que Andy a subi une perte d'une valeur de 109 667 $ (130 946 $ - (130 946 $ x 15%) - 1 637 $) qui doit être réduite de 10 000 $ afin de tenir compte de la franchise prévue à la convention.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[103]     ACCUEILLE l'action de Andy Transport inc. contre C.A.T. inc.

[104]     CONDAMNE C.A.T. inc. à payer à Andy Transport inc. la somme de 99 667 $ avec les intérêts et l'indemnité additionnelle calculés à compter de la mise en demeure du 8 février 2008;

[105]     AVEC DÉPENS.

 

 

__________________________________

HÉLÈNE LANGLOIS, J.C.S.

 

Me Serban Mihai Tismanariu

Procureur de la demanderesse

 

Me Normand Perreault

Greenspoon, Perreault

Procureurs de la défenderesse

 

Dates d’audience :

Les 16 avril et 6 décembre 2010

 



[1] Pièce D-1.

[2] Pièce D-2.

[3] Pièce D-4.

[4] L'utilisation des seuls noms dans le présent jugement a pour but d'alléger le texte et l'on voudra bien n'y voir aucune discourtoisie à l'égard des personnes concernées.

[5] Pièce P-5.

[6] Pièce P-6.

[7] Pièce D-10.

[8] Pièce D-1, Règlements de la compagnie, article 10, p. 15.

[9] Pièce D-9.

[10] Les obligations, les Éditions Yvon Blais, 6e édition, 2005 p. 810.

[11] Idem p. 812.

[12] Didier Lluelles, Précis des Assurances Terrestres, Les Éditions Thémis, 5e édition 2009 p. 328.

[13] AZ-88011614 .

[14] Note 12, p. 196.

[15] Note 12, p. 198.

[16] Note 12, p. 206.

[17] Pièce D-1, Annexe D, par. 1.

[18] Pièce P-12.

[19] Royal Insurance c. Rourke, 1973 C.A. 1046 .

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.

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