Droit de la famille — 13353 |
2013 QCCS 650 |
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JC 2373 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT D’ |
IBERVILLE |
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N° : |
755-04-006732-128 |
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DATE : |
15 février 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
LOUIS-PAUL CULLEN, J.C.S. |
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K… L… |
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Demanderesse |
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c. |
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J… G… |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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[1] Ex-conjoints de fait, les parties sont les parents d’un enfant, X, né le [...] 1998.
[2] En janvier 2013, Madame demande la garde et une pension alimentaire rétroactive pour l’enfant.
[3] Monsieur, qui verse librement à Madame une pension alimentaire pour l’enfant, s’oppose à la demande de rétroactivité.
[4] Les parties cessent de faire vie commune en 2000.
[5] Madame exerce, de fait, la garde de l’enfant. Monsieur voit l’enfant toutes les fins de semaine et contribue à son entretien.
[6] Madame déménage en juillet 2010. Par la suite, Monsieur voit l’enfant du vendredi au dimanche, une fin de semaine sur deux.
[7] Le 17 août 2010, Monsieur commence un emploi après une période sans travail.
[8] En septembre 2010, Monsieur commence à verser à Madame 200 $ par mois pour l’enfant.
[9] Madame ne questionne pas Monsieur au sujet de ses nouveaux revenus. En 2010, les revenus annuels d’emploi de Madame totalisent 40 000 $, alors que ceux de Monsieur ne s’élèvent, au total, qu’à 9 233 $.
[10] Vers la fin de l’année 2010, Madame fonde une entreprise avec son nouveau conjoint. Cette réorientation ne s’avère pas profitable pour elle sur le plan financier : les revenus annuels de Madame se chiffrent à 14 937 $ en 2011 et à 15 244 $ en 2012. Madame s’attend à des revenus semblables en 2013.
[11] En 2011 et 2012, les revenus de Monsieur s’élèvent, en moyenne, à 28 800 $ par année.
[12] Depuis 2012, Monsieur réside avec sa mère à laquelle il verse un loyer mensuel de 400 $.
[13] En 2011 et 2012, Monsieur verse 200 $ par mois à Madame pour l’entretien de l’enfant.
[14] En 2012, sans consulter Monsieur, Madame inscrit l’enfant à un cours de langues et communications d’une année entraînant des frais de 350 $.
[15] Madame dépose sa requête introductive initiale en janvier 2013. Elle ne demande alors aucune rétroactivité. Le 10 janvier 2013, Madame signifie une requête amendée. Elle demande alors une pension alimentaire pour l’enfant depuis le jour où Monsieur a commencé son emploi actuel (le 17 août 2010). À l’audition, Madame renonce à la rétroactivité avant le 1er janvier 2011.
[16] À compter de janvier 2013, Monsieur augmente librement à 300 $ par mois sa contribution aux aliments de l’enfant.
[17] Madame demande que Monsieur acquitte en proportion de ses revenus les frais d’études de l’enfant, les frais médicaux, les frais de dentiste et les frais liés à la vue.
[18] Monsieur jouit d’une assurance santé dont l’enfant est bénéficiaire. Madame désire que Monsieur paye désormais les frais admissibles, obtienne un remboursement de l’assureur puis lui réclame sa contribution, si nécessaire.
II- ANALYSE
[19] Le droit de l’enfant à la rétroactivité des aliments n’est pas nouveau.
[20]
En 2011, ce droit était reconnu à l’article
595. On
peut réclamer des aliments pour des besoins existants avant la demande, sans
pouvoir néanmoins les exiger au-delà de l'année écoulée.
Le créancier doit prouver qu'il s'est trouvé en fait dans l'impossibilité
d'agir plus tôt, à moins qu'il n'ait mis le débiteur en demeure dans l'année
écoulée, auquel cas les aliments sont accordés à compter de la demeure.
(Le Tribunal souligne.)
[21]
Selon la Cour d’appel, l’article
[22]
L’article
[23] Le premier alinéa du nouvel article permet clairement de réclamer pour un enfant des aliments pour des besoins existant plus d’un an avant la demande :
595. On peut réclamer, pour un enfant, des aliments pour des besoins existant avant la demande; on ne peut cependant les exiger au-delà de trois ans, sauf si le parent débiteur a eu un comportement répréhensible envers l'autre parent ou l'enfant.
(…)
(Le Tribunal souligne.)
[24] La jurisprudence n’est pas encore fixée relativement à l’application de cet article.
[25] Selon un courant jurisprudentiel[3], le nouvel article ne s’applique pas aux demandes effectuées avant son entrée en vigueur, car autrement il aurait un effet rétroactif malgré l’absence d’un texte le prévoyant explicitement ou l’exigence implicite d’une telle interprétation.
[26] Selon un autre courant jurisprudentiel[4], qui s’appuie notamment sur l’absence de disposition transitoire, les débats parlementaires et l’intérêt de l’enfant, il incombe au contraire de donner immédiatement son plein effet apparent à la disposition, et ce, même aux demandes effectuées avant son entrée en vigueur.
[27]
Dans le cas présent, la demande n’a pas été signifiée avant l’entrée en
vigueur de l’article
[28]
Cela dit, l’obligation continue des parents de pourvoir suffisamment aux
besoins de l’enfant, matière d’ordre public, doit être au cœur de l’analyse des
effets de l’article 595 C.c.Q.[5].
Or, l’obligation alimentaire précède l’adoption de l’article
[29] L’enfant a donc droit aux aliments depuis le 1er janvier 2011 à la hauteur de la capacité respective des parties d’y pourvoir.
[30] Madame n’a pas expliqué pourquoi elle a entrepris en 2010 l’exploitation d’une entreprise ayant entraîné une diminution considérable et prolongée de ses revenus peu de temps après que Monsieur se soit trouvé du travail.
[31] Or, chaque parent est débiteur alimentaire de l’enfant. Un débiteur alimentaire ne peut se soustraire volontairement à ses obligations.
[32] Par ailleurs, il est difficile de croire que Madame maintient le même niveau de vie qu’avant son déménagement de juillet 2010 avec des revenus réels près de trois fois inférieurs.
[33] Le Tribunal impute en conséquence à Madame des revenus annuels de 40 000 $ depuis le 1er janvier 2011.
[34] Sauf en situation de nécessité urgente, un parent ne doit pas engager unilatéralement des frais particuliers importants pour l’enfant sans consulter préalablement l’autre parent.
[35] Monsieur ne conteste pas l’utilité des cours de langue de X (350 $ par année)[8]. Considérant, en outre, la relative modicité des frais s’y rapportant, chaque parent doit assumer ces frais en proportion de ses moyens.
[36] L’enfant souffre d’asthme. Les deux parents doivent également contribuer en proportion de leurs moyens à acquitter les frais particuliers liés à sa santé.
[37] En 2011 et 2012, Madame a payé 226,75 $ par année en frais de santé pour l’enfant, mais elle ne devra vraisemblablement rien dépenser à ce titre en 2013 puisque Monsieur bénéficie d’une couverture d’assurance pour l’enfant.
[38] En résumé, pour l’année 2011, la pension alimentaire s’élève à 2 753,73 $. Monsieur a payé 2 400 $ et doit donc 353,73$. Pour l’année 2012, la pension s’élève à 2 813,37 $. Monsieur a payé 2 400 $ et doit donc 413,37 $.
[39] Monsieur doit ainsi une somme totale de 767,10 $ pour 2011 et 2012.
[40] Pour 2013, la pension alimentaire s’élève à 232,79 $ par mois. En janvier et février 2013, Monsieur a déjà payé 600 $ au total au lieu de 465,48 $. La différence de 134,42 $ réduira sa dette à 632,68 $.
[41] La garde de l’enfant ne confère pas désormais à Madame l’exclusivité de l’autorité parentale[9]. Même lorsque la garde de l'enfant est confiée à l'un des parents les père et mère conservent le droit de surveiller son entretien et son éducation et sont tenus d'y contribuer à proportion de leurs facultés[10].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
CONFIE à Madame la garde de l’enfant X;
ACCORDE à Monsieur les droits d’accès suivants à l’enfant : tous les vendredis après les cours jusqu’au dimanche soir après souper;
ORDONNE à Monsieur, à compter du 1er mars 2013, de verser à Madame pour l’entretien alimentaire de l’enfant en 2011 et 2012 la somme totale de 632,68 $ à raison de six versements mensuels égaux de 105,44 $;
ORDONNE également à Monsieur, à compter du 1er mars 2013, de verser à Madame pour l’entretien alimentaire de l’enfant la somme de 232,79 $ par mois;
ORDONNE aux parties de s’échanger, chaque année, dans les quinze jours de leur transmission aux autorités fiscales fédérales et provinciales compétentes leurs déclarations de revenus et, dans les quinze jours de leur réception, leurs avis de cotisation;
SUGGÈRE à Monsieur d’acquitter lui-même les frais de l’enfant admissibles à la couverture d’assurance dont Monsieur dispose avant de réclamer de Madame toute partie non assurée en proportion des revenus respectifs des parties;
RAPPELLE que les deux parents exercent ensemble l’autorité parentale;
Sans frais.
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__________________________________ LOUIS-PAUL CULLEN, J.C.S. |
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Me Patricia Gauthier |
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Grégoire, Gauthier, Avocats |
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Procureure de Madame |
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J… G…, non représenté |
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Date d’audience : |
13 février 2013 |
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[1]
L. G. c. Y.L.,
[2]
Droit de la famille — 10234,
[3]
Droit de la famille - 121925,
[4]
Droit de la famille - 122743,
[5]
D.B.S. c. S.R.G.; J.J.W. c. T.A.R.; Henry c.
Henry; Hiemsta c. Hiemsta,
[6]
Article
[7]
Article
[8] Les autres frais scolaires sont minimes et relèvent de la contribution parentale de base.
[9]
Article
[10]
Article
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.