Eurobloq inc. c. Matériaux de construction Oldcastle Canada inc.

2013 QCCA 509

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

No:

500-09-023382-138

 

(500-17-066060-115)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE:

Le 21 mars 2013

 

 

L’HONORABLE MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 

PARTIE APPELANTE/REQUÉRANTE

AVOCAT

EUROBLOQ INC.

Me Pierre Jude Thermidor
HOLMESTED & ASSOCIÉS S.E.N.C.

 

 

 

PARTIE INTIMÉE

AVOCAT

LES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION OLDCASTLE CANADA INC.

Me Jean-Francois Cliche
CANTIN CANTIN CLICHE AVOCAT INC.

 

 

 

REQUÊTE POUR PERMISSION D'APPELER D’UN JUGEMENT

DE LA COUR SUPÉRIEURE, DISTRICT DE MONTRÉAL,

(L’HONORABLE CLAUDINE ROY)

DU  1er FÉVRIER 2013

(Articles 29 et 511 C.p.c.)

 

 

Greffière: Elena  Captari 

Salle: RC.18

 


 

 

AUDITION

 

 

9 h 30 : Début de l'audience.

Madame la juge St-Pierre rend jugement - voir procès-verbal page 3

Fin de l'audience.

 

 

 

 

 

 

 

Elena Captari

Greffière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

 

[1]          Je suis saisie d'une requête pour permission d'appeler d'un jugement qui, dans le contexte d'un interrogatoire au préalable tenu, accueille des objections à la preuve pour cause d'expédition de pêche et d'absence de pertinence.

[2]          Tous reconnaissent que la juge énonce correctement et complètement les principes de droit applicables. Cela dit, le procureur de la requérante soutient qu'elle commet des erreurs au moment de les appliquer et que ces erreurs doivent être révisées par notre Cour à la suite d'une permission d'appeler accordée aux termes des articles 29 et 511 C.p.c.

[3]          Je ne suis pas d'accord.

[4]          Trois motifs m'amènent à conclure de la sorte :

·        Il ne s'agit pas d'une situation visée par l'article 29 C.p.c.;

·        La juge ne commet pas d'erreurs;

·        Dans ces circonstances, même en assumant que le cas soit visé par l'article 29 C.p.c., les fins de la justice ne requièrent pas qu'une permission d'appel soit accordée aux termes de l'article 511 C.p.c.

 

Il ne s'agit pas d'un cas de l'article 29 C.p.c

 

[5]          La partie pertinente de l'article 29 C.p.c. est ainsi rédigée:

29.       (extraits) Est également sujet à appel, conformément à l'article 511, le jugement interlocutoire de la Cour supérieure ou celui de la Cour du Québec mais, s'il s'agit de sa compétence dans les matières relatives à la jeunesse, uniquement en matière d'adoption :

1.  lorsqu'il décide en partie du litige;

2.  lorsqu'il ordonne que soit faite une chose à laquelle le jugement final ne pourra remédier; ou

3.  lorsqu'il a pour effet de retarder inutilement l'instruction du procès.

            […]

[6]   Je ne peux légalement accorder de permission que si la requérante établit un cas de l'article 29 C.p.c., (Elitis Pharma inc. c. RX Job inc, 2012 QCCA 1348 , requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2013-02-14), 35012) soit, en l'espèce, que les décisions de la juge dont elle se plaint décident en partie du litige ou qu'elles ordonnent une chose à laquelle le jugement final ne pourra remédier.

[7]   La requérante plaide que tels sont les effets des décisions puisqu'elle serait privée de son droit à une défense pleine et entière, empêchée de retenir les services d'un expert apte à préparer et à achever une expertise et, cela étant, précipitée dans un procès qui risque de ne pas être juste et équitable.

[8]   Ces prétentions ne tiennent pas la route.

[9]   La requérante est en mesure de se défendre. D'ailleurs, on le constate facilement à la lecture du plaidoyer et de la demande reconventionnelle déposé au dossier alors que force est de constater que la demande reconventionnelle constitue une réclamation chiffrée, précise et détaillée.

[10]       L'argument du droit à une défense pleine et entière, interprété comme signifiant le droit à l'enquête royale ou à l'excursion de pêche, doit être écarté du revers de la main. La simple lecture des articles 6 et 7 du Code civil du Québec et des articles 4.1 à 4.3 du Code de procédure civile suffit pour s'en convaincre. Certes, les parties sont maîtres de leur dossier, mais cette maîtrise loge à l'enseigne de la bonne foi,  de l'absence d'abus et d'intention de nuire, et d'un usage raisonné et raisonnable des ressources judiciaires permettant un accès à la justice dans le respect de la règle de la proportionnalité.

[11]       C'est à tort que la requérante soutient que les décisions de la juge la privent de la possibilité de retenir les services d'un expert apte à préparer et à achever un rapport pertinent, si tant est que cela soit utile ou nécessaire.

[12]       Premièrement, il est loin d'être évident que le présent dossier requiert une preuve par expert. À première vue, il ne me semble pas soulever des questions techniques ou scientifiques qui donnent lieu à une telle preuve (voir notamment : Royer, Jean-Claude, La Preuve civile, 4e édition, Éditions Yvon Blais, aux pages 325 et suivantes).

[13]       Deuxièmement, s'il fallait voir les choses autrement, la jurisprudence reconnaît qu'un expert peut se fonder sur du ouï-dire (voir notamment : Royer, Jean-Claude, La Preuve civile, 4e édition, Éditions Yvon Blais, pages 339 et 340, paragraphe 477 et la jurisprudence y citée) de sorte que rien n'empêche l'usage d'hypothèses, dont celles mises de l'avant par la requérante à sa réclamation chiffrée et détaillée (hypothèses qui, en principe, ne devraient pas être de pures spéculations).

[14]       Ainsi, les décisions de la juge ne décident pas en partie du litige et elles n'ordonnent rien auquel le jugement final ne pourra remédier.

[15]       À ce propos d'ailleurs, il n'est pas sans intérêt de signaler la prudence dont la juge a fait preuve lors de la rédaction de ses motifs afin de ne pas donner l'impression de lier le juge du fond (qui aura un portrait plus complet de l'affaire, le cas échéant) alors qu'elle écrit, aux paragraphes 21 et 23 de son jugement :

[21] Pour l'instant, l'on ignore si Permacon a fait quelque promesse ou représentation que ce soit à Eurobloq concernant le fait que cette dernière obtiendrait les meilleurs prix et les meilleurs rabais.

[23] Exiger la production de ces documents à ce stade-ci permettrait à Eurobloq d'obtenir des informations capitales sur tous ses concurrents, allant bien au-delà du litige qui l'oppose à Permacon.

(Je souligne et j'ajoute le caractère gras)

La juge ne commet pas d'erreurs

[16]       À mon avis, l'analyse que fait la juge de première instance ne comporte aucune erreur : il s'agit d'une analyse soignée et détaillée effectuée à l'étape de l'interrogatoire au préalable et en fonction des principes de droit qui s'y appliquent, correctement identifiés et appliqués à la situation.

[17]       La juge a raison de retenir que la requérante semble vouloir se livrer à une expédition de pêche. La jurisprudence établit que cela ne peut pas et ne doit pas être toléré (voir notamment : Royer, Jean-Claude, La Preuve civile, 4e édition, Éditions Yvon Blais, pages 475 à 478, paragraphes 609 et 620 et la jurisprudence y citée portant sur cette question).

 

Les fins de la justice ne requièrent pas qu'une permission soit accordée

[18]       L'article 511 C.p.c. est ainsi rédigé.

511.     L'appel d'un jugement interlocutoire n'a lieu que sur permission accordée par un juge de la Cour d'appel, lorsqu'il estime qu'il s'agit d'un cas visé à l'article 29 et que les fins de la justice requièrent d'accorder la permission; il doit alors ordonner la continuation ou la suspension des procédures de première instance.

[19]       Je ne saurais conclure que les fins de la justice requièrent d'accorder une permission alors que je retiens que l'appel serait voué à l'échec.

La « justice » dont parle cet article n'est pas une justice absolue mesurée à l'aune du seul intérêt de la partie requérante, mais une justice pratique, tenant compte des intérêts de toutes les parties en cause et tenant compte aussi de la bonne marche et de l'économie du système judiciaire, qui accorde une importance désormais capitale à la proportionnalité, principe consacré par l'article 4.2 C.p.c. et qui s'applique également au stade de l'appel. C'est ce qui explique, par exemple, qu'un pourvoi dont le juge autorisateur estime qu'il est voué à l'échec ou a peu de chances de succès ne sera pas permis. Il faut souligner enfin que, dans l'exercice du pouvoir que lui confère l'article 511 C.p.c., le juge saisi de la requête pour autorisation d'appel jouit d'une vaste latitude.

 En l'espèce, l'intérêt de la justice s'oppose à ce que soit accordée la permission recherchée. (Corporation Sun Media c. Gesca ltée ( 2012 QCCA 682 ))

 

 

 

 

POUR CES MOTIFS. JE:

 

[20]       REJETTE la requête pour permission d'appeler avec dépens.

 

 

 

 

 

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.