Décision

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Ghaho c. Germain

2013 QCCS 2604

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-056748-109

 

 

DATE :

LE 12 JUIN 2013

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

GÉRARD DUGRÉ, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

BLANDINE GHAHO

Demanderesse

c.

 

DANIEL GERMAIN

            Défendeur

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

i.          introduction

[1]           Quelles sont les obligations d’un locateur qui désire mettre à la rue les biens qu’une locataire laisse dans un corridor de son l’immeuble? Peut-il se faire justice lui-même? Il s’agit là de quelques-unes des questions que le Tribunal doit trancher dans le cadre de la présente affaire.

[2]           La demanderesse, Blandine Ghaho, sexagénaire originaire du Cameroun, réclame 78 850 $ du défendeur, Daniel Germain, soit 68 850 $ à titre de dommages-intérêts pour préjudice causé à ses équipements et accessoires de couturière et 10 000 $ de dommages exemplaires.

[3]           M. Germain conteste tant le fondement que le quantum de ces réclamations et en demande le rejet.


 

ii.       contexte

 

[4]           En février 2009, Mme Ghaho désire aménager, avec sa nièce, dans un immeuble de la rue Lajeunesse, à Montréal, propriété de M. Germain et de son fils. Les parties signent alors un bail pour un appartement de 5 pièces et demie, et ce, pour une durée de onze mois commençant le 1er mars 2009[1].

[5]           Mme Ghaho, couturière à la retraite, a aussi besoin d’un local pour entreposer ses machines à coudre industrielles, ses tissus, patrons, dentelles, rideaux ainsi que tous les accessoires de couture de son ancien atelier exploité sous la raison sociale Tante Blandine Couture. Elle loue donc du défendeur - pour 250 $ par mois - un espace de 600 pi² situé au sous-sol du même immeuble. Les 17 et 18 février, M. Germain et Mme Ghaho signent un bail pour entreposage commercial du locker no 4[2] pour la période du 1er mars au 31 août 2009. Mme Ghaho y entrepose ses biens sans problème jusqu’en août 2009.

[6]           Vers le 22 août 2009, une infiltration d’eau se produit au sous-sol de l’immeuble causant des dommages aux biens entreposés de la demanderesse. Vu l’état des lieux, Mme Ghaho se voit dans l’obligation de sortir ses biens de l’espace loué et de les placer dans les corridors adjacents afin que le locateur et ses employés procèdent à la remise en état des lieux[3].

[7]           À la fin du mois d’août 2009, le défendeur loue (pour 150$ par mois) une nouvelle remise à Mme Ghaho, mais beaucoup plus petite que la précédente (300 pi2)[4] (et lui fait crédit du loyer d’août du locker #4). Selon la demanderesse, cette nouvelle remise étant trop petite, c’est donc à compter de ce moment qu’elle a dû laisser ses machines à coudre industrielles dans les corridors du sous-sol et dans le garage. Toutefois, selon le défendeur, les machines à coudre avaient été laissées dans les corridors dès l’arrivée de la demanderesse en mars 2009.

[8]           De la fin août au début novembre 2009, le défendeur, son fils et son concierge, Ronald Fleury, ont avisé à maintes reprises la demanderesse de déplacer ses machines afin de libérer les corridors et permettre l’accès aux valves d’eau et de gaz naturel.

[9]           La demanderesse n’ayant pas encore obtempéré, le ou vers le 7 novembre 2009, le défendeur et son concierge se rendent à son appartement pour lui expliquer qu’elle devait libérer le corridor de ses machines à coudre et la sommer d’enlever ses machines tout en lui expliquant que « s’il y avait urgence, on ne pouvait pas avoir accès aux valves d’eau et de gaz », le cas échéant. Lors de cette visite, le défendeur aurait dit à Mme Ghaho que si elle n’enlevait pas ses machines et accessoires avant le 16 novembre 2009, il considérerait qu’elle l’autorisait à mettre tous ses biens à la rue.

[10]        La demanderesse nie catégoriquement avoir autorisé M. Germain à mettre ses biens à la rue, mais qu’elle a plutôt demandé à ce dernier l’aide d’un de ses employés (un certain M. Maurice) afin de déplacer ses biens dans un endroit approprié.

[11]        Le 17 novembre 2009, le défendeur, constatant que Mme Ghaho n’avait rien fait, procéda à évacuer les corridors de son immeuble et à déposer tous les biens de la demanderesse sur le trottoir; bref à les mettre sur le carreau.

[12]        Cette journée est particulièrement mouvementée, c’est le moins qu’on puisse dire. Le matin, le défendeur confirme de nouveau avec le ferrailleur Michel Boudreault qu’il viendra quérir les biens qui seront sur le trottoir en face de l’immeuble vers 16 h ce jour-là. Par la suite, le défendeur et son fils s’affairent à mettre à la rue les biens et équipements de Mme Ghaho. Vers 16 h, Mme Ghaho, alertée que ses biens sont sur le trottoir et que quelqu’un s’apprête à les emporter, se présente sur les lieux. M. Boudreault communique alors avec M. Germain qui l’avise de laisser Mme Ghaho prendre quelques-uns de ses biens qu’il avait mis à la rue et d’emporter le reste. 

[13]         Une altercation s’ensuit, Mme Ghaho se blesse au bras. Elle affirme avoir séjourné à l’hôpital pendant plus d’une semaine. D’ailleurs, le fils du défendeur affirme que le ferrailleur Boudreault lui a confirmé avoir été condamné à 1 000 $ d’amende suite à cet événement.

[14]        M. Germain n’a pas jugé opportun d’aviser Mme Ghaho, qui est pourtant demeurée toute la journée dans son appartement. Interrogé pourquoi, le défendeur répond : « ça ne m’a pas effleuré l’esprit».

[15]        Avant de conclure, il convient de noter qu’à la suite du dégât d’eau du mois d’août 2009, le défendeur affirme avoir consenti à la demanderesse divers crédits totalisant 1 200 $[5].

[16]        Enfin, la demanderesse a témoigné qu’elle voulait conserver ses machines à coudre et autres équipements, car elle avait un projet de les expédier au Cameroun afin d’y aménager un atelier pour femmes et leur donner une formation de couturière.

 

iii.      preuve

 

[17]        Mme Ghaho a témoigné en demande, en contre-preuve et elle a produit différentes pièces.

[18]        En défense, M. Vincent Marquis-Germain, fils du défendeur, a témoigné, de même que le concierge Ronald Fleury. Le défendeur M. Germain a aussi témoigné au soutien de sa défense. Diverses pièces ont également été produites au soutien de la contestation de l’action de Mme Ghaho.

[19]        Le Tribunal référera aux éléments de la preuve dans la mesure où il est nécessaire de le faire afin de trancher le débat entre les parties.

 

iv.      question en litige et position des parties

 

[20]        Les réclamations de la demanderesse totalisant 78 850 $ sont-elles bien fondées?

[21]        Le procureur de la demanderesse soutient que cette dernière est en droit de réclamer 25 000 $ pour la perte de tissus, patrons, dentelles et rideaux suite au dégât d’eau qui s’est produit dans le local qu’elle avait loué du défendeur pour y entreposer ses biens.

[22]        De plus, il affirme qu’elle a droit à 6 500 $ pour la perte de rideaux déjà confectionnés pour des clientes et qui étaient entreposés dans ce local.

[23]        Il soutient aussi qu’elle a droit à 37 350 $ pour la perte d’équipements de couture[6] suite à la prise de possession illégale de ses équipements par le défendeur, qui les a mis à la rue sans droit et sans aucune autorisation.

[24]        Enfin, il plaide qu’elle est en droit d’obtenir 10 000 $ à titre de dommages exemplaires puisque le défendeur a agi de façon illicite et intentionnelle en violant ses droits fondamentaux protégés par la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12) (la « Charte »).

[25]        Le procureur du défendeur rétorque que l’action de la demanderesse doit être rejetée.

[26]        D’abord, le bail du local contient une clause d’exonération de responsabilité qui doit entraîner le rejet de la réclamation pour les dommages causés aux tissus, patrons, dentelles et rideaux suite au dégât d’eau accidentel, ainsi que celle relative à la perte de rideaux déjà confectionnés pour des clientes.

[27]        Concernant la perte d’équipements de couture, il soutient que le défendeur a obtenu l’autorisation préalable de Mme Ghaho avant de les mettre à la rue pour libérer les corridors de son l’immeuble.

[28]        Quant aux dommages punitifs, il affirme que le défendeur a agi de bonne foi et avec l’autorisation de la demanderesse. Cette réclamation devrait donc, elle aussi, être rejetée.

 

v.       analyse

[29]        Il convient d’examiner maintenant chacune des quatre réclamations de Mme Ghaho à la lumière de la preuve. Avant de ce faire, il importe de faire quelques remarques préliminaires.

[30]        Il est vrai que la preuve en l’espèce est sommaire et contradictoire et qu’il incombe à la demanderesse de prouver le bien-fondé de ses réclamations. Toutefois, comme le soulignait le juge Taschereau, plus tard Juge en chef, dans Parent v. Lapointe, [1952] 1 S.C.R. 376 , p. 380, s’exprimant pour le Cour « […] c’est par la prépondérance de la preuve que les causes doivent être déterminées, et c’est à la lumière de ce que révèlent les faits les plus probables, que les responsabilités doivent être établies» [soulignement ajouté].

[31]        De plus, comme le précisait le juge Monet, pour la Cour d’appel, dans l’arrêt Desjardins c. Ville de Montréal, J.E. 89-1254 , p. 7-8 : « Nous sommes ici en présence d’une question d’appréciation des preuves et non d’attribution de la charge de la preuve. À partir du moment où le juge dispose d’éléments de conviction suffisants, l’incertitude qui est la condition même de la prise en considération de la charge de la preuve n’existe plus. »

[32]        En ce concerne les règles régissant la preuve du quantum des dommages, nous en traiterons dans le cadre de chacune des réclamations.

 

 

 

 

 

A.    Réclamation de 25 000 $ pour perte de tissus, patrons, dentelles et rideaux

 

[33]        Le Tribunal conclut que la demanderesse a prouvé tous les éléments nécessaires pour établir la responsabilité du défendeur quant à cette réclamation. Mme Ghaho a entreposé ses biens dans le local loué du défendeur. Une infiltration d’eau a causé la perte d’une partie de ses biens. La preuve révèle que le défendeur savait - ou devait savoir - qu’une infiltration d’eau était susceptible de se produire dans le local loué à la demanderesse. Il devait donc l’aviser afin qu’elle prenne les mesures nécessaires afin de protéger ses biens dans une telle éventualité.

[34]        Par cette omission, le défendeur a commis une faute lourde - imprudence et négligence grossières en l’espèce - qui rend inapplicable sa clause d’exonération de responsabilité stipulée dans le bail d’entreposage commercial[7] (local no.4).

[35]        Les tractations intervenues entre Mme Ghaho et M. Germain aux mois d’août et de décembre 2009 relativement aux montants du loyer résidentiel et du local n’ont pas pour effet d’empêcher Mme Ghaho de réclamer des dommages-intérêts du défendeur. En effet, la preuve révèle que l’entente intervenue entre les parties ne constitue pas une transaction, d’une part, et que Mme Ghaho n’a jamais renoncé à ses recours, d’autre part.

[36]        Il reste maintenant à établir le quantum des dommages-intérêts auxquels la demanderesse a droit pour compenser cette perte. Le principe de la réparation intégrale - à la base de la responsabilité civile - exige de replacer Mme Ghaho dans la situation où elle se trouverait si l’incident ne s’était pas produit.

[37]        En l’espèce, outre les photos et le témoignage de Mme Ghaho, le Tribunal dispose de peu d’éléments de preuve pour lui permettre d’établir judiciairement le quantum des dommages-intérêts nécessaires afin de replacer la demanderesse dans la même situation qu’elle aurait été si le défendeur n’avait pas commis de faute.

[38]        Toutefois, le caractère sommaire de la preuve ne doit pas empêcher le Tribunal de trancher le quantum des dommages. Comme le soulignait la Cour d’appel dans Provigo Distribution inc. c. Supermarché A.R.G. inc., [1998] R.J.Q. 47 , à la p. 84, relativement à l’évaluation des pertes subies par des marchés d’alimentation :

La présence de nombreux facteurs difficilement prévisibles ou appréciables rendait l'évaluation du préjudice fort compliquée. La difficulté supplémentaire éprouvée par cette Cour d'évaluer le dommage en ne tenant compte que de la preuve constituée au dossier l'excusera sans doute de ne pas pouvoir y appliquer une rigueur strictement mathématique. Elle doit donc procéder à ce calcul en faisant appel à une certaine approximation, à un certain degré d'appréciation et à sa discrétion. C'est cependant là le rôle des juges.

[39]        La Cour suprême, dans Aubry c. Éditions Vice-Versa, [1998] 1 R.C.S. 591 , a mis en garde les tribunaux d’accorder des dommages nominaux sous prétexte de dissimuler l’absence de preuve de préjudice. Or, en l’espèce, le Tribunal est satisfait que la preuve révèle bel et bien que la faute du défendeur a causé un préjudice à la demanderesse.

[40]        Il reste donc au Tribunal d’exercer son rôle et de quantifier judiciairement les dommages-intérêts nécessaires pour compenser le préjudice subi par la demanderesse.

[41]        À la lumière de la preuve, particulièrement du témoignage de la demanderesse, des pièces et des diverses photos produites, le Tribunal accorde à la demanderesse la somme de 4 500 $ pour l’indemniser du préjudice résultant de la perte de ses tissus, patrons, dentelles et rideaux détruits suite à l’infiltration d’eau dans le local qu’elle avait loué du défendeur, compte tenu d’un crédit d’environ 1 200 $ déjà accordé par ce dernier.

 

B.   Réclamation de 6 500 $ pour perte de rideaux déjà confectionnés pour des clientes

 

[42]        La preuve au soutien de cette réclamation pour les rideaux déjà confectionnés pour des clientes est insuffisante pour permettre au Tribunal de conclure que Mme Ghaho a subi un préjudice direct et certain à cet égard.

[43]        Il appert en effet que les clientes avaient fourni leurs propres tissus à la demanderesse[8]. Or, aucune réclamation des clientes n’a été mise en preuve suite à la perte de leurs tissus entreposés dans le local où il y a eu une infiltration d’eau.

[44]        En conséquence, cette réclamation est rejetée.

 

 

 

 

 

 

C.   Réclamation de 37 350 $ pour perte d’équipements de couture suite à la prise de possession illégale par le défendeur

 

[45]        Le défendeur a mis à la rue les biens de Mme Ghaho sans la mettre préalablement en demeure conformément à la loi et sans obtenir l’autorisation judiciaire ou quasi judiciaire préalable du tribunal compétent. Bref, il s’est fait justice lui-même. Il importe donc de déterminer si la violation par le défendeur de l’adage « nul ne peut se faire justice à soi-même »[9] -  maintenant érigé au rang de principe - constitue une faute en droit civil québécois. Pour ce faire, il convient d’abord d’examiner l’origine de ce principe. En effet, comme le rappelait le regretté juge Dickson, plus tard Juge en chef : «[a] page of history may illuminate more than a book of logic»[10].

[46]        Le Tribunal fera cet examen en trois étapes. Premièrement, il est essentiel de définir la justice privée, qui a précédé l'adage au cœur du présent litige, et qui représente en fait son antithèse. Deuxièmement, il est important de préciser le contexte dans lequel cet adage est né. Troisièmement, on analysera sa place au sein de notre environnement législatif.

           

            1. La justice privée

 

[47]        Dans l'ouvrage La Justice privée, son évolution dans la procédure romaine, l'auteur Louis Crémieu définit la justice privée comme «[…] le fait pour un individu de poursuivre par lui-même l'exécution de son droit.»[11] Elle existe sous deux aspects: la vengeance privée (moins civilisée) et la justice privée proprement dite.

[48]        La vengeance privée sert à se venger de l'auteur du tort et de s'assurer soi-même que le préjudice a été réparé. La justice privée, bien que ressemblant à la vengeance privée, prend assise dans le droit. L'individu, titulaire d'un droit, peut en poursuivre l'exécution ou en assurer le respect par ses propres moyens[12].

[49]        La justice privée est considérée «[…] comme constituant aux époques primitives le mode normal d'exécution des droits et de défense individuelle.»[13] Elle est toutefois un procédé d'exécution imparfait. Dans un modèle de justice privée, un créancier, qui est dans ses droits, n'est pas assuré d'être remboursé par un débiteur plus fort ou plus influent. La brutalité et le caractère aléatoire de la justice privée se retrouvent dans toutes les législations primitives[14]

[50]        Il est intéressant de rappeler que la justice privée était, à ces époques, un mal nécessaire. À l'origine des sociétés humaines, un modèle de justice publique était impossible parce que l'État, sous la forme d'un pouvoir central, n'existait tout simplement pas[15]

[51]        La justice privée est un principe universel. Elle a pris forme «[…] à toutes les époques et dans tous les milieux. Elle correspond à une étape nécessaire de l'histoire des civilisations humaines. Elle se rencontre dans toutes les législations - législations des peuples d'Orient comme des peuples d'Occident -, législations des temps anciens comme des temps modernes.»[16]

 

            2. La naissance de l'adage «nul ne peut se faire justice à soi-même»

 

[52]        La justice privée a donc été une étape dans l'évolution législative des civilisations. Avec le temps, la naissance de la puissance publique dans une forme semblable à celle que nous connaissons aujourd'hui a permis de retirer la justice de la sphère privée. C'est sous le règne de Rome que ce changement s'est d'abord opéré.

[53]        L'adage n'a pas été codifié et n'est pas né à un moment précis. Il est le résultat de nombreuses mesures prises par l'État romain pour limiter la présence de la justice privée[17].

[54]        Un exemple concret est la loi Pœtelia Papiria, qui date de la première moitié du Ve siècle. Cette loi avait pour objet d'empêcher le créancier de mettre à mort ou de vendre comme esclave son débiteur. À la place, le débiteur pouvait être maintenu prisonnier et travailler pour le créancier[18].

[55]        Sous Auguste, la loi Julia de vi publica et privata interdisait tout acte de violence, même lorsqu'il servait à la réalisation d'un droit. Un tel acte de violence était puni par des peines publiques[19].

[56]        Marc-Aurèle, dans le decretum Marci, interdisait clairement les actes de justice privée, auxquels il accolait des sanctions rigoureuses[20]. Cette loi, contrairement à celle d'Auguste, interdisait tous les actes de justice privée, pas seulement ceux empreints de violence[21].

[57]        Une autre constitution impériale, émanant des empereurs Valentinien, Théodose et Honorius, interdisait le propriétaire dépossédé de sa chose de la reprendre par la force. En agissant ainsi, sous cette loi impériale, ce dernier perdait son droit de propriété[22].

[58]        C'est à partir de ces lois que le justiciable a perdu, en partie du moins, le droit de se faire justice lui-même. Toutefois, même en droit québécois, la justice privée n'a pas complètement disparu.

 

            3.  L'adage «nul ne peut se faire justice à soi-même» et le droit québécois

 

[59]        Avant tout, il est essentiel de constater que l'adage n'est pas clairement codifié en droit québécois. Il est impossible de le retrouver dans sa forme littérale à l'intérieur du Code civil du Québec, ou même dans les autres lois et règlements édictés par le législateur québécois. Cela ne veut toutefois pas dire que le droit québécois n'est pas imprégné du principe juridique derrière l'adage.

[60]        À plusieurs endroits dans le Code civil, lorsqu'il est question de bonne foi, comme aux articles 6, 7 et 1375, ou de responsabilité civile, comme aux articles 1457 et 1458, il est évident que le législateur québécois a voulu interdire la justice privée.

[61]        Il y a toutefois, en droit civil québécois, certaines traces de justice privée. Par exemple, le droit de rétention prévu à l'art. 1592 C.c.Q. Le créancier impayé peut, sans avoir recours aux tribunaux, retenir le bien appartenant au débiteur jusqu'au paiement total de la créance. L’exception d’inexécution est un autre exemple (art. 1591). Il est également possible pour un créancier, en vertu de l'art. 1605 C.c.Q., d'obtenir la résolution d'un contrat sans poursuite judiciaire. Il suffit que le débiteur soit en demeure de plein droit ou qu'il n'ait pas exécuté son obligation dans le délai fixé par la mise en demeure. L'adage n'est donc pas systématiquement appliqué en droit civil.

[62]        À l'opposé, en droit criminel et pénal, l'adage, bien que non codifié, ne fait l'objet d'aucune exception. Bien que la légitime défense puisse venir à l'esprit lorsqu'il est question de justice privée, il importe de se rappeler que la peine continue d'être appliquée par un juge[23]. L'auteur de l'acte est donc toujours soumis à l'autorité du juge, donc de l'État.

[63]        Les auteurs Dussault et Borgeat commentent ainsi ce principe dans son application à l’exécution de décisions administratives :

Dans notre système juridique, il existe un principe fondamental qui veut que nul ne peut se faire justice à soi-même; ce principe s’applique à tout sujet de droit, qu’il s’agisse des institutions publiques ou des institutions privées. Ainsi, tout organisme ou autorité administrative ne peut mettre ses décisions à exécution forcée sans y être expressément autorisée par un texte de loi. Il faut donc un texte, sinon c’est l’exécution de droit commun qui s’applique, c’est-à-dire le recours aux tribunaux civils.[24]

[64]        Ce principe fondamental tire sa source de la primauté du droit (rule of law), un des principes fondateurs de notre Constitution : préambule de la Loi constitutionnelle de 1982 ; Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487 , par. 95.

[65]        On peut aussi rattacher ce principe à l’art. 23 de la Charte -  audition impartiale par un tribunal indépendant -, puisque celui qui se fait justice lui-même prive ainsi la victime de son droit d’être entendue préalablement par un tribunal, ne lui laissant que la possibilité d’un contrôle a posteriori des agissements du responsable. Évidemment, ce principe que « nul ne peut se faire justice à soi-même » n’est pas d’ordre public et les parties peuvent contractuellement en moduler l’application : Banque Nationale du Canada c. Atomic Slipper Co., [1991] 1 R.C.S. 1059 , p. 1080. Toutefois, la prudence doit gouverner l’utilisation de ce droit : Markarian c. Marché Mondiaux CIBC inc., 2006 QCCS 3314 , par. 640.

[66]        Or, en l’espèce, le défendeur devait mettre en demeure la demanderesse avant d’enlever ses biens des corridors et aucune disposition légale ne l’autorisait à procéder extrajudiciairement pour mettre à la rue les biens et équipements de la demanderesse. En se faisant justice lui-même, M. Germain a porté atteinte de façon injustifiable aux droits fondamentaux de la demanderesse. Bref, il a commis une faute causant préjudice à cette dernière.

[67]        Le procureur du défendeur plaide que le droit de propriété des biens meubles de la demanderesse ne lui donnait pas le droit de les entreposer dans un corridor de l’immeuble sans l’autorisation du défendeur. Selon le procureur, les biens de la demanderesse mettaient à risque la sécurité des autres locataires et que le défendeur devait se conformer aux lois et aux règlements en libérant l’accès des corridors.

[68]        Le Tribunal en convient. Mais, la véritable question est celle de savoir si les circonstances donnaient le droit au défendeur de mettre à la rue les biens de la demanderesse afin qu’un ferrailleur s’en empare, et ce, sans autorisation judiciaire préalable. Après analyse, le Tribunal conclut qu’une réponse négative s’impose en l’espèce.

[69]        Le procureur du défendeur plaide aussi que les biens qui ont été mis à la rue étaient des biens sans maître. Cet argument est clairement frivole. En effet, le défendeur savait pertinemment que les biens qu’il a mis à la rue appartenaient à Mme Ghaho et qu’elle ne les a jamais abandonnés : art. 934 C.c.Q.

[70]        Au soutien de sa preuve de quantum, la demanderesse a tenté de produire la pièce P-2, soit une soumission de la compagnie Machine à coudre Delisle inc. datée du 4 décembre 2009, décrivant les équipements ainsi que leur prix de remplacement. Cette soumission a été préparée et signée par M. Arthur Picotte, représentant des ventes de cette compagnie. Le procureur du défendeur s’est opposé à la production de cette pièce puisque M. Picotte n’est pas venu témoigner pour produire cette soumission. Le Tribunal a maintenu l’objection à la production de cette pièce lors du procès.

[71]        Le Tribunal conclut de la preuve contradictoire que le défendeur a mis sans droit à la rue quatre machines à coudre. Or, selon le témoignage de la demanderesse, le coût de ces machines pouvait varier entre 1 000 $ et 1 600 $[25]. Le Tribunal est d’avis d’arbitrer ce coût à 1 300 $ par machine à coudre pour un total de 5 200 $.

[72]        Quant aux autres biens mis à la rue et qui ont été perdus, le Tribunal estime la perte de Mme Ghaho à 1 500 $.

[73]        En conséquence, le Tribunal accorde 6 700 $ à la demanderesse à l’égard de cette réclamation.

[74]        Avant de clore ce chapitre, il importe de souligner que le défendeur n’était pas sans recours pour libérer les corridors de son immeuble. Une simple requête au tribunal compétent signifiée à la demanderesse aurait rapidement et complètement sauvegardé les droits des deux parties et évité la situation déplorable créée par les agissements du défendeur.

[75]        Ainsi, si le défendeur croyait que les biens de la demanderesse encombrant les corridors de l’immeuble étaient liés au bail du logement de Mme Ghaho, le défendeur aurait pu s’adresser à la Régie du logement afin d’obtenir l’autorisation nécessaire pour disposer des biens (art. 9.8 Loi sur la Régie du logement, L.R.Q., c. R-8.1 ; art. 1892 C.c.Q.). Si le défendeur estimait pouvoir lier la présence des biens de Mme Ghaho au bail pour entreposage commercial (locker #4), ce qui apparaît douteux à la lumière des art. 1892 et 1893 C.c.Q., il aurait pu s’adresser à la Cour du Québec par simple requête pour ordonnance de sauvegarde : art. 46 C.p.c., art. 22 c) C.p.c. et art. 34.1 ou 34.3 C.p.c.

[76]        Enfin, il aurait pu présenter sa demande d’ordonnance de sauvegarde à la Cour supérieure afin d’obtenir les directives nécessaires pour disposer des biens de la demanderesse tout en sauvegardant les droits des deux parties. En effet, la Cour supérieure, en vertu de sa compétence inhérente, possède toujours le pouvoir d’accorder des mesures provisionnelles urgentes : art. 46 C.p.c. ; art. 22  b) C.p.c.; R. c. Caron, [2011] 1 R.C.S. 78  , par. 27-31 ; Okwuobi c. Commission scolaire Lester-B.-Pearson, [2005] 1 R.C.S. 257 , par. 51-53.

[77]        Or, il convient de le redire, le défendeur a plutôt choisi de se faire justice lui-même. Ce faisant, il a violé le principe fondamental que « nul ne peut se faire justice à soi-même » enfreignant ainsi l’un des principes fondateurs de notre société, et dont les tribunaux sont les gardiens : la primauté du droit.

 

D. Réclamation de 10 000 $ à titre de dommages exemplaires

 

[78]        Un justiciable peut se voir attribuer des dommages-intérêts punitifs lorsque la loi le prévoit. Dans un tel cas, ceux-ci ne peuvent excéder ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive : art. 1621 al. 1 C.c.Q.

[79]        Or, la Charte prévoit justement qu’en cas d’atteinte illicite et intentionnelle à un droit ou à une liberté reconnus par la Charte, le Tribunal peut condamner l’auteur d’une telle violation à des dommages-intérêts punitifs : art. 49 al. 2[26].

[80]        Le défendeur était parfaitement conscient qu’en mettant sur le carreau les biens de la demanderesse, il commettait un acte fautif et manifestement illicite. En effet, il a jugé nécessaire de photographier la scène; or, qui estimerait utile de photographier les rebuts qu’il met à la rue?

[81]        À cet égard, il importe de reproduire cet extrait du témoignage du défendeur - alors contre-interrogé par le procureur de Mme Ghaho - décrivant la conversation téléphonique qu’il a eue avec le ferrailleur, Michel Boudreault, alors qu’il s’affaire à charger les biens de Mme Ghaho dans son camion - ceux que le défendeur avait mis à la rue - et que cette dernière tente, en vain, de l’en empêcher :

Q : Là maintenant M. Germain, je vais poser une question concernant cet appel téléphonique que vous avez eu de M. Boudreault. Vos mots, j’essaie de les reprendre le plus fidèlement possible depuis que vous les avez prononcés hier, c’était, (…) M. Boudreault vous aurait dit : « une madame noire … »

R : Non. « Y a une madame qui est ici puis elle veut que je vide le camion, qu’est-ce que je fais? »

Q : OK c’est ça, et là vous lui auriez dit : « Tu sais quoi, tu vas lui montrer, lui laisser choisir certaines belles choses qu’elle choisira et tu vas lui laisser prendre ces choses-là.» Est-ce bien ça que vous avez dit ? 

R : C’est pas ces mots-là, mais ce sens-là. J’ai dit : «Demande-lui de te pointer trois, quatre, cinq objets, machines ou quoi que ce soit qu’elle voudrait conserver, puis si elle te dit “je veux ça, ça, ça et ça”, prends la peine de le sortir, puis ça va racheter la paix (…)». Il m’a dit qu’elle criait, elle s’époumonait sur le trottoir.

[82]        Il est donc évident qu’en traitant les biens de Mme Ghaho comme s’ils étaient ses propres biens et en autorisant un tiers à se les approprier, le défendeur a clairement violé de façon illicite et intentionnelle les droits fondamentaux de cette dernière.

[83]        En effet, le défendeur a porté atteinte de façon injustifiable à trois droits fondamentaux de la demanderesse protégés par la Charte : a) son droit à la sauvegarde de sa dignité (art. 4); b) son droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens (art. 6); et c) son droit à une audition préalable par un tribunal avant que le défendeur mette ses biens à la rue (art. 23).

[84]        D’abord, le comportement méprisant du défendeur et de son ferrailleur à l’endroit de Mme Ghaho a clairement porté atteinte à la dignité de cette dernière. Le défendeur a donc enfreint de façon injustifiable le droit fondamental de Mme Ghaho à la sauvegarde de sa dignité, lequel est protégé par l’art. 4 de la Charte, et, selon la preuve, il a causé une atteinte illicite et intentionnelle à ce droit de la demanderesse.

[85]        Ensuite, il est manifeste que de prendre les biens meubles d’une locataire et de les placer à la rue porte atteinte au droit à la jouissance paisible des biens de cette dernière au sens de l’art. 6 de la Charte : Denis lamy, Bail résidentiel, la Charte québécoise et les dommages exemplaires, Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, p. 66.

[86]        Il est possible que les biens de Mme Ghaho qui encombraient les corridors de l’immeuble n’eussent pas le droit d’y être placés. Toutefois, cet état de fait ne dispensait pas le défendeur de mettre en demeure par écrit Mme Ghaho de les déplacer. De plus, cet état de fait n’autorisait pas le défendeur à mettre à la rue les biens de Mme Ghaho sans autorisation formelle préalable d’un tribunal compétent obtenue en suivant la procédure prescrite. En effet, de l’aveu même du défendeur, il n’y avait aucune urgence puisque les biens de Mme Ghaho encombraient les corridors, selon lui, depuis mars 2009.

[87]        En agissant comme il l’a fait, le défendeur s’est retrouvé dans une situation semblable à celle des entreprises de remorquage qui ont été condamnées à des dommages punitifs pour avoir saisi de facto des véhicules sans autorisation judiciaire préalable. Comme le souligne le juge Jean-Pierre Sénécal dans son jugement rendu dans l’affaire Markarian : « Ce n’est pas de cette façon que la vie en société et les règles de droit fonctionnent dans une société libre et démocratique gouvernée par la règle de droit» (par. 642).

[88]        Il est acquis que la violation de l’art. 6 de la Charte peut entraîner l’octroi de dommages punitifs. À cet égard, le juge Sénécal, toujours dans l’affaire Markarian (par 596), s’exprime comme suit :

Les tribunaux québécois ont accordé à plusieurs reprises des dommages punitifs dans le cadre de l’article 6.  Dans Investissements Historia inc. c. Gervais Harding et ass. inc. [ J.E. 2006-955 (C.A.)], la Cour d’appel a maintenu l’octroi de dommages punitifs sous l’empire de l’article 6 dans un cas d’atteinte illicite et intentionnelle par le propriétaire aux droits de la locataire à la jouissance paisible des lieux loués en vertu d’un bail commercial.  Dans Pearl c. Investissements Contempra ltée [ [1995] R.J.Q. 2697 (C.S.)], M. le juge Clément Trudel, de notre Cour, a accordé des dommages punitifs de 1 850 000 $ pour refus illégal de remettre les véhicules remorqués à leurs propriétaires à moins que ces derniers ne paient au préalable des frais de remorquage et d’entreposage.  Dans Aubry c. 3370160 Canada inc. [ J.E. 2001-908 (C.Q.)], la Cour a conclu que la reprise de possession forcée et illégale d’une voiture louée entrave la jouissance paisible et la libre disposition du bien, justifiant l’octroi de dommages punitifs de 3 000 $.  Dans Simard c. Grenier [ J.E. 99-830 (C.S.], appel rejeté sur requête le 31 mai 1999 (C.A.Q. 200-09-002576-996)), la Cour a conclu que la destruction illégale des biens d’une personne constitue une atteinte aux droits du propriétaire en vertu de l’article 6 de la Charte et a accordé 3 000 $ en dommages punitifs.  Dans Bilodeau c. Dufort [ REJB 2000-16738 (C.S.)], la Cour supérieure a condamné un liquidateur d’une succession à payer des dommages punitifs aux bénéficiaires de la succession pour retenue de certificats de dépôts à terme sans droit et sans justification.  Dans Paquin c. Le Territoire des Lacs inc. [ REJB 2002-38037 (C.S.)], des dommages punitifs ont été accordés contre un promoteur n’ayant pas respecté le plan de développement des propriétés vendues. »

[89]        Enfin, en se faisant justice à lui-même, le défendeur a violé le droit fondamental de la demanderesse protégé par l’art. 23 de la Charte : son droit à une audition de sa cause par un tribunal pour la détermination de ses droits et obligations avant que le défendeur ne mette ses biens sur le carreau. Or, aucune disposition légale n’autorisait le défendeur à procéder extrajudiciairement, et Mme Ghaho n’a jamais renoncé à son droit d’être entendue préalablement par le tribunal compétent.

[90]        La preuve révèle que cette atteinte est illicite et intentionnelle au sens de l’arrêt Hôpital St-Ferdinand[27] puisqu’il est manifeste que le défendeur avait la volonté de causer les conséquences de sa conduite et qu’il a agi en toute connaissance des conséquences immédiates et naturelles que cette conduite a engendrées. Dans les circonstances, le Tribunal conclut que la demanderesse a droit à des dommages-intérêts punitifs : art. 49 al. 2 de la Charte et art. 1621 C.c.Q.

[91]        Quant au quantum, le Tribunal estime qu’un montant de 7 500 $ est suffisant pour assurer la fonction préventive et dissuasive des dommages punitifs. Pour établir ce montant, le Tribunal a tenu compte notamment de la gravité de la violation, de la nature fondamentale des droits de la demanderesse qui ont été enfreints en l’instance, de la trentaine d’années d’expérience du défendeur en immobilier, de la fourchette des montants établie par la jurisprudence[28], et du fait que la demanderesse était clairement une personne vulnérable, tant physiquement que financièrement.

 

vi.      conclusion

[92]        En somme, le Tribunal conclut que Mme Ghaho a établi la responsabilité du défendeur pour la perte de ses tissus et de ses équipements. Les montants accordés en l’espèce lui permettront de compenser le préjudice qu’elle a subi.

[93]        Relativement aux dommages punitifs, la somme accordée est appropriée afin que leur fonction punitive et préventive soit atteinte et que l’objectif de dénonciation et de dissuasion de tels comportements soit réalisé, surtout lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, du respect de droits garantis par la Charte.

[94]        Enfin, quoique la justice privée soit de plus en plus admise en matière d’inexécution contractuelle, il demeure que le principe - nul ne peut se faire justice à soi-même - doit continuer de s’appliquer avec rigueur pour interdire la mise à la rue de biens sans autorisation judiciaire préalable, et ce, afin d’éviter l’anarchie, l’abus et la violence.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

[95]        ACCUEILLE en partie l’action de la demanderesse, Blandine Ghaho;

[96]        CONDAMNE le défendeur, Daniel Germain, à payer à la demanderesse la somme de 11 200 $ avec intérêt au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’art. 1619 C.c.Q. depuis l’assignation, soit le 9 mars 2010;

[97]        CONDAMNE le défendeur, Daniel Germain, à payer à la demanderesse, Blandine Ghaho, la somme de 7 500 $, plus intérêt au taux légal à partir de l’assignation, à titre de dommages-intérêts punitifs;

[98]        LE TOUT avec dépens.

 

 

 

 

 

 

_________________________________

GÉRARD DUGRÉ, J.C.S.

 

 

 

 

Me Robert Brankin

Procureur de la demanderesse

 

Me François Corbeil

Procureur du défendeur

 



[1]     Pièce P-12.

[2]     Pièce P-1.

[3]     La preuve est contradictoire quant à la date où se serait produit le dégât d’eau dans le locker #4. Mme Ghaho affirme qu’il s’est produit vers le 22 août 2009. Le fils du défendeur affirme qu’il s’est produit les 26 et 27 juillet 2009. Pour sa part, le concierge Fleury le situe à la fin juillet 2009. Quant au défendeur, il témoigne que le dégât d’eau s’est produit tant en juillet qu’en août 2009. Compte tenu que tous les protagonistes s’entendent qu’il y a eu un dégât d’eau, il n’est pas nécessaire de trancher cette question. Toutefois, dans l’ensemble, le Tribunal croit le témoignage de Mme Ghaho compte tenu de sa vraisemblance à la lumière de l’ensemble des circonstances.

[4]     Pièce D-3.

[5]     Ce crédit est calculé comme suit : 250 $ pour le locker #4 en août; réduction de 100 $ par mois pour 4 mois quant au locker #3, soit 400 $; 550 $ pour une partie du loyer du logement non réclamé en janvier 2010.

[6]     La soumission de Machine à coudre Delisle inc., pièce P-2, dresse la liste des équipements que Mme Ghaho a d’ailleurs confirmée. Toutefois, le Tribunal ne peut tenir compte des valeurs indiquées dans cette pièce puisque celui qui l’a préparée n’a pas témoigné et qu’une objection a été maintenue.

[7]     Voir Pièce P-1. C.c.Q., art. 1474. Voir notamment Vincent karim, Les obligations, 3e éd., vol. 1, Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, p. 1136; Jean-Louis baudouin, Pierre-Gabriel jobin, avec la collaboration de Nathalie vézina, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 1072-1076, par. 867-870; Société de développement du fonds immobilier du Québec inc. c. 9066-6249 Québec inc., J.E. 2010-439 (C.A.), par. 34.

[8]     Interrogatoire avant défense de Mme Ghaho du 4 mai 2010, p. 30 à 32.

[9]     D’autres variantes de cet adage existent, tel que «nul ne peut se faire justice lui-même».

[10]    R. c. Wetmore, [1983] 2 R.C.S. 284 , 299.

[11]    Louis crémieu, La justice privée, son évolution dans la procédure romaine, Paris, Sirey, 1908, p.1.

[12]    Id., p. 3.

[13]    Id., p. 6.

[14]    Id., p. 7.

[15]    Id., p. 9.

[16]    Id., p. 14.

[17]    Id., p. 212.

[18]    Id., p. 213.

[19]    Id., p. 214.

[20]    Id., p. 215.

[21]    Id.

[22]    Id., p. 216.

[23]    Catherine popineau-dehaullon, Les remèdes de justice privée à l'inexécution du contrat, étude comparative, Paris, L.G.D.J., 2008, p. 4.

[24]    René dussault et Louis borgeat, Traité de droit administratif, 2e éd., tome 1, Québec, Presses de l’Université Laval, 1984, p. 357.

[25]    Interrogatoire avant défense de Mme Ghaho, op. cit. note 8, p. 23 à 26 et p. 60 à 64.

[26]    La Charte prévoit aussi, à l’art. 49 al. 1, qu’une atteinte illicite à un droit protégé confère à la victime le droit d’obtenir la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte. Toutefois, en l’espèce, la demanderesse ne réclame aucune compensation pour des dommages moraux.

[27]    Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’Hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211 , p. 262-263, par. 121-122.

[28]    Jean-Louis baudouin et Patrice deslauriers, La responsabilité civile, 7e éd., vol. 1, Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2007, p. 1334 à 1392, cette charte est en dollar courant 2006.

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