Brosseau c. Décoste |
2013 QCCS 3228 |
C A N A D A
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
C O U R S U P É R I E U R E
(Chambre civile)
NO : 500-17-077157-132
Le 8 juillet 2013
SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
Me VINCENT-MICHEL AUBÉ (JA 0858)
Greffier spécial
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LIETTE BROSSEAU
et al.
parties demanderesses
c.
JULIE-SOLEIL DÉCOSTE
partie défenderesse
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J U G E M E N T ( / 007 )
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[1] LE GREFFIER SPÉCIAL est saisi d'une requête de la partie défenderesse (ci-après la défenderesse) pour être relevée du défaut de comparaître. Cette requête est contestée de la part des parties demanderesses (ci-après la demanderesse), laquelle est présentée, plaidée et prise en délibéré le 14 juin 2013.
[2] Le rapport de signification du huissier confirme que la requête introductive d'instance a été valablement signifiée le 9 mai 2013 à une personne raisonnable résidant à la même adresse que la défenderesse. L'inscription pour jugement par défaut est datée du 22 mai 2013 et produite au dossier de la cour le 23 mai 2013. La présentation de la requête est prévue pour le 12 juin 2013 et, à cette date, le dossier est référé au greffe pour la preuve puisque personne ne se présente.
[3] L'information fournie par la défenderesse pour expliquer son absence de comparution est que la personne qui a reçu la signification des procédures le 9 mai 2013, soit son colocataire Marc-André Pilon qui réside à la même adresse, ne lui a remis lesdites procédures que le 9 juin 2013.
[4] Elle explique par le biais de son procureur qu'elle a une défense prima facie à faire valoir et qu'elle a agi diligemment dès qu'elle a eu connaissance des procédures intentées contre elle. La requête pour être relevé du défaut de comparaître est appuyée d'un simple affidavit signé par la défenderesse.
[5] La demanderesse conteste la requête puisqu'il n'est allégué aucun motif expliquant le délai entre la signification et la connaissance des procédures.
[6] Le but visé par le législateur lorsqu'il édicte qu'une partie peut faire une demande au Tribunal pour être relevée de son défaut de comparaître[1] est de respecter la règle fondamentale en droit de l'audi alteram partem[2]. Il importe cependant à la partie qui veut être relevé de son défaut de motiver sa demande et de démontrer en quoi elle a été incapable d'agir dans les délais, la jurisprudence étant constante sur le sujet[3].
[7] Les prétentions de la défenderesse sont qu'elle n'a pas eu les documents plus tôt. Nous ne pouvons accepter ce genre d'argument sauf s'il est très bien motivé. Ici, la tierce partie Marc-André Pilon n'a pas signé d'affidavit ni expliqué le délai. De permettre ce genre de justification sans détail additionnel reviendrait à refuser toute signification faite à une personne raisonnable tel que prévu au Code[4]. Il va de soi que, si on veut soulever la responsabilité d'une tierce personne ayant reçu la signification conformément au Code, il faut minimalement la mettre en cause dans la requête pour être relevé du défaut. Il serait même préférable qu'un affidavit détaillé explique les agissements de la personne ayant reçu les procédures ou le retard dans la remise au destinataire des documents juridiques.
[8]
Cela n'a pas été
fait ici. Questionnée maintes fois sur le sujet durant l'audition, la partie
défenderesse s'est contentée de répondre qu'elle n'a reçu les procédures que le
9 juin 2013. Elle n'a pu apporter d'explications additionnelles, elle n'a pas
obtenu d'information de la part de son colocataire Marc-André Pilon, elle ne
s'est même pas présentée à la Cour lorsqu'est venu le temps de la présentation
de la requête introductive d'instance. En l'absence de motif, accorder la
présente requête pour être relevé du défaut reviendrait à balayer du revers de
la main la forme de signification prévue au deuxième paragraphe de l'article
[9] La requête introductive d'instance de la demanderesse a pour objet une réclamation élevée sur la base de fraude et dommages contre la défenderesse. Nous considérons qu'il pourrait être préjudiciable et irait à l'encontre de la règle audi alteram partem que d'interdire à ce stade toute tentative de la défenderesse pour se faire entendre. Nous considérons cependant que l'argument unique qu'une autre personne a reçu signification des procédures et ne les a remises au destinataire qu'un mois plus tard n'est pas valable sans explication additionnelle afin de préserver les fondements du droit. C'est pourquoi nous permettons à la défenderesse de faire une nouvelle requête pour être relevé du défaut, rapidement pour éviter tout délai additionnel, afin d'évaluer si des motifs raisonnables provenant de la tierce personne ayant reçu les procédures le 9 mai 2013 peuvent être soulevés. Elle devra être appuyée d'un affidavit détaillé de la part de la défenderesse (et non un simple affidavit) ainsi que d'un affidavit détaillé de toute autre personne pouvant justifier l'impossibilité d'agir dans les délais et surtout d'expliquer le mois de délai entre la signification et la connaissance.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[10] REJETTE la requête pour être relevé du défaut de comparaître ;
[11] PERMET à la partie défenderesse de produire au greffe de la cour une nouvelle requête pour être relevé du défaut d'ici le 15 juillet 2013 et comportant les justifications appropriées suivant le présent jugement ;
[12] À défaut, CONFIRME le défaut de comparaître de la partie défenderesse et RÉFÈRE le dossier pour vérification et jugement sur inscription pour jugement par défaut ;
[13] LE TOUT, avec dépens contre la partie défenderesse.
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Me Vincent-Michel Aubé
Greffier spécial
De GRANDPRÉ, CHAIT, sencrl
Procureure des parties demanderesses
MICHEL DÉCOSTE, avocat
Procureur de la partie défenderesse
[1] Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25, article 151 (ci-après le Code).
[2] Code, précité note 1, article 5.
[3]
Notamment dans les jugements Notre-Dame-de-la-Merci (Municipalité de) c.
Desjardins,
[4] Code, précité note 1, deuxième paragraphe de l'article 123.
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