JD 2349 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-FRANÇOIS |
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LOCALITÉ DE |
SHERBROOKE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
450-32-008944-035 |
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DATE : |
12 avril 2005 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
ALAIN DÉSY, J.C.Q. |
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LUCIEN LANCTÔT, domicilié et résidant au 5025, rue de Gaspé, app. 1, Rock Forest (Québec) J2N 4C5 |
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Partie demanderesse |
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c.
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GROUPE OUIMET INC., ayant une place d'affaires au 8383, rue J.René-Ouimet, Ville d'Anjou (Québec) H1J 2P8 |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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PRÉTENTIONS DES PARTIES
[1] Le demandeur réclame de la défenderesse Groupe Ouimet inc., ci-après «Ouimet», la somme de 7 000 $ en dommages suite à la découverte d'un corps étranger, en l'occurrence un morceau de vitre, dans sa portion de fèves au lard avec sauce à la mélasse provenant d'un contenant en métal et dont la mise en boîte a été exécutée par les préposés de la défenderesse Ouimet.
[2] La représentante de Ouimet, dame Lucie Simoneau, a informé le Tribunal et le demandeur que Ouimet était le fabricant et le distributeur du produit ici en litige.
[3] Dans les circonstances, le demandeur s'est désisté du recours dirigé contre Produits Alimentaires Marcan (1995) inc., désistement accordé sans frais par le Tribunal.
[4] Le demandeur, âgé à l'époque de 73 ans, allègue avoir subi un préjudice psychologique et développé un dégoût pour ce produit depuis cet événement survenu le 19 octobre 2000.
[5] En plus du montant précité, le demandeur réclame de Ouimet des intérêts légaux, ainsi que le remboursement des frais payés au greffe de la Cour lors du dépôt de sa procédure.
[6] La défenderesse conteste les réclamations du demandeur, elle allègue que ses préposés n'ont commis aucune faute dans le processus de fabrication et de mise en boîte du produit prétendant l'impossibilité qu'un corps étranger se soit retrouvé dans son produit en cours de fabrication et elle conteste comme exagéré le montant réclamé à titre de dommages par le demandeur.
La preuve
[7] Le 19 octobre 2000, l'épouse du demandeur fait chauffer dans un chaudron le contenu d'une boîte de fèves au lard avec sauce à la mélasse qu'elle lui sert dans une assiette.
[8] Le contenu de l'assiette ne contient aucun autre aliment que la portion de fèves au lard.
[9] Au moment d'avaler une bouchée du produit, le demandeur a senti un objet étrange dans sa gorge avant de pouvoir difficilement régurgiter cette pièce de vitre mélangée au produit et très difficile à distinguer vu la sauce à la mélasse de couleur brune et la grosseur du morceau de vitre.
[10] Suite à cet incident, le demandeur déclare avoir examiné le contenant métallique du produit, dont une petite quantité de fèves au lard était demeurée au fond de la boîte, pour ainsi y découvrir une certaine quantité de grains de vitre au contour du fond de ladite boîte.
[11] L'épouse du demandeur n'a pu témoigner à l'enquête puisqu'elle est depuis décédée.
[12] Un rapport d'inspection préparé par M. Michel Allard du M.A.P.A.Q. a été produit en preuve au soutien de la demande sous la cote P-2. Ce rapport est daté du 20 octobre 2000, il fait suite à l'examen du restant du contenu de la boîte de fèves au lard et il conclut que l'objet découvert par le demandeur dans sa portion de nourriture est effectivement un morceau de vitre de dimension de deux centimètres (2 cm) par un centimètre (1 cm). Il déclare même s'être coupé le bout d'un doigt avec la pièce de vitre.
[13] Le témoin Allard déclare ne pas avoir constaté la présence dans la boîte des grains de vitre au pourtour du fond, tel que l'allègue le demandeur, et il précise que si tel avait été le cas, il l'aurait noté dans son rapport.
[14] La preuve établit de façon prépondérante que le contenu de la boîte de fèves au lard était habité d'un morceau de vitre.
[15] Le demandeur exige réparation pour ce malheureux incident, mais il admet qu'il n'a subi aucune blessure physique et que son alimentation n'a pas changé, bien qu'il ne consomme plus ce type de fèves au lard en boîtes et depuis, il examine très attentivement le contenu et l'intérieur du contenant des produits en boîtes qu'il consomme.
[16] La défenderesse Ouimet est représentée à l'audition par sa préposée Lucie Simoneau, chef de contrôle/assurance qualité, étant à l'emploi de Ouimet depuis 2002.
[17] Malheureusement, elle n'agissait pas pour le compte de la défenderesse en 2000, période où fut fabriqué le produit ici en litige. Donc difficile de parler avec justesse de ce qui s'y passait.
[18] Dame Simoneau ne peut raconter au Tribunal avec certitude la façon de faire de Ouimet en l'an 2000, mais elle prétend à un contrôle rigoureux des ouvriers le long de la chaîne de montage.
[19] Quoi qu'il en soit, il y a et il y avait intervention humaine des préposés de Ouimet durant la phase de préparation du produit et durant la mise en boîtes des fèves au lard. À titre d'exemple, des employés mettent du lard manuellement dans les boîtes.
[20] Bref les employés de Ouimet étaient en contact avec le produit durant le montage, même s'il y a lieu d'admettre que lesdits employés sont soumis à des normes de contrôle.
La responsabilité
[21] La défenderesse Ouimet est une entreprise spécialisée dans le domaine alimentaire. Elle fabrique et met en marché différents produits, dont les fèves au lard avec sauce à la mélasse faisant l'objet du présent litige.
[22] La défenderesse a l'obligation de fabriquer et de vendre des aliments qui sont exempts de corps étrangers. Plusieurs jugements ont déjà établi qu'il s'agit là d'une obligation de résultat[1].
[23] La défenderesse a manqué à son obligation légale de garantie de qualité du produit ici sous étude. À titre de fabricant, elle est réputée connaître le vice de son produit et est responsable des dommages-intérêts qui en résultent pour l'acheteur puisqu'elle n'a pas renversé ce fardeau par sa preuve.
Le dommage
[24] Il n'y a, en l'instance, aucun dommage physique. Les dommages subis par le demandeur sont plutôt des dommages moraux découlant du stress et de l'anxiété provoqués par la découverte étrange qu'il a faite, dans des circonstances particulièrement répulsives.
[25] Selon son témoignage, le demandeur avait développé un goût et une confiance pour le produit de la défenderesse qu'il consommait avec agrément à l'occasion.
[26] Il est particulièrement déplaisant et insécurisant de découvrir un corps étranger dans un aliment que l'on est en train de mastiquer. S'il s'agit, comme ici, d'un objet coupant, la découverte d'un tel morceau de vitre provoque dégoût, répugnance et haut-le-cœur.
[27] Le demandeur a établi la preuve du préjudice qu'il a subi.
[28] Le préjudice moral est susceptible de réparation. Son évaluation relève de la discrétion du tribunal qui doit tenir compte, dans l'analyse de chaque cas particulier, de la preuve de son caractère certain, direct et immédiat.
[29] Ainsi, les montants accordés varient beaucoup d'un cas à l'autre, comme le montrent les exemples suivants:
· Dans l'affaire Samson c. Pepsi-Cola Canada Ltd[2], un montant de 25 $ a été accordé suite à la découverte d'un corps étranger dans une bouteille de boisson gazeuse. La demanderesse éprouvait du dédain en voyant des boissons gazeuses; elle avait pratiquement cessé d'en boire.
· Dans l'affaire Carrier c. David Lord Limitée[3], un montant de 50 $ a été accordé suite à la découverte d'un insecte de couleur rougeâtre dans une boîte de haricots. Le demandeur alléguait qu'il ne pouvait plus manger de légumes en conserve depuis.
· Dans l'affaire Pelletier c. Coca-Cola[4], un montant de 1 435,60 $ a été accordé suite à l'ingestion d'une substance visqueuse ressemblant à des vers dans une bouteille de boisson gazeuse.
· Dans l'affaire Ferrante c. Restaurant McDonald's du Canada[5], un montant de 500 $ a été accordé suite à la découverte d'un morceau de tissu provenant d'une guenille dans un « Big Mac »..
· Dans l'affaire Cadieux c. Aliments Fontaine Santé Inc.[6], un montant de 1 000 $ a été accordé suite à la découverte d'un morceau de plexiglas alors que le demandeur consommait du taboulé.
· Dans l'affaire Boucher c. McDonald's Canada Ltée[7], un montant de 4 042,78 $ a été accordé suite à la découverte d'un ver mort de couleur blanchâtre dans un « Big Mac ».
· Dans l'affaire Poirier c. Bertrand Degré inc.[8], un montant de 2 000 $ a été accordé suite à la découverte d'une dent caduque dans un morceau de gâteau aux carottes.
[30] Les circonstances de la présente affaire se rapprochent de celles de l'affaire Cadieux citée plus haut. Il faut toutefois tenir compte de la nature de l'objet trouvé par le demandeur dans sa portion de fèves au lard. La présence d'une vitre coupante constitue un choc répugnant et très inquiétant, du moins plus qu'un morceau de plexiglas.
[31] Un montant de 1 500 $ constitue une indemnité raisonnable estime le Tribunal dans les circonstances. La défenderesse Ouimet devra verser ce montant au demandeur.
[32] POUR LES MOTIFS CI-AVANT EXPOSÉS, LE TRIBUNAL :
[33] ACCUEILLE partiellement les réclamations du demandeur;
[34]
CONDAMNE la défenderesse Groupe Ouimet
inc. à payer au demandeur la somme de MILLE CINQ CENTS (1 500 $) plus
intérêts au taux légal de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à
l'article
[35] CONDAMNE la défenderesse Groupe Ouimet inc. à payer au demandeur la somme de 140 $ en remboursement des frais de Cour payés par ce dernier au moment du dépôt de sa réclamation.
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ALAIN DÉSY, J.C.Q. |
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Date d'audience: |
4 avril 2005 |
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NOTE : Tous les soulignements et accentuations dans ce jugement sont du Tribunal
[1] Denis Carrier c. David Lord Limitée,
[2] Samson c. Pepsi-Cola Canada Ltd, C.P. Frontenac, 235-32-000474-812.
[3] Denis Carrier c. David Lord Limitée, précité, note 1.
[4] Roland Pelletier c. Coca-Cola Ltée, précité, note 1.
[5] Filomena Ferrante c. Restaurant McDonald's du Canada -et Entreprises Amico R.S. Inc., précité, note 1.
[6] Pierre Cadieux c. Aliments Fontaine Santé Inc., précité, note 1.
[7] Jean-Pascal Boucher c. McDonald's Canada Ltée, C.S. Montréal, no 500-17-002845-983, 17 février 1999, j. Larouche.
[8] André Poirier c. Bertrand Degré inc., C.Q. St-François, no 450-32-008550-030, 17 mai 2004, j. Théroux.
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