Stephkan Holdings Inc. c. Agence du revenu du Canada |
2013 QCCA 1651 |
COUR D'APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
No: |
500-09-023447-139 |
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(500-17-071998-127) |
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PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE |
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DATE: |
23 septembre 2013 |
CORAM: LES HONORABLES |
YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A. |
JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A. |
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MANON SAVARD, J.C.A. |
APPELANTES |
AVOCATS |
STEPHKAN HOLDINGS INC.
STÉPHANIE KANEB |
Me Denis A. Lapierre Me
Elisabeth Robichaud |
INTIMÉE |
AVOCATS |
L’AGENCE DU REVENU DU CANADA |
Me Marie-Andrée Legault Me Philippe Dupuis JOYAL LEBLANC |
En appel d'un jugement rendu le 21 février 2013 par l'honorable Mark G. Peacock de la Cour supérieure, district de Montréal. |
NATURE DE L'APPEL: |
Exception déclinatoire |
Greffier: Robert Osadchuck |
Salle: Pierre-Basile-Mignault |
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AUDITION |
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23 septembre 2013 |
14 h 16 Début de l'audition. |
14 h 16 Argumentation de Me Lapierre. |
14 h 58 Suspension. |
15 h 01 Reprise. |
15 h 01 Argumentation de Me Legault. |
15 h 20 Réplique de Me Lapierre. |
15 h 25 Suspension |
15 h 31 Reprise. |
15 h 31 Par la Cour : REJETTE l'appel, avec dépens. Les motifs seront versés au procès-verbal dans les prochains jours. |
26 septembre 2013 |
Les motifs ont été versés au procès-verbal le 26 septembre 2013 et communiqués par courrier électronique aux procureurs. |
Robert Osadchuck |
Greffier |
PAR LA COUR
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ARRÊT |
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[1] Les appelantes ont porté en appel un jugement de la Cour supérieure[1], district de Montréal (l’honorable Mark Peacock) qui, le 21 février 2013, a accueilli la requête en exception déclinatoire de l’intimée et a rejeté leur requête en homologation de la transaction intervenue entre les parties.
* * * * *
[2] Les principaux faits allégués à la requête en homologation de transaction se résument comme suit.
[3] En février 2008, à la suite d’une vérification fiscale, l’intimée émet un projet de cotisation révisant à la hausse les revenus imposables des appelantes et leur imposant des pénalités et des intérêts. Le mois suivant, après discussions, les parties conviennent d’une entente que les appelantes confirment dans un écrit approuvé par l’intimée. Il y est notamment stipulé ce qui suit :
[…]
The terms of the foregoing settlement are applicable to the above-noted Taxpayers only and are binding upon the Minister and Taxpayers. […]
This settlement brings closure to the audit of the above-noted Taxpayers for the years in question and no further adjustments are pending.
[4] En mai et août 2009, l’intimée émet néanmoins des avis de cotisation qui ne respectent pas les termes de cette entente. Les appelantes se prévalent alors de la procédure d’opposition prévue dans la Loi de l’impôt sur le revenu[2] (« Loi »).
[5]
De façon parallèle, en mai 2012, les appelantes déposent une requête en
homologation de la transaction conclue en 2008, à laquelle l’intimée oppose une
requête en exception déclinatoire en vertu de l’article
* * * * *
[6] Le juge de première instance fait droit au moyen préliminaire de l’intimée. Bien que la Cour supérieure soit prima facie compétente pour entendre la requête en homologation de la transaction, il estime que la Cour canadienne de l’impôt est la mieux placée pour déterminer la validité des avis de cotisation et, par le fait même, le bien-fondé du moyen de défense des appelantes basé sur l’entente de 2008. Procéder autrement aurait pour effet, selon lui, de contourner le système d’appel en matière fiscale et la compétence de la Cour canadienne de l’impôt.
* * * * *
[7] Bien que les appelantes formulent leurs griefs dans des termes différents, la seule question au cœur du pourvoi consiste à déterminer si le juge de première instance a eu raison de décliner compétence quant à l’homologation de la transaction en matière fiscale intervenue entre les parties.
[8]
Comme le souligne le juge de première instance, la Cour supérieure
constitue un tribunal de droit commun et peut entendre toute demande qui n’est
pas attribuée exclusivement à un autre tribunal (article
[9]
Selon l’article
[10] Dans ce cadre, il faut comprendre que la requête en homologation des appelantes n’a pour finalité que la contestation de la validité des avis de cotisation de l’intimée à la lumière de l’entente de 2008. Comme l’indique le juge de première instance, la validité des cotisations est intrinsèquement liée à la réparation recherchée[5] :
[14] […] As their counsel ably and candidly argued, the Taxpayers intend to use the Settlement Agreement - once homologated - as a defence against any execution proceedings by the C.R.A. based on the impugned assessments. The Taxpayers, by seeking to have the settlement Agreement homologated, are effectively circumventing the Tax Court of Canada’s appeal process for the impugned assessments provided for by Parliament in the Income Tax Act. The real litigation here is the validity of those impugned assessments in light of the Settlement Agreement.
(nous soulignons)
[11] Cet énoncé du premier juge est conforme aux motifs invoqués par les appelantes pour justifier l’homologation de l’entente[6] :
10. On May 15, 2009, the CRA issued a Notice of Assessment against the Petitioner Stephanie Kaneb in respect of the 2005 taxation year, assessing tax against said Petitioner in direct contravention of the terms and conditions set forth in the binding Settlement Agreement, as more fully appears […]
13. The Petitioners respectfully submit that the CRA is bound by the terms and conditions of the Settlement Agreement;
14. […]
15. However, the CRA has unjustifiably chosen to ignore the binding nature of the Settlement Agreement, refusing to conform thereto, and proceeded to reassess the Petitionner Stephanie Kaneb in contravention of the Settlement Agreement;
16. By signing the Settlement Agreement the CRA obliged itself to respect the terms and conditions set forth therein, and furthermore, the CRA obliged itself to reassess the Petitioners pursuant to same;
17. […].
18. The CRA has breached the Settlement Agreement it had reached with the Petitionners;
19. In virtue of the illegal breach of contract by the CRA, it is in the interests of the Petitioners and of justice in general, and in accordance with applicable law, that the Settlement Agreement be homologated, that the CRA be ordered to recognize the binding nature of the Settlement Agreement and to comply with the terms and conditions set forth therein[7];
(nous soulignons)
[12]
Or, la Cour canadienne de l’impôt est le tribunal statutaire ayant
compétence exclusive pour entendre les appels visant à faire annuler ou
modifier les avis de cotisation imposés par l’intimée (paragraphe
L'article
(nous soulignons)
[13] En vertu de l’article 171 de la Loi, la Cour canadienne de l’impôt peut statuer sur l’appel en le rejetant ou en l’accueillant et en annulant ou modifiant la cotisation ou en la déférant au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation. Elle a également, aux termes de cette disposition et à l’intérieur du cadre imposée, compétence pour assurer l’exécution d’une entente. Dans la décision Huppe c. La Reine, le juge Webb, de la Cour canadienne de l’impôt, écrit[10] :
[18] La Cour a donc compétence pour statuer sur des appels interjetés en vertu de la Loi et, relativement à ces appels, la Cour a le pouvoir d’accueillir un appel et d’accorder les mesures de réparation prévues à l’alinéa 171(1)b) de la Loi, y compris le pouvoir de modifier la cotisation ou de la déférer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation. Étant donné que la mesure de réparation que l’appelant chercherait à obtenir (compte tenu du fait que l’appelant a signalé que l’affaire a été réglée) serait de modifier la cotisation ou de la déférer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, et vu qu’il a été explicitement accordé à la Cour le pouvoir d’ordonner cette mesure de réparation en statuant sur un appel, j’estime que la Cour a compétence pour ordonner l’exécution de l’entente (en accueillant l’appel et en modifiant la cotisation ou en la déférant au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation), si l’appelant peut établir qu’une telle entente a été conclue en l’espèce. En ce qui concerne les mesures de réparation prévues à l’alinéa 171(1)b) de la Loi, il n’est pas nécessaire que la Cour soit une cour en equity pour accorder de telles mesures de réparation étant donné qu’elle a obtenu le pouvoir d’accorder ces mesures de réparation précises. Si toutefois l’exécution en nature du contrat devait exiger l’octroi d’une quelconque mesure de réparation, autre que les mesures prévues à l’alinéa 171(1)b) de la Loi, la Cour n’aurait donc pas compétence pour accorder une telle mesure de réparation.
(nous soulignons)
[14] La Cour canadienne de l’impôt exprime la même position dans 1390758 Ontario Corp. c. Canada[11] et Softsim Technologies Inc. c. La Reine[12].
[15] Rien ne permet de conclure, comme les appelantes nous le demandent, que la Cour canadienne de l’impôt n’aurait pas un tel pouvoir à l’égard des ententes qui auraient été conclues avant le processus d’appel formel. L’exercice de son pouvoir d’intervention est fonction de la validité ou non des cotisations et n’est pas restreint du fait que les évènements pertinents à cet égard soient antérieurs à l’appel.
[16] Ainsi, l’exercice par les appelantes de leur droit d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt leur permettrait de contester la légalité des cotisations, et de faire valoir leur prétention voulant qu’elles soient illégales puisque contraires à la transaction.
[17] Les jugements cités par les appelantes[13], où la Cour supérieure homologue des transactions auxquelles le sous-ministre du revenu du Québec est partie, n’ont pas la portée qu’elles veulent lui accorder quant à la compétence de cette cour. Contrairement aux faits de l’espèce, l’homologation, demandée de consentement par les parties, n’avait pas pour finalité de contourner le processus d’appel autrement prévu par la loi.
[18] En conséquence, compte tenu de « la nature essentielle de la demande », c’est à bon droit que le premier juge a conclu que la requête en homologation des appelantes était une tentative de contourner le système d’appel en matière fiscale et la compétence de la Cour canadienne de l’impôt et de court-circuiter le débat devant cette dernière.
[19] Pour ces motifs, il y a lieu de rejeter l’appel avec dépens.
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YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A. |
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JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A. |
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MANON SAVARD, J.C.A. |
[1] Stephkan Holdings inc. et Stephanie Kaneb c. Agence du
revenu du Canada,
[2] L.R.C. (1985), c. 1 (5e suppl.).
[3]
Canada c. Domtar Inc.,
[4] Martine Lachance et Jean Morin, « Le contrat de transaction », dans La résolution des litiges, Coll. « Bleue », Montréal, Wilson & Lafleur, 2010, p. 18, paragr. 55.
[5] Supra, note 1.
[6] Paragraphes 13 à 19 de la requête en homologation des appelantes.
[7] Les appelantes ont amendé leur requête afin d’y retirer la conclusion initialement recherchée qui se lisait comme suit : « ORDER the Parties to comply with and abide by the said Settlement Agreement entered into between the Parties on March 28, 2008; retiré cette conclusion après l’audition devant le premier juge ».
[8] L.R.C. (1985), ch. T-2.
[9] MacMillen Holdings Limited c. M.R.N., 87 DTC 585, [1987] T.C.J. No 285, 591-592, repris notamment dans Pintendre Autos inc. c. La Reine, 2003 CCI 818, [2003] T.C.J. No 717, paragr. 34.
[10] 2010 TCC 644.
[11] 2010 TCC 572.
[12]
[13]
Rawas c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2010 QCCS; 5799Québec
(Sous-ministre du Revenu) c. Maldemay,
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