Couvre-toit Laval inc. c. Macoosh

 

JG1405

 

 

 

 

 

 

 

 

2011 QCCQ 4740

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-22-164666-094

 

 

DATE :

Le 12 mai 2011 

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

BRIGITTE GOUIN, J.C.Q.

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COUVRE-TOIT LAVAL INC.,

 

Partie demanderesse

c.

DANIEL MACOOSH ET

CAROLE BRUNET,

Partie défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]           La demanderesse Couvre-Toit Laval Inc. (ci-après «CTL») réclame des défendeurs Daniel Macoosh (ci-après «Macoosh») et Carole Brunet la somme de 9 820,13 $ pour des travaux de réfection d'une toiture.

[2]           Au début de l'audience il y eut désistement sans frais par la demanderesse CTL à l'égard de la défenderesse, Carole Brunet.

[3]           Le présent jugement fait suite à plus de 2½ journées d'audition, de même que argumentation écrite et notes et autorités du défendeur Macoosh.

[4]           Macoosh conteste la réclamation au motif que les travaux effectués ne respectent pas les règles de l'art.

[5]           La demanderesse exploite une entreprise de couvreurs dans la région de Laval.

[6]           Le 10 juin 2009, CTL prépare une soumission requise par Macoosh pour la réfection du toit de sa résidence sise au […], ville de Beaconsfield, №. 8128 (pièce P-1), pour la somme de 10 836 $, où on peut lire les mentions suivantes:

Le bois défectueux sera remplacé à 2,50 $ le pied carré toutes taxes non incluses.  3/8 à regarder avec le client.  Enlever un ou deux plywood pour laisser le client isoler la lucarne arrière.

GARANTIE

Ce travail porte une garantie de 10 ans, émise à la fin des travaux  et lorsque le paiement final sera effectué.  De plus, cette garantie sera nulle si l'eau ne s'écoule pas librement du toit et s'il y a des problèmes de condensation quel que soit la cause et si la nature se déchaîne (vent, neige excessive, verglas et pluie torrentielle).

[7]           On peut constater à cette soumission du 10 juin 2009 que les indicateurs "Fournir et poser contreplaqué ou aspenite" n'étaient pas cochés.  Ceci faisait suite à des négociations avec le client où il fut entendu que seul le contreplaqué déjà existant en mauvais état ou pourri serait remplacé par les employés de CTL et non la superficie au complet.

[8]           Les travaux de réfection de toiture se sont effectués et furent complétés le 25 septembre 2009.  Une facture (№ 4454) fut donc adressée par CTL le 24 septembre 2009 au défendeur Macoosh pour la somme de 9 820,13 $, 8 500 $ pour la réfection, 200 $ pour un "extra", soit 8 700 $, + TPS (435 $) et TVQ (685,13 $), pour un total 9 820,13$.

[9]           Selon le témoignage de monsieur Jonathan Ethier, employé et couvreur pour CTL, celui-ci est arrivé avec dix employés le matin même du 24 septembre 2009 à 7h00 pour ladite réfection du toit. 

[10]        Leur client, le défendeur  Macoosh, voulait effectuer lui-même certains travaux à l'égard d'un aérateur de toit d'une des salles de bain, ce qui fut fait. 

[11]        Pendant la journée, ils ont constaté qu'une partie du contreplaqué était pourrie.  Elle fut remplacée selon les termes de la soumission (P-1). 

[12]        Macoosh fut présent durant toute la durée des travaux et il fut décidé de concert avec ce dernier que CTL ne changerait pas le contreplaqué déjà installé sur le toit car il était en bon état à l'exception de certaines parties qui démontraient des signes de faiblesse et/ou moisissures.

[13]        Quand les travaux furent terminés vers la fin de la journée, c'est-à-dire vers 17h00, monsieur Ethier requit paiement de la part du défendeur Macoosh qui refusa, soutenant que CTL n'avait pas respecté les règles de l'art et que les travaux avaient été mal faits. 

[14]        Une mise en demeure fut adressée le 28 octobre 2009 requérant paiement de la balance due de 9 820,13 $ (pièce P-3).

[15]        Devant le refus du défendeur d'acquitter la somme, CTL intente le présent recours et le défendeur comparaît personnellement et produit une défense qui se lit comme suit:

Motif de défense Article 151.5 C.p.c. "non performance of the contract, incompetence, negligence, the roof is not in an acceptable state and must be redone".

[16]        Essentiellement, Macoosh soutient que des travaux sur sa toiture furent mal exécutés au point qu'ils doivent être refaits en entier.

[17]        Le défendeur, en plus de témoigner au soutien de sa défense alléguant que les travaux n'ont pas été faits selon les règles de l'art, a aussi fait inspecter la toiture par son expert, monsieur Serge Larin, consultant en toitures. 

[18]        Celui-ci a produit deux rapports d'expert D-1 et D-2.  Il conclut que:

Nous concluons donc que les travaux devraient être repris dans leur ensemble afin d'ajouter un contreplaqué sur l'ensemble de la surface.  Car nous croyons que les bardeaux se détérioreront de façon très prématurée, dans les conditions actuelles, sans parler des risques de coulisses.  Et s'il se produisait un autre verglas semblable à celui de janvier 1998, le pontage flancherait aussitôt à plusieurs endroits, ce qui causerait des dommages importants à l'intérieur de la résidence.

[19]        CTL contacta leur fournisseur en bardeaux, la compagnie de construction BP du Canada qui fut informée des inquiétudes de Macoosh.  Elle répondit par le biais d'une missive du 16 juin 2010 (pièce P-4):

La présente et pour donner suite à votre réclamation au sujet du bardeau installé sur la toiture située à l'adresse mentionnée en vedette.

Nous avons complété l'évaluation de votre dossier avec les informations qui nous ont été soumises.  Les informations reçues démontrent un bardeau qui ne présente pas de problème relié à une insuffisance de fabrication.

[20]        La position de CTL est supportée par un rapport de l'expert Claude Guertin, ingénieur civil et directeur technique (P-5) qui, après avoir inspecté la toiture de l'immeuble, arrive à la conclusion:

À la lumière de nos observations, de la lecture de tous les documents qui nous ont été fournis ainsi que des informations obtenues lors de notre expertise, nous sommes d'avis que l'entrepreneur en couverture ayant fait des travaux de réfection sur la toiture du […], Beaconsfield, devra corriger les déficiences notées dans le présent rapport:

1. sur le toit du passage entre le bâtiment et le garage, installer un contre-solin à la jonction toit-mur donnant du côté du garage;

2. sur le toit du passage entre le bâtiment principal et le garage, sceller à la jonction toit-mur donnant du côté du garage;

3. sur le toit en pignons du garage, à l'arrière, procéder au remplacement des bardeaux piétinés, du bardeau mal taillé et au remplacement du bardeau dont le clou est apparent;

4. sur le toit en pignons du garage, à l'avant, tailler adéquatement le bardeau qui retrousse;

5. En ce qui a trait, aux fiches signalétiques installées par le manufacturier (Maximum) sur les aérateurs de toit surélevés, il n'est pas possible pour l'entrepreneur d'inverser le sens de pose de cette composante.  Par conséquent, la solution, pour que la fiche signalétique ne soit pas apparente de la cour, est qu'il faille tout simplement procéder à son enlèvement;

Relativement à l'isolation requise, selon l'expert du propriétaire, entre le manchon d'évent et le tuyau d'évent, nous partageons les commentaires de l'expert et recommandons à l'entrepreneur d'enlever le capuchon du solin d'évent, pour y insérer de l'isolant.  Il faudra aussi bien sceller entre le solin et le tuyau d'évent après avoir isolé.

Concernant, le pontage du toit nous ne partageons pas l'avis de l'expert mandaté par le propriétaire, à savoir que l'entrepreneur aurait dû solidifier le pontage pour assurer la longévité de la toiture.

En effet, notre inspection de cette composante dans le vide sous toit nous a permis d'en vérifier l'intégrité.  Ainsi, de notre avis, il ne fait pas de doute que ce tablier, dans des conditions normales, assurera pour toute la longévité du recouvrement de toiture un support adéquat.

Finalement, considérant les défauts observés en bordure des bardeaux, nous sommes d'avis que cet état pourrait altérer la longévité du bardeau en question.  Par conséquent, nous recommandons qu'un crédit proportionnel à la perte de durée de vie par rapport à l'espérance de vie soit appliqué sur la facture finale.  À cet effet, nous estimons que l'entrepreneur devrait créditer sa facture de 20%.

[21]        L'inquiétude principale du défendeur Macoosh est que le contreplaqué n'a pas l'épaisseur requise selon les normes. 

[22]        L'expert de CTL est catégorique en ce que l'épaisseur du contreplaqué existant respecte les normes du Code national du bâtiment[1] de 2005.

[23]        Considérant l'article 2803 C.c.Q. il incombe au défendeur de faire la preuve par prépondérance des faits à l'appui de sa réclamation.

[24]        Le Tribunal retiendra les conclusions du rapport d'expert Claude Guertin, ingénieur, qui en conséquence réduit de 20% la réclamation de la demanderesse CTL, eu égard au bardeau qui a déjà démontré des signes d'usure.

[25]        Tel que s'exprime Me Jacques Deslauriers dans Vente, Louage, Contrat d'Entreprise ou de Service[2]:

a) Respect des règles de l'art

Le respect des règles de l'art est de l'essence même du contrat d'entreprise, même si le contrat n'y réfère pas.  Cette obligation est imposée par la loi et revêt un caractère d'ordre public.

[…]

Quoi qu'il en soit, celui qui invoque une violation des règles de l'art doit prouver l'existence et la façon dont elles ont été transgressées, preuve qui fera appel à des experts se référant eux-mêmes aux sources pertinentes, ou encore invoquer des présomptions de faits.

b) Obligation de moyens ou de résultat

L'entrepreneur doit s'assurer que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat (art. 2100 C.c.Q.).  Cette règle codifie la jurisprudence en matière de responsabilité d'un entrepreneur ou d'un prestataire de services.  S'ils sont tenus à une obligation de résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant force majeure. (art 1470 C.c.Q.).  S'ils sont tenus à une obligation de moyens, ils devront prouver qu'ils ont pris les moyens voulus pour atteindre les objectifs du contrat.

[26]        L'Honorable juge Lucien Tremblay, dans Fortin et Mauro  c. Gauthier et Soulard et al, est d'opinion que[3]:

[18] […] La loi exige d'eux qu'ils agissent suivant les règles de l'art, telles que celles-ci existaient à l'époque où le contrat s'est exécuté.

[19] Dans son volume sur la responsabilité civile, l'Honorable Jean-Louis Baudouin a énoncé ce principe comme suit:

La seconde obligation est d'agir conformément aux règles de l'art.

L'article 2100 C.c.Q., en codifiant celle-ci, fait un devoir au constructeur de se servir de méthodes reconnues dans on domaine particulier d'expertise, d'utiliser les techniques, les procédés, les systèmes et les moyens de réalisation qui prévalent au sein de la profession à laquelle il appartient, à l'époque où le contrat est réalisé.

[20] […] les normes et règlements constituent les règles de l'art en matière de construction".  Elle précise que:

La généralisation de leur usage permet à l'entrepreneur qui s'y réfère de s'assurer en principe de la protection des tribunaux, car les prescriptions indiquées garantissent d'après les données actuelles de la science et de la technique, une construction exempte de vices et de défauts.

[22] […] Les vices de construction n'affectent pas la solidité de l'édifice.  Cela signifie que l'obligation assumée par la défenderesse est d'exécuter un travail de qualité raisonnable, selon les règles de l'art, les normes publiques de construction et les plans et devis.

[27]        CTL a fait la preuve des éléments essentiels de sa réclamation à la satisfaction du Tribunal mais jusqu'à concurrence d'une somme de 7 850 $, étant donné les conclusions de son expert Claude Guertin, ingénieur, dans son rapport (P-5).

[28]        POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[29]        ACCUEILLE en partie l'action de la demanderesse Couvre-Toit Laval Inc.;

[30]        CONDAMNE le défendeur Daniel Macoosh à payer à la demanderesse Couvre-Toit Laval Inc , la somme de 7 850 $ avec les intérêts au taux légal de 5% l'an, majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. depuis la mise en demeure du 28 octobre 2009;

 

[31]        LE TOUT, avec les entiers dépens, y compris les frais d'experts.

 

 

 

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BRIGITTE GOUIN, J.C.Q.

 

Me Luc Lachance

SÉBASTIEN DOWNS ASTELL LACHANCE

Procureur de la partie demanderesse

 

Daniel Macoosh

Se représente personnellement

 

Dates d’audience :

Les 23 et 24 septembre 2010 et 30 mars 2011

 



[1]     Code national du bâtiment, Canada, 2005.

[2]     Deslauriers, Me Jacques, Vente, Louage, Contrat d'Entreprise ou de Service, Wilson & Lafleur, 2005, p. 596.

[3]     Fortin et Mauro  c. Gauthier et Soulard et al, L'Honorable Lucien Tremblau, J.C.Q., C. Q. 200-02-028414-011, 18 juin 2004.

AVIS :
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