Mayton DM inc. (Syndic de) |
2014 QCCS 48 |
|||||||
JT 1409 |
||||||||
|
||||||||
CANADA |
||||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||||
DISTRICT DE |
BEDFORD |
|||||||
|
||||||||
N° : |
455-11-001057-135 |
|||||||
|
|
|||||||
|
||||||||
DATE : |
14 janvier 2014 |
|||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
FRANÇOIS TÔTH, j.c.s. |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
DANS L’AFFAIRE DE LA FAILLITE DE :
MAYTON DM INC., |
||||||||
Personne insolvable, |
||||||||
c. |
||||||||
BRUNO RACINE, ès qualités de fiduciaire de FIDUCIE MALBORO 4 TRUST, |
||||||||
Requérant, |
||||||||
et |
||||||||
FRANÇOIS HUOT & ASSOCIÉS SYNDIC LTÉE, Syndic-intimé. |
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
JUGEMENT |
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
[1]
Le requérant Bruno Racine, ès qualités de fiduciaire de Fiducie Malboro
4 Trust (« Fiducie ») s’adresse au Tribunal afin d’être autorisé à continuer
des procédures contre la personne insolvable Mayton DM inc. (« DM »)
selon les dispositions de l’article
[2] Le syndic-intimé (« le syndic » ) ne conteste pas la requête. DM s’y oppose.
CONTEXTE
[3] En 2008, un contrat a été conclu entre Fiducie et DM pour des travaux substantiels de construction et de rénovation sur un immeuble appartenant à Fiducie.
[4] Le 25 janvier 2013, Fiducie a intenté contre DM une poursuite en dommages à la suite de la mauvaise exécution des travaux. Fiducie réclame 1,25M$.
[5] Le 30 mai 2013, DM a déposé une cession de biens. Le même jour, Fiducie a signifié une requête introductive d’instance amendée par laquelle elle ajoutait la compagnie Mayton inc. (« Mayton ») comme codébitrice solidaire de DM.
[6] Le 31 mai 2013, le syndic a transmis à la Cour supérieure un avis de suspendre les procédures dans le dossier Fiducie c. DM et Mayton.
L’instance Fiducie c. DM et Mayton
[7] Au soutien de sa requête introductive amendée par laquelle elle poursuit maintenant Mayton, Fiducie allègue qu’au début de la relation entre DM et elle-même, Fiducie croyait faire affaires avec Mayton et ignorait que DM était une entité légale distincte de Mayton. Les représentations faites à Fiducie par les représentants de DM / Mayton ont renforcé l’impression de Fiducie qu’elle transigeait avec Mayton.
[8] Suite à l’institution de ses procédures, Fiducie a procédé à des vérifications sur la solvabilité de DM et a découvert que DM était une entreprise distincte de Mayton. Fiducie a également découvert que plusieurs personnes morales exploitent une entreprise dans les mêmes locaux et arborent le nom de Mayton dans leur raison sociale et que ce sont les mêmes individus qui y sont employés. DM et Mayton se désignent également sous le nom de Groupe Mayton, une entité qui n’aurait aucune existence légale. Tous ces éléments expliquent la confusion de Fiducie quant à l’identité de son cocontractant.
[9] Fiducie allègue avoir toujours cru contracter avec Mayton jusqu’à ce qu’elle découvre la pluralité de compagnies-sœurs de Mayton. Fiducie plaide que la création d’une société-sœur susceptible de causer autant de confusion quant à son identité auprès des clients potentiels de l’entreprise constitue un abus de droit de la part de Mayton.
[10] Cette confusion causée par DM et Mayton cause un important préjudice à Fiducie puisque DM n’est qu’une coquille vide qui n’a plus aucune activité et ni aucun actif, alors que Mayton continue ses activités.
[11] C’est la prétention de Fiducie que DM ne peut déclarer être une entité juridique distincte de Mayton. Mayton et DM doivent être considérés comme une seule et même entité. Mayton doit répondre solidairement des condamnations de DM qui est son alter ego.
Suspension des procédures
[12] Fiducie plaide qu’il est dans son intérêt d’être autorisée à continuer ses procédures contre DM dans le dossier civil puisque les travaux de construction qui sont à la source de sa réclamation ont été effectués par DM. Il est essentiel que Fiducie obtienne un jugement contre DM dans le cadre de son litige avec Mayton.
[13] Le 11 juin 2013, il y eut convocation de la première assemblée des créanciers de DM. Le quorum n’a pas été atteint. Au procès-verbal de la première assemblée des créanciers[1], il est indiqué à l’annexe I :
Pour fins de vote, le syndic ne reconnaît pas le droit de vote à Fiducie Malboro 4 Trust au motif que la réclamation est éventuelle, non liquidée et non exigible. Le syndic ne désire pas évaluer la réclamation puisque la preuve est technique et que des procédures sont déjà engagées en Cour supérieure. Le syndic s’en remettra à la décision du Tribunal civil pour l’évaluation de la réclamation et reconnaîtra le jugement.
[14] Fiducie en a appelé de la décision du syndic de refuser la réclamation de Fiducie comme réclamation prouvable dans la faillite de DM et de lui refuser le droit de vote pour le plein montant de sa créance. L’affaire n’a pas été encore entendue.
ANALYSE
[15] La Loi sur la faillite et l’insolvabilité prévoit la suspension des procédures judiciaires en cas de faillite[2]. Les créanciers doivent procéder par preuve de réclamation contre l’actif du failli.
[16] Toutefois, l’article 69.4 permet à un créancier visé par le sursis de procédure de demander au Tribunal de permettre la continuation des procédures. La loi prévoit en effet :
« Le Tribunal peut, avec les réserves qu’il estime indiquées, donner suite à la demande s’il est convaincu que la continuation de l’application des articles en question [dont 69.3 L.f.i.] lui causera vraisemblablement un préjudice sérieux ou encore qu’il serait pour d’autres motifs, équitable de rendre pareille décision. »
[notre ajout]
[17] En l’espèce, il est admis que le failli n’a aucun actif, qu’il n’y aura aucun dividende et qu’aucune exécution n’est possible.
[18] Plusieurs raisons motivent le Tribunal d’accueillir la requête.
[19] Il est bien établi que la suspension des procédures ne s’applique pas au recours en inopposabilité intenté par un tiers qui veut faire déclarer inopposable à son endroit un contrat conclu par le failli en fraude de ses droits[3].
[20] Il y a une analogie certaine entre une action paulienne et le recours d’un tiers qui invoque un stratagème frauduleux du failli et de Mayton. En l’espèce, le tiers veut faire déclarer que DM est l’alter ego de Mayton et que le véritable débiteur est Mayton[4].
[21] En outre, la suspension des procédures peut être levée afin de liquider une réclamation dans un contexte trop complexe pour procéder selon les articles 121 (2) et 135 LFI[5]. C’est le cas ici, le syndic ayant indiqué que la situation était trop complexe pour se prêter aux dispositions simplifiées de la Loi sur la faillite[6].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[22] AUTORISE le requérant à continuer son action en dommages intentée contre la défenderesse Mayton DM inc. sous le numéro 540-17-007326-134 des dossiers de la Cour supérieure du Québec, du district de Laval;
[23] Le tout sans frais.
|
||
|
__________________________________ FRANÇOIS TÔTH, j.c.s. |
|
|
||
Me Stéphanie Doyon |
||
RACICOT CHANDONNET LTÉE |
||
Procureure de la personne insolvable |
||
|
||
Me Marc-Antoine St-Pierre |
||
SÉGUIN, RACINE, Avocats |
||
Procureur du requérant |
||
|
||
Date d’audience : |
7 janvier 2014 |
|
[1] Pièce R-5.
[2]
Art.
[3] In re Rolland,
[4] Paul Martel, La Société par actions au Québec, Les aspects juridiques, Éditions Wilson & Lafleur, Martel ltée, 2012, paragr. 1-263 et particulièrement la note 314 et les paragraphes 1-279 & ss.
[5] Jacques Deslauriers, La faillite et l’insolvabilité, 2e édition, 2011, Éditions Wilson & Lafleur, Montréal, par. 912 et Denis Brochu, Précis de la faillite et l’insolvabilité, 4e édition, CCH, 2012, paragr. 503.
[6] R-5, annexe 1.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.