RNC Média inc. c. Jacob

2013 QCCS 6388

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

 

 

N° :

200-17-018369-132

 

 

 

DATE :

13 décembre 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ÉTIENNE PARENT, j.c.s.

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RNC MÉDIA INC.

 

Demanderesse

c.

 

JEAN-FRANÇOIS JACOB

 

et

 

ÉRIC BEAUDRY

 

Défendeurs

 

 

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JUGEMENT

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[1]           Quelles sont les limites à la liberté d'expression utilisée afin de susciter le boycott des produits ou des services d'une entreprise?

[2]           Il s'agit de l'une des questions centrales soulevées par le recours en injonction et en dommages entrepris par la demanderesse (RNC) contre les défendeurs.

[3]           Estimant que la poursuite intentée contre eux constitue une poursuite bâillon, chaque défendeur en demande le rejet péremptoire, s'appuyant sur les articles 54.1 et suivants C.p.c.

[4]           Il convient de préciser que l'affaire est fixée pour procéder au fond dans quelques semaines, du 17 au 21 février 2014, le dossier étant en état.

[5]           Le présent jugement dispose des demandes en rejet.

Contexte

[6]           RNC exploite plusieurs stations radiophoniques. Trois de ses stations, connues sous l'appellation « Radio X », sont au cœur du litige.

[7]           Ces stations diffusent, pour l'essentiel, un contenu d'opinions portant sur divers sujets d'actualité.

[8]           Selon la demande, chaque défendeur « consacre une partie impressionnante de son temps, à diffamer, utiliser sans droit des marques de commerce et logos protégés de la clientèle de la demanderesse et de la demanderesse, appeler au boycott illégal et inciter les Internautes à harceler la clientèle de la demanderesse, par le biais de sites Internet et de pages facebook[1].»

[9]           Selon RNC, les défendeurs seraient à la tête des organisations « Coalition sortons les poubelles » et « Coalition sortons les radios poubelles de Saguenay », agissant sous le couvert de l'anonymat[2].

[10]        Le paragraphe 38 de la demande résume sommairement les prétentions de la demanderesse:

38. Drapé dans la liberté d'expression, droit fondamental que la demanderesse reconnaît et veut évidemment voir protégé le plus largement possible, les défendeurs, leurs acolytes et leurs sites ou pages facebook, bafouent cependant d'autres droits dont certains fondamentaux en appelant à un boycott illégal (fondée (sic) sur des bases diffamatoires), en se livrant à du harcèlement et en incitant à le faire, en utilisant, sans droit, des logos et marques de commerces (sic), de même que des diffusions protégées par le droit d'auteur.

(Le soulignement est au texte original)

[11]        La demanderesse formule une demande d'injonction provisoire, interlocutoire ainsi que permanente, afin qu'il soit notamment ordonné aux défendeurs de cesser d'utiliser ses marques de commerce et logos, ainsi que ceux de ses annonceurs.

[12]        RNC demande également qu'il soit interdit aux défendeurs de publier des lettres types sur Internet, facebook ou ailleurs, afin d'inciter les « internautes ou les lecteurs » à écrire aux annonceurs, et leur ordonner de cesser de harceler la demanderesse ou les annonceurs.

[13]        La demanderesse veut aussi qu'il soit ordonné aux défendeurs de retirer certains sites et pages facebook d'Internet, concernant des liens qu'elle identifie aux conclusions de sa demande.

[14]        Enfin, la demanderesse estime que les défendeurs lui ont causé solidairement des dommages estimés à 200 000 $, réclamant de surcroît des dommages punitifs de 50 000 $ solidairement contre les défendeurs et d'une somme supplémentaire de 25 000 $ contre le défendeur Éric Beaudry.

[15]        Le premier défendeur poursuivi, Jean-François Jacob, dépose le 31 mai 2013, soit moins de dix jours après la signification de la requête introductive d'instance, une demande en rejet, assortie d'une demande afin que RNC soit condamnée à lui verser la somme de 65 000 $ à titre de dommages-intérêts, honoraires extrajudiciaires et dommages punitifs.

[16]        Le 28 mai 2013, RNC amende sa requête introductive d'instance pour y ajouter le défendeur Éric Beaudry, qu'elle tient également responsable de la campagne de boycott entreprise contre elle sur les sites Internet et médias sociaux.

[17]        Le 23 mai 2013, une première présentation des procédures entreprises contre le défendeur Jacob a lieu. À ce moment, le défendeur Jacob n'est pas représenté. Il consent à ce que soit prononcée une ordonnance de sauvegarde pour valoir jusqu'au 4 juin 2013, et dont les termes sont conformes, pour l'essentiel, aux ordonnances recherchées par RNC.

[18]        Lors de la présentation de la demande le 4 juin 2013, les parties conviennent d'un échéancier « qui permettra que la requête introductive d'instance en injonction permanente procède le plus rapidement possible, renonçant à ce moment-ci à procéder sur la demande d'injonction interlocutoire et provisoire »[3].

[19]        De même, le défendeur Beaudry consent, lors de cette séance de gestion, à ce que l'ordonnance de sauvegarde prononcée le 23 mai 2013 soit reconduite. Le défendeur Jacob consent pour sa part à souscrire « aux mêmes engagements dans le cadre d'une entente privée entre la demanderesse et lui-même »[4].

[20]        Les parties conviennent que le Tribunal prononce une ordonnance de confidentialité protège l'adresse personnelle des défendeurs, à moins d'une autorisation expresse du tribunal[5].

[21]        Le 22 juillet 2013, le défendeur Beaudry produit une requête en rejet de la demande de RNC, visant subsidiairement la radiation d'allégations et l'annulation de la mesure de sauvegarde à laquelle il a consenti.

[22]        Cette requête conclut en outre à une condamnation contre la demanderesse, solidairement avec son administrateur Patrice Demers, pour un montant de 75 000 $ à titre de dommages-intérêts et de dommages punitifs. Malgré cette demande contre le dirigeant de RNC, Patrice Demers, le défendeur Beaudry ne l'ajoute pas comme défendeur.

[23]        Comme déjà mentionné, à la suite de l'audition des requêtes en rejet, le dossier est fixé au fond pour une durée de cinq jours, puisque le dossier est en état.

[24]        Les questions soulevées par la requête du défendeur Jacob peuvent être ainsi résumées:

Ø  Le recours de RNC est-il dénué de fondement factuel établissant un lien entre lui et les propos et gestes fautifs allégués par RNC?

Ø  Le recours de RNC constitue-t-il un moyen illégal utilisé par RNC afin d'empêcher le défendeur d'exprimer librement son opinion concernant le contenu diffusé sur les ondes des radios de RNC?

[25]        Les moyens soulevés par la requête du défendeur Beaudry sont essentiellement semblables, quoique les faits allégués entourant ses agissements sont différents de ceux concernant le défendeur Jacob.

[26]        Par ailleurs, les parties conviennent que le Tribunal tranche le caractère abusif ou non des procédures de RNC. Le cas échéant, l'audition se poursuivra concernant les dommages réclamés par les défendeurs.

Analyse

[27]        Depuis son adoption en 2009, les articles 54.1 et suivants C.p.c. ont fait l'objet de nombreuses décisions.

[28]        L'article 54.1 C.p.c. énonce :

Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d'office après avoir entendu les parties sur le point, déclarer qu'une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif et prononcer une sanction contre la partie qui agit de manière abusive.

L'abus peut résulter d'une demande en justice ou d'un acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d'un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de la mauvaise foi, de l'utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, notamment si cela a pour effet de limiter la liberté d'expression d'autrui dans le contexte de débats publics.

(Soulignement du Tribunal)

[29]        Les requêtes des défendeurs comportent deux volets distincts.

[30]        Dans un premier temps, les défendeurs insistent sur le fait que RNC a entrepris contre eux une procédure à l'aveuglette, alors que dans les faits, aucun d'eux ne serait responsable des campagnes généralisées de boycott entreprises contre elle.

[31]        La demanderesse ne cache pas, dans ses procédures, la difficulté d'identifier les responsables des sites Internet et pages de médias sociaux qui, selon, elle, constitueraient des actions diffamatoires et fautives à son endroit.

[32]        Cela étant, la demanderesse établit divers liens entre chaque défendeur et la campagne systématique de boycott entreprise contre elle.

[33]        Sous cet aspect, les requêtes en rejet des défendeurs ont comme fondement le caractère manifestement abusif de la demande.

[34]        Le Tribunal estime que ce n'est qu'après une analyse de toute la preuve qu'il sera possible de déterminer l'implication réelle des défendeurs concernant les faits qui leur sont reprochés.

[35]        Il existe suffisamment d'éléments au dossier qui permettent de relier, au moins indirectement, les défendeurs au contenu des informations diffusées via Internet concernant les stations radiophoniques « Radio X » de la demanderesse pour justifier la tenue d'un procès.

[36]        Ainsi, il n'est pas possible d'affirmer de manière péremptoire, comme le fait le défendeur Jacob aux paragraphes 32 et 33 de sa requête en rejet, que « jamais …. n'a-t-il participé de près ou de loin à la création, la gestion ou la diffusion du site Internet faisant l'objet des reproches de la demanderesse[6]» Seule une enquête au fond permettra de mesurer l'implication réelle du défendeur Jacob.

[37]        De la même façon, il n'est pas manifeste que le défendeur Beaudry est totalement étranger aux propos que lui attribue la demanderesse, notamment en regard de l'association effectuée entre les annonceurs des stations Radio X et les propos qui auraient été tenus, soit par les animateurs de cette station ou d'autres stations[7].

[38]        Dans un deuxième temps, les défendeurs soutiennent que même s'ils étaient les auteurs des propos reprochés par RNC, ils n'ont commis, à l'évidence, aucune faute et n'ont fait qu'exercer leur liberté d'expression.

[39]        Dans ce contexte, les défendeurs soutiennent que RNC utilise la procédure en détournant les fins de la justice, ces procédures ayant pour seul objet de limiter leur liberté d'expression dans le contexte d'un débat public.

[40]        Les défendeurs soutiennent leur droit fondamental de faire valoir, sur la place publique, leur désaccord avec la nature des propos tenus sur diverses stations radiophoniques, dont Radio X, pour des messages qu'ils considèrent haineux.

[41]        Les défendeurs ajoutent que dans ce contexte, il leur est loisible non seulement de dénoncer de tels propos, mais d'encourager la population à boycotter Radio X et ses annonceurs qui, en faisant affaire avec l'entreprise, encourageraient la diffusion de son contenu.

[42]        La liberté d'expression constitue une valeur fondamentale dans la société canadienne, reconnue avant même son inscription dans nos chartes, comme le rappelle la Cour suprême dans l'affaire T.U.A.C Section locale 1518 c. KMart Canada[8]. À ce sujet, monsieur le juge Cory, s'exprimant pour la Cour, écrit:

La liberté d’expression est un élément fondamental de la liberté.  Elle constitue le fondement de toute société démocratique.  Elle est la pierre angulaire de nos institutions démocratiques et un élément essentiel à leur fonctionnement.

De plus, la distribution de tracts est une activité qui communique un message.  Compte tenu de l’interprétation très large qui a été donnée à la liberté d’expression, cette activité est clairement visée par l’al. 2b) de la Charte.  Dans l’arrêt Libman, précité, au par. 31, la Cour a dit:  «À moins que l’expression ne soit communiquée d’une manière qui exclut la protection, telle la violence, la Cour reconnaît que toute activité ou communication qui transmet ou tente de transmettre un message est comprise dans la garantie de l’al. 2b) de la Charte canadienne»[9].

[43]        Plus loin, monsieur le juge Cory analyse l'objectif de la démarche d'incitation au boycott ainsi que les conséquences inévitables que cela peut entraîner :

Elle vise à persuader des membres du public d’adopter une certaine ligne de conduite.  Elle y tend au moyen d’une discussion informée et rationnelle qui constitue l’essence même de la liberté d’expression.

[44]        II est intéressant de constater que dès 1999, le plus haut tribunal du pays envisageait déjà que des messages incitant au boycott puissent être diffusés sur Internet.

[45]        Ce constat permet de conclure que les défendeurs ont raison de prétendre que le recours de RNC a pour objectif de limiter leur liberté d'expression.

[46]        Cela ne signifie pas nécessairement que la procédure est utilisée de manière à détourner les fins de la justice, puisque l'analyse du caractère abusif au sens de l'article 54.1 C.p.c. ne doit pas se limiter aux effets de la poursuite.

[47]        À ce sujet, les propos de monsieur le juge Kasirer dans l'affaire Acadia Subaru c. Michaud[10] apportent un éclairage important sur la distinction entre l'effet de la poursuite et l'objectif visé par la partie demanderesse :

[77]       Ultimately, the abuse of process alleged by Mr. Michaud under article 54.1 is not to be found merely in the effect of the action in defamation on his freedom of expression, but in the car dealers' motive that deflects the court from its proper judicial duty.  As the authors of the Macdonald Report indicated, this is the notion at the core of a rule designed to strike at the "strategic" character of lawsuits that seek to deny freedom of speech: "[l]a défense des finalités propres au système judiciaire exige principalement que le recours aux tribunaux ne constitue pas une forme de détournement de la fonction judiciaire en vue de limiter l’exercice d’un droit fondamental".   Professor Macdonald stressed this idea when he was called upon to comment on the wording of the proposed legislation in its initial form after the preparation of his report: "'détournement'", he said, "c’est la norme la plus importante".   The Minister of Justice underscored the same point in her comments in the National Assembly by emphasizing the "purpose" as the defining characteristic of a "poursuite-bâillon" as regulated in the new law.

[78]       In many instances, the primary burden of demonstrating impropriety, even summarily, may be significant given the difficulty of establishing a litigant’s motivation for conduct, especially at an early stage in the proceedings where the car dealers themselves have given no evidence.   It may be that an effects-based approach may not only alleviate the primary burden falling to the person alleging impropriety but, because it does not depend on the vagaries of proving motive or purpose, provides a more efficient way for courts to dispose of these kinds of demands.   The legislature indicates at article 54.2 that measuring the effect of the use of procedure is one basis for inferring the wrongful purpose - this is a classically proven technique of inductive reasoning in law for discerning an actor’s purpose through his or her outward conduct and its effects.  But whatever the relevance of effects to the primary burden, effects cannot be the sole measure of abuse at the end of the day.  Plainly, it cannot be said that every claim that has the effect of restricting freedom of expression in public debate is improper since that would render all actions in defamation ipso facto abusive.  Only those that have an undue or disproportionate effect on freedom of expression, in the balancing of interests that article 54.1 calls upon a judge to undertake, should be held to be improper.  Where the primary burden is established using an effects-based measure of impropriety, this should not obscure the blameworthy character of the conduct that ultimately is the normative core of an "attempt to defeat the ends of justice".

(Soulignements du Tribunal)

[48]        Il ne suffit donc pas de constater que l'effet de la poursuite est de limiter la liberté d'expression, dans le cadre d'un débat public. Les défendeurs doivent, dans une première étape, démontrer sommairement que la demande de RNC constitue un abus, notamment en ce que RNC tente de détourner les fins de la justice.

[49]        Dans le présent dossier, RNC ne conteste pas le droit des défendeurs de critiquer le contenu des émissions qu'elle diffuse. Elle déclare revendiquer régulièrement le droit à la liberté d'expression pour ses animateurs. RNC reconnait en outre le droit des défendeurs de tenter de convaincre le public de boycotter son entreprise.

[50]        Cependant, RNC estime que les méthodes utilisées par les défendeurs sont fautives, trompeuses et de nature diffamatoire.

[51]        À cet égard, dans l'arrêt de la Cour suprême précité, monsieur le juge Cory énonce des conditions « d'exercice valide de la liberté d'expression par des moyens licites » de la façon suivante[11]:

58   En l’espèce, la distribution de tracts respectait les conditions suivantes:

(i)  le message communiqué par le tract était exact, non diffamatoire ni illicite, et il n’incitait pas les gens à accomplir des actes illicites ou délictueux;

 (ii)  même si la distribution de tracts se déroulait dans des lieux neutres, le tract indiquait clairement que le conflit ne visait que l’employeur principal;

(iii)  l’activité s’est déroulée sans coercition, intimidation ou autre aspect illicite ou délictueux;

(iv)  les participants à l’activité n’étaient pas nombreux au point de créer une atmosphère d’intimidation;

 (v)  l’activité n’a pas entravé indûment l’entrée ou la sortie des lieux visés;

 (vi)  l’activité n’a ni empêché les employés d’établissements neutres de travailler ni perturbé d’autres relations contractuelles avec les fournisseurs des établissements neutres.

 Une distribution de tracts respectant ces conditions constituerait normalement un exercice valide de la liberté d’expression par des moyens licites.  Pourtant, elle serait interdite par les mesures législatives attaquées.  C’est sur cette toile de fond qu’il y a lieu d’examiner la justification de ces mesures au regard de l’article premier de la Charte.  Il s’agit de déterminer si l’interdiction totale de distribuer des tracts qui est prévue par le Code et qui porte atteinte au droit à la liberté d’expression garanti par la Charte peut être justifiée au regard de l’article premier de celle-ci.

[52]        RNC soutient que les moyens utilisés par les défendeurs afin d'inciter le public à boycotter ses stations et ses annonceurs sont illicites et diffamatoires.

[53]        Par exemple, elle plaide que les défendeurs attribuent aux animateurs des stations Radio X certains propos qui émaneraient d'autres stations. Dans certains cas, les défendeurs feraient référence à des diffusions qui ont eu lieu il y a plusieurs années. Dans un autre exemple, les défendeurs auraient cité, hors contexte, un invité interviewé par un animateur de Radio X, ce qui ressort d'ailleurs d'extraits produits au soutien de la requête introductive d'instance.

[54]        RNC reproche également aux défendeurs des montages apparaissant sur Internet, où, à première vue, des propos peu élogieux sont attribués à des annonceurs. En petits caractères de bas de la page, il est indiqué qu'il ne s'agit pas des propos des annonceurs, mais qu'en appuyant Radio X, ces annonceurs endossent les propos.

[55]        Dans ce contexte, RNC soutient qu'elle n'utilise pas les fins de la justice pour limiter indûment la liberté d'expression des défendeurs, mais pour s'assurer que cet exercice respecte les paramètres reconnus par la loi et la jurisprudence.

[56]        De l'avis du Tribunal, le recours de la demanderesse soulève de sérieuses questions concernant les limites à la liberté d'expression, en tenant pour avérés les faits allégués par RNC. On ne saurait conclure à un abus ni à un détournement des fins de la justice justifiant le rejet des demandes.

[57]        Certes, certaines des conclusions formulées par RNC paraissent excessives. Par exemple, le retrait pur et simple de sites ou de pages facebook manque de nuances, alors que le retrait des éléments inappropriés, le cas échéant, pourrait suffire.

[58]        Cependant, au stade actuel, et étant donné que la date rapprochée du procès, le Tribunal estime qu'à la suite d'une enquête complète, le Tribunal sera en mesure d'apporter les précisions requises, s'il conclut que certaines des conclusions doivent être accueillies.

[59]        Par ailleurs, et ce fait est important, les défendeurs ont, tour à tour, consenti à se conformer à plusieurs des conclusions interlocutoires recherchées par la demanderesse dans le cadre des demandes de sauvegarde,.

[60]        Dans un tel contexte, il apparaît paradoxal que les défendeurs plaident le caractère manifestement abusif de la demande. Il ne s'agit pas d'une situation où le Tribunal aurait imposé une ordonnance de sauvegarde à la suite d'un débat et pour une durée contestée.

[61]        Enfin, à la suite de l'audition complète de la preuve, il sera encore loisible aux défendeurs de requérir que RNC soit condamnée à leur verser les dommages qu'ils réclament, si l'enquête démontre, comme le prétendent les défendeurs, que ceux-ci ne sont liés d'aucune manière aux gestes fautifs allégués par RNC.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[62]        REJETTE les requêtes en rejet d'action des défendeurs.

[63]        LE TOUT, frais à suivre l'issue.

 

 

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ÉTIENNE PARENT, j.c. s.

 

Me René Dion

René Dion avocat

762, avenue Royale

Québec (Québec) G1E 1Z4

Procureur de la demanderesse

 

Me Chantale Bouchard (casier 157)

Chantale Bouchard, avocate

Procureure de Jean-François Jacob

 

Me Pierre Fortin (casier 203)

Pierre Fortin, avocat

Procureur d'Éric Beaudry

 

Date d’audience :

30 septembre 2013

 



[1] Paragraphes 4 et 4.1 de la Requête introductive d'instance amendée le 20 septembre 2013

[2] Paragraphes 5 et 6.

[3] Page 1 de 5 du Procès-verbal du 4 juin 2013.

[4] Page 4 de 5 du Procès-verbal du 4 juin 2013.

[5] Page 5 de 5 du Procès-verbal du 4 juin 2013.

[6] Paragraphe 32 de la Requête en rejet du défendeur Jacob.

[7] Pièce DB-2 et DB-3.

[8] [1999] 2 RCS 1083, au paragraphes 21.….

[9] Idem au paragraphe 30.

[10] 2011 QCCA 1037, au paragraphe

[11] Idem paragraphe 58.

AVIS :
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