123834 Canada inc. c. Syndicat des copropriétaires Dix sur le Main |
2014 QCCS 831 |
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COUR SUPÉRIEURE (Chambre civile) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-078182-139 |
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DATE : |
7 MARS 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
CLÉMENT SAMSON, j.c.s. |
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123834 CANADA INC. |
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et |
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MARTIN PRESSMAN |
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et |
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MARY PRESSMAN |
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Demandeurs |
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c. |
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LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DIX SUR LE MAIN |
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Défendeur/Requérant |
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LÉON PRESSMAN |
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Mis en cause |
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SEAN MURPHY, en sa qualité de fondé de pouvoir au Canada pour Les Souscripteurs d'assurances non maritimes, membres de Lloyd's |
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Intimé |
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JUGEMENT |
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[1] Un Syndicat de copropriétaires a exhaussé la hauteur de son immeuble. L’immeuble voisin est susceptible de recevoir davantage de neige. La structure de son toit doit être par conséquent renforcée. L'assureur du Syndicat de copropriétaires a-t-il l'obligation d'assumer la défense à une action en dommages découlant de travaux préventifs sur le toit de l'immeuble voisin?
[2] Le défendeur, Le Syndicat des copropriétaires Dix sur le main (Syndicat) est propriétaire d'un immeuble qui, il y a quelques années, a été exhaussé d'une quinzaine de pieds.
[3] Les demandeurs, Martin et Mary Pressman, ainsi que le mis en cause, Monsieur Léon Pressman, sont propriétaires de l'immeuble voisin dont l'administration est confiée à la demanderesse 123834 Canada inc. (ensemble appelés « les demandeurs »).
[4] Après l'exhaussement de l'immeuble voisin, le 5 novembre 2010, les demandeurs reçoivent d'un locataire un avis qui soulève le fait que de l'accumulation de neige importante se fait sur le toit de l'immeuble leur appartenant.
[5] Les demandeurs retiennent les services d'un expert en construction qui signe un rapport le 20 avril 2011. Ce rapport conclut au fait que suite à l'exhaussement de l'immeuble du Syndicat, celui des demandeurs reçoit des accumulations de neige plus significatives dont le poids excède la capacité portante du toit plat. Ce toit doit être renforcé.
[6] Le coût du renforcement préventif du toit de l'immeuble des demandeurs est de 160 195 $, somme qu'ils réclament au Syndicat.
[7] Le 18 juillet 2013, les demandeurs déposent une procédure contre le Syndicat.
[8] Fort de cette réclamation, le Syndicat s'adresse à son assureur responsabilité, l'intimé agissant pour les souscripteurs de Lloyd's (l'assureur), afin qu'il prenne le fait et cause.
[9] Le 12 novembre 2013, l'assureur conteste :
« Vu qu'aucun dommage n'est réclamé suite à un « sinistre », aucune couverture n'a été déclenchée en vertu du contrat d'assurance responsabilité civile émis par les Souscripteurs de Lloyd's ».
[10] Le 14 novembre 2013, le Syndicat dépose une requête pour forcer l'assureur à assumer sa défense. Les conclusions recherchées par ce recours de type Wellington[1] se lisent ainsi :
« ORDONNER aux Souscripteurs du Lloyd's d'assumer la défense du requérant Le Syndicat des copropriétaires Dix sur le Main et de prendre en charge les frais liés à la défense relativement à la réclamation pour dommages intentée par les demandeurs;
ORDONNER aux Souscripteurs du Lloyd's de rembourser aux procureurs choisis par le requérant Le Syndicat des copropriétaires Dix sur le Main, les déboursés, les frais d'expertise, les frais et honoraires judiciaires, s'il y a lieu, et les honoraires et déboursés extrajudiciaires des procureurs du requérant, Syndicat Dix sur le Main, à compter de la signification de la requête introductive d'instance et jusqu'à ce que jugement final soit rendu dans le présent litige; »
[11] L'assureur conteste. Il prétend que les dommages réclamés par les demandeurs ne sont pas des « dommages matériels » découlant d'un sinistre et couverts par les garanties de la police d'assurance.
[12] L'obligation de défendre trouve sa source dans le Code civil du Québec :
« 2503. L'assureur est tenu de prendre fait et cause pour toute personne qui a droit au bénéfice de l'assurance et d'assumer sa défense dans toute action dirigée contre elle.
Les frais et dépens qui résultent des actions contre l'assuré, y compris ceux de la défense, ainsi que les intérêts sur le montant de l'assurance, sont à la charge de l'assureur, en plus du montant d'assurance. »
[13] La jurisprudence a précisé l'obligation de défense :
· Il y a obligation de défendre lorsque, dans les procédures, on retrouve des allégations qui peuvent susciter la simple possibilité que la responsabilité de l'assuré sous l'angle d'une ou l'autre des obligations contenues au contrat d'assurance soit engagée[2];
· Les faits rapportés dans la déclaration, afin de connaître l'obligation de l'assureur de défendre, doivent être tenus pour avérés[3];
· Le choix des mots contenus dans la procédure initiale ne lie personne. C'est la nature véritable de la demande qui compte[4];
· Si la découverte subséquente de faits entraîne l'exclusion de la couverture, il pourrait y alors avoir fin de l'obligation de défendre[5];
· L’obligation de défendre et l’obligation d’indemniser[6] sont des obligations distinctes[7].
[14] Puisque la police d'assurance est l'objet d’une analyse en lien avec les faits allégués, il convient de rappeler les règles d'interprétation des contrats d'assurance:
· « Quand un contrat n’est pas ambigu, le tribunal doit l’interpréter en le considérant dans son ensemble et en donnant effet au libellé non équivoque »[8];
· En cas d’ambiguïté, il est préférable de donner effet aux attentes raisonnables des parties[9];
· « Lorsque ces règles d’interprétation ne permettent pas de dissiper l’ambiguïté, les tribunaux interprètent la police contra proferentem - contre l’assureur »[10]. Cette règle est aussi contenue à l'article 1432 C.c.Q.[11]
[15] Le litige qui oppose les demandeurs au Syndicat a trait à une faute que l'on ne peut qualifier de traditionnelle, comme le serait la chute d'un morceau de glace d'un toit sur le bien d'un tiers.
[16] L'assureur définit ainsi, dans son cahier de plaidoirie, la faute alléguée, définition à laquelle souscrit généralement le Tribunal :
« En effet, à la lecture des paragraphes 8, 10 et 11, les demandeurs prétendent que la reconstruction effectuée sur l'immeuble du défendeur entraîne un changement dans les précipitations sur le toit de cet immeuble. Les demandeurs allèguent qu'ils ont été obligés d'effectuer des travaux pour renforcer le toit, le tout conformément aux règles et réglementations notamment le Code national du bâtiment. Les demandeurs réclament au défendeur le coût de ces travaux. Aucuns dommages-intérêts[12] ne sont réclamés.
En fait, l'immeuble des demandeurs n'a jamais été endommagé et les travaux effectués l'ont été à titre préventif afin d'éviter des dommages éventuels.
Les demandeurs ne réclament également pas de dommages pour la perte de jouissance de leur immeuble.»
[17] L’assureur ajoute qu’il s’agit d’une mise aux normes du bâtiment des demandeurs. À cet égard, le Tribunal tient à préciser que l’immeuble des demandeurs supportait le poids de la neige avant les travaux de transformation de l’immeuble du Syndicat. Ce n’est qu’après l'exhaussement que les travaux préventifs sur l’immeuble des demandeurs seraient devenus nécessaires. Ce n’est pas une mise aux normes aux fins uniquement de respecter les nouvelles normes de construction en vigueur, mais seulement afin de prévenir un dommage. C'est en faisant ces travaux de renforcement que les normes ont été rencontrées. La mise aux normes n'est pas une fin, elle survient ici par occasion.
[18] Les demandeurs ont assisté à l’audition qui mène au présent jugement, mais n’y ont pas participé. La qualification de cette faute est laissée à la discrétion du Tribunal et le juge du fond et les demandeurs ne sont pas liés par cette qualification; elle n'est valable que pour les fins du présent jugement.
[19]
La source de cette réclamation semble prendre appui sur l’article
976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.
[20] Dans l’arrêt Ciment du Saint-Laurent c. Barrette[13], la Cour suprême du Canada a établi que cet article génère une forme de régime de responsabilité sans faute :
« [3] Saisie d’un pourvoi contre l’arrêt de la
Cour d’appel, notre Cour doit maintenant décider si le droit civil du Québec
admet, en vertu de l’art.
[21] Cette qualification de la faute « sans faute » n'est pas véritablement un enjeu puisque la jurisprudence a déjà reconnu que le mot « accident » contenu à un contrat d’assurance n’oblige pas qu’il y ait strictement une faute de la part de l’assuré[14]. À première vue du moins, cette « faute », s'il en est une, n'est pas source de conflit aux fins du présent jugement.
[22] Non seulement la source de la responsabilité du Syndicat face aux demandeurs est non-conventionnelle et méritait des commentaires du Tribunal, mais le dommage réclamé est tout autant inhabituel.
[23] Les dommages sont uniquement les coûts des travaux nécessaires pour prévenir une perte.
[24] En tenant pour vrais les faits de la procédure des demandeurs, le préjudice subi par les demandeurs est réel et actuel parce que la réparation était devenue nécessaire. Si les demandeurs avaient attendu, le dommage se serait aggravé, un effondrement aurait eu lieu et de plus importants dommages auraient possiblement alors été causés. Si les demandeurs n'avaient pas exécuté les travaux requis et avaient laissé survenir un malheureux accident, il est possible qu'on leur reproche de ne pas avoir minimisé leurs dommages. Mais l'assureur aurait vraisemblablement l'obligation de défendre.
[25] Les coûts de prévention réclamés, bien qu'inusités, ne sont ni des dommages corporels ni des dommages contractuels; ils s'inscrivent dans la foulée des dommages reconnus par la Cour suprême comme troubles de voisinage. Ce sont des dommages matériels au sens propre du terme, ce qui ne veut pas immédiatement dire qu'ils sont des dommages matériels au sens du contrat d'assurance.
[26] Le Tribunal remarque que, dans le Code civil du Québec, cette notion de « prévenir une perte » génère parfois même des obligations spécifiques. L’entrepreneur qui résilie un contrat est tenu de faire tout ce qui est immédiatement nécessaire pour prévenir une perte[15]. Il en est de même du liquidateur de la succession d’un gérant[16]. Dans la foulée de ces dispositions du Code, il pourrait paraître inconséquent de nier l'existence de dommages préventifs et d'attendre qu’un malheureux accident survienne pour discuter de responsabilité. Le juge au fond en décidera.
[27] Si ce dommage réclamé n'est pas corporel, non associé à une perte de jouissance et n'est pas davantage contractuel, pourquoi ne serait-il pas un dommage matériel et couvert par la police d’assurance?
[28] La construction logique d'une police d'assurance est, comme c'est le cas en l'espèce, habituellement constituée de chapitres contenant la description de garanties d'assurance, les exclusions à ces garanties, et même parfois des exceptions aux exclusions (ce qui signifie des garanties spécifiques).
[29] Dans le cas sous étude, il existe la garantie pour « DOMMAGE CORPOREL et DOMMAGE MATÉRIEL »[17]. Ensuite, on retrouve la garantie pour « PRÉJUDICE PERSONNEL et PRÉJUDICE DÉCOULANT DE LA PUBLICITÉ »[18], suivie de celle traitant des « FRAIS MÉDICAUX »[19]. Finalement, la dernière garantie traite de la « RESPONSABILITÉ LOCATIVE »[20].
[30] Un chapitre est réservé aux « EXCLUSIONS COMMUNES » pour les 4 garanties précédemment énumérées[21].
[31] D'autres chapitres sont intitulés « GARANTIES SUPPLÉMENTAIRES - GARANTIES A, B et D ».
[32] Finalement, les six dernières pages du contrat sont réservées pour définir certains termes.
[33] D'entrée de jeu, il convient de conclure que 3 des 4 chapitres ne trouvent pas application et après analyse, d'exclure également les garanties supplémentaires; ne reste que le chapitre « DOMMAGE CORPOREL et DOMMAGE MATÉRIEL ».
[34] Dans ce chapitre, les obligations de l'assureur sont exprimées en ces termes:
« 1. Notre engagement
a. Nous paierons les sommes que l'assuré se verra tenu en droit de payer à titre de « dommages-intérêts compensatoires » pour tout « dommage corporel » ou « dommage matériel » visé par le présent contrat. Nous aurons le droit et l'obligation d'opposer, au nom de l'assuré, une défense contre toute « poursuite » visant à obtenir de tels « dommages-intérêts compensatoires ». Cependant, nous n'aurons aucune obligation d'opposer, au nom de l'assuré, une défense contre toute « poursuite » visant à obtenir des « dommages-intérêts compensatoires » pour un « dommage corporel » ou un « dommage matériel » non visé par le présent contrat. »
(notre soulignement)
[35] En présence d'un « dommage matériel », n'est engagée la responsabilité de l'assureur qu'à une condition :
« b. Le présent contrat ne vise le « dommage corporel » et le « dommage matériel » que dans la mesure où :
(1) ils résultent d'un « sinistre » qui s'est produit dans les « limites territoriales de la garantie »; »
[36] Dans la dernière partie du contrat d'assurance, certaines expressions sont définies, utiles aux fins du présent jugement :
« 9. « dommage matériel »
a. le dommage physique à un bien matériel, y compris la privation de jouissance qui en découle. Cette privation de jouissance est réputée survenir à la date à laquelle se produit le dommage physique l'a causée;
b. la perte de jouissance d'un bien matériel n'ayant subi aucun dommage, cette perte de jouissance étant réputée survenir à la date à laquelle se produit le « sinistre » qui l'a causée.
23. « sinistre » désigne un accident, y compris l'exposition continue ou répétée à des conditions nocives essentiellement de même nature. »
[37] Un accident est, par nature, non voulu et non prévu. À moins de preuve contraire, le Syndicat n’a pas exhaussé son immeuble en prévoyant et en voulant générer un dommage à l’immeuble voisin. La condition « sinistre » est rencontrée.
[38] Cela dit, le dommage précédemment défini est-il un dommage matériel?
[39] Dans l'arrêt Géodex inc. c. Zurich, compagnie d'assurances[22] sur lequel l'assureur a attiré l'attention du Tribunal, Monsieur le juge Dalphond associe la notion de « dommage matériel » à des notions comme « détériorer » ou « destruction ». Toutefois, chose exceptionnelle, le contrat sous étude nous apprend qu'un bien peut ne pas être endommagé et être considéré comme ayant subi un « dommage matériel ».
[40] Une exclusion contenue au contrat se lit ainsi :
« 2. Exclusions
Sont exclus de la garantie:
(…)
j. Bien défectueux ou bien n’ayant subi aucun dommage
Le « dommage matériel » d’un bien défectueux ou d’un bien n’ayant subi aucun dommage, causé par :
(1) Un défaut, une lacune, une insuffisance ou un danger dans « votre produit » ou « vos travaux »;
(2) Un retard ou un manquement par vous ou par une personne agissant pour votre compte dans l’exécution d’un contrat conformément à ses modalités.
La présente exclusion est sans effet à l’égard de la privation de jouissance de tout autre bien occasionnée par un dommage soudain et accidentel atteignant « votre produit » ou « vos travaux » après leur mise en usage conformément à leur utilisation prévue. »
(notre soulignement)
[41] Cette exclusion ne s’applique qu’en regard des dommages causés par des défauts, lacunes ou dangers contenus dans « vos produits » ou « vos travaux ». Or, ces deux dernières expressions elles-mêmes définies réfèrent à des travaux réalisés par l’assuré ou des produits distribués par l’assuré. L’expression simplifiée « Un dommage causé par un danger dans vos produits » crée une exclusion à l’obligation de défendre. On peut penser à un défaut que l'on retrouve dans un bien manufacturé par l'assuré et qui cause des incendies lors de son usage par des consommateurs.
[42] Cette exclusion ne s'applique évidemment pas au cas sous étude. Mais elle n'en demeure pas moins intéressante pour faire échec à l'argument que « le toit des demandeurs n'ayant pas été endommagé, il n'y a donc pas de dommage matériel, et par conséquent pas d'obligation de défendre ».
[43] Comme l’enseigne la Cour Suprême, la protection d’assurance doit recevoir une interprétation large, et l’exclusion, une interprétation restrictive[23].
[44] Aussi, bien souvent les exclusions permettent d’interpréter les protections générales, ce qui est précisément le cas dans ce dossier.
[45] Cette clause :
· reconnaît qu'un dommage matériel peut exister en regard de biens non-endommagés;
· exclut la protection d'assurance pour des fabricants ou des travailleurs en regard des produits ou travaux qu’ils distribuent ou réalisent;
· et par conséquent, amène à conclure que l’assureur voulait couvrir, sauf cette exception, les dommages matériels de biens qui n’ont subi aucun dommage.
[46] En plus de cette clause qui donne une réponse favorable à l'assuré, existe aussi la notion des attentes du Syndicat.
[47] Les attentes du Syndicat à titre d’assuré sont de le protéger des conséquences découlant de gestes qui engagent sa responsabilité civile pour des dommages matériels ou corporels. Le Tribunal soupçonne même que l’assureur, lorsqu’il a rédigé le texte de sa police, ne pouvait imaginer pareille situation : celle du voisin qui, pour éviter un probable grave accident, poursuit en responsabilité son assuré et réclame des domma-ges « préventifs ».
[48] Finalement, si doute il y avait, il doit bénéficier à l'assuré. La notion de dommages matériels n'est pas suffisamment explicite pour exclure ce type de réclamation car la neige excessive sur la toiture des demandeurs pourrait être considérée comme génératrice d'un dommage potentiel. Et l'exclusion limitée de dommage à un bien n'ayant subi aucun dommage permet de conclure que l'assureur n'a pas voulu exclure la garantie pour ce type de situation.
[49] L’assureur a plaidé des arrêts visant à démontrer que la mise aux normes d’un bâtiment n’engage pas l’obligation de l’assureur de défendre.
[50] Les faits de l'arrêt Géodex inc. c. Zurich, compagnie d'assurances se résument ainsi : les copropriétaires poursuivent l’entrepreneur suite à l'effondrement d'une partie de la construction de leur immeuble. On y réclame notamment des frais pour mauvaise exécution des contrats de construction pour une partie de l'immeuble qui ne s’est pas effondrée. Les copropriétaires poursuivent pour les frais de mise aux normes de leur immeuble. L’assureur de l’entrepreneur nie devoir assumer la défense à cet égard. Le Tribunal donne raison à l'assureur car il n'y a pas de dommage matériel.
[51] Deux nuances s'imposent. D'abord, la Cour d'appel tient compte du fait qu'il existe une exclusion spécifique pour les vices de construction commis par l'assuré. Elle écrit :
« [44] Par ailleurs, la police précise dans ses exclusions qu'il ne s'agit pas d'une garantie d'exécution de tous les travaux (« performance bond ») ou d'une garantie contre les erreurs ou omissions, incluant les vices cachés ou apparents pouvant affecter les travaux exécutés. »
[52] Quant au dommage matériel, la Cour d’appel prend soin de préciser que ce qui est réclamé est une mise aux normes pour la partie de l'immeuble qui ne s'est pas effondrée :
« [50] Or, la compensation demandée par le syndicat pour la tour ne se rapporte pas à une perte de jouissance de cet immeuble, mais plutôt aux coûts de mise aux normes de la tour et de correction des travaux que l’on dit mal faits. »
[53] Le Tribunal considère que les faits du litige sous examen sont différents. Les demandeurs ne réclament pas pour la mise aux normes de leur bâtiment mal construit, mais essentiellement pour prévenir un dommage. Avant que le Syndicat n’exhausse son immeuble, le bâtiment des demandeurs supportait le poids de la neige. À cause du geste posé par le Syndicat, un dommage est causé : le risque d’écroulement du toit est prévisible.
[54] Dit autrement, dans l’arrêt Géodex, l’effondrement a été l’occasion de réclamer pour d’autres travaux mal faits; les copropriétaires auraient pu tout aussi bien réclamer pour des vices de construction avant même qu’il n’y ait effondrement d’une partie de l’édifice. Dans l’affaire sous étude, le geste d’exhaussement posé par le Syndicat donne une autre portée au dommage car il résulte d’un acte qui pourrait engager sa responsabilité.
[55] Dans l'arrêt Le Groupe Desjardins, Assurances Générales c. L. Breton & Fils (La Sarre) Ltée[24], la Cour d'appel donne raison à l'assureur et le dispense d'indemniser son assuré pour un vice de construction qui ne répondait pas initialement aux exigences du contrat de construction. Avec respect, le Tribunal ne peut appliquer ce raisonnement au présent dossier car, initialement, l'immeuble des demandeurs supporte le poids de la neige. C'est la faute alléguée du Syndicat d'exhausser son immeuble qui a rendu l'immeuble des demandeurs dangereux, obligeant au renforcement de la structure.
[56] Le Tribunal considère que l'assureur a l'obligation d'assumer la défense du Syndicat.
[57] Reste à statuer sur la seconde demande du Syndicat, celle de lui permettre de choisir ses avocats, aux frais de l'assureur.
[58]
L'article
[59] Or, le seul élément dont dispose le Tribunal à cet égard est le refus de l'assureur de prendre le fait et cause jusqu'au présent jugement. La contestation juridique de la part de l'assureur ne représente pas un motif sérieux justifiant de ne pas respecter le principe précédemment émis. Conclure autrement reviendrait à dire que, dès lors qu'un assureur refuse de prendre la défense d'un assuré et que ce dernier est ensuite obligé de le faire suite à la décision d'un tribunal, l'assureur s'est automatiquement discrédité pour assumer une bonne et valable défense de son assuré.
[60] Monsieur le juge Jacques Babin j.c.s., dans le jugement Wellington[25], passe en revue la jurisprudence sur cette question. Et confronté lui aussi au simple fait que l'assuré plaide la dénégation générale de l'assureur pour prendre le contrôle de sa défense, il décide que ce n'est pas un motif suffisant pour écarter la règle générale que l'assureur a le choix de l'avocat et des moyens pour défendre son assuré.
[61] Le Syndicat a plaidé des jugements où, pour des motifs particuliers[26], l'assuré était en droit de ne pas avoir confiance dans les moyens de défense mis en œuvre par son assureur.
[62] Concluons. L'assureur doit défendre son assurée et l'assureur a le choix des avocats et des moyens pour le faire adéquatement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[63] ORDONNE à l'intimé d'assumer la défense du requérant Le Syndicat des copro-priétaires Dix sur le Main et de prendre en charge les frais liés à la défense relativement à la réclamation pour dommages intentée par les demandeurs;
[64] ORDONNE à l'intimé de rembourser au requérant Le Syndicat des copropriétaires Dix sur le Main les honoraires et déboursés extrajudiciaires engagés pour la défense du Syndicat jusqu'au jugement final sur la requête dont dispose le présent jugement;
[65] REJETTE la demande formulée par le Syndicat de choisir des avocats à son choix pour assumer sa défense;
[66] LE TOUT avec dépens.
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CLÉMENT SAMSON, j.c.s. |
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Lapointe Rosenstein Marchand Melançon |
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Madame Larisa Albu, stagiaire |
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1250, boulevard René-Lévesque Ouest, bureau 1400 |
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Montréal (Québec) H3B 5E9 |
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Procureurs des demandeurs |
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Dufour Mottet Avocats |
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Me Richard Letendre |
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2550, boulevard Daniel-Johnson, bureau 400 |
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Laval (Québec) H7T 2L1 |
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Procureurs du défendeur/requérant |
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Robinson Sheppard Shapiro |
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Me Marie-Hélène Bélanger |
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Tour de la Bourse |
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800, Place Victoria, bureau 4600 |
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Montréal (Québec) H4Z 1H6 |
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Procureurs de l'intimé |
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Date d’audience : |
27 février 2014 |
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[1] Du nom de l’arrêt qui a autorisé ce type de recours : Wellington c. M.E.C. Technologie inc., 1999 CanLII 13663 (QC CA).
[2] Nichols c. American Home Assurance Co.,
[3] Monenco Ltd. c. Commonwealth Insurance Co.,
[4] Progressive
Homes Ltd. c. Cie canadienne d'assurances générales Lombard,
[5] Compagnie
d'assurances Wellington c. N.E.C. Technologie inc.,
[6] 2498 C.c.Q.
[7] Boréal Assurances Inc. c. Réno-Dépôt inc., 1995 CanLII 5072 (QC CA).
[8] Non-Marine Underwriters, Lloyd's of London c. Scalera,
[9] Ibidem.
[10] Progressive Homes, par. 24.
[11] 1432. Dans le doute, le contrat s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation et contre celui qui l'a stipulée. Dans tous les cas, il s'interprète en faveur de l'adhérent ou du consommateur.
[12] Sur cet aspect, la qualification de ce qui est réclamé est une question dont discute le Tribunal.
[13]
[14] Compagnie
canadienne d’assurances générales Lombard c. Marchands Unis inc.
[15] Article
[16] Article
[17] Pages 1 de 24 à 5 de 24.
[18] Pages 5 de 24 à 7 de 24.
[19] Pages 7 et 8 de 24.
[20] Pages 8 et 9 de 24.
[21] Pages 9 de 24 à 12 de 24.
[22] 2006 QCCA 558.
[23] Progressive Homes, par. 24.
[24] [1989] R.R.A. 221 (C.A.) (Voir particulièrement la page 2 des notes du juge Beauregard).
[25] Voir note 5.
[26] Charron
c. Entreprises de rénovations Pareco inc.,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.