Viens c. Dion | 2023 QCTAL 7904 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Saint-Hyacinthe | ||||||
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No dossier : | 673922 23 20230111 G | No demande : | 3769307 | |||
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Date : | 10 mars 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Marilyne Trudeau | |||||
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Benjamin Viens |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Lise Dion |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le 11 janvier 2023, le locateur a produit une demande pour obtenir l'autorisation de reprendre le logement occupé par le locataire afin de s’y loger.
[2] Les parties sont liées par un bail couvrant la période du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023 au loyer mensuel de 457 $.
[3] Le 9 décembre 2022, le locateur a avisé le locataire qu'il entendait reprendre le logement pour s'y loger. L'avis est conforme aux dispositions des articles 1960 et 1961 C.c.Q.
[4] La locataire n’ayant pas répondu à cet avis, elle est réputée avoir refusé de quitter le logement. Le locateur a donc introduit le présent recours, et ce, dans le délai prévu à l'article 1963 C.c.Q.
[5] Présente à l'audience, la locataire ne conteste pas les intentions du locateur quant à la reprise du logement. Elle désire cependant obtenir une indemnité pour compenser les frais afférents à son déménagement des lieux loués et pour les inconvénients découlant directement de la reprise du logement et de son aménagement dans un autre lieu. Elle estime ces frais entre 800 et 900 $ en plus des frais de rebranchement aux divers services et le suivi de son courrier.
DÉCISION
[6] La présente demande se fonde sur l'article 1963 du Code civil du Québec qui stipule :
« 1963. Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, Le locateur peut, néanmoins, le reprendre, avec l'autorisation du tribunal.
Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et Le locateur doit alors démontrer qu'il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l'avis et qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins. »
[7] Tel que l'écrivait Me Bisson dans l'affaire Dagostino c. Sabourin[1], en matière de reprise de logement, deux droits importants se rencontrent et s'opposent : d'une part, le droit du propriétaire d'un bien de jouir de ce dernier comme bon lui semble et, d'autre part, le droit du locataire au maintien dans les lieux loués. C'est pour protéger ce droit du locataire que le législateur impose des conditions au locateur.
[8] En l'espèce, le Tribunal considère que le locateur respecte les exigences de la loi quant à la reprise du logement et il est satisfait que le locateur désire bien le logement pour s’y loger.
[9] Lorsque le Tribunal autorise la reprise, il peut imposer des conditions justes et raisonnables, y compris le paiement aux locataires d'une indemnité équivalente aux frais de déménagement, comme le mentionne l'article 1967 C.c.Q.
[10] Dans l'affaire Boulay c. Tremblay[2], la Cour du Québec explique la nature de l'indemnité prévue à cet article et les critères qui doivent être retenus pour la déterminer. Il ne s'agit pas d'une demande en dommages-intérêts fondée sur une faute. La reprise du logement étant une exception au droit au maintien dans les lieux du locataire, le législateur a voulu que le locateur indemnise le locataire pour les inconvénients que lui occasionne l'exercice de ce droit, en gardant à l'esprit que le locateur ne commet aucune faute et se prévaut d'un droit que lui accorde la loi.
[11] La Cour du Québec a aussi déterminé, dans l'affaire Carlin c. Dec que l'article 1967 C.c.Q. ne vise pas que les frais de transport des biens[3]. Le Tribunal accorde ainsi une indemnité pour la perte du droit au maintien dans les lieux[4]. On ajoute que des facteurs tels que l'âge du locataire, son état de santé, la durée d'occupation du logement, l'attachement au logement, le coût du transport des biens et les frais de rebranchement aux services publics (téléphone, électricité, câblodistribution, etc.) peuvent être pris en considération.
[12] Comme le mentionne ma collègue, la juge administrative Chantale Bouchard[5], « Le dénominateur commun de ces affaires repose néanmoins sur une compensation qui doit être juste et raisonnable. Le Tribunal usera judiciairement de sa discrétion pour l'établir, selon les faits particuliers de chaque dossier. »
[13] Il faut se rappeler que le locateur exerce un droit légitime reconnu par la loi. Il n'y a donc pas lieu de le pénaliser pour l'exercice de ce droit.
[14] Dans la présente affaire, le Tribunal administratif du logement étant un Tribunal administratif spécialisé, il lui est de connaissance judiciaire qu'un déménagement occasionnera certains frais. En l'absence d'indication précise quant aux frais à prévoir, le Tribunal accorde 1 000 $ à la locataire à titre d'indemnité équivalente aux frais raisonnables reliés au déménagement, incluant les frais de branchement aux services publics et de changement d'adresse.
[15] À titre d'information aux parties, il convient d'ajouter que l'article 1968 C.c.Q. prévoit un recours en faveur de la locataire en recouvrement de dommages-intérêts et même de dommages punitifs si la reprise de logement est obtenue de mauvaise foi. De plus, l'article 1970 C.c.Q. précise qu'un logement qui fait l'objet d'une reprise ne peut, sans l'autorisation du Tribunal administratif du logement, être reloué ou utilisé pour une autre fin que celle pour laquelle le droit a été exercé.
[16] Le locateur assume les frais judiciaires de la demande.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[17] AUTORISE le locateur à reprendre le logement pour s'y loger, et ce, à compter du 1er juillet 2023;
[18] DÉCLARE le bail non reconduit à son terme;
[19] À défaut d’un départ volontaire le 30 juin 2023, ORDONNE l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;
[20] CONDAMNE le locateur à payer au locataire 1 000 $ à titre d'indemnité de départ;
[21] AUTORISE la locataire à opérer compensation à même les derniers mois de loyer.
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Marilyne Trudeau | ||
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Présence(s) : | le locateur la locataire | ||
Date de l’audience : | 2 mars 2023 | ||
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[1] 31-991119-037G, 00-01-26, J. Bisson.
[2] Boulay c. Tremblay, (1994) J.L. 132.
[3] Carlin c. Dec, 500-02-063681-980, 99-03-26, juge Lucien Dansereau.
[4] Op.cit. p.8.
[5] Alberga c. Bradette, 31-100108-001G, 15 avril 2010.
AVIS :
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