Lemieux c. Dardari |
2018 QCRDL 26796 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
||||||
Bureau dE Québec |
||||||
|
||||||
No dossier : |
324750 18 20170308 G |
No demande : |
2195623 |
|||
|
|
|||||
Date : |
10 août 2018 |
|||||
Régisseure : |
Lucie Béliveau, juge administrative |
|||||
|
||||||
Alexandre Lemieux
Yves Langlais |
|
|||||
Locataires - Partie demanderesse |
||||||
c. |
||||||
Hassan Dardari |
|
|||||
Locateur - Partie défenderesse |
||||||
|
||||||
D É C I S I O N
|
||||||
[1] Après s’être désistés directement à l’audience d’une partie de leurs demandes, les locataires demandent la résiliation du bail de logement les liant au locateur, avec la condamnation aux frais.
[2] Les parties sont liées par un bail de logement du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012, lequel a été reconduit jusqu’au 30 juin 2017, au loyer mensuel de 768 $.
APERÇU
[3] Les locataires, messieurs Yves Langlais et Alexandre Lemieux, demandent la résiliation de leur bail à compter du 30 avril 2017, en raison des bruits excessifs provenant d’une garderie opérée à partir du logement du rez-de-chaussée et du sous-sol et ce, depuis le mois de novembre 2016.
[4] La garderie opérait jusqu’à 19h00 ou 20h00 le soir et était source de bruits anormaux, puisque des enfants pleuraient ou criaient continuellement. Cette situation les empêchait de travailler ou d’étudier de la maison, comme ils avaient l’habitude de le faire.
[5] Ils soutiennent qu’au surplus, la fin de semaine, il y avait des fêtes d’enfants ou des pratiques de chorale, évènements répétitifs qui polluaient leur quiétude, même la fin de semaine.
[6] Ils prétendent que cette locataire les insultait et posaient des gestes de nuisance comme stationner son véhicule derrière le leur pour les empêcher de sortir du stationnement.
[7] Ils affirment avoir demander verbalement à plusieurs reprises au locateur de faire cesser ce bruit démesuré, empêchant d’avoir la jouissance paisible des lieux. Demeurés sans réponse et sans intervention du locateur, ils mettent celui-ci en demeure en date du 13 février 2017 et lui donnent, par la même occasion, un avis unilatéral de résiliation de bail le prévenant de leur futur départ le 30 avril 2017.
[8] Cette situation a mis à rude épreuve leur couple et a participé à l’échec de leur union qui s’est soldée par une séparation. Toutefois, ils expliquent qu’après avoir retrouvé un rythme de vie normal, loin des tracas causés par ces évènements, ils sont de nouveau en couple.
[9] Le locateur, monsieur Hassan Dardari, confirme avoir loué le logement du rez-de-chaussée afin qu’une garderie y soit opérée, mais il affirme que celle-ci opère légalement du lundi au vendredi seulement, qu’il n’y a que six enfants qui ne sont pas plus bruyants que d’autres et que la garderie ferme à des heures normales, soit à 17h00.
[10] Il avoue n’avoir aucune intention de mettre en péril l’opération de la garderie puisque la source de revenus est fixe et qu’il est difficile de louer un dix pièces et demie.
[11] Il affirme que les locataires sont de mauvaise foi et usent d’un prétexte pour résilier le bail car ils avaient l’intention de partir avant la fin de leur bail, puisqu’ils avaient acheté une résidence.
QUESTION EN LITIGE
- La résiliation du bail au 30 avril 2017 est-elle justifiée ?
ANALYSE ET DÉCISION
[12] D’entrée de jeu, il est pertinent de rappeler que celui qui veut faire valoir un droit doit faire la preuve des faits au soutien de sa prétention, et ce, de façon prépondérante, la force probante du témoignage et des éléments de preuve étant laissée à l'appréciation du Tribunal[1].
[13] Le locateur est tenu, pendant la durée du bail, de fournir la jouissance paisible des lieux au locataire[2].
[14] De même, si un locataire est troublé par un autre locataire, il peut demander la résiliation en vertu de l’article 1861 du Code civil du Québec qui édicte ce qui suit :
« 1861. Le locataire, troublé par un autre locataire ou par les personnes auxquelles ce dernier permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci, peut obtenir, suivant les circonstances, une diminution de loyer ou la résiliation du bail, s'il a dénoncé au locateur commun le trouble et que celui-ci persiste.
Il peut aussi obtenir des dommages-intérêts du locateur commun, à moins que celui-ci ne prouve qu'il a agi avec prudence et diligence; le locateur peut s'adresser au locataire fautif, afin d'être indemnisé pour le préjudice qu'il a subi. »
[15] De la preuve et des témoignages présentés en audience, le Tribunal estime que les locataires ont relevé leur fardeau de preuve afin d’établir que le bruit provenant du logement à l’étage inférieur où une garderie était opérée leur ont causé un préjudice sérieux et qu’ils ont dénoncé cette problématique au locateur sans que celui-ci ne fasse rien pour faire cesser le trouble.
[16] Il est manifeste et le Tribunal croient les locataires lorsqu’ils affirment qu’ils appréciaient leur logement et qu’avant l’établissement de la garderie, ils y vivaient paisiblement depuis le mois de juillet 2011 et qu’ils n’avaient jamais prévu déménager.
« En matière de bruit, le tribunal ne peut fonder son appréciation sur des considérations subjectives et doit chercher à déterminer si le locataire plaignant vit une situation qui, par sa répétition, insistance et ampleur, constitue une atteinte grave, excessive ou déraisonnable justifiant la résiliation du bail. Cette analyse doit se fonder sur des critères objectifs et probants. Ce qui est incommodant pour certains peut ne pas l'être pour d'autres et, ainsi, le tribunal est appelé à se prononcer uniquement sur une situation extraordinaire et inhabituelle. » [3]
[18] Il ne s’agit pas ici des inconvénients normaux du voisinage mais de l’opération d’une activité commerciale qui génère des bruits excessifs et qui excèdent les limites de la tolérance.
[19] En conséquence, le Tribunal estime que la résiliation du bail est justifiée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[20] ACCUEILLE la demande des locataires;
[21] RÉSILIE le bail entre les parties à compter du 30 avril 2017;
[22] PREND ACTE du désistement des demandeurs quant aux autres conclusions.
|
|
|
|
|
Lucie Béliveau |
||
|
|||
Présence(s) : |
les locataires le locateur |
||
Date de l’audience : |
31 juillet 2018 |
||
|
|||
|
|||
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.