Larose c. Legault |
2021 QCTAL 28770 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Gatineau |
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No dossier : |
540892 22 20201016 G |
No demande : |
3088893 |
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Date : |
15 novembre 2021 |
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Devant le juge administratif : |
Stéphane Sénécal |
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Claude Larose |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Karine Legault
Stéphane Lacroix |
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Locataires - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le Tribunal est saisi d’une demande du locateur, déposée le 16 octobre 2020 en dommages-intérêts, en plus de l’indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec et les frais judiciaires.
[2] Les parties étaient liées par un bail du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, au loyer mensuel de 910 $. Le bail avait été renouvelé jusqu’au 30 juin 2020, au loyer mensuel de 925 $. Le bail ne prévoit pas la solidarité des locataires.
[3] La preuve révèle également que les locataires ont quitté le logement à la fin du bail, le 30 juin 2020.
FAITS :
[4] Le Tribunal entend en témoignage madame Lorraine Marsolais, la conjointe du locateur. Elle mentionne que c’est elle qui s’occupe du dossier. Cette dernière allègue principalement que lors d’une visite de locataires potentiels, le 26 mai 2020, ces derniers constatent de la moisissure sous l’évier de la cuisine.
[5] Elle avance que le robinet coulait lorsqu’il était ouvert et que cela a créé de la moisissure sous l’évier et même des dommages au logement en dessous de celui des locataires.
[6] Le locateur a été dans l’obligation de faire décontaminer par la compagnie Prosécur, compagnie référée par la locataire. De plus, il a dû faire remplacer les armoires, les murs (gypse, peinture, etc.), la céramique et plancher de l’appartement du dessous.
[7] Elle mentionne que la locataire n’a pas avisé qu’il y avait un problème avec l’évier. Si elle l’avait dénoncé, il n’y aurait pas eu tous ces dommages.
[8] Le locateur et madame Marsolais affirment que les locataires ne pouvaient ignorer le problème, du fait qu’ils ont fait l’installation d’un lave-vaisselle donc ils ne pouvaient pas l’ignorer.
[9] Ils ajoutent, de plus, que le plancher du salon a été percé afin de faire passer le fil du câble au locataire du dessous.
[10] Le locateur soumet en pièces plusieurs documents, notamment des photos, lettres, courriels et des factures afin d’appuyer ses allégations.
[11] En défense, seule la locataire est présente à l'audience. Le Tribunal avise le locateur qu’il ne peut tenir compte du courriel de l’expert en sinistre qui n’est pas présent afin de témoigner. L’analyse de ce rejet fera partie des motifs ci-après.
[12] Lors de l’audience, seule la locataire est présente. Cette dernière invoque entre autres que lors de leur arrivée, l’état du logement n’était pas convenable. En ce sens, elle soumet des photos.
[13] Elle signale que le lave-vaisselle a été installé en 2018 et rien n’était visible sous l’évier. Elle ajoute que du moment où ils s’en sont aperçus, lors de la visite des futurs locataires, ils l'ont dénoncé au locateur. Elle confirme que s’ils n’étaient pas en déménagement, ils ne se seraient jamais aperçus du problème.
[14] Elle atteste qu’il n’y avait pas d’eau sur son plancher. Également, le locataire du bas n’est jamais venu lui dénoncer quelconque problème relié à l’eau.
[15] Pour ce qui est du trou dans le plancher du salon, elle affirme que ce dernier était déjà présent à la location. Malgré cela, il n’est pas nécessaire de changer tout le plancher. Juste à remplir le trou et le boucher.
[16] Elle dépose plusieurs documents en preuve, particulièrement des photos, messages texte, courriels et lettres.
[17] Le Tribunal précise que ce qui précède n’est qu’un résumé des témoignages entendus lors de l’audience.
ANALYSE ET MOTIFS :
[18] Le Tribunal rappelle qu'il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention, et ce, de façon prépondérante. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du Tribunal.[1]
[19] Ainsi, il doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable. Par ailleurs, la preuve offerte ne doit pas nécessairement conduire à une certitude absolue. Il suffit que le fait litigieux soit, par la preuve, probable.[2]
[20] Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal, elle verra sa demande rejetée.
[21] Les articles pertinents en espèce sont 1855, 1862, 1863, 1866 et 1890 du Code civil du Québec (C.c.Q.). Ces derniers se lisent comme suit :
« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d’user du bien avec prudence et diligence. »
« 1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu’il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.
Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n’est tenu des dommages-intérêts résultant d’un incendie que s’il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l’accès à l’immeuble. »
« 1863. L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L’inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l’avenir. »
« 1866. Le locataire qui a connaissance d’une défectuosité ou d’une détérioration substantielle du bien loué, est tenu d’en aviser le locateur dans un délai raisonnable. »
« 1890. Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l’état où il l’a reçu, mais il n’est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l’usure normale du bien ou d’une force majeure.
L’état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu’en ont faites les parties; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail. »
[22] Il en découle que l’article 1862 C.c.Q. crée une présomption pour le locataire de sa responsabilité du dommage. Partant de cette prémisse, la question est donc de déterminer en premier lieu si la présomption a été valablement repoussée par la locataire.
[23] Dans l'affaire Union Canadienne compagnie d'assurances c. Paul[3], la juge Marcotte mentionne sur la preuve qui incombe au locateur :
« Les auteurs Baudoin et Deslaurier (...) sont éloquents sur l'étendue de la preuve requise pour renverser la présomption de faute à l'endroit du gardien du bien : il suffit d'une preuve circonstantielle et générale que le gardien s'est comporté comme une personne raisonnablement prudente et exigeante placée dans les mêmes circonstances et qu'au moment de l'accident , il n'a posé ni omis de poser aucun geste favorisant la survenance de celui-ci » (sic)
« Compte tenu de l'objet en cause, soit une lampe de table, utilisée occasionnellement par M. Paul et ne présentant aucune particularité ni source d'inquiétude avant l'incendie, le Tribunal est d'avis que M. Paul dans un tel scénario serait parvenu à s'exonérer. Une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances n'aurait pu prévenir le préjudice en l'absence de signes ou d'avertissement d'une queconque défaillance. En outre, M. Paul ne pouvait connaitre l'existence d'un endommagement mécanique qu'il aurait pu prévenir. » (sic)
[24] En l’espèce, le Tribunal, tel que mentionné précédemment, n’a pas eu le loisir d’entendre en témoignage l’Expert en sinistre de la compagnie d’assurances du locateur, ce qui aurait grandement été apprécié afin de déterminer la véritable origine du sinistre s’il y a lieu, mais les impressions ou les causes du dommage constatées ne peuvent être admises en preuve sur simple dépôt du document. En effet, l’expert n’est pas une personne désignée à l’article 78 de la Loi.[4]
[25] Le Tribunal ne remet pas en doute qu’il y avait un problème avec l’évier, mais il faut déterminer si cette responsabilité doit être imposée aux locataires. D’autre part, si la responsabilité ne peut leur être imposée, ont-ils, en temps pertinent, dénoncé le problème au locateur en vertu de l’article 1866 C.c.Q.?
[26] La preuve est ténue sur la faute et la responsabilité des locataires.
[27] Il ressort plutôt de la preuve prépondérante, des témoignages et des principes établis par la jurisprudence qu’aucune faute ne peut être imposée aux locataires. Selon ce que le Tribunal constate, il n’y avait pas moyen pour eux de constater l’écoulement de l’eau et de la présence des dommages. De surcroît, du moment où les locataires en ont eu connaissance, ils l’ont dénoncé au locateur. Il est important de retenir également l’état du logement en 2018, au moment de l’arrivée des locataires dans ce dernier.
[28] Pour ce qui est du dommage au plancher du salon, la loi mentionne, aux articles 1890 et 1862 du Code civil du Québec, qu’un locataire est responsable des dommages causés au logement, à moins qu’il ne démontre qu’il ne peut en être tenu responsable.
[29] Une fois de plus, rien dans la preuve ne démontre que ce sont les locataires qui ont causé ce dommage. La locataire allègue que le trou était déjà présent dans le logement et le locateur ou son témoin n’ont pas vu les locataires percer le trou.
[30] Qui plus est, le locateur et son témoin admettent que le plancher n’a pas été changé, mais que l’immeuble a été vendu avec une perte de 10 000 $. Le Tribunal ne bénéficie d’aucune preuve en ce sens, notamment documents légaux ou témoignage de l’acheteur.
[31] Finalement, le Tribunal mentionne qu’il n’a aucune raison de ne pas croire le témoignage de la locataire qui est à la fois précis et sans hésitation. De ce fait, son témoignage et la preuve déposée renverse la présomption de l’article 1862 C.c.Q. Vu ce qui précède, il n’est pas nécessaire de s’attarder aux autres dommages réclamés.
[32] Il est opportun de signaler que les parties ont déposé une multitude de pièces en preuve. Cependant, le Tribunal rappelle que ce n’est pas la quantité de preuve qui importe, mais la qualité de cette dernière.
[33] Par conséquent, le Tribunal ne peut faire droit à la demande du locateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[34] REJETTE la demande du locateur.
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Stéphane Sénécal |
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Présence(s) : |
le locateur la locataire Karine Legault |
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Date de l’audience : |
24 septembre 2021 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.