Université de Sherbrooke c. Beaudoin |
2010 QCCA 28 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
500-09-019342-096 / 500-09-019315-092 |
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(540-17-001287-043) |
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DATE : |
14 janvier 2010 |
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500-09-019342-096 |
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UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE |
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APPELANTE - Défenderesse |
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c. |
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ADRIEN BEAUDOIN |
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GENEVIÈVE MARTIN |
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INTIMÉS - Demandeurs |
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GROUPE CONSEIL HARLAND INC. |
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NEPTUNE TECHNOLOGIES & BIORESSOURCES INC. |
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INTIMÉES - Défenderesses |
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500-09-019315-092 |
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GROUPE CONSEIL HARLAND INC. |
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NEPTUNE TECHNOLOGIES & BIORESSOURCES INC. |
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APPELANTES / INTIMÉES INCIDENTES - Défenderesses |
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c. |
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ADRIEN BEAUDOIN |
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GENEVIÈVE MARTIN |
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INTIMÉS / APPELANTS INCIDENTS - Demandeurs |
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et |
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UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE |
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INTIMÉE - Défenderesse |
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[1] LA COUR; - Statuant sur les appels et l'appel incident de deux jugements rendus les 18 mai 2007 et le 18 décembre 2008 par la Cour supérieure, district de Laval (l'honorable Jacques A. Léger).
[2] Les pourvois ont trait à la portée des engagements convenus, d'une part, entre l'Université de Sherbrooke (Université) et les sociétés Groupe Conseil Harland inc. (GC Harland) et Neptune Technologies & Bioressources inc. (Neptune) et, d'autre part, entre l'Université et les chercheurs Beaudoin et Martin (chercheurs) à l'égard d'une propriété intellectuelle appartenant à l'Université, développée par les chercheurs. Les pourvois portent particulièrement sur la validité de certains de ces engagements, sur la responsabilité contractuelle de l'Université et extracontractuelle de GC Harland et Neptune, sur les redevances et l'exercice de l'option d'achat de la propriété intellectuelle et sur les honoraires extrajudiciaires.
[3] En mars 1998, alors employé de l'Université, le professeur Beaudoin rédige, dans le cadre de ses fonctions et en vue de l'obtention d'une subvention, une proposition de recherche intitulée « Procédé d’extraction et de purification d’huiles de Krill et de Calanus » qu’il présente à GC Harland.
[4] Dans cette proposition, le chercheur Beaudoin écrit :
L’utilisation du Krill et du Calanus représente un potentiel considérable dans le domaine bioalimentaire. De façon plus spécifique, ces animaux marins sont riches en lipides. Ce qui rend ces lipides attrayants, c’est leur haute teneur en acide gras polyinsaturé. Extraire ces huiles présente un défi important parce qu’ils sont sensibles à l’oxydation. Nous proposons la standardisation d’une nouvelle méthode d’extraction efficace qui préserve l’intégrité des acides gras tout en évitant l’introduction de substances toxiques au cours du procédé. Nos essais préliminaires nous permettent de croire que l’on peut relever ce défi.
[5] La proposition décrit ainsi les étapes du projet de recherche : homogénéisation des animaux, extraction des lipides, caractérisation des acides gras et oxydation des acides gras. Elle mentionne aussi que les résultats des analyses prévues à la première étape de la proposition permettront d’amorcer, dans une deuxième phase, une mise à l’échelle d’une usine pilote en ajoutant :
Cette étape devra impliquer la collaboration étroite des chercheurs de l’Université, pour le procédé, et d’un expert en génie des procédés pour la mise au point du procédé industriel.
[6] Pour la réalisation de la première phase, estimée à 6 mois, le professeur Beaudoin écrit qu’il a besoin de 30 000 $, comprenant le salaire d’une technicienne, les frais de matériel, l’équipement et tous les autres frais relatifs à la réalisation du projet, et 15 % de frais généraux de l’Université.
[7] La proposition plaît à M. Harland, le président de GC Harland, et donne lieu à un contrat en date du 9 juillet 1998, entre l’Université et GC Harland, intitulé « Protocole d’entente de partenariat de recherche » (Protocole de recherche). Un addendum au Protocole de recherche est signé en février 1999 pour inclure la réalisation d'une série d'analyses additionnelles pour caractériser l'huile de krill au coût de 4 000 $.
[8] Intervient ensuite, en février 2000, entre l'Université (propriétaire de l'invention issue de la recherche en vertu du droit en matière de découverte faite par un employé dans le cadre de ses fonctions) et les chercheurs, Beaudoin et Martin, un deuxième contrat, mais prenant effet le 15 septembre 1998, intitulé « Entente relative à la gestion de la propriété intellectuelle et du transfert technologique d’une invention » (Entente de gestion).
[9] Le 15 mars 2000, l'Université envoie à GC Harland une lettre par laquelle elle confirme la fin du projet concernant le procédé d'extraction et de purification d'huiles de krill et de Calanus (l'Invention) en date du 1er mars 2000.
[10] Intéressée par les résultats de la recherche qu'elle avait commanditée et conformément à l'option que lui confère le Protocole de recherche, GC Harland demande le droit de commercialiser l'Invention. Cela donne lieu à un troisième contrat, entre l’Université et GC Harland, daté du 14 juin 2000 et entré en vigueur le 31 mai 2000, intitulé Contrat de licence (Contrat de licence).
[11] En juillet 2000, la société mise sur pied par GC Harland pour la commercialisation de l'Invention, Neptune, retient les services du Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ) pour mettre au point un procédé industriel mettant en application sur une large échelle l'Invention. Elle dépensera plusieurs millions de dollars en frais de recherche et développement.
[12] Finalement, le 23 février 2001, alors que Neptune est à la recherche de financement, un quatrième contrat est signé, entre celle-ci et l'Université, remplaçant la formule prévue pour la détermination du prix de l'Invention, par un montant prédéterminé (275 000 $), advenant que Neptune acquière la propriété de l'Invention (Amendement). À cette même occasion, l'Université consent à ce que GC Harland soit remplacée par Neptune dans le Contrat de licence et accepte que l'option d'achat soit cédée par GC Harland à Neptune.
[13] Par la suite, Neptune signe avec l'Université un nouveau contrat de licence dont les termes et conditions sont identiques à ceux du Contrat de licence.
[14] En février 2004, les chercheurs intentent une action en dommages à l'Université, GC Harland et Neptune. À la première, ils reprochent de ne pas les avoir consultés avant de convenir de l'Amendement et d'avoir accepté un prix trop bas pour la cession de la propriété de l'Invention. Aux deuxièmes, ils font grief soit d'avoir profité de l'inexpérience de l'Université et de son Bureau de Liaison Entreprise Université (BLEU), responsable de la commercialisation des inventions universitaires, soit de l'avoir induite en erreur. Ils demandent la nullité de l'Amendement, une reddition de comptes, des arriérés de redevances et des dommages.
[15] Le 18 août 2004, s’autorisant de l'Amendement, Neptune, par ses avocats, avise l’Université qu’elle lève l’option d’achat et qu'une convention de transfert de la propriété intellectuelle est en voie de préparation. On demande aussi des instructions quant aux modalités de paiement. Le 17 septembre 2004, les avocats de l’Université confirment que cette dernière « convient de donner suite à la levée de l’option sous réserve du respect par Neptune de tous les engagements à l’égard de l’Université et notamment au terme de la licence ». En parallèle, les avocats des chercheurs mettent en demeure l’Université et Neptune de ne pas procéder à la signature des documents requis pour donner effet à la levée d’option sous menace de procédures judiciaires additionnelles. Les documents requis ne sont donc pas préparés et signés par l’Université et Neptune. Les avocats corporatifs de Neptune confirment détenir en fiducie les 275 000 $ prévus pour une levée de l’option.
[16] Le procès débute en décembre 2006 et donne lieu à un premier jugement, sur la responsabilité de l'Université, de GC Harland et de Neptune, rendu le 18 mai 2007. Puis, au terme d'une audition de 13 jours en avril 2008, complétée par des observations écrites en mai 2008, un deuxième jugement est rendu le 18 décembre 2008 relatif essentiellement aux dommages, arriérés de redevances et autres conclusions recherchées.
[17] Le juge de première instance a conclu que l’Amendement était valide. Il lie donc l’Université et Neptune. Il retient cependant que l’Université a commis deux fautes contractuelles au sens de l’Entente de gestion à l’égard des chercheurs : la première en omettant de les consulter avant de signer l’Amendement; la deuxième en acceptant de signer l’Amendement sans s’assurer que le montant convenu était approprié, ce qui constituerait un défaut à son obligation de valorisation optimale de la propriété intellectuelle. Selon lui, l'option d'achat n'a pas été exercée par Neptune.
[18] Pour la première faute contractuelle, l’Université est condamnée à verser 65 000 $ en dommages et intérêts aux chercheurs pour manque de transparence et troubles et inconvénients associés au défaut de consultation, advenant que Neptune décide d'exercer son option. Pour la deuxième faute contractuelle, l’Université doit verser aux chercheurs un autre 65 000 $.
[19] Le juge de première instance conclut aussi que Neptune avait incité l’Université à ne pas consulter les chercheurs, ce qui a permis à celle-là de profiter de l’inexpérience de l’Université en matière de propriété intellectuelle et de valorisation de celle-ci. Selon le juge, la responsabilité extracontractuelle de Neptune est alors engagée à l’égard des chercheurs, ce qui justifie, en cas d'exercice de l'option d'achat, de la condamner à leur payer plus de 1 000 000 $, montant correspondant à la différence entre le prix arrêté à l’Amendement (275 000 $) et la juste valeur marchande de la propriété intellectuelle au moment du jugement, valeur établie selon la formule initialement convenue entre l’Université et GC Harland.
[20] Advenant que Neptune ne signifie pas à l'Université son intention d'exercer irrévocablement l'option d'achat dans le délai imparti dans le jugement, le juge la condamne à payer aux chercheurs 75 000 $ comme dommages pour défaut de consultation préalable à l'Amendement.
[21] Neptune est également condamnée à payer des arriérés de redevances calculés sur les ventes de tous les produits dérivés de la fabrication, y compris les protéines (ou résidus), et non simplement des ventes d'huile.
[22] Toutes les parties se pourvoient. L’Université conteste les conclusions qu’elle a commis une quelconque faute. Neptune prétend que le prix payable pour la levée d’option est celui prévu par l’Amendement et qu’elle n’a encouru aucune responsabilité extracontractuelle à l’égard des chercheurs; subsidiairement, elle fait valoir que si elle doit être condamnée à des dommages, ceux-ci doivent s’établir à la date de l’Amendement, soit au 21 février 2001. Elle conteste également les conclusions relatives aux redevances. Quant aux chercheurs, ils contestent la validité de l’Amendement qu’ils considèrent signé en violation de règles impératives applicables aux décisions universitaires et, de ce fait, frappé de nullité absolue. Subsidiairement, si l’Amendement est valide, ils défendent les autres conclusions des jugements.
[23] Avant d'analyser plus en détail les moyens d'appel des uns et des autres, il y a lieu de résumer l'encadrement contractuel pertinent, composé des quatre contrats bipartites mentionnés précédemment et précisant les droits et obligations des uns et des autres.
[24] Le Protocole précise qu’il ne porte que sur la Phase 1 du projet de recherche, décrit comme l'élaboration d'un procédé d’extraction et de purification d’huile de Krill et de Calanus. La mise à l’échelle industrielle du procédé est décrite comme la Phase 2 du projet. L'Université se réserve aussi l'option de faire une proposition quant à la mise à l'échelle industrielle, option qui sera cependant biffée lors d'un amendement au Protocole en février 1999. L’article 2 du Protocole précise que la direction scientifique de l’ensemble du projet sera celle de M. Beaudoin. L’article 5, tel qu'amendé en 1999, énonce que le financement à hauteur de 34 000 $ sera fourni par GC Harland en trois versements de 10 000 $ et un versement de 4 000 $ à la réception de factures de l’Université. L’article 6 ajoute qu’aucun dépassement des montants ne peut être autorisé sans l’accord écrit des parties. L’article 9 stipule que l’Université ne divulguera d’aucune façon les résultats de la recherche sans l’autorisation de GC Harland. Quant à l’article 11, il précise qu’afin d’assurer la protection des résultats des brevets pourront être déposés par l'Université; si tel est le cas, les coûts associés au premier brevet seront supportés par l’Université, alors que ceux pour les brevets supplémentaires le seront par GC Harland, sur présentation des factures documentées. L’article 11.2.6 ajoute que si l’Université décide de ne procéder à aucun enregistrement de brevet, GC Harland pourra le faire et, dans ce cas, la propriété intellectuelle et tous les documents requis lui seront transférés.
[25] À l’article 12, intitulé « Exploitation commerciale des résultats », l’Université confère à GC Harland une option exclusive sur toutes licences d’exploitation des résultats des projets pour une période de 12 mois suivant la fin du projet, survenue le 1er mars 2000. De plus, l’Université accorde à GC Harland un droit de premier refus sur tout projet de recherche visant à développer un procédé d’extraction et de purification d’huiles extraites de biomasses marines et d’eau douce, autres que le Krill et le Calanus. L’entente précise que les résultats et autres potentiels de recherche pourront faire l’objet d’une licence et que GC Harland pourra acquérir la propriété intellectuelle pour un montant non inférieur à 275 000 $. L’article 22 reconnaît que GC Harland agit au nom d’une société qui sera contrôlée par elle.
[26] L’article 12.3 mentionne que GC Harland doit déposer un plan d’affaires décrivant la stratégie afin d’exploiter de façon optimale le procédé et que si une licence d’exploitation commerciale intervient, il n’y aura aucune redevance payable durant les 16 premiers mois et, par la suite, elle sera de 2 à 4 % du prix de vente net du produit licencié, ce prix étant défini comme le prix facturé pour le « Produit Licencié », moins les escomptes de quantité, le remboursement pour le retour et les taxes payables indiquées sur les factures.
[27] La clause litigieuse, conférant une option d'achat de l'Invention, est ainsi rédigée :
12.3
(....)
d) L’UNIVERSITÉ acceptera toute requête de GC HARLAND visant à acquérir les droits de propriété intellectuelle sur les résultats des Phases 1 et/ou 2 dans le but de les exploiter, advenant qu’il en soit fait une condition pour la conclusion d’une nouvelle alliance stratégique et/ou pour une levée de fonds publics et/ou privés. Les conditions d’acquisition seront établies sur la base de critères tenant compte : 1) de la valeur de la contribution apportée par GC HARLAND au développement du Procédé; 2) de la juste valeur marchande de la technologie-objet des résultats des Phases 1 et/ou 2 sachant que la contrepartie payable à l’Université pour l’acquisition de ses droits de propriété intellectuelle sera équivalente à la contribution de l’Université divisée par le coût total du projet et multiplié par la JVM de la propriété intellectuelle visée. La contribution de l’Université étant établie en fonction du tableau suivant :
% de contribution
30 % 25 % 20 % 15 % |
Coût (1) $ total du projet
1 à 250 000 $ 250 001 à 500 000 $ 500 001 à 1 000 000 $ + de 1 000 000 $ |
et pour les fins de ces calculs la JVM sera toujours inférieur à 2 fois le coût total du projet.
(1) Le coût total du projet ne comprend pas le coût d’achat, ni de location de bâtiment. Il comprend cependant toutes les dépenses et investissements nécessaires et limités au minimum, afin de pouvoir commercialiser le produit conformément à la stratégie de GC HARLAND.
e) Il est entendu que tout transfert à GC HARLAND des droits de propriété intellectuelle sur les résultats du Projet mettra fin à la licence et à son obligation de payer des redevances à l’UNIVERSITÉ.
[28] Cette entente entre l’Université et les chercheurs est relative à la propriété intellectuelle reliée à l’Invention. Les chercheurs, qui y sont désignés comme les Inventeurs, déclarent que l’Invention a été réalisée conjointement par eux dans le cadre d’activités de recherche financées par GC Harland, qu'ils souhaitent que l’Université dépose une demande de brevet afin d’assurer une protection intellectuelle minimale de l’Invention, que celle-ci constitue une invention institutionnelle selon le règlement de l’Université relatif au brevet d’invention du personnel universitaire dans le cas de Beaudoin, alors que dans le cas de Martin, celle-ci demande que la gestion de la propriété intellectuelle se fasse par l’Université conformément au règlement applicable au personnel universitaire. Les chercheurs y précisent le partage qu'ils acceptent de faire entre eux (90 % à Beaudoin et 10 % à Martin) de la portion que l'Université accepte de remettre à ses chercheurs, soit 50 % des montants qu'elle recevra dans le cadre de la commercialisation.
[29] À l’article 3, Beaudoin reconnaît que l’Université possède seule tous les droits à la propriété intellectuelle de l’Invention. À l’article 4, Martin, une étudiante graduée et non une professeure, cède sur une base volontaire à l’Université tous ses droits et titres dans la propriété intellectuelle relative à l’Invention.
[30] Les dispositions les plus pertinentes de cette entente sont les articles 5 et 6 :
5. Il est entendu que les Inventeurs reconnaissent à l’Université le droit exclusif de la gestion des activités de protection intellectuelle, de mise en valeur et de transfert de l’Invention afin d’établir toute entente avec des tiers visant l’exploitation industrielle et/ou commerciale optimale de l’Invention. Il est convenu que l’Université consultera, le cas échéant, les Inventeurs dans le cadre de cesdites activités et les Inventeurs s’engagent à collaborer pour appuyer les démarches de l’Université concernant la protection et la valorisation de l’Invention.
6. Il est entendu que l’Université, fera tout effort raisonnable pour obtenir une protection intellectuelle adéquate de l’Invention et la valoriser. Elle ne peut cependant garantir le succès de ses démarches, ni garantir qu’il y aura des retombées financières significatives qui en découleront.
[31] Quelques mois après que la Phase 1 du projet de recherche eut été terminée, l’Université et GC Harland signent le Contrat de licence. Il importe de répéter que la Phase 2 du projet de recherche ne sera pas réalisée avec l’assistance de l’Université, de son personnel et de ses équipements, mais bien avec l’assistance CRIQ de son personnel et de ses équipements.
[32] L’article 2 du contrat définit certains termes, dont l’Invention comme étant « les technologies et procédés développés et détenus par l’Université dans le cadre de la recherche faisant l’objet du Protocole d’entente pourvu qu’ils concernent l’huile de Krill et/ou de Calanus et/ou de crustacés ». On ajoute que ces technologies et procédés font partie de la demande de brevet canadien numéro 2,251,265 et de la demande de brevet déposée au World Intellectual Property Organization en vertu du Patent Cooperation Treaty publiée le 27 avril 2000 sous le numéro WO 00/23546.
[33] L’article 2.1.5 précise que le savoir-faire désigne « en relation avec l’Invention, l’expertise de l’Université, toute information, tous les renseignements techniques, toutes les procédures, tous les procédés, toutes les formules, tous les plans et devis... développés ou utilisés par l’Université se rapportant à la conception, le développement, l’exploitation, la commercialisation, la réalisation et l’amélioration de l’Invention, le tout en date des présentes ». En d’autres mots, le savoir-faire ne comprend pas les procédures, les procédés, les plans et devis, les spécifications, les guides de production, etc. développés par le CRIQ à la demande de GC Harland.
[34] À l’article 5.1, l’Université représente et garantit à GC Harland que les seuls chercheurs impliqués dans le développement de l’Invention sont les chercheurs Beaudoin et Martin et qu’elle a obtenu d’eux une cession globale, totale et irrévocable de tous les droits qu’ils pourraient avoir sur l’Invention ou tout brevet (s'il en est).
[35] L’expression « Produits Licenciés » qui sert au calcul des redevances, désormais à un pourcentage arrêté des ventes nettes, est définie à l’article 2.1.4 comme « l’huile de Krill et/ou de Calanus et/ou de crustacés obtenue par l’application de l’Invention ».
[36] L’article 5.5 précise que les améliorations à l’Invention ou aux Produits Licenciés réalisées par l’Université lui appartiendront. Par contre, l’article 5.17 mentionne que GC Harland sera la seule et unique propriétaire de tout perfectionnement, modification ou amélioration de l’Invention ou des Produits Licenciés réalisés par elle ou pour son compte par des tiers. À ce titre, GC Harland pourra, sans avoir à obtenir quelque consentement que ce soit de l’Université, faire breveter tout tel perfectionnement, modification ou amélioration de l’Invention ou des Produits Licenciés.
[37] Finalement, l’article 2.2.5, intitulé « Préséance », confirme le maintien en vigueur du droit d’achat de l’Invention et des brevets dont bénéficie GC Harland en vertu de l’article 12.3 d) du Protocole de recherche.
[38] Cette convention de licence ne fait référence aux droits des chercheurs qu’en ce qui a trait à la publication de résultats, mentionnant que toute publication de l’information, des résultats ou données relatives à l’Invention ne peut se faire sans l’autorisation préalable de Beaudoin.
[39] Finalement, il importe de souligner que l’article 2.1.3 reconnaît que Neptune est liée à GC Harland. En fait, au début de mai 2001, le Contrat de licence est remplacé par un nouveau, prenant effet le 23 février 2001, où Neptune est substituée à GC Harland.
[40] À la suite de discussions en février 2001, entre M. Harland et l’Université, intervient une entente qui modifie l’article 12.3 d) du Protocole de recherche afin de substituer Neptune à GC Harland quant aux droits d’options d’achat de la propriété intellectuelle et de remplacer en ces termes la formule prévue pour la détermination du montant payable lors de la levée de l’option par un montant fixe :
Une convention de transfert de propriété intellectuelle devra être préparée par les aviseurs légaux de Neptune, approuvée par les aviseurs légaux de l’Université et signée par l’Université et Neptune lors de l’exercice du droit d’option d’achat de la propriété intellectuelle par Neptune.
De plus, l’Université est d’accord pour que, nonobstant les dispositions de l’article 12.3 d) de cette convention, le prix d’exercice de l’option d’achat de la propriété intellectuelle soit fixé à 275 000 $ CAN payable selon les modalités suivantes :
- 100 000 $ sera payable à la date du transfert de la propriété intellectuelle, soit à la date d’exercice de l’option d’achat;
- 50 000 $ sera payable à la date du premier anniversaire de l’exercice de l’option d’achat;
- 50 000 $ sera payable à la date du deuxième anniversaire de l’exercice de l’option d’achat;
- 75 000 $ sera payable à la date du troisième anniversaire de l’exercice de l’option d’achat;
[41] La première question à trancher est relative à la validité de l'Amendement.
[42] Seule une partie à un contrat peut soulever une cause de nullité relative de celui-ci (art. 1420 C.c.Q.). En l'espèce, l'Université n'a pas prétendu que son consentement aurait été vicié de quelque façon par des gestes posés par Neptune. Au contraire, elle a confirmé, tant devant la Cour supérieure et que devant la Cour, sa volonté de se conformer à l'Amendement, ce qui couvre toute cause de nullité relative (art. 1420 C.c.Q., al. 2), s'il en est.
[43] Conscients qu'ils ne peuvent plaider une cause de nullité relative, les chercheurs soutiennent que l'Amendement est frappé de nullité absolue et qu'ils ont un intérêt à la soulever (art. 1418 C.c.Q.). S'ils ont raison, cela règle l'essentiel du litige puisque les rapports contractuels entre l'Université et Neptune deviennent alors régis uniquement par le Protocole de recherche et le Contrat de licence, ce qui fait disparaître la source de leurs réclamations contractuelles contre l'Université et extracontractuelles contre Neptune.
[44] La nullité absolue résulterait, selon les chercheurs, du fait que l'Université est une institution publique, au même titre qu'une municipalité ou une commission scolaire, et que l'Amendement n'a pas été approuvé spécifiquement par le conseil de l'Université, avant d'être signé par le vice-recteur à la recherche à la suggestion du BLEU, contrairement à ce que prévoiraient les statuts de l'Université. Or, cette condition de formation aurait été imposée pour la protection de l'intérêt général au sens de l'art. 1417 C.c.Q. et, par conséquent, l'Amendement serait nul de nullité absolue.
[45] La thèse des chercheurs souffre de plusieurs lacunes et ne peut être retenue.
[46] L'Université n'est pas une personne morale régie par le droit public, comme une commission scolaire[1] ou une municipalité locale ou régionale de comté[2], des institutions gouvernementales décentralisées, mais bel et bien une corporation privée d'intérêt public au sens des arrêts McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 229 et Harrison c. Université de la Colombie-Britannique, [1990] 3 R.C.S. 451 . Une analyse de sa loi constitutive, constituée de la Loi relative à l'Université de Sherbrooke, 1954 L.Q. c. 136 et de la Loi concernant l'Université de Sherbrooke, 1978 L.Q. c. 125, le fait bien ressortir :
- l'art. 2 a. reconnaît une pleine autonomie à l'Université quant à la désignation de ses membres;
- l'art. 2 b. précise que l'Université a les pouvoirs, droits et privilèges des corporations ordinaires en outre de ceux conférés expressément;
- l'art. 2 d. confirme que les statuts et autres règlements peuvent être amendés, modifiés ou remplacés par le conseil d'administration, sujet à l'approbation de ses membres (art. 2 e.);
- aucune disposition n'assujettit les décisions de l'Université à des autorisations gouvernementales ou ministérielles.
[47] En somme, l'Université opère sans contrôle gouvernemental important et jouit d'une totale indépendance à l'égard de son processus décisionnel, de son organisation interne et de ses relations avec ses professeurs, ses étudiants et toute autre personne ou entité, y compris des entreprises avec lesquelles elle peut conclure des contrats. Il s'ensuit que l'Université est une personne morale de droit privé[3] au sens de l'art. 298 C.c.Q.
[48] Elle est régie d'abord par sa loi constitutive et pour le reste par le Code civil (art. 300 C.c.Q.). La loi constitutive étant silencieuse en matière de formation de contrats, il faut s'en remettre au Code civil.
[49] L'art. 1421 C.c.Q. énonce que le caractère de la nullité en matière de conditions de formation est relatif « à moins que la loi n'indique clairement le caractère de la nullité ». Devant une telle présomption de nullité relative, il revenait aux chercheurs de démontrer l'existence d'un intérêt général suffisamment net pour justifier la nullité absolue (Commentaires du ministre sous l'art. 1421 C.c.Q.). Or, il n'existe aucune disposition du Code civil, de la loi constitutive ou d'une autre loi qui écarte cette présomption.
[50] Néanmoins, les chercheurs plaident que l'autorisation du conseil requise par les statuts de l'Université équivaut à une condition imposée pour la protection de l'intérêt général au sens de l'art. 1417 C.c.Q. L'argument souffre d'une grande faiblesse : les statuts de l'Université ne constituent qu'un règlement interne de cette dernière, établi pour la gouverne de ses dirigeants, représentants et membres. Quant aux tiers avec qui l'Université contracte, le principe de l'indoor management rule s'applique; Neptune pouvait donc se fier sur l'autorité apparente du vice-recteur.
[51] En somme, comme le premier juge, la Cour est d'avis que l'Amendement est valide. Il s'ensuit qu'il lie les parties cosignataires, l'Université et Neptune.
[52] Les deux fautes reprochées à l’Université par les chercheurs ont trait à l’Amendement par lequel le prix d’achat de la propriété intellectuelle est modifié, passant d’une formule complexe à un montant forfaitaire de 275 000 $.
[53] Les chercheurs allèguent qu’alors « l’Université a ignoré ses obligations de consultation et de valorisation optimale de la propriété intellectuelle prévues aux articles 5 et 6 de [l’Entente de gestion] » :
5. Il est entendu que les Inventeurs reconnaissent à l’Université le droit exclusif de la gestion des activités de protection intellectuelle, de mise en valeur et de transfert de l’Invention afin d’établir toute entente avec des tiers visant l’exploitation industrielle et/ou commerciale optimale de l’Invention. Il est convenu que l’Université consultera, le cas échéant, les Inventeurs dans le cadre de cesdites activités et les Inventeurs s’engagent à collaborer pour appuyer les démarches de l’Université concernant la protection et la valorisation de l’Invention.
6. Il est entendu que l’Université fera tout effort raisonnable pour obtenir une protection intellectuelle adéquate de l’Invention et la valoriser. Elle ne peut cependant garantir le succès de ses démarches, ni garantir qu’il y aura des retombées financières significatives qui en découleront.
[54] Même si, par hypothèse, l'on retient le témoignage de Beaudoin, il n'y a pas de manquement de la part de l'Université à son obligation de consultation. Voici, sur ce point, l'essentiel de son témoignage.
[55] L’Université ne communique pas avec les chercheurs dans les jours précédant la signature de l’ « Amendement », en février 2001.
[56] L’Université connaît l’opposition des chercheurs à la modification envisagée. Quelques mois auparavant, le chercheur Beaudoin participe à une rencontre où Neptune propose déjà de remplacer la formule par un prix forfaitaire. Il s’y oppose.
[57] La finalité d’une consultation est de permettre à un décideur de connaître l’opinion de la personne consultée, laquelle s’ajoute à tous les autres éléments qu’il considérera pour prendre sa décision.
[58] L’Université connaît l’opinion des chercheurs au moment où elle accepte l’Amendement. Sa décision est alors prise en pleine connaissance de cause, une communication additionnelle avec les chercheurs ne lui apprendrait rien qu’elle ne sait déjà. Ces derniers ne détiennent alors aucune information ignorée de l’Université et susceptible d’influencer cette dernière. Simplement de part et d’autre, on n’évalue pas la situation existante et les perspectives d’avenir de la même manière.
[59] L’absence de consultation formelle et immédiate avant l’Amendement ne constitue pas un manquement à l’obligation générale de consultation de l’Université. L’occasion donnée aux chercheurs de réitérer leur opposition n’aurait rien changé à la décision de l’Université qui a décidé d’y passer outre, comme c’était son droit le plus strict.
[60] À ce sujet, les chercheurs allèguent à plusieurs reprises : « l’Université n’a pas consulté et/ou obtenu l’assentiment [des chercheurs] ». Le juge fait écho à cette façon d’associer consultation et assentiment; il écrit dans son deuxième jugement :
[286] DÉCLARE que tant et aussi longtemps que la licence est en vigueur, Université de Sherbrooke et Neptune devront consulter au besoin les demandeurs, et en particulier Adrien Beaudoin, pour obtenir leur assentiment pour de nouvelles activités à surgir portant sur la protection et/ou la valorisation de l'invention ;
[61] Il y a là une confusion sur la portée de l’obligation de l’Université.
[62] Dans le Vocabulaire juridique de Cornu[4], on peut lire :
Consultation
§ 1 Fait de consulter, de solliciter d’un organisme ou d’une personne, sur une question de sa compétence ou de sa qualification, un avis que l’on n’est jamais tenu de suivre, même dans les cas où l’on est obligé de provoquer cet avis (la consultation est alors dite obligatoire). V. saisine pour avis de la Cour de cassation, rescrit.
§ 2 […]
[63] L’assentiment n’y est pas défini; ce n’est pas un terme juridique. Le Grand dictionnaire terminologique[5] précise que c’est un quasi-synonyme de consentement.
[64] Si on relit l’article 5 de l’Entente de gestion, on constate la nette distinction entre « le droit exclusif de gestion » donné à l’Université et son obligation de consultation « dans le cadre des activités de gestion ».
[65] Bien sûr la recherche en milieu universitaire se fait dans un climat de coopération et de consensus comme le juge le souligne après avoir cité les règlements de l’Université[6]. Il constate qu’il s’en « dégage une relation consensuelle ».
[66] Le problème survient quand il y a divergence de vues sur un point. Le consensus n’existe plus et se pose la question de savoir qui peut et doit trancher. C’est alors que les écrits prennent toute leur importance.
[67] Ici, les parties ont prévu le problème au départ et l’ont réglé à l’avance dans leurs ententes en instituant l’Université propriétaire unique de l'Invention, gestionnaire exclusive de son développement et seule décideuse en dernier ressort.
[68] Il s’ensuit que l’obligation de consulter les chercheurs n’implique nullement de suivre leur avis. Le seul consentement requis pour les contrats relatifs à l’Invention est celui de l’Université.
[69] Notons qu’il y va de l’intérêt de l’Université comme de celui des chercheurs puisque l’Entente de gestion prévoit le partage des bénéfices en parts égales.
[70] Notons aussi que l’expression « valorisation optimale » employée par les chercheurs ne reflète pas la réalité du contrat, où l’Université s’est engagée certes, mais avec prudence.
6. Il est entendu que l’Université fera tout effort raisonnable pour obtenir une protection intellectuelle adéquate de l’Invention et la valoriser. Elle ne peut cependant garantir le succès de ses démarches, ni garantir qu’il y aura des retombées financières significatives qui en découleront.
[71] Cela dit, on peut comprendre la réaction des chercheurs pour qui le portrait est simple. L’Université a cédé à vil prix une invention de génie qui rapporte aujourd’hui des millions de dollars. Selon eux, un gestionnaire raisonnablement prudent n’aurait pas accepté l’Amendement.
[72] Qu’en est-il? Pour en juger, il faut bien sûr se replacer à l’époque de la décision, en février 2001.
[73] Le projet est tout de même modeste au départ. L’investissement pour le réaliser est de 30 000 $ et le délai pour sa réalisation, de six mois.
[74] Il importe aussi de noter que le Protocole de recherche traite d’un projet en deux phases, soit la première : la recherche par les chercheurs « d’une méthode d’extraction efficace » et la seconde : « la mise à l’échelle industrielle du procédé ».
[75]
Les chercheurs et l’Université ne réalisent que la première phase, au
coût de
40 000 $, alors que la seconde est réalisée par Neptune et d’autres
partenaires, au coût de 4 M$. Le Protocole est d’ailleurs modifié pour en
exclure la Phase 2.
[76] La distinction entre les deux phases du projet est importante car l’option d’achat de Neptune précise que « les conditions d’acquisition seront établies sur la base de critères tenant compte […] de la juste valeur marchande de la technologie - objet des résultats des Phases 1 et/ou 2 ».
[77] Suivant cette clause, Neptune avait le choix d’acquérir les résultats de la Phase 1, une fois celle-ci réalisée, ou d’attendre après la Phase 2 et d’acquérir par la suite tous les résultats, tant ceux de la recherche initiale que ceux de « la mise à l’échelle du procédé industriel ».
[78] Rappelons que même les améliorations à la technologie résultant de la Phase 1, apportées par Neptune en cours de réalisation de la Phase 2, ne sont pas visées par l’option d’achat de l’Invention, car le Contrat de licence précise que Neptune « sera l’unique et seule propriétaire de tout perfectionnement et/ou modification et/ou amélioration à l’Invention et/ou aux Produits Licenciés réalisés par [Neptune] ou pour le compte de [Neptune] par toute tierce-partie. »
[79] Le projet prend fin le 1er mars 2000 alors que seule la première phase est réalisée.
[80] L’option d’achat de Neptune porte donc sur « la technologie - objet des résultats de la Phase 1 » seulement. L’Amendement survient dans ce contexte. La question est donc de savoir si la somme de 275 000 $ constitue alors un prix raisonnable pour le procédé d’extraction issu de la Phase 1, indépendamment de la technologie requise pour la « mise à l’échelle industrielle du procédé », l’objet de la Phase 2, dont la majeure partie de la réalisation restait à venir.
[81] Le premier aspect à considérer est le prix déjà convenu, celui résultant de l’application de la formule déterminée au Protocole de recherche, et le second, celui des perspectives d’avenir commerciales du projet compte tenu de toutes les circonstances dont celle de la situation de Neptune, sa promotrice.
[82] À maintes reprises, les parties et le juge qualifient la formule du Protocole de nébuleuse. Calculer le prix de l’option suivant cette formule n’est pas chose aisée. Il faudra des experts au procès pour y arriver.
[83] Malgré tout, l’Université va tenter de le faire avant l’Amendement. Les responsables du dossier vont effectuer des calculs à partir de différentes simulations et obtenir une valeur de 187 500 $. L'avocat de l'Université mentionne devant la Cour le montant de 318 000 $ et l'avocate de Neptune fait référence à une valeur de 230 000 $. L'expert de Neptune conclut à une valeur inférieure à 275 000 $ en février 2001. Même l'expert des chercheurs témoigne en Cour supérieure que dans l'hypothèse où l'on considère que le projet prévu par le Protocole de recherche s'est terminé au 1er mars 2000 la valeur est moins que 275 000 $. Dès lors, le montant de 275 000 $ se situe bien dans cet ordre de grandeur.
[84] La grande inconnue en février 2001 est celle du succès ou de l’échec éventuel du projet. Est-il possible de passer du procédé d’extraction des chercheurs à un procédé industriel rentable? Outre la difficulté technique, Neptune a-t-elle les reins assez solides pour financer l’aventure? Et quid du marché pour l’huile de krill?
[85] La responsable de l’Université soulignera bien cette difficulté « …il n’y a pas de méthode qui permette d’évaluer une valeur marchande, mise à part les perspectives de ventes…, on ne peut pas connaître le succès de commercialisation ».
[86] Certes, les chercheurs sont fiers de leur Invention et lui prévoient un bel avenir. Mais pour autant, peut-on reprocher à l’Université d’être plus prosaïque et de choisir une voie peut-être plus réaliste?
[87] Neptune insiste pour que soit substitué un prix forfaitaire à la formule, difficile à chiffrer et donc peu rassurante pour les investisseurs que Neptune cherche à convaincre afin d’obtenir les importants capitaux requis pour la mise au point du procédé industriel, la Phase 2 du projet.
[88] En cas de refus de l’Université d’accéder à la demande de Neptune, que serait-il arrivé? Aurait-ce été la mort du projet?
[89] Neptune aurait-elle choisi d’acquérir les résultats de la Phase 1 au prix déterminé par la formule? Les chercheurs ont plaidé qu’elle n’en a pas alors les moyens. Si tel est le cas, cela augurait mal pour la survie du projet.
[90] Sans prix forfaitaire, Neptune aurait-elle obtenu le financement de 4 M$ nécessaire au développement du procédé? On peut facilement comprendre que les investisseurs éventuels aient été rassurés en lisant dans le prospectus que la propriété de l’Invention pouvait être acquise à un prix déterminé plutôt qu’à un prix incertain, difficile à calculer selon une formule nébuleuse.
[91] C’était la responsabilité de l’Université d’évaluer le risque et de décider suivant sa perception. Rien ne permet de douter qu’elle a fait pour le mieux.
[92] Il y a encore un autre aspect, important, pour juger du caractère raisonnable de la décision de l’Université, c’est l’opinion du chercheur Beaudoin à l’époque. Elle ressort de deux documents :
[93] Il faut analyser chacun de ces documents car le juge, à tort, ne les a pas retenus.
[94] On s’arrêtera ensuite à un troisième document complémentaire, le prospectus de Neptune pour son appel public de financement.
[95] En juin 2000, Neptune entend mettre en marché l’huile de krill et exerce son option pour une « licence d’exploitation des Résultats du Projet » conformément au Protocole de recherche de 1998.
[96] Un projet de Contrat de licence est rédigé qui sera signé le 14 juin 2000.
[97] Entre-temps, le projet est soumis au chercheur Beaudoin qui le commente article par article dans une note manuscrite de six pages où il conclut :
Comme je l’ai clairement mentionné, je sais de source fiable qu’ils sont prêts à payer 250 000 $[[8]] pour acquérir la propriété intellectuelle de l’Invention, je serais déçu si la licence se vendait moins que ce prix.
[98] Le terme « Invention » - avec un i majuscule - se retrouve à six reprises dans la note. Il est logique de conclure qu’il signifie partout la même chose, soit l’Invention telle que décrite dans le contrat analysé :
Invention signifie les technologies et procédés développés et détenus par l’Université dans le cadre de l’exécution de la recherche faisant l’objet du Protocole d’entente en autant qu’ils concernent l’huile de Krill et/ou Calanus et/ou de crustacés, notamment, sans limiter la généralité de ce qui précède, les revendications (terme anglais « claims »), en autant qu’elles concernent l’huile de Krill et/ou de Calanus et/ou de crustacés, faisant partie de la demande de brevet provisoire canadien portant le numéro 2,251,265.[…]
[99] Dans sa note, le chercheur écrit lui-même :
Quand on dit relatifs à l’Invention ça veut dire toutes les applications possibles avec l’huile…
[…]
Est-ce que cela veut dire que je ne peux travailler sur l’huile de krill…
[…]
Quel mécanisme utilisera-t-on pour déterminer la contribution de l’Invention dans le produit transformé. Ex. : Si l’on met en gélules l’huile de krill?
[100] La note prise dans son ensemble et les renvois au projet de Contrat de licence mènent à une seule conclusion : le prix de 250 000 $ concerne bien la propriété intellectuelle relative au krill, celle-là même visée par l’Amendement.
[101] Le chercheur est peu convaincant lorsqu’il explique :
… Vous remarquerez qu’à la page 6, ça ne réfère à aucun item de la licence, du projet de licence, donc c’est quelque chose d’autre. Et ce quelque chose d’autre, c’était le poisson. Monsieur Harland voulait avoir aussi le poisson avec le krill et, malheureusement, moi je voulais pas que le poisson soit cédé parce qu’il est inclus dans le brevet. En cédant le brevet on avait le poisson, on perdait le poisson.
[102] Son argument « ça ne réfère à aucun item de la licence… donc c’est quelque chose d’autre » est faible. Le document constitue « Quelques commentaires » sur le projet de Contrat de licence et aucune mention ne permet d’y déceler qu’un autre sujet y soit traité. Le juge lui-même le souligne par une remarque fort à propos : « Mais où est-ce que c’est prévu que vous aviez en tête le poisson? C’est pas écrit! »
[103] D’ailleurs, après avoir donné l’explication ci-dessus citée, le chercheur, toujours en parlant du prix de 250 000 $ mentionné dans sa note, va contredire sa première réponse :
Q. |
Vous dites que, selon vous, votre entente est que ce prix-là ne comprenait que le krill et l’huile de krill? |
R. |
C’est ça. |
Q. |
Et non le poisson. |
R. |
Le poisson était pas couvert. |
[104] Le second document est une note manuscrite de l’avocat de Neptune, du 2 juin 2000, soit le lendemain de la transmission par le chercheur de sa propre note manuscrite. L’avocat est décédé avant le procès.
[105] La note fait état d’une conversation téléphonique entre le chercheur et l’avocat où ce dernier écrit :
Tél : A. Beaudoin 2/6/00
[…]
Paiement achat Krill - 250 000 $
[…]
[106] Le juge rejette cette note de la preuve dans les termes suivants :
[150] La défenderesse Neptune a tenté d'introduire une note manuscrite du 2 juin 2000 de Me Gagné, maintenant décédé, produite sous réserve de l'objection de la demande*. L'objection, qui porte sur la tardiveté ainsi que sur le fait que son auteur, maintenant décédé, ne contextualise pas ses notes pour établir qu'une entente de fait est intervenue entre lui et Beaudoin, non plus qu'elle permette de rattacher l'objet à ce sur quoi porte la valeur d'achat y apparaissant, est maintenue.
[151] Plus probant, est le fait que toute entente qui aurait pu être discutée avant le 14 juin 2000, si tant est qu'elle ait eu lieu, serait de toute façon annulée par la signature subséquente de la Licence, entre Université et GCH le 14 juin 2000, avec la clause de préséance y apparaissant.
______________
* Voir la pièce DN-30.
[107] La recevabilité en preuve de la note est régie par l’article 2870 C.c.Q.[9] qui exige nécessité et fiabilité.
[108] Le décès de l’auteur de la note satisfait au critère de nécessité.
[109] Celui de la fiabilité de la note n’est pas analysé en profondeur par le juge puisqu’il l’écarte par un argument « plus probant » fondé sur la clause[10] de « préséance » du Contrat de licence postérieur, signé le 14 juin 2000.
[110] Cet argument est correct, pour autant que la production de la note ait pour but de prouver une entente. Mais l’objet de la preuve est bien moins ambitieux. On ne cherche qu’à prouver la mention d’un prix de 250 000 $ pour le krill au cours de cette conversation téléphonique tenue dans la journée du 2 juin.
[111] Revenant à la fiabilité, la preuve fait voir trois faits qui suffisent à établir qu’il s’agit bien d’une note de l’avocat décédé.
[112] Le premier document produit au procès constitue bien la note originale. Contrairement à ce qui a été plaidé à l’audience devant nous, l’original a été exhibé au procès :
C’est un document huit et demi par quatorze sur du papier jaune.
[…]
…on voit aussi des inscriptions en rouge…
La cour a « préféré » que l’original soit produit et l’avocate de Neptune a demandé à « voir l’original », ce qui a été fait.
[113] Le second fait est la déclaration assurée du président de Neptune :
Je peux vous amener des lettres de lui [l'avocat décédé] manuscrites signées, il y en a plein dans son dossier. C’est lui ça, c’est son écriture, c’est comme il y a pas d’équivoque.
[114] Le troisième est la reconnaissance spontanée du chercheur lui-même :
Q. |
Vous alliez dire quoi par rapport à l’écriture? Dites-le, je sais que vous brûlez d’envie de le dire. |
R. |
Cette écriture est très semblable à celle du document que vous m’avez montré tout à l’heure, si ça peut vous éclairer. |
Q. |
C’est-à-dire le document… |
R. |
Au sujet de monsieur Gagné [l’avocat]. |
Q. |
Le document que je vous ai présenté de… |
R. |
Ici, oui. |
Q. |
… le mémoire du 2 juin 2000? |
R. |
Ça me semble être assez proche, oui. |
Q. |
Bon, d’accord. |
R. |
C’est très près, ce qui veut dire que c’est monsieur Gagné qui l’aurait écrit. Je trouvais ça pertinent de le dire. |
[115] Certes, même si le document est recevable en preuve, sa force probante est de peu de poids. Comme l’a souligné le juge, on ne saurait y voir la preuve d’une entente.
[116] Mais cette once de preuve - « Paiements achat KRILL - 250 000 $ » - vient confirmer que la mention à la note manuscrite de la veille - « 250 000 $ pour acquérir la propriété intellectuelle de l’Invention » - concerne bien le krill et non « un projet de licence pour le poisson » auquel le chercheur a fait allusion pour expliquer que son texte ne concernait pas le procédé d’extraction du krill, l’objet du projet.
[117] Ce troisième document n’a pas directement trait au caractère raisonnable de l’Amendement, mais il concerne un point qui y a été associé par les chercheurs dans leur récit des événements.
[118] Ils allèguent en effet que l’Amendement est conclu à leur insu et que Neptune incite même l’Université à ne pas les consulter à ce sujet. On voit le lien : l’Amendement est si déraisonnable pour les chercheurs et si favorable à Neptune qu’on a procédé en cachette, de mauvaise foi.
[119] Ce n’est pas le cas.
[120] Le prospectus de Neptune, document public, est du 12 mars 2001, soit moins de trois semaines après l’Amendement du 23 février 2001. Le prix de 275 000 $ y est bien sûr mentionné :
Le 23 février 2001,GCH, avec l’accord de l’Université, a cédé ce droit de premier refus à la [Neptune]. À cette même occasion, GCH a aussi cédé à la [Neptune] le droit d’option d’achat de la propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche, relative au krill, calanus et autres crustacés, effectuée par l’Université pour le bénéfice de GCH. Le prix d’exercice de cette option d’achat a été fixé d’un commun accord entre l’Université et [Neptune] à 275 000 $.
[121] Le projet de prospectus est communiqué auparavant au chercheur Beaudoin qui l’a lu et analysé, tel qu’en fait foi sa note du 11 mars à laquelle est joint le projet annoté par lui-même. Cette note montre, en réalité, que Beaudoin était au courant de tout (dès avant la signature de l'Amendement), autrement cette note aurait eu une toute autre allure :
Dimanche 11 mars 2001
Bonjour Jean-Maurice (Neptune)
C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu le document prospectus.
Je me suis concentré sur la partie scientifique.
Aux endroits où j’ai mis un point d’interrogation ? je n’ai pas de réponse.
Cet examen a été réalisé à titre gracieux.
Bonne chance - Saluts à l’équipe.
A [pour Adrien]
[Ajout par l’avocat qui reçoit la note]
Corrections reçues de Adrien lundi 12/3 - Henry a vérifié et a entouré en rose celles qu’on fait.
[122] La note est adressée à « Jean-Maurice » Gagné, l’avocat décédé. Le chercheur a encore ici reconnu l’écriture de ce dernier dans l’ajout manuscrit au bas de la note.
[123] Le chercheur a-t-il pris connaissance de la clause du prospectus où est inscrite la mention du prix de 275 000 $? Son témoignage est hésitant :
R. |
Je me rappelle pas de l’avoir lu; je me rappelle pas de l’avoir lu. J’ai lu la partie scientifique, ça je peux vous le garantir. |
Q. |
Oui, mais vous avez lu le document prospectus, c’est ce que vous dites sur votre lettre. |
R. |
Je sais pas si je l’ai lu. |
Q. |
Bon. Alors, on va s’en référer à votre lettre. Est-ce que vous vous en souvenez ou vous vous en souvenez pas? |
R. |
Je m’en souviens pas. |
Q. |
Bon. Alors, selon votre lettre, vous l’avez lu. |
R. |
C’est votre conclusion. |
|
[…] |
Q. |
Est-ce que c’est possible que vous ayez été consulté sur la préparation du prospectus du [12 mars 2001] |
R. |
C’est possible. |
|
[…] |
Q. |
Mais je pense que docteur Beaudoin a dit que c’était possible qu’il ait été consulté sur la confection de ce prospectus. |
R. |
Oui, oui, je ne le nie pas. |
Q. |
Du 12 mars 2001. |
R. |
Mais je n’en ai pas souvenance. |
[124] Chose certaine, Neptune n’a pas caché l’Amendement. « Jean-Maurice » a transmis le prospectus à « Adrien ». Ce qui est tout à fait cohérent avec la note téléphonique qui révèle que ce dernier est au courant du prix de 250 000 $ pour le krill. Le ton familier de la note et de l’ajout, où l’on se tutoie, démontre la bonne entente entre les correspondants, qui discutent ouvertement et qui collaborent « à titre gracieux ».
[125] En conclusion, la preuve établit que la décision de l’Université d’accepter en février 2001 l’Amendement n’est pas déraisonnable, compte tenu de la difficulté d’évaluer les perspectives d’avenir du projet, des estimations de sa valeur, celle contemporaine de l’Université et celles rétroactives des experts, ainsi que de l’opinion du chercheur Beaudoin à l’époque.
[126] De même, la preuve établit que dès mars 2001, sinon avant, le prix déterminé a été communiqué à Beaudoin par Neptune qui n'a pas tenté de le cacher.
[127] L’Université n’a pas manqué à son obligation de valorisation de l’Invention, pas plus qu’à celle de consultation des chercheurs. Les fautes alléguées n’ont pas été prouvées.
[128] Le juge de première instance a conclu que l'option n'avait pas été exercée et qu'elle ne pouvait l'être sans que Neptune satisfasse aux conditions fixées par l'Université. Le juge écrit :
[27] Vu la preuve présentée durant la Phase I, Neptune a certes manifesté à Université son intention d'enclencher le processus menant éventuellement à l'exercice de l'option d'achat le 18 août 2004. Toutefois, tant que les conditions fixées alors par Université n'auront pas été réalisées, il ne peut y avoir d'exercice. En effet, Neptune ne saurait prétendre figer unilatéralement la date d'une simple manifestation d'intérêt, à une valeur monétaire qu'elle sait être à son avantage, avant qu'elle n'enclenche de manière irrévocable le processus y conduisant.
[129] Puis, le juge modifie judiciairement le contrat des parties et fixe un nouveau terme et de nouvelles conditions que devra satisfaire Neptune pour se prévaloir de son option d'achat. Le paragraphe [291] du jugement du 18 décembre 2008 est rédigé ainsi :
DÉCLARE que Neptune pourra effectuer le transfert en vue de l'acquisition de la propriété intellectuelle d'Université, prévue à son option d'achat, une fois remplie chacune des conditions suivantes :
1) en donnant un avis écrit, au plus tard dans les 45 jours suivant la date du jugement, à Université et aux demandeurs, de son intention d'enclencher irrévocablement le processus devant conduire à la clôture de tel exercice; ce délai en est un de rigueur, après quoi Neptune sera forclose d'enclencher tel processus;
2) en obtenant l'assentiment et en collaborant avec Université de Sherbrooke, afin que soient remplies les conditions prévues à l'article 12.3.d) du protocole, ainsi qu'à la lettre P-5 et aux articles 3.0 et 4.0 de la licence;
3) en payant à Université de Sherbrooke le montant déterminé de 275 000 $, à être partagé avec les demandeurs, en plus de lui payer la totalité des redevances, arrérages et intérêts pour l'ensemble des ventes de ces produits, jusqu'à la date fixée entre eux pour la clôture du transfert de la propriété intellectuelle, selon les calculs prévus dans les motifs, ainsi que les intérêts prévus contractuellement;
4) en payant aux demandeurs, à la date fixée pour la clôture du transfert de l'option d'achat, l'intégralité des dommages établis à 1 501 000 $, résultant de son manque de consultation avec eux, selon les calculs prévus dans le rapport de février 2008 de l'expert Maillé, en plus des intérêts légaux et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 8 février 2008;
[130] Bien qu'il s'impose en droit qu'on ne saurait modifier judiciairement un contrat hors du cadre restreint de l'art. 1439 C.c.Q., et ce, d'autant plus que l'Université (seule autre partie contractante) n'a formulé aucune demande à ce sujet, il y a lieu, pour la bonne compréhension de l'affaire, de revenir sommairement sur le cadre contractuel qui liait l'Université et Neptune.
[131] Le
Protocole de recherche entre l'Université et GC Harland accordait à celle-ci,
d'une part, une option exclusive sur toute licence d'exploitation et, d'autre
part, une option d'achat des droits de propriété intellectuelle sur les
résultats des Phases 1
et 2.
[132] Le Contrat de licence intervient le 14 juin 2000. Avec l'accord de l'Université, GC Harland cède à Neptune le 23 février 2001 ses droits pour l'exploitation de la licence et son option d'achat des droits de propriété intellectuelle décrits à l'article 12.3 d) du Protocole de recherche de juillet 1998 qui, à l'origine, prévoyait que :
d) L'UNIVERSITÉ acceptera toute requête de GC HARLAND visant à acquérir les droits de propriété intellectuelle sur les résultats des Phases 1 et/ou 2 dans le but de les exploiter, advenant qu'il en soit fait une condition pour la conclusion d'une nouvelle alliance stratégique et/ou pour une levée de fonds publics et/ou privés. Les conditions d'acquisition seront établies sur la base de critères tenant compte : 1) de la valeur de la contribution apportée par GC HARLAND au développement du Procédé; 2) de la juste valeur marchande de la technologie-objet des résultats des Phases 1 et/ou 2 sachant que la contrepartie payable à l'Université pour l'acquisition de ses droits de propriété intellectuelle sera équivalente à la contribution de l'Université divisée par le coût total du projet et multiplié par la JVM de la propriété intellectuelle visée. La contribution de l'Université étant établie en fonction du tableau suivant :
% de contribution coût (1) $ total du projet
30% 1 à 250 000 $
25% 250 001 à 500 000 $
20 % 500 001 à 1 000 000 $
15 % + de 1 000 000 $
et pour les fins de ces calculs la JVM sera toujours inférieure à 2 fois le coût total du projet.
(1) Le coût total du projet ne comprend pas le coût d'achat, ni de location de bâtiment. Il comprend cependant toutes les dépenses et investissements nécessaires et limités au minimum, afin de pouvoir commercialiser le produit conformément à la stratégie du GC HARLAND.
[133] Comme la Cour l'a exposé, l'Amendement du 23 février 2001 modifie le prix de l'option d'achat des droits de propriété intellectuelle. La formule d'origine pour déterminer le prix d'achat est remplacée par un prix fixe de 275 000 $. Le texte amendé pertinent stipule que :
Une convention de transfert de propriété intellectuelle devra être préparée par les aviseurs légaux de Neptune, approuvée par les aviseurs légaux de l'Université et signée par l'Université et Neptune lors de l'exercice du droit d'option d'achat de la propriété intellectuelle par Neptune.
De plus, l'Université est d'accord pour que, nonobstant les dispositions de l'article 12.3 d) de cette convention, le prix d'exercice de l'option d'achat de la propriété intellectuelle soit fixé à 275 000 $ CAN payable selon les modalités suivantes :
- 100 000 $ sera payable à la date du transfert de la propriété intellectuelle, soit à la date d'exercice de l'option d'achat;
- 50 000 $ sera payable à la date du premier anniversaire de l'exercice de l'option d'achat;
- 50 000 $ sera payable à la date du deuxième anniversaire de l'exercice de l'option d'achat;
- 75 000 $ sera payable à la date du troisième anniversaire de l'exercice de l'option d'achat.
[134] Formellement, Neptune signe avec l'Université un contrat de licence le 2 mai 2001 avec effet rétroactif au 23 février 2001, ce qui met fin au Contrat de licence du 14 juin 2000 entre GC Harland et l'Université.
[135] À cette époque, le cadre juridique qui régit les relations entre l'Université et Neptune peut être résumé ainsi: d'une part, Neptune bénéficie d'une licence pour exploiter et commercialiser l'Invention, à charge de payer à l'Université des redevances calculées sur les « ventes nettes »; d'autre part, Neptune détient une option pour acheter de l'Université au prix de 275 000 $ l'Invention. Cette option est assujettie à une seule condition : la nécessité pour Neptune de détenir la propriété intellectuelle pour réaliser « une nouvelle alliance stratégique et/ou pour une levée de fonds publics et/ou privés ».
[136] C'est en fonction de ce cadre juridique que doivent être évalués les faits subséquents suivants. Le 18 août 2004, les avocats de Neptune informent l'Université du désir de leur cliente d'exercer l'option. La lettre est rédigée ainsi :
Notre Cliente désire exercer son option d'achat sur la propriété intellectuelle dont elle bénéficie en vertu de l'article 12.3 d) du protocole d'entente de partenariat de recherche concernant un procédé d'extraction et de purification d'huiles de krill, de Calanus et d'autres crustacés intervenu en juillet 1998 entre l'Université de Sherbrooke et Groupe Conseil Harland inc., laquelle fut cédée par Groupe Conseil Harland à notre Cliente, le tout tel qu'il appert d'une entente signée par Université de Sherbrooke le 23 février 2001 entre cette dernière et notre Cliente le 22 février 2001.
Tel que prévu à cette entente, nous préparerons la convention de transfert de la propriété intellectuelle que nous vous transmettrons pour approbation. Nous demandons à ce que le transfert soit rétroactif à la date de la présente.
Le prix d'exercice de l'option d'achat ayant déjà été convenu à 275 000 $ CAN ainsi que les modalités de paiement, auriez-vous néanmoins l'obligeance de bien vouloir nous informer à l'ordre de qui doivent être faits lesdits paiements?
[137] Dans une lettre du 17 septembre 2004, l'Université accuse réception de la lettre du 18 août 2004. Elle rappelle les modalités du paiement du prix de 275 000 $ convenu en février 2001. De plus, elle écrit qu'elle « convient de donner suite à la levée de l'option[11] sous réserve par Neptune de tous ses engagements à l'égard de l'Université, notamment aux termes de la licence signée par les parties le 14 juin 2000 avec effet rétroactif au 31 mai 2000 ».
[138] Un premier constat s'impose. Neptune déclare exercer son option d'achat. Elle s'enquiert à l'ordre de qui les paiements doivent être effectués. L'Université, seule autre partie contractante, reconnaît expressément que Neptune a levé l'option et qu'il convient d'y donner suite. La représentante de l'Université ajoute que n'eût été des procédures judiciaires des chercheurs les formalités de transfert auraient été complétées dès cette époque. Les parties contractantes, de même que le juge de la Cour supérieure, n'ont jamais remis en cause que Neptune avait satisfait à la condition prévue par le Protocole de recherche pour l'exercice de l'option.
[139] Ainsi, au 18 août 2004, la situation juridique des parties était la suivante. Dès 1998, l'Université avait consenti à GC Harland puis à Neptune une option d'achat (promesse unilatérale) de la propriété intellectuelle. Par sa lettre du 18 août 2004, Neptune « exerçait son option d'achat sur la propriété intellectuelle ». À tout le moins, à ce stade, la promesse devenait bilatérale : l'Université s'était engagée à vendre et Neptune à acheter. Il ne restait qu'une seule question : Neptune s'est-elle prévalue de son droit unilatéral de conclure immédiatement le contrat et passer outre l'étape de la promesse synallagmatique?
[140] Il s'agit en somme de l'application d'un mécanisme à trois temps, pour reprendre l'expression des professeurs Lluelles et Moore[12], de l'art. 1396 C.c.Q. qui prévoit que :
1396. L'offre de contracter, faite à une personne déterminée, constitue une promesse de conclure le contrat envisagé, dès lors que le destinataire manifeste clairement à l'offrant son intention de prendre l'offre en considération et d'y répondre dans un délai raisonnable ou dans celui dont elle est assortie.
La promesse, à elle seule, n'équivaut pas au contrat envisagé; cependant, lorsque le bénéficiaire de la promesse l'accepte ou lève l'option à lui consentie, il s'oblige alors, de même que le promettant, à conclure le contrat, à moins qu'il ne décide de le conclure immédiatement.
[141] Ce mécanisme sera réduit à deux temps si le bénéficiaire de l'option le décide ainsi. Comme l'explique le professeur Jobin, dans certains cas, le contrat projeté sera formé dès la levée de l'option :
Cette règle de l’article 1396, alinéa 2 n’est toutefois qu’interprétative de la volonté des parties; dans tous les cas, c’est cette dernière qu’il faut d’abord rechercher en qualifiant leur contrat soit de promesse, soit de vente.
Pour ce faire, les juges se basent sur des indices qu’ils considèrent révélateurs en l’espèce. Ainsi, quand les parties conviennent de retarder le transfert de propriété jusqu’à la passation de l’acte notarié, on décide qu’elles ont conclu une promesse et non une vente. Au contraire, quand elles prévoient le paiement du prix et le transfert de la propriété dès le moment de la « promesse », on juge qu’il y a en réalité vente immédiate.
[…] il faut toujours faire prévaloir l’intention des parties sur ces règles du Code civil : ainsi, la propriété est transférée et les obligations d’une vente naissent au moment même de la levée de l’option quand les termes de la convention révèlent, même implicitement, l’intention des parties qu’il en soit ainsi. Lorsque l’intention des parties ne s’y oppose pas, l’article 1396, alinéa 2 permet au bénéficiaire de « décider », au moment de l’acceptation, de « conclure immédiatement » la vente. Cette disposition, qui a pour but de prévenir les difficultés d’interprétation de la volonté des parties, accorde finalement au destinataire d’une offre de contracter faite à une personne déterminée, voire à tout bénéficiaire d’une option, la faculté exceptionnelle de conclure la vente à tel moment plutôt qu’à tel autre par sa seule volonté, que le promettant veuille ou non. Le promettant a donc tout intérêt à préciser dans la promesse ou dans l’offre faite à une personne déterminée quel sera l’effet d’une acceptation de celle-ci. [13] [Nous soulignons]
[142] Quoiqu'il eût été loisible aux parties de déroger aux règles énoncées à l'art. 1396 C.c.Q. en retirant au bénéficiaire de l'option le droit de conclure immédiatement le contrat, elles ne l'ont pas fait. Au contraire, plusieurs indices tirés des textes contractuels et de la conduite des parties portent à conclure que la levée de l'option entraînait la conclusion du contrat envisagé.
[143] D'abord, le texte non amendé de l'article 12.3 d) du contrat prévoit que « l'Université acceptera toute requête de GC Harland visant à acquérir les droits de propriété intellectuelle sur les résultats des Phases 1 et/ou 2… ». Le texte amendé va plus loin. Dans les modalités du paiement du prix, les parties indiquent que le premier paiement est dû « à la date du transfert de la propriété intellectuelle soit à la date d'exercice de l'option d'achat »[14].
[144] En second lieu, le contenu de la lettre du 18 août 2004 indique que Neptune se prévaut de son droit unilatéral de conclure le contrat envisagé. La lettre de son avocat demande notamment que le contrat formel portera la date de la levée d'option, soit le 18 août 2004. Il est de plus requis de l'Université qu'elle fournisse les renseignements quant « à l'ordre de qui doivent être faits lesdits paiements ».
[145] Par sa réponse du 17 septembre 2004, Neptune réitère qu'elle « convient de donner suite à la levée de l'option… » tout comme elle réclame les redevances qui lui sont dues alors. Pour l'Université, le contrat n'est qu'une formalité qui aurait été rapidement réglée n'eût été des procédures en cours.
[146] Suivra la consignation en fiducie de 275 000 $ effectuée par Neptune. Au 30 septembre 2009, les parties contractantes conviennent qu'à ce montant doivent être ajoutés les intérêts dus pour former un total de 311 807,19 $. Ce montant est le prix d'achat dû par Neptune pour l'acquisition, en août 2004, de la propriété intellectuelle.
[147] La consignation des montants dus avait été rendue nécessaire en raison des poursuites judiciaires des chercheurs qui contestaient la validité de l'option que Neptune venait d'exercer. Dès le 20 août 2004, les chercheurs mettaient en demeure Neptune et l'Université de Sherbrooke de ne pas signer la convention envisagée sous menace de procédures judiciaires additionnelles. Ces menaces se sont poursuivies jusqu'au début de l'audience alors que l'Université et Neptune prenaient l'engagement de surseoir à toute convention dans l'attente du jugement qui devait trancher la validité de l'option exercée par Neptune en août 2004.
[148] Dans ce contexte, conclure que la levée de l'option du 18 août 2004 n'équivaut pas au contrat, mais plutôt à la formation d'une promesse synallagmatique devient sans importance. Dans la mesure où les deux parties contractantes étaient mutuellement engagées à passer contrat et qu'elles déclarent que le contrat formel aurait été signé à cette époque, force est de conclure que le transfert de propriété est intervenu le 18 août 2004 ou l'aurait été dans les semaines suivantes.
[149] Dans ce même contexte, la position des chercheurs apparaît à tout le moins incongrue. Ils ont tenté par tous les moyens d'empêcher le transfert formel de la propriété intellectuelle tout en réclamant les bénéfices qui résultent de l'absence de transfert de propriété (la continuation du paiement des redevances[15]).
[150] Le Contrat de licence est clair. Il prévoit que Neptune doit payer à l'Université des redevances calculées en fonction des ventes nettes de Neptune, et ce, tant et aussi longtemps que l'Université conserve la propriété de l'Invention.
[151] Le Contrat de licence comporte une définition de « Ventes Nettes » et de « Produit(s) Licencié(s) » :
4.3 Pour les fins de l'article 4.1 :
"Ventes Nettes" signifient le montant facturé par un Vendeur (moins les dépenses suivantes : (1) escompte de quantité; (2) remboursements pour retours de Produits licenciés; (3) taxes payables, dûment indiquées sur la facture pour tous les Produits Licenciés vendus à toute Personne avec laquelle le Vendeur transige à distance dans le cours normal des affaires. Pour toute vente à une personne avec laquelle le Vendeur ne transige pas à distance, le terme "Ventes Nettes" sera réputé être le montant facturé par cette autre personne à son client et s'il n'y a pas de telles ventes, ce montant sera réputé être le montant facturé par le vendeur à une personne avec laquelle il transige à distance dans le cours normal des affaires.
2.1.4 Produit(s) Licencié(s)
Signifie l'huile de Krill et/ou de Calanus et/ou de crustacés obtenue par l'application de l'Invention.
[152] La Cour a conclu que le transfert de propriété a eu lieu le 18 août 2004, date de la levée de l'option, ou à tout le moins qu'il l'aurait été à une époque contemporaine à cette date. Partant, le paiement des redevances doit cesser à cette date. À la demande de la Cour, les parties au Contrat de licence ont fourni les informations suivantes: le montant des redevances dû au 18 août 2004 s'établit à 35 695 $. À ce montant il faut ajouter les intérêts stipulés au contrat pour former au 30 septembre 2009 un grand total de 46 342,70 $.
[153] Ne reste à trancher qu'un dernier litige. Les chercheurs soutiennent que le calcul des redevances doit être établi en fonction non seulement de l'huile de Krill, mais également en fonction des résidus (les protéines). Cette position apparaît sans fondement.
[154] Peu importe le contenu de l'Invention et des brevets (qui comprennent les protéines) que pourrait exploiter Neptune, la contrepartie fixée par les parties est sans ambiguïté. Le calcul des redevances s'effectue en fonction des ventes nettes des seuls produits licenciés définis au Contrat de licence, soit l'huile de Krill. Les parties contractantes l'ont toujours interprété ainsi. Il y a donc une parfaite harmonie entre la lettre du contrat et la conduite des parties. Que des tiers (les chercheurs) se plaignent de cette interprétation ne peut avoir comme effet de modifier un texte clair et la compréhension que les parties contractantes en avaient.
[155] Avant de clore ce chapitre, la Cour estime nécessaire de faire quelques observations supplémentaires.
[156] Il n'y a pas de lien contractuel entre Neptune et les chercheurs. Contractuellement, les redevances dues par Neptune sont payables à l'Université seulement. Dans ses procédures judiciaires, l'Université n'a rien réclamé à Neptune. Malgré cela, Neptune fut condamnée à payer plus d'un million de dollars en redevances dont la moitié à l'Université qui, nous le répétons, n'en réclamait pas.
[157] Par ailleurs, le droit des chercheurs de toucher 50 % des profits est établi à l'Entente de gestion intervenue avec l'Université. Neptune n'est pas partie à ce contrat. La Cour en tiendra compte dans le dispositif de son arrêt. Quant au montant revenant à l'Université, la Cour en traitera dans son analyse des conclusions que commandent les procédures des différentes parties au litige. Pour l'instant, il suffit d'ajouter sur ce dernier point quelques remarques.
[158] Bien que formellement et judiciairement l'Université n'ait pas réclamé de redevances à Neptune depuis le 18 août 2004, elle a adopté une position ambiguë. Habilement, l'avocat des chercheurs y voit la confirmation que des redevances sont payables au-delà du 18 août 2004.
[159] À l'analyse, ce dernier moyen s'avère sans fondement.
[160] Par la lettre de ses avocats en date du 17 septembre 2004, l'Université convenait, d'une part, de donner suite à la levée de l'option et exigeait le paiement des redevances dues à ce moment. La preuve révèle que, à cette époque, le montant exact des redevances n'avait pas été arrêté entre les parties contractantes. Par la suite et en l'absence de contrat formel, l'Université a demandé, sans l'exiger judiciairement, que le paiement des redevances continue jusqu'à la passation d'un contrat formel.
[161] Bien que cette demande évolutive de l'Université ne se soit pas cristallisée dans une procédure judiciaire, elle s'avère sans fondement juridique. En droit, si les redevances étaient impayées, l'Université pouvait donner les avis requis contractuellement pour mettre fin au contrat et réclamer son dû. Elle ne l'a jamais fait.
[162] De plus, l'absence de contrat formel n'empêchait nullement en l'espèce le transfert de propriété de l'Invention et ne justifiait en aucun cas le paiement des redevances au-delà du 18 août 2004.
[163] Comme le reconnaît le juge de la Cour supérieure, les principes qui justifient une condamnation aux honoraires extrajudiciaires ont été énoncés dans l'arrêt Viel[16] et repris depuis de façon constante par la Cour.
[164] En l'espèce, la position de Neptune et de l'Université était non seulement dépourvue de tout abus d'ester en justice, mais elle était bien fondée comme aurait dû le reconnaître le juge de la Cour supérieure. La demande des chercheurs à cet égard aurait dû être rejetée.
[165] Qui plus est, les reproches adressés par le juge de la Cour supérieure à Neptune et à l'Université sont, pour dire le moins, discutables. En voici quelques exemples.
[166] Le juge de première instance affirme « qu'une partie importante de la lourdeur procédurale est attribuable aux changements de position de Neptune et sa valse-hésitation quant à la question de l'exercice de l'option d'achat ». Il n'en est rien. Comme la Cour l'a constaté de la lecture des procédures en première instance et du plan de plaidoirie soumis au juge de la Cour supérieure, Neptune a toujours maintenu qu'elle avait à tout le moins exercé son option le 18 août 2004 et a consigné le prix convenu. Neptune ajoutait, et cela va de soi, que « si la Cour en décidait autrement (lire l'annulation judiciaire de l'Amendement) et fixait le prix d'exercice à un montant substantiellement plus élevé que ce qui a été convenu, qu'elle entrevoit d'autres avenues ».
[167] Autre exemple, le juge ajoute que le rapport d'expert de Neptune « a contribué à allonger le débat tant sur la théorie d'un nouveau procédé que l'interprétation donnée aux vocables de la formule magique ». Cette affirmation suscite plusieurs commentaires. D'abord, Neptune a produit cette expertise en réponse à celle produite par les chercheurs. En second lieu, ces expertises visaient à trancher le litige relatif à l'évaluation de la « formule magique » sujet que le juge de la Cour supérieure qualifie de pertinent, complexe et litigieux. Finalement, ce n'est pas parce qu'un juge ne retient pas la thèse d'un expert qu'il s'ensuit un abus d'ester en justice; il en faut plus[17].
[168] Les dispositifs des jugements entrepris ne sont pas sans poser certaines difficultés. Ces dispositifs contiennent 46 paragraphes dont plusieurs dispositions déclaratoires inutiles ou d'autres qui ne revêtent pas la nature exécutoire exigée par l'art. 469 C.p.c. D'autres sont conditionnelles et dépendent des choix exercés par Neptune. Finalement, les condamnations quant aux redevances ne sont pas chiffrées pour la période postérieure au 30 novembre 2007. À la décharge du juge de la Cour supérieure, il convient de mentionner que les chercheurs dans leur action en injonction et en dommages-intérêts ré ré réamendé ont formulé leurs conclusions sensiblement de la même façon que celles retenues aux dispositifs.
[169] Dans leur défense, l'Université et Neptune ont tout simplement conclu au rejet de l'action. Elles n'ont formulé aucune demande reconventionnelle.
[170] Sur un plan contractuel, Neptune doit en principe payer à l'Université et seulement à elle les redevances dues et le coût d'acquisition de la propriété intellectuelle. Tel qu'indiqué ci-haut, l'Université n'a jamais formulé de demande à cet égard. De même, les chercheurs ne peuvent réclamer leur part du profit net que de l'Université, seule autre partie signataire de l'Entente de gestion.
[171] Par ailleurs, Neptune déclare être propriétaire de l'Invention et consent à la remise des 311 807,19 $ (capital et intérêt au 30 septembre 2009) détenus en fiducie. La difficulté provient du fait que ses procédures en première instance ne contiennent aucune demande ou conclusion à cet effet. Neptune n'a pas demandé non plus d'amender ses procédures en appel.
[172] En fonction de ce cadre juridique restreint et assez inusité qui liait le juge de la Cour supérieure où ni Neptune ni l'Université ne réclament quoi que ce soit bien qu'elles aient pris des engagements devant la Cour, dont celui de payer les sommes aux termes des contrats, il y a lieu de condamner seule l'Université à payer aux chercheurs ce qui leur est contractuellement dû, même si l'Université n'a pas encore elle-même perçu ces sommes malgré l'offre de sa débitrice. Pour le reste, la Cour ne peut que prendre acte de l'engagement de Neptune de payer à l'Université le montant convenu des redevances et des coûts d'acquisition de la propriété intellectuelle. De même, la Cour prendra acte de l'engagement de l'Université de signer un contrat formel de vente de la propriété intellectuelle rétroactif au 18 avril 2004, et ce, sur paiement des montants convenus entre les parties.
[173] Les parties ont été appelées à faire un long débat judiciaire qui au final s'est avéré en grande partie vain. Cela est particulièrement vrai pour le débat d'experts. Neptune a mené le combat judiciaire comme si elle était engagée à payer sur une base contractuelle ce qui était dû aux chercheurs. Théoriquement, l'action contre Neptune aurait dû être rejetée dans la mesure où seul le recours contractuel contre l'Université réussit. Afin d'éviter tout débat juridique ultérieur, le recours contre Neptune doit tout de même être accueilli pour prendre acte de ses engagements. Les chercheurs auront dû attendre la fin des débats devant la Cour pour connaître le montant des redevances qui leur est dû quoique leur action ait échoué dans sa plus grande partie.
[174] Dans ces circonstances, il apparaît équitable que chaque partie assume ses frais, tant en première instance qu'en appel.
[175] POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[176] ACCUEILLE l'appel de Neptune Technologies & Bioressources inc, et Groupe Conseil Harland inc. sans frais;
[177] ACCUEILLE l'appel de l'Université de Sherbrooke sans frais;
[178] REJETTE l'appel incident sans frais;
[179] CASSE les jugements de la Cour supérieure du 18 mai 2007 et du 18 décembre 2008 dans le dossier 540-17-001287-043.
[180] Et prononçant le jugement qui aurait dû être rendu :
[1] L'art. 113 de la Loi sur l'instruction publique, L.R.Q., c. I-13.3, édicte qu'une commission scolaire est une personne morale de droit public.
[2] Les arts. 13 et 210.5 de la Loi sur l'organisation territoriale municipale, L.R.Q., c. O-9, prévoient que les municipalités locales et les municipalités régionales de comté sont des personnes morales de droit public.
[3] Ce qui ne l'empêche pas d'être une institution publique au sens de certaines lois fiscales vu sa mission éducative.
[4] Gérard Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 8e édition, Paris, Presses universitaires de France, 2000, p. 212.
[5] Le Grand dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française, en ligne : www.granddictionnaire.com (site consulté le 8 octobre 2009).
[6] Règlements relatifs aux brevets découlant d’inventions du personnel universitaire.
[7] G. Cornu (dir.), supra note 4, p. 896: « Valorisation : 1 Mise en valeur. a/Action d’améliorer la valeur intrinsèque d’une chose par des travaux, d’en accroître le rendement. Ex. valorisation des sols par amendement. b/Action d’exalter les mérites d’une chose, ses qualités, par des moyens extrinsèques, afin d’en favoriser la vente. V. label, certification, promotion.
2 Accroissement de valeur. Fait pour un bien (terrain, créance, portefeuille financier) d’augmenter le prix sous l’effet de facteurs économiques et monétaires, parfois par le jeu de clauses spécifiques. V. appréciation, indexation. Comp. Revalorisation. Ant. dépréciation. »
[8] La note porte un ajout, qui ne serait pas de l’auteur et dont on ignore la date, indiquant : « + 25 000 option d’achat ».
[9] C.c.Q., Art. 2870. La déclaration faite par une personne qui ne comparaît pas comme témoin, sur des faits au sujet desquels elle aurait pu légalement déposer, peut être admise à titre de témoignage, pourvu que, sur demande et après qu'avis en ait été donné à la partie adverse, le tribunal l'autorise.
Celui-ci doit cependant s'assurer qu'il est impossible d'obtenir la comparution du déclarant comme témoin, ou déraisonnable de l'exiger, et que les circonstances entourant la déclaration donnent à celle-ci des garanties suffisamment sérieuses pour pouvoir s'y fier.
Sont présumés présenter ces garanties, notamment, les documents établis dans le cours des activités d'une entreprise et les documents insérés dans un registre dont la tenue est exigée par la loi, de même que les déclarations spontanées et contemporaines de la survenance des faits.
[10] Contrat de licence : « 2.2.5 Préséance. À l’exception de : […] le présent contrat constitue la totalité et l’intégralité du contrat intervenu entre les parties concernant l’objet du présent contrat à l’exclusion de tout autre document, contrat ou promesse verbale antérieure qui peut être intervenu, dans le cadre des négociations qui ont précédé l’exécution complète du présent contrat, que les parties déclarent inadmissible en tant qu’élément de preuve susceptible de modifier ou d’affecter de quelque façon que ce soit l’une ou l’autre des dispositions du présent contrat. »
[11] Soulignement ajouté.
[12] Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, Montréal, Éditions Thémis, 2006, p. 203-215.
[13] Pierre-Gabriel Jobin, La vente, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 55 et 65, paragr. 41 et 46 respectivement.
[14] Soulignement ajouté.
[15] Le paragraphe e) de l'article 12.3 du Protocole de recherche prévoyait que : « il est entendu que tout transfert au GC HARLAND des droits de propriété intellectuelle sur les résultats du Projet mettra fin à la licence et à son obligation de payer des redevances à l'UNIVERSITÉ ».
[16] Viel c. Entreprises immobilières du Terroir Ltée, [2002] R.J.Q. 1262 (C.A.).
[17] Royal Lepage Commercial inc. c. 109650 Canada Ltd., J.E. 2007-1325 (C.A.).
[18] Cette somme représente le montant en capital et intérêts au 30 septembre 2009.
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