Décision

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Lepage c. Parquet Royal inc.

2019 QCCQ 3807

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N° :

200-32-701877-184

 

 

 

DATE :

13 juin 2019

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CHARLES G. GRENIER, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

SOPHIE LEPAGE

[…], Lévis (Québec) […]

 

Demanderesse

c.

 

PARQUET ROYAL INC.

285, rue de Rotterdam, Saint-Augustin-de-Desmaures (Québec) G3A 2E5

 

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

INTRODUCTION

[1]           La demanderesse, madame Sophie Lepage, réclame à la défenderesse, Parquet Royal inc. (ci-après : « Parquet Royal »), de qui elle a acheté un plancher de bois, le 13 mars 2017, au prix de 2 200 $, qu’elle considère avoir été affecté de diverses déficiences : taches sur les planches et propension inexplicable à s’égratigner facilement, la somme de 5 000 $ représentant le remboursement du prix payé, 2 200 $, celui de l’installation d’un nouveau plancher, 2 400 $, ainsi que des dommages-intérêts d’un montant de 300 $ en dédommagement des troubles et inconvénients vécus.

[2]           Parquet Royal, représentée à l’audience par son directeur, monsieur Jean-Yves Bradette, conteste la demande en faisant valoir que les taches sur les planches provenaient d’une contamination de source extérieure qui ne peut lui être imputée et que celles-ci pouvaient s’enlever relativement facilement. En ce qui a trait aux égratignures, elles sont essentiellement dues, selon elle, à des déplacements de meubles, à des griffes d’animaux ou à de l’usure normale et elles ont en grande partie été réparées par elle par l’usage d’un crayon correcteur de la couleur du plancher.

LA TRAME FACTUELLE

[3]           De l’ensemble de la preuve tant documentaire que testimoniale qui lui a été soumise par les parties, le Tribunal retient les faits qui suivent.

[4]           Le 13 mars 2017, madame Lepage, lors d’une visite au Salon de l’Habitation de Québec du magasin de Parquet Royal, une filiale du fabricant Preverco, a acheté au prix allégué de 2 200 $ - la facture d’achat n’apparaît pas au dossier de la Cour, car elle ne l’a plus en sa possession, la vente et le prix ne sont cependant pas contestés par Parquet Royal - un plancher en bois d’ingénierie avec une couche d’usure en érable pour une superficie à couvrir d’environ 700 pieds carrés. Elle voulait un plancher résistant et elle a été conseillée dans son choix par madame Marjolaine Morin.

[5]           Le produit retenu consistait en une nouvelle gamme comportant trois essences et se déclinant en six couleurs fabriqué en Belgique par Tarkette, que Preverco avait décidé de mettre à l’essai. Selon les indications fournies tant par monsieur Bradette qui, à l’époque, était directeur de la qualité chez Preverco, que par le nouveau directeur de la qualité actuel, monsieur Bernard Daigle, cette gamme de produit a depuis été abandonnée par Preverco pour diverses raisons.

[6]           Monsieur Daigle a témoigné que les lattes de bois étaient arrivées de Belgique à l’usine de Preverco à Saint-Augustin-de-Desmaures par conteneur et qu’en principe, certaines boîtes étaient ouvertes au hasard afin de procéder à un contrôle de qualité.

[7]           Il affirme que Preverco n’a reçu qu’une seule plainte quant au produit « Tarkette », soit celle de madame Lepage.

[8]           Un mois après l’achat, madame Lepage a fait poser le plancher par Construction et Rénovation Albert Bédard au coût de 2 400 $ et ce, selon ses dires, car elle ne retrouve pas non plus la facture de la pose. À la demande du Tribunal, elle lui a cependant fait parvenir une facture de Construction et Rénovation Albert Bédard pour la pose du plancher du logement situé dans son immeuble, mentionnant un prix de 3 $ le pi2 pour une superficie de 600 pi2.

[9]           Madame Lepage a témoigné qu’une fois posé, sur le coup : « tout était beau à part quelques coins! », mais qu’au bout de quelques semaines, des taches qui sortaient avec le soleil se sont mises à apparaître partout sur le plancher et que, de petites égratignures se sont mises à émailler le plancher sans raison particulière : son conjoint et elle n’ont pas d’enfant, les pattes de ses meubles sont munies de feutres, leur deux chats sont dégriffés et elle ne porte pas de chaussures à talons hauts à l’intérieur.

[10]        « [Elle] était prête à vivre avec les spots » mais cela ne correspondait pas à l’échantillon que lui avait montré madame Morin. Le phénomène des égratignures s’accentuant, après un voyage de quatre semaines avec son conjoint à l’extérieur du Québec - il n’y avait personne chez eux - elle a écrit au début de juillet 2017 à sa conseillère chez Parquet Royal pour l’aviser des problèmes constatés. Madame Morin l’a alors référée à monsieur Bradette qui s’est présenté chez elle, le 11 juillet 2017.

[11]        Monsieur Bradette a effectivement constaté la présence de « spots » et d’égratignures. Il a masqué plusieurs de celles-ci avec un crayon correcteur de vernis et procédé au nettoyage de certaines taches en frottant avec un produit spécialisé et un linge humide. Selon lui, « les spots correspondaient à une contamination ». « Il y en avait sur toutes les planches ».

[12]        De nombreuses photographies versées au dossier de la Cour, prises six mois après la pose du plancher, montrent effectivement diverses petites égratignures sur le long des planches et la présence de taches sur le plancher.

[13]        Madame Lepage a témoigné qu’au cours des mois qui ont suivi la visite de monsieur Bradette, elle avait réussi à enlever la plus grande partie des taches sur le plancher mais qu’il en restait toujours et que, même aux endroits nettoyés, on pouvait encore voir un reflet de résidu au soleil.

[14]        Le 1er septembre 2017, étant insatisfaite de la tournure des événements, madame Lepage a transmis à Parquet Royal une lettre dont l’objet était « Demande de dédommagement par un commerçant », dans laquelle elle la mettait en demeure de lui payer la somme de 4 600 $ dans un délai de dix jours, sous peine, à défaut par elle de s’exécuter, de poursuites judiciaires à être intentées (P-1).

Québec, le 1er septembre 2017

RECOMMANDÉ

PARQUET ROYAL INC.

A/S : Julien Dufresne, président

295, rue de Rotterdam

Saint-Augustin-de-Desmaures (QC)

G3A 2E5

OBJET : Demande de dédommagement par un commerçant

Monsieur Dufresne,

La présente demande a pour but de faire suite à la visite à mon domicile le 11 juillet 2017.

Monsieur Jean-Yves Bradette et moi, avons échangé quelques courriels et appels téléphoniques concernant mon mécontentement suivant l’installation de mon plancher dans la semaine du 13 mars 2017, à mon domicile au 69, rue des Hauts-Bois à Lévis.

En effet, le plancher installé à mon domicile présente plusieurs imperfections. Nous pouvons en dénoter plus d’une trentaine. Ces défauts pourraient être qualifiés comme étant des éraflures, quelques absences de teinture, des coins de planches sans couleur et/ou vernis. De plus, la majorité des planches présentent des taches sous forme de cercles et nous devons les frotter vigoureusement pendant plusieurs minutes pour qu’elles puissent disparaître. Monsieur Bradette avait donc trouvé comme solution, de camoufler tous ces défauts à l’aide d’un crayon à plancher prévu à cet effet. Ceci a été fait la journée de la visite. Il m’a également dit qu’il était normal qu’un plancher d’une durée de vie d’un (1) an puisse présenter ce genre d’imperfections. Il est à noter que ce plancher avait plutôt une durée de vie d’à peine quatre (4) mois et que durant cette période de temps, nous étions à l’extérieur de la maison pour un voyage de quatre (4) semaines. De plus, il est à mentionner que la majorité de ces imperfections se sont fait au cours des deux (2) premières semaines suivant l’installation du plancher. Également, j’aimerais rajouter que nous n’avons pas d’enfant et nos deux chats sont dégriffés. J’avais aussi pris soin de demander lors de l’achat de mon plancher, que la résistance et la dureté de celui-ci soit une priorité. Un plancher en érable m’avait alors été suggéré. Il semble aussi que le vernis utilisé soit de piètre qualité.

Lors de cette même visite du 11 juillet 2017, celui-ci m’avait également mentionné que ces problèmes découlaient probablement du fait que mes planchers étaient supposément mal lavés. Étrangement, mes produits de nettoyage sont ceux qu’on m’avait conseillés et vendus lors de l’achat de mon plancher. Par ailleurs, le matin même de sa visite, j’avais pris soin de les laver moi-même.

Attendu qu’il est inconcevable pour moi qu’après seulement quelques semaines, mon plancher se retrouve dans cet état;

Attendu que, la solution de camoufler les imperfections à l’aide d’un crayon à plancher ne me convient guère;

Attendu que, je crois vivre présentement un litige concernant la durabilité de ce plancher;

Je vous mets donc en demeure de me rembourser la somme de QUATRE MILLE SIX CENTS DOLLARS (4 600.00 $), soit le remboursement TOTAL de la commande # 27867 qui se chiffre à DEUX MILLE DEUX CENT DOLLARS (2 200.00$) et le montant du retrait et de l’installation d’un nouveau plancher par un entrepreneur au montant de DEUX MILLE QUATRE CENT DOLLARS (2 400.00$) dans les dix (10) jours ouvrables suivant la réception de cette lettre, sans quoi je serais dans l’obligation d’utiliser des recours légaux.

Veuillez agréer, Monsieur Dufresne, mes salutations distinguées.

(Signé Sophie Lepage)

                                                                                                  [reproduction intégrale]

[15]        Le 11 septembre 2017, la mise en demeure a engendré la réponse qui suit de la part de Parquet Royal (P-2) :

Lundi, le 11 septembre 2017

Madame Sophie Lepage

[…]

Lévis (Québec) […]

Bonjour Mme Lepage,

Nous accusons réception de votre demande de dédommagement par un commerçant datée du 1er septembre 2017 dans laquelle vous faites état de votre mécontentement face à l’achat de l’un de nos planchers.

Suite à l’étude de votre dossier, nous pensons que ces égratignures sont reliées soit à l’usure ou à l’entretien du plancher. Pour vous accommoder, nous vous proposons d’inspecter votre plancher à nos frais par le directeur-qualité de Preverco, M. Stéphanne Lacasse, en compagnie d’un inspecteur indépendant certifié par la N.W.F.A.

Veuillez svp communiquer avec M. Jean-Yves Bradette soit par courriel à jybradette@parquetroyal.com ou par téléphone au 418-878-2484 pour céduler un rendez-vous.

En espérant que ce problème ponctuel n’entamera pas l’intérêt que vous portez à nos produits, et en restant à votre disposition pour toute question ou demande de précision, nous vous prions d’agréer, Madame Lepage, l’assurance de notre considération.

 

(Signé Julien Dufresne)

Président

Parquet Royal

 

                                                                                                  [reproduction intégrale]

[16]        Le 2 novembre 2017, madame Lepage a répondu positivement à l’offre d’inspection de Parquet Royal (P-4).

2 novembre 2017

Bonjour,

Pour faire suite à votre réponse quant à ma mise en demeure, je suis d’accord pour que vous veniez inspecter mon plancher à vos frais.

Par contre, vous mentionner « mon entretien négligent », afin d’enrayer cette possibilité je vous propose, que vous assumiez à vos frais, un nettoyeur de plancher qui lui pourra les nettoyer à votre satisfaction, et de cette façon vous pourrez écarter cette cause. Il est évident, comme je l’avais mentionné dans ma lettre du 1er septembre, que je n’ai pas le temps de passer 15 minutes à frotter une superficie de 5 pouces 2 considérant que ma superficie totale est de 550 Unpieds.

Afin de s’assurer de bien voir tous les défauts, le mieux sera de venir de jour, et comme je travaille du lundi au vendredi, tout comme mon conjoint, la visite devra se faire de fin de semaine.

Merci et bonne journée.

Sophie Lepage

                                                                                                  [reproduction intégrale]

[17]        Un imbroglio administratif qui s’est produit entre Parquet Royal et Preverco a fait en sorte que l’acceptation de l’inspection par madame Lepage est restée lettre morte. Ce n’est que lors de l’audition des parties par le Tribunal, le 30 janvier 2019, que le quiproquo a été découvert. Les parties s’étant mises d’accord pour une inspection par un expert indépendant, l’audition de la cause a été suspendue jusqu’à la production du rapport d’inspection.

[18]        L’inspection a eu lieu le 25 février 2019 et elle a été effectuée par monsieur René Rocheleau faisant affaires sous l’entité « Rochebois inc. ». Le rapport a été produit le 26 février 2019. Les parties ont été reconvoquées par une ordonnance du Tribunal rendue le 27 mars 2019, pour une suite de l’audition des parties, le 28 mai 2019 afin d’entendre monsieur Rocheleau sur le contenu et les conclusions de son rapport.

LA PREUVE D’EXPERTISE

[19]        Monsieur Rocheleau est un inspecteur certifié depuis 2008. Il a fait toute sa carrière dans le domaine du bois depuis 1985. Il n’a aucun lien d’emploi avec Preverco ou Parquet Royal et agit à titre d’inspecteur indépendant.

[20]        Son rapport accompagné de photographies montrant notamment la concavité de certains bouts de planches et des taches à certains endroits du plancher contient les observations et conclusions suivantes :

3) Inspection visuelle

·         Ce sol est un type dit contrecollé (ingénierie).

·         Le produit comporte une partie d’usure, un centre en MDF et un support en liège. (P-3757)

·         Les dimensions des planchettes sont de 16mm sur 12mm par des longueurs fixes de 1.20me. La couche d’usure du produit a été teinte, poncée et vitrifiée en usine. (Photos générales au dossier) La couche de vitrification est de type « vernis U.V. » à lustre de 20%.

·         Le produit est en appellation maison « Érable HD Fit » et il a été installé sur un coussinet caoutchouté de 2,5mm en épaisseur.

[…]

4)   Lectures et relevés.

       1) Taux d’humidité dans l’atmosphère.

Au moment de mon inspection le taux H.R. des lieux est à la barre des 37%. (P-3761)

[…]

2) Tentative de nettoyage

Avec des chiffons de papier légèrement mouillés d’eau uniquement j’ai, à plusieurs endroits, fait disparaitre les taches dont se plaignent les propriétaires. (P-3760 et (P-3773)

       Instruments utilisés :

Ø  Chiffon de papier et de l’eau.

[…]

6) Constatations.

·         La couche de vitrification des planches de ce sol ne présente aucune malfaçon.

·         Lors des nettoyages que j’ai effectués et ce, à trois (3) endroits différents, il n’y a eu aucune altération de la couche de vitrification. La surface demeurant parfaitement homogène, et n’engendrant aucune ternissure de la luisance de la couche de vitrification.

·         La couche de vitrification des planches de ce sol ne présente aucune adhérence de type gommant. (tacky / sticky).

·         Les taches observées présentent des particularités uniquement associables à des dépôts survenus après la pose des planches de ce revêtement.

·         En regardant attentivement les photos (P-3764 / P-3766), on notera que les taches sont réparties et formées sur plus d’une planchette. Cela est une indication assez claire de la provenance du résidu.

·         Finalement je n’ai pas été en mesure d’identifier formellement le résidu qui forme les taches présentes et visibles sur ce revêtement de sol.

———————————-

·         Dans le but d’aider le propriétaire, j’ai bien expliqué la situation des déformations en concavité des bouts des planchettes de ce sol. De plus j’ai bien montré au propriétaire l’endroit où le décollement de coin avait commencé à attaquer la couche de vitrification. (F-3767)

·         Cette situation est attribuable à un nettoyage dans lequel une trop grande quantité d’eau ou de liquide nettoyant est utilisée qui attaque en premier lieu les extrémités des planchettes (capillarité).

·         Un sol de ce type être nettoyé avec peu d’eau et/ou liquide de nettoyage et, tout épanchement de liquide doit être résorbé rapidement.

7) Conclusion.

·         Sans vouloir causer préjudice à qui que ce soit qui pourrait être nommé dans le présent document, il m’apparait très clairement que cette situation n’est aucunement imputable à la vitrification du produit de revêtement en présence.

[reproduction intégrale]

[21]        En ce qui a trait au phénomène des taches sur le plancher, monsieur Rocheleau a témoigné qu’il ignorait la nature du résidu qui avait contaminé toutes les planches. Le nettoyage auquel il a procédé pour enlever les dernières qui restaient n’a pas altéré la couche de vitrification; cette dernière est donc hors de cause. Selon lui, « c’est sûr que [ pour les enlever ] ça prenait du jus de bras!

[22]        Quant au phénomène des égratignures affectant un peu partout le plancher, il n’en a pas traité dans son rapport, car il considérait ne pas avoir été « mandaté » par Parquet Royal pour ce faire.

[23]        Il admet avoir bien vu ces petites égratignures sur le long ou de face des planches de bois, notamment celles montrées sur les photographies déposées au dossier de la Cour par madame Lepage, qu’il a pu examiner lors de son témoignage (photos nos 10 et 12).

[24]        Selon lui, cela peut dépendre de la vitrification et de l’essence du bois employée. Certaines essences, comme le merisier, sont plus molles. Il y a différents types de vitrification « tout est une question de prix et de méthode employée ». « On marche sur un plancher! ». Il écarte l’hypothèse voulant que les égratignures aient pu avoir été causées par les griffes d’un gros chien : « c’est pas ça! », « ce sont de petites égratignures d’utilisation ».

L’ANALYSE ET LES MOTIFS

[25]        À titre de vendeur professionnel, Paquet Royal était tenu de délivrer, à la suite de la vente conclue avec madame Lepage, un produit exempt de défauts ou de vices cachés en affectant la qualité[1].

[26]        Elle était soumise à la règle de présomption d’existence du vice édictée par les articles 1729 et 1730 du Code civil du Québec (C.c.Q.).

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

1730. Sont également tenus à la garantie du vendeur, le fabricant, toute personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et tout fournisseur du bien, notamment le grossiste et l’importateur.

[27]        De même à titre de commerçante, elle était soumise aux obligations et présomption prévues aux articles 37, 38 et 53 de la Loi sur la protection du consommateur (L.p.c.)[2].

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

53.  Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

[28]        Toujours à titre de commerçante, elle était aussi liée en vertu des articles 41 et 42 L.p.c. par les déclarations conférées par sa représentante et conseillère lors de la vente du plancher quant à ses durabilité et résistance, dans un contexte où madame Lepage avait clairement exprimé ses attentes à cet égard et qu’elle était prête à payer un prix en conséquence.

41. Un bien ou un service fourni doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à son sujet par le commerçant ou le fabricant. Une déclaration ou un message publicitaire lie ce commerçant ou ce fabricant.

42. Une déclaration écrite ou verbale faite par le représentant d'un commerçant ou d'un fabricant à propos d'un bien ou d'un service lie ce commerçant ou ce fabricant.

[29]        La preuve révèle que les défauts affectant le plancher ont été constatés par madame Lepage dans un temps relativement court après la pose du plancher et qu’elle a avisé Parquet Royal de l’existence des problèmes constatés, soit les taches et les égratignures inexpliquées, dès le début du mois de juillet 2017.

[30]        Le Tribunal traitera dans l’ordre des phénomènes des taches et des égratignures affectant le plancher.

LES TACHES SUR LE PLANCHER

[31]        L’expertise réalisée par monsieur Rocheleau établit clairement que le phénomène des taches sur l’ensemble des planches de bois du plancher, était dû à une contamination par un résidu qui ne peut être identifié. La fabrication des planches, notamment la couche de vitrification, n’est pas en cause.

[32]        Il reste que les planches étaient bel et bien contaminées. À défaut par Parquet Royal et Preverco d’avoir pu déterminer que la contamination avait pu être le fait de madame Lepage, son conjoint ou de son poseur de plancher - c’est sur elles que reposait le fardeau de la preuve à cet égard compte tenu de la teneur des articles du  Code civil du Québec et de la Loi sur la protection du consommateur précités[3] - , le fait que toutes les planches étaient affectées, pointe du doigt par le jeu des présomptions qui peuvent être tirées des faits mis en preuve[4], vers un scénario où les planches de bois ont très vraisemblablement été livrées à l’usine de Preverco dans cet état de contamination. La démonstration par celle-ci de ses procédures de contrôle de la qualité du nouveau produit belge Tarkette, qu’elle mettait en marché pour la première fois, n’a pas été des plus convaincante et, surtout, suffisante pour écarter cette présomption.

[33]        Puisqu’il ne s’agissait cependant pas d’un défaut de fabrication comme tel puisqu’il a été démontré que les taches pouvaient être enlevées en déployant un certain effort de frottage, la présence de résidus ne saurait être la source d’une annulation du contrat ou d’une réduction du prix payé. Le dédommagement du préjudice subi par madame Lepage s’effectuera plutôt par le versement par Parquet Royal de dommages-intérêts qui lui seront accordés pour compenser les troubles et inconvénients subis par elle.

[34]        Le Tribunal fixe le montant de ces dommages-intérêts compensatoires à 250 $.

LES ÉGRATIGNURES

[35]        Ces égratignures s’étant produites dès le début de l’utilisation du plancher par madame Lepage et son conjoint, et Parquet Royal et Preverco n’ayant pas été en mesure de démontrer de façon prépondérante en quoi le comportement de leurs clients ait pu être la cause des égratignures, les présomptions de présence d’un vice de fabrication mentionnées plus haut[5] trouvent leur application.

[36]        Le Tribunal retiendra plutôt le témoignage de l’expert Rocheleau qui, après avoir constaté la nature particulière des égratignures, et avoir écarté la présence d’animaux de compagnie et une utilisation anormale du plancher comme sources du problème, a plutôt mentionné le processus de vitrification des planches et la qualité de l’essence du bois utilisée comme étant possiblement les causes qui ont pu produire le phénomène.

[37]        La responsabilité de Parquet Royal est donc engagée en tant que vendeuse professionnelle au sens du Code civil du Québec et de commerçante au sens de la Loi sur la protection du consommateur.

[38]        En vertu de l’article 272 L.p.c., un éventail de mesures de remédiation s’offrent au Tribunal, allant de l’annulation de la vente, ce qui impliquerait le versement par Parquet Royal d’une somme correspondant au prix payé pour la pose du plancher jusqu’à l’octroi de dommages-intérêts punitifs, le tout en passant par la possibilité d’une réduction de l’obligation corrélative de l’acheteur-consommateur, représentée par le prix payé.

[39]        C’est cette dernière option que retiendra le Tribunal. En effet, la nature des égratignures constatées dont plusieurs ont été masquées par l’usage d’un crayon correcteur, reste somme toute relativement minime, même si la situation peut être frustrante pour les acheteurs, et l’utilisation du plancher depuis maintenant deux ans, rend l’annulation, avec ce qu’elle implique, soit la remise en état des parties, la reprise de possession du plancher par le vendeur et le paiement potentiel d’une indemnité par l’acheteur pour l’usage du plancher, peu pratique et disproportionnée par rapport au problème constaté.

[40]        Une réduction du prix de vente payé - prix qui n’a pas été contesté par la défenderesse - de moitié sera retenue, soit 1 100 $.

[41]        En tout et partout, Parquet Royal devra payer à madame Lepage la somme de 1 350 $ avec les intérêts calculés au taux légal à compter de la date de la demeure, soit le 11 septembre 2017.

[42]        En ce qui a trait aux frais d’expertise réclamés par Parquet Royal qui se chiffrent à 653,06 $ pour l’inspection et 891,06 $ pour la présence à la Cour de monsieur Rocheleau (factures nos 1755 et 1772), compte tenu des conclusions du Tribunal quant à sa responsabilité à titre de vendeur et de commerçante et en tenant compte également que les offres qu’elle avait transmises en septembre 2017 à madame Lepage prévoyaient une inspection à ses frais, ceux-ci devront être assumés par elle.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la demande de madame Sophie Lepage;

CONDAMNE la défenderesse, Parquet Royal inc., à payer à la demanderesse, madame Sophie Lepage, la somme de 1 350 $ avec les intérêts calculés au taux légal, à compter du 11 septembre 2017;

CONDAMNE la défenderesse, Parquet Royal inc., à payer à la demanderesse, madame Sophie Lepage, la somme de 101 $ représentant le montant des frais de justice qu’elle a dû débourser pour déposer sa demande.

 

 

 

__________________________________

CHARLES G. GRENIER, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

30 janvier et 28 mai 2019

 



[1]     Code civil du Québec, art. 1716 et 1726.

[2]     RLRQ, c. p-40.1.

[3]     Supra, paragr. [26] et [27].

[4]     C.c.Q., art. 2849.

[5]     Supra, paragr. [26], [27] et [28].

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