Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Droit de la famille — 24915

2024 QCCA 767

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-030099-220

(500-04-069185-164)

 

DATE :

 11 juin 2024

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

BENOÎT MOORE, J.C.A.

GUY COURNOYER, J.C.A.

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

 

 

R... T...

APPELANT – demandeur

c.

 

I... L...

INTIMÉE – défenderesse

 

 

ARRÊT RECTIFIÉ (17 juin 2024)

 

 

MISE EN GARDE : Interdiction de divulgation ou diffusion : le Code de procédure civile (« C.p.c. ») interdit de divulguer ou diffuser toute information permettant d’identifier une partie ou un enfant dont l’intérêt est en jeu dans une instance en matière familiale, sauf sur autorisation du tribunal (article 16 C.p.c.). 

 

[1]                L’appelant se pourvoit à l’encontre d’un jugement de la Cour supérieure du 28 avril 2022 ayant accueilli en partie l’action en dommages et intérêts de l’intimée.

[2]                Pour les motifs du juge Moore, auxquels souscrivent les juges Cournoyer et Baudouin, LA COUR :

[3]                ACCUEILLE l’appel;

 

[4]                REJETTE l’action en dommages et intérêts de l’intimée, I... L...;

[5]                LE TOUT sans frais de justice, vu la nature du dossier.

 

 

 

 

BENOÎT MOORE, J.C.A.

 

 

 

 

 

GUY COURNOYER, J.C.A.

 

 

 

 

 

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

Me Valérie Laberge

Me Catherine Laberge-Nadeau

VALÉRIE LABERGE

[…]

Me Étienne Giasson

TREMBLAY BOIS MIGNAULT LEMAY

Pour l’appelant

 

Me Bernard Côté

GILBERT SÉGUIN GUILBAULT AVOCATS

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

9 août 2023


 

 

MOTIFS DU JUGE MOORE

 

 

[6]                L’appelant (ou « le père ») se pourvoit à l’encontre d’un jugement de la Cour supérieure du 28 avril 2022 (l’honorable Élise Poisson)[1], qui accueille en partie l’action en responsabilité civile de l’intimée (ou « la mère ») et le condamne à lui verser un montant de 30 000 $.

[7]                Nouveau chapitre d’une rupture familiale aux conséquences nombreuses et pénibles pour chacun de ses membres, l’intérêt de ce dossier dépasse celui des parties. Il soulève des enjeux sociétaux complexes de première importance interpellant la délicate question de la place et du rôle du droit de la responsabilité civile dans les relations familiales, plus spécifiquement ici, dans le cadre des rapports parentaux et de l’exercice de l’autorité parentale.

[8]                Si, comme nous le verrons, je suis d’avis que le législateur n’a pas, à ce jour, écarté le recours en responsabilité civile dans un tel cadre, il convient d’en tracer strictement la nature et les limites. Dans une logique civiliste, cela procède d’abord, non pas par la notion d’aliénation parentale, mais bien par celle de faute dont le seuil se doit d’être très élevé sans quoi les tribunaux seront sans cesse appelés à imputer à l’un ou l’autre des parents la responsabilité d’une dynamique familiale dysfonctionnelle, ce qui n’est pas souhaitable. Cela se fait ensuite par la détermination du préjudice lequel, non seulement, sera généralement modique, mais, surtout, ne devra pas porter atteinte à l’intérêt de l’enfant.

[9]                Sans condamner l’existence même d’un recours en responsabilité civile dans le contexte de l’exercice de l’autorité parentale, ces limites devraient rendre celui-ci exceptionnel, tout en incarnant l’idée que la première victime d’une telle situation demeure l’enfant.

CONTEXTE

[10]           S’il est évidemment nécessaire de poser l’ensemble des faits du dossier, je ne le ferai que dans les grandes lignes. Je reviendrai, lors de l’analyse, sur des faits plus précis, mais que dans la mesure où cela sera strictement nécessaire. Il convient en effet d’ajouter le moins possible à un conflit déjà bien trop nourri.

[11]           Les parties se rencontrent en 1993. L’appelant, alors âgé de 54 ans, est le professeur de philosophie de l’intimée, âgée de 19 ans. X naît le [...] 2001. En juin 2003, les parties cessent de faire vie commune.

[12]           Les parents conviennent que, pendant ses études primaires, X réside la semaine à Ville A avec son père, lequel prend alors sa retraite, et la fin de semaine, avec sa mère, à Ville B. Pour les études secondaires, moment où l’intimée aura elle-même terminé ses études de médecine, il est entendu que l’horaire sera inversé.

[13]           Le plan parental se déroule tel que prévu, mais à l’automne 2013, soit un an avant son entrée au secondaire, la relation entre l’intimée et X se dégrade. Cet effritement progressif culmine en 2016 par une rupture complète qui persiste à ce jour.

[14]           C’est ainsi que, le 31 août 2016, X et sa mère ont une altercation concernant le choix du repas du soir, à la suite de laquelle l’intimée amène X dans sa chambre en le contraignant physiquement. Elle lui signifie alors qu’il devra aller vivre chez son père pour une période de deux semaines.

[15]           Le lendemain, à la fin des classes, l’intimée ne vient pas chercher X à l’arrêt d’autobus. Celui-ci contacte alors son père, qui lui suggère de prendre un taxi pour aller chez sa mère, ce qu’il fait. Après avoir pris sa douche, il est confronté par son oncle, S... L..., et l’intimée, qui lui indiquent que, puisque son père refuse de le prendre, il devra aller vivre chez son oncle pour les deux prochaines semaines. Sous le choc, X ramasse ses effets personnels et tente à deux reprises de parler à son jeune demi-frère, Y, pour lui dire « au revoir » et « pour le mettre en garde contre leur mère ». Après lui avoir ordonné de se rendre à la voiture et face à la résistance de X, S... L... et l’intimée prennent X par les bras et les pieds pour le porter jusqu’à l’extérieur de la maison tandis qu’il se débat, demandant d’être relâché. X est par la suite conduit chez son oncle où il passe la nuit. Le lendemain, à la sortie de l’école, X se rend chez son père qui en a la garde pour la fin de semaine. Le lundi suivant, il ne retourne pas, et ne retournera jamais, chez sa mère avec qui il rompt tout contact.

[16]           L’évolution de la relation entre l’intimée et X de même que la rupture ne sont pas contestées. C’est la source de cet état de fait qui oppose les parties. L’intimée fait en effet état de nombreuses altercations ou « crises » de X en 2014, 2015 et 2016. Elle admet avoir utilisé à plusieurs reprises la force physique pour le maîtriser et d’avoir demandé en 2016 à l’appelant, sans succès, de reprendre X, la vie étant devenue intenable. L’intimée fait valoir que cette dégradation de la relation résulte de l’appelant qui a conforté, voire encouragé, l’attitude d’opposition de X. C’est ainsi, par exemple, qu’alors que l’intimée a été contrainte d’appeler les policiers après que X l’eut empoignée à la gorge, l’appelant aurait dit à ce dernier qu’il avait eu raison. À une autre occasion, X se serait réfugié dans sa chambre afin d’appeler son père, lequel a alors contacté les policiers affirmant craindre pour sa sécurité.

[17]           Quant à lui, X ne nie pas avoir coupé toute relation avec sa mère. Il témoigne toutefois avoir subi à répétition, jusqu’à deux à trois fois par semaine, la violence psychologique et physique de l’intimée et de son conjoint lui ayant entraîné diverses blessures. Il ajoute que ce dernier l’aurait menacé et lui aurait fait subir de l’intimidation, des insultes et des moqueries, en plus de l’avoir poussé dans les escaliers.

[18]           Il témoigne aussi que l’appelant tentait de le raisonner lorsqu’un conflit éclatait avec l’intimée, alors que cette dernière adoptait un discours « systématiquement négatif » à propos de l’appelant. En bref, voici comment il explique la situation :

R. À chaque fois qu'elle rajoutait quelque chose, j'avais l'impression que c'était... c'était un peu la même chose qui recommençait, parce qu'on... on respectait pas mon désir de ne plus parler à ma mère, de... de m'éloigner de ma mère, de... de me dissocier d'elle ou, du moins, pour un certain temps, afin que je puisse tourner la page, que je puisse grandir, m'épanouir hors de la... de la toxicité, de la violence que j'ai vécue, chez elle, malgré que, comme je l'ai dit, à maintes reprises, ce matin, on... t'sais, c'est - moi, je suis pas en train de mettre "toute" le blâme sur elle, dans le sens que, dans un conflit, il y a toujours deux (2) personnes, j'avais ma part de responsabilité.

Mon problème est que j'ai jamais senti qu'elle a reconnu sa part de responsabilité, puis ça - ben, toutes les procédures étaient encore une preuve de ce déni de la part - de sa part de responsabilité.

[…]

Q. Est-ce que les propos de ta mère, par rapport à ton père, ou les propos de ton père, par rapport à ta mère, est-ce que c'est ça qui a eu un impact sur où on est rendus, aujourd'hui, puis vos décisions, depuis [le] primaire?

R. Absolument pas.

Si on est là, aujourd'hui, encore, c'est parce que de la façon que, moi, je le vois, c'est que ma mère se prétend comme une victime du fait que je voulais "pus" la voir, alors que la - en réalité, la... la vraie victime, dans tout ça, c'est moi.

Moi, je voulais... je voulais me... me libérer d'une pression, d'une toxicité, je me faisais dénigrer, ben, d'une violence psychologique et autant... autant psychologique que physique.

T'sais, oui, il y a eu des propos qui ont été portés à l'endroit un de l'autre, soit!, mais, au final, je suis - t'sais, je suis pas... je suis pas stupide, là, je les voyais, par moi-même, ces choses-là.

Pis je pense que, peu importe les paroles qui ont... qui auraient pu avoir été dites, la - c'est surtout le niveau de la... la façon qu'elle a usé de violence, à mon endroit, que ça soit global ou... ou physique, qui m'"ont" vraiment marqué.

Je veux dire, personnellement, je pense qu'une mère est supposée vouloir chercher à protéger... à pro... chercher à protéger son enfant, à pas l'humilier, à... t'sais, à le défendre, puis c'était carrément le contraire qu'elle était en train de faire, elle cherchait à me compliquer la vie, à me... t'sais, à... après l'événement, à contrôler ma vie, à...

Peut-être qu'elle m'humiliait pas de façon volontaire, mais ça reste que, par ses comportements et ses actions, ça me sen... – je me sentais humilié, je me sentais pas bien, par rapport - avec les conséquences de sa présence, dans ma vie, pis c'est pour ça que j'ai...

T'sais, sur le moment, je le réalisais peut-être pas nécessairement, mais quand je me suis retiré pour... je sais pas si c'était vraiment deux (2) semaines, là, mais, pendant un certain temps, j'ai vraiment réalisé que j'étais mieux, que je me sentais libéré d'un poids, puis que mon père était, au contraire, vraiment plus apte à s'occuper de moi que ma mère l'était.

[19]           L’appelant, quant à lui, témoigne qu’il voyait la relation entre X et sa mère se détériorer jusqu’à la rupture totale. Concernant l’évènement du 1er septembre 2016, s’il convenait selon lui de tenter d’apaiser la situation, il fallait aussi prendre en compte ce que lui relatait X, soit qu’il était victime de violence de la part de sa mère et de son conjoint. Selon l’appelant, ses décisions s’enracinent dans ce contexte et la détérioration de la relation ne s’explique pas par ses propos et ses gestes, mais par ceux de l’intimée.

[20]           À la suite des évènements du 1er septembre 2016, l’appelant dépose une Demande introductive d’instance du demandeur pour garde d’enfant et contribution alimentaire contre l’intimée dans laquelle il recherche la garde exclusive de X. C’est ensuite au tour de l’intimée de produire une Demande pour expertise psychologique, interdiction de contacts, contacts supervisés, ajustement de pension alimentaire et frais particuliers.

[21]           Le 15 décembre 2016, la Cour supérieure homologue un consentement intérimaire dans lequel la garde de X est confiée à l’appelant et où celui-ci s’engage à donner un compte rendu hebdomadaire à l’intimée. De même, les deux parties s’engagent à entreprendre un processus afin de rétablir la relation entre X, l’intimée et sa fratrie[2].

[22]           Le 21 octobre 2016, le Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) retient un signalement pour mauvais traitement psychologique à l'égard de X. Dans son rapport, le DPJ relate les évènements déjà exposés. Même si la situation familiale est « préoccupante » et que la version de X est « crédible », le DPJ est d’avis que celui-ci est « en mesure de prendre position sur ce qu’il désire » et que ses besoins de base sont « répondus ». Il conclut donc que les faits sont fondés, mais que X n’a pas besoin de protection, et ferme le dossier le 12 décembre 2016.

[23]           Le 9 juin 2017, la Cour supérieure, considérant les allégations d’aliénation parentale « sérieuses et préoccupantes » à l’endroit de l’appelant, est convaincue « de la pertinence, voire de la nécessité d’obtenir une expertise psychosociale » et l’ordonne. Celle-ci n’aura toutefois jamais lieu en raison du refus de X de participer à une séance en présence de sa mère.

[24]           Le 15 février 2019, l’intimée modifie sa demande pour y ajouter une conclusion demandant que l’appelant soit condamné à lui verser 75 000 $ « en raison de ses comportements aliénants ayant contribué à la rupture du lien mère-fils »[3]. Le 13 mars 2019, l’appelant lui oppose une demande en déclaration d’abus où il allègue notamment que la conclusion précitée est manifestement mal fondée en fait et en droit et devrait par conséquent être rayée.

[25]           Le 16 août 2019, la Cour supérieure, soulignant que la demande en abus de l’appelant est prématurée, défère celle-ci à l’audition sur le fond. Le 30 septembre 2019, mon collègue Stéphane Sansfaçon rejette la requête pour permission d’appeler de ce jugement.

[26]           Le 28 octobre 2019, l’appelant dépose une dénonciation d’un moyen d’irrecevabilité partielle pour absence de fondement juridique où, en se basant sur les arrêts Frame[4] et Bruker[5], il affirme qu’il « n’existe aucun fondement juridique permettant un recours en dommage pour fautes parentales ». Le 20 octobre 2020, la Cour supérieure, constatant une jurisprudence partagée concernant la qualification de l’aliénation parentale comme faute civile, rejette la demande en irrecevabilité. Elle écrit[6] :

[33]        La Cour d’appel définit l’aliénation parentale comme un « concept chargé qui présuppose un endoctrinement ou le lavage de cerveau de l’enfant par un de ses parents et le dénigrement de l’autre parent par l’enfant lui-même ». En présence d’aliénation parentale, les parties et les tribunaux traitent généralement du comportement aliénant d’un parent comme un défaut dans ses capacités parentales plutôt que dans ses obligations civiles.

[34]        D’autre part, est-ce que l’aliénation parentale peut constituer une faute civile pouvant mener à l’octroi de dommages et intérêts?

[35]        Le Tribunal se demande s’il y a un moment où le comportement devient beaucoup plus que de l’ingérence dans les droits d’accès. Y a-t-il un moment où le comportement d’un parent devient si odieux qu’il constitue une faute ? Dans cette situation, est-ce que les recours offerts soit par la Loi sur le Divorce ou le Code Civil du Québec sont suffisants pour dissuader ce genre de conduite répréhensible et malicieux? Peuvent-ils agir impunément à l’égard de leurs actions et des dommages irréparables qu’ils causent, non seulement au parent aliéné, mais aussi aux enfants? Le Tribunal ne le croit pas.

[Renvoi omis]

[27]           L’affaire est donc entendue au fond les 22, 23, 24 mars et 5 avril 2022.

JUGEMENT ENTREPRIS

[28]           D’entrée de jeu, la juge d’instance note que les méthodes d’éducation des parties ne sont pas arrimées, l’appelant favorisant « le dialogue et la persuasion »[7], alors que l’intimée priorise « le respect du cadre mis en place dans son milieu de vie »[8]. La juge signale que X « […] monopolise l’attention par son opposition systématique, ses crises de colère qui désorganisent le milieu de vie et entraînent de vives altercations, verbales et physiques, entre sa mère et lui »[9]. L’appelant quant à lui estime que ces crises ne le concernent pas[10].

[29]           Sur la question de l’existence d’un recours en responsabilité civile dans un tel contexte, la juge écarte le principe établi dans l’arrêt Frame jugeant qu’il ne s’applique pas en droit québécois, tant parce qu’il s’agit d’une affaire de common law dont le système des « torts » se distingue de l’article 1457 du Code civil du Québec que parce que le législateur québécois n’a pas créé d’immunité pour les actes accomplis dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale. Elle écrit :

[96] Par conséquent, la violation de la norme comportementale qui serait celle de la personne raisonnable suffit pour conclure à la faute civile génératrice de responsabilité.

[97] Ainsi la responsabilité civile du parent peut être engagée envers l’autre parent dans la mesure où il est démontré qu’une faute a été commise dans l’exercice conjoint de l’autorité parentale, que des dommages ont été subis par l’autre parent et qu’il existe un lien de causalité entre la faute et les dommages réclamés.

[Renvoi omis]

[30]           En application de ces principes, la juge conclut à la présence d’aliénation parentale[11], qu’elle qualifie de faute civile, l’appelant ayant « […] failli à son devoir d’exercer conjointement son autorité parentale avec Madame »[12] en l’ignorant systématiquement et en exerçant l’autorité parentale de manière unilatérale. Elle retient aussi que l’alliance père-fils a mené au refus de X de collaborer lors de l’expertise psychosociale ordonnée par la juge. Ainsi, « Monsieur a renforcé le comportement d’opposition de X envers sa mère, créé une alliance indéfectible de X envers lui et aliéné l’affection de X envers sa mère »[13]. Selon la juge, une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances ne serait pas demeurée passive et « aurait collaboré activement à la recherche de moyens concrets pour préserver les liens de l’enfant avec [sa mère] »[14]. Quant à X, la juge « doute de la sincérité » de ses intentions quant à une éventuelle reprise des contacts avec l’intimée[15] et note qu’il a un « souvenir amplifié du nombre d’altercations et du préjudice qu’il avait subi durant cellesci »[16].

[31]           Une fois la faute de l’appelant établie, et bien que la juge note qu’il ne s’agit pas d’un « cas pur » d’aliénation parentale et que le « comportement rigide » et les « mesures disciplinaires discutables » de l’intimée ont pu contribuer « à la distanciation de l’enfant »[17], elle note que le comportement de l’intimée n’a pu provoquer « la rupture complète des liens »[18]. Elle conclut donc que, malgré ces gestes « qui auraient dû être évités », l’intimée n’a pas contribué au « préjudice découlant de la rupture des liens mère-enfant »[19].

[32]           La juge procède ensuite à l’évaluation du préjudice moral subi par l’intimée et fixe le quantum à 30 000 $[20].

POSITION DES PARTIES

[33]           Je me contenterai ici de poser les grandes lignes du débat et reviendrai, lors de l’analyse, sur les arguments spécifiques des parties.

[34]           En essence, l’appelant fait d’abord et principalement valoir que le droit civil québécois, tout comme la common law canadienne, ne reconnaît pas de recours en responsabilité civile pour des gestes posés dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale, dont les sanctions en la matière se résument aux seuls remèdes du droit familial, notamment ceux de l’article 604 C.c.Q.

[35]           Subsidiairement, l’appelant fait valoir que, dans l’éventualité où un tel recours existerait, la juge a erré dans la détermination de la norme de comportement applicable permettant d’établir la faute. La juge aurait de même erré dans l’appréciation de la preuve tant en ce qui concerne la prétendue faute, le lien causal que le quantum du dommage.

[36]           L’intimée quant à elle fait valoir que la solution en common law canadienne établie par l’arrêt Frame ne s’applique pas en droit québécois et que le législateur n’ayant pas prévu d’exception ou d’immunité particulière, le recours en réparation du préjudice de l’article 1457 C.c.Q. s’applique dans le contexte de l’exercice de l’autorité parentale. Puisque l’aliénation est un comportement ne correspondant pas à la norme de la personne raisonnable, elle constitue une faute engageant la responsabilité de son auteur lorsque, comme ici, elle est la cause d’un préjudice. Les autres arguments ne constituent que des questions factuelles ou mixtes au sujet desquelles l’appelant échoue à établir une erreur manifeste et déterminante de la juge d’instance.

QUESTIONS EN LITIGE

[37]           J’analyserai les questions de la façon suivante :

1)     Existe-t-il en droit québécois un recours en responsabilité civile en matière d’exercice de l’autorité parentale?

2)     Dans l’affirmative, quelles sont les conditions d’un tel recours et, plus spécialement, quelle est la norme de conduite applicable à la détermination de la faute?

3)     En fonction de la norme de comportement applicable, l’appelant a-t-il commis une faute en l’espèce?

4)     Dans l’affirmative, y a-t-il un lien causal et un préjudice?

ANALYSE

1)  Existe-t-il en droit québécois un recours en responsabilité civile en matière d’exercice de l’autorité parentale?

[38]           Au soutien de sa prétention principale, à savoir que le droit québécois ne reconnaît pas de recours en responsabilité civile en matière d’exercice de l’autorité parentale, même en présence d’aliénation parentale, l’appelant fait valoir plusieurs arguments, lesquels peuvent être ainsi structurés : a) Le principe établi dans l’arrêt Frame s’applique en droit québécois; b) Le législateur québécois a écarté un tel recours; c) Les principes du droit civil et des arguments d’opportunité s’opposent à une telle reconnaissance.

a)  Le principe établi dans l’arrêt Frame s’applique-t-il en droit québécois?

[39]            Selon l’appelant, le principe établi en 1987 par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Frame pose le droit applicable partout au Canada.

[40]           Dans cette affaire, Richard Frame poursuit son ancienne épouse et le nouveau mari de celle-ci au motif qu’ils ont agi pour faire échec à ses droits de visite et l’éloigner de ses trois enfants, notamment en changeant leur nom de famille, leur religion ou encore en leur disant qu’il n’était pas leur père. Monsieur Frame réclame des dommages compensatoires et punitifs de 1 500 000 $ à l’endroit des deux défendeurs.

[41]           Dans le cadre d’une requête préliminaire en radiation en première instance, la Cour suprême, à la majorité, conclut qu’un tel recours n’existe pas. Le juge La Forest débute son analyse comme suit[21] :

[6] Malgré leur profonde importance humaine et sociale, l'intérêt des parents dans l'amour et la compagnie de leurs enfants et l'intérêt réciproque des enfants dans l'amour et la compagnie de leurs parents n'ont pas, en common law, reçu de protection spécifique. […]

[42]           Le juge La Forest note ensuite que le législateur ontarien est intervenu afin d’écarter d’anciens « torts » qui auraient pu servir à protéger l’intérêt du père à l’endroit de ses enfants.

[43]           Après avoir conclu qu’aucun « tort » existant – que ce soit ceux de conspiracy, unlawful interference, intentional infliction of mental suffering ou autres – ne permet un tel recours, le juge La Forest aborde la question de savoir si les tribunaux doivent concevoir un nouveau « tort » pour régler une telle situation. Plusieurs arguments l’amènent à répondre par la négative. D’abord, il est peu souhaitable, selon lui, de provoquer des poursuites au sein du cercle familial en raison du risque d’éclatement du milieu familial et social[22]. Ensuite, il est impossible de tracer la ligne entre une interruption « ordinaire » du droit de visite découlant d’un conseil spontané « pas toujours sage » et une entrave soutenue ouvrant à un recours[23]. À cela s’ajoute le fait que les dommages-intérêts « […] ont peu de chance de ramener l’amour et la compagnie » et peuvent même priver l’enfant d’un soutien dont il a besoin[24].

[44]           Mais le juge La Forest est surtout d’avis que les législateurs tant fédéraux que provinciaux ont établi des mesures pour permettre aux tribunaux de gérer les questions litigieuses portant sur la garde en fonction du meilleur intérêt de l’enfant[25]. Si le législateur ontarien ici avait voulu ajouter « […] l'appui supplémentaire d'une action civile, il l'aurait prévue, surtout étant donné l'état rudimentaire de la common law »[26]. Au contraire, le législateur est intervenu pour l’interdire. Pour des raisons similaires, le juge La Forest répond de la même manière à l’égard d’une éventuelle action pour violation d’une obligation fiduciaire découlant de l’ordonnance judiciaire accordant des droits de visite[27]. C’est sur ce dernier point que la juge Wilson inscrit une dissidence en reconnaissant l’existence d’une action pour la violation, par le parent gardien, d’un devoir fiduciaire. Cette action permettra d’évaluer, en equity, l’ensemble des circonstances pour que ce devoir fiduciaire ne soit pas utilisé à l’encontre de l’intérêt des enfants en adoptant de manière continue un comportement destiné à détruire le rapport entre le parent non gardien et l’enfant[28].

[45]           Il suffit de lire cet arrêt pour se convaincre que son fondement réside dans l’économie du droit des « torts » propre au système de la common law où le recours doit prendre sa source dans une cause d’action et où les tribunaux, lorsqu’il s’agit de créer une nouvelle cause d’action, doivent évaluer des considérations de politique publique (public policy) pour déterminer s’il est opportun ou non de le faire.  

[46]           La juge de première instance a eu raison d’écarter l’application de l’arrêt Frame. Contrairement à la common law, les droits de traditions civilistes d’inspiration française font reposer leur régime d’indemnisation sur une clause générale de responsabilité. Ils ne connaissent, en principe, ni la notion d’illicéité, propre aux droits germaniques[29], ni la nécessité d’une cause d’action (« tort ») ou d’une obligation de diligence (« duty of care ») dans le contexte du tort of negligence, propre à la common law. Tant le raisonnement que le principe établi dans l’arrêt Frame ne peuvent donc être directement importé dans notre droit[30]. En droit civil, l’action en responsabilité pour l’indemnisation d’un préjudice causé à autrui par une faute existe, sauf si le législateur l’a écarté ou modulé en prévoyant une immunité relative ou absolue ou en créant un autre recours, par exemple, un régime spécial d’indemnisation à caractère social.

[47]           Cela ne signifie pas que les considérations de politique publique évoquées dans l’arrêt Frame – que ce soit l’intérêt de l’enfant ou la difficulté d’établir un standard de comportement du parent raisonnable – ne sont d’aucune utilité. Elles peuvent l’être pour le juge au niveau de la détermination tant de la faute que du préjudice, aux termes de l’article 1457 C.c.Q. Elles pourraient également l’être pour le législateur dans son évaluation de l’opportunité d’écarter ou non le régime de droit commun de responsabilité dans le contexte de l’exercice de l’autorité parentale.

[48]           En droit civil, l’on ne doit donc pas se demander si le recours en responsabilité civile existe lorsqu’on invoque un préjudice découlant d’une faute, mais plutôt s’il a été écarté par le législateur. D’ailleurs, sur ce point, je note que, dans l’arrêt Frame, le législateur ontarien était intervenu de telle manière que la Cour suprême avait pu déduire une volonté de ne pas reconnaître un tel droit d’action. Cela m’amène au deuxième argument avancé par l’appelant à savoir que le législateur québécois aurait écarté le recours en responsabilité civile dans le contexte de l’exercice de l’autorité parentale.

b) Le législateur québécois a-t-il écarté un tel recours?

[49]           L’appelant invoque que le législateur québécois conçoit le droit de la famille comme un droit complet en lui-même contenant ses propres sanctions. S’il souhaite reconnaître un recours en dommages-intérêts, le législateur le prévoit explicitement, sans quoi, il n’existe pas. C’est le cas, par exemple, de l’article 408 C.c.Q. sanctionnant la violation des règles de la protection de la résidence familiale ou, encore, de l’article 596.1 C.c.Q. sanctionnant le défaut d’information concernant un litige sur les aliments pour enfant.

[50]           Dans cette même logique, en matière d’exercice de l’autorité parentale, la sanction de l’article 600 C.c.Q. se retrouverait donc uniquement aux articles 604 et suivants C.c.Q. ou encore dans les dispositions de la Loi sur le divorce[31] en matière de partage du temps parental, lesquels articles ne prévoient pas de droit de demander des dommages-intérêts.

[51]           La question de la place de la responsabilité civile dans la famille ou de la coexistence du droit de la famille et du droit de la responsabilité civile n’est pas nouvelle[32]. La responsabilité civile, tout comme le droit de la famille d’ailleurs, a d’abord visé la protection de la stabilité de la cellule familiale plutôt que celle des membres la constituant. Pour cette raison, il a fallu attendre le jugement dans l’affaire Beaumont-Butcher[33], en 1982, pour qu’une action en responsabilité civile entre conjoints soit permise, dans ce cas en raison de violence physique.

[52]           La proposition selon laquelle l’action en responsabilité doit être explicitement prévue dans les dispositions du droit familial sans quoi elle serait exclue, contrairement au principe partout ailleurs applicable, est d’une certaine manière une résurgence de cette volonté d’évincer la responsabilité civile du droit de la famille. La seule explication, proposée par l’appelant, selon laquelle la responsabilité civile ne peut être engagée entre époux que lorsque la faute reprochée l’est indépendamment de la relation conjugale – comme, par exemple dans l’affaire Beaumont-Butcher, un geste de violence physique  ne saurait non plus suffire à fixer les limites du champ du droit de la responsabilité civile. En effet, si on adoptait ce critère, l’appelant ne pourrait réussir à écarter tout recours en présence d’aliénation parentale, puisque certains des gestes posés ou des paroles prononcées dans un tel contexte pourraient, hors du champ de la relation parentale, constituer de la diffamation et donc une faute.

[53]           Si plusieurs motifs de politique publique peuvent justifier, comme nous le verrons, une approche prudente quant à la présence de la responsabilité civile dans l’exercice de l’autorité parentale, ils ne peuvent permettre au juge, si ce n’est par l’application adaptée des notions de faute et de préjudice, d’écarter l’application de l’article 1457 C.c.Q. au motif que le droit de la famille est en principe complet. Il appartient au législateur de le dire, et ce, expressément. Le fait que celui-ci ait prévu un recours en dommages-intérêts, notamment aux articles 408 et 596.1 C.c.Q., ne vise qu’à sanctionner la violation d’une règle propre au droit de la famille, laquelle violation ne constituerait pas nécessairement une faute sous le droit commun de la responsabilité. À l’inverse, l’inexistence d’un tel recours en matière d’exercice de l’autorité parentale, que ce soit à l’article 604 C.c.Q. ou ailleurs, ne peut être vue comme une volonté d’écarter l’application de l’article 1457 C.c.Q., mais simplement que la réparation d’un préjudice, si tant est qu’elle doit avoir lieu, ne peut procéder que par celui-ci.

c) Les principes du droit civil et des arguments d’opportunité s’opposent-ils à une telle reconnaissance?

[54]           L’appelant soulève ici un nombre important d’arguments justifiant, selon lui, qu’un recours en responsabilité civile dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale, même en présence d’aliénation parentale, ne soit pas admissible. J’y répondrai succinctement.

[55]           Se fondant sur la jurisprudence contemporaine qui refuse le recours en aliénation d’affection, jadis reconnu à l’endroit du nouveau partenaire de l’ancien conjoint[34], l’appelant plaide qu’un tel préjudice ne peut plus être indemnisé en droit québécois.

[56]           Cet argument ne saurait convaincre. Si l’action en responsabilité civile contre le nouveau partenaire ou contre le conjoint ayant décidé de rompre a disparu, ce n’est pas en raison de l’imperméabilité de la conjugalité à la responsabilité civile ou de la nature du préjudice invoqué – la perte d’affection – lequel n’est rien d’autre qu’un préjudice moral qu’indemnise le droit civil[35]. C’est plutôt qu’en raison du fait que le droit ne recherche plus la protection de la cellule familiale au nom d’un précepte moral[36], la rupture n’est plus une faute[37]. Le fait de ne plus aimer, comme celui de séduire ou d’être séduit, n’est pas constitutif de faute.

[57]           Or, bien qu’a priori intéressante, l’analogie avec la perte d’affection d’un enfant ne saurait résister à l’analyser. S’il est vrai qu’un enfant, tout comme un conjoint, est libre de décider du sort qu’il réserve à sa relation avec l’un ou l’autre de ses parents, lequel ne peut invoquer un « droit » à l’affection de celui-ci[38], l’on ne peut pas comparer la relation unissant un enfant à son parent à celle unissant les conjoints et le nouveau partenaire de l’un deux. Dans le premier cas, en fonction des circonstances et tout particulièrement de l’âge de l’enfant, l’autorité naturelle du parent peut avoir un impact important sur la volonté de celui-ci[39].

[58]           De même, la proposition plus large selon laquelle les relations parentales sont consignées au seul ordre moral, comme le sont les devoirs entre conjoints de l’article 392 C.c.Q., ne saurait convaincre davantage. Ce n’est pas parce que le couple serait une zone de non-droit que la violation de ces devoirs n’est pas susceptible d’être sanctionnée par la responsabilité, mais parce que, en raison des valeurs fondamentales de notre société, notamment la liberté et l’égalité, leur violation ne constitue pas une faute selon l’article 1457 C.c.Q.[40]. Cela n’emporte pas pour autant une frontière hermétique entre la morale et le droit, la faute civile étant souvent la retranscription juridique d’un précepte moral, culturel ou coutumier. Encore ici, c’est au niveau du standard de comportement attendu que ces arguments pourront être pris en compte en fonction des valeurs de l’époque.

[59]           L’appelant soulève ensuite qu’une action en responsabilité civile dans le contexte de l’exercice de l’autorité parentale n’est pas dans l’intérêt de l’enfant. Cet argument, on l’a vu, a été au centre de la motivation, tant de la majorité que de la dissidence, dans l’arrêt Frame. En l’espèce, l’appelant fait valoir qu’un recours en responsabilité civile à l’encontre d’un parent ne fera qu’aggraver, voire pérenniser un conflit et entraîner le maintien de l’enfant au centre de procédures qui, loin de viser l’amélioration de la dynamique familiale, n’aurait que des effets néfastes sur celle-ci[41]. Un tel recours pourrait aussi avoir pour impact de diminuer les ressources disponibles pour les besoins de l’enfant, voire être un outil visant à neutraliser, en tout ou en partie, le support alimentaire versé au parent qui a l’exclusivité du temps parental de l’enfant en raison de la rupture avec l’autre.

[60]           Il s’agit certainement là de l’argument le plus sérieux pouvant justifier de limiter, voire d’empêcher une action en responsabilité civile dans le contexte de l’exercice de l’autorité parentale. En effet, il est permis de penser que le droit ne doit pas tant chercher à indemniser le préjudice subi en raison d’une dynamique familiale dégradée que de chercher à réparer, autant que faire se peut, cette dynamique et de réussir à réinstaller, dans l’intérêt de l’enfant, une coparentalité efficiente. Mais aussi pertinent soit-il, ce facteur qu’est l’intérêt de l’enfant ne suffit pas, à l’instar de tous les autres, pour écarter juridiquement un tel recours dans l’économie du droit civil québécois, à défaut d’une intervention du législateur en ce sens. Il pourra toutefois être pris en compte dans le cadre du préjudice indemnisable, comme nous le verrons.

[61]           Enfin, l’appelant soulève l’impossibilité de déterminer ce que constitue la nature du « parent raisonnable », et ce, même dans des cas extrêmes comme celui de l’aliénation parentale où, bien souvent, le parent aliénant croira, peut-être de façon erronée, mais tout de même sincère, agir dans l’intérêt de l’enfant. Cela amènerait les tribunaux à s’immiscer dans des dynamiques familiales toujours plus diverses et complexes. Par exemple, que faire devant le recours à l’encontre d’un parent ayant abandonné l’enfant, pour le préjudice causé au parent gardien pour perte d’opportunité d’emploi?

[62]           Ces risques existent sans nul doute et ils sont d’autant plus importants qu’il est permis de constater une jurisprudence naissante[42], bien que non unanime[43], qui accepte de qualifier l’aliénation parentale de faute civile, ouvrant ainsi la porte à un recours en responsabilité civile. Une accélération des choses pourrait transformer ce qui est encore un phénomène marginal en une composante récurrente du litige familial. C’est précisément ce qui me semble devoir être évité.

[63]           Mais tout aussi importants et impérieux soient-ils, ces divers facteurs de risque, s’ils complexifient la tâche de tracer le portrait du parent raisonnable et du préjudice indemnisable, ne sauraient, dans l’économie d’un système civiliste, être le fondement du bannissement de l’action en responsabilité civile dans un contexte d’exercice de l’autorité parentale[44]. Force est de constater que ce n’est d’ailleurs pas le cas. C’est ainsi que l’article 1459 C.c.Q. reconnaît la faute de garde, de surveillance ou d’éducation dans le contexte de la responsabilité pour le fait de l’enfant. C’est également ainsi que la jurisprudence a pu conclure à la responsabilité civile des parents à l’endroit de leur enfant pour le fait de ne pas l’avoir protégé d’une agression sexuelle[45].

[64]           Si ces facteurs ne sauraient écarter le recours en responsabilité civile en amont, ils n’en demeurent pas moins pertinents. Ils pourraient, à terme, justifier l’intervention du législateur qui souhaiterait exclure ou moduler un tel recours. Mais plus immédiatement, ils sont des éléments importants pour cerner la norme comportementale dont la violation constituera une faute civile. C’est l’objet de la prochaine question.

2)  Dans l’affirmative, quelles sont les conditions d’un tel recours et, plus spécialement, quelle est la norme de conduite applicable à la détermination de la faute?

[65]           Sans proposer de standard de comportement précis dont la violation constituerait une faute, l’appelant fait valoir que la juge aurait commis plusieurs erreurs quant à la détermination de ce standard. Elle aurait ainsi non seulement assimilé la faute à l’aliénation parentale, notion controversée issue de la psychologie, mais, qui plus est, elle l’a fait en l’absence d’expertise en la matière. Elle aurait ensuite retenu un standard de comportement trop élevé en reprochant à l’appelant de ne pas avoir collaboré activement à préserver les liens entre X et l’intimée[46]. À ce sujet, l’appelant plaide que la juge assimile l’exercice « unilatéral » de l’autorité parentale plutôt que conjoint à une faute civile. Or, selon lui, la violation de l’article 600 C.c.Q. ne saurait en soi constituer une faute et un tel exercice « unilatéral » trouve sa sanction dans les remèdes du droit de la famille, plus spécifiquement l’article 604 C.c.Q., et non dans l’octroi de dommages-intérêts.

[66]           L’intimée quant à elle se contente de faire valoir que le standard, comme la juge l’a retenu, est tout simplement celui de la personne raisonnable dans l’exercice de l’autorité parentale eu égard aux circonstances propres de chaque espèce.

[67]           Il convient d’abord de constater que la juge semble hésitante quant au standard de comportement applicable en l’espèce. Si elle retient le principe général de « la violation de la norme comportementale qui serait celle de la personne raisonnable »[47], la cristallisation de celle-ci en une faute concrète fluctue au cours du jugement. Parfois, la faute repose dans l’existence de l’aliénation parentale ayant mené, selon la juge, à la rupture des liens entre l’intimée et X[48]. D’autres fois, c’est l’exercice « unilatéral » de l’autorité parentale par l’appelant[49] ou encore l’alliance qu’il crée avec X en approuvant systématiquement ses comportements et en entretenant, voire aggravant, son opposition envers l’intimée qui est constitutive de faute[50]. Finalement, le standard de comportement retenu paraît être plus exigeant encore, la juge reprochant l’inaction de l’appelant ou sa passivité face au délitement des relations entre l’intimée et X[51]. Voici comment elle conclut la section portant sur la faute :

[152] Seule une véritable action concertée entre Madame et Monsieur, où celui-ci reconnaîtrait avoir éloigné, par ses propos et agissements, X de sa mère, permettrait possiblement à X de prendre conscience de la souffrance causée par les agissements de son père et de leur influence indue sur sa propre appréciation des circonstances.

[153] Une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances que celles vécues par Monsieur, aurait été préoccupée par l’animosité développée par l’enfant envers sa mère et aurait collaboré activement à la recherche de moyens concrets pour préserver les liens de l’enfant avec celle-ci.

[154] Le Tribunal conclut qu’en l’espèce, le comportement de Monsieur constitue une faute à l’endroit de Madame puisqu’il a systématiquement refusé, depuis au moins 2014, d’exercer conjointement l’autorité parentale avec celle-ci. Monsieur a plutôt créé une alliance avec X et choisi d’alimenter les ressentiments de l’enfant envers sa mère.

[155] Pour l’ensemble de ces motifs, le Tribunal conclut que, par ses agissements, Monsieur a aliéné l’affection de X envers sa mère et que son comportement constitue une faute engageant sa responsabilité civile envers Madame.

[68]           Alors, qu’en est-il?

[69]           En cherchant à déterminer le seuil constitutif de faute, l’on constate rapidement qu’il est plus facile de définir le standard de comportement par ce qu’il n’est pas que par ce qu’il est.

[70]           D’abord, je suis d’avis qu’il convient d’écarter la seule violation de l’article 600 C.c.Q., c’est-à-dire l’exercice « unilatéral » de l’autorité parentale ou le refus de participer à une coparentalité efficiente. Il est en effet impossible, et contreproductif, de tenter d’isoler un ou des agissements ponctuels d’un parent sans prendre en compte la dynamique familiale dans son ensemble le tout en imaginant, de manière désincarnée, un parent idéal. L’art d’être parent au quotidien est une chose délicate dont l’équilibre est marqué d’une subtilité constante. Même unis, les parents n’auront pas toujours les mêmes vues ou la même philosophie éducative. Cette difficulté se voit nécessairement exacerbée dans un contexte de rupture ou de conflit où des paroles et des gestes spontanés « pas toujours désintéressés ni sages », pour reprendre la formule du juge La Forest dans l’arrêt Frame[52], abondent. Si le droit de la famille doit déployer ses outils pour viser, dans un tel contexte, à installer une réelle coparentalité, le seul exercice « unilatéral » de l’autorité parentale, auquel réfère la juge à quelques reprises[53], ne saurait toutefois constituer le standard applicable de la faute, pas plus que la seule référence générique à la personne ou au parent raisonnable dans l’exercice conjoint de l’autorité parentale[54].

[71]           Il en va de même, et plus encore, d’une norme qui exigerait du parent un devoir d’agir activement à l’amélioration de la relation entre l’enfant et l’autre parent, comme semble l’exiger la juge[55]. Force est d’ailleurs de constater que cette dernière s’éloigne alors sensiblement de la notion d’aliénation parentale et fait pratiquement du résultat, c'est-à-dire de la rupture de la relation entre l’enfant et le parent, le fondement de la faute sans égard aux agissements du parent. Or, la faute, si tant est qu’elle puisse exister, même si elle doit prendre en compte l’existence de la rupture, ne peut s’y limiter.

[72]           Cette faute peut-elle alors, comme le plaide l’intimée, reposer sur la notion d’aliénation parentale, un fondement que l’on retrouve également dans le jugement entrepris[56]? Je suis d’avis que non.

[73]           En effet, il ne me semble pas opportun de remplacer la notion de faute ou de soumettre l’existence de celle-ci à un autre concept dont les contours ne sont pas plus précis. J’ajoute que le dossier, tel que constitué, comporte fort peu d’éléments de preuve concernant la notion d’aliénation parentale. Il n’y a en l’occurrence qu’un rapport de la docteure Françoise Maheu, psychologue, exposant les principes généraux de l’aliénation parentale sans opinion quant aux faits du présent dossier de même qu’une présentation PowerPoint de la docteure Francine Cyr, psychologue, qui ne se prononce pas plus sur les faits de l’espèce. De même, aucune de ces deux personnes n’a été interrogée à l’audience.

[74]           Au surplus, ces rares sources au dossier font ressortir qu’il n’y aurait pas de consensus quant à la définition précise de l’aliénation parentale[57]. Celle-ci peut être conceptualisée tant par la sévérité que l’intentionnalité des comportements[58], rendant ainsi difficile son identification véritable. Cette identification exige un diagnostic différentiel écartant ainsi toute autre raison pouvant expliquer l’érosion de la relation entre le parent et l’enfant, diagnostic que le présent dossier ne contient pas. Cela est d’autant plus important que les cas d’aliénation parentale « purs », toujours selon les sources au dossier, seraient plutôt rares, les situations les plus fréquentes présentant plutôt des cas mixtes où des facteurs d’aliénation sont accompagnés de gestes pouvant provoquer le rejet justifié d’un parent, rendant délicate la distinction entre aliénation parentale et « l’éloignement réaliste », c’est-à-dire un éloignement en réaction à des évènements qui l’expliquent raisonnablement[59]. Pour certains, cette difficulté serait d’autant plus grande que l’on constaterait une certaine surutilisation de « l’étiquette » d’aliénation parentale dans le milieu juridique[60].

[75]           La Dre Maheu, dans son expertise, note « […] que le rejet d’un parent pourrait parfois s’expliquer par la présence d’abus ou de négligence de la part du parent aliéné, ou par la présence de comportements inappropriés (discipline coercitive, faible implication antérieure auprès de l’enfant) de la part du parent dont l’enfant se distancierait. C’est en l’absence de telles situations que l’aliénation parentale pourrait alors être envisagée »[61].

[76]           D’ailleurs, notre Cour rappelait récemment que l’aliénation parentale impliquait un lourd fardeau et constituait un « […] concept chargé qui présuppose un endoctrinement ou le lavage de cerveau d’un enfant par un de ses parents et le dénigrement de l’autre par l’enfant lui-même »[62].

[77]           L’objet de mon propos n’est pas de nier l’existence de gestes aliénants ou de me prononcer sur l’utilisation de la notion d’aliénation parentale en matière familiale lorsqu’il est question de repérer ces gestes aliénants pour corriger une dynamique familiale dysfonctionnelle[63]. Si un débat doit s’engager sur le rôle de cette notion, ses limites et l’utilisation qu’en font les tribunaux québécois en matière de droit de la famille, ce sur quoi je ne me prononce pas, le présent dossier n’en est pas l’occasion. Il suffit de constater que ce que recherche l’intimée ici est différent. Il ne s’agit pas d’identifier un comportement aliénant afin de modifier la dynamique familiale et d’assurer l’épanouissement de l’enfant mais plutôt de poser un constat, quelque part définitif, qu’il y a eu aliénation constitutive d’une faute engageant la responsabilité civile de l’appelant afin d’obtenir compensation.

[78]           Il me semble donc inopportun de substituer une notion flexible et imprécise – la faute – par une autre – l’aliénation parentale – d’autant plus en l’absence au dossier de preuve scientifique, sociale et historique, sur cette notion, ses limites ou son bien-fondé. Il est plutôt préférable de cerner ce que pourrait spécifiquement être la faute dans le contexte de l’exercice de l’autorité parentale. Certes, les facteurs constitutifs de la faute pourront recouper ceux propres à l’analyse de l’aliénation parentale, mais l’évaluation devra prendre en compte que l’objectif de la réparation du préjudice se distingue de celui de la correction de la dynamique familiale. Pour reprendre le spectre relatif à l’aliénation parentale, la faute dans le contexte de l’autorité parentale ne devrait être réservée qu’à de rares cas d’aliénation « pure » et caractérisée, sans présence aucune d’éloignement réaliste ou de conjonction de facteurs. Le comportement est alors d’une gravité telle, qu’il transcende la sphère familiale pour constituer une faute caractérisée, posée à l’occasion de l’exercice de l’autorité parentale.

[79]           Le seuil de l’acte fautif dans une situation où, comme en l’espèce, un parent invoque que l’autre a causé la rupture de toute relation avec l’enfant est donc très élevé. La faute reposera sur la preuve de gestes et de propos généralement nombreux et systématiques, s’inscrivant dans la durée et desquels on peut constater l’existence d’une stratégie visant, sans motif justifié, à affecter la perception que l’enfant a de l’autre parent entraînant ainsi, sur une base a priori permanente, une rupture de toute relation. Il est nécessaire d’établir que les faits allégués, à l’exclusion de tout autre motif – notamment la conduite de l’autre parent – ont causé la rupture. Cette description, très exigeante, permet d’éviter de conclure trop facilement à une faute à l’endroit d’un membre de la famille et de reporter à l’étape de la causalité l’évaluation de la dynamique familiale. La faute dont il est question ici présuppose que la rupture ne s’explique pas par une dynamique familiale complexe et multifactorielle, mais par le seul comportement du parent à qui l’on reproche une conduite aliénante. Une telle preuve, laquelle nécessitera souvent une expertise, s’avérera exigeante et difficile à satisfaire.

[80]           La faute implique donc que la rupture soit la résultante des gestes posés par le parent que l’on dit « aliénant » par un détournement de l’exercice de l’autorité parentale à des fins contraires à l’intérêt de l’enfant. Une telle définition permet de limiter la faute à des situations exceptionnelles et non équivoques afin d’éviter que la responsabilité civile devienne un instrument afin de policer, voire de réguler, l’art d’être parent. L’on ne doit pas permettre au droit de remettre en question, lors de la rupture familiale, toute une série de décisions ponctuelles et quotidiennes en les qualifiant de fautives et en arbitrant au seul stade de la causalité la part de « responsabilité individuelle » de tous et chacun dans une dynamique qui est pourtant collective. Les tribunaux ne doivent ni ne peuvent devenir des pourvoyeurs de morale ou de leçons en distribuant des constats de fautes. Ils ne peuvent pas plus déterminer devant un conflit de conception du rôle parental les méthodes d’éducation appropriées ou décider qui a tort et qui a raison. C’est cette pente plus que glissante que nous promettent de prendre les arguments de l’intimée.

[81]           Cette description de la faute permet également d’éviter de faire fi de la réalité de l’enfant, de son autonomie, de ses sentiments ou de sa raison. L’on ne doit pas, par une volonté de trouver à tout prix un responsable dans une logique unilinéaire de rapport faute/conséquence, faire reposer sur un parent le choix d’un enfant ou d’une dynamique familiale collective. L’action en responsabilité dans le contexte de l’exercice de l’autorité parentale a en effet ceci de particulier que l’on recherche chez l’autre parent une faute qui aurait causé la décision de l’enfant de rompre, source du préjudice. Plus l’enfant a atteint un seul de maturité et d’autonomie, plus il sera difficile d’isoler suffisamment les agissements du parent pour conclure à un comportement fautif.

[82]           Cette description de la faute implique que de tels recours ne réussiront que dans de très rares cas. Cela n’est pas en soi une mauvaise chose. L’action en responsabilité civile, on l’a vu, est loin d’être le remède idéal à une dynamique familiale dysfonctionnelle, car elle aura bien souvent comme effet non pas de l’améliorer, mais de l’aggraver. Généralement, l’on ne devrait donc conclure à l’existence d’une faute que dans les situations sans issue, où la rupture est consommée, ce qui exclut en toute logique une demande de dommages accessoire à une demande de modalités de garde ou, comme ici, à une demande d’expertise psychosociale[64].

[83]           Je termine en disant qu’il ne faut pas voir dans la détermination d’un tel standard de comportement la création d’une immunité ce qui, comme je l’ai écrit plus haut, revient au législateur. Il s’agit simplement d’une limite inhérente à l’exercice de l’autorité parentale comme vecteur de faute, un peu à l’image de ce qui en est en matière d’abus d’un droit pleinement discrétionnaire où il est nécessaire d’établir une faute caractérisée ou encore des comportements graves « […] trompeurs, mensongers, indûment tracassiers ou grossiers […] » dénotant « […] une insouciance ou une négligence fautive ou déréglée »[65]. Certes, l’autorité parentale n’est pas un droit à l’égard de l’enfant. Il s’agit plutôt d’une responsabilité, voire d’un devoir. Mais son exercice implique une discrétion telle que la nature des limites de son exercice recoupe celle d’un droit pleinement discrétionnaire et repose, fondamentalement, dans un détournement conscient et non justifié de celle-ci.

3)     En fonction de la norme de comportement applicable, l’appelant a-t-il commis une faute en l’espèce?

[84]           Avec égards, la juge a procédé à la détermination de la faute sur le fondement d’une norme de comportement mouvante. En effet, et au risque de me répéter, si la juge retient formellement l’aliénation parentale comme source de la faute, elle s’en écarte en y incluant une obligation de collaboration active de l’appelant afin de chercher des moyens concrets pour préserver les liens de l’enfant avec l’intimée. Il y a là une distorsion dans le critère applicable. Il me revient donc de procéder à ma propre évaluation de la preuve en fonction de ce qui a été dit plus haut. Au terme d’une telle analyse, je suis d’avis que le présent dossier est très loin de ceux devant exceptionnellement mener à une responsabilité.

[85]           En effet, la preuve ne permet aucunement de conclure à l’existence d’une preuve de gestes nombreux, systématiques s’inscrivant dans la durée et dans une stratégie visant, sans motif justifié, à affecter la perception que X avait de sa mère, de telle manière que celui-ci a décidé de rompre, sur une base a priori permanente, toute relation avec celle-ci. J’ajouterais que, même en retenant le standard de la juge elle ne pouvait, sans commettre d’erreur manifeste et déterminante dans l’évaluation de la preuve, conclure en l’espèce à une faute.

[86]           La preuve ne démontre pas une situation où les agissements de l’appelant sont la source de la rupture de la relation entre l’intimée et X, mais une dynamique familiale bien plus complexe, loin de cette vision linéaire de cause (comportement aliénant ou fautif de l’appelant) à effet (rupture du lien entre l’enfant et sa mère).

[87]           Ce qui frappe à la lecture de la preuve et du jugement, c’est la faible attention portée, toute proportion gardée, aux gestes et comportements de l’appelant qui aurait causé la rupture du lien entre l’intimée et X. D’abord, il n’y a aucune d’expertise en ce sens[66] et le rapport du DPJ n’en fait pas véritablement état. Ensuite, les témoignages sont peu éloquents à ce sujet. En fait, des quatre témoins entendus en demande, seule l’intimée fait référence à l’appelant. Ni la grand-mère ni les oncles de X ne réfèrent à des comportements de l’appelant. Ils se limitent à relater leur version de certaines crises intervenues chez l’intimée, que ce soit lorsque celle-ci a cru nécessaire d’appeler la police parce que X aurait tenté de l’étrangler ou lorsqu’elle l’a physiquement expulsé de sa résidence avec l’aide de son frère, ce qui fut le dernier réel contact entre X et l’intimée.

[88]           Il n’y a que l’intimée qui relate certains évènements ou propos en lien avec l’appelant que la juge reprend aux paragraphes 107 à 143 de son jugement. Certains de ces comportements sont certes regrettables, mais l’addition d’évènements ponctuels ne me convainc aucunement que les conditions de l’aliénation parentale et moins encore de faute, tel que je l’ai décrite, sont réunies.

[89]           J’ajoute que, remis dans le contexte général de la dynamique familiale, certains des gestes reprochés à l’appelant, sans nécessairement se justifier a posteriori, perdent leur caractère aliénant ou fautif. Il en va ainsi de l’appel aux policiers. X soutenait alors auprès de l’appelant qu’il était victime de violence par l’intimée et son conjoint et qu’il était en état de panique. Face à une telle situation, il est difficile de reprocher un acte fautif à l’appelant qui, d’ailleurs, avant d’appeler les policiers, avait contacté le DPJ pour prendre avis.

[90]           Dans toutes les définitions que l’on peut retrouver de l’aliénation parentale, une constante demeure : elle ne peut exister en présence de comportements inappropriés, en fonction de la dynamique familiale, du parent qui se dit aliéné[67]. Il en va a fortiori d’une éventuelle faute civile telle que je l’ai définie. Or, force est de constater que ce principe n’a pas été appliqué par la juge. Bien qu’elle reconnaisse à plusieurs reprises qu’il ne s’agit pas d’un « cas pur d’aliénation parentale »[68], que certains agissements de l’intimée « ont contribué à exacerber la distanciation »[69], elle conclut tout de même à l’aliénation parentale au motif que ces agissements « n’expliquent toutefois pas la rupture complète »[70].

[91]           Non seulement les faits reprochés à l’appelant semblent insuffisants et les agissements au domicile de l’intimée sous-estimés par la juge, mais l’on observe aussi des éléments dans le dossier qui s’écartent, du moins a priori, des éléments caractérisant une situation d’aliénation parentale et, plus encore, de faute telle que je l’ai décrite.

[92]           Ainsi, personne ne nie que la relation entre X et l’intimée ne commence à se détériorer qu’en 2013, soit 10 ans après la rupture entre les parties et l’établissement des modalités de garde. L’avocat de l’intimée laisse sous-entendre que, possiblement, les comportements aliénants étaient latents, mais rien dans la preuve ne le suggère. Ajoutons que cette période correspond à peu de choses près au moment où X déménage la semaine chez l’intimée et commence son secondaire dans une école de la Rive A, ce qui, personne ne le conteste, lui déplait puisqu’il aurait plutôt souhaité suivre ses amis à l’école secondaire du quartier où son père habite.

[93]           La conclusion selon laquelle l’appelant et X seraient indéniablement alliés ne résiste pas non plus à l’analyse de la preuve et à certains des faits retenus par la juge elle-même. C’est ainsi qu’à la fin de l’école primaire, l’appelant n’accède pas au souhait de X de rester avec lui durant la semaine et s’en tient au projet parental convenu[71]. Plus encore, l’appelant refuse de reprendre X lorsque l’intimée le lui demande et il faudra l’évènement du 1er septembre 2016 pour qu’il le fasse[72]. Lors d’une séance de thérapie familiale, l’appelant recadre X qui tient des propos dénigrants à l’endroit de l’intimée[73]. C’est d’ailleurs l’absence d’intervention de la part de la psychologue face au comportement de X qui amène l’intimée à perdre confiance en la démarche et à y mettre fin[74]. De même, le rapport du DPJ fait état que l’appelant se dit en désaccord avec la prise de médicament pour un trouble déficitaire de l’attention que X continue malgré cela à prendre. Le témoignage de X, sur lequel je reviendrai, ne se conjugue pas plus à l’existence d’une telle alliance, celui-ci donnant raison à l’intimée en qualifiant l’appelant d’avaricieux et d’égoïste.

[94]           Plusieurs de ces mêmes faits s’arriment également mal avec l’existence de gestes visant la distanciation de X à l’endroit de l’intimée. Il en va de même du fait que l’appelant convainc X de signer, à son corps défendant et alors qu’il en est humilié, un « contrat de comportement » exigé par l’intimée afin qu’il puisse se joindre aux vacances familiales au Portugal[75].

[95]           À cela s’ajoute enfin le témoignage de X, alors âgé de 20 ans, qui ne concorde aucunement avec l’existence d’aliénation parentale. Celui-ci fait en effet preuve de nuance tant envers sa mère que son père et démontre une indépendance d’esprit.

[96]           La juge fait relativement peu de place au contenu de ce témoignage et commente peu la crédibilité et la fiabilité qu’elle lui accorde, si ce n’est pour dire qu’elle doute de la sincérité de X quant à une éventuelle reprise des contacts avec sa mère[76], qu’il conserve « un souvenir amplifié du nombre d’altercations et du préjudice qu’il aurait subi durant celles-ci »[77] ou encore que rien ne corrobore les blessures qu’il allègue, même le rapport du DPJ ne le mentionnant pas[78]. Pourtant, afin d’arriver à la conclusion que la rupture des liens découle des gestes aliénants de l’appelant et non d’un éloignement réaliste, c'est-à-dire d’une dégradation progressive des liens en réaction aux comportements ou aux méthodes plus rigides de l’intimée, il est nécessaire d’écarter totalement son témoignage, non seulement sur ce qu’il dit avoir vécu, mais également sur les motivations derrière ses choix.

[97]           Le témoignage de X reprend pour beaucoup la teneur relatée dans le rapport du DPJ dans lequel on retrouve que l’intimée le « maintient physiquement » pour le contrôler, que le conjoint de celle-ci l’a poussé dans l’escalier et l’insulte. Ce rapport relate aussi l’évènement du voyage de ski que sa mère lui aurait reproché de gâcher en raison d’une commotion cérébrale qu’il aurait subie à l’école, de même que l’évènement du 1er septembre 2016 au cours duquel l’intimée lui aurait sauté dessus et mis la main sur la bouche pour qu’il ne puisse parler à son frère. Or, voici la conclusion des auteurs de ce rapport[79] :

De plus, X parle ouvertement des difficultés qu'il vit et sa version des faits est crédible. Il est en mesure de prendre position sur ce qu'il désire et il sait à qui s'adresser s'il en ressent le besoin (ressources). En ce sens, il s'oppose au retour chez sa mère et aux contacts avec elle, tout comme il maintient sa prise de médication malgré qu’il sache son père en désaccord. Quant aux parents, ils sont présentement en démarche de négociation par le biais de leurs avocats pour mieux encadrer leur situation familiale à la Cour supérieure.

[98]           Jamais la juge n’explique-t-elle pourquoi elle s’écarte de cette conclusion face au témoignage constant de X, et ce, de 2016 à 2022.

[99]           J’ajoute que nulle part dans le rapport du DPJ n’est-il suggéré par les auteurs de celui-ci ou par l’intimée que la rupture proviendrait des actes de l’appelant. Au contraire, et bien que l’intimée soit consciente de l’hostilité de X à son égard, comme le prouve le fait qu’elle souhaite que les contacts entre X et son frère soient supervisés par crainte de ce qu’il pourrait dire sur elle[80], elle souhaite que X retourne vivre avec son père, ce qui cadre mal, a priori, avec des allégations d’aliénation parentale.

[100]      Le témoignage de X concernant le comportement de l’appelant révèle en fait l’inverse d’un comportement aliénant. Il témoigne que son père, lorsqu’il l’appelait après une chicane avec sa mère, n’envenimait pas la situation : « il me disait de… de se calmer, de respirer, il essayait de me raisonner à distance […] mon père, il voulait la paix; il voulait qu’on… qu’on qu’on se… qu’on se chicane pas, que ça l’affecte pas, non plus ».

[101]      Concernant le 1er septembre 2016, évènement qu’il qualifie « d’expulsion », X témoigne que son père l’a encouragé à prendre un taxi et aller chez sa mère. Un parent fautif aurait plutôt profité de la situation conflictuelle pour violer l’accord sur la garde et récupérer l’enfant. Surtout, et c’est un fait passé sous silence par la juge d’instance, X témoigne à répétition que son père, après le 1er septembre 2016, a continuellement insisté pour qu’il reprenne contact avec sa mère, et ce, au point de créer des chicanes entre eux. Il témoigne aussi que son père l’interrogeait afin de répondre aux questions de l’intimée sans l’en informer, ce qui a amené une perte de confiance de X, et que l’appelant agissait comme « middleman » et « arbitre » entre X et l’intimée. Ce témoignage est corroboré par l’appelant, tel que le relate d’ailleurs le rapport du DPJ, lequel affirme que l’appelant a toujours insisté pour que X reprenne contact avec sa mère.

[102]      Le témoignage de X est éloquent sur sa perception des choses. Reprenons ici, par commodité, les extraits suivants qui permettent d’en saisir l’essence :

À chaque fois qu'elle rajoutait quelque chose, j'avais l'impression que c'était... c'était un peu la même chose qui recommençait, parce qu'on... on respectait pas mon désir de ne plus parler à ma mère, de... de m'éloigner de ma mère, de... de me dissocier d'elle ou, du moins, pour un certain temps, afin que je puisse tourner la page, que je puisse grandir, m'épanouir hors de la... de la toxicité, de la violence que j'ai vécue, chez elle, malgré que, comme je l'ai dit, à maintes reprises, ce matin, on... t'sais, c'est - moi, je suis pas en train de mettre "toute" le blâme sur elle, dans le sens que, dans un conflit, il y a toujours deux (2) personnes, j'avais ma part de responsabilité.

Mon problème est que j'ai jamais senti qu'elle a reconnu sa part de responsabilité, puis ça - ben, toutes les procédures étaient encore une preuve de ce déni de la part - de sa part de responsabilité.

Q. Est-ce que les propos de ta mère, par rapport à ton père, ou les propos de ton père, par rapport à ta mère, est-ce que c'est ça qui a eu un impact sur où on est rendus, aujourd'hui, puis vos décisions, depuis primaire?

R. Absolument pas.

Si on est là, aujourd'hui, encore, c'est parce que de la façon que, moi, je le vois, c'est que ma mère se prétend comme une victime du fait que je voulais "pus" la voir, alors que la - en réalité, la... la vraie victime, dans tout ça, c'est moi.

Moi, je voulais... je voulais me... me libérer d'une pression, d'une toxicité, je me faisais dénigrer, ben, d'une violence psychologique et autant... autant psychologique que physique.

T'sais, oui, il y a eu des propos qui ont été portés à l'endroit un de l'autre, soit!, mais, au final, je suis - t'sais, je suis pas... je suis pas stupide, là, je les voyais, par moi-même, ces choses-là.

Pis je pense que, peu importe les paroles qui ont... qui auraient pu avoir été dites, la - c'est surtout le niveau de la... la façon qu'elle a usé de violence, à mon endroit, que ça soit global ou... ou physique, qui m’ont vraiment marqué.

Je veux dire, personnellement, je pense qu'une mère est supposée vouloir chercher à protéger... à pro... chercher à protéger son enfant, à pas l'humilier, à... t'sais, à le défendre, puis c'était carrément le contraire qu'elle était en train de faire, elle cherchait à me compliquer la vie, à me... t'sais, à... après l'événement, à contrôler ma vie, à...

Peut-être qu'elle m'humiliait pas de façon volontaire, mais ça reste que, par ses comportements et ses actions, ça me sen... – je me sentais humilié, je me sentais pas bien, par rapport - avec les conséquences de sa présence, dans ma vie, pis c'est pour ça que j'ai...

T'sais, sur le moment, je le réalisais peut-être pas nécessairement, mais quand je me suis retiré pour... je sais pas si c'était vraiment deux (2) semaines, là, mais, pendant un certain temps, j'ai vraiment réalisé que j'étais mieux, que je me sentais libéré d'un poids, puis que mon père était, au contraire, vraiment plus apte à s'occuper de moi que ma mère l'était.

[103]      Je n’entends pas, par ces extraits, faire reposer la responsabilité de la rupture entre X et l’intimée sur cette dernière plus que sur un autre membre de la famille, que ce soit l’appelant, X ou le conjoint de l’intimée. En fait, c’est l’inverse. L’idée est plutôt d’illustrer que cette situation ne doit pas être envisagée selon une logique de responsabilité individuelle, mais d’une dynamique complexe issue des personnalités respectives de tous, leurs décisions, leurs réactions spontanées aux évènements de la vie, leurs sentiments ou leurs choix.

[104]      Je terminerai en disant qu’il est dangereux que de tels litiges se répercutent sur l’enfant, devenu ici un adulte, et qu’indirectement cela devienne son procès. J’ai le sentiment que c’est malheureusement ce qui s’est passé ici. Même si c’est la responsabilité de l’appelant qui était recherchée et bien qu’un débat ait eu lieu en début d’audience sur la possibilité même que X ait le statut d’intervenant au dossier, il a beaucoup été fait mention de lui, de ses choix, de ses agissements, la preuve de l’intimée étant centrée sur son comportement. Tout cela non pas dans le but de prendre en compte son intérêt ou sa perspective, mais pour juger le caractère raisonnable de ses gestes, lui qui est pourtant la première victime de la situation. Ce débat amène la juge à prodiguer à X l’avertissement suivant :

[175] Il y a lieu d’ajouter que si X persiste à vouloir mettre fin à toute relation avec sa mère, en adoptant une attitude équivalant à de l’ingratitude caractérisée, il risque de perdre son droit à une contribution financière de la part de sa mère ou de voir celui-ci réduit.

[Renvoi omis]

[105]      Non seulement la lecture de son témoignage et de la preuve dans son ensemble démontre, avec égards, qu’une telle remarque ne se justifiait pas, mais je réitère que même si la preuve avait établi que l’appelant avait agi fautivement pour provoquer une rupture de toute relation entre l’intimée et X, celui-ci n’en aurait pas été le responsable, mais bien la victime.

[106]      Bien que je comprenne les sentiments qui animent l’intimée et que je souhaite à toutes les parties qu’une reprise progressive et sereine des relations puisse intervenir, une telle reprise ne pourra être possible qu’en travaillant à comprendre et à panser les blessures du passé, et ce, sans prétendre à un droit à l’affection ni chercher de responsable.

 

4) Dans l’affirmative, y a-t-il un lien causal et un préjudice?

[107]      Puisque je conclus à l’inexistence de la faute, je ne dirai que quelques mots sur les deux autres conditions à une éventuelle responsabilité civile. Je préciserai d’abord que, tel que j’ai défini la faute, le lien causal en fait partie intégrante.

[108]      Pour ce qui concerne ensuite le préjudice (la rupture), le constat de son existence doit se poser en amont ou, à tout le moins, parallèlement à la faute en ce qu’il conditionnera son appréciation. Quant à son évaluation, il ne fait pas de doute, même si l’enfant demeure la principale victime, que la perte d’affection vécue par un parent peut constituer un préjudice moral, qu’il s’agisse simplement du stress, de la tristesse ou de la perte de support. L’appréciation de ce préjudice est certes délicate, mais celui-ci doit pouvoir être évalué, car, comme on a déjà pu l’écrire en droit, « tout vaut tant, les larmes comme la vertu »[81].  Il demeure qu’une éventuelle responsabilité pour la rupture entre un enfant et son parent soulèvera de difficiles questions en lien avec le préjudice, notamment quant à sa période ou encore à son impact éventuel sur les ressources de l’enfant.

[109]      Si ce dernier point ne devrait pas, a priori, être pertinent une condamnation à des dommages-intérêts ayant souvent un impact sur les proches de l’auteur de la faute  l’on ne peut l’ignorer ici vu la nature de la poursuite qui, en soi, victimise déjà l’enfant. C’est pourquoi lorsque la réparation mettrait en péril l’intérêt supérieur de celui-ci, principe consacré à l’article 33 C.c.Q.[82], que ce soit par l’aggravation de la dynamique familiale ou la mise en péril de ses ressources financières, la légitimité de cette réparation devrait être mise en doute[83]. La responsabilité civile a toujours pris en compte, dans la conceptualisation du préjudice, le rôle que se donnait le droit dans la famille. Jadis ce rôle était celui de la protection de la stabilité et de la « paix » de la famille, ce qui expliquait les recours pour rupture de fiançailles ou d’adultère. Aujourd’hui, ce rôle est la protection de ses membres et, dans le contexte de l’autorité parentale, plus spécifiquement de l’intérêt de l’enfant. Le droit de la responsabilité civile doit prendre en compte ce rôle et ne pas saper, par ses propres règles, l’atteinte de l’objectif visé.  Cela met en exergue, une fois encore, non seulement la difficulté d’un tel recours, mais, aussi, le questionnement de son opportunité.

[110]      Pour ces mêmes motifs, dans l’éventualité où l’on conclurait à un tel préjudice et à sa légitimité, son quantum, sous réserve d’une preuve bien particulière, sera généralement modique et, en l’espèce, aurait été bien moindre que le montant de 30 000 $ accordé par la juge d’instance[84].

CONCLUSION

[111]      Pour synthétiser, voici les principes devant être retenus de mes propos :

1)     Bien que le bénéficiaire de l’exercice de l’autorité parentale soit l’enfant et que celui-ci soit, par conséquent, la première victime d’une dynamique familiale dysfonctionnelle, le droit québécois n’écarte pas en principe le recours en responsabilité civile d’un parent à l’encontre de l’autre;

2)     Ce recours est toutefois condamné à être exceptionnel et réservé aux seules situations sans issue dont la rupture est consommée;

3)     Ce recours est conditionné par la preuve d’un comportement d’une gravité qui transcende la sphère familiale et constitue une faute caractérisée posée à l’occasion de l’exercice de l’autorité parentale et qui détourne celle-ci à des fins contraires à l’intérêt de l’enfant;

4)     Cette faute caractérisée se manifestera par des gestes et propos généralement nombreux et systématiques s’inscrivant dans la durée et desquels on peut constater l’existence d’une stratégie visant, sans motif justifié, à affecter la perception que l’enfant a de l’autre parent entraînant ainsi, sur une base a priori permanente, une rupture de toute relation;

5)     La causalité entre les comportements du parent et la décision de l’enfant de rompre toute relation avec l’autre parent fait partie intégrante de la faute;

6)     Le préjudice indemnisable subi par l’autre parent, généralement modique, ne peut porter atteinte à l’intérêt de l’enfant.

[112]      Tel n’était pas le cas ici. C’est pourquoi je propose d’accueillir l’appel et de rejeter l’action en dommages et intérêts de l’intimée, le tout sans frais de justice vu la matière.

 

 

 

BENOÎT MOORE, J.C.A.

 


[1]  Droit de la famille — 22741, 2022 QCCS 1681 [jugement entrepris].

[2]  R.T. c. I.L., C.S. Montréal, no 500-04-069185-164, 15 décembre 2016, Payette, j.c.s.

[3]  Ce montant sera porté à 125 000 $ à la suite d’une modification au début de l’audience.

[4]  Frame c. Smith, [1987] 2 R.C.S. 99 [Frame].

[5]  Bruker c. Marcovitz, 2007 CSC 54.

[6]  Droit de la famille — 201493, 2020 QCCS 3296, paragr. 33-35.

[7]  Jugement entrepris, paragr. 21.

[8]  Jugement entrepris, paragr. 22.

[9]  Jugement entrepris, paragr. 34.

[10]  Jugement entrepris, paragr. 39.

[11]  Jugement entrepris, paragr. 106.

[12]  Jugement entrepris, paragr. 106.

[13]  Jugement entrepris, paragr. 146.

[14]  Jugement entrepris, paragr. 153.

[15]  Jugement entrepris, paragr. 149.

[16]  Jugement entrepris, paragr. 159.

[17]  Jugement entrepris, paragr. 156.

[18]  Jugement entrepris, paragr. 160.

[19]  Jugement entrepris, paragr. 165.

[20]  Jugement entrepris, paragr. 174.

[21]  Frame, supra, note 4, paragr. 6.

[22]  Frame, supra, note 4, paragr. 9.

[23]  Frame, supra, note 4, paragr. 10.

[24]  Frame, supra, note 4, paragr. 10.

[25]  Frame, supra, note 4, paragr. 11.

[26]  Frame, supra, note 4, paragr. 12.

[27]  Frame, supra, note 4, paragr. 17.

[28]  Frame, supra, note 4, paragr. 23 et s. de la dissidence et particulièrement paragr. 71-74.

[29]  Sur la notion d’illicéité en droit germanique, voir : Mariève Lacroix, L'illicéité: Essai théorique et comparatif en responsabilité civile extracontractuelle pour le fait personnel, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 40 et s.

[30]  Marcheterre c. Fédération (La), compagnie d'assurances du Canada, 2014 QCCA 1026, paragr. 32-33.

[31]  L.R.C. (1985), ch. 3 (2e suppl.).

[32]  Sur cette question, voir l’excellente étude: Étienne Bernier, La responsabilité extracontractuelle et le couple : regards sur l’immixtion de la faute civile dans le contentieux conjugal, mémoire de maîtrise, Montréal, Université de Montréal, 2022.

[33]  Beaumont-Butcher c. Butcher, [1982] C.S. 893.

[34]  Sur cette action, voir : Adrian Popovici, « De l'aliénation d'affection: essai critique et comparatif », (1970) 48 R. du B. can. 235; Mariève Lacroix, « L'atteinte à la vie familiale au Québec: premier mouvement », (2015) 45-2 R.G.D. 443, p. 459.

[35]  Sophie Morin, Le dommage moral et le préjudice extrapatrimonial, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2011, p. 161.

[36]  Id., S. Morin, p. 104, note 203.

[37]  Voir, notamment : Racine c. Harvey, 2005 QCCA 879; Droit de la famille — 211589, 2021 QCCS 3498, paragr. 213 et s.; Droit de la famille — 182316, 2018 QCCS 4749.

[38]  Sur l’inexistence de « droit à l’affection » : voir : A. Popovici, supra, note 34, p. 268. Voir également les propos du professeur Nicholas Kasirer, tel qu’il était à l’époque : « On this view, filial love, unlike law, has no sanction » : « Honour Bound », (2001) 47 R.D. McGill 237, p. 248.

[39]  Voir : Kathleen Niggemyer, « Parental Alienation is Open Heart Surgery: It Needs More than a Band-Aid to Fix it », (1998) 34 Cal. W. L. Rev. 567, p. 585-586.

[40]  Voir : Racine c. Harvey, 2005 QCCA 879, paragr. 12; Droit de la famille – 211589, 2021 QCCS 3498, paragr. 213 et s.

[41]  Droit de la famille — 23605, 2023 QCCS 1508, paragr. 178-180.

[42]  Droit de la famille — 2110, 2021 QCCS 46, paragr. 193-203 ; Droit de la famille — 17195, 2017 QCCS 387, paragr. 144-146; Droit de la famille – 123265, 2012 QCCS 5827, paragr. 44 et s.; P.Q. c. A.L., 2007 QCCS 3913, paragr. 67 et 68 (rupture de lien découlant de fausses accusations d’agressions sexuelles sur les enfants).

[43]  Droit de la famille — 23605, 2023 QCCS 1508, paragr. 178-180; Droit de la famille – 162692, 2016 QCCS 5333, paragr. 51 et s.; I.R. c. Io.O., 2007 QCCS 4401, paragr. 85.

[44]   Voir, en droit français, lequel ne semble pas réfractaire au recours en responsabilité civile en matière d’exercice d’autorité parentale : Philippe Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats – Régimes d’indemnisation, 13e éd., Paris, Dalloz, no 2125.362. Il en va de même du droit belge : Yves-Henri Leleu, Droit des personnes et des familles, 3e éd., Bruxelles, Larcier, no 782, p. 792.

[45]  N.B. c. G.A., 2021 QCCS 3179 (confirmé en appel 2023 QCCA 932, la faute n’était toutefois pas remise en question). Voir aussi : A c. Watch Tower Bible and Tract Society of Canada, 2019 QCCS 729, paragr. 54; Louise Langevin et Nathalie Des Rosiers, L'indemnisation des victimes de violence sexuelle et conjugale, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2012, paragr. 274 et s.

[46]  Jugement entrepris, paragr. 153.

[47]  Jugement entrepris, paragr. 96.

[48]  Jugement entrepris, paragr. 106.

[49]  Jugement entrepris, paragr. 106 et 128.

[50]  Jugement entrepris, paragr. 124, 128-129, 131, 134, 146-147.

[51]  Jugement entrepris, paragr. 137-138, 145-146.

[52]  Frame, supra, note 4, paragr. 10.

[53]  Jugement entrepris, paragr. 106, 128 et 144.

[54]  Jugement entrepris, paragr. 96 et 97.

[55]  Jugement entrepris, paragr. 153-154.

[56]  Voir notamment paragr. 106 et 155 du jugement entrepris.

[57]  Pour un historique lié à l’aliénation parentale, voir : Francine Cyr, « L'aliénation parentale: comment la définir, la détecter et intervenir? », (2010) 326 Développements récents en droit familial 17, p. 17-24; Amylie Paquin-Boudreau et Karine Poitras, « Le traitement judiciaire des litiges familiaux impliquant des allégations d'aliénation parentale », (2021) 496 Développements récents en droit familial 109.

[58]  Voir : F. Cyr, « L'aliénation parentale: comment la définir, la détecter et intervenir? », dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, Développements récents en droit familial (2010), volume 326, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2010, p. 17.

[60]  Cette idée se retrouve également dans la doctrine, voir : Suzanne Zaccour, « Parental Alienation in Quebec Custody Litigation », (2018) 59 C. de D. 1073, p. 1075.

[61]  Pièce D-26, p. 2.

[62]  Droit de la famille — 20473, 2020 QCCA 482, paragr. 38.

[63]  Voir, notamment : A. Paquin-Boudreau et K. Poitras, supra, note 57.

[64]  Voir les propos de la juge Wilson dans sa dissidence de l’arrêt Frame, supra, note 4, paragr. 73.

[65]  Fortier c. Québec (Procureure générale), 2015 QCCA 1426, paragr. 84 (comportement gravement insouciant); Ponce c. Montrusco & Associés inc., 2008 QCCA 329, paragr. 22 (faute caractérisée) et 32.

[66]  F. Cyr, supra, note 58, p. 35.

[67]  Pièce D-26, p. 2.

[68]  Jugement entrepris, paragr. 105.

[69]  Jugement entrepris, paragr. 105.

[70]  Jugement entrepris, paragr. 160.

[71]  Jugement entrepris, paragr. 29-31.

[72]  Voir jugement entrepris, paragr. 46-47, 55 et 59.

[73]  Jugement entrepris, paragr. 26 et 111.

[74]  Jugement entrepris, paragr. 27.

[75]  Jugement entrepris, paragr. 52.

[76]  Jugement entrepris, paragr. 149.

[77]  Jugement entrepris, paragr. 159.

[78]  Jugement entrepris, paragr. 158.

[79]  Rapport du DPJ, p. 5.

[80]  Après une ordonnance de sauvegarde, le 5 mai 2017, ordonnant la suspension de tout contact, le 9 juin 2017, la Cour supérieure refuse d’ordonner toute restriction ou interdiction qui « risquent d’attiser les mauvaises opinions et les mauvais sentiments que X entretient à l’égard de sa mère, à tort ou à raison ».

[81]  Philippe Malaurie et Laurent Aynès, Cours de droit civil: les obligations, 10e éd., tome 6, Paris, Éd. Cujas, 1996, p. 545.

[82]  Voir les propos de la juge Wilson, dissidente dans l’arrêt Frame, supra, note 4, paragr. 73.

[83]  Sur le caractère légitime du préjudice, voir : Frédéric Levesque, Précis de droit québécois des obligations: contrat, responsabilité, exécution et extinction, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2014, no 437, p. 227; Mariève Lacroix, « Préjudice admissible: direct, certain, légitime, cessible », dans JurisClasseur Québec: Obligations et responsabilité civile, fasc. 20, Montréal, LexisNexis, paragr. 55.

[84]  Pour repère, les deux jugements ayant accueilli une telle demande ont octroyé 2 000 $ (Droit de la famille — 2110, 2021 QCCS 46) et 5 000 $ (Droit de la famille – 17195, 2017 QCCS 387).

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.