B.C. c. Centre de réadaptation en déficience intellectuelle du Florès | 2023 QCCA 1523 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
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N° : | |||||
(705-17-005038-136) | |||||
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DATE : | 1er décembre 2023 | ||||
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B… C… | |||||
R… B… | |||||
APPELANTS – demandeurs | |||||
c. | |||||
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CENTRE DE RÉADAPTATION EN DÉFICIENCE INTELLECTUELLE DU FLORÈS | |||||
INTIMÉ – défendeur | |||||
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[1] Les appelants, R… B… et B… C…, se pourvoient à l’encontre du jugement rendu le 4 mars 2020 par la Cour supérieure, district de Joliette (l’honorable Marie-Claude Lalande), qui rejette leur demande en dommages-intérêts de 4 331 885 $ à la suite du non-renouvellement par l’intimé, Centre de réadaptation en déficience intellectuelle du Florès (« CRDI du Florès »), d’un contrat conclu entre eux, pour l’hébergement et la réadaptation de ses usagers[1].
Contexte
[2] Les appelants sont des partenaires d’affaires qui soutiennent avoir chacun exploité une ressource intermédiaire aux termes de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (la « LSSSS »)[2], en offrant un milieu de vie adapté aux besoins d’usagers inscrits aux services de l’intimé, un établissement public desservant la région des Laurentides.
[3] Le 15 août 2002, l’agente de relations humaines de l’intimé, Christiane Milaire, évalue et recommande l’appelant R… B… (« B… ») à titre de ressource intermédiaire pour le Polygone, une entité du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle La Myriade (« CRDI La Myriade »), un établissement public desservant la région de Lanaudière. Bien qu’employée auprès de l’intimé pour la région des Laurentides, Mme Milaire procède à l’évaluation de la ressource de B… au bénéfice du CRDI La Myriade dans le but d’éviter toute apparence de conflit d’intérêts, puisque l’appelante B… C… (« C… »), qui est à l’époque la conjointe de B… et la mère de leurs enfants, occupe un poste d’intervenante ressource auprès de Polygone. À ce titre, C… est appelée elle aussi à évaluer les ressources du CRDI La Myriade pour s’assurer que les normes pour accueillir un usager d’un établissement public soient respectées. Elle est également responsable du placement de ses usagers.
[4] De 2002 à 2006, B… agit comme ressource intermédiaire auprès des usagers du CRDI La Myriade. Avec l’encouragement de Gilbert Théroux, intervenant ressource chez l’intimé, il héberge aussi des usagers de l’intimé en mode dépannage/urgence. Pendant cette période, C…, profitant d’un congé de maternité puis d’un congé d’études, lui prête main-forte. Vers 2006 ou 2007, B… met fin à son contrat avec le CRDI La Myriade pour consacrer exclusivement sa ressource à l’hébergement des usagers de l’intimé.
[5] En avril 2007, après des recherches infructueuses pour relocaliser leur ressource dans la région des Laurentides, les appelants acquièrent deux immeubles contigus à Ville A dans la région de Lanaudière qu’ils aménagent pour accueillir des usagers. M. Théroux rédige alors une lettre au prêteur hypothécaire confirmant que les appelants « fournissent des services d’hébergement et de réadaptation sur une base contractuelle pour certains usagers du Centre du Florès. Le déménagement de la ressource à une nouvelle adresse au [Adresse 1] à Ville B ne changera rien aux rapports contractuels que nous avons ensemble »[3].
[6] C… demeure au [Adresse 2], où elle reçoit une clientèle d’enfants et d’adolescents, tandis que B… réside au [Adresse 1] et y héberge une clientèle adulte.
[7] En mai 2009, ayant épuisé tous ses congés, C… quitte son emploi auprès du CRDI La Myriade pour se consacrer à sa propre ressource, après en avoir discuté avec M. Théroux qui l’aurait rassurée en ces termes : « monsieur Théroux m’a dit que je… je… je devais pas être insécure, parce que j’aurais toujours plus de clients que je pourrais en héberger. Parce qu’y a des urgences, pis y a des… des… des… des clients, y en aurait toujours »[4]. M. Théroux nie de son côté l’avoir incitée à quitter son emploi et précise qu’en tant qu’intervenant ressource, il n’avait pas l’autorité de s’engager de cette manière envers une ressource et que l’appelante, qui occupait le même poste que lui au CRDI La Myriade, le savait.
[8] Dans le cadre de son témoignage, M. Théroux reconnaît que les appelants fournissaient les mêmes services qu’une ressource intermédiaire et qu’ils étaient payés selon la même grille de classification qu’une telle ressource. Selon Mme Roselyne Léonard, coordinatrice du service des ressources résidentielles de l’intimé de 2008 à 2013, ils recevaient toutefois des indemnités additionnelles pour certains usagers requérant des services particuliers.
[9] Il n’est pas contesté que certains usagers étaient hébergés chez les appelants pour plusieurs jours ou plusieurs mois, alors que d’autres y demeuraient pendant plusieurs années[5]. Mme Léonard prétendra toutefois au procès que l’intention du CRDI Du Florès a toujours été de rapatrier les usagers de la région de Lanaudière vers les Laurentides. Elle explique[6] :
[…] [L]orsqu’on parle de rapatriement, c’était de s’assurer de la proximité des services pour ces usagers-là. Que ce soit en suivi éducatif, les suivis médicaux […] lorsqu’on trouvait une ressource capable de répondre aux besoins de l’usager, notre première intention était de le rapatrier dans cette ressource-là, sur notre territoire. À certains moments, ça été plus long qu’on l’aurait espéré, c’qui a amené des délais [...]
[10] Pour ce qui est de M. Théroux, il témoigne que « [l]e rapatriement, ça été… un… un sujet… assez régulier, tout le long de nos… de nos relations ensemble [avec les appelants] … au fil des ans »[7], ce que nient les appelants, même s’ils concèdent qu’il y a toujours eu du mouvement de clientèle et que le nombre de clients est en baisse depuis 2010.
[11] C’est en 2010 que Mme Léonard, dont la tâche consiste notamment à veiller à la conformité des ententes conclues avec les différentes ressources, constate que les appelants n’ont pas de contrat écrit avec l’intimé. Afin de régulariser la situation, elle fait préparer un contrat (« le Contrat ») que M. Théroux demande aux appelants de signer, ce qu’ils font au mois de mars 2010, lequel prévoit notamment ce qui suit[8] :
PRÉAMBULE
CONSIDÉRANT le contrat de services intervenu entre la ressource et l’Établissement;
CONSIDÉRANT que les services offerts par Monsieur R… B… [et Madame B… C…] sont des services d’hébergement spécifiques pour une clientèle en provenance du réseau de la déficience intellectuelle;
CONSIDÉRANT que l'Établissement a la responsabilité régionale de gérer des ressources d'hébergement pour des usagers ayant une problématique en déficience intellectuelle;
CONSIDÉRANT que par sa localisation à l'extérieur de la région desservie par l'établissement, la ressource ne peut être utilisée que pour des besoins particuliers et ponctuels;
CONSIDÉRANT l'article 108 de la Loi sur les services de santé et des services sociaux (L.R.Q. c. S-4.2);
[…]
DURÉE DE L’ENTENTE
39. La présente entente de service est d’une durée de 1 mois commençant le 1er mars 2010 et se terminant le 31 mars 2010.
40. Le contrat se renouvelle automatiquement au 1er avril de chaque année, pour une durée de 12 mois.
41. La Ressource ou l’Établissement peuvent, avec un avis de deux mois, résilier la présente entente de service en tout temps.
[12] Tous s’entendent pour dire que les rapports contractuels entre les parties, incluant la rétribution des appelants, ne changent pas avec la signature du Contrat, laquelle survient toutefois dans l’année qui suit l’adoption de la Loi sur la représentation des ressources de type familial et de certaines ressources intermédiaires et sur le régime de négociation d’une entente collective les concernant (la « LRR »)[9], le 12 juin 2009.
[13] Au mois de mai 2012, en demandant une lettre de référence à M. Luc Girard (qui a remplacé M. Théroux, après son départ à la retraite en janvier 2012), B… essuie un refus et apprend alors qu’il a fait l’objet d’une plainte d’un usager, dont il n’a jamais été informé. Il n’obtient qu’une copie caviardée du rapport du commissaire des plaintes daté du 14 décembre 2011, lequel recommande à l’intimé de mettre fin au contrat de B…. Les appelants n’obtiendront la copie non caviardée du rapport qu’en cours d’instruction.
[14] Dans une lettre datée du 22 mai 2012, Mme Léonard avise B… que l’intimé procède au rapatriement de ses usagers[10] :
Votre ressource d’hébergement offre des services de placement de dépannage et de placement régulier pour notre clientèle depuis 2005.
Le Centre du Florès procède actuellement au rapatriement des usagers vous étant confiés considérant l’éloignement de votre installation.
[15] Selon Mme Léonard, cette missive fait suite à une directive ministérielle qui « interpellait les établissements, que ce soit la région de Montréal, la région de Lanaudière, la région des Laurentides, qui incitait beaucoup les établissements à rapatrier les usagers sur leur territoire. […] certains budgets qui étaient alloués par le ministère, pour justement procéder à du développement de ressources dans nos régions […] ça nous a permis d’aller en recrutement [des ressources dans la région des Laurentides] »[11].
[16] M. Alain Jutras, coordonnateur des services à la clientèle chez l’intimé depuis 2011 et qui a remplacé Mme Léonard en 2013, viendra préciser lors du procès que la directive ministérielle en question, datée du 7 février 2011, visait la région de Montréal[12], mais que la pratique de rapatriement se serait répandue à l’extérieur de cette seule région. Il explique : « ça nous a remis en question sur nos pratiques et on a aussi identifié l’ensemble des usagers qui vivaient dans des ressources hors territoire et euh… évaluer la possibilité de rapatrier euh… les usagers ou de procéder à un transfert de ressources avec les régions concernées »[13].
[17] M. Jutras explique de plus que l’option privilégiée par l’intimé était le rapatriement des usagers avec pour alternative le transfert des ressources, des usagers et des contrats dans l’autre région. Il soutient par ailleurs que l’intimé aurait exploré l’option de transférer la ressource des appelants à la région de Lanaudière, mais le CRDI La Myriade l’aurait refusée.
[18] Mme Léonard reconnaît pour sa part qu’au moment de l’annonce du rapatriement, elle éprouve « une difficulté de collaboration avec monsieur B… […] ça devenait de plus en plus ardu de le rencontrer et de faire le suivi qui était nécessaire avec les usagers qui lui … qui lui étaient confiés. »[14], mais nie que ce manque de collaboration a été à l’origine de la démarche du rapatriement des usagers.
[19] Dans une lettre datée du 12 décembre 2012, Mme Léonard avise les appelants du non-renouvellement du Contrat et du rapatriement à venir[15] :
En effet, comme nous vous l’avons indiqué au cours des dernières années, le Centre du Florès procède au rapatriement de sa clientèle afin de leur assurer un service de proximité et de faciliter par le fait même l’exercice des suivis requis pour chacun d’eux.
Nous procéderons, d’ici le 31 mars 2013, au rapatriement des quatre (4) usagers hébergés dans vos ressources respectives.
[20] Malgré la démarche de rapatriement, deux usagers de l’intimé demeureront chez les appelants à l’échéance : X (dont le Directeur de la protection de la jeunesse exige le maintien dans la ressource A) et M. A… G… (qui, avec l’aide de son avocat, conteste le rapatriement et demeure chez B…, quoique désormais sans rétribution de l’intimé). Une autre usagère, provenant toutefois d’un autre établissement public, soit le Centre B à Montréal, demeure hébergée chez les appelants moyennant rétribution. Elle n’a jamais fait l’objet d’une demande de rapatriement.
Jugement entrepris
[21] À l’issue de son analyse des faits et des prétentions des parties, la juge conclut que le Contrat est une entente de service régie par l’article 108 de la LSSSS et par les articles 2098 et s. du Code civil du Québec (« C.c.Q. »)[16]. Elle détermine qu’il peut être résilié unilatéralement aux termes des articles 2125 et 2129 C.c.Q. et que les clauses prévoyant son renouvellement automatique au 1er avril de chaque année pour une période de 12 mois, de même que la possibilité pour l’une et l’autre des parties d’y mettre fin moyennant un préavis de deux mois, ne sont pas abusives[17]. Selon la juge, ces clauses sont proportionnées et conformes à l’objectif du Contrat et de la LSSSS, qui est de veiller à la protection des usagers.
[22] La juge rejette par ailleurs les prétentions des appelants voulant que l’avis de non‑renouvellement soit l’aboutissement d’une relation tendue avec l’intimé découlant de plaintes déposées à l’endroit de B… et une manière de « se débarrasser cavalièrement » d’eux. Selon elle, l’avis de non-renouvellement « a été exercé en toute bonne foi et se justifiait en raison de la nature même de la relation (placements en dépannage, en urgence et de manière temporaire) ainsi qu’en raison de la directive ministérielle requérant le rapatriement des usagers dans leur région d’origine »[18].
[23] La juge souligne en outre que, selon la preuve, les appelants n’ont jamais entrepris le processus leur permettant d’être reconnus comme une ressource intermédiaire auprès de l’Agence de la santé et des services sociaux des Laurentides (« l’Agence »), sachant par ailleurs très bien qu’une telle qualification était impossible tant et aussi longtemps que leur ressource était exploitée à l’extérieur de cette région.
[24] Malgré son rejet des prétentions des appelants quant à la façon dont le Contrat devait être qualifié et quant au caractère abusif des clauses qu’il comporte, la juge procède néanmoins à l’évaluation des dommages. Retenant l’opinion de l’expert de l’intimé, elle conclut que, si les appelants avaient eu gain de cause concernant la résiliation abusive, elle n’aurait octroyé que 46 566 $ à titre de perte financière et aurait rejeté l’ensemble des autres postes de dommages réclamés, faute de preuve. Elle condamne par ailleurs les appelants à verser à l’intimé 3 000 $ en remboursement des frais engagés par ce dernier pour répondre à l’expertise qu’ils ont déposée tardivement.
Moyens soulevés en appel
[25] En appel, les appelants soulèvent essentiellement deux moyens :
Analyse
[26] En ce qui concerne la qualification du Contrat, on retrouve l’essentiel du raisonnement de la juge dans les paragraphes suivants du jugement entrepris :
[56] De plus, la nature de la relation qui s’est développée au fil du temps démontre également qu’en aucun temps, les ressources exploitées par M. B… et Mme C… n’ont fait l’objet d’une accréditation à titre de ressource intermédiaire auprès du CRDI du Florès.
[…]
[58] Dès le départ, la nature de la relation entre le CRDI du Florès et M. B… y est précisée, et cette qualification se répète à de nombreuses occasions, au fil du temps. Essentiellement, la ressource répond à des besoins urgents et de dépannage. Ce type de placements implique le rapatriement des usagers ainsi placés, à plus ou moins brève échéance.
[…]
[65] En septembre 2008, l’arrivée d’une nouvelle coordonnatrice au CRDI du Florès, Mme Roselyne Léonard, amène l’organisation à effectuer certains resserrements au niveau administratif.
[66] Mme Léonard explique, dans un témoignage clair et précis, que parmi ses tâches, elle devait s’assurer d’une répartition adéquate du volume de travail à travers les intervenants-ressources à sa charge. Également elle devait voir la conformité des ententes liant le CRDI du Florès aux différentes ressources.
[67] Dans le cadre de cette révision de l’ensemble de la situation, Mme Léonard constate l’absence de contrat écrit avec M. R… B… et Mme B… C…. C’est elle qui prend l’initiative de faire préparer un contrat; il fallait régulariser la situation. Elle confirme que le document présenté aux demandeurs constitue le contrat standard du CRDI du Florès répondant aux exigences prescrites par la LSSSS.
[68] C’est donc dans ce contexte que M. Théroux présente deux exemplaires du Contrat à M. R… B… afin que celui-ci le signe et obtienne la signature de Mme B… C… pour le deuxième.
[69] M. R… B… se plaint qu’on l’a forcé à signer le document afin de changer unilatéralement les règles du jeu en transformant une relation de ressource intermédiaire régie par les articles 301 et suivants de la LSSSS en une relation obéissant aux règles prévues à l’article 108 de la LSSSS.
[70] Comme précisé plus haut, cette affirmation n’est pas appuyée par la preuve.
[71] Certes, la signature d’un contrat constitue une nouveauté par rapport à ce qui existait avant, mais ce qui est décrit dans le document correspond, pour l’essentiel, à la relation vécue depuis 2003. D’ailleurs, rien ne change dans leur relation par la suite : le CRDI du Florès continue d’envoyer des usagers auprès de la ressource A et celle-ci continue de recevoir une rémunération selon les mêmes paramètres que par le passé.
[72] M. R… B… et Mme B… C… se plaignent de la fluctuation de leurs revenus. Or, depuis le début, la nature de la relation dans laquelle ils sont impliqués avec le CRDI du Florès comporte une importante composante d’imprévisibilité et un caractère temporaire. En aucun temps ne leur a-t-on garanti des revenus.
[73] Bien que M. Théroux ait mentionné à M. R… B… qu’il pouvait le garder occupé pour une bonne période de temps, cela ne constitue pas une métamorphose de leur rapport. Ce n’est que la verbalisation du manque de ressources dans la région [A], à ce moment-là.
[74] Il n’y a jamais eu, comme le suggèrent les demandeurs, d’engagement de la part du CRDI du Florès de maintenir un niveau d’occupation de manière perpétuelle.
[75] D’ailleurs, la plupart des usagers qui ont été placés chez M. R… B… et Mme B… C… l’ont été pour de courtes périodes de temps, dans l’attente qu’une ressource devienne disponible dans la région des Laurentides.
[76] Certes, quelques usagers sont demeurés plus longtemps que prévu, mais on ne peut voir dans ces situations très particulières, une reconnaissance que le couple serait devenu, par le passage du temps, une ressource intermédiaire pour la région des Laurentides. Il existe des conditions pour obtenir un tel titre et l’une d’entre elles commande que la ressource soit située dans les Laurentides.
[77] Ces conditions sont à la connaissance de M. B… et Mme C… depuis le début et ils ont choisi d’exploiter leur ressource dans une autre région que celle de leur donneur d’ouvrage sachant pertinemment que cela rendait leur lien contractuel avec le CRDI du Florès précaire.
[78] Le fait que le Contrat ait été signé ne change en rien cette réalité. La situation était et est demeurée incertaine quant à sa durée.
[79] En somme, les parties sont liées par le Contrat. Il s’agit, d’une entente de service régie par l’article 108 de la LSSSS ainsi que par les articles 2098 et suivants du Code civil du Québec. Il n’est pas contesté, par ailleurs, que cette entente constitue un contrat d’adhésion.
[27] La juge n’a pas tort de conclure que les appelants n’ont jamais été reconnus comme ressource intermédiaire par la régie régionale compétente, soit en l’espèce l’Agence, comme l’exigeait alors l’article 302 de la LSSSS[19]. Elle écrit à cet égard :
[108] En ce qui concerne l’argument selon lequel le CRDI du Florès aurait créé chez les demandeurs une expectative raisonnable de renouvellement du Contrat, de maintien d’un niveau de placements d’usagers annuellement et surtout, de la reconnaissance d’un statut de ressource intermédiaire au sens de la LSSSS, celui‑ci est non fondé.
[109] Rappelons que nous sommes ici en matière contractuelle. Il ne s’agit pas comme semble le suggérer le couple R.. B…-B… C… de l’exercice d’un pouvoir administratif. M. R… B… et Mme B… C… n’ont jamais entrepris le processus leur permettant d’être reconnus comme ressource intermédiaire auprès de la région des Laurentides. Il est clair qu’ils ne l’ont pas fait parce qu’ils savaient pertinemment qu’ils devaient, pour ce faire, déménager dans cette région.
[110] Ils ne peuvent pas aujourd’hui tenter de se prévaloir des avantages conférés par la Loi sur la représentation des ressources de type familial et de certaines ressources intermédiaires et sur le régime de négociation d’une entente collective les concernant, entrée en vigueur en 2009, sans avoir obtenu l’aval du CRDI du Florès et, ultimement, de l’Agence, au préalable.
[Renvois omis]
[28] Cela étant, la juge commet une erreur en concluant qu’il incombait aux appelants d’entamer les démarches pour être reconnus comme ressource intermédiaire et qu’ils ne l’ont pas fait parce qu’ils savaient pertinemment qu’ils devaient, pour ce faire, déménager dans la région des Laurentides.
[29] D’une part, contrairement à ce qu’affirme la juge[20], le recrutement et l’évaluation de la ressource intermédiaire relevaient de l’intimé à titre d’établissement public, tel qu’il ressort de l’article 305 LSSSS qui trouvait alors application :
305. Les établissements publics identifiés par l’agence procèdent eux-mêmes au recrutement et à l’évaluation des ressources intermédiaires en vue de leur reconnaissance par l’agence. | 305. Public institutions identified by the agency shall themselves recruit and assess intermediate resources with a view to their recognition by the agency. |
[30] Le Cadre de référence prévoyait également que la reconnaissance d’une ressource intermédiaire par l’Agence était tributaire d’une demande à cette fin par l’établissement public et d’une recommandation de sa part[21] :
[…] Cette reconnaissance est obtenue auprès de la régie régionale, à la demande et sur recommandation d’un établissement public désigné par cette régie pour recruter et évaluer des postulants au titre de ressource intermédiaire.
[Soulignement ajouté]
[31] Or, puisque l’intimé n’a jamais demandé à l’Agence de reconnaître les appelants à titre de ressource intermédiaire, la juge ne pouvait imputer à ces derniers le défaut d’entreprendre une démarche de qualification.
[32] Au surplus, contrairement à ce que conclut la juge, les appelants n’étaient pas disqualifiés du seul fait de l’emplacement géographique de leur ressource dans la région de Lanaudière. Tel que l’admet l’intimé, rien dans la LSSSS n’interdit la reconnaissance d’une ressource intermédiaire hors territoire. Aux termes de cette loi, le fait que les ressources des appelants étaient situées dans la région de Lanaudière, donc à l’extérieur du territoire des Laurentides, ne constituait pas un obstacle en soi à leur accréditation auprès de l’Agence. En l’absence d’une preuve de la position de l’Agence sur la reconnaissance des ressources intermédiaires hors territoire, il était dès lors inopportun de présumer du sort qui aurait été réservé à la demande de qualification des appelants auprès de l’Agence, eut-elle été soumise en temps utile par l’intimé.
[33] Les appelants soutiennent qu’ils doivent être reconnus comme ressource intermédiaire malgré tout et s’appuient à cet égard sur la reconnaissance passée obtenue par B… à ce titre alors qu’il desservait le CRDI La Myriade, entre 2003 et 2006. Ils soulignent que, jusqu’à la résiliation du Contrat, ils ont rempli les fonctions et offert à l’intimé les services d’une ressource intermédiaire et ont été rémunérés sur cette base, ce que reconnaît par ailleurs l’intimé à l’audience.
[34] De l’avis de la Cour, et contrairement à ce que retient la juge, le fait que les appelants répondent à des « besoins urgents, ponctuels et de dépannage » tout en offrant des services permanents à certains usagers ne fait pas en soi obstacle à leur qualification à titre de ressource intermédiaire, puisqu’une telle ressource peut également offrir des services d’urgence et de dépannage, comme en l’espèce. Le contrat conclu entre B… et le CRDI La Myriade en 2003 en témoigne puisqu’il concernait à la fois des places régulières et des places de dépannage et de répit[22]. Les clauses sous la rubrique « Obligations de la ressource » du Contrat CRDI La Myriade sont par ailleurs presqu’identiques à celles contenues dans les contrats conclus avec l’intimé[23].
[35] De plus, le Cadre de référence prévoit également que l’hébergement peut être offert à court, moyen et long terme[24] :
La durée des services est fonction du motif justifiant l’hébergement d’un usager; elle peut être très variable. Il y a donc des services d’hébergement à court, moyen et long termes.
Services à court terme
Les services à court terme répondent à un besoin ponctuel, planifié ou non, de transition, de dépannage, de convalescence, de répit ou à un besoin lié à un plan d’intervention.
[Soulignement ajouté]
[36] Ajoutons que, dans l’affaire Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides c. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail[25], cette Cour a reconnu la possibilité de dispenser des services de ressource intermédiaire sous le couvert d’une entente de service conclue suivant l’article 108 LSSSS.
[37] En Cour supérieure, les appelants plaidaient que l’intimé, en les rassurant par le biais de son intervenant ressource, M. Théroux, aurait créé chez eux une expectative raisonnable à l’égard du renouvellement du Contrat, de même que du maintien d’un niveau de placements d’usagers et surtout, d’une reconnaissance d’un statut de ressource intermédiaire au sens de la LSSSS faisant échec à la résiliation du Contrat.
[38] Selon la procédure introductive d’instance ré-réamendée en date du 3 juin 2014 et les arguments développés au procès, que la juge résume dans son jugement, la cause d’action des appelants en Cour supérieure reposait essentiellement sur les représentations verbales de l’intimé pendant plus de 10 ans. Les appelants plaidaient l’existence d’un contrat innommé de même nature que celui conclu avec le CRDI La Myriade en 2003. Ils contestaient sur cette base l’opposabilité du Contrat signé en 2010, de même que la légalité des clauses de résiliation et de non-renouvellement invoquées par l’intimé, qu’ils demandaient à la Cour supérieure d’invalider en raison de leur caractère abusif, en insistant sur les manquements de l’intimé entourant le dépôt d’une plainte contre B… qui aurait été à l’origine du non-renouvellement de leur Contrat.
[39] En appel, les appelants réitèrent les mêmes arguments et en soulèvent un nouveau.
[40] Quant à l’argument déjà plaidé en Cour supérieure voulant que l’intimé ait tenté de manière cavalière de se « débarrasser » des appelants à l’issue d’une plainte déposée contre B… à son insu, il doit être rejeté. La juge de première instance a considéré cet argument et l’a écarté. Les appelants se contentent en appel de proposer une interprétation différente de la preuve administrée sans démontrer quelque erreur manifeste et déterminante de la juge sur ce point[26].
[41] Ils plaident cependant pour la première fois en appel que l’absence de qualification à titre de ressource intermédiaire a eu pour conséquence de les priver de l’application du Cadre de référence et de la possibilité de se prévaloir de l’entente collective et de la protection de la LRR[27], dont l’article 123 prévoit, depuis 2009, le maintien du contrat déjà signé entre la ressource et l’établissement public :
123. Le contrat déjà signé entre un établissement public et une ressource visée par la présente loi est maintenu jusqu’à l’entrée en vigueur d’une entente collective conclue en application de l’article 32 et cesse d’avoir effet à compter de cette date, excepté à l’égard des éléments qu’il contient et qu’il est loisible aux parties d’inclure dans une entente spécifique visée à l’article 55. | 123. An existing contract between a public institution and a resource to whom this Act applies remains in force until the coming into force of an agreement signed under section 32, and ceases to have effect on that date, except for elements it comprises which the parties may include in a specific agreement referred to in section 55. |
À cette fin, toutes les règles, les taux ou échelles de taux de rétribution, les ententes conclues pour déterminer des conditions générales et modalités d’exercice des activités et services offerts par des ressources et tous les autres éléments déterminés en application de l’une ou l’autre des dispositions législatives introduites dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) par la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux (2003, chapitre 12) sont applicables jusqu’à la date mentionnée au premier alinéa. | To that end, all rules, compensation rates or scales, agreements determining the general conditions, terms and conditions under which activities are carried out and services are delivered by the resources, as well as all other elements determined under the legislative provisions introduced in the Act respecting health services and social services (chapter S-4.2) by the Act to amend the Act respecting health services and social services (2003, chapter 12) are applicable until the date mentioned in the first paragraph. |
Les dispositions du présent article s’appliquent également, compte tenu des adaptations nécessaires, à une ressource visée par la présente loi mais qui n’est pas représentée par une association reconnue, et ce, jusqu’à l’entrée en vigueur des éléments mentionnés à l’article 64. | This section applies, with the necessary modifications, to the resources to whom this Act applies but who are not represented by a recognized association, until the elements mentioned in section 64 come into force. |
| [Soulignement ajouté] |
[42] Au vu de cette disposition et du contexte, les appelants n’ont pas tort de soutenir qu’en omettant de soumettre une demande de reconnaissance des appelants à titre de ressource intermédiaire auprès de l’Agence, l’intimé les a privés de la possibilité d’avoir recours à la LSSSS et, par l’effet de cette loi, d’obtenir le maintien du Contrat, du moins de manière temporaire, de même que de la possibilité d’être inclus dans une unité d’accréditation et de se prévaloir de l’entente collective conclue au bénéfice des ressources intermédiaires de l’intimé[28].
[43] Cet argument n’est pas abordé dans le jugement de première instance parce qu’il n’avait pas été plaidé. Les appelants n’ont pas alors invoqué le bénéfice de l’article 123 LRR ni plaidé que l’intimé avait tenté de contourner leur accréditation ou l’application d’une entente collective. Ils n’ont, au surplus, jamais produit l’entente collective dont ils prétendent à présent avoir été privés, afin de permettre de déterminer ce qu’ils auraient pu obtenir s’ils avaient été reconnus à titre de ressources intermédiaires.
[44] Le dossier d’appel tel que constitué ne permet donc pas d’apprécier la portée des droits et obligations de chacune des parties en fonction de l’entente collective, non plus que d’évaluer les conséquences légales ou financières susceptibles d’en découler.
[45] La Cour n’a d’autre choix que de s’en remettre aux dispositions de la LSSSS et à la preuve documentaire déposée lors du procès sur laquelle les appelants ont fondé leur recours, dont le contrat conclu avec le CRDI La Myriade en juillet 2003, reconnaissant à B… le statut de ressource intermédiaire (pour 2 places régulières) et son assujettissement au Cadre de référence.
[46] Cela étant, la Cour conclut que, même si le Contrat avait été maintenu en vigueur après le 31 mars 2013, il n’aurait pu pour autant faire échec à la démarche générale de rapatriement des usagers entreprise au mois de mai 2012, sauf dans le cas particulier de M. G…, dont nous traiterons plus loin.
[47] De fait, d’une part, en vertu de l’article 84 LSSSS, l’intimé qui réfère des usagers à une ressource intermédiaire a la mission de « s’assure[r] qu’ils soient dirigés le plus tôt possible vers les centres, les organismes ou les personnes les plus aptes à leur venir en aide »[29]. Ceci implique nécessairement la possibilité de rapatrier les usagers s’il estime que d’autres centres, organismes ou personnes sont plus aptes à leur offrir de l’hébergement. Ajoutons que le contrat conclu avec le CRDI La Myriade en 2003 prévoyait d’ailleurs à la clause 19 que le CRDI « est responsable du client qui reçoit des services de la ressource »[30]. Ce même contrat comporte incidemment une clause de non-renouvellement semblable à celle invoquée en l’espèce[31] et il ne prévoit nulle part le maintien d’un quelconque niveau de placement d’usagers chez la ressource intermédiaire.
[48] Il est donc possible d’en inférer que l’intimé avait le pouvoir de déplacer ses usagers en fonction de leurs besoins. Aussi, rien ne laisse croire que le seul fait d’être reconnus à titre de ressource intermédiaire et de voir leur Contrat maintenu en vigueur aux termes de l’article 123 LRR aurait permis de faire échec à la démarche de rapatriement amorcée par l’intimé au printemps 2012, si celle-ci s’inscrivait dans le sens des besoins des usagers, comme le conclut la juge de première instance.
[49] Les appelants ne parviennent pas à ébranler les conclusions de fait de la juge de première instance à l’égard des motivations du rapatriement fondées sur l’orientation découlant de la directive ministérielle du mois de février 2011. S’il est vrai que l’intimé n’était pas directement visé par cette directive autrement que dans la mesure où sa collaboration s’avérait nécessaire pour donner suite à la recommandation de transférer des ressources hors région de Montréal[32], et s’il faut admettre qu’une certaine imprécision se dégage du jugement à cet égard, on ne peut pour autant écarter de façon générale la conclusion de fait de la juge selon laquelle l’intimé a procédé au rapatriement pour le bien-être des usagers et qu’il ne l’a pas fait de manière abusive, excessive ou déraisonnable[33]. En l’absence d’une preuve à l’effet contraire, on doit donc présumer que l’intimé a entrepris les démarches de rapatriement de ses usagers dans leur meilleur intérêt, conformément à sa mission.
[50] Cela étant, il demeure que trois usagers n’ont pas été rapatriés. Il s’agit d’abord de X, un mineur hébergé par C… maintenu sur les lieux à l’insistance de la DPJ, puis d’une usagère provenant du Centre B à Montréal, qui résidait toujours chez l’appelant au moment du procès, et finalement, de M. A… G…, que B… hébergeait depuis huit ans.
[51] En ce qui concerne X, la preuve administrée découlant du témoignage de M. Jutras et du dépôt en preuve de deux lettres respectivement datées du 15 octobre 2013 et du 4 novembre 2013[34] confirme que l’intimé a accepté de conclure une entente spécifique pour cet usager en remettant en vigueur à l’égard de ce dernier le Contrat conclu avec les appelants en vertu de l’article 108 LSSSS. Ceci, après que l’intimé eut apparemment tenté sans succès de faire reconnaître l’application de l’entente collective à l’égard des appelants. Les parties se sont entendues par la suite pour maintenir X dans la ressource A moyennant rétribution de l’intimé.
[52] Pour ce qui est de l’usagère provenant du Centre B, celle-ci ne relevait pas de l’intimé, mais d’un établissement public de Montréal qui a continué à assumer ses coûts d’hébergement. La situation de cette dernière ne revêt pas de pertinence autrement que pour démontrer que le maintien d’un usager était possible à l’extérieur du territoire desservi par l’établissement public puisque l’usagère en question provenait d’un établissement public de Montréal.
[53] En ce qui concerne M. G…, pour peu qu’on s’attarde aux témoignages des représentants de l’intimé Mme Léonard et son successeur M. Jutras, on constate que, bien qu’ayant exploré sans succès le transfert des ressources des appelants auprès du CRDI La Myriade, l’intimé n’a fait aucune tentative ponctuelle pour le transférer, lui, alors qu’il contestait son rapatriement pour les motifs évoqués par son avocat dans une lettre transmise à l’intimé. Mme Léonard a témoigné qu’à compter du refus de services exprimé par cet usager à la suite de la démarche de rapatriement entreprise à son égard, il incombait à ce dernier de soumettre lui-même une demande auprès de l’établissement public de la région de Lanaudière s’il souhaitait demeurer chez les appelants[35]. Or, comme on l’a vu, la LSSSS ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une ressource intermédiaire du simple fait que celle-ci se trouve hors territoire, le cas de l’usagère provenant du Centre B à Montréal en étant le meilleur exemple. De l’avis de la Cour, la démarche de rapatriement ne pouvait donc pas être motivée par le seul emplacement géographique de la ressource et devait s’inscrire dans l’intérêt de l’usager et cadrer avec ses besoins.
[54] Certes, M. Jutras a évoqué qu’il estimait que le degré d’autonomie acquise par M. G… ne justifiait pas l’étendue des services qui lui étaient offerts par B…[36]. Toutefois, une telle affirmation formulée à l’audience ne trouve pas appui dans la preuve documentaire et elle étonne, dans la mesure où l’intimé n’a jamais auparavant exprimé cette position à l’usager ni donné suite à la lettre de son avocat qui contestait son rapatriement en fonction de ses besoins particuliers et de son besoin de stabilité[37].
[55] Si la preuve administrée ne permet pas de conclure que le rapatriement de l’ensemble des usagers était fautif, illégal ou abusif ou que l’intimé était obligé de garantir à B… un certain nombre d’usagers sans pouvoir les rapatrier, il en va ainsi autrement dans le cas de M. G….
[56] Dans de telles circonstances, la juge de première instance ne pouvait, sans commettre d’erreur, conclure que le rapatriement de M. G… s’inscrivait dans son intérêt et dans le sens de ses besoins, conformément à la mission de l’intimé aux termes de la loi.
[57] Comme il serait pour le moins inique pour l’intimé de ne pas indemniser les appelants pour les services qu’ils ont continué à rendre à M. G… sans être rémunérés par l’intimé, il y a donc lieu d’évaluer la perte subie par les appelants en lien avec le rapatriement fautif de cet usager. Ne bénéficiant plus d’une entente en vertu de l’article 108 LSSSS en ce qui le concerne, la preuve révèle que les appelants perçoivent, pour seule rémunération, les prestations de solidarité sociale de M. G… dont ils déduisent 200 $ par mois, qu’ils lui remettent pour couvrir ses menues dépenses[38]. Selon la preuve administrée, le montant de ces prestations mensuelles s’élevait, en 2005, à 920 $[39]. La preuve ne révèle pas le montant des prestations pour 2013 ni par la suite. Il est néanmoins possible d’inférer qu’en fonction du taux d’actualisation applicable[40], ces prestations avoisinaient 1 000 $ par mois au 31 mars 2013, au moment où l’intimé a cessé de verser toute rétribution à l’égard de M. G…. De ce montant, il y a lieu de retrancher la somme de 200 $ remise à l’usager, laissant ainsi pour tout solde perçu un montant de 800 $ par mois. Puisque jusqu’au 31 mars 2013, date du non-renouvellement du Contrat, B… percevait un montant quotidien de 80,43 $[41], la Cour estime qu’il en a résulté pour les appelants un manque à gagner annuel de 19 756,95 $ à compter du 1er avril 2013[42].
[58] Il y a donc lieu de réformer le jugement de première instance de manière à accorder aux appelants une indemnisation couvrant ce manque à gagner pour des services qu’ils ont continué de livrer, et ce, pour une durée de 10 ans, tel que réclamé dans leurs procédures, pour un montant total de 197 569,50 $ avec intérêts et indemnité additionnelle à compter du jugement de première instance.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[59] ACCUEILLE l’appel en partie.
[60] INFIRME le jugement de première instance et procédant à rendre le jugement qui aurait dû être rendu :
[61] ACCUEILLE en partie la demande introductive d’instance de R… B… et B… C…;
[62] CONDAMNE le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle du Florès à verser à R… B… et B… C… la somme de 197 569,50 $ en dommages‑intérêts avec intérêts et indemnité additionnelle calculés sur cette somme depuis le jugement de première instance;
[63] AVEC les frais de justice, dans les deux instances.
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| GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A. | |
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| MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A. | |
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| BENOÎT MOORE, J.C.A. | |
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Me Sébastien Jalbert | ||
JALBERT LAMARRE AVOCATS | ||
Pour les appelants | ||
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Me Jany Tessier | ||
Me Sophie Béland | ||
BÉLANGER LONGTIN | ||
Pour l’intimé | ||
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Date d’audience : | 26 avril 2023 | |
[1] R.B. c. Centre réadaptation en déficience intellectuelle du Florès, 2020 QCCS 705 [jugement entrepris].
[2] Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ, c. s-4.2, articles 301-302.
[3] Pièce R-11, Lettre de Gilbert Théroux, de la partie défenderesse « CRDI du Florès », à Mme Denise Bougie, Conseillère en finances, en date du 11 avril 2007.
[4] Témoignage de B… C…, 4 novembre 2019, M.I., vol. 1, p. 233/606, 236/616 et M.I., vol. 2, p. 703/270-275.
[5] Pièce R-84, Synthèse de la présence des usagers, M.A. modifié, vol. 2, p. 818-819.
[6] Témoignage de Roselyne Léonard, 11 novembre 2019, M.I., vol. 2, p. 437/192, 438/195.
[7] Témoignage de Gilbert Théroux, 14 novembre 2019, M.I., vol. 2, p. 625/96.
[8] Pièce D-5, Contrat entre le Centre du Florès et R… B… et C…. Deux contrats distincts, mais identiques sont signés. L’un intervient entre l’intimé et B… et l’autre entre l’intimé et C…; l’intimé gérait les deux contrats indistinctement (sauf quant à la rétribution), puisque B… est répondant dans le cadre du contrat conclu avec C… : Témoignage d’Alain Jutras, 12 novembre 2019, M.I., vol. 2, p. 580/346.
[9] RLRQ, c. R-24.0.2.
[10] Pièce D-3, Lettre du Centre du Florès datée du 22 mai 2012.
[11] Témoignage de Roselyne Léonard, 11 novembre 2019, M.I., vol. 2, p. 441/207-209. Voir aussi le témoignage de Normand Lauzon (directeur général de l’intimé de 2012 à 2015), 7 novembre 2019, M.A. modifié, vol. 2, p. 876/330-331, 882/351-359, 887/372-377.
[12] Pièce D-20, Directive ministérielle. Le rapport de Pierre Patenaude, auquel la directive se réfère, fait état du rapport des enquêteurs Madeleine Roy et Alain Lampron (pièce D-14).
[13] Témoignage d’Alain Jutras, 12 novembre 2019, M.I., vol. 2, p. 552/234.
[14] Témoignage de Roselyne Léonard, 11 novembre 2019, M.I., vol. 2, p. 441/209-210.
[15] Pièce R-18, Lettre de Roselyne Léonard du Centre le Florès à R… B… et B… C…, en date du 12 décembre 2012.
[16] Jugement entrepris, paragr. 37-79.
[17] Jugement entrepris, paragr. 96-101.
[18] Jugement entrepris, paragr. 135. Voir aussi les paragraphes 91-94.
[19] L’article 302 de la LSSSS est ainsi rédigé :
302. Est une ressource intermédiaire toute ressource exploitée par une personne physique comme travailleur autonome ou par une personne morale ou une société de personnes et qui est reconnue par une agence pour participer au maintien ou à l’intégration dans la communauté d’usagers par ailleurs inscrits aux services d’un établissement public en leur procurant un milieu de vie adapté à leurs besoins et en leur dispensant des services de soutien ou d’assistance requis par leur condition. | 302. An intermediate resource is a resource that is operated by a natural person as a self‑employed worker or by a legal person or a partnership and is recognized by an agency for the purpose of participating in the maintenance of users otherwise registered for a public institution’s services in the community or in their integration into the community by providing them with a living environment suited to their needs, together with the support or assistance services required by their condition. |
[…] | […] |
| [Soulignement ajouté] |
[20] Jugement entrepris, paragr. 109.
[21] Pièce R-4, Ressources intermédiaires, Cadre de référence, de 2002 à 2013, Ministère de la Santé et des Services sociaux du gouvernement du Québec, avril 2001 [Cadre de référence].
[22] Contrat CRDI La Myriade, M.A. mod., vol. 1, pp. 328-329.
[23] Contrat CRDI La Myriade, M.A. mod., vol. 1, p. 315-318; Pièce D-5, Contrat entre le Centre du Florès et R… B… et B… C…, M.A. mod., vol. conf., p. 821-824.
[24] Cadre de référence, M.A. mod., vol. 1, p. 252.
[25] Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides c. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2022 QCCA 1500, paragr. 14. À noter toutefois que cet arrêt a été rendu après l’entrée en vigueur de la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales (la « Loi 10 »), RLRQ, c. O-7.2, le 1er avril 2015. Cette loi, comme son titre l’indique, a aboli les agences régionales de la santé et des services sociaux. Ainsi, depuis, en vertu de l’article 66 de la loi 10, les articles 301, 304, 305, 305.1 à 305.3 et 307 LSSSS (tous des articles en lien avec les agences) ne s’appliquent plus. En ce qui concerne l’article 302 LSSSS, « la référence à une ressource reconnue par l’agence est une référence à une ressource ayant conclu une entente avec un établissement ». Il semble ainsi faire peu de doute que les appelants sont des ressources intermédiaires depuis le 1er avril 2015, sans la nécessité d’être reconnues comme telles par l’Agence.
[26] Construction Blenda inc. c. Office municipal d’habitation de Rosemère, 2020 QCCA 149, paragr. 37, demande pour autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 1er octobre 2020, n° 39142. Voir Demilec inc. c. 2539-2903 Québec inc., 2018 QCCA 1757, paragr. 53; Regroupement des CHSLD Christ-Roy (Centre hospitalier, soins longue durée) c. Comité provincial des malades, 2007 QCCA 1068, paragr. 53-55.
[27] RLRQ, c. R-24.0.2.
[28] Dans leur mémoire, les appelants soutiennent que, le 28 mars 2012, une première entente de principe aurait été conclue entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Fédération de la santé et des services sociaux (CSN). Elle n’aurait été entérinée par les membres du syndicat qu’au mois d’avril 2012. Par la suite, le Regroupement des ressources résidentielles adultes du Québec (« le RESSAQ ») serait parvenu à conclure une entente collective de principe au nom des travailleurs des ressources intermédiaires au mois de mai 2013. Aucune preuve n’a toutefois été administrée à cet égard dans le cadre du procès et ne figure pas en conséquence dans le dossier d’appel.
[29] L’article 84 LSSSS est rédigé comme suit :
84. La mission d’un centre de réadaptation est d’offrir des services d’adaptation ou de réadaptation et d’intégration sociale à des personnes qui, en raison de leurs déficiences physiques ou intellectuelles, de leurs difficultés d’ordre comportemental, psychosocial ou familial ou à cause de leur dépendance à l’alcool, aux drogues, aux jeux de hasard et d’argent ou de toute autre dépendance, requièrent de tels services de même que des services d’accompagnement et de support à l’entourage de ces personnes. | 84. The mission of a rehabilitation centre is to offer adjustment, rehabilitation and social integration services to persons who, by reason of physical or mental impairment, behavioral disorders or psychosocial or family difficulties, or because of an alcohol, gambling or drug addiction or any other addiction, require such services, as well as persons to accompany them, or support services for their families and friends. |
À cette fin, l’établissement qui exploite un tel centre reçoit, sur référence, les jeunes en difficulté d’adaptation et les personnes présentant une déficience et, principalement sur référence, les personnes ayant une dépendance et les mères en difficulté d’adaptation; il s’assure que leurs besoins soient évalués et que les services requis leur soient offerts à l’intérieur de ses installations ou dans leur milieu de vie, à l’école, au travail ou à domicile ou, si nécessaire, s’assure qu’ils soient dirigés le plus tôt possible vers les centres, les organismes ou les personnes les plus aptes à leur venir en aide. | To that end, every institution which operates such a centre shall receive, on referral, young persons with adjustment problems and persons with an impairment and, mainly on referral, persons with an addiction and mothers with adjustment problems; it shall ensure that their needs are assessed and the required services offered to them within its facilities or within the person’s own environment, in school, at work or at home or, where necessary, that they are referred, as soon as possible, to the centres, organizations or persons best suited to assist them. |
[30] Contrat CRDI La Myriade, M.A. mod., vol. 1, p. 314.
[31] Contrat CRDI La Myriade, M.A. mod., vol. 1, p. 314, dont les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées :
DURÉE DU CONTRAT
FIN DU CONTRAT
[…]
[32] Pièce D-20, Directive ministérielle.
[33] Hôpital Maisonneuve-Rosemont c. Buesco Construction inc., 2016 QCCA 739, paragr. 135-142, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 22 décembre 2016, n° 37093; Bombardier Produits récréatifs inc. (BPR) c. Christian Moto Sport inc. (CMS), 2012 QCCA 1670, paragr. 41-42; Ponce c. Montrusco & Associés inc., 2008 QCCA 329, paragr. 7-10, demande pour autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 31 juillet 2008, n° 32569; Houle c. Banque Canadienne Nationale, [1990] 3 RCS 122, p. 164.
[34] Pièce D-15, Lettre d’Alain Jutras adressée à R… B… datée du 15 octobre 2013; Pièce D‑16, Lettre d’Alain Jutras adressée à R… B… datée du 4 novembre 2013.
[35] Témoignage de Roseline Léonard, 12 novembre 2019, M.A. modifié, vol. 11, p. 4480-4483.
[36] Témoignage d’Alain Jutras, contre-interrogatoire, 12 novembre 2019, M.A. modifié, vol. 11, p. 4634‑4635.
[37] Pièce R-73, Lettre de Me Michel Boucher adressée à Luc Girard et Roseline Léonard datée du 11 février 2013; Témoignage de R… B…, 6 novembre 2019, M.A. modifié, vol. 8, p. 3378-3382.
[38] Témoignage de R… B…, 7 novembre 2019, M.I., vol. 2, p. 392/44.
[39] Témoignage de R… B…, 5 novembre 2019, M.A. modifié, vol. 7, p. 2997-2998.
[40] Voir les taux d’actualisation affichés sur le site du gouvernement, soit Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, « Taux d’indexation des prestations d’aide financière de dernier recours », dans mtess.gouv.qc.ca, avril 2013, en ligne : www.mtess.gouv.qc.ca/publications/pdf/ACCES_taux_indexation_aide_financiere.pdf (page consultée le 27 novembre 2023).
[41] Pièce R-10 A.
[42] Le montant annuel versé par l’intimé aux appelants jusqu’au 31 mars 2013 se chiffrait à 29 356,95 $, soit 80,43 $ X 365 jours. Le montant perçu par le biais des prestations de base de Solidarité sociale se chiffrait alors à environ 800 $ par mois (1 000 $ - 200 $), soit 9 600 $ par année. Le manque à gagner pour 12 mois se chiffre ainsi à 19 756,95 $, soit 29 356,94 $ - 9 600 $.
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