Décision

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Gestion Juste pour rire inc. c. Gloutnay

2024 QCCA 156

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-030151-229

(500-17-111414-200)

 

DATE :

8 février 2024

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

BENOÎT MOORE, J.C.A.

 

 

GESTION JUSTE POUR RIRE INC.

APPELANTE – défenderesse

c.

 

ANDRÉ GLOUTNAY

INTIMÉ – demandeur

et

GILBERT ROZON

GROUPE JUSTE POUR RIRE INC.

FESTIVAL JUSTE POUR RIRE

JUSTE POUR RIRE TV INC.

LES PRODUCTIONS JUSTE POUR RIRE II INC.

THÉÂTRE JUSTE POUR RIRE

DISTRIBUTION JUSTE POUR RIRE

JUSTE POUR RIRE LES GAGS INC.

JUSTE POUR RIRE MANAGEMENT & SERVICES CONSEILS INC.

MIS EN CAUSE défendeurs

 

 

ARRÊT

 


 

[1]               L’appelante Gestion Juste pour rire inc. se pourvoit contre un jugement rendu le 13 juillet 2022 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Marc St-Pierre)[1], lequel conclut que l’intimé bénéficie d’un contrat de travail à vie auprès d’elle. Il lui ordonne en conséquence de réintégrer l’intimé dans son ancien emploi dans les 15 jours du jugement, en sus de la condamner à lui rembourser le salaire non versé depuis le dernier paiement d’indemnité de fin d’emploi en février 2020 jusqu’à la date de sa réintégration (en se réservant la compétence d’en déterminer le montant en cas de débat), de même que 20 000 $ à titre de dommages moraux.

[2]               Pour les motifs de la juge Marcotte, auxquels souscrivent les juges Hogue et Moore, LA COUR :

[3]               ACCUEILLE l’appel en partie;

[4]               INFIRME en partie le jugement de première instance afin de biffer les conclusions apparaissant aux paragraphes 57, 59 et 60 et de reformuler le paragraphe 58 pour qu’il soit désormais rédigé ainsi :

[58] CONDAMNE la défenderesse Gestion Juste pour rire inc. à verser au demandeur André Gloutnay une indemnité de 666 500 $ avec intérêts et l’indemnité additionnelle, calculés à compter du 7 février 2020;

[5]               AVEC les frais de justice.

 

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

 

 

 

 

BENOÎT MOORE, J.C.A.

 


 

Me Catherine Gagné

Me Sophie Lanteigne

BLAKE, CASSELS & GRAYDON

Pour l’appelante

 

Me Bruno-Pierre Allard

Me Julie Hamelin

CHABOT, MÉDIATEURS-AVOCATS

Pour l’intimé

 

Me Léanne Nagy-Bureau

Me Jean-François Towner

JEANSONNE AVOCATS

Pour Gilbert Rozon

 

Date d’audience :

13 juin 2023


 

MOTIFS DE LA JUGE MARCOTTE

 

 

[6]               Sans remettre en question les conclusions de fait du juge de première instance, l’appelante soutient qu’il aurait commis des erreurs de droit en donnant effet à une promesse de l’employeur de fournir à l’intimé « un emploi permanent à vie », en ordonnant sa réintégration, de même qu’en lui octroyant des dommages moraux. Il y a lieu de préciser qu’il s’agit d’une affaire tout aussi inusitée qu’unique en son genre sur les plans factuel et juridique, d’autant que les moyens soulevés et ceux auxquels a renoncé l’appelante limitent grandement le pouvoir d’intervention de la Cour.

Contexte

[7]               Un bref rappel des faits s’impose.

[8]               L’intimé débute comme archiviste et documentaliste au Musée Juste pour rire (« Musée ») en 1993, après sa rencontre avec le mis en cause, Gilbert Rozon (« Rozon »). Vu sa connaissance encyclopédique du milieu de l’humour, il a pour tâche d’en suivre l’évolution à la télévision à l’échelle mondiale, de découvrir de nouveaux talents dans le monde et d’agir comme point de référence et détecteur de plagiat pour les différentes entités du Groupe Juste pour rire (« les sociétés mises en cause »).

[9]               Après une brève fermeture du Musée Juste pour rire entre janvier et juillet 1994, durant laquelle il poursuit son travail sans rémunération, l’intimé signe un premier contrat en juin 1995, puis un second le 8 juillet 2002[2]. Ce dernier contrat est conclu entre l’intimé et Musée Juste pour rire inc. et précise qu’il est à durée indéterminée. En 2011, après la fermeture définitive du Musée, l’appelante et l’intimé signent un document intitulé « Modification ». Ce document réfère au « contrat d’emploi prenant effet en juillet 2002 » et ne porte que sur la réduction de la rémunération de l’intimé, en prévoyant ce qui suit[3] :

  1. La sous-section intitulée « Rétribution »[4] est remplacée par ce qui suit :

« En contrepartie des services rendus, des droits cédés et des garanties accordées en vertu du présent contrat, l’Employeur versera à l’Employé un salaire horaire[5] de trente-quatre mille dollars (34 000.00$), («la « Rétribution »), laquelle Rétribution sera versée aux deux (2) semaines. »

  1. Toutes les autres dispositions du Contrat de services/Contrat d’emploi demeurent inchangées et restent en vigueur.

[10]           En 2012, l’intimé verra néanmoins son salaire augmenter à 38 980 $ puis, à nouveau en 2015, à 60 000 $, soit le salaire en vigueur au moment de sa mise à pied[6].

[11]           Il faut préciser que la « Modification », bien que signée par l’intimé et par Rozon, ne fait pas mention d’une autre convention qu’ils ont signée quelques années plus tôt, soit le 1er avril 2004, (« Convention de 2004 »), par laquelle Rozon promet de fournir à l’intimé, à travers ses entreprises, un « emploi permanent à vie ». Il convient de reproduire intégralement la Convention de 2004, puisqu’il s’agit du document sur lequel est fondé le jugement de première instance[7] :

CONVENTION INTERVENUE ENTRE GILBERT ROZON ET ANDRÉ GLOUTNAY

PAR LA PRÉSENTE, IL EST ENTENDU :

QUE Gilbert Rozon promet à André Gloutnay, qu’à travers les entreprises Juste pour rire, il lui fournira un emploi permanent à vie.

QUE sa mission principale sera d’archiver et de gérer une collection vidéo, principalement centrée sur l’humour mondial. Il en sera le premier responsable.

QUE, cela étant, André Gloutnay comprend et sait que toutes les collections montées ensemble (vidéos, autographes, livres, artefacts) appartiennent à Gilbert Rozon et qu’elles seront transférés au Musée Juste pour rire au décès de Gilbert Rozon ou avant, et ce en réservant l’usufruit, c’est-à-dire l’usage de leur vivant respectif des dites collections.

Les deux parties, malgré les apparences, se déclarent saines de corps et d’esprit.

EN FOI DE QUOI LES PARTIES ONT SIGNÉ LA PRÉSENTE CONVENTION EN TROIS EXEMPLAIRES CE 1ER AVRIL 2004

[12]           Le texte de la Convention de 2004, qui ne réfère aucunement au contrat d’emploi de 2002, suggère qu’il s’agit d’un engagement personnel de Rozon par lequel celui-ci fournira à l’intimé « à travers les entreprises Juste pour rire […] un emploi permanent à vie ». Malgré cela, à l’issue d’un procès de huit jours, le juge conclut que cette Convention de 2004 ne liait pas personnellement Rozon, celui-ci ayant plutôt engagé l’appelante, Gestion Juste pour rire inc., à titre d’employeur de l’intimé, à garantir un emploi à vie à celui-ci. Cette conclusion factuelle n’est pas remise en cause en appel, comme je l’expliquerai plus loin.

[13]           Par ailleurs, malgré le texte de la Convention de 2004 qui prévoit que les collections de l’intimé appartiennent à Rozon et seront transférées au Musée à son décès, Rozon affirme lors du procès que les collections que l’intimé s’est engagé à lui céder deviendront la propriété de l’appelante, qui devra en faire don au Musée et lui permettront de bénéficier d’un crédit d’impôt.

[14]           L’intimé témoigne à l’audience que Rozon lui aurait dit : « Je veux que tu me cèdes ta collection qui est chez toi en échange d’un emploi permanent à vie. C’est toi-même qui décide quand tu partiras. C’est pas quelqu’un d’autre. Je te donne ma parole, tu me donnes la tienne »[8]. Rozon confirmera dans le cadre de son témoignage qu’il n’a jamais eu l’intention de faire travailler l’intimé toute sa vie[9].

[15]           L’intimé précise qu’il a accepté de céder sa collection à Rozon en échange de la garantie d’un emploi à vie en répondant : « Oui, par loyauté, monsieur Rozon, je vous donne ma parole »[10]. Il soutient que Rozon lui aurait alors affirmé : « Quand je prendrai ma retraite et que je ne serai plus là, t’as seulement qu’à présenter ce document et la transition se fera toute seule »[11].

[16]           Rozon démissionne au mois d’octobre 2017. Le 19 janvier 2018, l’appelante procède à des mises à pied en raison d’un manque de liquidités. Lors d’une rencontre au sujet de sa mise à pied avec le superviseur de la paie et responsable des ressources humaines de l’époque, M. Paul Nellis, l’intimé soulève l’existence de la Convention de 2004 dont Nellis prend alors connaissance pour la première fois, bien qu’elle se trouve dans le dossier d’employé de l’intimé.

[17]           En juin 2018, Rozon vend les actions qu’il détient dans l’appelante Gestion Juste pour rire inc. Dans le cadre de cette transaction, certaines indemnités de départ versées à des employés sont retranchées du prix de vente de ses actions. Il est alors question de certains contrats d’emploi assortis de garanties à vie et même de garanties « jusqu’à la mort ». Quant aux contrats de garanties « jusqu’à la mort », Rozon les distingue des « garanties de contrat à vie » et explique qu’il s’agit d’une forme de « royauté » versée annuellement et de partage des bénéfices après la fin d’emploi.

[18]           L’intimé explique par ailleurs à l’audience avoir remis la collection vidéo à Rozon en juin 2018[12].

[19]           En ce qui concerne l’emploi de l’intimé, même si ce dernier est rappelé au travail en juillet 2018, l’appelante le licencie quelques mois plus tard, en février 2019, après avoir consulté ses conseillers juridiques sur la portée de l’engagement pris par Rozon en 2004. L’annonce du licenciement a lieu lors d’une rencontre avec M. Nellis et le consultant en ressources humaines externe, M. René Jolicoeur. Même si l’appelante anticipe alors une forte réaction de l’intimé et s’assure de la présence d’une personne ressource du programme d’aide aux employés et d’un conseiller de transition de carrière, la rencontre, qui dure plusieurs heures, s’avère difficile. L’intimé est en détresse. Il pleure et invoque la promesse de Rozon d’un emploi à vie. Il tentera même de s’enlever la vie le soir même.

Jugement entrepris

[20]           Le juge rejette dès le départ certains arguments de l’appelante dont celui voulant que, par la modification apportée au contrat d’emploi en 2011, les parties aient choisi d’écarter la promesse d’un emploi à vie. Il souligne qu’il s’agit d’un « […] argument de texte basé sur une pure technicalité » qui n’a été soulevé qu’au moment des plaidoiries et conclut qu’il y a absence de preuve de l’intention des parties à l’égard du document[13]. Il déduit du comportement subséquent des parties qu’elles n’ont jamais voulu mettre de côté l’engagement de fournir un emploi à vie à l’intimé.

[21]           Après avoir identifié cinq questions principales à trancher, le juge détermine dans un premier temps que l’engagement de Rozon, tel que contenu dans la Convention de 2004, n’a pas été pris à titre personnel, mais plutôt comme président et mandataire de l’appelante et des sociétés mises en cause. Selon lui, seule l’appelante est l’employeur de l’intimé et est ainsi susceptible d’être liée par la garantie. Il estime que le seul fait que Rozon a payé les indemnités de départ de six employés ne suffit pas à exonérer l’appelante à l’endroit de l’intimé puisque les acheteurs des actions de Rozon n’ont pas demandé de réduction du prix en lien avec le contrat d’emploi de l’intimé. Il rejette donc le recours de l’intimé à l’endroit de Rozon et des sociétés mises en cause pour ne retenir que celui à l’égard de l’appelante.

[22]           Dans un second temps, le juge énonce qu’à l’instar de l’approche de la Cour d’appel dans l’arrêt 149244 Canada inc. c. Selick[14], il n’a pas à déterminer si l’intimé bénéficie d’un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée. Il rejette la prétention voulant qu’un contrat d’emploi à vie soit contraire à l’ordre public lorsque l’engagement est à sens unique, à savoir que seul l’employeur (Gestion Juste pour rire inc.) a l’obligation de fournir un emploi à vie à l’employé, ici l’intimé.

[23]           Dans un troisième temps, il examine la demande de réintégration. Bien qu’il reconnaisse que les tribunaux refusent d’ordonner la réintégration d’un ex-employé dans un contexte civil vu le droit de l’employeur de mettre fin au contrat d’emploi moyennant un préavis raisonnable, il conclut qu’en l’espèce, l’employeur y a renoncé. Il souligne que dans l’affaire Selick[15], l’ex-employé, qui bénéficiait d’une promesse d’emploi à perpétuité, n’avait pas demandé la réintégration et ne réclamait qu’une indemnité de trois années de salaire, d’où l’indemnité octroyée par la Cour. Par ailleurs, le seul fait que le poste de l’intimé a été aboli en contravention de la garantie d’emploi offerte n’est pas selon lui un motif pour refuser la réintégration. Il ne voit « pas comment ni pourquoi il ne donnerait pas suite à la volonté des parties clairement exprimée en n’accordant pas la réparation en nature qui est celle choisie par le demandeur », bien qu’il soit conscient « qu’il s’agit d’un remède exceptionnel et probablement d’un précédent au Québec dans un contexte purement civil ». Il ordonne en conséquence la réintégration de l’employé en ajoutant que « le caractère intuitu personae du contrat d’emploi quelquefois invoqué à l’encontre d’une réintégration ne joue pas ici » puisque l’employeur n’a « manifestement pas d’hostilité » envers l’intimé.

[24]           Dans un quatrième temps, dans la mesure où il conclut que l’appelante ne pouvait mettre fin à l’emploi de l’intimé, il accorde une indemnité correspondant au salaire qui aurait dû lui être versé à compter de l’échéance de l’indemnité d’un an qui lui a été payée jusqu’à sa date de réintégration. Il conclut par ailleurs que l’on ne peut reprocher à l’intimé d’avoir fait défaut de mitiger ses dommages puisque le seul secteur d’emploi dans lequel il a travaillé toute sa vie était celui de l’humour. Selon lui, on ne peut imputer à l’intimé un manque de collaboration avec la firme retenue par l’employeur qui souhaitait l’aider à réorienter sa carrière.

[25]           Finalement, le juge détermine que l’intimé a également droit à des dommages moraux qu’il fixe de manière « arbitraire », mais « conservatrice », à 20 000 $, en précisant que « la faute contractuelle résulte du bris de contrat lui-même » alors que l’appelante « était parfaitement consciente de la clause de garantie d’emploi » et que l’intimé a même envisagé le suicide après l’annonce de son licenciement.

 

Moyens soulevés en appel

[26]           Étonnamment, l’appelante ne remet pas en question la conclusion du juge qui rejette son argument voulant que la Modification de 2011 ait servi à écarter la garantie stipulée dans la Convention de 2004. De manière toute aussi surprenante, elle ne conteste pas non plus la conclusion voulant que la promesse lie l’appelante Gestion Juste pour rire inc. plutôt que Rozon personnellement. Questionnée à ce sujet à l’audience, elle plaide cependant qu’une lecture cohérente des différents contrats conclus (y incluant la Modification de 2011) ne permettait pas au juge de conclure que l’appelante a renoncé au droit de résilier le contrat d’emploi moyennant un préavis raisonnable, tel que prévu à l’article 2091 C.c.Q.

[27]           Ses moyens d’appel s’articulent autour de trois questions :

  1. Le juge de première instance a-t-il erré en droit en omettant de qualifier la nature juridique de la Convention de 2004 et en concluant que l’intimé bénéficie d’une garantie d’emploi à vie?
  2. Le juge a-t-il erré en droit lorsqu’il a ordonné la réintégration de l’intimé et le remboursement de sa perte salariale dans le contexte d’un recours en vertu du C.c.Q. de même qu’en réservant sa compétence sur la détermination de ce montant?
  3. Le juge a-t-il erré en droit en condamnant l’appelante à verser à l’intimé des dommages moraux de 20 000 $?

Analyse

  1. Le juge de première instance a-t-il erré en droit en omettant de qualifier la nature juridique de la Convention de 2004 et en concluant que l’intimé bénéficie d’une garantie d’emploi à vie?

[28]           L’appelante soutient qu’en vertu de l’article 2086 C.c.Q., le juge devait qualifier le contrat de travail de l’intimé à durée déterminée ou à durée indéterminée. Il ne pouvait éviter de procéder à cette qualification en s’appuyant sur l’affaire Selick[16], qui précède l’entrée en vigueur de l’article 2086 C.c.Q. et dans laquelle, de toute manière, la Cour a appliqué les règles du contrat à durée indéterminée en reconnaissance de l’application d’un délai-congé raisonnable dans le contexte d’une promesse d’un emploi à vie.

[29]           S’appuyant sur les débats parlementaires entourant l’adoption de l’article 2085 C.c.Q.[17], lequel définit le contrat de travail comme « celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige pour un temps limité », l’appelante plaide que le contrat à durée déterminée pour la vie serait contraire à l’ordre public et que, s’il avait procédé à la qualification du contrat comme il devait le faire, le juge n’aurait eu d’autre choix que de conclure qu’il s’agissait plutôt d’un contrat d’emploi à durée indéterminée auquel l’employeur pouvait mettre fin unilatéralement sans motif sérieux sur préavis raisonnable, conformément à l’article 2091 C.c.Q.[18]. L’appelante soutient avoir fait cela en offrant à l’intimé un délai-congé d’un an à compter de la date de résiliation.

[30]           De son côté, l’intimé plaide que, si une qualification du contrat d’emploi s’impose comme le suggère l’appelante, il y a lieu de lui donner une qualification mixte. Ainsi, d’une part, pour l’employeur, il s’agit d’un contrat à durée déterminée prenant fin par la survenance du décès du salarié, de sa démission, de la prise de sa retraite ou de tout autre motif sérieux ou cause juste et suffisante; d’autre part, pour l’employé, il s’agit d’un contrat à durée indéterminée auquel il peut mettre fin en tout temps, sans motif, à condition de donner un préavis raisonnable à l’employeur selon l’article 2091 C.c.Q., faisant ainsi échec à toute prétention d’esclavage ou d’accroc à la liberté du travailleur susceptible de contrevenir à l’ordre public.

[31]           Ce que propose ici l’intimé relève d’un croisement en suggérant qu’il puisse s’agir de l’un ou de l’autre, selon la partie concernée. Or, l’article 2086 C.c.Q.[19] identifie les deux types de durée possible pour le contrat d’emploi, soit le contrat à durée déterminée et le contrat à durée indéterminée.

[32]           En citant à l’appui l’affaire Selick[20], le juge de première instance a, pour sa part, refusé de déterminer si la Convention de 2004 constituait un contrat à durée déterminée ou indéterminée, témoignant ainsi de la difficulté que pose la tentative de concilier la Convention de 2004 avec un contrat d’emploi et de la nature particulière de cette convention.

[33]           Certes, dans l’arrêt Shawinigan Lavalin inc. c. Espinosa, le juge Baudouin de cette Cour évoquait la possibilité d’acquérir une forme de droit au maintien dans l’emploi en ces termes[21] :

[14]   Un second critère éventuel peut être celui de la permanence de l’emploi. Il m’apparaît cependant que ce second critère ne saurait non plus être retenu de façon absolue. Un contrat peut, en effet, être un contrat à durée indéterminée mais l’employé acquérir, dans certains cas, une forme de droit au maintien dans l’emploi, même si le Code civil (art. 1667 C.C.B.-C.) prohibe le contrat de louage de service personnel pour un temps illimité afin de ne pas consacrer l’esclavage.

[Soulignement ajouté, renvois omis]

[34]           Toutefois, cet énoncé s’inscrivait dans une réflexion générale à l’issue de laquelle il concluait néanmoins à l’existence d’un contrat d’emploi à durée indéterminée et retenait que le terme approximatif de 24 mois qui y était contenu était de la nature d’une indication de la longévité moyenne envisagée par les parties sans pour autant faire de ce contrat un contrat à durée déterminée.

[35]           Plus tard, dans Selick[22], la Cour était appelée à interpréter la portée de l’engagement suivant de l’employeur : « Your employment, should you accept this offer, shall continue for so long as you desire, unless we have just cause to dismiss you […] In the event you are ill or incapacitated, you shall have the right to return to our employment when you are once more able to do so. […] ». Elle confirmait alors la légalité de la promesse d’emploi à perpétuité de l’employeur en qualifiant ce contrat de contrat sui generis plutôt que de tenter de qualifier le contrat de contrat à durée déterminée ou indéterminée, en reprenant à son compte les propos du juge Baudouin reproduits précédemment tirés de l’arrêt Shawinigan[23]. Le juge Fish, s’exprimant pour la Cour, faisait alors droit à la réclamation de l’employée licenciée qui réclamait son plein salaire pour une période de trois ans et reconnaissait à l’employeur le droit d’assumer des obligations plus onéreuses (« extraordinary benefit ») que celles généralement prévues dans le contrat d’emploi. Il précisait à cet égard[24] :

I agree with the trial judge that the contract has a sui generis quality. 

Its agreed purpose was not merely to set out the conditions normally found in a contract of employment, but rather to confer an extraordinary benefit on respondent upon the sale by a member of her family of the business that had provided respondent's principal source of income for some 16 years.

This extraordinary benefit, agreed to by appellant, amounted to a guarantee of gainful employment on unusually favourable terms, for as long as respondent was able and willing to work.

[…]

The proper disposition of this appeal does not ultimately depend, in my respectful view, on how we characterize respondent's contract with appellant on whether it found to be for a fixed term, for an indeterminate period, or "sui generis". 

I believe that the fate of the appeal depends instead on the intention of the parties to the contract. And the intention of the parties must in turn be appreciated bearing in mind that appellant purchased a family business on the specific condition that respondent, as a middle-aged member of the vendor's family, would be given extraordinary security of employment in the final years of her career.

An intended consequence of this condition, it seems to me, is that the respondent would be treated with truly exceptional generosity in the event that her position was abolished even for valid reasons. 

Accordingly, the rules regarding adequate notice must be applied with a view to respecting the intention of the parties to confer a benefit upon respondent beyond that normally contemplated in a contract of employment.

At the time of her dismissal, respondent was sixty-one years of age. She had no French, and was possessed of limited employment skills. Her prospects of finding work on terms and conditions similar to those enjoyed in appellant's employ were very slim, with or without appellant's assistance. 

The respondent did make some effort to find employment. Her lack of success cannot fairly be imputed to lethargy or indifference.

Quite properly, respondent restricted her claim to the period during which she expected to be able to continue working for appellant. Her demand was for the salary she would have earned had she kept her job for another three years. 

Given respondent's age and state of health, which was fair but not robust, she would very likely have chosen to retire at the end of that period, more or less.

The trial judge, in assessing the amount of the indemnity to be awarded to respondent, wrote:

  Trois ans de salaire représente une somme importante et impose un fardeau assez lourd pour la défenderesse qui a vraisemblablement agi de bonne foi. Il n'en reste pas moins que c'est elle qui s'est liée par une phraséologie fort favorable à son employée qui elle, avait raison de se sentir rassurée et de ne pas chercher ailleurs un autre emploi lors de la vente des actifs de l'entreprise. Peut-être y a-t-il lieu de rappeler encore une fois que cette phraséologie bien favorable à la demanderesse n'a manifestement pas été employée par inadvertance mais se situe plutôt fort bien dans ce contexte où les parties, vendeur et acheteur, ayant convenu des questions importantes, prix, etc., ont dans une certaine mesure humanisé la transaction en protégeant le travail d'une personne d'un certain âge proche parente des propriétaires de l'entreprise.

[Renvois omis]

[36]           S’appuyant sur le raisonnement du juge Fish, le juge de première instance conclut que l’intimé bénéficie d’un contrat d’emploi à vie.

[37]           Il convient de signaler que depuis, dans l’affaire Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., les juges majoritaires de la Cour suprême, sous la plume des juges Wagner et Gascon, ont reconnu la légalité des contrats perpétuels, sauf lorsque le législateur en a spécifiquement prévu autrement[25] :

[79]   Lors de l’adoption du C.c.Q., le législateur n’a pas changé l’état général du droit à cet égard, mais il a choisi de limiter pour des motifs bien précis la durée de certains contrats. Il a par exemple limité la durée du service de la rente à un maximum de 100 ans suivant sa constitution (art. 2376 C.c.Q.). Il a également prévu qu’un bail commercial peut se prolonger jusqu’à 100 ans à partir de sa prise d’effet (art. 1880 C.c.Q.). Comme les Commentaires du ministre l’indiquent, le législateur voulait par l’adoption de ce dernier article « mettre fin à la controverse sur la validité du bail perpétuel, en l’interdisant expressément » (Québec, ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice, t. II, Le Code civil du Québec — Un mouvement de société (1993), p. 1181). Enfin, le législateur a spécifiquement prévu la possibilité de résilier un cautionnement illimité (art. 2362 C.c.Q.). Les Commentaires du ministre indiquent que cet article a été adopté parce qu’il « a semblé contraire à l’ordre public qu’un engagement puisse être perpétuel » (p. 1482).

[80]   Uniprix soutient que ces quelques articles illustrent l’intention du législateur d’interdire toute obligation aux effets potentiellement perpétuels en droit civil québécois. Ce raisonnement est cependant réfuté par une majorité des auteurs de doctrine sur le sujet.

[81]   Les professeurs Lluelles et Moore refusent de voir dans l’encadrement de certains contrats une interdiction plus générale de la perpétuité au Québec. À leur avis, « la durée d’un contrat n’est soumise à aucun plafond, sauf exception du législateur, et sous réserve qu’un juge ne qualifie de perpétuel un contrat intuitu personae, en raison d’une durée excessive au regard des droits fondamentaux de la personne » (no 2044 (en italique dans l’original; note en bas de page omise)). À leurs yeux, « le codificateur moderne du Québec n’a pas condamné en principe le contrat perpétuel [et] s’est contenté de l’encadrer en en réduisant la portée, dans un petit nombre de contrats » (no 2154). Ils sont également d’avis que les clauses de renouvellement automatique comme celle adoptée par les parties en l’espèce sont tout à fait valides, opinant que « [s]i le contrat ne prévoit pas [de] faculté de blocage [pour une des parties], on devrait présumer que la reconduction ne peut être contrecarrée » (no 2194 (note en bas de page omise)). Ce n’est que de façon hypothétique, si la perpétuité était jugée illégale ou contraire à l’ordre public — ce qu’ils n’admettent pas —, que les professeurs Lluelles et Moore suggèrent qu’il faudrait alors maintenir la validité d’un contrat aux effets perpétuels « tout en requalifiant sa durée illimitée en une durée simplement indéterminée, ouvrant la voie à la faculté de résiliation » (no 2158).

[82]   Les professeurs Baudouin et Jobin adoptent une position légèrement différente. Selon ces derniers, les dispositions qui limitent la durée de certains contrats « reflètent la politique du législateur sur la durée des contrats et doivent en conséquence être étendues par analogie à tout autre contrat » (no 102). Néanmoins, plutôt que de traiter les contrats perpétuels comme des contrats à durée indéterminée, comme le propose Uniprix, ils suggèrent d’en réduire dans ce cas la durée à un siècle (ibid.). Cette solution vise vraisemblablement à donner effet à la volonté des parties de se lier pour une longue période, sans pour autant leur permettre de le faire de façon illimitée.

[83]   Seule une doctrine isolée appuie l’argument d’Uniprix. Les professeurs Pineau, Burman et Gaudet se fondent en effet sur les mêmes articles du C.c.Q. et sur leur analyse du droit français pour conclure « que le droit québécois, à l’instar du droit français, considère l’obligation perpétuelle comme contraire à l’ordre public » (par. 284). Selon ces derniers, un contrat qui se renouvelle à la discrétion d’une seule partie doit nécessairement être assimilé à un contrat à durée indéterminée (par. 280, note 929). Pourtant, ils reconnaissent la validité d’un contrat d’emploi selon lequel l’employeur serait lié à perpétuité pour des termes successifs de cinq ans. Ils opinent même qu’un tel contrat ne serait pas à durée indéterminée, puisque « l’employeur ne pourrait pas décider unilatéralement de renvoyer son employé (sans juste cause), sous le prétexte qu’il s’agit d’un contrat perpétuel » (par. 282).

[84]   Cette analyse proposée par les professeurs Pineau, Burman et Gaudet, en plus d’être parfois contradictoire, est perfectible et ne permet pas de résoudre la question sur le fond. Elle suggère qu’en limitant la durée de certains contrats lors de l’adoption du C.c.Q., le législateur avait en fait l’intention d’interdire de façon générale les contrats aux effets perpétuels. À notre avis, ce raisonnement n’est pas convaincant. Au moment d’adopter le C.c.Q., le législateur québécois connaissait manifestement l’état du droit qui prévalait sous le C.c.B.-C. Il était bien conscient des enjeux soulevés par de tels contrats, comme en font foi les Commentaires du ministre qui traitent de la perpétuité en lien avec certains articles spécifiques uniquement. Malgré tout, il a décidé de n’encadrer que certains types de contrats particuliers, refusant d’adopter une disposition générale qui aurait interdit tout contrat à portée perpétuelle. Il faut en conclure que rien dans le C.c.Q. n’interdit les contrats perpétuels, sauf dans les cas spécifiques prévus par le législateur.

[Soulignements ajoutés]

[38]           Au-delà du fait que l’affaire Uniprix ne visait pas un contrat d’emploi, mais plutôt un contrat d’affiliation, les juges majoritaires ont pris le soin de préciser que le législateur a spécifiquement limité la durée des contrats de travail pour préserver la liberté des travailleurs et qu’il serait contraire à l’ordre public d’imposer à ces derniers des obligations perpétuelles[26] :

[91]   Nous convenons que, dans certaines circonstances, l’imposition d’obligations perpétuelles pourrait choquer l’ordre public. Par exemple, la protection de la liberté individuelle et des droits fondamentaux est une valeur fondamentale de notre société. C’est pourquoi le législateur a limité la durée des contrats de travail, afin de préserver la liberté des travailleurs (Baudouin et Jobin, no 441; Asphalte Desjardins inc. c. Québec (Commission des normes du travail), 2013 QCCA 484, par. 50 (CanLII), infirmé en appel, mais pas sur ce point : 2014 CSC 51, [2014] 2 R.C.S. 514). Pour les contrats dont les attributs n’ont pas été encadrés par le législateur, il faut tout autant « concilier deux principes, l’autonomie de la volonté et la liberté des personnes — surtout des personnes physiques » (Lluelles et Moore, no 2154). Il s’ensuit qu’il serait probablement contraire à l’ordre public d’imposer de façon perpétuelle des obligations dont la nature mettrait en jeu la personne même et la liberté d’un individu (ibid., no 2156).

[Soulignements ajoutés]

[39]           En l’espèce, Rozon a témoigné qu’il n’a jamais été question de forcer l’intimé à travailler indéfiniment et l’intimé a affirmé lui aussi que, même s’il a accepté l’offre de Rozon en lui réitérant sa loyauté, Rozon lui aurait représenté : […] C’est toi-même…qui décides quand tu partiras. C’est pas quelqu’un d’autre ».

[40]           Même si le texte de la Convention de 2004 ne fait pas une telle nuance, ces témoignages permettent de conclure que l’intimé ne s’obligeait pas à vie à l’égard de Rozon, tandis que ce dernier renonçait à la faculté de résiliation du contrat moyennant préavis raisonnable tel que prévu par le législateur à l’article 2091 C.c.Q., notamment en contrepartie de la cession de la collection vidéo. De plus, suivant la preuve, la promesse d’un emploi à vie faite à l’intimé lui aurait été réitérée par la suite, puisque l’intimé a témoigné qu’après la fermeture du Musée, Rozon lui aurait confirmé : « T’as pas à t’inquiéter, ton emploi est sécurisé, tu restes avec nous autres à Juste pour rire. Ça va être plus le fun pour toi, tu vas être plus visible, moins isolé, puis tu vas être central au département des archives de Juste pour rire, au département anglophone et au département télé. On va te solliciter beaucoup plus »[27]. Cette preuve n'a pas été contredite par Rozon.

[41]           Compte tenu de la position qu’a choisi d’adopter l’appelante en appel, en renonçant comme souligné précédemment à remettre en question certaines conclusions factuelles du juge de première instance, l’appelante ne démontre aucune erreur révisable dans la conclusion du juge voulant qu’elle soit tenue à son engagement d’offrir à l’intimé un emploi à vie. En effet, dans de telles circonstances exceptionnelles, je suis d’avis que l’ensemble des faits de l’affaire converge vers la reconnaissance d’une renonciation de l’appelante à sa faculté de résiliation du contrat d’emploi de l’intimé en contrepartie de l’engagement par l’intimé de céder la collection de vidéo. Le contrat ne me semble pas a priori contraire à l’ordre public et la qualification de contrat sui generis auquel réfère le juge de première instance est ici appropriée.

 

 

  1. Le juge a-t-il erré en droit lorsqu’il a ordonné la réintégration de l’intimé et le remboursement de sa perte salariale dans le contexte d’un recours en vertu du C.c.Q. de même qu’en réservant sa compétence sur la détermination de ce montant?

[42]           L’appelante plaide que le juge aurait commis une erreur de droit en ordonnant la réintégration de l’intimé dans son ancien emploi, alors que ce dernier n’a pas intenté son recours en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail[28]. Selon elle, la Cour supérieure n’a pas le pouvoir de réintégrer un salarié dans son emploi dans le cadre d’un recours entrepris en vertu des dispositions du Code civil du Québec. Au surplus, puisque le poste de l’employé a été aboli de bonne foi, la réintégration s’avérait impossible. Elle rappelle que, dans Selick[29], la Cour a plutôt confirmé le droit de l’employeur de mettre fin à l’emploi de l’intimée moyennant un préavis raisonnable et soulève de manière subsidiaire que, si la garantie d’emploi à vie devait être reconnue par cette Cour, elle ne donnerait ouverture qu’à l’octroi d’un préavis raisonnable qui, en fonction des circonstances et des aléas de la vie, ne devrait pas excéder trois années de salaire (en fonction d’un salaire annuel de 60 000 $ auquel s’ajoute la valeur annuelle du régime d’assurance fourni par l’employeur d’environ 2 000 $), pour un montant de 124 000 $, une fois déduite l’indemnité d’un an déjà versée. Finalement, elle soutient que le juge aurait erré en droit en réservant sa compétence plutôt que de fixer la condamnation pour perte de salaire par un montant liquidé susceptible d’exécution.

[43]           Il convient de rappeler que, dans l’affaire Selick[30], l’employée ne demandait pas la réintégration dans son emploi antérieur. Sa réclamation se limitait à l’octroi de trois ans de salaire que la Cour supérieure, puis la Cour d’appel ont jugé raisonnable.

[44]           Quant à la réintégration, l’appelante s’appuie sur les propos de la Cour suprême dans l’arrêt Dupré Quarries Ltd. c. Dupré[31] pour soutenir que le contrat d’emploi ne se prête pas à une exécution spécifique ou à une exécution en nature. Dans cette affaire qui remonte à 1934, le juge Rinfret écrivait ce qui suit :

En l’espèce, il n’y a pas de doute que l’appelante a congédié l’intimé et qu’elle a donc répudié son obligation de le garder à son service. Si elle l’a fait sans cause légale, il y a contravention de sa part, et elle doit à l’intimé des dommages-intérêts. Mais le contrat de louage de service, à cause du caractère personnel des obligations qu’il comporte, ne se prête pas à une condamnation à l’exécution spécifique. Il n’entre pas “dans les cas qui le permettent” et où “le créancier peut aussi demander l’exécution de l’obligation même.” L’appelante ne pouvait être physiquement contrainte à garder l’intimé à son service; pas plus que l’intimé ne pouvait être physiquement contraint à rester au service de l’appelante. Il y a là une question de volonté et de liberté humaines contre lesquelles l’exécution directe est impuissante (16 Laurent, 3e éd. p. 258,  198; voir aussi les observations des juges de la Cour du Banc du Roi dans la cause de Pitre v. L’Association Athlétique d’Amateurs Nationale). Le recours de l’intimé, s’il a été congédié sans droit, consistait donc dans une réclamation pour les dommages-intérêts qui en résultaient. Il ne pouvait demander à la cour de contraindre l’appelante à le garder à son service. C’était là une sanction impossible (Guillouard, 2 Contrat de Louage-no 727; 4 Pothier, Ed. Bugnet,  174).

[Soulignement ajouté]

[45]           Or, l’intimé n’a pas tort de souligner qu’il s’agit là d’un obiter, puisque l’intimé ne réclamait pas la réintégration dans cette affaire.

[46]           J’estime par ailleurs important de préciser qu’à l’époque de Dupré Quarries, l’injonction dite « mandatoire » n’existait pas, alors qu’elle est désormais d’usage courant[32]. L’exécution forcée dans un contexte de promesse d’embauche a d’ailleurs été ordonnée par la Cour supérieure dans l’affaire Aubrais c. Ville de Laval[33].

[47]           Au surplus, comme l’observent les auteurs Lluelles et Moore, « le refus de prononcer la réintégration d’un salarié énoncé dans le fameux arrêt Dupré Quarries, au nom du respect dû à la liberté de la personne, est toujours le principe », quoiqu’« il n’a plus cependant le caractère quasi absolu qu’il a eu durant de longues années »[34]. Ils expliquent[35] :

[…] En effet, la jurisprudence contemporaine tend à limiter son application au cas des personnes physiques. Les contraintes à la liberté des personnes morales posent moins problème, surtout si ces dernières ont une certaine surface. C’est ainsi que la Cour supérieure a accepté de condamner une grande municipalité à réintégrer un policier illégalement congédié. La contestation fondée sur l’arrêt Dupré Quarries n’a pas impressionné la Cour. Pour cette dernière, en effet, « l’exécution en nature de la promesse d’embauche n’exige pas une intervention personnelle du [service de police] très poussée. Il suffit qu’il fournisse au demandeur la possibilité de travailler. Au niveau des concepts de liberté et du caractère "incontraignable" de la personne, le [service de police] est peu restreint; il est une entreprise de taille et il est une personne morale. Le fait que le débiteur soit une personne morale est donc pertinent, mais il est loin d’être suffisant. Ainsi, la taille d’une personne morale est certainement déterminante. Si le salarié illégalement congédié travaillait pour une personne morale de petite envergure, exploitée par un actionnaire unique—le dépanneur du coin, par exemple—, on peut comprendre la répugnance du tribunal à ordonner l’exécution forcée. Les fonctions du salarié doivent aussi entrer en ligne de compte. Qu’une personne morale de taille moyenne ne soit pas condamnée à réintégrer un cadre supérieur ne devrait pas surprendre, alors qu’il devrait être possible d’ordonner la réintégration d’une personne qui ne répondait qu’à un « profil général » recherché par l’employeur. La dimension intuitu personae de la relation de travail est donc essentiellement à géométrie variable. Plus fondamentalement, on peut considérer qu’à l’heure actuelle, les valeurs ont quelque peu varié et que la dignité de la personne du salarié apparaît mériter autant—sinon plus—de considération que la liberté de la personne de l’employeur. […]

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[48]           Quant à l’abolition du poste, le juge de première instance conclut que l’appelante ne peut pas soulever l’argument que l’intimé ne peut pas être réintégré dans un emploi qui n’existe plus, alors que cet emploi a été aboli en contravention de son engagement[36]. En fait, dans la mesure où l’intimé prétendait à une garantie d’emploi et non à une garantie d’un emploi fixe, il est vrai que l’abolition de poste en soi n’empêchait pas le maintien de son emploi dans ces entreprises pour d’autres fonctions, dans la mesure où cela s’avérait possible.

[49]           Cela étant, en l’espèce, contrairement à ce que conclut le juge de première instance, le caractère intuitu personae du contrat d’emploi de l’intimé faisait obstacle à une telle réintégration. Le juge de première instance écrit que « le caractère intuitu personae du contrat d’emploi quelquefois invoqué à l’encontre d’une réintégration ne joue pas ici. De fait, le président en poste lors de la terminaison d’emploi a depuis été remplacé et les deux cadres supérieurs consultés pour la prise de la décision n’ont manifestement pas d’hostilité à l’endroit du demandeur »[37].

[50]           Or, il y a lieu de rappeler que le contrat intuitu personae en est un « où la considération de la personne avec laquelle on contracte constitue un élément essentiel de l’engagement »[38]. Il me paraît indéniable qu’il s’agit d’un tel contrat parce que ce sont précisément les aptitudes personnelles et uniques de l’intimé, ses connaissances encyclopédiques de l’humour et ses habiletés à suivre et à enregistrer les performances dans le domaine de l’humour à l’échelle internationale qui ont été à l’origine de son embauche et de la création de son poste d’archiviste.

[51]           Au surplus, s’il est vrai que l’intimé n’est qu’un salarié dans une entreprise qui regroupe un nombre relativement important d’employés[39] et, s’il est vrai que le rôle de l’intimé a évolué avec le temps et n’était pas limité à l’enregistrement des émissions, il n’en reste pas moins que, selon la Convention de 2004, sa « mission principale » était d’archiver et de gérer la collection vidéo. En raison de l’abolition de son poste, sa réintégration dans le cadre d’un contrat intuitu personae lié à des aptitudes personnelles qui ne sont plus requises n’offre qu’un remède illusoire et présente des inconvénients qui sont susceptibles de supplanter les bénéfices d’une telle ordonnance et de rendre celle-ci peu souhaitable[40].

[52]           Ainsi, à mon avis, le juge a commis une erreur révisable en ordonnant la réintégration de l’intimé, justifiant ainsi que la Cour intervienne afin de remplacer une telle ordonnance par le remède approprié.

[53]           Dans l’éventualité où la Cour n’avaliserait pas sa réintégration, l’intimé présente une demande subsidiaire fondée sur la reconnaissance d’un contrat à durée déterminée dont le terme envisagé par les parties serait la durée de vie active au travail. Il réclame en conséquence le remboursement d’une perte salariale « jusqu’au moment où l’intimé comptait prendre sa retraite, ce qu’il avait estimé à l’âge de soixantecinq (65) ans, ce qui représente un total de onze (11) ans de perte salariale »[41].

[54]           Certes, l’intimé a droit à une indemnité calculée sur la base de son salaire au moment du licenciement (y incluant les avantages pécuniaires rattachés à l’emploi qu’il aurait gagnés). Une telle indemnité doit être déterminée en tenant également compte de son obligation de mitigation en vertu de l’article 1479 C.c.Q.[42] puisque l’existence d’une garantie d’emploi n’élimine pas le principe selon lequel la victime est tenue de prendre des mesures visant à minimiser le préjudice qu’elle subit en raison du comportement de la personne fautive. Aussi, malgré la promesse de Rozon d’un emploi à vie, il ne peut s’agir d’accorder des dommages pour un préjudice futur que lorsque ce préjudice est certain (art. 1611 C.c.Q.).

[55]           Cela dit, en l’espèce, la preuve fait état des difficultés de l’intimé pour trouver un emploi comparable à son ancien travail d’archiviste auprès de l’appelante, de même que de sa vulnérabilité sur le marché de l’emploi, d’autant que sa compétence est limitée au marché de l’humour. Il n’est pas déraisonnable de conclure qu’étant donné son âge au moment de son licenciement (il avait 54 ans à l’époque et est désormais âgé de 59 ans) et le fait qu’il a occupé ce même emploi pendant 25 ans, il ne sera pas en mesure de retrouver un emploi d’ici 2030. Le fait de lui accorder une indemnité couvrant une telle période ne paraît d’ailleurs pas disproportionnée dans les circonstances, si l’on tient compte que la garantie d’emploi a été accordée en contrepartie de l’engagement de céder la collection, un engagement dont l’intimé s’est par ailleurs acquitté en remettant la version originale de sa collection à Rozon en juin 2018[43]. Cet engagement de l’intimé, dont la cause reposait essentiellement sur la garantie d’un emploi à vie, permet de particulariser la présente affaire face aux principes normalement applicables au préavis dans le cadre de contrats de travail à durée indéterminée.

[56]           Je propose donc d’accorder des dommages équivalant au salaire dont a été privé l’intimé depuis l’échéance du délai congé du 7 février 2020 jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de la retraite de 65 ans, soit le 26 novembre 2030, assorti de la valeur des avantages pécuniaires rattachés à cet emploi dont il a été privé pour la même période. Puisque le salaire annuel de l’intimé était de 60 000 $ au moment de son congédiement et que la valeur annuelle du régime d’assurance dont il bénéficiait était de 2 000 $ par année environ, j’estime que l’intimé a droit à une indemnité totale de 666 500 $[44].

[57]           Étant donné l’intervention proposée à l’égard de l’ordonnance de réintégration et le remplacement du montant octroyé à titre de perte salariale, j’estime cependant qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le caractère exécutoire de la conclusion du juge de première instance à cet égard ni le bien-fondé de la réserve de compétence du juge, devenue désormais inutile.

3. Le juge a-t-il erré en droit en condamnant l’appelante à verser à l’intimé des dommages moraux de 20 000 $?

[58]           L’appelante soutient que le juge a commis une erreur de droit en octroyant des dommages moraux à l’intimé en l’absence d’une preuve d’abus de droit ou de traitement humiliant ou dégradant lors de l’annonce de sa fin d’emploi. En concluant de la sorte, il va à l’encontre de la jurisprudence établie qui reconnaît les dangers d’une double indemnisation à cet égard.

[59]           Certes, l’octroi de dommages moraux nécessite la démonstration par l’employé d’une conduite déraisonnable de l’employeur par rapport à celle d’un employeur prudent et diligent dans des conditions semblables, ainsi qu’une faute caractérisée qui, sans être intentionnelle, engendre un préjudice allant au-delà de ce qui découle normalement de la résiliation[45]. Ceci, dans le but d’éviter d’indemniser le salarié pour le préjudice inévitable qui résulte de la terminaison du contrat de travail et de faire double emploi avec l’indemnité tenant lieu de délai congé.

[60]           Or, en l’espèce, les motifs invoqués par le juge pour conclure à l’octroi de dommages moraux sont directement liés à son licenciement. Rappelons que l’appelante a tout de même pris des mesures particulières en incluant une personne ressource et un conseiller dans le cadre de la réunion où on lui annonçait sa mise à pied, parce qu’une vive réaction était anticipée. Aussi, l’octroi d’une telle somme constitue une double indemnisation qui ne peut être avalisée en l’espèce en l’absence d’une faute distincte de la seule rupture d’emploi alors qu’on ne peut reprocher à l’appelante d’avoir eu une attitude désinvolte ou cavalière. C’est sans compter que l’affaire était fort particulière sur le plan juridique et que l’issue de l’affaire n’est pas étrangère à l’abandon par l’appelante de certains moyens dont elle disposait en appel. Par ailleurs, la situation est différente de celle qui prévalait dans l’affaire Aksich c. Canadian Pacific Railway[46] dans laquelle cette Cour, sous la plume de la juge Bich, a reconnu l’octroi d’un montant de 5 000 $ à titre de dommages moraux en précisant ce qui suit :

[162] À la lumière de ces énoncés, j'estime que l'intimée a en l'espèce abusé de sa faculté de résiliation unilatérale. La preuve démontre que l'intimée a agi à l'endroit de l'appelant d'une manière désinvolte et cavalière, mettant fin abruptement et sans l'ombre d'un avertissement au contrat de travail d'un salarié modèle après avoir, quelques semaines auparavant, salué ses succès et annoncé son intégration dans un département-clef de l'entreprise, s'entêtant à lui refuser un délai de congé (ou une indemnité équivalente) dont elle n'a pourtant jamais nié l'exigibilité (puisqu'elle n'a jamais contesté l'absence de motif sérieux de rupture), exigeant une quittance dont certains termes paraissent, à première vue, contraires à l'ordre public ou à tout le moins excessifs et inutiles. Ce faisant, l'intimée a manqué à la bonne foi qui doit présider à la rupture du contrat (tout autant qu'à sa conclusion ou à son exécution), selon les termes de l'article 1375 C.c.Q. et elle a abusé du droit que lui confère l'article 2091 C.c.Q.

[61]           Pour l’ensemble de ces motifs, je propose donc d’accueillir l’appel en partie avec les frais de justice et d’infirmer en partie le jugement de première instance afin de biffer les conclusions apparaissant aux paragraphes 57, 59 et 60 du jugement et de reformuler le paragraphe 58 pour condamner l’appelante à verser à l’intimé une indemnité de 666 500 $ avec intérêts et l’indemnité additionnelle, calculés à compter du 7 février 2020.

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 


[1]  Gloutnay c. Rozon, 2022 QCCS 2578 [jugement entrepris].

[2]  Pièce P-11.

[3]  Pièce D-2.

[4]  Pour peu qu’on s’attarde au « contrat d’emploi prenant effet en juillet 2002 », soit la pièce P-11, on constate qu’il ne comporte aucune sous-section intitulée « Rétribution », mais plutôt une clause intitulée « Rémunération ».

[5]  Il semble s’agir d’une coquille et l‘expression « salaire annuel » semblerait plus conforme à la réalité.

[6]  Pièce P-13.1.

[7]  Pièce P-13.

[8]  Témoignage d’André Gloutnay, 13 juin 2022, M.A., vol. 2, p. 324, 347, 15 juin 2022, M.A., vol. 4, p. 984.

[9]  Témoignage de Gilbert Rozon, 16 juin 2022, M.A., vol. 5, p. 1599, où Rozon répond « Non, bien sûr » à la question « […] vous avez jamais eu l’intention d’exiger à monsieur Gloutnay de travailler pour toute sa vie? ».

[10]  Témoignage d’André Gloutnay, 13 juin 2022, M.A., vol. 2, p. 311, 347-348, 14 juin 2022, M.A., vol. 3, p. 811-812.

[11]  Témoignage d’André Gloutnay, 13 juin 2022, M.A., vol. 2, p. 349, 15 juin 2022, M.A., vol. 4, p. 985.

[12]  Témoignage d’André Gloutnay, 14 juin 2022, M.A., vol. 4, pp. 642-648.

[13]  Le juge écrit aux paragraphes 10 et 11 du jugement entrepris :

[10]   Or, poursuivent-elles, il y a dans le contrat d’emploi une disposition qui prévoit qu’il était à durée indéterminée; les personnes morales en infèrent que la garantie d’emploi à vie a été annulée.

[11]   Cependant, cet argument présenté en plaidoirie sans aucune preuve de l’intention à cet effet des signataires est un de texte basé sur une pure technicalité; par ailleurs, il appert de la conduite postérieure des parties qu’il n’était nullement de leur intention lors de la signature de l’entente visant une baisse de salaire, à cause de la situation économique, d’écarter la garantie d’emploi; le tribunal ne croit pas qu’il y ait lieu de s’attarder davantage sur cet élément.

[14]  149244 Canada inc. c. Selick, [1994] R.J.Q. 2822, 1994 CanLII 6132 (QC CA) [Selick].

[15]  Id.

[16]  Selick, supra, note 14.

[17]  L’article 2085 C.c.Q. est rédigé comme suit :

2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.

2085. A contract of employment is a contract by which a person, the employee, undertakes, for a limited time and for remuneration, to do work under the direction or control of another person, the employer.

 

[18]  L’article 2091 C.c.Q. est rédigé comme suit :

2091. Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l’autre un délai de congé.

2091. Either party to a contract for an indeterminate term may terminate it by giving notice of termination to the other party.

Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l’emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s’exerce et de la durée de la prestation de travail.

The notice of termination shall be given in reasonable time, taking into account, in particular, the nature of the employment, the specific circumstances in which it is carried on and the duration of the period of work.

 

[19]  L’article 2086 C.c.Q. est rédigé comme suit :

2086.   Le contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée.

2086.   A contract of employment is for a fixed term or an indeterminate term.

 

[20]  Selick, supra, note 14.

[21]  Shawinigan Lavalin inc. c. Espinosa, [1990] R.L. 27, 1990 CanLII 3309 (QC CA), paragr. 14 [Espinosa].

[22]  Selick, supra, note 14.

[23]  Espinosa, supra, note 21.

[24]  Selick, supra, note 14.

[25]  Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., 2017 CSC 43, paragr. 79-84 [Uniprix], citant notamment Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., Montréal, Thémis, 2018 [D. Lluelles et B.  Moore], nos 2044, 2154, 2158, 2194.

[26]  Uniprix, supra, note 25, paragr. 91.

[27]  Témoignage d’André Gloutnay, 13 juin 2022, M.A., vol. 2, p. 362-363.

[28]  Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1.

[29]  Selick, supra, note 14.

[30]  Ibid.

[31]  Dupré Quarries Ltd. c. Dupré, [1934] S.C.R. 528, p. 531.

[32]  Sur l’introduction de l’injonction mandatoire dans notre droit, voir Alain Prujiner, « Origines historiques de l'injonction en droit québécois », (1979) 20 C. de D. 249, p. 274-275.

[33]  Aubrais c. Ville de Laval, [1996] R.J.Q. 2239, 1996 CanLII 4620 (QC CS).

[34]  D. Lluelles et B. Moore, supra, note 25, n° 2891, p. 1831. Voir aussi Marie-France Bich, « Le contrat de travail : Code civil du Québec, Livre cinquième, titre deuxième, chapitre septième (Articles 2085-2097 C.c.Q.) », dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec, La réforme du Code civil : Obligations, contrats nommés, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1993, p. 784 :

 […] Comme on l’a vu précédemment, la réintégration ne fait traditionnellement pas partie de l’arsenal des moyens de droit commun que les tribunaux mettent à la disposition des salariés congédiés […] Les motifs mis de l’avant par la Cour suprême dans l’affaire Dupré, on l’a vu, ne tiennent plus guère. Mais si le droit à la réintégration, modalité de l’exécution forcée en nature, peut être envisagée dans le cas du contrat à durée déterminée, la chose n’est pas aussi sûre dans le cas du contrat à durée indéterminée. […]

[35]  D. Lluelles et B. Moore, supra, note 25, n° 2891, p. 18311832.

[36]  Jugement entrepris, paragr. 34.

[37]  Jugement entrepris, paragr. 37-38.

[38]  Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., Montréal, Yvon Blais, 2013, n° 72, p. 112.

[39]  L’appelante assume le contrôle de société comprenant entre 175 et 250 employés.

[40]  Marie-France Bich, « Contrat de travail et Code civil du Québec – Rétrospective, perspectives et expectatives », (1996) Développements récents en droit du travail 189, p. 288-289, dans lequel elle soumettait d’autres exemples de situations justifiant le refus d’ordonner la réintégration :

Il est possible, bien sûr, que le tribunal saisi d’une demande de réintégration ne juge pas opportun de l’accorder: c’est une latitude que lui donne l’article 1601 C.c.Q. qui, en effet, prévoit l’exécution en nature « dans les cas qui le permettent ». Il se peut donc qu’un cas particulier ne le permette pas: ce serait alors une question de faits. Par exemple, on pourrait ne pas ordonner la réintégration du salarié lorsqu’il reste peu de temps à courir sur le terme normal (et que les bénéfices de la réintégration ne compenseraient pas ses inconvénients) ou lorsque les rapports entre les principaux protagonistes se sont détériorés à un point tel que la réintégration n’offrirait qu’un remède illusoire ou impraticable. Sous cet angle, la réintégration des cadres supérieurs semble d’ailleurs problématique. […]

[41]  M.I., paragr. 117.

[42]  L’article 1479 C.c.Q. est ainsi rédigé :

1479.  La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l’aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter.

1479.  A person who is bound to make reparation for an injury is not liable for any aggravation of the injury that the victim could have avoided.

 

Voir 2108805 Ontario inc. c. Boulad, 2016 QCCA 75, note 40; Walker c. Norcan Aluminium inc., 2012 QCCA 2042, paragr. 15-16; Côté c. Commission scolaire de Montréal (CSDM) (Commission des écoles catholiques de Montréal (CECM), 2007 QCCA 1698, paragr. 18; Marsh Canada ltée c. Crevier, 2006 QCCA 484, paragr. 12.

[43]  Témoignage d’André Gloutnay, 14 juin 2022, M.A., vol. 4., pp. 642-648; Témoignage de Gilbert Rozon, 16 juin 2022, M.A., vol. 5, p. 1388.

[44]  Suivant le calcul proposé : 10,75 années (pour la période du 7 février 2020 au 26 novembre 2030) X 62 000 $ = 666 500 $, en sus du montant de 62 000 $ déjà versé à titre de délai-congé pour la période du 7 février 2019 au 7 février 2020. Voir le contrat d’emploi, pièce P-11, mentionnant sa date de naissance : 26 novembre 1965.

[45]  Structures Lamerain inc. c. Meloche, 2015 QCCA 476, paragr. 55-58; Ponce c. Montrusco & Associés inc., 2008 QCCA 329, paragr. 10-22, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 31 juillet 2008, n° 32569; Aksich c. Canadian Pacific Railway, 2006 QCCA 931, paragr. 160-161 [Aksich]; Orchestre métropolitain du Grand Montréal c. Rescigno, 2006 QCCA 6, paragr. 3132.

[46]  Aksich, supra, note 45, paragr. 162.

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