Bouchard c. Portes et fenêtres LGC inc. |
2020 QCCQ 2090 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
CHICOUTIMI |
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LOCALITÉ DE |
CHICOUTIMI |
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« Chambre civile » |
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N° : |
150-32-701005-197 |
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DATE : |
12 mai 2020 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
MONSIEUR LE |
JUGE PIERRE SIMARD |
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VICKY BOUCHARD et SÉBASTIEN MALTAIS
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Demandeurs
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c.
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PORTES ET FENÊTRES L.G.C. INC. et THERMAFIX A. J. INC.
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Défenderesses |
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JUGEMENT |
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[1] Vicky Bouchard et Sébastien Maltais poursuivent Portes et Fenêtres L.G.C. inc. au motif que plusieurs des fenêtres qu’elle leur a vendues ont un problème de descellement. Thermafix A. J. inc., l’entreprise qui a fabriqué la partie vitrée de la fenêtre est appelée au dossier en intervention forcée.
[2] Les questions litigieuses sont les suivantes :
1. En ce qui concerne les fenêtres de la porte de garage pour lesquelles la garantie conventionnelle limitée au remplacement du bien n’est pas expirée, il s’agit de déterminer si la garantie de durabilité permet aux demandeurs de réclamer les frais de main-d’œuvre pour leur remplacement.
2. En ce qui concerne les autres fenêtres, incluant celles de la porte patio, la garantie conventionnelle étant expirée, il s’agit de déterminer si la garantie de l’article 38 LPC, quant à la durée de vie raisonnable, s’applique ou non et le cas échéant de déterminer l’indemnité qui en découle.
CONTEXTE
[3] En 2009, Sébastien Maltais et Vicky Bouchard entreprennent de construire leur résidence. Il s’agit de la quatrième maison qu’ils se construisent eux-mêmes : ils n’en sont donc pas à leur coup d’essai.
[4] Ils achètent les fenêtres auprès de la défenderesse Portes et Fenêtres L.G.C. inc. Cette entreprise achète d’une entreprise spécialisée, soit Thermafix A. J. inc., la partie vitrée de la fenêtre qu’elle insère dans les cadres qu’elle fabrique.
[5] La plupart des fenêtres de la maison de Vicky Bouchard et de Sébastien Maltais ont un verre de type régulier, soit double ou triple, à l’exception de trois fenêtres de la porte attenante au garage dont le verre est de type Low-E argon. D’après les garanties de Portes et Fenêtres L.G.C. inc. et de Thermafix A. J. inc., le verre régulier double ou triple est garanti pour cinq ans, alors que le verre Low-E argon l’est pour dix ans.
[6] Ce ne sont pas toutes les fenêtres vendues par Portes et Fenêtres L.G.C. inc. à Vicky Bouchard et Sébastien Maltais qui font l’objet du présent litige. En effet, après neuf ans d’utilisation, en septembre 2018, Vicky Bouchard s’aperçoit qu’une partie des fenêtres qui lui ont été vendues se descelle. Ce phénomène n’affecte que la partie vitrée de la fenêtre qui perd ainsi sa transparence : en effet, la conséquence du blanchiment est le développement d’une opacité, sinon totale, du moins suffisamment importante pour être apparente.
[7] Rapidement, Vicky Bouchard soumet le problème à son vendeur Portes et Fenêtres L.G.C. inc. qui se rend sur les lieux pour examiner les vitres défectueuses.
[8] Très rapidement l’objet de leur litige se cristallise. Portes et Fenêtres L.G.C. inc. ne conteste pas la présence du phénomène de descellement sur toutes les fenêtres indiquées par Vicky Bouchard et Sébastien Maltais. Quant aux fenêtres de la porte de garage, Portes et Fenêtres L.G.C. inc. reconnait que la garantie n’est pas expirée. Elle se dit disposée à fournir la partie vitrée de la fenêtre, mais, conformément à sa garantie contractuelle, refuse d’assumer le coût de la main-d’œuvre pour la remplacer.
[9] Quant aux autres fenêtres de dimension de 16 par 16 pouces avec une vitre double ou triple, la garantie conventionnelle est expirée et Portes et Fenêtres L.G.C. inc. refuse d’honorer quelque garantie que ce soit.
[10] Vicky Bouchard et Sébastien Maltais réclament donc le coût de remplacement des fenêtres ainsi que celui de leur pose.
ANALYSE ET DÉCISION
fenêtres de la porte de garage pour lesquelles la garantie conventionnelle n’est pas expirée
[11] Quant à la porte de garage, le phénomène constaté par Vicky Bouchard concerne une seule des fenêtres. Toutefois, ce type de fenêtre n’est plus disponible sur le marché et par conséquent, pour des raisons architecturales, ce sont bien les trois vitraux de porte qu’il faudra remplacer, ce qui n’est pas contredit par les défenderesses.
[12] Conformément à leur garantie conventionnelle respective, Portes et Fenêtres L.G.C. inc. et Thermafix A. J. inc. ne contestent pas qu’il faille remplacer ces trois vitraux et sont disposées à les fournir. Toutefois la garantie contractuelle de Portes et Fenêtres L.G.C. inc. limite la main-d’œuvre à une durée d’un an qui est largement expirée et celle du fournisseur Thermafix A. J. inc. exclut tout coût d’installation.
[13] Puisque la garantie conventionnelle ne couvre que le remplacement du bien, qu’en est-il de la main-d’œuvre? En vertu de la Loi sur la protection du consommateur, tout commerçant garantit au consommateur que le bien qu’il lui vend aura une durée de vie utile raisonnable eu égard aux circonstances et que le bien pourra donc être utilisé par le consommateur pendant toute cette période.
[14] La présence d’une garantie conventionnelle n’exclut en aucune façon les garanties prévues par la Loi sur la protection du consommateur. Ainsi, même si la garantie conventionnelle est expirée, il est donc possible pour un consommateur de réclamer la protection de la Loi en vertu de la garantie de l’article 38 : Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien. La garantie conventionnelle pour la main-d’œuvre étant limitée à un an, il s’agit donc de déterminer si la garantie de durabilité peut être invoquée par les demandeurs après neuf ans d’usage de leurs fenêtres.
[15] Vicky Bouchard et Sébastien Maltais n’ont pas fourni de preuve d’expert qui soit venu établir la durée de vie utile d’une fenêtre. Cependant, les témoins tant de Portes et Fenêtres L.G.C. inc. que de Thermafix A. J. inc. sont venus affirmer que la vie utile de fenêtres de type Low-E était bel et bien d’une durée de dix ans. La garantie de l’article 38 LPC s’applique donc pour la durée que les défenderesses reconnaissent elles-mêmes.
[16] Le bien vendu n’a pas eu la performance à laquelle le consommateur était en droit de s’attendre : un remplacement adéquat doit couvrir tout autant la valeur de la pièce que la main-d’œuvre pour la poser[1]. Par ailleurs, en vertu de l’article 59 LPC, la garantie de durabilité vise tout autant le fabricant du bien défectueux.
[17] Portes et Fenêtres L.G.C. inc. se dit disposée à fournir les vitres requises pour remplacer celles de la porte de garage. Cependant, puisqu’elle refuse de les installer, ceci force les demandeurs à obtenir ces fenêtres d’un autre fournisseur. Cela signifie donc que Vicky Bouchard et Sébastien Maltais devront payer le prix qu’un autre commerçant voudra bien leur concéder.
[18] Selon la preuve, une fenêtre coûtera aux demandeurs la somme de 495 $. Puisqu’il y en a trois, le prix d’acquisition pour les trois fenêtres sera de 1 485 $. En ce qui concerne la pose, on peut assumer qu’elle sera d’une valeur approximative d’une centaine de dollars.
[19] En conclusion, l’indemnité à donner aux demandeurs pour les trois fenêtres en question sera de 1 600 $.
fenêtres pour lesquelles la garantie conventionnelle est expirée
[20] En ce qui concerne les autres fenêtres qui sont de simples vitrages doubles ou triples, il est clair que la garantie conventionnelle est expirée. Elle ne peut donc pas s’appliquer en l’instance.
[21] Qu’en est-il toutefois de la garantie de durabilité?
[22] Comme expliqué ci-haut, la garantie de durabilité s’ajoute aux garanties conventionnelles, même si ces dernières sont expirées. Il est donc possible pour un consommateur de réclamer la protection de cette dernière garantie de la Loi sur la protection du consommateur.
[23] Pour bénéficier de cette garantie, encore faut-il que le consommateur assume le fardeau de prouver quelle est la durée de vie utile du bien qu’il a acheté auprès d’un commerçant.
[24] Encore une fois, aucune preuve d’expert n’a été fournie. La preuve des demandeurs repose, quant à la durée de vie utile des biens en cause, sur un article de journal et sur deux jurisprudences.
[25] Les représentants de Portes et Fenêtres L.G.C. inc. et de Thermafix A. J. inc. ont témoigné à l’effet que la durée de vie utile d’une fenêtre à vitrage double ou triple est de cinq ans. Cette preuve n’a pas été contredite.
[26] La preuve par un article de journal n’est pas une preuve que le Tribunal peut retenir. Seul un témoignage fait en instance ou encore à défaut par une déclaration assermentée déposée selon les règles du Code de procédure peut assumer un tel fardeau.
[27] Finalement, la durée de vie utile d’un bien n’est pas de la connaissance judiciaire d’un tribunal. Il faut donc une preuve qui soit entendue par celui qui a à trancher un litige. À mon avis il n’est pas possible d’importer une conclusion d’un autre dossier. Ainsi, dans le dossier Rouillard c. Aluminex[2] une preuve par expert avait été présentée.
[28] Par conséquent, la réclamation pour ces fenêtres sera donc rejetée.
[29] En vertu de l’article 59 LPC, Vicky Bouchard et Sébastien Maltais jouissent d’un recours contre le vendeur mais également contre le fabricant. La conclusion en faveur de Vicky Bouchard et Sébastien Maltais sera donc solidaire. Puisqu’il n’y a pas eu de preuve présentée par Portes et Fenêtres L.G.C. inc. et de Thermafix A. J. inc. sur leurs relations contractuelles, le Tribunal n’a pas les éléments pour départager la responsabilité respective des deux défenderesses.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
CONDAMNE solidairement Portes et Fenêtres L.G.C. inc. et Thermafix A. J. inc. à payer à Vicky Bouchard et Sébastien Maltais la somme de 1 600 $ avec intérêt au taux légal de 5% l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis la mise en demeure du 2 février 2019;
CONDAMNE solidairement Portes et Fenêtres L.G.C. inc. et Thermafix A. J. inc. à payer les frais de 190 $
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__________________________________ PIERRE SIMARD, J.C.Q.
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Date d’audience : |
23 janvier 2020 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.