Ferme CKLD inc. c. Centre de rénovation Ste-Marie |
2019 QCCQ 1674 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
BEAUCE |
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LOCALITÉ DE |
ST-JOSEPH-DE-BEAUCE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
350-32-010221-176 |
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DATE : |
6 mars 2019 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
NATHALIE VAILLANT, J.C.Q. |
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Ferme CKLD INC. |
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99, chemin Grande Ligne, St-Isidore (Québec) G0S 2S0 |
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Partie demanderesse |
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c. |
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Centre de Rénovation Ste-Marie, S.e.c. 100-500, route Cameron, Sainte-Marie (Québec) G6E 0L0 |
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-et- |
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Groupe b.m.r. |
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1501, rue Ambert, Boucherville (Québec) J4B 5Z5 |
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Parties défenderesses |
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Groupe b.m.r. |
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Partie demanderesse en intervention forcée |
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-et- |
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Les bois traités s.c. |
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80, route Jean-Baptiste Casault, Montmagny (Québec) G5V 3R8 |
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Partie défenderesse en intervention forcée |
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JUGEMENT |
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[1] Ferme CKLD inc. (« Ferme CKLD ») réclame à Centre de Rénovation Ste-Marie et au Groupe B.M.R. 8 598,66 $.
[2] Elle allègue que le bois acheté chez Centre de Rénovation Ste-Marie (« Rénovation Ste-Marie ») pour la construction de son patio s’est détérioré rapidement à la suite des travaux. Un mois après la finition de ceux-ci, elle a constaté des fissures sur le bois et même que sur les planches inutilisées. Elle invoque un problème de solidité de la construction et de sécurité à l’égard des enfants qui circulent sur le patio.
[3] Rénovation Ste-Marie et Groupe B.M.R. nient toute responsabilité. Elles formulent une demande en intervention forcée à l’endroit du fabricant auprès de qui, elles s’approvisionnent en bois, soit Les Bois Traités S.C. (« Bois Traités ») au motif qu’elle seule est responsable de la préparation du bois.
[4] Bois Traités nie être responsable des fissures. Selon elle, le bois est un produit naturel. Il n’est ni anormal ni imprévisible que des fissures apparaissent avec le temps. Elle traite le bois contre la pourriture et les attaques thermiques des insectes. Sa garantie exclut expressément les changements naturels dans l’apparence physique du bois.
[5] Elle ajoute que la présence de fissures ne constitue pas un déficit d’usage.
[6] À l’audition, ni Rénovation Ste-Marie et Groupe B.M.R ne sont présents. madame Lynda Gallant agit selon un mandat de représentation pour le président de la Ferme CKLD, son époux.
Ferme CKLD a-t-elle démontré l’existence d’un vice caché affectant le bois traité par Bois Traités S.C.?
CONTEXTE
[7] Le 24 mai 2016, Ferme CKLD achète les matériaux nécessaires à la construction d’un patio de bois auprès de Rénovation Ste-Marie.
[8] Un entrepreneur charpentier-menuisier est engagé pour la construction du patio.
[9] Près d’un mois après la construction, vers le 25 juin 2016, Ferme CKLD constate les fissures sur le bois. Plusieurs pièces de bois ont craqué et fendillé.
[10] Plusieurs photos des diverses pièces de bois présentant des fissures sont produites. Monsieur Nicolas Leduc, un spécialiste de la construction témoin expert pour Ferme CKLD déclare avoir une certaine expérience en matière de sinistre. Son témoignage porte essentiellement sur le risque de solidité de la construction due aux fissures présentes sur plusieurs des composantes du patio, dont les baratins et les rampes. Il fait également mention d’un problème de sécurité pour les enfants appelés à circuler sur et autour du patio. Ils sont à risque d’échardes sur le bois fendillé.
[11] Monsieur Leduc ajoute que depuis la prise des photos qui remontent à l’été 2016, les fissures sont plus importantes. Aucune photo récente n’a été produite.
[12] De son côté, Bois Traités explique qu’elle ne fabrique pas le bois. Celui-ci est naturel. Elle le traite contre la pourriture et les attaques thermiques des insectes. Elle garantit son traitement, mais pas les fissures dans le bois qui sont normales et relèvent de la nature même du bois. Elle fait entendre à ce sujet monsieur Jacques Dubé à titre d’expert. Celui-ci est un ancien inspecteur qui avait pour travail de faire respecter les règles canadiennes de classification pour le bois d’œuvre canadien.
[13] Monsieur Dubé explique que le bois est sélectionné selon les règles canadiennes de classification pour le bois d’œuvre canadien. Suivant cette classification, le bois est classé dès son abattage avant même son arrivée à l’usine. C’est ainsi que l’on s’assure de la qualité et des caractéristiques du bois en fonction des usages pour lesquels il est retenu. Le bois qui ne satisfait pas aux critères de classification est écarté avant même d’être envoyé à l’usine.
[14] Ainsi, le bois vendu par Bois Traités a passé le test de la classification et ses qualités respectent les caractéristiques de la norme 124 des règles de classification.
[15] Pour monsieur Dubé, les fissures apparaissant sur les photos relèvent d’un défaut d’apparence, mais ne constituent pas un déficit de résistance du bois. La construction pourrait être en danger si les fissures étaient plus profondes. Ce que ne laissent pas voir les diverses photos présentées par Ferme CKLD.
[16] À titre de partie demanderesse, Ferme CKLD a le fardeau de la preuve. Elle doit démontrer et convaincre le Tribunal que le bois de Bois Traités est affecté d’un vice caché qui le rend impropre à l’usage auquel il est destiné ou qui diminue tellement son utilité que Ferme CKLD ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné un si haut prix, si elle avait connu ce vice caché.
[17] C’est l’article 2803 C.c.Q. qui énonce ce fardeau de preuve :
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
[18] Lorsqu’une telle preuve est faite de façon prépondérante, le fardeau de preuve est rencontré.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[19] Ainsi, Ferme CKLD à titre de partie demanderesse doit présenter au Tribunal une preuve qui surpasse et domine celle présentée par Bois Traités pour avoir gain de cause.
[20] La réclamation de Ferme CKLD dirigée contre Bois Traités est à la fois basée sur l’application de la garantie légale de qualité, prévue au Code civil du Québec et de celle d’usage normal et de durabilité raisonnable à la Loi sur la protection du consommateur («LPC »)[1].
[21] L’article 1726 C.c.Q. prévoit que
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[22] Les articles 37 et 38 LPC stipulent :
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[23] La garantie d’usage normal prévue à l’article 37 LPC prévoit que le consommateur doit pouvoir faire un usage normal du bien qu’il achète, c’est-à-dire qu’il doit être exempt de défaut qui empêche l’usage auquel il est normalement destiné.
[24] Quant à la garantie de durabilité raisonnable prévue à l’article 38 LPC, celle-ci prévoit qu’au moment de la vente, le bien doit être utilisable pendant une durée raisonnable.
[25] Selon les principes qui se dégagent de la doctrine et de la jurisprudence[2], la simple existence d’un déficit d’usage si tant est que nous soyons en présence d’un déficit d’usage ne suffit pas pour la qualification du vice caché. Il faut que le déficit d’usage soit grave au point qu’il rende le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou en diminue tellement l’usage que l’acheteur n’aurait pas acheté au prix qu’il a payé.
[26] Il appartenait à Ferme CKLD d’établir par la présentation d’une preuve prépondérante que les fissures dans le bois constituaient un déficit d’usage anormal, excessif et hors-norme.
[27] Or, la preuve contradictoire dont dispose le Tribunal n’est pas concluante pour établir que la construction du patio est affectée d’un vice d’une telle importance.
[28] Le témoin de Bois Traités réfère à un déficit d’apparence sans plus. Les fissures ne sont qu’en surface et ne mettent pas en péril la solidité des pièces de bois.
[29] Dans son témoignage, l’expert de Ferme CKLD mentionne tout au plus un risque de perte de solidité en raison des fissures apparentes sur diverses composantes du patio. La preuve présentée ne permet pas de conclure qu’elles sont profondes. Au moment du procès, nous sommes deux ans après la construction, la situation ne semble pas s’être détériorée. Aucune nouvelle photo ne fut produite. Le témoin monsieur Leduc mentionne que les fissures sont plus longues, mais ne fait pas état de leur profondeur. Il ne fut pas question de fissures qui transpercent les pièces de bois, de portions du patio chancelantes.
[30] Ferme CKLD a manqué à son fardeau de preuve, n’ayant pas démontré l’existence d’une défectuosité matérielle grave remettant en cause l’usage du patio.
[31] Un des critères essentiels pour établir la présence de vice caché, soit celui du déficit n’étant pas rencontré, il n’y a pas lieu de s’attarder sur les autres critères
[32] Dans les circonstances, le Tribunal rejette la demande de Ferme CKLD.
REJETTE la demande de la partie demanderesse, Ferme CKLD inc.;
CONDAMNE la partie demanderesse, Ferme CKLD inc. à rembourser à la partie défenderesse en intervention forcée, Les Bois Traités S.C. les frais de justice.
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__________________________________ NATHALIE VAILLANT, J.C.Q. [JV 0B27] |
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Date d’audience : |
23 octobre 2018 |
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AVIS :
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