Ville de Saint-Bruno-de-Montarville c. Sommet Prestige Canada inc. | 2024 QCCA 804 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
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N° : | |||||
(505-17-010757-187) | |||||
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DATE : | 18 juin 2024 | ||||
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VILLE DE SAINT-BRUNO-DE-MONTARVILLE | |||||
APPELANTE – défenderesse | |||||
c. | |||||
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PROPRIÉTÉS SOMMET PRESTIGE INC. | |||||
INTIMÉES – demanderesses | |||||
et | |||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||
MIS EN CAUSE – défendeur | |||||
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AGGLOMÉRATION DE LONGUEUIL | |||||
OFFICIER DE LA PUBLICITÉ DES DROITS DE LA CIRCONSCRIPTION FONCIÈRE DE CHAMBLY | |||||
MIS EN CAUSE – mis en cause | |||||
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[1] L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 7 mars 2023 par l’honorable Lukasz Granosik de la Cour supérieure, district de Longueuil, lequel accueille la demande principale des intimées, déclare que les dispositions de la réglementation municipale attaquées ont pour effet d’exproprier ces dernières et qu’elles sont donc en droit de réclamer une indemnité compensant cette expropriation[1].
[2] Les intimées sont propriétaires d’un terrain boisé connu sous le nom de « Boisé des Hirondelles » (« Boisé ») situé sur le territoire de la municipalité appelante. Elles souhaitent y construire une trentaine de résidences unifamiliales. Le projet donne lieu à de nombreux échanges avec les représentants de l’appelante qui souhaitent s’assurer de limiter ses impacts sur l’intégrité du Boisé. La preuve démontre qu’il s’agit d’un milieu naturel ayant, aux yeux des autorités municipales et de l’agglomération de Longueuil, une certaine importance pour le maintien de la connectivité des espaces naturels présents sur le territoire de la municipalité et présentant un certain intérêt au niveau de la biodiversité, notamment en raison de la présence d’une espèce floristique protégée, à savoir le ginseng à cinq folioles.
[3] Aux termes de ces négociations, les intimées acceptent de modifier leur projet et s’engagent à respecter 113 contraintes imposées par l’appelante. Le projet amendé est ensuite avalisé par cette dernière et une entente relative à l’aménagement des infrastructures municipales intervient entre les parties.
[4] L’élection d’un nouveau conseil municipal entraîne cependant un changement de cap. Les élus municipaux adoptent une série de modifications à la réglementation municipale qui, de l’avis des intimées, rendent impossible tout développement résidentiel du Boisé.
[5] Les intimées intentent donc un recours contestant la légalité des dispositions réglementaires en cause et réclament subsidiairement une indemnité pour expropriation déguisée. Suivant leurs prétentions, l’effet de la réglementation contestée devait être assimilé à une expropriation au sens de l’article 952 C.c.Q.[2]. À l’aube du procès, les intimées modifient toutefois leurs procédures afin d’inverser l’ordonnancement des conclusions recherchées et solliciter au premier chef la « juste et préalable indemnité » que prévoit cette disposition.
[6] Le procureur général du Québec est appelé en garantie par la municipalité appelante. Cette dernière demande que le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques l’indemnise pour toute somme qu’elle pourrait être tenue de payer à titre d’indemnité et réclame le remboursement de ses honoraires extrajudiciaires.
[7] La question du quantum de l’indemnité de même que celles que soulève le recours en garantie de l’appelante font l’objet d’une scission d’instance.
[8] Le juge de première instance ne se prononce pas sur la nullité des dispositions réglementaires attaquées puisqu’il conclut que le pourvoi en contrôle judiciaire doit être rejeté, faute d’avoir été introduit dans un délai raisonnable. Ces conclusions ne sont pas remises en question dans le cadre du présent pourvoi.
[9] Le juge estime toutefois que les contraintes imposées par la réglementation municipale sont telles qu’elles annihilent le droit de propriété des intimées, ne laissant subsister aucune possibilité « d’utilisation raisonnable » des lots en cause. Il conclut donc que la situation équivaut à une expropriation déguisée, laquelle donne droit à une juste indemnité selon l’article 952 C.c.Q.
[10] Au passage, le juge écarte l’argument de l’appelante l’invitant à conclure que le paragraphe 113(16°) de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (« Lau »)[3] lui accordait le pouvoir de « prohiber tous les usages » des lots en cause lorsque des considérations liées à la sécurité publique ou la protection de l’environnement justifient une telle intervention. L’appelante prétendait qu’en lui accordant un pouvoir réglementaire d’une telle portée, le législateur la dispensait de l’obligation d’indemniser les propriétaires qui subissent les effets expropriants de telles mesures. Le juge rejette toutefois cet argument en précisant ce qui suit :
[84] J’estime en effet qu’un changement aussi extraordinaire de notre paradigme judiciaire, soit la possibilité d’être dépossédé d’un bien sans réparation aucune par une décision de la collectivité, alors que le droit de propriété constitue l’une des trois colonnes de notre système de justice, exige un langage explicite du législateur, ce que je ne retrouve pas en l’instance. […][4]
[11] L’appelante obtient la permission d’appeler de ce jugement[5]. Ses deux moyens d’appel portent sur l’interprétation du paragraphe 113(16°) de la Lau :
- Le tribunal devait-il tenir compte de la portée du pouvoir réglementaire prévu au paragraphe 113(16°) Lau?
- La présomption de l’article 952 C.c.Q. s’applique-t-elle à l’exercice du pouvoir prévu au paragraphe 113(16°) Lau?
[12] Après la formation de l’appel, l’Assemblée nationale du Québec adopte la Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d’autres dispositions législatives[6]. Cette loi introduit les nouveaux articles 245 à 245.6 Lau, lesquels ont pour vocation d’encadrer l’obligation d’une municipalité d’indemniser un propriétaire lorsque des mesures adoptées en vertu de la Lau ont un effet expropriant[7]. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 8 décembre 2023[8]. Le législateur a par ailleurs pris soin d’indiquer que le nouvel article 245 Lau, qui est pertinent au présent litige, est déclaratoire.
[13] Dans la foulée, l’appelante et le mis en cause Procureur général du Québec obtiennent l’autorisation de produire un exposé additionnel afin d’aborder les questions que soulèvent ces modifications législatives. Les intimées répondent à ces prétentions lors du dépôt de leur mémoire.
[14] Avant d’entreprendre l’étude des moyens d’appels soumis à l’attention de la Cour, il est nécessaire de s’attarder à l’effet des modifications législatives sur l’issue du présent appel. Il convient donc de reproduire d’emblée le libellé de l’article 245 Lau, tel qu’il se lit désormais :
245. L’accomplissement d’un acte prévu par la présente loi ne crée aucune obligation pour celui qui l’accomplit d’indemniser, en vertu de l’article 952 du Code civil, une personne qui subit, par l’effet de cet acte, une atteinte à son droit de propriété sur un immeuble, pour autant qu’il demeure possible de faire une utilisation raisonnable de l’immeuble. | 245. The performance of an act provided for by this Act creates no obligation for the person who performs it to indemnify, under article 952 of the Civil Code, a person whose right of ownership in an immovable is infringed because of that act, provided that it remains possible to make reasonable use of the immovable. |
Un immeuble doit être considéré comme susceptible d’une utilisation raisonnable lorsque l’atteinte au droit de propriété est justifiée dans les circonstances, ce qui doit s’évaluer dans une perspective de proportionnalité en tenant compte, entre autres, des caractéristiques de l’immeuble, des objectifs prévus dans un plan métropolitain, dans un schéma ou dans un plan d’urbanisme et de l’intérêt public. | An immovable must be considered being susceptible of reasonable use where the infringement of the right of ownership is justified in the circumstances, which must be assessed from a proportionality perspective, taking into account, among other things, the characteristics of the immovable, the objectives set out in a metropolitan plan, RCM plan or planning program, and the public interest. |
Une atteinte au droit de propriété est réputée justifiée aux fins du deuxième alinéa lorsqu’elle résulte d’un acte qui respecte l’une ou l’autre des conditions suivantes: | An infringement of the right of ownership is deemed to be justified for the purposes of the second paragraph where it results from an act that meets one of the following conditions: |
1° l’acte vise la protection de milieux humides et hydriques; | (1) the act is intended to protect wetlands and bodies of water; |
2° l’acte vise la protection d’un milieu, autre qu’un milieu visé au paragraphe 1°, qui a une valeur écologique importante, à la condition que cet acte n’empêche pas la réalisation, sur une superficie à vocation forestière identifiée au rôle d’évaluation foncière, d’activités d’aménagement forestier conformes à la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier (chapitre A‑18.1); | (2) the act is intended to protect an environment of high ecological value, other than the environments covered by subparagraph 1, provided that the act does not prevent the carrying out, in a forest area identified on the property assessment roll, of forest development activities that comply with the Sustainable Forest Development Act (chapter A‑18.1); or |
3° l’acte est nécessaire pour assurer la santé ou la sécurité des personnes ou la sécurité des biens. | (3) the act is necessary to ensure human health or safety or the safety of property. |
Le présent article est déclaratoire. | This section is declaratory. |
[15] Cette disposition vise directement l’objet du présent pourvoi. Le législateur a en effet pris soin de prévoir les circonstances où l’accomplissement d’un acte prévu à la Lau emporte une obligation d’indemniser suivant l’article 952 C.c.Q. Ce faisant, le législateur redéfinit le cadre d’analyse permettant de déterminer si un immeuble est « susceptible d’une utilisation raisonnable » et écarte au passage l’interprétation des principes applicables que retenait la jurisprudence sur laquelle s’est appuyé le juge de première instance[9].
[16] En précisant que l’article est déclaratoire[10], le législateur manifeste sans détour sa volonté d’accorder une portée rétroactive à cette nouvelle disposition afin que le nouveau régime qu’elle édicte soit d’application immédiate[11].
[17] Les commentaires lus par le ministre au moment d’introduire ces amendements lors de l’étude détaillée du projet de loi laissent peu de place au doute :
Enfin, l’article 245 proposé serait déclaratoire. Le législateur peut prévoir que des dispositions législatives sont déclaratoires s’il souhaite clarifier la façon d’interpréter ou d’appliquer la loi. Des dispositions déclaratoires ont un effet rétroactif et s’appliquent aux instances judiciaires en cours, sans toutefois remettre en question les affaires jugées.[12]
[Soulignement ajouté]
[18] La suite des débats de la commission démontre par ailleurs que les députés considéraient que cette disposition allait conférer une portée rétroactive à l’article 245[13]. Cela n’a pas manqué de susciter certaines inquiétudes[14], à telle enseigne qu’un sous‑amendement fut proposé afin de supprimer le quatrième alinéa de l’article 245 Lau[15]. Cette proposition fut toutefois écartée par les membres de la Commission[16].
[19] En ce qui concerne la portée d’une disposition déclaratoire, la Cour suprême dans Régie des rentes du Québec c. Canada Bread Company Ltd nous enseigne ce qui suit :
[27] Lorsqu’il adopte une loi déclaratoire, le législateur joue le rôle d’un juge et dicte l’interprétation à donner à ses propres lois. Pour cette raison, les dispositions déclaratoires relèvent davantage de la jurisprudence que de la législation. Elles s’apparentent à des précédents ayant force obligatoire, telles les décisions judiciaires. Elles peuvent infirmer une décision judiciaire de la même façon qu’un arrêt de notre Cour prévaut sur la jurisprudence de juridictions inférieures sur un point de droit donné.
[28] Il est tout aussi reconnu en droit que les dispositions déclaratoires ont un effet immédiat sur les affaires pendantes et qu’elles font donc exception à la règle générale du caractère prospectif de la loi. L’interprétation imposée par une disposition déclaratoire remonte dans le temps jusqu’à la date d’entrée en vigueur du texte de loi qu’elle interprète, faisant en sorte que ce texte de loi est réputé avoir toujours inclus cette disposition. Cette interprétation est donc considérée comme ayant toujours été la loi.[17]
[Renvois omis]
[20] La disposition déclaratoire s’applique donc aux instances pendantes, ce qui inclut les instances faisant l’objet d’un appel :
[32] Le concept de jugement définitif qui ne statue pas ultimement sur les droits et obligations des parties est celui qui permet de distinguer les affaires pendantes des affaires non pendantes. Les affaires pendantes sont celles dont sont présentement saisis des tribunaux compétents et qui sont en attente d’un jugement définitif et irrévocable sur le fond. Comme le juge Cartwright l’a expliqué dans Western Minerals, elles englobent [traduction] « les affaires jugées, mais dont le jugement a fait l’objet d’un appel qui est pendant au moment de l’entrée en vigueur de la loi déclaratoire ». En conséquence, seules les affaires ayant abouti à un jugement statuant définitivement sur les droits et obligations des parties ne sont plus pendantes.[18]
[Soulignements ajoutés]
[21] Dans le contexte particulier du présent pourvoi, il faut également souligner que la volonté de conférer une portée déclaratoire à une disposition législative n’est assujettie à aucune exigence de forme pourvu que le législateur exprime formellement sa volonté de conférer une telle portée au texte qu’il érige en loi :
La jurisprudence ne pose aucune condition de fond ou de forme pour consacrer la nature déclaratoire d’une loi. Sur le plan de son contenu, la loi déclaratoire peut attribuer un sens plus large ou plus étroit à la loi antérieure, elle peut aussi, en cas d’ambiguïté, préférer un sens au détriment d’un autre, et enfin, elle peut accorder un sens nouveau à une règle ancienne. Tel que l’a écrit le juge Gascon : « Le fait que l’article en cause introduit une règle nouvelle n’y change rien : lorsque le législateur prévoit explicitement que la disposition est déclaratoire, on ne peut pas en faire abstraction. »
Sur le plan de sa formulation, les tribunaux n’exigent pas de formule sacramentelle. Le législateur peut simplement indiquer, comme on le voit souvent en droit québécois, que « [cet] article est déclaratoire ».[19]
[Renvois omis; soulignements ajoutés]
[22] Invitées à se prononcer quant à l’effet des nouvelles dispositions, toutes les parties reconnaissent que le législateur a clairement voulu donner une portée déclaratoire à l’article 245 Lau. Toutefois, elles ne s’entendent pas sur les conséquences de ces modifications législatives sur l’issue de l’appel.
[23] L’appelante soutient que la volonté exprimée par le législateur scelle le sort du litige puisque le Boisé doit être assimilé à un milieu naturel présentant une « valeur écologique importante » au sens du troisième alinéa de l’article 245 Lau. Elle nous invite donc à accueillir l’appel ou, subsidiairement, à retourner le dossier au juge de la Cour supérieure pour qu’il se prononce en fonction de la preuve déjà versée au dossier. En réplique, elle change son fusil d’épaule et suggère plutôt de permettre l’administration d’une preuve complémentaire.
[24] Les intimées, quant à elles, estiment que l’article 245 Lau confirme l’interprétation du paragraphe 113(16°) de la Lau retenue par le juge de première instance. Invitant la Cour à décortiquer la nouvelle disposition, elles prétendent que le premier alinéa confirme que le législateur ne considère pas que l’exercice du pouvoir de « prohiber tous les usages » prévu au paragraphe 113(16°) Lau permet à l’appelante d’échapper à son obligation de verser l’indemnité que prévoit l’article 952 C.c.Q. Suivant leurs prétentions, cette conclusion justifierait à elle seule le rejet de l’appel tel que constitué. Elles ajoutent qu’il n’est pas nécessaire que la Cour se prononce au sujet de l’interprétation des alinéas 2 et 3 de l’article 245 Lau puisque la conclusion du juge de première instance, voulant qu’il ne subsiste aucun usage raisonnable des lots, n’a pas été portée en appel. L’appel devrait par conséquent être rejeté.
[25] Mis en cause, le procureur général est pour sa part d’avis que l’application du nouveau cadre législatif requiert une nouvelle analyse du contexte factuel et la production d’expertise sur la « valeur écologique » du Boisé. Bien qu’il ne suggère aucune conclusion, il est possible de déduire de son exposé qu’il préconise un retour du dossier devant la Cour supérieure afin de permettre l’administration de cette nouvelle preuve.
[26] Il semble évident que l’adoption de l’article 245 Lau est un événement qui, pour toutes les parties en cause, vient changer radicalement la donne en appel. Malgré les lacunes procédurales soulevées par l’avocat des intimées, il est impossible pour la Cour de faire abstraction du caractère déclaratoire du nouvel article 245 Lau et de la volonté expresse du législateur de clarifier l’état du droit en ce qui concerne la possibilité de réclamer une indemnisation en vertu de l’article 952 C.c.Q. à la suite de l’exercice des pouvoirs que la Lau accorde aux municipalités.
[27] En l’espèce, le juge a déterminé que les mesures réglementaires adoptées par l’appelante ne laissaient subsister « aucune utilisation raisonnable » des terrains des intimées. Son analyse prend appui sur la jurisprudence de l’époque et aucun reproche ne peut lui être fait à cet égard.
[28] Or, cette conclusion fondée sur le droit antérieur ne pouvait tenir compte du nouveau cadre d’analyse qu’édicte l’article 245 Lau. L’interprétation à donner à cette nouvelle disposition pourrait sceller le sort du présent litige, ainsi que celui de bien d’autres recours présentement pendant devant les tribunaux. Elle servira également à guider les décisions des intervenants du milieu municipal pour l’avenir.
[29] Or, bien que la notion de « valeur écologique importante » soit au cœur de ce nouveau cadre juridique, cette expression n’est pas définie par la loi.
[30] La Cour n’est pas en mesure, sur la base du dossier d’appel tel que constitué[20], de se prononcer dans l’abstrait sur une question qui n’a pas fait l’objet d’un véritable débat en première instance. À l’évidence, elle ne peut exercer son rôle qui consiste à réviser le jugement de première instance, lorsque le juge n’a pu, en raison des circonstances fort particulières du dossier, se prononcer sur la question désormais en litige devant cette Cour.
[31] La Cour estime que l’intérêt de la justice et les circonstances exceptionnelles découlant de l’adoption de l’article 245 Lau exigent que le dossier soit retourné en première instance afin de permettre au juge de réévaluer le dossier à la lumière des paramètres fixés par l’article 245 Lau.
[32] À l’audience, l’appelante et les intimées ont affirmé que cet exercice pouvait se faire sur la base de la preuve qui se trouve au dossier de la Cour. À la suite des questions soulevées par les membres de la formation, l’appelante a cependant admis que la présentation d’une preuve additionnelle pourrait s’avérer nécessaire.
[33] La Cour est d’avis qu’il reviendra au juge de première instance de régler cette question avec les parties. Il pourra identifier les lacunes dans la preuve découlant des changements législatifs, considérer la preuve nouvelle que les parties souhaitent déposer ou envisager la nomination d’un expert s’il est d’avis que la preuve au dossier est insuffisante ou qu’elle ne lui fournit pas un éclairage approprié.
[34] Dans ces circonstances, il y a lieu d’infirmer les conclusions du jugement entrepris constatant une situation d’expropriation déguisée, et ce, à la seule fin de permettre au juge de première instance de trancher cette question en fonction du cadre juridique désormais énoncé à l’article 245 Lau. Cependant, les conclusions du juge rejetant le recours en nullité demeurent, puisque cette question n’a pas été portée en appel.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[35] ACCUEILLE l’appel;
[36] INFIRME en partie le jugement entrepris, soit les conclusions énoncées aux paragraphes 90, 91, 93 et 94 du dispositif du jugement de la Cour supérieure rendu le 7 mars 2023 par l’honorable Lukasz Granosik à la seule fin de permettre au juge de se prononcer sur le bien-fondé du recours des intimées à la lumière du cadre juridique énoncé à l’article 245 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme;
[37] RETOURNE le dossier au juge de première instance afin qu’il détermine, à la lumière du cadre juridique énoncé à l’article 245 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, si les intimées ont fait l’objet d’une expropriation donnant droit au paiement d’une indemnité en vertu de l’article 952 C.c.Q.;
[38] LE TOUT sans frais de justice, compte tenu des circonstances particulières.
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| MARK SCHRAGER, J.C.A. | |
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| GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A. | |
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| ÉRIC HARDY, J.C.A. | |
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Me Jean-François Girard | ||
Me Hugo Vaillancourt | ||
DHC AVOCATS | ||
Pour Ville de Saint-Bruno-de-Montarville | ||
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Me Jonathan Maxime Fecteau | ||
Me Jean-Daniel Lamy | ||
DE GRANDPRÉ CHAIT | ||
Pour Sommet Prestige Canada inc. et Propriétés Sommet Prestige inc. | ||
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Me Julie Sanogo | ||
BERNARD, ROY (JUSTICE QUÉBEC) | ||
Pour le Procureur général du Québec | ||
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Me Emilie Roy | ||
Me Marilou Desnoyers | ||
RIVARD VÉZINA LAROSE, AVOCATS | ||
Pour Agglomération de Longueuil | ||
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Date d’audience : | 1er mai 2024 | |
[1] Sommet Prestige Canada inc. c. Ville de Saint-Bruno-de-Montarville, 2023 QCCS 676 [jugement entrepris].
[2] 952. Le propriétaire ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est par voie d’expropriation faite suivant la loi pour une cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.
952. No owner may be compelled to transfer his ownership except by expropriation according to law for public utility and in return for a just and prior indemnity.
[3] RLRQ, c. A‑18.1.
[4] Jugement entrepris, paragr. 84.
[5] Ville de Saint-Bruno-de-Montarville c. Sommet Prestige Canada inc., 2023 QCCA 1131.
[6] Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d’autres dispositions législatives, L.Q. 2023, c. 33.
[7] Voir : Id., art. 6.
[8] Voir : Id., art. 93.
[9] Voir : Jugement entrepris, paragr. 58 et s.
[10] Régie des rentes du Québec c. Canada Bread Company Ltd., 2013 CSC 46, paragr. 26‑27. Voir également : Pierre-André Côté et Mathieu Devinat, Interprétation des lois, 5e éd., Montréal, Thémis, 2021, p. 568‑569, no 1684‑1686.
[11] Assemblée nationale, Rapport de la Commission de l’aménagement du territoire – Étude détaillée du projet de loi no 39, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d’autres dispositions législatives, 43e lég., 1re sess., 7 décembre 2023, p. 133. Voir également : Assemblée nationale, Journal des débats, 43e lég., 1re sess., vol. 47, no 36, 6 décembre 2023, 15 h 10 (A. Laforest).
[12] Assemblée nationale, Rapport de la Commission de l’aménagement du territoire – Étude détaillée du projet de loi no 39, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d’autres dispositions législatives, 43e lég., 1re sess., 7 décembre 2023, p. 133. Voir également : Assemblée nationale, Journal des débats, 43e lég., 1re sess., vol. 47, no 36, 6 décembre 2023, 15 h 10 (A. Laforest).
[13] Voir : Assemblée nationale, Journal des débats, 43e lég., 1re sess., vol. 47, no 36, 6 décembre 2023, 15 h 50 (E. Grandmont).
[14] Voir notamment : Assemblée nationale, Journal des débats, 43e lég., 1re sess., vol. 47, no 36, 6 décembre 2023, 16 h 10 (A. Morin).
[15] Assemblée nationale, Rapport de la Commission de l’aménagement du territoire – Étude détaillée du projet de loi no 39, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d’autres dispositions législatives, 43e lég., 1re sess., 7 décembre 2023, p. 155; Assemblée nationale, Journal des débats, 43e lég., 1re sess., vol. 47, no 36, 6 décembre 2023, 17 h 00 (A. Morin, V. Dufour, A. Laforest et E. Grandmont).
[16] Assemblée nationale, Journal des débats, 43e lég., 1re sess., vol. 47, no 36, 6 décembre 2023, 17 h 10.
[17] Régie des rentes du Québec c. Canada Bread Company Ltd., supra, note 10, paragr. 27-28.
[18] Régie des rentes du Québec c. Canada Bread Company Ltd., supra, note 10, paragr. 32, citant Western Minerals Ltd. v. Gaumont, [1953] 1 S.C.R. 345, p. 370. Voir également : Régie des rentes du Québec c. Canada Bread Company Ltd., supra, note 10, paragr. 38.
[19] P.-A. Côté et M. Devinat, supra, note 10, p. 569‑570, no 1688‑1689.
[20] En raison des motifs initialement invoqués, l’ensemble de la preuve présentée en première instance n’a pas été reproduite en appel.
AVIS :
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