Décision

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Décision

Tremblay Gattillo c. Fajardo

2019 QCRDL 8524

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Laval

 

No dossier :

415633 36 20180828 S

No demande :

2684292

 

 

Date :

18 mars 2019

Régisseure :

Isabelle Normand, juge administrative

 

Gisèle Tremblay Gattillo

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Ernesto Elias Fajardo

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      La locatrice demande la résiliation du bail et l'expulsion du locataire, le recouvrement du loyer ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel.

[2]      La locatrice demande de plus la résiliation du bail au motif que le locataire ne respecte pas l'ordonnance du 3 octobre 2018 lui ordonnant le paiement du loyer le 1er jour de chaque mois.

[3]      Il s'agit d'un bail du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 au loyer mensuel de 950 $

[4]      La preuve démontre que le locataire doit 950 $, soit le loyer du mois de mars plus 9 $ représentant les frais de notification ou de signification prévus au règlement.

[5]      De plus, la locatrice démontre que le loyer est fréquemment payé en retard, ce qui lui cause un préjudice sérieux dans la gestion de son immeuble.

[6]      De plus, l'article 1973 du Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoit :

« 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.

Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »

[7]      La preuve est à l'effet que le locataire a contrevenu à de trop nombreuses reprises à l’ordonnance : le loyer de décembre 2018 a été payé le 26 décembre suivant, les loyers de décembre et janvier 2019 ont été payés le 17 février 2019 et celui de février 2019 a été payé le 6 mars dernier.

[8]      La locatrice est exaspérée de l’attitude non responsable du locataire, ce qui lui cause des préjudices : il n’a même pas payé à la locatrice les frais judiciaires de d’autres décisions le condamnant à ce faire.


[9]      Cependant, la locatrice a accepté sans protester ou sans condition les loyers reçus du locataire pour cette période.

[10]   Le locataire n'est pas en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail n'est donc pas justifiée par l'application de l'article 1971 C.c.Q.

L'analyse et le droit

[11]   La locatrice fonde son recours sur les dispositions de l'article 1973 C.c.Q. qui stipule :

« 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.

Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »

[12]   La preuve est à l'effet que le locataire a contrevenu à l'ordonnance lui ordonnant de payer son loyer le 1er jour de chaque mois.

[13]   Au moment des contraventions, cette ordonnance est toujours en vigueur.

[14]   En vertu des dispositions de l'article 1973 C.c.Q. précité, la sanction de ces contraventions est la résiliation du bail.

[15]   À cet effet, la jurisprudence et la doctrine sont constantes: la discrétion judiciaire ne peut s'appliquer si le défaut de respecter telle ordonnance est constaté.

[16]   Cependant, tel qu'analysé par la juge administrative Chantale Bouchard dans la décision Coopérative d'habitation Habitatou c. Akande[1]:

« [23] Aussi, cette constatation ne pourra se faire au détriment d'autres concepts de droit, tels que la prescription extinctive, la confirmation, la transaction ou la renonciation, lesquels concepts devront être pris en compte pour s'assurer de la vigueur de l'ordonnance dont on veut assurer la sanction. »

[17]   La preuve est à l'effet que la locatrice a encaissé le paiement des loyers d'octobre et partiellement de novembre 2018 sans réserve et sans protester.

[18]   La locatrice a couvert cette contravention en encaissant le paiement de ces loyers. Elle a implicitement renoncé à demander la résiliation du bail pour défaut de respect de l'ordonnance du 3 octobre 2018.

[19]   Le Tribunal appuie son raisonnement sur plusieurs décisions de jurisprudence.

[20]   Ainsi, la Cour du Québec, dans 9249-5571 Québec inc. c. Konyukhovskiy[2], conclut que le locateur a implicitement renoncé à la résiliation du bail en encaissant des chèques pour payer des mois de loyer courants, et ce, sans protester.

[21]   Le juge François Bousquet, j.c.q. précise :

« [25] Dans l'affaire Rozansky c Andrade, la résiliation du bail avait été prononcée en août 2001 et la Cour a conclu que "l'encaissement des chèques du 1er septembre ainsi que du 1er octobre n'a d'autres explication que celle à l'effet que Stan Rozansky acceptait l'occupation du locataire Marc-David Andrade et renonçait de fait à la résiliation du bail". »

[22]    Dans l'affaire Lapointe c. Verdieu[3], la Cour écrivait ce qui suit :

« En acceptant le paiement des mois de décembre 2004 et janvier 2005, sans aucune indication ou prestation, ni réserve, il y a eu transaction en vertu de l'article 2631 C.c.Q. Il acceptait l'occupation du locataire, Jacques Verdieu, renonçait de fait à la résiliation du bail et faisait renaître un lien juridique entre les parties. »

[23]   Dans l'affaire Fehri c. Appartements Le Carillon inc.[4], la Cour écrivait ce qui suit :

« [21] Le 3 mars 2008, Fehri remet son argent comptant et Le Cariilon lui remet un reçu (pièce P-5).


[22] Ce reçu, pour un montant de 865 $, précise Loyer mars apt. 101 et parking P1-01 et il est signé par un représentant de Le Carillon.

[...]

[30] [...] Lorsque Fehri fait son paiement le 3 mars 2008, elle ne paie pas un arrérage de loyer, mais elle paie le loyer du mois courant. Cette différence est importante.

[31] Il est difficile pour un locataire de plaider transaction lorsque le locateur ne fait qu'accepter ce qui lui est dû, soit le paiement du loyer en retard que le locataire doit parce qu'il a occupé le logement durant cette période.

[32] Vraisemblablement, Le Carillon considère tardif le paiement du loyer le 3 au lieu du 1er mars et, malgré ce paiement, elle a toujours l'intention de demander la résiliation du bail. Or, Le Carillon devait à ce moment, soit refuser ce paiement ou indiquer clairement à Feuri qu'elle l'acceptait mais sans renoncer à son droit de demander la résiliation du bail. Fehri a raison de dire que, l'acceptation de ce paiement, équivaut à transaction. »

[24]   Considérant la preuve et ces principes jurisprudentiels, le Tribunal considère que la demande de résiliation de bail basée sur le non-respect de l'ordonnance du 3 octobre 2018 ne peut être accueillie, car la locatrice a accepté de recevoir le paiement du loyer mentionné précédemment sans protêt et avis contraire de sa part.

[25]   Considérant la preuve, l'ordonnance du 3 octobre 2018 est reconduite pour une période additionnelle de 24 mois, selon les circonstances.

[26]   Le préjudice causé à la locatrice ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement[5].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[27]   ACCUEILLE en partie la demande de la locatrice;

[28]   RECONDUIT l'ordonnance ordonnant au locataire de payer le loyer payable le 1er jour de chaque mois pour une durée de 24 mois à compter de cette décision;

[29]   CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice la somme de 950 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 1er mars 2019, plus les frais judiciaires de 85 $;

[30]   RÉSERVE ses recours à la locatrice;

[31]   REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Isabelle Normand

 

Présence(s) :

la locatrice

le locataire

Date de l’audience :  

11 mars 2019

 

 

 


 



[1] 2012 QCRDL 9038.

[2] 2013 QCCCQ 6135.

[3] (C.Q., 2005-03-09), SOQUIJ AZ-50309981, B.E. 2005BE-1135, [2005] J.L. 170.

[4] 2010 QCCCQ 974.

[5] RLRQ, c. R-8.1.

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