Gariépy c. Iko Industries Ltd. |
2018 QCCQ 5699 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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LOCALITÉ DE |
LAVAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
540-32-700345-174 |
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DATE : |
5 juillet 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU JUGE |
PIERRE CLICHE, C.Q. |
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PHILIPPE GARIÉPY |
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-et- |
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DENISE BEALIEU |
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Demandeurs |
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c. |
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IKO INDUSTRIES LTD |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Monsieur Philippe Gariépy et madame Denise Beaulieu (les demandeurs) réclament 5 074,25 $ à Iko Industries Ltd. (Iko) représentant le coût déprécié du remplacement de bardeaux d’asphalte organiques dont elle est le fabricant, installés sur la toiture de leur résidence en 2004, et ce, étant donné leur usure prématurée.
[2] Iko demande le rejet de la réclamation des demandeurs soutenant qu’ils font partie d’une action collective instituée contre elle, ayant fait l’objet d’un règlement et dont ils ne se sont pas exclus en temps opportun.
[3] Les demandeurs soutiennent qu’ils sont exclus de cette action collective, et ce, conformément à une entente de règlement intervenue en janvier 2017.
[4] Subsidiairement, Iko plaide que les demandeurs n’ont pas démontré l’existence d’un vice ou d’un défaut de fabrication concernant les bardeaux d’asphalte en litige.
[5] Enfin, elle ajoute que suivant la preuve présentée, les demandeurs ne peuvent profiter des termes de sa garantie conventionnelle.
LES QUESTIONS EN LITIGE
1. Les demandeurs font-ils partie des membres du groupe ayant exercé une action collective contre Iko?
2. Dans la négative, les demandeurs ont-ils démontré que les bardeaux fabriqués par Iko et installés sur la toiture de leur résidence n’ont pas servis à l’usage auquel ils étaient destinés pendant une durée raisonnable?
3. Dans l’affirmative, quelle est la valeur de l’indemnité que les demandeurs sont en droit de recevoir.
CONTEXTE
[6] Au cours de l’été 2004, les demandeurs procèdent au remplacement des bardeaux recouvrant la toiture de leur résidence située au […], à Laval.
[7] Il s’agit d’une résidence unifamiliale munie d’un garage attaché.
[8] Les bardeaux alors installés par l’entreprise Les Couvreurs Augusto Moniz Roofing inc. (Moniz) sont de type organique, fabriqués par Iko et vendus sous le nom de «Château».
[9] Iko offre une garantie de trente-cinq ans sur ce type de bardeaux limitée aux « vices de fabrication pour cause d’infiltration ».
[10] À l’occasion de l’exécution de ces travaux, deux aérateurs alors présents sur l’arête supérieure de la toiture sont remplacés.
[11] Au cours du mois de juin 2016, les demandeurs remarquent pour la première fois que plusieurs bardeaux présents sur les deux versants de la toiture de leur résidence, y compris sur celui situé au-dessus de leur garage, sont soulevés et en partie détériorés affectant ainsi leur apparence.
[12] Aucun d’entre eux ne s’est détaché et aucune infiltration d’eau dans le vide sous-toit ou à l’intérieur du garage n’est constatée.
[13] Le 2 août 2016, suivant une réclamation qui lui est adressée par écrit par les demandeurs, Iko leur offre, sans préjudice à ses droits et sans admission de responsabilité, de leur remettre trente-deux paquets de ses bardeaux organiques modèles «Cambridge».
[14] Considérant que cette offre est inacceptable, les demandeurs la refusent et obtiennent trois estimations pour le remplacement complet des bardeaux en litige, dont la moins élevée, préparée par l’entreprise Toitures Laval inc. (Toitures Laval), s’élève à 6 200,00 $, taxes incluses.
[15] Le 31 août 2016, ils mettent en demeure Iko de leur verser la somme de 2 500,00 $ pour couvrir les coûts d’enlèvement et de remplacement des bardeaux existant ainsi que la quantité nécessaire de bardeaux modèle «Cambridge» pour couvrir l’ensemble de la surface de leur toiture.
[16] Le 6 octobre 2016, Iko refuse cette demande et réitère son offre initiale, laquelle est refusée de nouveau par les demandeurs.
[17] Quelques jours plus tard, Toitures Laval procède au remplacement des bardeaux fabriqués par Iko, par d'autres fabriqués par la compagnie BP, modèle Weather-Tite, garanties pour une période de cinquante ans, le tout pour un montant de 6 165,51 $, taxes incluses.[1]
[18] Lors de l’exécution de ces travaux, Toitures Laval installe deux ventilateurs additionnels pour améliorer l’aération du vide sous-toit du garage.
[19] Enfin, étant donné qu’au moment de leur remplacement, les bardeaux fabriqués par Iko sont alors âgés d’un peu plus de douze ans, les demandeurs lui réclament 23/35 du prix payé à Toiture Laval, ainsi que 1 000,00 $ à titre de dommages-intérêts punitifs.
ANALYSE
1. Les demandeurs font-ils partie des membres du groupe ayant exercé une action collective contre Iko?
[20] Une réponse négative doit être donnée à cette question pour les raisons suivantes.
[21] En décembre 2009, une demande en certification d’une action collective est déposée contre Iko devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario.
[22] Le 19 janvier 2012, cette action est certifiée par la juge Deena F. Baltman, C.S.O.
[23] Le groupe de personnes visées par cette action inclut, entre autres, toutes personnes qui sont propriétaires de maisons situées au Québec et qui contiennent des bardeaux d’asphalte organiques Iko.
[24] Le 13 janvier 2017, les parties impliquées dans ce dossier concluent un règlement national, mettant un terme à l’action collective, dont les modalités sont consignées dans une entente de règlement[2], laquelle est approuvée, le 8 janvier suivant, par la juge Baltman.
[25] Le 25 juillet 2017, le juge François Huot de la Cour supérieure du Québec reconnait et déclare exécutoire au Québec la dernière décision rendue par la juge Baltman, et ce, par jugement rendu dans le dossier portant le numéro 200-06-000130-115.
[26] Les passages pertinents du règlement national ayant mis fin à l’action collective intentée contre Iko sont les suivants :
« […] J. ATTENDU que la présente Entente de règlement ne modifie pas, ne déroge pas, n’améliore pas ou autrement ne change pas, et n’est pas conçue pour modifier, déroger, améliorer ou autrement changer, les Futures réclamations de garantie d’IKO disponibles relativement aux modalités strictes écrites et expresses de la Garantie limitée d’IKO applicable, ou de l’administration ou du traitement d’une telle garantie, dans la mesure limitée à ce qui est expressément indiqué à l’article 5.1 des présentes; et les Indemnités de règlement contenues dans la présente Entente de règlement sont conçues pour être complètement séparées des prestations disponibles relativement au Processus des réclamations de garantie d’IKO;
[…]
Section 1 -Définitions
Pour les fins de la présente entente de règlement seulement, y compris les Motifs et Annexes aux présentes :
[…]
(3) Action du Québec (Quebec Action) signifie l’action collective proposée intentée devant la Cour du Québec dont l’intitulé est Claude Beaudet c IKO Industries Ltd et al, Cour supérieure du Québec, district de Québec (dossier de la cour No. 200-06-000130-115).
[…]
(10) Bardeaux Organiques IKO (IKO Organic Shingles) signifie les bardeaux fabriqués par ou au nom d’IKO Industries Ltd., Canroof Corporation Inc., ou I.G. Machine & Fibers Ltd. avec un matériel renforcé de base de feutre saturé avec de l’asphalte, également connu comme bardeaux de toiture «organiques », fabriqués durant la période allant de 1979 à 2010 vendus sous le nom de: Chateau, Renaissance XL, Aristocrat, Total, Armour Seal, Superplus, Armour Lock, Royal Victorian, Cathédral XL, Ultralock 25, Armour Plus 20, Armour Tite, Chateau Ultra Shadow (asphalte laminé), Cathédral XL, Crowne 30, ou autre.
[…]
(30) Futures réclamations de garantie d’IKO (Future IKO Warranty Claims) signifie les Réclamations de garantie d’IKO liées à un problème avec les Bardeaux organiques IKO découvert après le 28 avril 2016 et reçues par IKO après le 28 mai 2016.
[…]
(58) Réclamations quittancées (Released Claims) signifie toutes les formes de réclamations, demandes, recours, actions en justice, causes d’action (y compris les Autres actions), qu’il s’agisse d’actions collectives, individuelles ou d’une autre nature, personnelles ou par subrogation, pour des dommages de quelque nature que ce soit (y compris les dommages compensatoires, punitifs ou autres) qui se soient produits ou non, responsabilité de quelque nature que ce soit, y compris les intérêts, coûts, dépenses, pénalités et honoraires d’avocats (y compris les Honoraires des avocats de l’action collective), connus ou inconnus, soupçonnés ou non soupçonnés, allégués ou non allégués, réels ou contingents et liquidés ou non liquidés, en droit, en vertu d’une loi ou en équité, liés de quelque façon que ce soit à toute conduite où que ce soit, du début des temps à la date des présentes, que les Renonciataires peuvent avoir eu, ont maintenant ou pourraient avoir à l’avenir contre les Parties quittancées relativement à tout défaut du produit, violation du contrat, violation de la garantie, violation de législation en matière de protection des consommateurs, invalidité de garantie, invalidité ou restriction au champ d’application de la quittance alléguée ou de toute autre réclamation alléguée concernant la conception ou la fabrication ou relativement à tout autre défaut des Bardeaux organiques IKO et/ou relativement à toute représentation trompeuse (expresse ou implicite) concernant la durabilité, la longévité, la qualité ou toute autre caractéristique des Bardeaux organiques IKO au Canada, et/ou liée à toute conduite alléguée (ou qui a été précédemment alléguée ou qui pourrait avoir été alléguée) dans les Procédures y compris, mais sans s’y limiter, toutes les réclamations qui ont été soulevées ou qui auraient pu être soulevées directement ou indirectement, au Canada ou ailleurs, y compris, mais sans s’y limiter, toutes les réclamations liées à l’achat, la vente, le marketing et la distribution des Bardeaux organiques IKO au Canada, le mauvais fonctionnement ou l’état des Bardeaux organiques IKO, les Dommages intérieurs ou indirects, subséquents ou postérieurs aux dommages qui se sont produits avant ou après la date des présentes relativement à toute conduite ou omission qui s’est produite avant la date des présentes relativement aux Bardeaux organiques IKO vendus au Canada. Toutefois, aucune disposition des présentes ne doit être interprétée comme donnant quittance : (i) de toute réclamation pour lésion corporelle ou blessure; (ii) de toute réclamation contre un couvreur ou un autre installateur d’un Membre du groupe liée seulement à l’installation incorrecte des Bardeaux organiques IKO, ou de toute autre réclamation similaire contre des Personnes autres que les Parties quittancées qui n’est en rien liée à la conception, fabrication et vente des Bardeaux organiques IKO et aux représentations ou prétendues fausses représentations des Défenderesses (et lorsque la réclamation contre la Personne est limitée à sa responsabilité, de sorte qu’aucune autre réclamation n’est faite contre une Partie quittancée pour contribution et/ou indemnité); (iii) des réclamations liées aux Bardeaux organiques IKO vendus et installés sur des toits à l’extérieur du Canada, y compris les réclamations formulées dans le cadre du Litige aux États-Unis; et (iv) des Futures réclamations de garantie d’IKO par les Membres du groupe individuellement en vertu de, mais seulement dans la mesure permise par les modalités expresses et écrites de, la Garantie limitée d’IKO applicable y compris, à des fins de clarification, toute action portée devant une cour canadienne, y compris une cour des petites créances, découlant d’un rejet de la part d’IKO de telles Futures réclamations de garantie d’IKO.»
(Soulignements ajoutés)
[27] Étant donné que les demandeurs ont découvert un problème concernant les bardeaux organiques fabriqués par Iko après le 28 avril 2016 et que cette dernière a reçu leur réclamation après le 28 mai de la même année, le règlement national ci-devant mentionné n’empêchait aucunement les demandeurs de faire valoir leur réclamation contre Iko devant la Division des petites créances de la Cour du Québec.
[28] Par conséquent, la demande en rejet formulée par Iko doit être rejetée.
2. Dans la négative, les demandeurs ont-ils démontré que les bardeaux fabriqués par Iko et installés sur la toiture de leur résidence n’ont pas servis à l’usage auquel ils étaient destinés pendant une durée raisonnable?
[29] Une réponse affirmative doit être donnée à cette question pour les raisons suivantes.
[30] La réclamation des demandeurs, dirigée contre Iko, est à la fois basée sur l'application de la garantie légale de qualité, prévue au Code civil du Québec, et de celles d'usage normal et de durabilité raisonnable prévues à la Loi sur la protection du consommateur (ci-après appelée «Lpc»)[3].
[31] Les dispositions prévues à l'article 37 de la Lpc,[4] traitent plus spécifiquement de la garantie d'usage normal alors que celles énoncées à l'article 38,[5] concernent la garantie de durabilité raisonnable.
[32] La garantie d'usage normal prévoit que le consommateur doit pouvoir faire un usage normal du bien qu'il achète, c'est-à-dire qu'il doit être exempt de défaut qui empêche l'usage auquel il est normalement destiné.
[33] Quant à la garantie de durabilité raisonnable, celle-ci prévoit qu'au moment de la vente, le bien doit être utilisable pendant une durée raisonnable.
[34] De plus, en tant que fabricant des bardeaux organiques achetés par les demandeurs en 2004, Iko est présumée connaître les défauts cachés pouvant les affecter, tant en vertu des articles 1729 et 1730 du Code civil du Québec que du troisième alinéa de l’article 53 de la Lpc.[6]
[35] En ce qui concerne l'application de ces garanties légales, les auteurs Nicole L'Heureux et Marc Lacoursière, dans leur ouvrage intitulé «Droit de la consommation»,[7] affirment ce qui suit :
« Par les articles 37 et 38, le législateur veut empêcher que des biens qui ne procurent pas un usage normal ou qui sont invendables parce qu'ils ne répondent pas à leur finalité, ni à l'attente légitime du consommateur, soient mis en marché. La notion d'usage normal est très voisine de celle des défauts cachés. Les critères traditionnels nécessaires à la détermination d'un vice caché, soit que le vice soit caché et non apparent, inconnu de l'acheteur, antérieur à la vente et suffisamment grave, se retrouvent en droit de la consommation. Toutefois, vu la présence d'une présomption, la démonstration en preuve de certains de ces critères s'en trouve facilité.»[8]
[36] Quant à la notion d'attente légitime du consommateur, ils ajoutent ce qui suit:
« (…) Il arrive que le bien ou le service ne soient pas conformes à l'attente légitime du consommateur sans pour cela être altérés ou détériorés. Le professeur Jean Calais-Auloy donne l'exemple d'un produit de qualité inférieure vendu comme un produit de qualité supérieure. L'attente légitime s'apprécie en fonction de divers facteurs : la nature du produit, sa destination, l'état de la technique, les informations données par le fabricant et le distributeur, et les stipulations du contrat. L'attente légitime est celle du consommateur; il n'appartient pas au commerçant ni au fabricant de la déterminer. [9]
(…) L'article 1726 du Code civil reprend les mêmes termes en plus d'ajouter: «[…] ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté ou n'aurait pas donné un si haut prix, s'il les avait connus».
Ce principe, qu'énoncent le Code civil du Québec et l'article 37, a pour effet d'imposer au fabricant et au commerçant un résultat précis de ne pas fournir un produit qui ne répond pas à l'attente raisonnable du consommateur ou qui est défectueux.[10]»
(Soulignements ajoutés)
[37] Ces mêmes principes furent repris et confirmés par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Fortin c. Mazda Canada inc.[11].
[38] Enfin, lorsque le fabricant manque à une de ses obligations prévues à la Lpc, l’article 272 de cette loi offre au consommateur les recours suivants :
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l'exécution de l'obligation;
b) l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[39] Dans le présent cas, la détérioration prématurée des bardeaux en litige a été démontrée et malgré les prétentions d’Iko, rien n’indique que leur installation par Moniz, en 2004, fut réalisée contrairement aux règles de l’art.
[40] De plus, l’ajout d’aérateurs sur la partie de la toiture recouvrant le garage de la résidence des demandeurs ne permet pas de conclure, sans preuve additionnelle, que la détérioration des bardeaux qui s’y trouvaient résulte d’une mauvaise aération de cette partie du toit.
[41] D’ailleurs, des signes semblables de détérioration étaient tout aussi présents ailleurs, soit sur les deux versants des autres parties de la toiture de l’immeuble.
[42] Quoiqu’aucun vice concernant l’étanchéité des bardeaux n’ait été démontré, les fissures de surface et le soulèvement de plusieurs parties de ceux-ci ont eu pour résultat d’affecter sérieusement leur apparence.
[43] Or, leur défectuosité ne peut s’analyser simplement par leur degré d’imperméabilité, car les qualités esthétiques et visuelles du revêtement de la toiture d’une résidence constituent des éléments importants de son apparence générale et font partie des attentes légitimes de son propriétaire.[12]
[44] D’ailleurs, dans son certificat de garantie de ses bardeaux organiques modèle «Château», garantie trente-cinq ans, Iko les décrits, au même titre que ses autres bardeaux d’asphalte, comme étant des produits de haute qualité, reconnus mondialement, et améliorants la valeur marchande des propriétés qui en possèdent.
[45] Par conséquent, la détérioration prématurée de l’aspect esthétique de ces mêmes bardeaux constitue une manifestation qu’ils sont alors atteints d’un déficit d’usage.
[46] Par conséquent, le Tribunal est en désaccord avec les décisions qui subordonnent l’application des garanties légales, prévues aux articles 37 et 38 de la Lpc, à la démonstration de l’existence d’infiltration d’eau provenant d’une toiture recouverte de bardeaux qui seraient atteints d’un tel défaut.
[47] D’ailleurs, la garantie offerte par Iko, limitée aux cas d’infiltration, découlant de vices de fabrication de ses bardeaux «Château», est inopposable aux demandeurs, et ce, conformément à l’article 262 de la Lpc.[13]
[48] En effet, cette garantie limitée ne peut faire échec à l’application des garanties d’usage normal et de durabilité raisonnable prévues aux articles 37 et 38 de la Lpc, lesquels sont d’ordre public.
[49] De plus, le Tribunal, suivant l’ensemble des photographies mises en preuve lors de l’instruction, montrant l’état du revêtement de la toiture de la résidence des demandeurs, au cours du mois de juin 2016, conclut que la majorité des bardeaux d’asphalte en litige, à ce moment, soufre d’usure et de détérioration prématurées qui, sans avoir causé des infiltrations d’eau, ne peuvent rencontrer les attentes légitimes d’un consommateur moyen, quant à la leur aspect esthétique, et ce, après 12 ans suivant leur installation.
[50] Il en résulte que les demandeurs étaient en droit de s’attendre à ce que les bardeaux en litige gardent une belle apparence, minimalement durant la période de validité de la garantie limitée offerte par Iko, soit pendant vingt-cinq ans à compter de leur installation.
[51] En conclusion, ils ont démontré, selon la balance des probabilités et les règles de droit applicables, l’existence d’un déficit d’usage des bardeaux fabriqués par Iko et leur ignorance de ce déficit lors de leur acquisition.
[52] Même en regard des dispositions prévues à l’article 1729 CcQ, Iko n’a pas réussi à démontrer que ce déficit résulte de leur mauvaise installation, de la faute des demandeurs, d’un manque de ventilation du sous-toit de leur résidence ou d’une force majeure.
[53] Par conséquent, en vertu de l’article 272 de la Lpc, les demandeurs bénéficient de la présomption absolue d’avoir subi un préjudice leur donnant droit aux recours énoncés à cette disposition.
3. Dans l’affirmative, quelle est la valeur de l’indemnité que les demandeurs sont en droit de recevoir.
[54] Les demandeurs réclament le remboursement partiel du coût de remplacement complet des bardeaux d’asphalte fabriqués par Iko afin de pouvoir présenter leur réclamation devant la Division des petites créances de la Cour du Québec.
[55] En ce qui concerne la détermination des sommes qu’un acheteur d’un bien atteint d’un vice caché peut se voir octroyer, les règles suivantes doivent être considérées.
[56] L'indemnisation dans un tel cas ne doit pas être une source d'enrichissement pour un acheteur, mais doit uniquement lui permettre d’obtenir une réparation intégrale.
[57] Un certain pourcentage de dépréciation doit donc, en principe, être pris en considération lorsque des réparations s'avèrent nécessaires afin d'éviter qu'un acheteur ne se retrouve pas avec un bien augmenté de valeur[14].
[58] En effet, l’indemnité ne correspondra pas toujours nécessairement au coût des réparations, mais constituera seulement un élément de base dans l'établissement de sa valeur[15].
[59] Cependant, lorsque le vendeur et le fabricant ne peuvent ignorer l'existence du vice, comme dans le présent cas, l’acheteur a aussi droit à des dommages-intérêts puisque leur responsabilité est alors présumée.
[60] Enfin, quant à l’octroi de dommages punitifs ou exemplaires, celui-ci est subordonné à la preuve prépondérante que le fabricant a «agi de manière intentionnelle, malveillante ou vexatoire, ou encore que sa conduite peut se qualifier d’ignorance sérieuse, d’insouciance ou de négligence atteignant ce niveau de gravité.»[16]
[61] Dans le présent cas, les demandeurs ont tenu compte d’une dépréciation d’un peu plus de 34 % calculée en fonction des années d’usage des bardeaux organiques en litige et de la durée de la garantie les concernant offerte par Iko.
[62] Cette façon de faire n’a pas fait l’objet d’une contestation de la part d’Iko ni en ce qui concerne le montant payé par les demandeurs à Toitures Laval pour leur remplacement.
[63] D’ailleurs, étant donné que la détérioration de leur aspect esthétique était présente sur les deux versants de la toiture de leur résidence, leur remplacement complet s’avérait alors nécessaire.
[64] Par conséquent, les demandeurs ont démontré leur droit d’obtenir d’Iko le paiement d’une somme de 4 051,62 $,[17] représentant le coût déprécié des travaux réalisés par Toitures Laval.
[65] Cependant, ils n’ont pas droit à des dommages punitifs ni exemplaires faute d’avoir démontré, selon la balance des probabilités, les éléments nécessaires, énoncés précédemment, pouvant justifier leur octroi.
[66] Le simple fait que les bardeaux en litige, fabriqués par Iko, étaient non conformes aux garanties légales de qualité prévues à la Lpc, ne permet pas au Tribunal de conclure qu’Iko a fait preuve d’une conduite répréhensible ou d’un comportement que cette loi vise à réprimer.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[67] REJETTE la demande en rejet présentée lors de l’instruction par Iko Industries Ltd à l’encontre de la réclamation des demandeurs;
[68] ACCUEILLE en partie la réclamation des demandeurs, monsieur Philippe Gariépy et madame Denise Beaulieu;
[69] CONDAMNE la défenderesse, Iko Industries Ltd, à payer aux demandeurs, monsieur Philippe Gariépy et madame Denise Beaulieu, la somme de 4 051,62 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter du 31 août 2016, date d’envoi de leur mise en demeure;
[70] CONDAMNE la défenderesse, Iko Industries Ltd, à payer aux demandeurs, monsieur Philippe Gariépy et madame Denise Beaulieu, les frais de justice de 185,00 $.
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__________________________________ Pierre Cliche, J.C.Q. |
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Date de l’audition : |
28 mai 2018 |
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[1] La preuve de paiement de la facture émise par Toitures Laval a été fournie par les demandeurs au Tribunal, à sa demande, le lendemain de la tenue de l’instruction.
[2] Pièce D-9.
[3] R.L.R.Q. c. P-40.1
[4] 37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
[5] 38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[6] 53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
[7] Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 6e édition, 2011.
[8] Ibid., page 101, paragraphe 83.
[9] Ibid., page 98, paragraphe 80.
[10] Ibid, page 99, paragraphe 81.
[11] 2016 QCCA 31, paragraphes 57, 58, 60 à 79 et 81à 85 de l’arrêt.
[12] Jonca c. Iko Industries Ltd., 2008 QCCQ 6859; Paré c. Industries Iko Ltée., 2011 QCCQ 1541;
[13] 262. À moins qu’il n’en soit prévu autrement dans la présente loi, le consommateur ne peut renoncer à un droit que lui confère la présente loi.
[14] Chevalier c. Gariépy, 1987 AZ-87018237; Desjardins c. Plourde, 2008 AZ-50302054.
[15] Boulay c. Nadeau, 1996 AZ-50187944; Chamberland c. Bérubé, 2003-01-06 AZ-50157978.
[16] Fortin c. Mazda Canada inc., supra note 8, paragraphe 151 de l’arrêt; Voir aussi : Richard c. Time inc., 2012 CSC 8, paragraphe 178 de l’arrêt.
[17] 6 165,51 $ x 23 / 35 = 4 051,62 $.
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