COMITÉ DE DISCIPLINE | ||||
Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec | ||||
CANADA | ||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||
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No: | 33-22-2426 | |||
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DATE : 2 juin 2023 |
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LE COMITÉ : | Me Jean-Pierre Morin, avocat | Vice-président | ||
M. Carlos Ruiz, courtier immobilier | Membre | |||
M. Christian Goulet, courtier immobilier | Membre | |||
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ALEXANDRA TONGHIOU, ès qualités de syndique adjointe de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec | ||||
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c. | ||||
ARNAUD DENIS (E8320) | ||||
Partie intimée | ||||
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DÉCISION SUR SANCTION | ||||
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[1] Le 11 mai 2023, le Comité de discipline de l’OACIQ se réunissait pour procéder à l’audition des représentations sur sanction dans le dossier numéro 33-22-2426;
[2] La syndique adjointe était alors représentée par Me Betul Guler et de son côté, l’intimé était absent;
[3] Le Greffe informa alors que l’intimé avait reçu la décision sur culpabilité ainsi que l’avis d’audience, mais n’avait pas donné suite. De plus, une tentative de rejoindre l’intimé séance tenante par téléphone s’est heurté à un numéro discontinué;
[4] Le Comité procède donc aux représentations sur sanctions conformément à l’article 46 du Règlement sur les Instances disciplinaires de l’OACIQ;
[5] Dans la décision sur culpabilité, l’intimé a été reconnu coupable des 4 chefs de la plainte comme suit :
Chef 1: pour avoir contrevenu à l’article 2 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité;
Chef 2: pour avoir contrevenu à l’article 69 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité;
Chef 3: pour avoir contrevenu à l’article 69 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité;
Chefs 4 a) à 4 e): pour avoir contrevenu à l’article 2 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité;
[6] L’article 2 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité se lit comme suit :
Le titulaire de permis doit éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts et, s’il ne peut l’éviter, il doit le dénoncer sans délai et par écrit aux intéressés.
[7] L’article 69 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité se lit comme suit :
Le courtier ou le dirigeant d’agence ne doit participer à aucun acte ou pratique, en matière immobilière, qui puisse être illégal ou qui puisse porter préjudice au public ou à la profession.
[8] Donc, deux chefs pour conflit d’intérêts et deux chefs pour appropriation;
[9] Me Guler rappelle les objectifs que doit rechercher un Conseil ou Comité de discipline lors de l’imposition de sanctions tel qu’enseigné par la Cour d’appel dans la cause de Pigeon c. Daigneault[1];
[10] Protection du public, dissuasion, exemplarité et droit de l’intimé de gagner sa vie;
[11] Ces objectifs sont modulés par des facteurs objectifs ou subjectifs atténuants ou aggravants, le tout permettant une sanction qui tient compte de l’individu visé par la décision;
[12] Concernant les facteurs objectifs, les infractions dont l’intimé a été trouvé coupable sont d’une gravité des plus lourdes, car d’une part le conflit d’intérêts met en cause la protection du public et l’intégrité de la profession et d’autre part l’appropriation est honnie et sévèrement réprouvée dans tous les ordres professionnels;
[13] Au niveau de facteurs subjectifs aggravants, Me Guler souligne que l’intimé est un professionnel d’expérience étant inscrit comme courtier depuis 2009, il a agi de mauvaise foi, il a tenté d’éluder sa responsabilité professionnelle en invoquant toute sorte de prétextes pour ne pas procéder, il a démontré un non-respect du processus disciplinaire et le risque de récidive est très important;
[14] Le seul facteur subjectif atténuant est l’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé;
Chef 1 : Conflit d’intérêts
[15] L’intimé a profité de la situation et de la confiance aveugle de ses clients pour leur emprunter de l’argent en sachant pertinemment qu’il ne leur rembourserait pas cette somme de 15 000$, mise de côté pour faire des travaux;
[16] Ses clients ont payé une somme plus importante pour acheter un immeuble sur les conseils mal avisés de l’intimé;
[17] Le spectre des sanctions dans pareilles situations va d’amendes à une suspension de 90 jours;
[18] Me Guler illustre ses propos des causes suivantes :
● Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Catarino, 2016 CanLII 87237 (QC OACIQ)
● Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Després, 2014 CanLII 25294 (QC OACIQ)
[19] Une suspension de permis de 60 jours semble donc appropriée selon la partie plaignante;
Chef 2 : Appropriation
[20] Ici, l’intimé a poussé l’outrecuidance en obtenant de l’agence à laquelle il était rattaché une somme de 3 000$ qui devait être remise à ses clients en échange d’une quittance, et ce pour ses fins personnelles en toute connaissance de cause;
[21] Pour ce chef, Me Guler réclame une suspension de permis de 180 jours et une ordonnance de remise de 3 000$;
[22] Me Guler réfère le Comité aux causes suivantes :
● Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Cayer, 2017 CanLII 15526 (QC OACIQ)
● Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Chao, 2021 CanLII 27560 (QC OACIQ);
● Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Vandal, 2019 CanLII 37015 (QC OACIQ);
Chef 3 : Fabrication de faux
[23] Ici, l’intimé appose la signature électronique de ses clients sur la quittance remise par l’agence en contrepartie de la somme de 3 000$;
[24] L’agence a découvert le faux en faisant un suivi de la signature de la quittance auprès des clients;
[25] La faute pour un professionnel de fabriquer un faux est d’une gravité absolue, elle est une attaque à la protection du public et terni l’image de la profession;
[26] Cette faute est intolérable et doit être traitée ainsi par le Comité;
[27] Me Guler réclame une suspension de permis pour une période de 90 jours et appui ses remarques sur les causes suivantes :
● Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Larivière, 2016 CanLII 78375 (QC OACIQ)
● Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Hudon, 2021 CanLII111482 (QC OACIQ); Hudon c. Frigon, 2023 QCCQ 1810 (CanLII)
● Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Blangez, 2019 CanLII 128124 (QC OACIQ); Blangez c. Deschamps, 2021 QCCQ 9121 (CanLII)
[28] Deux de ces causes ont fait l’objet d’appels qui furent rejetés;
Chef 4 : Conflit d’intérêts
[29] L’intimé a tiré avantage de son statut et de la naïveté de ses clients en empruntant de ces derniers une somme de 10 000$;
[30] Ce genre de faute est un classique en matière de déontologie professionnelle et se retrouve dans toutes les professions;
[31] Il est difficile de comprendre comment un professionnel peut croire qu’il peut se sortir d’un tel subterfuge, mais d’années en années, ce genre de fautes se retrouve dans les annales judiciaires;
[32] Le Comité devrait réitérer qu’il y a tolérance zéro pour de telles infractions;
[33] Me Guler demande une suspension de permis de 60 jours et une ordonnance de remboursement de 10 000$ en invoquant les causes suivantes :
● Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Sayegh, 2018 CanLII 73086 (QC OACIQ); Sayegh c. Gardner, 2019 QCCQ 2959 (CanLII); Sayegh c. Popescu,2019 QCCS 4290 (CanLII)
● Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Mikova, 2021 CanLII 12656 (QC OACIQ)
● Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Riendeau, 2017 CanLII 11683 (QC OACIQ); Riendeau c. Deschamps, 2018 QCCQ 5664 (CanLII)
[34] En outre, Me Guler demande que les périodes de suspensions soient purgées de façon consécutive, car cela permettra à l’intimé de prendre un recul nécessaire et un moment de réflexion pour se corriger pour l’avenir;
[35] Les demandes de suspensions requises par la partie plaignante équivalent à 390 jours. C’est une longue période, mais le Comité, même en appliquant le principe de globalité, ne peut s’en distinguer;
[36] Les fautes de l’intimé se sont déroulées sur une période de trois années et les prétextes invoqués pour agir comme il l’a fait auprès des tiers visés ont également été invoqués pour tenter d’éluder ses obligations professionnelles devant le Comité de discipline;
[37] L’intimé est chroniquement défaillant envers la profession et le délai de 390 jours de suspension est une dernière chance pour se corriger;
[38] Le Comité juge que dans les circonstances du présent dossier, les principes dégagés dans la cause de Tan c. Lebel[2] qui a déterminé quand des suspensions doivent être purgées de façon concurrente ou consécutive s’appliquent;
[39] Le Comité est en parfait accord avec les représentations de la partie plaignante et considère que ces sanctions sont justes, raisonnables et appropriées au cas sous étude;
PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :
Chef 1 :
ORDONNE la suspension du permis de courtier immobilier (E8320) de l’intimé pour une période de 60 jours, à être purgée à l’expiration des délais d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, suspendre le permis au moment où il en redeviendra titulaire;
Chef 2 :
ORDONNE la suspension du permis de courtier immobilier (E8320) de l’intimé pour une période de 180 jours, à être purgée à l’expiration des délais d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, suspendre le permis au moment où il en redeviendra titulaire;
ORDONNE à l’intimé, conformément aux articles 98 al.1(4) et 103 de la Loi sur le courtage immobilier, de remettre à Via Capitale du Mont-Royal la somme de
3 000$, dans les 20 jours suivant l’expiration des délais d’appel, à défaut de quoi, son permis pourra être révoqué conformément à l’article 19 (6) b) du Règlement sur les permis de courtier et d’agence et ce jusqu’à ce qu’il ait satisfait à cette obligation;
Chef 3 :
ORDONNE la suspension du permis de courtier immobilier (E8320) de l’intimé pour une période de 90 jours, à être purgée à l’expiration des délais d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, suspendre le permis au moment où il en redeviendra titulaire;
Chef 4 a) à 4 e):
ORDONNE la suspension du permis de courtier immobilier (E8320) de l’intimé pour une période de 60 jours, à être purgée à l’expiration des délais d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, suspendre le permis au moment où il en redeviendra titulaire;
ORDONNE à l’intimé, conformément aux articles 98 al.1(4) et 103 de la Loi sur le courtage immobilier, de remettre à Charlotte de Bodman et Cyrill Launay la somme de 10 000$, dans les 20 jours suivant l’expiration des délais d’appel, à défaut de quoi, son permis pourra être révoqué conformément à l’article 19 (6) b) du Règlement sur les permis de courtier et d’agence et ce jusqu’à ce qu’il ait satisfait à cette obligation;
ORDONNE que les périodes de suspension des chefs 1, 2, 3 et 4 a) à 4 e) soient purgées de façon consécutive entre elles;
ORDONNE qu’un avis de la décision de suspension soit publié dans un journal le plus susceptible d’être lu par la clientèle de l’intimé, dans l’arrondissement Mont-Royal – Montréal, à l’expiration des délais d’appel, si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire;
PERMET la notification de la présente décision à l'adresse courriel de l'intimé consignée au registre de l'OACIQ pour valoir signification;
CONDAMNE l’intimé à tous les frais de l’instance, incluant ceux se rapportant à la publication de l’avis de suspension.
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____________________________________ Me Jean-Pierre Morin, avocat Vice-président
____________________________________ M. Carlos Ruiz, courtier immobilier Membre
____________________________________ M. Christian Goulet, courtier immobilier Membre
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Me Betul Guler | |
Avocate de la partie plaignante | |
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Arnaud Denis | |
Partie intimée, absente | |
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Date d’audience : 11 mai 2023 |
[1] 2003 Can LII 32934 (QC CA);
[2] 2010 QCCA 667 (CanLII);
AVIS :
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