Décision

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Investissements So-Bel inc. c. Kutschera

2024 QCCA 1089

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-029749-215

(540-17-012215-165) (540-17-012234-166)

 

DATE :

26 août 2024

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

PATRICK HEALY, J.C.A.

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

 

 

 

540-17-012215-165

 

LES INVESTISSEMENTS SO-BEL INC.

APPELANTE – défenderesse

c.

 

RETO KUTSCHERA

FIDUCIE ALFA

INTIMÉS – demandeurs

et

OFFICIER DE LA PUBLICITÉ DES DROITS DE LA CIRCONSCRIPTION FONCIÈRE DE LAVAL

 MIS EN CAUSE

 

 

 

540-17-012234-166

 

LES INVESTISSEMENTS SO-BEL INC.

APPELANTE – demanderesse

c.

 

RETO KUTSCHERA

FIDUCIE ALFA

INTIMÉS – défendeurs

et

OFFICIER DE LA PUBLICITÉ DES DROITS DE LA CIRCONSCRIPTION FONCIÈRE DE LAVAL

MIS EN CAUSE

 

 

ARRÊT

 

 

 

[1]                L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 22 septembre 2021 par la Cour supérieure (l’honorable Tiziana Di Donato)[1], lequel :

-          accueille la demande en passation de titres de l’intimée Fiducie Alfa introduite dans le dossier 540-17-012215-165;

-          ordonne à l’appelante de lui céder ses titres de propriété sur trois terrains situés à Laval (les « Terrains ») pour le prix de 10 700 000 $, le solde demeurant dû après la conclusion de la transaction chez le notaire, soit 4 700 000 $, devant être payé par l’intimée au moyen de versements égaux les 31 octobre 2022, 2023, 2024 et 2025, sans intérêt;

-          condamne l’intimée à payer à l’appelante, en sus du prix de vente, 175 034,20 $ au titre de pénalités pour le retard à clore la transaction;

-          condamne l’appelante à payer 147 000°$ en dommages-intérêts à l’intimée, représentant une partie des intérêts payés par cette dernière à son prêteur, avec l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 10 mai 2019;

-          ordonne la compensation entre cette somme de 147 000 $ due par lappelante et celle que doit lui payer l’intimée au titre du prix de vente et des pénalités;

-          rejette, dans le dossier n° 540-17-012234-166, la demande de l’appelante en radiation de l’avis de préinscription de la demande en passation de titres de l’intimée;

-          condamne l’appelante aux frais de justice dans les deux dossiers.

 

 

[2]                La Cour est d’avis que l’appel est bien fondé.

[3]                Une revue des étapes qui ont ponctué le litige et de l’historique procédural sera d’abord utile à la compréhension de ce dispositif et des raisons qui le sous-tendent. D’autres faits seront plus spécifiquement abordés lors de l’analyse des questions que soulève l’appel.

Contexte

[4]                Le 25 août 2015, l’intimé Kutschera promet d'acheter les Terrains de l’appelante, lui-même ou une société à être désignée ultérieurement[2] (la « Promesse »; également désignée ainsi globalement avec l’un et/ou l’autre de ses trois addenda ultérieurs). Cette Promesse, acceptée par l’appelante le même jour, prévoit notamment que :

-          le prix sera de 10 700 000 $;

-          les parties signeront l’acte de vente le ou avant le 20 février 2016;

-          l’acheteur versera un acompte non remboursable de 200 000 $ à la levée des conditions (soit l’inspection préalable des Terrains et des « documents reliés à l’opération de l’Immeuble »);

-          l’acheteur paiera la somme de 5 800 000 $ à la signature de l’acte de vente;

-          le solde du prix de vente de 4 700 000 $ sera acquitté au moyens de paiements égaux et consécutifs de 1 175 000 $ les 20 février 2017, 2018, 2019 et 2020;

-          l’acte de vente comprendra une clause résolutoire et les clauses garantissant habituellement le paiement d’un solde de prix de vente d’un immeuble[3].

[5]                Le 23 septembre 2015, Kutschera cède tous ses droits et toutes les obligations qui lui incombent aux termes de la Promesse à l’intimée, dont monsieur Tinel Timu Timu ») est le représentant et l’un des fiduciaires[4].

[6]                Plus tard le même jour, l’intimée lève les conditions et verse à l’appelante l’acompte non remboursable de 200 000 $ prévu dans la Promesse.

[7]                Toutefois, peu avant le 20 février 2016, l’intimée informe le courtier de l’appelante, en l’occurrence monsieur Jean-Marc Proulx (« Proulx »), qu’elle ne dispose pas des fonds nécessaires pour conclure la transaction à cette date convenue dans la Promesse :

Q. Alors, l’offre d’achat, le projet de… le contrat de vente doit intervenir le 20 février. Dites à Madame la juge qu’est-ce qui est arrivé.

R. Bien, un petit peu avant le 20 février, on a communiqué puis on a compris qu’on ne pouvait pas se rendre… à cette date-là, on ne pouvait pas passer au notaire.

Q. Pourquoi?

R. Parce qu’il n’avait pas les sous.

Q. O.K.

R. À cette date-là, il n’avait pas les sous.

Q. Qui vous la dit.

R. Monsieur Timu.[5]

[8]                C’est ainsi que le 18 février 2016, à la demande de l’intimée, l’appelante accepte un addendum à la Promesse[6] afin de reporter la date de la transaction de quelques semaines, soit au plus tard le 30 mars 2016. Les conditions suivantes sont aussi convenues :

-          à compter du 21 février 2016 et jusqu’à la signature de l’acte de vente, une pénalité de retard de 1 000 $ par jour s’ajoute au prix de vente;

-          un acompte supplémentaire non remboursable de 500 000 $ sera payé par l’intimée le ou avant le 19 février 2016;

-          le montant payable lors de la signature de l’acte de vente sera de 5 300 000 $ plutôt que le 5 800 000 $ prévu dans la Promesse;

-          un projet d’acte de vente sera transmis à l’appelante le ou avant le 24 février 2016;

-          toutes les autres conditions de la Promesse demeurent inchangées, incluant donc la clause résolutoire à être incluse dans l’acte de vente en faveur de l’appelante;

-          « Tous les délais mentionnés aux présentes seront des délais de rigueur » (soulignement ajouté).

[9]                Il n’a pas été contesté que c’est l’intimée qui a proposé les ajouts à la Promesse relatifs à la pénalité de retard, à l’acompte supplémentaire et à la qualification du délai de rigueur, et ce, afin de convaincre les représentants de l’appelante d’accepter le report de la date de clôture[7].

[10]           L’acompte additionnel non remboursable de 500 000 $ est payé par l’intimée le jour suivant l’acceptation de l’addendum.

[11]           Cela étant, le 25 février 2016, avec une journée de retard par rapport au délai convenu dans l’addendum, le notaire Pagé transmet un projet d’acte de vente au courtier Proulx. Conformément à la condition prévue dans la Promesse, le projet contient, en sus d’une garantie hypothécaire du paiement du prix de vente, une clause résolutoire en faveur de l’appelante garantissant le respect par l’intimée de toutes et chacune de ses obligations :

CLAUSE RÉSOLUTOIRE :

Au cas de défaut de l’acheteur de se conformer à l’une ou l’autre des conditions des présentes et notamment dans chacun des cas prévus à la clause de défauts, le vendeur aura le droit, s’il le juge à propos, et sans préjudice à ses autres recours, de demander la résolution de la présente vente, après avoir servi à qui de droit le préavis requis par la loi.

En ce cas, le vendeur reprendra l’immeuble et les autres biens vendus sans être tenus à aucune restitution pour les acomptes reçus jusqu’alors en capital ou intérêt, ni à aucune indemnité pour les réparations, améliorations et constructions faites à l’immeuble par qui que ce soit, ces acomptes, réparations, améliorations et constructions restant acquis au vendeur à titre de dommages-intérêts liquidés.

[12]           Puis, quelques jours avant le 30 mars 2016, l’intimée informe le courtier Proulx qu’elle ne dispose toujours pas des fonds nécessaires pour conclure la transaction :

Q. Alors, dites à Madame la juge comment est-ce que vous avez su que ça n’a pas fonctionné.

R. Bien, peut-être une dizaine de journées avant, on a contacté… bien, on essayait de… je parlais avec monsieur Timu, on avait une belle relation. […]. On parlait avec monsieur Timu, puis à tous les jours, j’essayais d’avoir une date, avoir des réponses du notaire. Monsieur Stermer, à tous les jours m’en parlait : Jean-Marc, ça nous prend… avance, avance avec ce dossier-là. […]. Puis on s’est rendu compte que ça ne fonctionnerait pas pour la date déterminée.

Q. Et pourquoi est-ce que ça n’a pas fonctionné pour la date déterminée?

R. De ce que je sais, c’est toujours une question d’argent. Il n’y avait pas de… l’argent n’arrivait pas. Ça fait que nous, on ne peut pas passer au notaire s’il n’a pas les sous.[8]

[Soulignements ajoutés]

[13]           L’intimée propose à nouveau le report de la date de la transaction. Le témoignage non contredit du courtier Proulx est révélateur de la dynamique entre les parties à ce moment :

Q. Et qu’elle a été… comment ont été les négociations pour négocier une nouvelle date?

R. Bien, c’est la, ça a été un petit peu plus compliqué, mais on a…

Q. Pourquoi ça a été plus compliqué?

R. Bien, c’est que les Stermer n’avaient pas le goût. Les vendeurs se sont mis à croire que la transaction… ils m’ont fait comprendre que : Jean-Marc, j’ai l’impression qu’on n’en viendra pas à bout.

[…] [Interventions et échanges entre la juge et les avocats]

R. De façon certaine, le premier addenda a été facile à faire signer aux Stermer; le deuxième a été beaucoup plus compliqué, ils ne croyaient plus en la transaction. Moi, j’ai toujours voulu y croire, mais là, ils n’y croyaient plus. Puis on a eu une signature, donc on a eu encore une autre extension de délai.[9]

[Soulignements ajoutés]

[14]           C’est ainsi qu’un deuxième addendum, proposé par l’intimée le 29 mars 2016, est accepté par l’appelante le 5 avril suivant[10]  le deuxième addendum ») afin de reporter la date de la transaction au plus tard le 15 août 2016. Les modifications et ajouts suivants sont aussi convenus :

-          à compter du 21 février 2016 et jusqu’au 31 mars 2016, une pénalité de retard de 1 000 $ par jour s’ajoute au prix de vente;

-          à compter du 1er avril 2016 et jusqu’à la date de signature de l’acte de vente, une pénalité équivalant à 6 % d’intérêt calculé annuellement s’ajoute aussi au prix de vente;

-          un projet d’acte de vente « et de balance de vente » [i.e. le calcul de la pénalité de retard de 1 000 $ par jour du 21 février au 31 mars 2016 et l’intérêt annuel de 6 % à compter du 1er avril] doit être fourni au vendeur le ou avant le 1er mai 2016.

[15]           Tout comme dans celui du 18 février 2016, ce nouvel addendum précise que les délais sont de rigueur et que toutes les autres conditions de la Promesse demeurent inchangées. L’obligation de l’intimée d’inclure une clause résolutoire en faveur de l’appelante dans l’acte de vente à lui être transmis demeure donc valide et exécutoire.

[16]           Le 25 juillet, Proulx transmet un message texte à Timu l’informant que « […] les Stermer aimeraient avoir une date pour le closing ». Il revient à la charge le lendemain pour préciser que le notaire de l’appelante a laissé plusieurs messages à celui de l’intimée, le notaire Pagé, « et il a jamais de retour ». Le même jour, Timu répond : « Fermé jusqu’au 15 août […] ».

[17]           Dans ces circonstances, le 29 juillet 2016, l’appelante transmet une mise en demeure à l’intimée afin de lui rappeler que la transaction doit être conclue au plus tard le 15 août suivant et qu’elle n’a toujours pas reçu de projet d’acte de vente incluant le détail de la « balance de vente ». Elle ajoute que l’intimée devra lui confirmer dans les 48 heures qu’elle sera en mesure, lors de la transaction, d’acquitter, en sus du montant de 5 300 000 $ payable à ce moment, la somme de 280 969,86 $ représentant, selon son évaluation, la pénalité de retard de 1 000 $ par jour entre le 21 février et le 31 mars 2016 et l’intérêt au taux annuel de 6 % à compter du 1er avril 2016. Enfin, l’appelante précise qu’à défaut de clore la transaction le 15 août 2016, « la promesse d’achat ainsi que les addenda seront annulés ».

[18]           Le 9 août, vu la non-disponibilité du notaire de l’intimée et avec l’assentiment de cette dernière, les avocats de l’appelante confirment à Timu que le notaire de cette dernière, Me Jamie Malus (« Malus »), remplacera Me Pagé, à la condition qu’il reçoive, au plus tard le 15 août, conformément à la Promesse, le montant de 5 300 000 $ payable au moment de la transaction ainsi que la somme payable au titre de la pénalité de retard et de l’intérêt de 6 %. L’appelante insiste à nouveau sur le respect du délai ultime du 15 août :

Dans le cas où les fonds nécessaires pour procéder à la vente ne sont pas transmis à Me Jamie Malus par virement bancaire le ou avant le 15 août 2016 afin de permettre l’exécution de la vente pour le 15 août 2016, ce défaut s’ajoutera à tous les autres défauts de votre part, et décrit dans notre lettre du 29 juillet 2016.

[Soulignement ajouté]

[19]           Les parties conviennent donc d’un nouvel addendum afin de modifier la clause 7.1 de la Promesse, confirmer ainsi que le notaire Malus est mandaté pour recevoir la transaction et que toutes les autres conditions de la Promesse et du deuxième addendum demeurent inchangées[11].

[20]           Dès lors, l’intimée donne instructions au notaire Malus de s’assurer que la transaction pourra être conclue le 15 août[12].

[21]           Deux jours plus tard, le 11 août, Proulx transmet un message texte à Timu lui demandant : « Avez-vous des nouvelles de votre prêt ». Or, l’intimée ne bénéficie toujours pas du financement nécessaire à la transaction.

[22]           Le même jour, les procureurs de l’appelante transmettent à l’intimée, notamment par huissier et à l’adresse courriel personnelle de Timu, une lettre lui rappelant l’échéance du 15 août pour passer titres, accompagnée d’un projet d’acte de vente et d’un projet d’« adjustment sheet » [i.e. le calcul de la pénalité de retard et de l’intérêt annuel de 6 %] préparés par le notaire Malus[13]. Conformément aux termes de la Promesse, le projet d’acte de vente inclut, en sus d’une garantie hypothécaire, une clause résolutoire en faveur de l’appelante.

[23]           Le même jour, le notaire Malus transmet lui aussi directement à Timu, à son adresse personnelle, un courriel l’informant avoir parlé aux représentants de l’appelante plus tôt et que « they were still hopeful and expecting that you would be able to proceed to closing on August 15, in accordance with the offer ». Le notaire joint lui aussi son projet d’acte de vente et d’« adjustment sheet », « for your review », et fournit à Timu les coordonnées nécessaires pour le transfert des sommes nécessaires à la transaction dans son compte en fiducie[14].

[24]           Le lendemain 12 août, Timu répond succinctement au notaire Malus : « I’m on it »[15] et ne lui revient pas pour lui indiquer que son projet d’acte de vente ou d’ajustement ne sont pas conformes.

[25]           Cela étant, les 13 et 14 août, Timu échange des courriels avec des représentants de l’institution prêteuse de l’intimée, la Banque de Montréal (« BMO »), afin de tenter de les convaincre de financer le montant de 5 300 000 $ payable le 15 août.

 

[26]           Ainsi, le 13 août, monsieur Beg, « VP and Head, Real Estate Finance », de BMO Beg ») informe Timu que l’institution (i) « cannot increase your credits further as the Group has not demonstrated …its capacity to service more indebtedness », (ii) « never agreed to finance the Land Transaction nor to increase the credit facilities above $20 M and did not issue any commitment letter in that regard », que (iii) « BMO’s position was always made clear to you and your controller Mr. Kutschera. As communicated to you, the financial information you supplied did not support, in our view, this additional $5 M financing needed » et (iv) que l’institution est disposée à étudier la possibilité de renoncer aux garanties qu’elle détient sur certains autres lots pour garantir des crédits de 20 M $ déjà consentis, et ce, afin de les rendre disponibles à des tiers financiers qui pourraient être intéressés à financer la transaction avec l’appelante, dans la mesure où la BMO reçoit « additionnal financial and technical information to review your new request to release security ».

[27]           Le 14 août à 9 h 06, Timu requiert un entretien téléphonique le jour même avec Beg, ainsi qu’une rencontre le lendemain matin 15 août afin de discuter de la situation et « find a way to resolve it ». Le même jour, à 13 h 20, Beg réitère la position de la BMO, mais offre à Timu de discuter au téléphone le lendemain matin 15 août à 8 h concernant sa demande. Le même jour à 14 h 07, Timu répond « Early answer for the latest request would give me the chance to go see lenders today we just received by bailiff the project of the deed of sale for tomorrow ». (soulignement ajouté).

[28]           Le 15 août, Proulx transmet un message texte à Timu à 10 h 32 : « Êtes-vous disponible vers 11h 11h15 ». À 13 h 12, il réitère : « Êtes-vous disponible? Je dois être à Terrebonne à 16H ». Ni Timu ni aucun représentant de l’intimée ne se présentera ce jour-là au bureau du notaire Malus pour clore la transaction et ce dernier ne recevra pas dans son compte en fiducie les sommes payables par l’intimée à cette fin.

[29]           Le 15 août, à 17 h 51, le notaire Pagé se manifeste pour informer l’intimée par courriel que le projet d’acte de vente préparé par le notaire Malus et transmis à l’intimée le 11 août « ne reflète pas la promesse d’achat signée le 25 août 2015 ni les addendum », sans préciser les irrégularités en question[16]. Un calcul établissant à 146 072,08 $ le montant payable par l’intimée au titre des pénalités et de l’intérêt de 6 % est joint au courriel, lequel demeure sans réponse cette soirée-là.

[30]           Dès le lendemain, les avocats de l’appelante informent l’intimée que les parties ne sont plus liées par la Promesse en raison de son défaut de s’être présentée devant le notaire Malus la veille pour clore la transaction et que l’appelante entend conserver les dépôts non remboursables versés en conformité avec les documents contractuels[17].

[31]           Ce même 16 août, le notaire Malus, à la demande de Timu, participe à un entretien téléphonique avec un représentant de la BMO, au cours duquel ce dernier confirme que des discussions sont en cours avec l’intimée pour financer la transaction, mais que les modalités d’un éventuel financement n’ont pas encore été approuvées. Le notaire Malus tient l’intimée informée de cette conversation, mais cette dernière n’est plus intéressée à poursuivre les discussions :

Q. Go from memory.

R. So, I explained to them my discussions. I explained to them that Mr. Dufort confirmed the deal was not finished. […]. My instructions from the vendor was: Thank you, we tried. You know, that’s it, he doesn’t have the money. And please deal with maître Mercadante […]

[…]

Q. And what was the position of the Stermers?

R. It was always that they believe it was smoke and mirrors. They said: We’ve been waiting a very long time, and all he’s telling you is he’s going to give us land, but he doesn’t have the money. We’re not interested.[18]

[Soulignements ajoutés]

[32]           Timu tente aussi de poursuivre les discussions par l’intermédiaire du courtier Proulx. Le 17 août, ce dernier se rend au domicile de Timu, à son invitation, lequel confirme vouloir poursuivre les négociations avec l’appelante. Le courtier Proulx appelle Oscar Stermer au sortir de cette rencontre :

Q. Est-ce que vous avez appelé monsieur Stermer après?

R. Avant, non. Après, oui. En sortant de là, je lui ai dit parce que je n’étais pas sûr que je … en sortant de là je lui ai dit, oui.

Q. Et monsieur Stermer, quelle a été sa réaction?

R. Bien il n’en revenait pas.

[…]

Q. Mais quelle a été sa position concernant la vente à Timu?

R. Bien lui c’était clair que c’était terminé. Dans ma tête c’était peut-être un petit peu moins clair, mais le 17 j’ai vraiment compris que c’était terminé.[19]

[Soulignements ajoutés]

[33]           Le 18 août, Timu transmet un message texte à Proulx : « Appelle-moi ». Le même jour, ce dernier lui transmet pour toute réponse l’adresse courriel personnelle de Stermer. Lors de son contre-interrogatoire, Proulx l’explique ainsi :

Q. O.K. Vous lui donnez le courriel. Vous lui donnez le courriel de monsieur Stermer. Est-ce que vous avez souvenir pourquoi vous lui donnez le courriel?

R. Oui.

Q. Pourquoi?

R. C’est parce que la transaction était terminée. Ça fait que, là, je ne parlais plus à monsieur Timu. C’était pour comme expliquer que s’il veut continuer, qu’il essaie direct avec monsieur Stermer parce que moi – je m’en rappelle - je ne peux plus rien faire.

Q. O.K.

R. J’ai compris assez de l’autre partie, des vendeurs, que je ne pouvais plus rien faire.[20]

[Soulignements ajoutés]

[34]           Le 18 août 2016, Timu transmet un courriel directement à Stermer. Étonnamment, il nie le caractère de rigueur du délai du 15 août et joint copie de courriels échangés avec la BMO le 15 août en soirée, à 21 h 29, donc après celui précité de 17 h 51 du notaire Pagé, concernant les conditions auxquelles cette dernière serait disposée à financer la transaction :

This is the document we have to sign that stipulates clearly that we have a priority a 5 million available existing land and that you can have a first mortgage on the lend (sic) you selling to us […].

[…]

So please Mr. Sterner (sic), call me and let’s get together and finish up the deal it’s for our own good benefit that we don’t spend money on lawyers.

As you well know when you’re done the extension 15 August was never discussed of being a due date please take a look at the project that J L Page notary prepared. Do not listen to your lawyers do not make me hire a lawyer because then I wont be able to talk to you they going to take us to the dry cleaners and none of us is going to go forward. […]

[Texte intégral]

[35]           Stermer ne donnera jamais suite à cette demande.

[36]           Timu a par ailleurs témoigné d’une rencontre tenue avec Proulx, selon lui, le 30 août 2016, au terme de laquelle l’appelante avait consenti à ce que la transaction intervienne, à condition que l’intimée verse les montants dus en vertu de la Promesse au plus tard le 2 septembre 2016[21]. Lors de son propre témoignage, Proulx a admis avoir eu des échanges avec Timu, mais a nié l’existence de toute rencontre avec lui, autre que celle précitée du 17 août[22].

[37]           Le 30 août, le notaire Pagé transmet un courriel à Me Malus et aux procureurs de l’appelante afin de convoquer cette dernière le 2 septembre suivant à ses bureaux afin de procéder à la signature de l’acte de vente. Un projet d’acte de vente est joint[23]. Il prévoit notamment que le prix de vente sera de 10 700 000 $, dont 6 000 000 $ seront payés par l’intimée (5 300 000 $ selon la Promesse, plus les 700 000 $ d’acomptes non remboursables déjà versés), cette dernière s’engageant à acquitter le solde de 4 700 000 $ au moyen de versements de 1 175 000 $ les 20 février 2017, 2018, 2019 et 2020, sans intérêt. Ce projet contient par ailleurs la clause résolutoire en faveur de l’appelante, comme prévu dans la Promesse.

[38]           Le 1er septembre, les procureurs de l’appelante réitèrent au notaire Pagé, ce dont cette dernière a déjà informé l’intimée directement comme on l’a vu, « qu’il n’y a plus aucune offre qui lie notre cliente à la vôtre »[24].

[39]           À ce moment, l’appelante est à négocier la vente des Terrains avec une tierce société, une première offre d’achat lui ayant été présentée le 23 août 2016. L’appelante acceptera finalement une contre-proposition le 16 septembre 2016[25].

[40]           Ce même 1er septembre, le notaire Pagé persiste et transmet aux procureurs de l’appelante un nouveau courriel auquel il joint « la version finale de l’acte de vente qui sera signé demain, 2 septembre 2016, 11h30 »[26] et une « feuille d’ajustements » concernant entre autres les montants que l’intimée devra payer au titre des pénalités de retard et de l’intérêt de 6 %. Le notaire n’attire toutefois pas l’attention des destinataires sur le fait que, contrairement à la Promesse, au projet d’acte de vente transmis la veille et aux projets antérieurs, celui-ci ne contient pas de clause résolutoire en faveur du vendeur.

[41]           Le 2 septembre, malgré la réponse claire des procureurs de l’appelante la veille, le notaire Pagé transmet tout de même un courriel au courtier Proulx requérant sa présence ce jour-là aux fins de la transaction[27]. Personne ne se présente pour l’appelante.

[42]           Le jour même, l’intimée introduit sa demande en passation de titres afin d’être déclarée propriétaire des Terrains. Elle demande notamment (i) d’être dispensée de déposer « les offres et consignation à la Cour », (ii) un délai de 30 jours suivant le jugement à intervenir pour « fournir le prix de vente convenu … selon les modalités « établis (sic) dans la [Promesse] » et (iii) annonce qu’elle entend réclamer à l’appelante, en raison de sa « faute », des « dommages substantiels, dont elle se réserve le droit de les quantifier et de les expliquer ultérieurement »[28].

[43]           Le 8 septembre 2016, l’intimée publie un avis de préinscription de sa demande en passation de titres au registre foncier  l’avis de préinscription »).

[44]           Le 19 septembre 2016, l’appelante dépose pour sa part, dans un autre dossier de la Cour supérieure, une demande introductive d’instance en radiation de l’avis de préinscription. Elle y allègue essentiellement ne plus être liée par la Promesse, l’intimée ayant fait défaut de respecter le délai de rigueur du 15 août 2016 pour la signature de l'acte de vente et d’avoir à sa disposition à cette date le financement requis pour clore la transaction.

[45]           Les deux instances sont jointes le 8 novembre 2016.

[46]           Plus de deux ans plus tard, le 10 mai 2019, l’intimée remodifie sa demande en passation de titres afin :

-          d’alléguer qu’au 2 septembre 2016, date pour conclure l’acte de vente selon elle, elle disposait du financement nécessaire et avait versé le montant payable à l’appelante dans le compte en fidéicommis du notaire Pagé, ayant obtenu ce financement de Westmount Capital Mortgage Corporation (« Westmount ») en vertu d’un « Hypothecary Loan Commitment » conclu le 30 août 2016;

-          de réclamer à l’appelante une somme de 378 000 $ représentant « des frais d’intérêts sur six (6) mois » et la commission de 84 000 $ payés à Westmount pour obtenir le financement;

-          de réclamer à l’appelante une somme de 224 537,62 $ représentant les frais d’intérêts sur les montants de dépôts non remboursables de 700 000 $;

-          de réclamer à l’appelante 20 000 $ en dommages-intérêts pour troubles et inconvénients.

[47]           Au soutien de l’allégation précitée selon laquelle le financement lui avait été octroyé par Westmount le 30 août 2016, l’intimée joint sous la cote P-21 un document intitulé Loan Amendment Agreement portant l’entête de Westmount et daté du 25 octobre 2016, lequel mentionne sous la rubrique « Loan Amendment Conditions » :

In the original Hypothecary Loan Commitment dated August 30, 2016, the Lender was to disburse the subject loan amount of $5 600 000 upon the Borrower(s) acquiring lot#’s: [1], [2] and [3], Laval, Québec. The Borrower(s) were unable to deliver the security at the closing, as such, the $ 5 600 000 was held in trust with Notary Raymond Grenier. The Lender has agreed to substitute the security as further detailed herein, and will disburse $5 100 000, with the remaining balance of $500 000 to remain in trust with Notary Raymond Grenier […][29]

[Soulignements et caractères gras ajoutés]

[48]           Lors de l’instruction, l’intimée produit une lettre du président de Westmount datée du 25 novembre 2016, laquelle énonce succinctement ce qui suit, contredisant ainsi les termes précités du Loan Amendment Agreement selon lesquels le 30 août 2016, l’intimée n’avait pu « deliver the security » nécessaire à la mise en place du financement :

The purpose of this letter is to confirm that we discussed the above-noted acquisition facility in mid July 2016 and our funds could have been made available anytime after August 1, 2016 with a 72 hour notice.

[Soulignement ajouté]

[49]           La juge préside l’instruction les 1er, 2, 3, 4 et 7 décembre 2020. Un autre élément particulier s’avère pertinent aux fins du contexte.

[50]           Ainsi, lors de son témoignage le 3 décembre 2020, le notaire Pagé explique qu’il avait d’abord inclus la clause résolutoire en faveur de l’appelante dans le projet d’acte de vente transmis à cette dernière le 30 août 2016 « pour être conforme à l’offre d’achat ». Il explique toutefois avoir ensuite retiré cette clause du projet « d’acte de vente final » transmis à l’appelante le lendemain 1er septembre, pour signature le 2 septembre, et ce, à la demande unilatérale du prêteur de l’intimée :

Q. Maintenant, maître Pagé, on fera les copies tantôt, là, mais l’objet principal que je veux vous adresser c’est j’aimerais que vous expliquiez à la Cour qu’est-ce qui s’est passé entre le 30 août où vous envoyez une copie avec une clause résolutoire et le lendemain, 1er septembre, où il n’y a plus de clause résolutoire?

R. Bien, disons qu’il y avait des pourparlers avec monsieur Dufort de la Banque de Montréal concernant l’acte et il avait des commentaires, il dit : « À première vue, il semble que la clause résolutoire ne devrait pas apparaître dans l’acte. » Alors, c’est pour ça qu’il y avait un acte qui avait été généré sans clause résolutoire.

Q. Puis pourquoi vous, vous aviez mis une clause résolutoire dans votre envoi du 30 août ?

R. Pour être conforme à l’offre d’achat.

[…]

LA COUR :

Q. Les pourparlers c’était avec qui? Vous et monsieur Dufort? Vous avez dit « Il y a eu des pourparlers ».

R. Avec monsieur Dufort de la banque de Montréal.

Q. Vous et monsieur Dufort?

R. Oui.

[…]

Me PATRICE GLADU :

[…]

Q. Donc, le retrait de la clause résolutoire ça découle uniquement…

R. De l’appel téléphonique. [30]

[Soulignements ajoutés]

[51]           À l’occasion du témoignage du notaire Pagé à l’instruction, l’intimée produit un nouveau projet d’acte de vente réintégrant la clause résolutoire[31].

 

[52]           Le jugement entrepris est rendu le 22 septembre 2021.

Le jugement entrepris

[53]           La juge circonscrit d’abord les questions essentielles qu’elle aura à trancher, soit le respect ou non par l’intimée des conditions requises pour la passation de titres, la date à laquelle elle doit procéder à ces déterminations, soit le 15 août 2016, comme prévu par l’appelante, ou le 2 septembre 2016 selon l’intimée, et le droit de cette dernière aux dommages qu’elle réclame[32].

[54]           La juge conclut d’abord qu’il faut se situer au 2 septembre 2016 pour déterminer si toutes les conditions pour la passation de titres sont remplies. Selon elle, même si le délai du 15 août 2016 en était un de rigueur suivant les documents contractuels, l’appelante ne peut l’opposer à l’intimée puisqu'elle fait alors défaut de respecter ses propres obligations contractuelles[33]. En effet, selon la juge, le projet d'acte de vente que le notaire Malus transmet à l’intimée, le 14 août selon elle[34], n'est pas conforme à la Promesse parce que, d’une part, le calcul des pénalités et de l’intérêt de 6 % que le notaire Malus y joint est incorrect[35] et que, d’autre part, la clause relative aux titres de propriété ne correspond pas à la garantie qui était prévue aux clauses 3.2 et 6.4 de la Promesse[36], des « éléments essentiels »[37], ajoute-t-elle.

[55]           La juge considère aussi que la position de l’appelante n’est pas crédible, voire contradictoire[38], et que, dans les circonstances, il n’était pas raisonnable de sa part d’exiger la signature de l’acte de vente le 15 août; l’appelante devait agir de bonne foi et accorder à l’intimée un « délai d’exécution suffisant » pour passer titres à compter de cette date[39]. Essentiellement, la juge conclut du témoignage de Stermer que l’appelante n’avait plus l’intention de vendre les Terrains à l’intimée le 15 août et qu’elle cherchait un prétexte pour se dégager de son obligation, et ce, en raison des discussions alors en cours avec un tiers ayant manifesté son intérêt pour les Terrains[40].

[56]           Prolongeant ainsi la date pour conclure l’acte de vente au 2 septembre 2016, la juge aborde ensuite la question du respect par l’intimée, à cette date, des conditions d’exercice du recours en passation de titres, soit : (i) l’existence d’une promesse valide et exécutoire, (ii) la transmission d’une mise en demeure de conclure l’acte de vente, (iii) la présentation d’un acte de vente conforme à la Promesse et (iv) l’offre et la consignation du prix de vente indiqué dans la Promesse[41].

[57]           Elle note par ailleurs que certaines exigences ont été assouplies par les tribunaux et qu’il convient maintenant de privilégier « le respect de la parole donnée et l’exécution de bonne foi des engagements »[42].

[58]           Cela étant, elle conclut d’abord que, le 2 septembre 2016, une promesse valide et exécutoire lie toujours les parties.

[59]           Selon la juge, la deuxième condition, relative à l’envoi d’une mise en demeure de passer titres le 2 septembre 2016, ne pose pas de problème, vu sans doute, bien qu’elle n’y réfère pas expressément, les lettres du 30 août et du 1er septembre 2016 du notaire Pagé.

[60]           La juge se penche ensuite sur l’obligation qu’avait l’intimée de présenter des offres réelles et de consigner le montant payable à l’appelante.

[61]           Elle rejette l’argument de l’appelante selon lequel les fonds détenus par le notaire Pagé le 2 septembre 2016 ne pouvaient être libérés puisque l’intimée n’était pas en mesure de satisfaire les conditions de Westmount, étant donné que les terrains qui étaient offerts en garantie à cette dernière étaient toujours hypothéqués en faveur de la BMO à cette date[43]. La juge conclut en effet, d’une part, qu’au 2 septembre, la BMO avait accepté de céder son rang hypothécaire sur d’autres lots à un tiers prêteur si l‘intimée était en mesure d’en trouver un et rejette, d’autre part, l’objection qu’avait soulevée l’appelante lors de l’instruction à la production de la lettre précitée du président de Westmount, datée du 25 novembre 2016, contredisant l’énoncé des conditions du Loan Amendment Agreement conclu entre les parties le 25 octobre précédent, suivant lequel l’emprunteur « were unable to deliver the security at the closing »[44].

[62]           Cela étant, bien que, lors de l’instruction, quatre ans plus tard, l’intimée ou le notaire Pagé ne détiennent pas les fonds nécessaires à la passation de titres, la juge conclut que l’intimée a fait la preuve « qu’elle possède la capacité financière pour acquitter le prix de vente ». Elle fonde cette conclusion essentiellement sur (i) une lettre de Westmount datée du 12 novembre 2020 confirmant un financement possible de 4 000 000 $, « sujet à l’octroi de garanties sur divers actifs du groupe de compagnies détenues par la famille de Timu et d’un préavis d’une à deux semaines pour compléter le financement et notarier le prêt hypothécaire »[45], (ii) une lettre datée du 25 novembre 2020[46] du Groupe Banque Scotia confirmant un solde aux comptes de l’épouse de Timu totalisant 3 058 702,13 $ et (iii) une confirmation écrite de cette dernière que ces fonds pourront être utilisés aux fins de la transaction[47].

[63]           Ainsi, la juge dispense au bout du compte l’intimée de l’obligation qu’elle avait d’offrir et de consigner le prix de vente le 2 septembre 2016 et au moment de l’introduction de sa demande et lui accorde un délai de 30 jours à compter de son jugement pour le déposer[48].

[64]           Quant à l’obligation qu’avait l’intimée de présenter un acte de vente conforme à la Promesse aux fins de signature par les parties le 2 septembre 2016, la juge estime que l’absence d’une clause résolutoire dans l’acte de vente transmis par le notaire Pagé le 1er septembre 2016 ne fait pas échec à la demande en passation de titres. Il est opportun de reproduire les motifs essentiels de la juge au soutien de cette conclusion :

[101] Une journée ou deux avant la date de clôture, le notaire Pagé reçoit une demande de BMO de retirer la clause résolutoire de l’acte de vente en raison de l’amendement à la convention de prêt de BMO. Rappelons qu’aux termes de cette convention, BMO acceptait de céder son rang à l’égard de l’hypothèque détenue sur les terrains de tennis en faveur d’un autre prêteur.  En contrepartie, elle exigeait d’obtenir une hypothèque de second rang sur les Terrains, d’où son refus qu’une clause résolutoire soit incluse à l’acte de vente. Dans la mesure où la preuve a révélé que Westmount Capital acceptait de prendre des garanties sur d’autres actifs de Alfa ou du groupe de compagnies détenues par Timu, il n’aurait pas été nécessaire pour Alfa d’obtenir une cession de rang de BMO sur les terrains de tennis.  Par conséquent, le Tribunal conclut que l’acte de vente pouvait se signer avec la clause résolutoire le 2 septembre 2016.   

[102] Cela dit, Alfa produit à l’audience un projet d’acte de vente corrigé par le notaire Pagé, lequel contient maintenant une clause résolutoire en faveur de So-Bel.    

[…]

[107] En l’instance, l’acte de vente corrigé pour ajouter la clause résolutoire s’avère conforme à la promesse d’achat acceptée par So-Bel et à l’intention des parties.

[Soulignements et caractères gras ajoutés]

[65]           Lors de l’instruction, la juge autorise de plus la modification de l’acte de vente afin de revoir les échéances de paiement du solde de prix de vente de 4 700 000 $, pour les établir dorénavant aux 31 octobre 2022, 2023, 2024 et 2025, sans intérêt[49].

[66]           Ainsi, puisque la juge estime que les parties étaient toujours liées par une Promesse valide et exécutoire le 2 septembre 2016 et que les conditions pour la passation de titres sont remplies, elle accueille la demande de l’intimée et rejette par le fait même la demande de l’appelante en radiation de l’avis de préinscription.

[67]           Finalement, la juge accueille en partie la réclamation de l’intimée en dommages-intérêts, uniquement en ce qui concerne un montant de 147 000 $ qu’elle a payé à Westmount en intérêts sur son prêt. Elle conclut en effet que l’intimée est justifiée de réclamer cette somme à l’appelante « en vertu de l’article 1458 C.c.Q…. mais uniquement à compter du 10 mai 2019 »[50], date à laquelle l’intimée a modifié sa demande introductive d’instance pour réclamer le remboursement de ces intérêts.

Les questions en litige

[68]           L’appelante propose dans son mémoire que la juge a commis des erreurs mixtes de fait et de droit sur six questions. Toutefois, la Cour, les reformulant de la façon suivante, conclut que les questions relatives au délai de rigueur du 15 août et à la condamnation de l’appelante aux dommages-intérêts permettent de sceller le sort de l’appel :

a)     La juge a-t-elle commis une erreur manifeste et déterminante sur une question mixte de fait et de droit en concluant que l’appelante ne pouvait opposer le délai de rigueur du 15 août 2016 à l’intimée?

 

b)     La juge a-t-elle commis une erreur sur une question de droit en condamnant l’appelante à payer des dommages-intérêts au titre de frais d’intérêts encourus par l’intimée?

Analyse

a)     La juge a-t-elle commis une erreur manifeste et déterminante sur une question mixte de fait et de droit en concluant que l’appelante ne pouvait opposer le délai de rigueur du 15 août 2016 à l’intimée?

[69]           En matière de promesse d’achat, le délai pour conclure la transaction devant notaire n’est pas de rigueur. Les parties sont toutefois libres de prévoir le contraire, auquel cas le non-respect du délai entraîne en principe la caducité de la promesse[51]. L’obligation de collaborer d’une partie ne va pas, en l’absence de faute ou de consentement exprès ou implicite de sa part, jusqu’à devoir considérer comme n’étant pas de rigueur, vu les difficultés de son cocontractant à satisfaire ses obligations, un délai qui a expressément été qualifié ainsi dans la promesse liant les parties.

[70]           Dans l’arrêt Churchill Falls (Labrador Corp.)[52], la Cour suprême confirme l’arrêt de cette Cour, laisse intacts ses commentaires suivant lesquels veiller aux intérêts de son cocontractant n'exige pas d'une partie qu'elle sacrifie ses propres intérêts[53]  et ajoute ce qui suit :

[117] […]. Premièrement, la bonne foi se présume et ses exigences doivent pouvoir coexister avec la recherche par une partie de la satisfaction de ses propres intérêts. […]

[…]

[125] Tout aussi utiles et fondamentales que soient les notions de bonne foi et d’équité dans la protection de l’équilibre contractuel au Québec, il n’y a pas lieu de transformer les objectifs de justice corrective qu’elles visent à protéger en un mécanisme de justice distributive imprévisible et contraire à la stabilité contractuelle [].

[Soulignements ajoutés]

[71]           Par ailleurs, comme la Cour l’a souligné dans l’arrêt 144286 Canada inc. c. 91216788 Québec inc.[54], la question de savoir si le délai pour passer titre prévu dans une promesse d’achat en est un de rigueur dépend, d’une part, de la formulation utilisée par les parties, ce qui ne pose aucun problème en l’espèce, et, d’autre part, « de la façon dont elles se sont par ailleurs comportées quant à ce délai »[55].

[72]           La Cour est par ailleurs bien consciente qu’une erreur manifeste et déterminante du juge des faits ne peut simplement résulter du poids différent qu’elle estime qu’il aurait dû accorder à certains éléments de preuve par rapport à d’autres[56]. Il est aussi bien établi que le juge des faits n’a pas à traiter dans son jugement de tous les éléments de preuve administrés lors de l’instruction et à soupeser dans le détail tous et chacun des arguments des parties.

[73]           Toutefois, son omission évidente de tenir en compte un élément, voire, comme en l’espèce, plusieurs éléments de preuve importants concernant une question centrale au litige constitue une erreur révisable justifiant un réexamen de la preuve par la Cour :

34 […]. Il est maintenant reconnu que l'omission manifeste du juge des faits de prendre en considération un élément de preuve constitue le genre d'erreur qui peut justifier et justifiera le réexamen de la preuve par une cour d'appel. […]

35 Une cour d'appel peut modifier les conclusions de fait du juge de première instance lorsque certains éléments de preuve pertinents n'ont pas été pris en considération. Ainsi, la cour d'appel peut procéder à sa propre appréciation de la prépondérance des probabilités en tenant compte des éléments non considérés en première instance. Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement que la cour d'appel arrivera à une conclusion différente de celle tirée par le juge de première instance. Il se pourrait que le réexamen de la preuve, compte tenu des éléments non considérés précédemment, entraîne une conclusion différente relativement à une situation de fait donnée.  Il se pourrait également que les éléments non considérés, même lorsqu'ils sont pris en considération, ne mènent pas à une conclusion différente en raison de la force probante qui doit leur être accordée. C'est dans ce sens que, pour pouvoir modifier les conclusions de fait du juge de première instance, la cour d'appel doit conclure que la preuve en cause et l'erreur commise par le juge de première instance en n'en tenant pas compte étaient dominantes et déterminantes dans l'appréciation de la prépondérance des probabilités relativement à cette question de fait.[57]

[Soulignements ajoutés]

[74]           En l’espèce, la juge a commis de telles erreurs dans l’appréciation de la preuve en concluant que l’appelante n’avait qu’à s’en prendre à elle-même concernant la tournure des événements ayant mené au 15 août 2016, qu’elle était elle-même en défaut de respecter ses obligations contractuelles à cette date et qu’il n’était pas raisonnable pour elle d’exiger la signature de l’acte de vente le 15 août 2016[58]. Voici ce qu’il en est.

[75]           D’abord, la preuve démontre clairement quà la suite d’une proposition de l’intimée visant à convaincre l’appelante de consentir à un premier report de la date pour conclure la transaction, non qualifiée de rigueur à l’origine dans la Promesse, les parties ont convenu par addendum, deux fois plutôt qu’une, que le délai pour passer titres en était un de rigueur. L’échéance ultime du 15 août 2016 devait donc être considérée comme tel.

[76]           Ensuite, la preuve du comportement des parties établit tout aussi clairement qu’elles considéraient ce délai du 15 août 2016 comme en étant un de rigueur.

[77]           Premièrement, comme on l’a vu, dès le 25 juillet 2016, soit plus de trois semaines avant l’échéance ultime du 15 août, le courtier Proulx informe Timu que l’appelante souhaite « avoir une date pour le closing ».

[78]           Deuxièmement, le 29 juillet 2016, étant demeurée sans réponse, l’appelante transmet une mise en demeure à l’intimée afin de lui rappeler que la transaction doit être conclue au plus tard le 15 août 2016 et qu’à défaut, « la promesse d’achat ainsi que les addendums seront annulés ».

[79]           Troisièmement, le 9 août, vu la non-disponibilité du notaire de l’intimée pour recevoir la transaction le 15 août 2016, les parties conviennent d’un nouvel addendum afin de confirmer que le notaire Malus est mandaté pour ce faire et que toutes les autres conditions de la Promesse et du deuxième addendum demeurent inchangées, incluant donc le caractère de rigueur du délai du 15 août.

[80]           Quatrièmement, ce même 9 août, les avocats de l’appelante réitèrent à Timu que, conformément aux documents contractuels, le montant de 5 300 000 $ payable au moment de la transaction ainsi que la somme payable au titre de la pénalité de retard et de l’intérêt de 6 % devront être transmis au notaire Malus « le ou avant le 15 août 2016 afin de permettre l’exécution de la vente pour le 15 août 2016 ». Dès lors, la preuve au moyen du témoignage non contredit du notaire Malus a aussi établi que l’appelante lui donne instructions de s’assurer que la transaction pourra être conclue le 15 août[59].

[81]           Cinquièmement, deux jours plus tard, soit le 11 août, le notaire Malus transmet directement à Timu, à son adresse personnelle, un courriel l’informant que l’appelante est « still hopeful and expecting that you would be able to proceed to closing on August 15, in accordance with the offer ».

[82]           Sixièmement, le 15 août, Proulx s’informe en vain, à deux reprises, des disponibilités de Timu pour passer chez le notaire ce même jour pour clore la transaction.

[83]           Septièmement, et de façon particulièrement éloquente, diverses communications de Timu entre le 11 août et jusqu’au 14 août démontrent qu’il comprenait très bien que le délai du 15 août 2016 pour signer l’acte de vente chez le notaire en était un de rigueur.

[84]           Ainsi, le 12 août, il répond au notaire Malus non pas pour contester cette échéance, mais pour lui indiquer « I’m on it »[60]. Puis, après ses courriels infructueux des 13 et 14 août afin d’obtenir la confirmation du financement de la transaction par la BMO à temps pour le 15 août, il insiste auprès de Beg dans un autre courriel du 14 août et requiert une « early answer » en vue du « deed of sale for tomorrow » (soulignement ajouté).

[85]           Enfin, dès son interrogatoire préalable du 25 novembre 2016, auquel la juge ne réfère pas, Timu avait admis à deux reprises qu’il savait pertinemment que l’intimée devait conclure la transaction au plus tard le 15 août 2016 :

Q. [176] Okay, now, so you knew you had to sign for the fifteenth (15th) of August, correct?

A. I knew that I had to sign for the fifteenth (15th) of August.[61]

[…]

Q. [233] […] And you know that at this time, you’re going to sign … you have to sign on or before the fifteenth (15th) of August, which is the date thats written, because all the conditions remain the same, correct?

A. Yes.

Q. [234] yes?

A. Yes.[62]

[Soulignements ajoutés]

[86]           Vu le cumul de ces éléments de preuve déterminants, la conclusion de la juge que le témoignage de Stermer, selon lequel l’appelante considérait le délai du 15 août 2016 comme un délai de rigueur, n’est pas crédible et ne peut être avalisée. Certes, la Cour doit déférence à l’appréciation de la crédibilité des témoins par le juge d’instance, mais cette déférence n’est plus justifiée si cette appréciation n’est pas compatible avec la preuve considérée globalement.

[87]           D’autant plus quau soutien de cette conclusion, la juge commet une erreur révisable en déterminant que l’appelante ne pouvait raisonnablement exiger que la transaction soit conclue le 15 août 2016 parce qu’elle savait que le notaire Pagé « revenait de vacances le jour même »[63]. En effet, elle occulte ainsi l’addendum déterminant du 9 août 2016, par lequel les parties ont convenu que Me Malus était substitué à Me Pagé pour recevoir la transaction. Ainsi, à supposer même que l’appelante ait su que Me Pagé revenait de vacances le 15 août, cela ne permettait certainement pas de conclure, au regard de l’ensemble des circonstances, qu’elle a été déraisonnable en exigeant que la transaction, déjà reportée à deux reprises à la demande de l’intimée en raison de son incapacité de respecter ses obligations, soit conclue le 15 août, conformément au délai qualifié de rigueur par les parties elles-mêmes.

[88]           La juge commet une autre erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle retient de la preuve que l’appelante ne pouvait raisonnablement exiger la clôture de la transaction le 15 août parce que le notaire Malus n’a transmis un projet d’acte de vente à l’intimée « que le 14 août, la veille de la convocation »[64]. Cette conclusion est dénuée de tout fondement. En effet, le projet fut transmis à l’intimée le 11 août 2016, et ce, une première fois par les avocats de l’appelante, puis par le notaire Malus, directement à Timu. La preuve documentaire l’établit clairement, incluant le courriel précité du notaire Pagé le 15 août en soirée.

[89]           La juge commet une autre erreur révisable en concluant que l’appelante était en défaut de respecter ses propres obligations contractuelles le 15 août 2016 et qu’elle ne pouvait donc exiger la clôture de la transaction à cette date, parce que le projet d’acte de vente transmis par le notaire Malus était non conforme à la Promesse quant au calcul des pénalités de retard et aux garanties.

[90]           En effet, et d’une part, le calcul des pénalités et de l’intérêt avait été transmis par le notaire Malus à Timu le 11 août « for your review », ce qui reflète le comportement d’un professionnel raisonnable compte tenu des circonstances dans lesquelles les parties avaient convenu de lui confier le mandat de recevoir la transaction. Le projet d’ajustement n’est pas présenté à l’intimée de façon arrêtée comme étant la transaction que l’appelante exigera qu’elle signe, ce qui aurait pu être différent. Timu aurait très bien pu soulever ces simples erreurs de calcul, ou tout questionnement à ce sujet, dans les quatre jours suivants, voire le jour de la transaction; elles auraient pu être corrigées devant le notaire et ne faisaient certainement pas obstacle à la signature de l’acte de vente le 15 août. D’autant plus que le notaire Malus lui-même et les Stermer les ont admises en toute transparence[65] et qu’Oscar Stermer a témoigné que les corrections auraient été acceptées sans difficulté si Timu l’en avait informé[66]. Enfin, il convient aussi d’observer qu’alors que Timu savait que le notaire Pagé serait en vacances du 21 juillet au 15 août 2016, il ne lui a pas demandé de finaliser les démarches relatives à la clôture de la vente, incluant le calcul des ajustements, avant son départ[67].

[91]           En fait, la seule conclusion possible que la juge pouvait tirer de la preuve concernant ces prétendus obstacles dirimants à la clôture de la transaction le 15 août 2016 était que l’intimée utilisait ces erreurs de calcul après coup, soit en soirée le 15 août 2016, par le courriel de 17 h 51 du notaire Pagé, comme prétexte pour retarder la vente, et ce, parce qu’elle ne disposait toujours pas des fonds requis pour acquérir les Terrains. Il s’agit, comme la Cour l’a rappelé dans l’arrêt 9393-0154 Québec inc. c. 9206-5721 Québec inc.[68], quoique dans un autre contexte, d’un de ces cas où « une partie ne peut prendre prétexte d'une non-conformité de forme, sans importance, pour échapper à son obligation de respecter, de bonne foi, la parole qu'elle a donnée »[69].

[92]           La juge commet aussi une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle conclut que l’appelante était aussi en défaut de respecter ses obligations contractuelles le 15 août 2016 parce que l’acte de vente soumis par le notaire Malus contenait une clause de garantie non conforme aux clauses 3.2 et 6.4 de la Promesse, des « éléments essentiels », ajoute-t-elle[70]. Cette conclusion lui sert elle aussi d’appui pour reprocher à l’appelante d’avoir agi de façon déraisonnable, voire de mauvaise foi, en exigeant que l’intimée conclue la transaction le 15 août 2016.

[93]           Or, la clause 3.2 de la Promesse prévoit que la transaction sera conclue « Sans aucune garantie du VENDEUR quant à la qualité, à l’état et à la condition » et la clause « GUARANTEE » du projet d’acte de vente du notaire Malus[71] mentionne en toute cohérence que « The present sale is made with no legal guarantee whatsoever with regards the quality, the state or the condition of the Property ».

[94]           Quant à la clause 6.4 de la Promesse, sous la rubrique « Déclarations et obligations du VENDEUR », elle indique que : « Le VENDEUR fournira un bon titre de propriété, libre de toute redevance, priorité, hypothèque, droit réel, charge ou autre limitation de droit privé sauf les servitudes usuelles et apparentes d’utilité publique, toute créance affectant l’immeuble dont le remboursement est, le cas échéant, assumé par l’acquéreur aux termes des présentes ». Or, le projet d’acte de vente transmis par le notaire Malus est substantiellement conforme à cette clause lorsqu’il prévoit, sous la rubrique « DECLARATIONS OF VENDOR », que : « The Vendor declared and covenanted : […] 4. That it has good, valid and marketable title to the Property, free and clear of all hypothecs, prior claims, encroachments, servitudes, restrictions or any other encumbrances or charges whatsoever ».

[95]           La juge reproche aussi à l’appelante de ne pas avoir agi de bonne foi en insistant sur la conclusion de l’acte de vente le 15 août 2016[72]. Or, non seulement la bonne foi se présume toujours[73], mais, dans les circonstances révélées par la preuve et appréciées globalement, le simple refus de l’appelante d’accorder à l’intimée un délai supplémentaire pour satisfaire ses obligations ne constitue pas une preuve prépondérante de sa mauvaise foi.

[96]           La juge, en lien avec sa décision de fixer au 2 septembre suivant la date raisonnable à laquelle la transaction pouvait toujours être conclue, détermine de façon erronée et révisable, au paragraphe 11 du jugement, qu’« en tout temps pertinent », donc après le 15 août 2016, le courtier Proulx agit toujours comme représentant de l’appelante. Elle en conclut que c’est lors d’une rencontre le 30 août 2016, donc après l’expiration du délai de rigueur du 15 août, que ce dernier confirme à Timu que l’appelante consent au report de la transaction le 2 septembre suivant[74].

[97]           Or, pour conclure ainsi, la juge réfère notamment à une lettre transmise par les procureurs de l’appelante à l’intimée le 9 août 2016 dans laquelle ils réfèrent à Proulx comme le mandataire de cette dernière. Non seulement cette lettre, antérieure au 15 août, ne peut permettre de confirmer que ce dernier est toujours autorisé par l’appelante à poursuivre les négociations avec Timu après cette date, mais la juge ne discute pas du cumul des éléments de preuve suivants : (i) la lettre des procureurs de l’appelante du 16 août 2016 confirmant à l’intimée que, vu son défaut de s’être présentée devant le notaire Malus la veille pour procéder à la signature de l’acte de vente, la Promesse ne lie plus les parties, (ii) le message texte transmis par Proulx à Timu le 18 août 2016, lequel, pour toute réponse à l’insistance de Timu la veille pour poursuivre les négociations, lui fournit l’adresse courriel personnelle d’Oscar Stermer, (iii) le témoignage de Proulx à l’instruction qu’il a agi ainsi pour indiquer à Timu que « s’il veut continuer, qu’il essaie direct avec monsieur Stermer parce que moi – je m’en rappelle- je ne peux plus rien faire », (iv) le témoignage de Proulx que la rencontre du 30 août alléguée par Timu n’a pas eu lieu et que lui-même n’a jamais fait part à Timu que l’appelante consentait au report de la transaction au 2 septembre 2016, (v) le témoignage du notaire Malus que, le 16 août 2016, Oscar Stermer lui a confirmé que l’appelante n’était plus intéressée à poursuivre les discussions avec l’intimée et (vi) le témoignage d’Oscar Stermer qu’après le 15 août 2016, malgré toute discussion entre Timu, des tiers et/ou Proulx, le « deal » était « off » pour l’intimée :

Q. Okay, So, tell My Lady, after the 15th of August, what your position was?

R. I expressed to my lawyer, and I expressed to Marc Proulx, and we expressed to everybody the deal’s off. It’s over. I mean, how much time, when am I allowed to stay stop? Like how long can I be dragged? […]

Q. And after the 15th of August, 2016, did you …

R. For me the deal was off. There was nothing to discuss. Every one else might have been running around. Maybe Mr. Proulx is … he’s losing a big commission, I understand that. He’s a nice boy, and he’s going to lose a commission on this. For sure he’d like to have the deal revived. I’ve had enough. Don’t I have something to say?

[…]

Q. All right. For the 2nd of September, (inaudible), okay, tell the Judge what was your position concerning this invitation.

R. Your Honor, anything after, for me, I was concerned, the deal was gone. Everybody…it’s…I’m amazed, everyone is still going. It’s already September. We’re talking we’re going to get financing. It’s over. For me it’s over. Goodbye. I don’t know what to tell people. They’re continuing like there was no agreement, like there’s nothing, like paper means nothing. […].

[Soulignements et caractères gras ajoutés]

[98]           La juge met entièrement de côté le témoignage de Stermer parce qu’elle conclut que ce dernier n’use que d’un « prétexte » pour refuser de conclure la transaction et en favoriser une autre. Or, une fois le délai de rigueur du 15 août expiré, la juge ne pouvait invoquer un tel « prétexte ». Si la preuve avait révélé des manœuvres de l’appelante avant l’expiration du délai de rigueur visant à faire échouer volontairement la transaction à venir, la situation aurait été différente. Or, la preuve révèle au contraire que, depuis plusieurs mois et encore dans les jours précédant le 15 août, l’appelante a toujours fait preuve d’ouverture face aux demandes de report de l’intimée et qu’elle a toujours été disposée à conclure la transaction le 15 août, dans la mesure évidemment où l’intimée respectait elle-même ce délai et disposait du financement requis.

[99]           Le paragraphe 74 et la note infrapaginale 68 du jugement entrepris démontrent par ailleurs que la juge a conclu que l’appelante a cherché un prétexte le 15 août 2016 pour se dégager de ses obligations, et ce, en raison des discussions alors en cours avec un tiers intéressé à l’achat des Terrains. Or, cette conclusion occulte d’abord le fait qu’à cette date l’intimée ne bénéficiait pas du financement nécessaire pour conclure la transaction. De plus, elle ne trouve pas appui dans la preuve appréciée globalement et méconnaît un principe pertinent.

[100]      Premièrement, dès février 2016, alors que l’intimée n’était pas en mesure de clore la transaction, l’appelante, dont la preuve ne permet pas de lui reprocher de ne pas avoir veillé prudemment à ses affaires, doutait de la capacité financière de l’intimée et était réticente à repousser la date de la transaction, même en l’absence de tout tiers acheteur intéressé.

[101]      Deuxièmement, toute la preuve documentaire relative à l’intérêt du tiers qui s’est ultimement montré intéressé à acheter les Terrains est postérieure au 15 août 2016. Ce dernier n’a transmis une offre d’achat à l’appelante que le 23 août 2016, alors que cette dernière n’était plus liée par la Promesse, pour les motifs énoncés précédemment.

 

[102]      Troisièmement, devant les reports requis par l’intimé à plus d’une reprise déjà et ses difficultés récurrentes à obtenir son financement, et tenant ici pour acquis que l’appelante et le tiers ont pu échanger verbalement avant le 15 août, l’appelante était bien fondée à ne pas ignorer la possibilité d’un plan B avec un tiers acheteur potentiellement sérieux. Rien n’oblige un promettant-vendeur à demeurer muet face à des approches initiées par un tiers en parallèle avec une promesse d’achat acceptée, afin de protéger ses intérêts dans l’éventualité où cette dernière échouerait, dans la mesure où il le fait dans le respect de ses obligations contractuelles et de bonne foi, ce qui est le cas en l’espèce. La juge semble avoir confondu la mauvaise foi de l’appelante avec son insistance sur le respect par l’intimée du délai de rigueur du 15 août et de ses obligations à cette date, ce qui demeure tout à fait légitime et légal.

[103]      Ainsi, l’appelante n’a pas tenté de se défiler de la vente, comme ce fut le cas dans les arrêts 144286 Canada inc. c. 9121-6788 Québec inc.[75] et Zanetti c. 2946-6117 Québec inc.[76], auxquels la juge réfère néanmoins au soutien de sa conclusion que l’appelante a usé de prétextes[77] pour refuser de passer titres le 15 août.

[104]      D’abord, dans 144286 Canada inc., la Cour a conclu en ce sens parce que l’appelante n’avait jamais eu l’intention de signer l’acte de vente proposé, lequel était substantiellement conforme à l’offre acceptée, qu’elle avait clairement exprimé son refus de passer titres et avait déjà, à la date à laquelle la transaction devait être close, accepté une autre offre d’achat[78]. Au surplus, l’argument du vendeur concernant le non-respect par l’acheteur de la condition relative au financement n’avait pas été soulevé en première instance, ce qui a amené la Cour à observer que « [c]e nouveau moyen s’inscrit dans la voie choisie tout au long du dossier, qui est d’invoquer des manquements de la part de l’intimée alors que, fondamentalement, l’appelante a toujours refusé d’honorer son engagement de vendre le terrain de stationnement à l’intimée parce qu’elle avait accepté une offre d’achat pour un prix supérieur »[79]. Ces faits distinguent clairement cette affaire de celle en l’espèce.

[105]      Quant aux faits dans Zanetti, à peine deux jours après que sa contre-offre eut été acceptée par le promettant-acheteur, la venderesse avait refusé, contrairement à son obligation contenue dans les documents contractuels, de lui remettre copie des baux nécessaires pour lui permettre de négocier son financement « bloquant tout le processus de la vente » selon la conclusion de la Cour[80]. La venderesse avait au surplus simultanément informé l’acheteur qu’elle ne souhaitait plus vendre et que son immeuble était retiré du marché, alors qu’elle le remettait en vente à un prix supérieur à peine quelques mois plus tard[81]. C’est dans ce contexte, lui aussi fort différent du nôtre, que la Cour a conclu que la venderesse avait refusé de mauvaise foi de s’exécuter, d’une part, et qu’elle était malvenue de contester la demande en passation de titres au motif que l’acheteur n’avait pas été en mesure d’obtenir son financement, d’autre part[82].

[106]      La juge réfère aussi à l’arrêt Houlachi c. Bray[83] au soutien de l’approche équitable qu’elle estime justifié d’adopter en l’espèce et de sa conclusion suivant laquelle l’appelante a refusé à tort de s’exécuter en invoquant un simple prétexte. Or, à nouveau une lecture globale de cet arrêt permet de distinguer de façon importante le contexte qui se présentait alors à la Cour de celui en l’espèce. D’abord, la preuve avait établi que les appelants avaient agi « in bad faith throughout »[84]. De leur côté, à deux reprises avant l’introduction même de leur demande en passation de titres, les acheteurs avaient démontré leur engagement et leur capacité d’exécuter leurs obligations en vertu de la promesse d’achat, les vendeurs ayant néanmoins refusé de signer l’acte de vente proposé à la date convenue et de recevoir le paiement, ce qui avait entraîné la nécessité du dépôt des procédures[85]. Au surplus, l’argument des vendeurs selon lequel l’acheteur avait fait défaut de respecter la condition relative au financement était soulevé pour la toute première fois en appel et était dénué de fondement selon la preuve au dossier[86].

[107]      Vu tout ce qui précède, la Cour ne voit pas en quoi l’insistance, voire la pression, qu’a mise l’appelante sur l’intimée pour s’assurer qu’elle soit en mesure de clore la transaction à la date ultime convenue peut être assimilée à un « prétexte » pour refuser de passer la transaction, encore moins à de la mauvaise foi.

[108]      Pour toutes ces raisons, la juge a commis des erreurs manifestes et déterminantes dans l’appréciation de la preuve en concluant que l’appelante ne pouvait opposer à lintimée le délai de rigueur du 15 août 2016 pour passer titres, une réponse positive à la première question en litige s’impose et l’intervention de la Cour est nécessaire.

b)     La juge a-t-elle commis une erreur sur une question de droit en condamnant l’appelante à payer des dommages-intérêts au titre de frais d’intérêts encourus par l’intimée?

[109]      La détermination du quantum des dommages est un exercice factuel. Le juge d’instance dispose d’un vaste pouvoir d’appréciation à cet égard[87], lequel commande un haut degré de déférence. La Cour n’interviendra qu’en cas d’erreur de droit ou lorsque le montant accordé est si excessivement bas ou si excessivement élevé qu’il constitue une estimation manifestement erronée des dommages[88].

[110]      En l’espèce, l’appelante propose que les dommages-intérêts de 147 000 $ auxquels la juge l’a condamnée ne sont pas dus à sa faute et sont au surplus indirects et imprévisibles, de sorte que la juge a ainsi commis une erreur de droit. Elle a raison.

[111]      Une demande en dommages-intérêts comme celle en l’espèce, qui peut être jointe à une demande en passation de titres, constitue un recours de nature contractuelle.

[112]      Ainsi, un promettant-acheteur pourra obtenir des dommages-intérêts afin de le compenser pour le préjudice qui découle de façon immédiate et directe de la faute du promettant-vendeur et qui étaient prévisibles au moment où l’obligation de ce dernier a pris naissance, le tout conformément aux articles 1458, 1607 et 1613 C.c.Q. :

 

1458. Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.

 

Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; […].

 

1607. Le créancier a droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel, que lui cause le défaut du débiteur et qui en est une suite immédiate et directe.

 

1613. En matière contractuelle, le débiteur n’est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir au moment où l’obligation a été contractée, lorsque ce n’est point par sa faute intentionnelle ou par sa faute lourde qu’elle n’est point exécutée; même alors, les dommages-intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution.

 

[Soulignements ajoutés]

1458. Every person has a duty to honour his contractual undertakings.

 

 

Where he fails in this duty, he is liable for any bodily, moral or material injury he causes to the other contracting party and is bound to make reparation for the injury; […].

 

1607. The creditor is entitled to damages for bodily, moral or material injury which is an immediate and direct consequence of the debtor’s default.

 

 

 

1613. In contractual matters, the debtor is liable only for damages that were foreseen or foreseeable at the time the obligation was contracted, where the failure to perform the obligation does not proceed from intentional or gross fault on his part; even then, the damages include only what is an immediate and direct consequence of the nonperformance.

 

[Underlinings added]

[113]      Or, en l’espèce, vu la réponse de la Cour à la précédente question, l’appelante n’a pas commis de faute. De plus, alors que les dommages-intérêts auxquels la juge l’a condamnée représentent une partie des montants payés par l’intimée à titre d’intérêts sur un emprunt, la Cour a fréquemment rappelé que, même en cas de refus fautif d’un cocontractant de conclure la vente, de tels dommages ne sont ni directs ni prévisibles et ne sauraient être accordés[89].

* *

[114]      Ce qui précède suffit à sceller le sort de l’appel. La Cour estime néanmoins utile d’ajouter quelques remarques additionnelles en lien avec les arguments de l’appelante concernant la conclusion de la juge selon laquelle, dans le contexte où le délai pour clore la transaction aurait pu être repoussé au 2 septembre 2016, l’absence d’une clause résolutoire dans la « version finale » de l’acte de vente que le notaire Pagé lui a transmise le 1er septembre 2016, pour signature à son bureau le lendemain, était sans conséquence et ne contrevenait pas à l’obligation qu’avait l’intimée de présenter un acte de vente conforme à la Promesse.

[115]      Lors de l’analyse d’une demande en passation de titres, la vérification de la conformité de l’acte de vente proposé dans la Promesse d’achat liant les parties ne saurait être banalisée et demeure cruciale. Malgré la souplesse, voire la créativité[90], dont les tribunaux peuvent faire preuve afin de favoriser l’exécution du contrat, la prise en compte de l’ensemble des circonstances propres à chaque espèce s’impose, ce que la Cour a rappelé à plus d’une reprise[91].

[116]      Par exemple, dans l’arrêt Lafantaisie c. Deslauriers[92], infirmant le jugement de première instance qui avait accueilli l’action en passation de titres des promettants-acheteurs, le juge Doyon écrivait ce qui suit pour la Cour :

[52] Avec beaucoup d'égards pour la juge de première instance, je suis d'avis que, malgré le libéralisme dont il faut faire preuve en la matière, les circonstances du dossier démontrent que les intimés n'ont pas respecté les exigences de la loi et que la juge de première instance ne pouvait prononcer l'ordonnance qu'elle a rendue.[93]

[Soulignement ajouté]

[117]      Autre exemple, dans Trépanier c. Trépanier[94], la juge Thibault concluait pour la Cour que la production de nouveaux projets d’acte de vente « près de deux ans après l'action n'est pas recevable dans les circonstances »[95].

[118]      Ainsi, la souplesse et la créativité judiciaire, dont le degré est tributaire notamment du comportement des parties[96], peuvent parfois franchir leurs limites. C’est le cas en l’espèce.

[119]      Outre l’importance de prendre en compte l’ensemble des circonstances et le comportement des parties, sur le plan des principes, le juge saisi d’une demande en passation de titres ne peut, au motif de favoriser l’exécution du contrat, autoriser la partie demanderesse à corriger, en tout temps avant jugement, toute non-conformité aux conditions de la promesse d’achat. Si la Cour a confirmé à plus d’une reprise que des modifications ou corrections « mineures »[97], « seulement matérielles »[98], « sur le plan matériel » [99], « de forme » ou « sans importance »[100] peuvent être autorisées afin d’assurer la conformité du contrat à la promesse, elle a aussi précisé que ce ne sera pas le cas lorsqu’elles concernent des « conditions de fond »[101], « essentielles » [102] ou qui « affecte[nt] de façon quelconque » [103] les droits du vendeur aux termes de la promesse.

[120]      En l’espèce, la décision du notaire Pagé, le 1er septembre 2016, de retirer subrepticement la clause résolutoire du projet d’acte de vente transmis la veille à l’appelante, dans les circonstances et pour la raison qu’il a donnée lors de l’instruction, ne participait pas d’une correction mineure, de forme ou sans importance, mais, au contraire, affectait clairement les droits reconnus à l’appelante dans la Promesse. Une clause résolutoire prévue dans un contrat[104] constitue en effet une forme de sûreté réelle[105] dont les effets dépassent largement ceux d’une garantie hypothécaire ou de la résolution pour cause d’inexécution en vertu du droit commun des contrats[106]. D’autant plus qu’en l’espèce, la clause résolutoire ne se limitait pas au cas de défaut de paiement de l’acheteur, mais visait son défaut de respecter toutes et chacune des obligations qui lui incombaient. La clause résolutoire constituait donc, dans les circonstances, une condition de fond et essentielle à la rencontre des volontés[107].

[121]      Comme permet de le conclure le témoignage précité du notaire Pagé lors de l’instruction[108], labsence, dans l’acte de vente qui est présenté à l’appelante le 1er septembre 2016 pour signature le lendemain, de la clause résolutoire prévue expressément en sa faveur dans la Promesse, découle d’une demande de l’institution prêteuse de l’intimée et n’a pas été divulguée à l’appelante par le notaire Pagé lors de la transmission du projet d’acte de vente.

[122]      Ainsi, le dépôt par l’intimée, lors de l’instruction, d’une nouvelle version de l’acte de vente proposé afin d’y réintégrer la clause résolutoire prévue en faveur de l’appelante ne s’explique pas par une simple erreur de forme ou d’écriture de sa part, ou par toute autre véritable erreur commise de bonne foi. L’intimée est plutôt contrainte à ce dépôt à la onzième heure, en cours d’instruction, pour obvier à un acte délibéré posé par son notaire, à sa connaissance et à l’insu de l’appelante, afin de retirer la clause résolutoire du projet à la demande d’un prêteur, au mépris d’une obligation qui lui incombait en ce sens en vertu de la Promesse, sachant que cela affectait clairement, et niait même, l’un des droits de sa cocontractante.

[123]      La juge ne pouvait passer outre ou avaliser ce comportement fautif de l’intimée et lui permettre de revenir en arrière pour le corriger quatre ans plus tard, lors de l’instruction. Faire fi de ce comportement imputable à l’intimée, lequel participe dans les circonstances de la mauvaise foi et d’une fin de non-recevoir opposable à la demande en passation de titres, fait perdre au surplus son sens et son intégrité au mécanisme de la Promesse d’achat-vente, au recours en passation de titres et à la prévisibilité minimale qui doit les caractériser.

[124]      Lors de l’audience, l’intimée a tenté de justifier la décision de la juge en observant que la réintégration de la clause résolutoire dans l’acte de vente proposé au soutien de sa demande en passation de titres s’inscrivait en droite ligne avec l’obligation qu’elle avait assumée à cet égard dans la Promesse. Or, par ce raisonnement plutôt circulaire, l’intimée tente d’escamoter en toute connaissance de cause son comportement fautif et ne permet en rien d’excuser sa tentative, les 1er et 2 septembre 2016, de frustrer sa cocontractante d’un droit important.

[125]      On ne saurait par ailleurs reprocher à l’appelante, dans les circonstances révélées par la preuve, de ne pas s’être aperçue avant l’instruction de l’absence de la clause résolutoire dans le projet d’acte de vente. En effet, après avoir reçu du notaire Pagé, le 30 août 2016, un projet d'acte de vente contenant la clause résolutoire, l'appelante, cohérente avec sa position depuis le 16 août précédent, a informé ce dernier qu'elle n'entendait pas se présenter pour conclure la transaction. Cette intention étant alors cristallisée et dûment communiquée au notaire, elle n’avait pas à prendre connaissance du projet d'acte de vente que ce dernier lui a communiqué le lendemain.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[126]      ACCUEILLE l’appel, avec les frais de justice;

[127]      INFIRME le jugement de première instance et, PROCÉDANT à rendre le jugement qui aurait dû être rendu :

[128]      REJETTE la demande en passation de titres et en dommages-intérêts introduite par l’intimée dans le dossier de la Cour supérieure n° 540-17-012215-165, avec les frais de justice;

[129]      ACCUEILLE la demande en radiation d’un avis de préinscription introduite par l’appelante dans le dossier de la Cour supérieure n° 540-17-012234-166, avec les frais de justice;

[130]      ORDONNE à l'Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de Laval de radier l'avis de préinscription portant le numéro 22 591 093 publié contre les immeubles décrits ci-après :

a)                 Le lot numéro [3] (3) du cadastre du Québec, dans la circonscription foncière de Laval;

b)                 Le lot numéro [1] (1) du cadastre du Québec, dans la circonscription foncière de Laval;

c)                  Le lot numéro [2] (2) du cadastre du Québec, dans la circonscription foncière de Laval.

 

 

 

 

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

 

 

 

 

 

PATRICK HEALY, J.C.A.

 

 

 

 

 

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

 

Me Carmine Mercadante

MSBA AVOCATS

Pour l’appelante

 

Me Isabelle Grégoire, avocate conseil

TUTINO JOSEPH GRÉGOIRE

Pour l’appelante

 

Me Denis Lapierre, avocat conseil

SWEIBEL NOVEK RABBAT

Pour l’appelante

 

Me Patrice Gladu

DUNTON RAINVILLE

Pour les intimés

 

Date d’audience :

19 septembre 2023

 


[1]  Kutschera c. Investissements So-Bel inc., 2021 QCCS 3922 (le « jugement entrepris »).

[2]  Promesse d’achat P-2.

[3]  Id., clause 4.4.2.

[4]  Déclaration P-3 du 23 septembre 2015; il n’est pas contesté qu’au fil de l’évolution du dossier, Kutschera agira de temps à autre comme représentant de Timu/l’intimée; aux fins des présents motifs, « l’intimée » pourra parfois également désigner Timu ou Kutschera.

[5]  Transcription de l’enregistrement du témoignage de Proulx le 3 décembre 2020, mémoire des intimés (« M.I. »; « t.e. Proulx »), p. 142/236.

[6]  Addendum P-5.

[7]  T.e. Proulx, p. 142/237-239 et 143/240-241.

[8]  Id., p. 143/241-242.

[9]  Id., p. 143/242-243.

[10]  Addendum P-8.

[11]  Addendum P-9.

[12]  Transcription de l’enregistrement du témoignage du notaire Malus le 4 décembre 2020 (« T.e. Malus), M.A., vol. 4, p. 1044/110, lignes 5 à 9.

[13]  Lettre P-10.

[14]  Pièce D-11, courriels des 11 et 12 août 2016 échangés entre le notaire Malus et Timu.

[15]  Ibid.

[16]  Lettre P-11.

[17]  Lettre P-12.

[18]  T.e. Malus, p. 1046/116-117 et 1047/121, ligne 25, à 122, ligne 6.

[19]  T.e. Proulx, p. 146/255.

[20]  Id., p. 170/350-351.

[21]  Transcription de l’enregistrement du contre-interrogatoire de Timu le 2 décembre 2020, mémoire de l’appelante (« M.A. »; « t.e. Timu »), p. 915/26, ligne 22, à p. 915/28, ligne 18.

[22]  T.e. Proulx, p. 172/359, 173/360 et 180/389-390-391.

[23]  Pièce P-14A.

[24]  Pièce P-15.

[25]  Pièce P-19, en liasse.

[26]  Pièce P-14A.

[27]  Pièce P-16.

[28]  Demande introductive d’instance du 2 septembre 2016, paragr. 23, 24 et 26.

[29]  Pièce P-59.

[30]  Transcription de l’enregistrement du témoignage du notaire Pagé t.e. Pagé »), p. 111/112-113-114.

[31]  Pièce P-70.

[32]  Jugement entrepris, paragr. 3, 5 et 6.

[33]  Id., paragr. 51.

[34]  Id., paragr. 71b).

[35]  Id., paragr. 53-59 et 61.

[36]  Id., paragr. 73.

[37]  Id., paragr. 73 in fine.

[38]  Id., paragr. 64.

[39]  Id., paragr. 70.

[40]  Id., paragr. 74 et note infrapaginale correspondante.

[41]  Id., paragr. 76.

[42]  Id., paragr. 77 et note infrapaginale correspondante.

[43]  Pièce D-13; jugement entrepris, paragr. 85.

[44]  Jugement entrepris, paragr. 90.

[45]  Id., paragr. 92.

[46]  P-65A.

[47]  P-65.

[48]  Jugement entrepris, paragr. 97.

[49]  Id., paragr. 108 et 122.

[50]  Id., paragr. 116.

[51]  Jacques Deslauriers, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2013, p. 43, paragr. 130 (3); Pierre-Gabriel Jobin et Michelle Cumyn, La vente, 4e éd., Montréal, Yvon Blais, 2017, p. 67.

[52]  Churchill Falls (Labrador) Corp. c. Hydro-Québec, 2018 CSC 46.

[53]  Churchill Falls (Labrador) Corporation Ltd. c. Hydro-Québec, 2016 QCCA 1229, paragr. 139; Churchill Falls) Labrador) Corp. c. Hydro-Québec, supra, note 52, paragr. 35.

[55]  Id., paragr. 49.

[56]  Salomon c. Matte-Thompson, 2019 CSC 14, paragr. 33; au même effet, voir Nelson (City) c. Mowatt, 2017 CSC 8, paragr. 38.

[57]  Schwartz c. Canada, [1996] 1 R.C.S. 254, paragr. 34-35, cité dans Benisty c. Kloda, 2018 QCCA 608, paragr. 156.

[58]  Jugement entrepris, paragr. 69-71.

[59]  T.e. Malus, p. 1044/110, lignes 5 à 9.

[60]  Échange de courriels D-11.

[61]  Transcription de l’enregistrement de l’interrogatoire préalable de Timu (« t.e. préalable Timu »), M.A. vol. 3, p. 695.

[62]  Id., p. 701-702.

[63]  Jugement entrepris, paragr. 71a).

[64]  Id., paragr. 71 b).

[65]  Jugement entrepris, paragr. 61

[66]  Transcription du témoignage de Oscar Stermer, 4 décembre 2020, M.A., vol.  4 T. S. »), p. 1077.

[67]  T.e.Timu, p. 956/193, ligne 11, à p. 957/195, ligne 6.

[68]  9393-0154 Québec inc. c. 9206-5721 Québec inc., 2022 QCCA 1612.

[69]  Id., paragr. 22, citant avec approbation T.L. c. Y.L., 2011 QCCA 1205, paragr. 17, citant Bettan c. 146207 Canada inc., 1993 CanLII 3533, paragr. 39 (C.A.).

[70]  Jugement entrepris, paragr. 73 in fine.

[71]  Copie jointe au courriel D-11.

[72]  Jugement entrepris, paragr. 70.

[73]  Art. 2805 C.c.Q.

[74]  Jugement entrepris, paragr. 40.

[77]  Jugement entrepris, paragr. 74.

[78]  144286 Canada inc. c. 9121-6788 Québec inc., supra, note 54, paragr. 23, 25, 27 et 66.

[79]  Id., paragr. 57.

[80]  Zanetti c. 2946-6117 Québec inc., supra, note 76, paragr. 46.

[81]  Id., paragr. 21 et 24, notamment.

[82]  Id., paragr. 66 et 68, notamment.

[83]  Houlachi c. Bray, J.E. 97-2114, 1997 CanLII 7108 (C.A.).

[84]  Id., paragr. 5. Voir également paragr. 6.

[85]  Id., paragr. 54 et 60-61.

[86]  Id., paragr. 22-26.

[87]  Cormier c. Ville de Montréal, 2023 QCCA 462, paragr. 89; Séminaire de Québec c. Morency, 2021 QCCA 370, paragr. 80; Beauchemin c. Wart, 2020 QCCA 945, paragr. 104-105.

[88]  Girard c. 9220-8883 Québec inc., 2022 QCCA 695, paragr. 43-44; Succession de Drolet c. Succession de Boilard, 2021 QCCA 144, paragr. 29, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 14 octobre 2021, no 39679; M.G. c. Pinsonneault, 2017 QCCA 607, paragr. 242.

[89]  6169970 Canada inc. c. Sévigny, 2019 QCCA 1068, paragr. 55; Léger c. Général Accident, compagnie d'assurances, 2006 QCCA 362, paragr. 10; Tremblay c. Gingras, 2002 CanLII 62406, 1er paragr. (C.A.).

[90]  Zanetti c. 2946-6117 Québec inc., supra, note 76, paragr. 77, cité avec approbation dans Immeubles Rosalia, s.e.n.c. c. Groupe immobilier Capital-Concepts inc., 2015 QCCA 631, paragr. 45.

[91]  Voir notamment Bettan c. 146207 Canada inc., supra, note 69, paragr. 29 et 47 et 144286 Canada inc. c. 9121-6788 Québec inc., supra, note 54, paragr. 58. Sur la possibilité pour le promettant-acheteur de consigner le prix de vente tardivement, « dans certaines circonstances », voir Penterman c. Ferme brune des Alpes, 2006 QCCA 1318, paragr. 87, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 8 mars 2007, no 31712; Théberge c. Durette, 2007 QCCA 42, paragr. 50, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 14 juin 2007, no 31936.

[92]  Lafantaisie c. Deslauriers, 2008 QCCA 2252, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 9 avril 2009, no 32977.

[93]  Id., paragr. 52.

[94]  Trépanier c. Trépanier, 2008 QCCA 425.

[95]  Id., paragr. 45 [soulignement ajouté].

[96]  9624-4277 Québec inc. (Carrosserie Cam-Expert) c. Amodeo, 2019 QCCA 1907, paragr. 2 et 7; Renaud c. Cyr, 2019 QCCA 1348, paragr. 23; Dolla c. 2313-6500 Québec inc., 2007 QCCA 678, paragr. 3.

[97]  144286 Canada inc. c. 9121-6788 Québec inc., supra, note 54, paragr. 67.

[98]  Trépanier c. Trépanier, supra, note 94, paragr. 43.

[99]  Penterman c. Ferme brune des Alpes, supra, note 91, paragr. 87.

[100]  9393-0154 Québec inc. c. 9206- 5721 Québec inc., supra, note 68, paragr. 22, citant avec approbation T.L. c. Y.L., 2011 QCCA 1205, paragr. 17.

[101]  Id., paragr. 22.

[102]  Ibid.

[103]  Habitations Germat inc. c. Giove, 2010 QCCA 611, paragr. 101.

[104]  Art. 1742 al.1 C.c.Q.

[105]  Pierre-Gabriel Jobin et Michelle Cumyn, La vente, supra, note 51, p. 371, n° 255.

[106]  Id., p. 370, n° 254.

[107]  Par analogie, voir 9393-0154 Québec inc. c. 9206-5721 Québec inc., supra, note 68, paragr. 22.

[108]  Supra, paragr. 50 des présents motifs.

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