Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Baijoonauth

2024 QCCDINF 4

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

ORDRE DES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS DU QUÉBEC

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

20-23-00868

 

DATE :

1er mars 2024

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me JEAN-GUY LÉGARÉ

Président

M. JACQUES DESCHÊSNE, infirmier

Membre

Mme JOSÉE MOREAU, infirmière

Membre

______________________________________________________________________

 

JOSÉE DORVAL, infirmière, en sa qualité de syndique adjointe de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

Plaignante

c.

KISHORE BAIJOONAUTH, infirmier (permis n° 220 0006)

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DU NOM DU CLIENT DE L’INTIMÉ MENTIONNÉ DANS LA PLAINTE, DANS LA PREUVE, DANS LES DOCUMENTS DÉPOSÉS EN PREUVE AINSI QUE DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE L’IDENTIFIER, ET CE, POUR ASSURER LA PROTECTION DE SA VIE PRIVÉE ET LE RESPECT DU SECRET PROFESSIONNEL.

INTRODUCTION

[1]               Mme Josée Dorval, infirmière, en sa qualité de syndique adjointe de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (l’Ordre), reproche à M. Kishore Baijoonauth, infirmier, d’avoir fait preuve de négligence dans les soins et traitements prodigués à un client, notamment en ne procédant pas à l'évaluation et au suivi requis par son état de santé.

[2]               Le 24 janvier 2024, M. Baijoonauth enregistre un plaidoyer de culpabilité sous l’unique chef de la plainte disciplinaire portée contre lui et les parties présentent une suggestion différente concernant la sanction à lui imposer.

POSITION DES PARTIES CONCERNANT LES SANCTIONS À IMPOSER

[3]               La syndique adjointe demande au Conseil d’imposer à M. Baijoonauth une période de radiation temporaire de six mois.

[4]             Elle demande aussi qu’un avis de la décision soit publié dans un journal circulant dans le lieu où M. Baijoonauth a son domicile professionnel conformément aux dispositions du septième alinéa de l’article 156 du Code des professions, et ce, aux frais de ce dernier.

[5]               La syndique adjointe demande, enfin, que le Conseil impose à M. Baijoonauth le paiement des déboursés relatifs à l’instruction de la plainte.

[6]               Pour sa part, M. Baijoonauth demande au Conseil de lui imposer une période de radiation temporaire de trois mois.

[7]               En ce qui concerne la publication d’un avis de la décision conformément au septième alinéa de l’article 156 du Code des professions et le paiement des déboursés relatifs à l’instruction de la plainte, M. Baijoonauth s’en remet à la décision du Conseil.

QUESTION EN LITIGE

A)    Quelle est la sanction à imposer à M. Baijoonauth sous l’unique chef de la plainte eu égard aux circonstances propres à son dossier?

[8]               Pour les motifs exposés ci-après, le Conseil impose à M. Baijoonauth une période de radiation temporaire de cinq mois sous l’unique chef de la plainte.

[9]               De plus, le Conseil ordonne qu’un avis de la décision soit publié dans un journal circulant dans le lieu où M. Baijoonauth a son domicile professionnel conformément aux dispositions du septième alinéa de l’article 156 du Code des professions, et ce, aux frais de ce dernier.

[10]           Enfin, le Conseil impose à M. Baijoonauth les déboursés relatifs à l’instruction de la plainte.

PLAINTE ET CULPABILITÉ

[11]           Le 5 septembre 2023, la syndique adjointe porte plainte contre M. Baijoonauth. La plainte disciplinaire est ainsi libellée :

Je, soussignée, Josée Dorval, infirmière, en ma qualité de syndique adjointe de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, exerçant mes fonctions au 4200, rue Molson dans le district de Montréal, province de Québec, déclare solennellement que je suis informée, ai raison de croire et crois que :

Kishore Baijoonauth, membre dûment inscrit au Tableau de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec pour l'année 2022-2023, a commis un acte dérogatoire alors qu'il exerçait sa profession à l'Hôpital général du Lakeshore du CIUSSS de l'Ouest-de-l'lle-de-Montréal, à savoir :

  1. Le ou vers le 16 juin 2022; a fait preuve de négligence dans les soins et traitements prodigués à F.C., client, notamment en ne procédant pas à l'évaluation et au suivi requis par son état de santé, contrevenant ainsi à l'article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers, RLRQ, chapitre C-26, r.9.

[Transcription textuelle]

[12]           Cette plainte lui est signifiée le 7 septembre 2023.

[13]           Le 12 septembre 2023, Me Catherine Hopkins comparaît pour M. Baijoonauth.

[14]           Le 23 octobre 2023, Me Daniel Y. Lord, président en chef du Bureau des présidents des conseils de discipline, tient un appel du rôle et l’avocate de M. Baijoonauth confirme que son client entend enregistrer un plaidoyer de culpabilité sous le seul chef d’infraction de la plainte.

[15]           Après avoir vérifié les disponibilités des parties, Me Lord fixe l’audition sur culpabilité et sanction le 24 janvier 2024.

[16]           Le 24 janvier 2024, dès le début de l’audition, M. Baijoonauth enregistre un plaidoyer de culpabilité sous l’unique chef de la plainte disciplinaire portée contre lui.

[17]           Le Conseil s’assure que son plaidoyer de culpabilité est fait librement, volontairement et en toute connaissance de cause.

[18]           Considérant le plaidoyer de culpabilité de M. Baijoonauth, le Conseil le déclare, séance tenante, coupable sous l’unique chef de la plainte disciplinaire.

CONTEXTE

[19]           Les parties déposent un document intitulé « Exposé conjoint de faits » signé par la syndique adjointe et l’avocate de M. Baijoonauth le 19 janvier 2024.

[20]           Les pièces de la syndique adjointe sont produites avec le consentement de M. Baijoonauth[1].

[21]           M. Baijoonauth témoigne brièvement.

[22]           De l’ensemble de cette preuve, le Conseil retient ce qui suit.

[23]           M. Baijoonauth est membre de l’Ordre depuis le 16 janvier 2020. Il est inscrit au tableau de l’Ordre pour la période 2023-2024 et exerce la profession à l’Hôpital général du Lakeshore.

[24]           Avant d’immigrer au Québec en 2016, M. Baijoonauth exerce la profession d’infirmier à l’Île-Maurice pendant 16 ans, principalement à l’urgence.

[25]           En 2018, M. Baijoonauth obtient une attestation d’études collégiales après avoir complété le programme Professional Integration into Nursing in Quebec for Internationally-Educated Nurses au cégep John Abbott.

[26]           Depuis le mois de janvier 2020, il exerce sa profession à l’Hôpital général du Lakeshore et, à compter du mois de juillet 2020, est affecté à l’urgence de cet hôpital.

[27]           En août et en octobre 2020, M. Baijoonauth suit une formation de deux jours en cardiologie pour lui permettre de travailler dans la section de l’urgence où la clientèle est placée sous moniteur.

[28]           En janvier 2021, M. Baijoonauth réussit l’examen lui permettant de travailler dans cette section de l’urgence.

[29]           Le 14 juin 2022, à la suite d’un examen en médecine nucléaire et sur recommandation de son médecin de famille, monsieur F.C. se présente à l’urgence de l’Hôpital général du Lakeshore afin que sa condition soit évaluée en cardiologie. 

[30]           À titre d’antécédents médicaux, monsieur F.C. souffre d’arythmie, d’insuffisance cardiaque et de fibrillation auriculaire. Il fait également du cholestérol et de l’hypertension artérielle.

[31]           Le 14 juin 2022, un diagnostic d’angine est posé et monsieur F.C. est placé sous moniteur cardiaque. Il est admis en cardiologie et gardé sous observation à l’urgence, en attendant un transfert à l’Hôpital Royal-Victoria pour subir une coronarographie ainsi qu’une angioplastie qui sont prévues le 17 juin 2022.

[32]           Les 14 et 15 juin 2022, monsieur F.C. ne présente pas de douleur à la poitrine.

[33]           Le 15 juin 2022, vers 23 h 45, M. Baijoonauth débute son quart de nuit à l’urgence. Monsieur F.C. est sous sa responsabilité.

[34]           Le 16 juin 2022, vers 00 h 35, M. Baijoonauth se présente au chevet de monsieur F.C. et procède à une évaluation de sa condition. Le client ne présente aucune douleur à la poitrine à ce moment.

[35]           Peu après, monsieur F.C. sonne la cloche d’appel. Une préposée aux bénéficiaires se rend à son chevet et le client l’informe qu’il a une douleur à la poitrine. La préposée aux bénéficiaires lui indique qu’elle va en aviser M. Baijoonauth et relève la tête de son lit.

[36]           M. Baijoonauth note au dossier que monsieur F.C. a eu un épisode de douleur à la poitrine et qu’il a pris de la nitroglycérine.

[37]           M. Baijoonauth prend les signes vitaux de monsieur F.C., note qu’il est afébrile et indique que le client va continuer à être monitoré.

[38]           Vers 00 h 45, M. Baijoonauth note au dossier que monsieur F.C. ne se plaint pas de douleur à la poitrine. Il le repositionne dans son lit et note que son rythme cardiaque est à 68 battements/minute.

[39]           À compter de 1 h 02, monsieur F.C. tente de joindre sa conjointe par téléphone à plusieurs reprises, sans succès, et lui laisse un message vocal.

[40]           Monsieur F.C. tente également de joindre sa fille, madame C.C., à plusieurs reprises.

[41]           À 1 h 08, monsieur F.C. réussit à parler à son gendre, monsieur M.L. Il l’informe qu’il tente de joindre sa conjointe par téléphone, sans succès. Monsieur F.C. explique qu’il a mal à la poitrine, aux bras et à la mâchoire, qu’il en informe le personnel, mais qu’on ne l’écoute pas.

[42]           Son gendre lui suggère alors de rappeler sa conjointe et que si elle ne répond toujours pas, de le rappeler immédiatement.

[43]           À 1 h 11, monsieur F.C. communique par téléphone avec sa fille, madame M.C., pour lui dire qu’il tente de joindre sa conjointe, sans succès. Sa fille remarque que son père n’a pas la même voix qu’à l’habitude et qu’il semble paniqué.

[44]           Informée par sa fille, madame M.C., que son conjoint tente de la joindre, madame L.C. communique avec monsieur F.C. à 1 h 14. Ce dernier lui indique avoir une douleur à la poitrine.

[45]           À 1 h 17, madame L.C. rappelle son conjoint puisqu’elle s’inquiète de son état. Ce dernier réitère avoir mal à la poitrine, aux bras et à la mâchoire. Madame L.C. lui demande s’il veut qu’elle se rende à son chevet, ce à quoi il répond non.

[46]           Entre 1 h 25 et 1 h 37, monsieur F.C. tente de rappeler sa conjointe à 12 reprises.

[47]           À 1 h 30, M. Baijoonauth note au dossier que monsieur F.C. est alerte, eupnéique et calme, qu’il ne présente pas de douleur à la poitrine ni de palpitations. Il indique que son rythme cardiaque est à 69 battements/minute.

[48]           Cette note est contradictoire avec le nombre d’appels fait par monsieur F.C. à la même période et la teneur de ses échanges avec ses proches.

[49]           À 1 h 37, monsieur F.C. communique à nouveau avec sa conjointe. Il mentionne avoir avisé l’infirmier qu’il avait très mal et qu’on lui répond que tout est correct, car sa pression et le moniteur cardiaque indiquent des valeurs normales. Monsieur F.C. réitère avoir de la douleur, mais que personne ne vient l’aider.

[50]           Durant la nuit, monsieur F.C. sonne la cloche d’appel à environ quatre reprises, toujours en raison d’une douleur à la poitrine. La préposée aux bénéficiaires demande à M. Baijoonauth s’il est allé voir le client, ce à quoi il répond que le client est correct.

[51]           À 2 h 21, monsieur F.C. rappelle sa conjointe. La conversation téléphonique dure 15 minutes. Lors de cet entretien, monsieur F.C. dit qu’il est en sueur, qu’il ressent la douleur jusque dans ses mains et qu’il sonne la cloche, mais que personne ne vient.

[52]           Madame L.C. entend des gémissements de douleur et suggère à son conjoint de crier pour demander de l’aide. Puis, madame L.C. entend un bruit émis par le moniteur et la ligne téléphonique coupe.

[53]           Vers 2 h 25, une infirmière passe près du cubicule où est alité monsieur F.C. qui l’interpelle, demandant à voir son infirmier. L’infirmière en informe M. Baijoonauth qui lui répond que le client est anxieux et qu’il va s’en occuper.

[54]           À 2 h 30, M. Baijoonauth note au dossier que monsieur F.C. est alerte, se plaint d’une légère douleur à la poitrine pour laquelle il a pris de la nitroglycérine. M. Baijoonauth prend ses signes vitaux et lui administre du Tylenol. Il indique qu’il repositionne le client au lit et qu’il continue à le monitorer.

[55]           Vers 2 h 38, une infirmière remarque, au poste des infirmières, que le moniteur cardiaque de monsieur F.C. sonne et que son rythme cardiaque est anormal.

[56]           Elle se rend sans délai au chevet de monsieur F.C., observe que la respiration du client est agonale et qu’il ne répond plus. Elle lance le code bleu.

[57]           Le code bleu est lancé à 2 h 40. Des manœuvres de réanimation cardiovasculaires sont débutées.

[58]           À 3 h 29, les manœuvres de réanimation sont cessées et le décès de monsieur F.C. est constaté.

[59]           Par son plaidoyer de culpabilité, M. Baijoonauth reconnaît avoir fait preuve de négligence dans les soins et traitements prodigués à monsieur F.C. le 16 juin 2022, en ce que :

  1. Il n’a pas procédé à l’évaluation requise par son état de santé alors que le client a présenté, au cours de la nuit, une douleur à la poitrine, qu’il était connu pour des problèmes cardiaques et était en attente d’un transfert dans un autre centre hospitalier pour une angioplastie; et
  2. Il n’a pas assuré le suivi requis par son état de santé puisqu’il n’a pas réévalué adéquatement la condition du client et n’a pas informé le médecin du changement dans son état, à savoir l’apparition d’une douleur à la poitrine et la prise de nitroglycérine.

[60]           Le 6 mars 2023, la syndique adjointe rencontre M. Baijoonauth dans le cadre de son enquête afin d’obtenir sa version des faits.

[61]           M. Baijoonauth indique que, durant la nuit, monsieur F.C. était anxieux, mais il admet ne pas avoir documenté cette observation au dossier médical de ce dernier.

[62]           Il reconnaît que l’anxiété pouvait être induite par la douleur à la poitrine que présentait le client.

[63]           M. Baijoonauth explique avoir administré du Tylenol à monsieur F.C. pour une douleur à la main, mais reconnaît ne pas avoir documenté cette douleur au dossier médical du client.

[64]           Il explique que cette nuit-là, il avait entre cinq et sept patients sous sa charge. Toutefois, interrogé par l’avocate de la syndique adjointe, il reconnaît qu’un infirmier qui travaille à l’Unité brève d’admission doit avoir six patients sous sa responsabilité.

[65]           M. Baijoonauth reconnaît aussi que le 16 juin 2022 à 1 h 25 un patient reçoit un congé, et a alors la responsabilité de cinq patients uniquement.

[66]           Au moment des événements impliquant monsieur F.C., il a un ratio de patient habituel.

[67]           M. Baijoonauth éprouve beaucoup de remords, est désolé pour la famille de monsieur F.C. et présente ses excuses.

[68]           Aucune mesure disciplinaire n’a été imposée à M. Baijoonauth par son employeur à la suite des événements survenus le 16 juin 2022 faisant l’objet de la présente plainte disciplinaire.

[69]           Il travaille toujours à l’Unité brève dadmission de l’Hôpital général du Lakeshore au même poste qu’il occupe depuis 2022. M. Baijoonauth affirme être apprécié à son travail.  

[70]           M. Baijoonauth n’a pas d’antécédents disciplinaires.

POSITION DE LA SYNDIQUE ADJOINTE

[71]           L’avocate de la syndique adjointe souligne que l’infraction commise par M. Baijoonauth est objectivement grave, ce qui constitue un facteur aggravant.

[72]           Elle souligne que la négligence dans les soins et les traitements à prodiguer à un client touche le cœur même de l’exercice de la profession d’infirmier.

[73]           Elle rappelle que durant la nuit, au cours de laquelle se sont produits les événements à l’Unité brève d’admission, la situation était somme toute normale et qu’il n’y avait aucun débordement.

[74]           Or, au cours de la nuit en question, M. Baijoonauth fait preuve d’un manque de jugement professionnel à l’égard de ce patient, admis deux jours plus tôt, soit le 14 juin 2022, qui souffre d’arythmie, d’insuffisance cardiaque, de fibrillation auriculaire, d’hypertension artérielle et qui présente un taux de cholestérol élevé.

[75]           De plus, ce patient est en attente d’un transfert à l’Hôpital Royal-Victoria il doit subir une coronarographie ainsi qu’une angioplastie.  

[76]           L’avocate de la syndique adjointe souligne que M. Baijoonauth na pas documenté la douleur du patient dans le dossier de celui-ci.

[77]           Elle rappelle la note surprenante de M. Baijoonauth dans le dossier qui indique que vers 1 h 30, le patient est alerte, eupnéique et calme, qu’il ne présente pas de douleur à la poitrine ni de palpitations.

[78]           Or, cette note est en complète contradiction avec le nombre dappels effectués par le patient à la même période et la teneur des échanges avec ses proches.  

[79]           Pour l’avocate de la syndique adjointe, cela constitue une première occasion manquée.

[80]           À 2 h 21, le client contacte sa conjointe, lui dit qu’il est en sueur, qu’il ressent la douleur jusque dans ses mains et qu’il sonne la cloche, mais que personne ne vient.

[81]           Or, vers 2 h 30, M. Baijoonauth note au dossier de son patient que celui-ci est alerte, se plaint d’une légère douleur à la poitrine pour laquelle il prend de la Nitroglycérine. Il prend ses signes vitaux et lui administre du Tylenol.

[82]           Pour l’avocate de la syndique adjointe, M. Baijoonauth n’effectue alors aucune réévaluation requise par l’état de santé de son client.

[83]           De plus, au cours de cette nuit, M. Baijoonauth n’a pas informé le médecin du changement dans l’état de son client.

[84]           À titre de facteur subjectif, l’avocate de la syndique adjointe souligne que bien que M. Baijoonauth ne soit membre de l’Ordre que depuis le mois de janvier 2020, il a exercé la profession d’infirmier à l’Île-Maurice pendant 16 ans, principalement à l’urgence.

[85]           Elle mentionne que M. Baijoonauth éprouve des regrets et présente des excuses, mais que la syndique adjointe demeure néanmoins perplexe quant au possible risque de récidive.

[86]           En effet, la syndique adjointe est d’avis que M. Baijoonauth n’a pas effectué une introspection complète lorsqu’il est revenu sur les faits entourant la commission de l’infraction dans le cadre de son témoignage.

[87]           L’avocate de la syndique adjointe dépose des autorités, qu’elle commente brièvement, au soutien de sa position[2].

POSITION DE M. Baijoonauth

[88]           L’avocate de M. Baijoonauth estime, de son côté, que la suggestion de la syndique adjointe d’imposer à son client une période de radiation temporaire de six mois est déraisonnable et punitive.

[89]           Elle situe la fourchette de sanction pour ce genre d’infraction entre trois et neuf mois de radiation temporaire.

[90]           Elle rappelle les éléments contextuels dans lesquels l’infraction a été commise, soit dans le cadre du travail de M. Baijoonauth à l’urgence et pendant le quart de nuit qui est un quart de travail défavorable qui est souvent en sous-effectif.

[91]           Elle souligne que bien que son client ait déjà travaillé à l’urgence, il travaille normalement dans une autre unité qui est annexée à l’urgence mais qu’il a été déplacé en raison du manque de personnel.

[92]           L’avocate de M. Baijoonauth plaide qu’il faut éviter de faire reposer sur les seules épaules de son client la responsabilité de se présenter au chevet des patients lorsque ceux-ci « sonnent des cloches ». Cette responsabilité est partagée avec la préposée aux bénéficiaires comme elle l’a d’ailleurs fait au cours de la nuit en question.

[93]           Elle reconnaît que la surcharge de travail ne peut constituer un moyen de défense mais est d’avis que cela fait tout de même partie du contexte et « doit être nommé ».

[94]           Elle reconnaît que l’infraction qui a été commise par son client est grave, mais souligne que la plainte ne contient qu’un seul chef de reproche qui constitue un cas isolé même si M. Baijoonauth s’est présenté à quelques reprises au cours de la nuit auprès de son client.

[95]           Elle ajoute que son client est apprécié de ses pairs et de ses supérieurs.

[96]           Pour elle, la période de radiation temporaire de trois mois qu’elle propose rencontre les objectifs de protection du public, de dissuasion et d’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession.

[97]           L’avocate de M. Baijoonauth plaide que son client a toujours agi de bonne foi et il a plaidé coupable à la première occasion.

[98]           Elle soumet qu’au moment de la commission de l’infraction, son client était membre de l’Ordre depuis un peu plus de deux ans. Il est donc un jeune infirmier au Québec.

[99]           De plus, M. Baijoonauth n’a pas d’antécédents disciplinaires, il a exprimé des remords, a fait preuve d’introspection et son risque de récidive est faible.

[100]      L’avocate de M. Baijoonauth dépose des autorités au soutien de sa position et les commente brièvement[3].

ANALYSE

A)    Quelle est la sanction à imposer à M. Baijoonauth sous l’unique chef de la plainte eu égard aux circonstances propres à son dossier?

[101]      Le Conseil souligne les enseignements du juge Chamberland de la Cour d’appel dans Pigeon c. Daigneault : « […] il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l'infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l'exercice de la profession […] ».

[102]      Au sujet de la protection du public, le Tribunal des professions nous enseigne ce qui suit dans l’affaire Chevalier[4] :

[18] Le Tribunal note que le juge Chamberland a parlé « au premier chef » de la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, puis l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession et enfin le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession. Ainsi, ce droit du professionnel ne vient qu'en quatrième lieu, après trois priorités.

[103]      La protection du public est le premier critère à évaluer lors de l’imposition d’une sanction. Toutefois, « chaque cas est un cas d’espèce »[5].

[104]      Le Conseil rappelle que son rôle n’est pas de punir le professionnel, mais de s’assurer que la sanction aura, sur M. Baijoonauth et les autres membres de la profession, un effet dissuasif tout en atteignant les objectifs d’exemplarité pour la profession et la protection du public.

[105]      La jurisprudence est constante concernant le fait que le rôle du Conseil de discipline, lorsqu’il impose une sanction, est d’assurer la protection du public. Ce critère englobe également celui de la perception du public[6].

[106]      La sanction est déterminée proportionnellement à la gravité de la faute commise et elle doit atteindre les objectifs de protection du public, de dissuasion et d’exemplarité enseignés en jurisprudence.

[107]      Le Conseil doit aussi respecter le principe de l’individualisation de la sanction et soupeser l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants, pertinents à la détermination de la sanction de chaque affaire.

Les facteurs objectifs

[108]      Dans la présente affaire, M. Baijoonauth a plaidé coupable à l’infraction d’avoir contrevenu à l’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers[7] qui est ainsi libellé :

44. L’infirmière ou l’infirmier ne doit pas faire preuve de négligence dans les soins et traitements prodigués au client ou au sujet de recherche. Notamment, l’infirmière ou l’infirmier doit:

 procéder à l’évaluation requise par son état de santé;

 intervenir promptement auprès du client lorsque son état de santé l’exige;

 assurer la surveillance clinique et le suivi requis par son état de santé;

 prendre les moyens raisonnables pour assurer la continuité des soins et traitements.

[109]      En matière de gravité objective, la conduite reprochée à M. Baijoonauth est très grave puisque les infractions pour lesquelles il a été reconnu coupable portent directement atteinte à l’essence même de la profession d’infirmier.

[110]      L’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers se retrouve dans la section III du Code intitulé « Qualité des soins et des services ».

[111]      Ainsi, M. Baijoonauth a porté directement atteinte à l’intégrité et à la dignité de la profession.

[112]      Linfraction qu’il a commise est directement liée aux bases mêmes de la profession d’infirmier.

[113]      Bien que les gestes commis par M. Baijoonauth puissent être qualifiés d’un acte isolé, ceux-ci ont eu un impact considérable sur monsieur F.C., qui était une personne très vulnérable et qui est finalement décédé.  

[114]      Par conséquent, les manquements de M. Baijoonauth sont susceptibles de nuire à la confiance du public envers la profession d’infirmier.

[115]      Dans les circonstances, la sanction devant être imposée à M. Baijoonauth doit être exemplaire afin que les membres de l’Ordre ne soient pas tentés d’avoir un comportement semblable au sien.

[116]      Le volet d’exemplarité doit être reflété par la sanction que le Conseil doit imposer. Il s’agit de l’un des objectifs reconnus dans le cadre de l’imposition d’une sanction en droit disciplinaire. Pour l’unique chef à l'étude, cette notion d’exemplarité trouve son fondement dans la gravité de l’infraction et dans la nécessité d’assurer la protection du public.

Les facteurs subjectifs

[117]      Le dossier de M. Baijoonauth présente des facteurs subjectifs qui sont examinés par le Conseil dans la détermination de la sanction à lui imposer sous l’unique chef de la plainte.

[118]      Son dossier présente certains facteurs atténuants.

[119]      M. Baijoonauth n’a pas d’antécédents disciplinaires. De plus, l’infraction commise s’est déroulée à une seule date, soit uniquement le 16 juin 2022 et à l’endroit d’un seul patient.  

[120]      De plus, il a plaidé coupable à la première occasion, dès le mois d’octobre 2023, a exprimé des regrets et a présenté des excuses à la famille de monsieur F.C.

[121]      Au moment de la commission de l’infraction, il était membre de l’Ordre depuis deux ans et demi.

[122]      Par ailleurs, le dossier de M. Baijoonauth présente plusieurs facteurs subjectifs aggravants.

[123]      Ainsi, avant d’immigrer au Québec en 2016, M. Baijoonauth exerce la profession d’infirmier à l’Île-Maurice pendant 16 ans, principalement à l’urgence.

Analyse des autorités

[124]      La syndique adjointe recommande d’imposer à M. Baijoonauth une période de radiation de six mois, alors que lui-même recommande une période de radiation de trois mois. Le Conseil procède à l’analyse des décisions soumises par les parties qui portent sur une infraction à l’égard de l’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers.

[125]      Le Conseil précise que les précédents soumis peuvent être considérés dans un but d’harmonisation. Ils sont des guides et non des carcans[8]. Dans chaque cas, le Conseil est tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire.

[126]      Dans l’affaire Archambault[9], il est reproché à une infirmière d’avoir fait preuve de négligence dans les soins et les traitements d’un adolescent ayant eu un malaise pendant un cours d’éducation physique. Mme Archambault, qui est au courant de la condition cardiaque préexistante de l’adolescent, se présente au gymnase, ne prend pas la relève de l’enseignante pour effectuer les manœuvres de réanimation cardio-respiratoire et quitte pour se rendre au secrétariat afin de demander que l’on appelle des secours sans revenir au gymnase avant larrivée des policiers et ambulanciers. Le jeune client est finalement décédé le même jour en milieu hospitalier.

[127]      Le conseil de discipline de l’Ordre entérine la recommandation conjointe des parties et impose à Mme Archambault, autrefois infirmière, une période de radiation temporaire de 9 mois et une amende de 5 000 $.

[128]      Dans l’affaire Gracia[10], il est reproché à l’infirmière qui travaille pour une agence de placement et qui est affectée à un Centre d’hébergement, davoir fait preuve de négligence dans les soins et traitements prodigués à un client de 93 ans, notamment en omettant de procéder à l’évaluation requise, en n’assurant pas la surveillance clinique et le suivi requis par son état de santé et, plus tard, en le mobilisant sur son côté gauche alors que son bras gauche était déformé et œdématié.

[129]      Dans cette affaire, le plaidoyer de culpabilité de Mme Gracia pour ce chef survient tardivement après la présentation de la preuve sur culpabilité du syndic adjoint.

[130]      Le conseil de discipline de l’Ordre a considéré, en évaluant les autres chefs de la plainte, que l’infraction commise par Mme Gracia n’était pas un acte isolé.

[131]      Le conseil de discipline va au-delà de la proposition sur sanction du syndic adjoint et impose à Mme Gracia, une période de radiation temporaire de 12 mois et recommande au Conseil d’administration de l’Ordre de lui imposer l’obligation de suivre et de réussir un cours ou un stage de perfectionnement relatif aux valeurs fondamentales de la profession, ainsi qu’à l’égard de l’évaluation d’un client.

[132]      Dans l’affaire Pilon[11], il est reproché à l’infirmière d’expérience, qui travaille pour une agence de placement de personnel infirmier, d’avoir fait preuve de négligence dans les soins et traitements prodigués à une cliente de 88 ans souffrant d’Alzheimer, résidente dans un CHSLD, notamment en n’assurant pas la surveillance clinique et le suivi requis à la suite de la détérioration de son état de santé. Elle ne procède pas à une évaluation adéquate de la cliente et ne reconnaît pas les signes et symptômes annonciateurs d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Un AVC est finalement diagnostiqué plusieurs heures plus tard.

[133]      L’infirmière plaide coupable à la première occasion et prend des mesures afin de ne plus travailler dans un CHSLD. Le conseil de discipline de l’Ordre est rassuré quant au risque de récidive qu’il évalue comme étant faible et il entérine la recommandation conjointe des parties en imposant à Mme Pilon une période de radiation temporaire de quatre mois.

[134]      Dans l’affaire Prévost[12], il est reproché à cette infirmière d’expérience davoir fait preuve de négligence dans les soins et traitements prodigués à un jeune client de 17 ans  ayant reçu de la morphine après avoir subi une appendicectomie par laparoscopie, notamment en n’assurant pas la surveillance clinique et le suivi requis par son état de santé suite à l’administration de morphine, en omettant d’intervenir lorsque son état de santé l’exigeait et en ne prenant pas les moyens raisonnables pour assurer la continuité des soins.

[135]      Le jeune client est finalement décédé à la suite d’une détresse respiratoire.

[136]      Mme Prévost est reconnue coupable d’avoir omis de respecter les exigences de l’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers et le conseil de discipline lui impose une période de radiation de neuf mois.

[137]      L’affaire Deymier[13] donne lieu à deux décisions. Dans un premier temps, au cours de l’audition sur culpabilité, l’infirmier Deymier plaide coupable à six chefs d’infraction, dont trois fondés sur l’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers. Il est déclaré coupable d’un septième chef par une décision du conseil.

[138]      Dans sa décision sur sanction, le conseil de discipline indique que M. Deymier a commis une pluralité d’infractions visant divers clients vulnérables et qu’il présente un risque de récidive élevé, même s’il n’a aucun antécédent disciplinaire. De plus, il a reçu des mises en garde et des avertissements de la part de son employeur. Il a été suspendu pour certains manquements et n’a démontré aucune volonté de s’amender ou de se réhabiliter.

[139]      Le conseil de discipline lui impose, sous les quatre chefs pour lesquels il a été déclaré coupable d’infractions à l’égard de l’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers, des périodes de radiation temporaire de neuf mois pour trois chefs et de six mois pour un quatrième chef.

[140]      Dans l’affaire Tremblay[14], bien qu’une infirmière auxiliaire presse l’infirmière Tremblay, infirmière chef dans un centre gériatrique, d’intervenir auprès d’un client âgé souffrant de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), celle-ci ne donne pas suite à ses demandes. Même si Mme Tremblay se rend au chevet du client à quelques reprises, elle ne prend pas ses signes vitaux et ne l’ausculte pas. L’infirmière plaide coupable à l’égard du seul chef de la plainte à une infraction fondée sur l’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers.

[141]      Le conseil de discipline retient à titre de facteurs atténuants que Mme Tremblay a plaidé coupable, qu’elle reconnaît ses erreurs, qu’elle a été congédiée, qu’il s’agit d’une situation isolée et qu’elle a exprimé des remords et des regrets sincères. Mme Tremblay reconnaît que malgré qu’elle ait demandé que le médicament pour l’asthme soit administré, cela ne suffisait pas. Elle se devait en effet de prendre les signes vitaux complets puis les comparer avec ceux au dossier, et ce, avant même de tenter de joindre le médecin. Le conseil de discipline lui impose une période de radiation temporaire de six mois.

[142]      Dans l’affaire Breault[15], l’infirmière plaide coupable à l’unique chef d’infraction qui lui reproche d’avoir fait preuve de négligence dans l’administration des soins requis par l’état de santé d’un jeune client, lorsqu’elle est intervenue auprès de lui en réponse à une alarme déclenchée par un appareil installé afin de surveiller ses signes vitaux. Ce dossier est le pendant de l’affaire Prévost ci-haut mentionnée. Toutefois, l’implication de Mme Breault auprès du jeune client a été davantage ponctuelle.

[143]      La syndique adjointe recommande au conseil de discipline d’imposer à Mme Breault une période de radiation de cinq mois. De son côté, Mme Breault recommande l’imposition d’une réprimande. Toutefois, si le conseil estime que l’imposition d’une période de radiation temporaire est nécessaire dans le contexte du présent dossier, elle propose que cette période de radiation temporaire n’excède pas deux semaines.

[144]      Le conseil de discipline lui impose finalement une période de radiation temporaire de trois mois.

[145]      Dans l’affaire Traore[16], l’infirmier enregistre un plaidoyer de culpabilité sous l’unique chef de la plainte qui lui reproche de ne pas avoir assuré en temps opportun le suivi de l’état d’une cliente après avoir été avisé que celle-ci avait reçu par erreur plusieurs médicaments et de ne pas avoir pris les moyens pour corriger, atténuer ou pallier les conséquences de cette erreur de médicaments.  

[146]      Les parties présentent des positions divergentes quant à la sanction à imposer à M. Traore. La syndique adjointe recommande l’imposition d’une période de radiation temporaire de quatre mois. De son côté, M. Traore soutient que l’imposition d’une réprimande ou d’une amende de 2 500 $ serait appropriée.

[147]      Le conseil de discipline lui impose finalement une période de radiation temporaire de trois mois à ce jeune infirmier.

[148]      Dans l’affaire Falardeau[17], l’infirmière enregistre un plaidoyer de culpabilité sous les trois chefs de la plainte. Le chef 2 lui reproche de ne pas avoir procédé aux évaluations requises par l’état de santé de sa cliente. Or, le conseil de discipline fait droit à la recommandation conjointe des parties et impose à Mme Falardeau une radiation temporaire de trois mois.

[149]      Dans l’affaire Vachon[18], l’infirmier enregistre un plaidoyer de culpabilité sous l’unique chef de la plainte lui reprochant davoir fait preuve de négligence dans les soins et traitements prodigués à un client au mois de mars 2014.

[150]      La syndique adjointe recommande l’imposition d’une période de radiation temporaire de six mois. De son côté, M. Vachon soutient qu’une période de radiation d’un mois est appropriée.

[151]      Le conseil de discipline lui impose finalement une période de radiation temporaire d’un mois.

Décision

[152]      Il ressort de l’analyse des précédents que le spectre des sanctions, pour une infraction à l’égard de l’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers, se situe, pour une période de radiation temporaire, entre trois et neuf mois.

[153]      Plusieurs des décisions soumises par les parties exposent divers facteurs atténuants, dont des plaidoyers de culpabilité enregistrés par une infirmière ou un infirmier leur reprochant une contravention à l’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers.

[154]      De même, plusieurs décisions indiquent que le conseil de discipline de l’Ordre entérine les recommandations conjointes présentées par les parties.

[155]      Le Conseil rappelle que la gravité de la faute doit occuper une place importante dans la détermination de la sanction[19] :

[156]      La preuve démontre que M. Baijoonauth a failli, lors de l’épisode de soins, sous les quatre aspects de l’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers.  

[157]      Le public est en droit de s’attendre à ce que les membres de la profession soient vigilants dans l’évaluation de leur condition médicale ainsi que du suivi à être fait.

[158]      Le Conseil doit, à la suite de son exercice d’évaluation et d’analyse, s’assurer que la sanction qu’il entend imposer est proportionnelle à la gravité de l’infraction et qu’elle est également individualisée. La sanction doit correspondre aux circonstances propres à la situation[20]. Elle ne doit pas, du reste, chercher à punir M. Baijoonauth.

[159]      En fonction de la preuve au dossier, des conséquences que les omissions de M. Baijoonauth ont eues sur le client, des précédents, des différents facteurs objectifs et subjectifs propres à ce dernier et du critère d’individualisation de la sanction, le Conseil impose à M. Baijoonauth une période de radiation temporaire de cinq mois.

[160]      Par ailleurs, le Conseil ordonne la publication d’un avis de la présente décision conformément aux dispositions du septième alinéa de l’article 156 du Code des professions.

[161]      Finalement, le Conseil condamne M. Baijoonauth, au paiement de l’ensemble des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

LE 24 JANVIER 2024 :

Sous le chef 1 :

[162]      A DÉCLARÉ l’intimé, Kishore Baijoonauth, inf., coupable d’avoir contrevenu à l’article 44 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers.

ET CE JOUR :

[163]      IMPOSE à l’intimé, Kishore Baijoonauth, inf., une radiation temporaire de cinq mois.

[164]      ORDONNE à la secrétaire du Conseil de discipline de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec de publier un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé, Kishore Baijoonauth, inf., a son domicile professionnel conformément au septième alinéa de l’article 156 du Code des professions, et ce, aux frais de l’intimé. 

[165]      CONDAMNE l’intimé, Kishore Baijoonauth, inf., au paiement de l’ensemble des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions.  

 

__________________________________

Me JEAN-GUY LÉGARÉ

Président

 

 

 

__________________________________

M. JACQUES DESCHÊSNE, infirmier

Membre

 

 

 

__________________________________

Mme JOSÉE MOREAU, infirmière

Membre

 

 

 

Me Marie-Ève Giguère

Avocate de la plaignante

 

Me Catherine Hopkins

Avocate de l’intimé

 

Date d’audience :

24 janvier 2024

 


[1]  Pièces P-1 et SP-1 à SP-11.

[2]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Archambault, 2022 QCCDINF 25; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Gracia, 2022 QCCDINF 1; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Gracia, 2022 QCCDINF 13; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Pilon, 2021 QCCDINF 2; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Prévost, 2021 QCCDINF 29; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Prévost, 2022 QCCDINF 6; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Deymier, 2020 QCCDINF 25; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Deymier, 2021 QCCDINF 4; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Tremblay, 2019 CanLII 93471 (QC CDOII); Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Duguay, 2011 CanLII 80408 (QC CDOII).

[3]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Breault, 2022 QCCDINF 22; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Traore, 2022 QCCDINF 8; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Pilon, supra, note 2; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Falardeau, 2020 QCCDINF 22; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Vachon, 2019 CanLII 19226 (QC CDOII).

[4]  Chevalier c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 137.

[5]  Pigeon c. Daigneault 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[6]  RLRQ, chapitre I-8, r. 9.

[7]  Salomon c. Comeau, 2001 CanLII 20328 (QC CA); Choquette c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 165.

[8]  R. c. Lacasse, 2015 CSC 64.

[9]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Archambault, supra, note 2.

[10]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Gracia, supra, note 2.

[11]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Pilon, supra, note 2.

[12]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Prévost, supra, note 2.

[13]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Deymier, supra, note 2.

[14]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Tremblay, supra, note 2.

[15]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Breault, supra, note 3.

[16]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Traore, supra, note 3.

[17]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Falardeau, supra, note 3.

[18]  Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Vachon, supra, note 3.

[19]  Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178, paragr. 69.

[20]  Adle c. Médecins (Ordre professionnel des), 2018 QCTP 12.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.