Décision

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Séquestre de Cinémas Guzzo inc.

2025 QCCS 235

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre commerciale)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

 

No:

700-11-022311-247

 

 

 

DATE :

5 février 2025

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

michel a. pinsonnault, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

DANS L’AFFAIRE DE LA MISE SOUS SÉQUESTRE INTÉRIMAIRE DE :

 

CINÉMAS GUZZO INC.

CINÉMA MÉGA-PLEX LONGUEUIL 14 INC.

CG Lacordaire INC.

CG Terrebonne INC.

Cinéma Terrebonne INC.

CG Montréal INC.

CG Laval INC.

CG Rive-Nord INC.

CINÉMA MéGA-PLEX TASCHEREAU 18 INC.

CG Ste-Thérèse INC.

CG St-Jean INC.

LE GROUPE GUZZO CONSTRUCTION INC.

GROUPE GUZZO PONT-VIAU INC.

MÉga-Centre GUZZO Pont-Viau INC.

GROUPE GUZZO LACORDAIRE INC.

Groupe Guzzo Ste-Dorothée inc.

GROUPE GUZZO TERREBONNE INC.

PIZZERIA GIULIETTA INC.

GIULIETTA PIZZERIA NAPOLETANA LACORDAIRE INC.

 

Débitrices

-et-

 

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE

-et-

Q-8 CApital s.e.c.

-et-

Q-12 Capital S.E.c.

-et-

Banque équitable

 

Créancières garanties

-et-

 

RAYMOND CHABOT INC.

 

Séquestre Requérant

______________________________________________________________________

 

JUGEMenT sur demande visant à étendre les pouvoirs du séquestre

(Paragraphe 26 de l’Ordonnance nommant un séquestre datée du 19 décembre 2024)

______________________________________________________________________

 

  1.                 Raymond Chabot inc. à titre de Séquestre nommé par le Tribunal (le « Séquestre ») demande d’étendre les pouvoirs qui lui ont été conférés par Ordonnance prononcée le 19 décembre 2024[1] (l’« Ordonnance de séquestre ») à la lumière des événements survenus depuis lors. Le Séquestre vise principalement le retrait de l’administration des salles de cinéma Guzzo confiée aux Débitrices le 19 décembre dernier ainsi que la fermeture de celles-ci compte tenu du contexte actuel dont il sera plus amplement question ci-après.   
  2.                 Aux termes de l’Ordonnance de séquestre, le Tribunal accueillait en partie la demande de Banque Canadienne Impériale de Commerce (« CIBC »), la principale créancière garantie des Débitrices, à laquelle s’étaient jointes les autres créancières garanties Q-8 Capital S.E.C. (« Q-8 »), Q-12 Capital S.E.C. (« Q-12 ») et la Banque Équitable (« Équitable ») lesquelles alléguaient essentiellement avoir perdu confiance envers les Débitrices et avoir des motifs objectifs et sérieux de craindre que leur position ne se détériore davantage si celles-ci continuaient l’exploitation de leurs entreprises dans un contexte de manque chronique de liquidités. La nomination du Séquestre et la mise en place d’un processus visant à intéresser ou à solliciter un ou des acheteurs potentiels des actifs des Débitrices s’imposaient d’urgence.
  3.                 En prononçant l’Ordonnance de séquestre[2], le Tribunal a néanmoins décidé de limiter les pouvoirs du Séquestre alors demandés par CIBC, Q-8, Q-12 et Équitable.
  4.                 Sur la foi des représentations et de la vaste expérience du dirigeant principal des Débitrices, Monsieur Vincent Guzzo (« M. Guzzo »), auxquelles se fiait alors le représentant du Séquestre proposé, Monsieur Dominic Deslandes, le Tribunal a décidé de laisser aux Débitrices l’exploitation des cinémas Guzzo aux conditions suivantes :

[25] ORDONNE que les opérations et encaissements de Cinémas Guzzo inc. et de ses filiales CG Montreal inc., CG Laval inc., CG Terrebonne inc., CG Rive Nord inc., CG Ste Thérèse inc., CG St-Jean inc., CG Lacordaire inc., Cinéma Terrebonne inc., Cinéma Méga-Plex Longueuil 14 inc., Cinéma Méga-Plex Taschereau 18 inc. (collectivement, le Groupe Cinémas Guzzo), soient comptabilisés de façon distinctes des autres Débitrices afin de leur permettre de couvrir les frais d’opération courante des cinémas comprenant notamment les salaires, déductions à la source et remises de taxes, leurs loyers envers des tiers et envers certaines sociétés liées ainsi que les frais de films et de nourriture, le tout conformément aux prévisions de 13 semaines débutant le 29 novembre 2024 (R-55) jointes à la présente Ordonnance comme Annexe B (les Prévisions financières Cinémas) ;

[26] DÉCLARE que le Séquestre pourra s’adresser au Tribunal en cas de déficit d’opération du Groupe Cinémas Guzzo afin de faire rapport au Tribunal et d’obtenir les redressements appropriés ;

[27] ORDONNE que le Financement temporaire, de même que l’encaisse des Débitrices, autres que l’encaisse du Groupe Cinémas Guzzo, ne pourront servir à acquitter les frais d’opération courante dus par le Groupe Cinémas Guzzo durant la Période [telle que définie ci-après] ;

[28] ORDONNE qu’à la fin de la période de 13 semaines prévue aux Prévisions financières Cinémas soit après la semaine du 27 février 2025 (la Période), le Séquestre qui aura exercé la supervision et le contrôle des recettes et débours des Débitrices durant cette Période, fasse rapport au Tribunal sur l’état de la situation financière du Groupe Cinémas Guzzo tout en formulant ses recommandations — sans pour autant lier le Tribunal — quant à l’utilisation proposée de tout excédent d’opérations du Groupe Cinémas Guzzo durant cette Période, le cas échéant, et ce, en consultation avec les Débitrices ;

[Soulignements ajoutés]

  1.                 Ainsi, les Prévisions financières Cinémas couvrant la période du 29 novembre 2024 au 27 février 2025, qui étaient jointes à l’Ordonnance de séquestre comme Annexe B, démontraient pour la Période des 13 semaines visées un flux monétaire positif découlant exclusivement de l’exploitation des salles cinémas du Groupe Cinémas Guzzo, ce qui allait permettre de satisfaire tous leurs frais courants d’exploitation y prévus expressément avec un surplus.
  2.                 Le Séquestre s’était néanmoins vu confier la responsabilité d’exercer la supervision et le contrôle des recettes et débours des Débitrices, incluant celles du Groupe Cinémas Guzzo, et de faire rapport au Tribunal sur la situation financière dudit Groupe tout en formulant ses recommandations.
  3.                 Enfin, l’Ordonnance de séquestre stipulait qu’en cas de déficit d’opération du Groupe Cinémas Guzzo au cours de la Période visée, le Séquestre puisse s’adresser au Tribunal afin de faire rapport et d’obtenir les redressements appropriés au besoin.
  4.                 Le 22 janvier 2025, considérant critique et intenable la situation financière actuelle du Groupe Cinémas Guzzo combinée à l’effet grandement préjudiciable de celle-ci à l’endroit de divers créanciers appelés à continuer d’assurer les services requis ponctuellement pour le maintien de l’exploitation des cinémas, le Séquestre dépose la présente Demande visant à étendre les pouvoirs que lui avait déjà confiés le Tribunal le 19 décembre précédent (la « Demande »).
  5.                 Bref, le Séquestre a constaté dès la mi-janvier 2025 une détérioration marquée de la situation financière du Groupe Cinémas Guzzo en vertu de laquelle plusieurs des fournisseurs appelés à continuer de rendre les services requis ponctuellement pour la poursuite de l’exploitation des cinémas n’étaient pas payés par manque de liquidités suffisantes. La raison principale à la source de ce constat est que l’affluence attendue depuis le 19 décembre 2024, laquelle était reflétée dans les Prévisions financières Cinémas n’a tout simplement pas été au rendez-vous.
  6.            Selon le Séquestre, le maintien du statu quo découlant des dispositions de l’Ordonnance de séquestre liées à l’exploitation des cinémas pendant la Période — et même au-delà — est devenu intenable au risque d’accroître indument le préjudice financier causé aux fournisseurs de services et créanciers ordinaires qui, aux termes de l’Ordonnance de séquestre, se voient obligés de continuer d’offrir et d’assurer les services requis par les Débitrices pour l’exploitation de leurs cinémas pendant que ces dernières génèrent et encaissent des revenus.
  7.            Or, le maintien de l’exploitation des cinémas alors confié aux Débitrices était strictement tributaire de l’obligation du Groupe Cinémas Guzzo de payer à échéance à même les recettes toutes les dépenses et tous les frais liés aux services ponctuels offerts pendant la Période pour l’exploitation des cinémas. En d’autres mots, face au constat actuel en raison du manque chronique de liquidités découlant d’un achalandage qui ne s’est malheureusement pas matérialisé au courant des Fêtes et, par après, l’opportunité de maintenir le statu quo doit être réévaluée dès maintenant.
  8.            Les cinémas encaissent certes des revenus, mais ceux-ci sont clairement insuffisants pour permettre au Groupe Cinémas Guzzo d’honorer à échéance ses obligations financières courantes et ponctuelles. Le Tribunal comprend qu’au cours des dernières années, M. Guzzo a dû injecter des millions de dollars dans ses entreprises pour renflouer leur manque de liquidités. Malheureusement, la pandémie due à la COVID-19 a entrainé des répercussions dévastatrices pour les cinémas exploités par M. Guzzo, dont les séquelles se font toujours sentir.  
  9.            Or, M. Guzzo ne serait plus en mesure de combler tout déficit au niveau des liquidités requises et ne bénéficie plus du soutien de son ex-banquier CIBC à qui ses entreprises doivent toujours des sommes substantielles.
  10.            Quoi qu’il en soit, la situation financière actuelle n’est malheureusement pas nouvelle. Celle-ci perdure depuis des années, en août 2023, CIBC, le banquier principal des Débitrices, a demandé à ces dernières de trouver un autre banquier pour leurs financements et opérations bancaires. Bien que les Débitrices disposaient alors d’un délai de six mois venant à échéance le 29 février 2024 pour trouver un autre banquier, elles ont non seulement fait défaut d’obtempérer à la demande de CIBC, mais, entretemps, leurs comptes bancaires ont affiché plusieurs défauts face à leurs engagements contractuels à un point tel que le 3 juillet 2024, CIBC rappelait formellement ses avances[3]. Les Débitrices sont toujours en défaut de rembourser les sommes dues à CIBC, d’où une première Demande de CIBC pour la nomination d’un Séquestre intérimaire, laquelle fut accordée en partie le 22 novembre 2024,[4] suivie de la Demande pour la nomination d’un Séquestre accordée partiellement le 19 décembre 2024[5]. 
  11.            En pareilles circonstances, la pratique de retarder les paiements qui sont dus dans l’espoir que les revenus futurs vont permettre de satisfaire ceux-ci plus tard ne constitue plus une solution qui peut être raisonnablement envisagée par les Débitrices et encore moins par le Tribunal. En reportant par manque de liquidités, le paiement des dettes courantes en attendant l’entrée de recettes additionnelles ne fait qu’empirer la situation financière des Débitrices tout en accroissant le préjudice financier des divers fournisseurs et créanciers ordinaires qui doivent continuer de fournir les services requis pour l’exploitation des salles de cinéma, et ce, malgré l’incapacité des Débitrices de les payer ponctuellement tel que prévu dans l’Ordonnance de séquestre.
  12.            Bref, alors que M. Guzzo n’a apparemment plus les ressources financières pour renflouer le manque de liquidité de ses entreprises, la « boule de neige » ne fait que prendre de plus en plus d’ampleur, comme en fait foi le Rapport amendé du Séquestre daté du 1er février 2025[6] (le « Rapport »).     
  13.            Alors que, selon les Prévisions financières Cinémas, les dépenses courantes des cinémas devaient être amplement satisfaites à même les recettes et revenus générés par les salles de cinéma, la réalité s’est avérée tout autre.
  14.            Bien que budgété dans les Prévisions financières Cinémas, aucun des tiers locateurs n’a reçu le paiement de leur loyer depuis le 19 décembre dernier pour cumuler des arrérages de quelque 741 000 $ au 30 janvier 2025[7]. L’Ordonnance de séquestre prévoyait également, entre autres, le paiement de loyers intercompagnies[8] qui affichent aussi des arrérages de 439 000 $ au 30 janvier 2025[9].        
  15.            À ces arrérages impayés s’ajoutent d’autres dépenses courantes impayées de plus de 800 000 $ au 30 janvier 2025[10].
  16.            La situation financière ne s’est pas améliorée ou même résorbée pour les deux dernières semaines de janvier 2025, tel qu’en fait foi le Rapport amendé du Séquestre : 

Le Séquestre a les observations suivantes à cet égard :

  1. Selon les informations limitées obtenues des dirigeants, nous constatons que la situation a continué de se détériorer au cours des deux dernières semaines. Nous estimons que les frais courus impayés ont augmenté de près de 550 000 $, passant de 1,4 million $ à près de 2 millions $. Cette hausse s’explique principalement par :
  1. 197 000 $ de loyers de tiers additionnels ;
  2.                 147 000 $ de loyers intercompagnies ;
  3.                68 000 $ de DAS pour la période de paie terminée le 21 janvier 2025 ;
  4.               104 000 $ de frais films ;
  1. Toutes les dépenses décrites précédemment ont été engagées après la nomination du Séquestre et auraient normalement être payées en fonction des Prévisions financières Cinémas.
  2. Il demeure évident que les liquidités générées par les opérations des cinémas ont été et demeurent insuffisantes pour couvrir les dépenses courantes et que la direction compte sur des encaissements futurs pour les payer. […]

[Soulignement ajouté]

  1.            Le Séquestre a également porté à l’attention du Tribunal qu’au cours de la Période, au lieu d’utiliser les recettes pour acquitter des dettes et dépenses courantes (post 19 décembre 2024), le Groupe Cinémas Guzzo s’est malheureusement servi de ces recettes pour acquitter jusqu’à concurrence de 750 000 $ des dettes « pré 19 décembre 2024 » à l’insu et sans l’accord préalable du Séquestre.  
  2.            M. Guzzo a expliqué qu’il a été confronté malgré lui à plusieurs fournisseurs de services exigeant le paiement d’arrérages pour assurer la continuité des services requis ponctuellement après le 19 décembre 2024. Pourtant, les dispositions de l’Ordonnance de séquestre interdisaient à ces fournisseurs d’agir ainsi. Plutôt que d’être confronté à un fait accompli — un constat décrié par le Séquestre — une transparence accrue et une meilleure communication avec le Séquestre auraient sans aucun doute été plus avantageuses pour limiter, voire permettre d’éliminer de telles demandes indues des fournisseurs qui contrevenaient en ce faisant à l’Ordonnance de séquestre. 
  3.            Au terme de son Rapport, le Séquestre conclut que le maintien de l’exploitation des cinémas ne peut s’effectuer au détriment des fournisseurs si ces derniers ne sont pas payés. Il recommande donc d’accroitre les pouvoirs conférés par l’Ordonnance de séquestre afin qu’il puisse prendre le contrôle de l’ensemble des biens des Débitrices grevés en faveur des Créanciers garantis et, malheureusement, mettre fin, du moins temporairement, à l’exploitation des cinémas par les Débitrices d’autant plus que tout comme celles-ci, il ne bénéficie pas d’un financement intérimaire qui lui permettait de couvrir tout déficit d’exploitation sous sa gouverne : 

7.1. Le présent rapport a été préparé afin de fournir au tribunal un aperçu de l’évolution des liquidités et de la situation financière du Groupe Guzzo depuis la nomination du Séquestre le 19 décembre dernier.

7.2. Les recettes des cinémas furent nettement insuffisantes pour couvrir les dépenses courantes, bien que les dirigeants espèrent toujours couvrir les obligations passées avec des revenus et encaissements futurs.

7.3 Selon les informations obtenues, le Séquestre estime, en excluant les frais financiers et honoraires professionnels, qu’un passif d’au moins 650 000 $[11] (frais courus additionnels de 1,4 million $ moins des paiements d’arrérages de 750 000 $) s’est créé depuis le 19 décembre 2024 alors que les Débitrices anticipaient générer des surplus de liquidités d’environ 1,1 million $.

7.4 Le Séquestre estime que le maintien de l’exploitation ne peut évidemment se faire au détriment des fournisseurs si ces derniers ne sont pas payés. Cependant, les dirigeants estiment avoir le support de la majorité des locateurs et créanciers et que ceux-ci toléreraient toujours des retards de paiements.

7.5 Toutefois, à ce jour, la Banque Royale du Canada, trois (3) des locateurs et CAFO souhaitent la levée de la suspension des procédures considérant qu’ils ont des montants impayés importants et il est envisageable que d’autres créanciers suivent le pas.

7.6. Bien que le maintien de l’exploitation des cinémas puisse sembler avantageux à certains égards, le Séquestre est d’avis que l’insuffisance des revenus actuels pour couvrir les dépenses courantes jumelée à l’incertitude des revenus futurs le convainc que le maintien des opérations porte préjudice aux créanciers.

7.7. Ainsi, le Séquestre recommande au tribunal de modifier les pouvoirs qui lui ont été consentis dans le cadre de l’Ordonnance selon le projet d’ordonnance qui sera transmis par son procureur, le tout afin qu’il puisse prendre le contrôle de l’ensemble des biens des Débitrices grevés en faveur des Créanciers garantis et mettre fin aux opérations des Débitrices.

7.8 Considérant que les liquidités des Débitrices sont insuffisantes pour rembourser les sommes réclamées, le Séquestre ne conteste pas les conclusions recherchées dans les requêtes pour lever la suspension des procédures déposées par la Banque Royale du Canada, les locateurs et CAFO. De plus, même si le Séquestre obtient le contrôle de l’ensemble des biens des Débitrices, il n’entend pas poursuivre les opérations des cinémas, car ils n’ont pas un fonds de roulement suffisant ni accès à un financement à court terme pour les supporter. Toutefois, le Séquestre est d’avis qu’il pourrait être avantageux à l’ensemble des parties intéressées de maintenir les actifs sur place durant le processus de vente malgré que le Séquestre ne sera pas en mesure de payer les créanciers concernés durant cette période, le tout afin de favoriser une transaction avec un acheteur éventuel souhaitant reprendre le même type d’activités. Le Séquestre entend donc tenir des discussions à cet égard avec les locateurs concernés et la Banque Royale du Canada.

[Soulignements ajoutés]

  1.            La décision et les recommandations du Séquestre, bien qu’elles puissent sembler difficiles dans le contexte actuel, constituent la seule voie raisonnable et juste pour préserver les droits et les intérêts de toutes les parties prenantes dans la présente affaire.
  2.            Avec grands égards pour l’opinion contraire, le Tribunal partage ce point de vue.
  3.            Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’une telle décision s’impose.
  4.            Il est impératif que les Débitrices procèdent au redressement de leur situation financière tout en respectant leurs divers créanciers et, surtout, sans empirer leur situation avec le maintien de l’exploitation des cinémas, qui est manifestement déficitaire.
  5.            D’emblée, en l’absence de financement intérimaire permettant d’assurer un fonds de roulement suffisant pour la poursuite de l’exploitation des cinémas jusqu’au 27 février 2025, le Tribunal n’aurait jamais accédé à la demande de M. Guzzo de laisser aux Débitrices n’eut été de représentations optimistes faites – de bonne foi sans aucun doute - au niveau des Prévisions financières Cinémas annexées à l’Ordonnance de séquestre. Le Tribunal concède certes qu’il existe toujours un certain niveau d’incertitude quand il est question de prévisions financières, mais sans pourtant imputer un blâme à l’endroit de M. Guzzo, son expérience et son optimisme — avec la validation du Séquestre à l’époque — ont définitivement influencé favorablement la décision du Tribunal à cet égard.
  6.            Malheureusement, les Prévisions financières Cinémas se sont avérées désastreuses et irréalisables jusqu’à présent.
  7.            En fait, les pertes étaient telles que M. Guzzo a même décidé de fermer sans délai les cinémas de St-Jean et du Marché Central sans même en discuter préalablement avec le Séquestre.         
  8.            Dans le contexte évoqué dans son Rapport modifié le 1er février dernier, le Séquestre avait raison de sonner l’alarme auprès du Tribunal d’autant plus que la situation financière des créanciers appelés à continuer d’assurer les services requis ponctuellement pour assurer l’exploitation des salles de cinéma se détériore à chaque jour qui passe sans l’espoir de récupérer tous les montants qui leur sont dus.  
  9.            L’hémorragie financière doit cesser et doit céder la place à un processus de redressement raisonnable et réaliste sans que les créanciers empirent leur position financière en devant continuer de fournir des biens et services qui ne seront vraisemblablement pas entièrement payés.

LA POSITION DES DÉBITRICES

  1.            Les Débitrices demandent au Tribunal de rejeter la présente Demande du Séquestre tout en demandant au Tribunal de considérer un changement de cap majeur en leur permettant de procéder — parallèlement au présent processus — à leur redressement financier en se servant des dispositions de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (« LACC »). 
  2.            Il est opportun de souligner qu’aucune demande formelle fondée sur la LACC ou autrement n’a été soumise auprès du Tribunal par les Débitrices. L’avocat de celles-ci a plutôt indiqué l’intention de ses clientes de soumettre sans délai une requête en vue de demander l’émission d’une ordonnance initiale en vertu de la LACC dans la mesure où le Tribunal manifestait un intérêt à entendre et considérer une telle requête.
  3.            L’avocat a précisé que la requête envisagée serait assortie de diverses conclusions, dont la mise en place d’un financement intérimaire pour assurer un fonds de roulement temporaire pour l’exploitation des cinémas durant le processus LACC et la mise en œuvre d’un processus de sollicitation d’offres de vente qui se déroulerait en parallèle au processus déjà mis en place par le Séquestre, ce qui fut confirmé par M. Pierre Marchand de MNP ltée, le conseiller dont les services ont été retenus par les Débitrices et qui a témoigné à l’audience.
  4.            M. Marchand a également souligné que le processus de sollicitation d’offres de vente envisagé comporterait une offre ou une soumission d’amorce[12] (connue en anglais comme étant un « Stalking Horse Bid») et que le processus déjà mis en place par le Séquestre devrait vraisemblablement « arrimer » les échéances actuelles en fonction de celles qui seront établies dans le cadre du processus qui serait déployé en vertu de la LACC.
  5.            D’emblée, il n’appartient pas au Tribunal de conseiller, à toutes fins pratiques, les Débitrices sur l’opportunité de déposer ou non des procédures fondées sur la LACC.
  6.            De plus, avec grands égards pour M. Marchand, il est impensable que le Tribunal intervienne, comme souhaité, pour retarder ou même suspendre le processus de sollicitation d’offres de vente mis en place par le Séquestre qui est déjà en cours avec, comme prochaine étape, le dépôt de lettres de manifestation d’intérêt prévu pour le 21 février 2025. La preuve et les arguments offerts pour le convaincre du contraire ont échoué.                 
  7.            Avec la publicité des présents déboires financiers des sociétés Guzzo, le Séquestre M. Deslandes a souligné au Tribunal la confusion occasionnée parmi les personnes ayant déjà manifesté un intérêt en présence d’un processus parallèle de sollicitation d’offres de vente déjà initié par MNP. Le processus de sollicitation de MNP remplaçait-il celui du Séquestre ? Y mettait-il fin ?
  8.            Avec égards, le souhait exprimé par M. Marchand de supplanter le processus du Séquestre présentement en cours ne se réalisera pas, à tout le moins dans le cadre du présent jugement et en fonction des circonstances actuelles.
  9.            Le processus de sollicitation d’offres de vente du Séquestre présentement en cours doit continuer sans interruption, surtout, sans l’interférence malheureuse, voire malavisée, de MNP malgré la bonne foi de ses représentants d’autant plus qu’aucune requête formelle des Débitrices en vertu de la LACC n’a encore été déposée.
  10.            Ainsi, libre à la partie qui a manifesté l’intention de déposer dans le cadre de procédures mues en vertu de la LACC, une soumission ou une offre d’amorce visant l’acquisition de trois immeubles, de participer au processus présentement engagé par le Séquestre, qui inclut les mêmes immeubles.      
  11.            Par ailleurs, le Tribunal note que la soumission ou l’offre d’amorce invoquée par M. Marchand qui, incidemment, n’est qu’une proposition non contraignante datée du 30 janvier 2025[13] comporte, entre autres, les conditions suivantes :

This LOI is made in the context of the restructuring of Guzzo Group and is therefore subject to the following conditions:

1) That Guzzo Group obtain an Interim Financing that will be sufficient to repay in full the creditors that have obtained a receivership order on December 19, 2024. The Repayment would automatically terminate the receivership.

2) That the Guzzo Group enter into a formal restructuring process under the CCAA, that the operation of the cinema theatre continue(sic) as a going concern and that MNP Ltd been appointed as Monitor;

3) Part of the Companies’ Creditors Arrangement Act (“CCAA”) process, it is understood that Guzzo Group and the Purchaser will complete a Purchase Agreement that will be used as the “Stalking Horse Bid” in a sale and solliciation(sic) process that will be conducted by the Monitor. The Purchase Agreement will include some clause such as a right to equalize a better offer and a breaking fee.[14]

[Soulignement ajouté]

  1.            Il est quelque peu inusité que la partie ayant émis cette proposition non contraignante qui vise essentiellement à acquérir trois immeubles puisse exiger le maintien de l’exploitation de ce qui semble viser tous les cinémas Guzzo, alors que seulement deux des trois immeubles visés sont occupés par certains de ces cinémas.      
  2.            Quoi qu’il en soit, cette proposition non contraignante fait également référence à l’obtention par le « Guzzo Group[15] » d’un financement intérimaire permettant d’acquitter les créances occasionnées suite à l’Ordonnance de séquestre du 19 décembre 2025.
  3.            À l’audience du 28 janvier 2025, M. Marchand a indiqué que les Débitrices avaient retenu les services de MNP Finance afin de « travailler sur des propositions qui nous permettraient de rembourser l’ensemble des créances hypothécaires et prioritaires, mettre en place un financement intérimaire et trouver un acheteur potentiel pour les différentes propriétés immobilières qui pourrait servir de stalking horse bid dans un processus de restructuration du Groupe Guzzo[16] », et qu’au surplus, dans une seule semaine, M. Marchand aurait trouvé des parties intéressées à faire partie d’un tel projet.
  4.            À l’ajournement de l’audience du 28 janvier 2025, le Tribunal a demandé à l’avocat des Débitrices de transmettre sans délai et dès que disponible au Séquestre et aux autres parties intéressées les documents qu’il entendait présenter à la reprise de l’audience le 3 février 2025.  
  5.            En date du samedi 1er février 2025, la seule information obtenue n’était qu’un document publicitaire intitulé Sommaire d’un processus de sollicitation préparé par MNP[17] (le « Sommaire MNP ») sans aucune autre information additionnelle si ce document avait été communiqué à des acquéreurs éventuels.
  6.            Quant au Sommaire MNP, les avocats du Séquestre ont porté à l’attention du Tribunal les constats suivants :

-          Le Séquestre n’a pas été consulté dans le cadre de la préparation du Sommaire MNP ;

-          Le Sommaire MNP mentionne que ce processus parallèle a débuté le ou vers le 20 janvier. Or, ce n’est qu’au moment de l’audience du 28 janvier 2025 que le Séquestre en a appris l’existence, par le témoignage de M. Marchand sans pour autant, semble-t-il, dévoiler l’existence et l’utilisation du Sommaire MNP ;

-          Le Sommaire MNP fait référence à une salle de donnée virtuelle (Data Room) disponible jusqu’au 27 janvier. Or, le Séquestre n’a jamais été informé de l’existence de cette salle et n’a donc pas eu accès à son contenu ;

-          Le Sommaire MNP peut porter à croire qu’un quatrième immeuble situé au 1270-1280 boul. Moody à Terrebonne est inclus dans la sollicitation de manifestation d’intérêt. Or, cet immeuble ne fait pas partie de la mise sous séquestre et n’est pas grevé en faveur des créanciers garantis qui ont demandé la présente mise sous séquestre ; et

-          Le Séquestre ne sait toujours pas à qui le Sommaire MNP aurait été distribué, tout en signalant au Tribunal, à juste titre, qu’une telle sollicitation de manifestation d’intérêts — alors même que le Séquestre a déjà été autorisé par la Cour à mener un processus de vente pour trois de ces actifs — risque fort de créer une confusion certaine dans le marché, ce qui ne sera à l’avantage de personne.

  1.            À ce dernier sujet, le Séquestre a réitéré avoir été informé qu’au moins un soumissionnaire potentiel dans le cadre de son présent processus était sous l’impression que le processus du Séquestre avait été suspendu puisque M. Guzzo semblait avoir obtenu son refinancement.
  2.            Le Tribunal déplore grandement le manque de collaboration à l’endroit du Séquestre qui, doit-on le rappeler, est un officier de la Cour d’autant plus que les Débitrices sont toujours assujetties aux Ordonnances du Tribunal.
  3.            Les avocats du Séquestre ont informé le Tribunal que ce n’est qu’en fin d’après-midi vers 17h30 le dimanche 2 février 2025, que leur client a finalement reçu les trois documents additionnels suivants :

-          une lettre d’intention de financement non contraignante de Harbour Mortgage Corp. datée du 30 janvier 2025[18] (la « Lettre Harbour ») ;

-          une lettre d’intention d’achat non contraignant de Groupe Shapiro du 30 janvier 2025[19] (la « Lettre Shapiro ») qui évoque une soumission ou une offre d’amorce (stalking horse bid) dans le cadre de procédures à être instituées en vertu de la LACC, ce dont il a déjà été question ci-devant ; et

-          une proposition de refinancement non contraignante de Summit Investment Management LLC datée du 2 février 2025[20] (la « Lettre Summit ») pour financer l’achat des immeubles en question.

  1.            En se fiant aux dates de ces documents, le Tribunal comprend que ceux-ci ont été produits à l’intérieur d’un court laps de temps.
  2.            Quoi qu’il en soit, avec grands égards, ces documents ne font aucunement preuve de façon concrète et fiable d’un processus alternatif viable par rapport à celui présentement engagé par le Séquestre en vertu de l’Ordonnance de séquestre.  
  3.            En s’opposant à la présente Demande du Séquestre, les Débitrices admettent qu’elles entendent continuer de miser sur des recettes futures pour payer des dépenses courantes échues, incluant, entre autres, les déductions à la source qui excèdent 150 000 $[21]. Ce constat renforce dans l’esprit du Tribunal les conclusions et recommandations du Séquestre quant aux opérations des cinémas.
  4.            Au moyen du processus parallèle envisagé par M. Marchand et les Débitrices, le but à peine voilé est de maintenir l’exploitation des cinémas Guzzo jusqu’à ce que les Débitrices puissent acquitter les sommes dues aux créanciers garantis détenant une charge hypothécaire sur les trois immeubles visés en vendant ceux-ci — ce qui est déjà visé dans le processus engagé par le Séquestre — puis jusqu’à ce qu’un plan d’arrangement soit proposé aux autres créanciers en vertu de la LACC.
  5.            Avec égards, il n’est pas utile d’examiner en détail chacun des trois documents soumis par M. Marchand, si ce n’est que de faire le constat principal suivant à savoir qu’il s’agit dans tous les cas d’une lettre d’intention, d’une offre et d’une entente toutes non contraignantes assorties de diverses conditions qui offrent la possibilité de mettre fin aux ententes envisagées n’importe quand du seul consentement des prêteurs.  
  6.            Il y a cependant lieu de s’attarder quelque peu sur la Lettre Harbour, qui envisage un financement intérimaire de 2 M$. À ce sujet, le Tribunal fait siennes les observations fort appropriées des avocats du Séquestre.
  7.            Il s’agit d’une entente (term sheet) non contraignante qui est sujette à une entente définitive éventuelle.
  8.            L’impact de différentes obligations financières contenues dans la Lettre Harbour (dont le paiement des taxes foncières, réserve pour les intérêts, frais d’engagement, etc.) sur la disponibilité des fonds à être avancés doit être analysé par le prêteur éventuel. À première vue, le montant du financement envisagé apparait insuffisant.
  9.            Il est possible que les principales hypothèses sur lesquelles le prêteur intérimaire s’est fondé ne soient pas exactes.
  10.            L’exigence du prêteur intérimaire d’obtenir une charge prioritaire de premier rang sur les propriétés grevées en faveur des créanciers garantis qui ont demandé la nomination du Séquestre va définitivement déclencher un conflit entre ces différents créanciers qui se sont prononcés à l’audience en faveur de la Demande du Séquestre.
  11.            L’exigence du dépôt par les Débitrices d’une procédure de restructuration sous la LACC pose problème dans l’esprit du Tribunal en ce qui a trait au processus de sollicitation d’offres déjà engagé par le Séquestre. Comme le craint le Séquestre, une telle procédure risque de créer une confusion parmi les acheteurs potentiels dans le cadre du processus de vente du Séquestre qui est actuellement en cours.
  12.            De plus, le fondement de la procédure de restructuration sous la LACC envisagée viserait essentiellement la mise en place d’un processus de vente avec une soumission ou offre d’amorce (stalking horse bid) fondée sur une lettre d’intention d’achat non contraignante, la Lettre Shapiro. Or, comme son nom l’indique, cette lettre d’intention est non contraignante et assortie de diverses conditions, de sorte que la réalisation de cette transaction est loin d’être acquise. Quel serait alors le sort de ces nouvelles procédures ?
  13.            Bref, sans avoir déposé aucune procédure formelle, les Débitrices tentent essentiellement de faire échec à la Demande actuelle du Séquestre dans l’espoir de la mise en place éventuelle de financements plus qu’aléatoires à l’heure actuelle, et ce, pour maintenir avant tout l’exploitation des cinémas.
  14.            Au risque de se répéter, force est de constater qu’en l’absence d’un fonds de roulement suffisant, les Débitrices envisagent de se financer à même leurs fournisseurs et autres créanciers ordinaires en retardant les paiements dus et échus tout en continuant de bénéficier de leurs services qui généreront de nouvelles dettes.
  15.            Par ailleurs, lors de son témoignage, M. Marchand a déposé un « État prévisionnel des flux de trésorerie pour la période de 15 semaines se terminant le 25 avril 2025[22] » comportant le nom et le logo de MNP.
  16.            Or, avec grands égards pour l’opinion contraire, le Tribunal accorde peu de crédibilité à ce document qui, lors du contre-interrogatoire de M. Marchand, s’est révélé incomplet et non fiable vu les erreurs et oublis constatés par l’avocat du Séquestre.
  17.            À plus d’une reprise, le témoin a paru surpris de constater l’absence de montants qui n’auraient clairement pas dû être oubliés si la préparation de ce document d’une grande importance avait été effectuée avec le sérieux requis par les circonstances non seulement dans le contexte critique actuel, mais également dans le contexte où les Débitrices désirent réellement s’en servir pour convaincre des prêteurs éventuels de s’y fier. Bref, le Tribunal n’est pas convaincu que ce document ait été préparé avec le soin et l’attention qui s’imposaient dans les circonstances d’autant plus que les Prévisions financières Cinémas précédentes se sont avérées désastreuses.
  18.            En ce qui concerne les efforts présentement déployés par l’entremise de MNP pour solliciter des offres sur certains des actifs visés par le processus similaire qui a présentement cours, il est à souhaiter que cet exercice ou ce mandat particulier confié par les Débitrices à MNP soit discontinué dans sa formule actuelle, car il vient clairement en conflit avec le processus déjà autorisé par le Tribunal, lequel va demeurer en place jusqu’à nouvel ordre. La confusion causée par cet exercice parallèle risque de causer préjudice non seulement aux créanciers, mais également aux Débitrices elles-mêmes.
  19.            Mener parallèlement deux processus de sollicitation d’offres et de vente sans aucune coordination, concertation et communication avec le Séquestre est définitivement à proscrire.
  20.            Dans un autre ordre d’idées, certains commentaires s’imposent relativement à la déclaration sous serment de M. Guzzo du 28 janvier 2025 et à son témoignage à l’audience.
  21.            Le Tribunal a eu le bénéfice de prendre connaissance de la déclaration sous serment de M. Guzzo et d’entendre son témoignage. Pour sa part, le témoin a évoqué les problèmes et les frustrations vécus depuis le prononcé de l’Ordonnance de Séquestre du 19 décembre 2024, alors que le Séquestre s’est plaint du manque de collaboration qui a rendu difficile l’exécution du mandat que lui avait confié le Tribunal. Bref, personne n’est satisfait du déroulement du processus jusqu’à présent.  
  22.            Le Tribunal comprend la position de M. Guzzo, qui a toujours été celui appelé à prendre les décisions. Il est difficile d’accepter et de vivre sous le contrôle et la supervision d’un séquestre nommé par la Cour qui lui a été imposé dans un contexte où les ressources financières se font rares, et ce, en l’absence du soutien de son banquier traditionnel, par surcroit.
  23.            Or, le 19 décembre 2025, le Tribunal a décidé, en fonction de la preuve alors administrée, de donner à M. Guzzo l’opportunité de continuer l’exploitation de ses cinémas au cours d’une Période de 13 semaines dans une perspective où l’achalandage anticipé de ses salles de cinéma allait générer un surplus de liquidités au-delà des coûts courants d’opération.
  24.            Autrement dit, le Tribunal s’attendait à ce que les divers fournisseurs de services appelés à continuer d’approvisionner et de desservir les cinémas demeurant en exploitation pendant la Période soient dûment compensés ponctuellement pour ces biens et services en se servant des recettes générées par l’exploitation de ces cinémas.
  25.            Ainsi, les conditions et règles établies par le Tribunal dans l’Ordonnance de séquestre étaient claires. Les revenus et recettes des cinémas devaient servir à acquitter prioritairement tous les fournisseurs et créanciers ordinaires ayant offert et assuré des services ponctuellement durant la Période. En permettant aux Débitrices de poursuivre l’exploitation des salles de cinéma durant la Période, le Tribunal n’a jamais envisagé ni permis que les recettes à la hauteur de 750 000 $ soient utilisées pour acquitter les arrérages exigés par certains des créanciers d’autant plus que l’Ordonnance de séquestre ne le permettait pas.
  26.            Le Tribunal apprécie certes les dilemmes auxquels était alors confronté M. Guzzo, qui voulait maintenir les salles de cinéma ouvertes à tout prix et qui a décidé — sans doute de bonne foi mais vraisemblablement à regret — de verser à certains de ses créanciers des sommes d’argent auxquelles ils n’avaient pas droit en vertu de l’Ordonnance de séquestre. Avec des paiements « pré 19 décembre 2024 » à concurrence de 750 000 $ effectués à des créanciers qui n’y avaient pas droit, il est indéniable que ceux qui ont assurés de services pendant la Période en respectant l’Ordonnance de séquestre et qui, malheureusement attendent toujours les paiements auxquels ils ont droit, ont été sérieusement préjudiciés par les décisions prises par M. Guzzo à tort ou à raison.
  27.            Le Tribunal retient du témoignage du représentant du Séquestre qu’aucun de ces paiements « pré 19 décembre 2024 » — que le Tribunal qualifierait de hautement irréguliers — n’ont été préalablement soumis à sa supervision et à son contrôle tel que prévu à l’Ordonnance de séquestre. Il s’agit d’une illustration parmi d’autres où le manque de communication et de collaboration avec le Séquestre, un officier de la Cour, a entrainé des conséquences néfastes qui se répercutent malheureusement sur des créanciers.
  28.            Il s’agit de situations tout à fait inacceptables aux yeux du Tribunal. Les règles applicables avaient été clairement énoncées dans l’Ordonnance de séquestre et les Débitrices incluant M. Guzzo devaient les respecter scrupuleusement tout en collaborant étroitement avec le Séquestre, quels que soient les enjeux et les difficultés éprouvées. Ils devaient saisir le Séquestre de tous tels enjeux sans délai.                                                     
  29.            Avec égards, M. Guzzo ne pouvait exploiter les cinémas et se servir des recettes comme auparavant sans se soucier des balises imposées par le Tribunal qui lui faisait confiance.
  30.            Enfin, ce n’est parce que certains fournisseurs accepteraient, selon M. Guzzo, de patienter que l’exercice envisagé par les Débitrices quant à la poursuite de l’exploitation des cinémas, revêtirait soudainement et pour autant un caractère légitime dans le contexte actuel où les Débitrices n’ont, d’une part, clairement pas respecté les conditions de l’Ordonnance de séquestre et d’autre part, qu’elles ne sont pas en mesure de les respecter du point de vue financier.      
  31.            Ce n’est pas parce que les cinémas devront fermer — temporairement, il est à espérer — qu’il n’est aucunement envisageable qu’ils puissent ouvrir à nouveau dans un avenir plus ou moins rapproché dès que les Débitrices auront enfin pu redresser leur situation financière précaire qui perdure depuis des années, sans pour autant causer, entre temps, un préjudice accru à leurs fournisseurs et créanciers ordinaires.     
  32.            En conclusion, bien que ce ne soit pas de gaieté de cœur, il y a lieu d’accueillir la présente Demande du Séquestre pour les raisons suivantes.
  33.            Premièrement, les Débitrices sont manifestement incapables de respecter les Prévisions financières Cinémas. Elles n’ont pas un fonds de roulement suffisant, et la fermeture des cinémas au Marché Central et à Saint-Jean-sur-Richelieu ne génère aucune liquidité additionnelle, bien au contraire.
  34.            Deuxièmement, n’ayant pas un fonds de roulement suffisant, les Débitrices veulent se financer à même leurs fournisseurs et autres créanciers ordinaires en retardant les paiements qui leur sont dus. 
  35.            Troisièmement, leur gestion de trésorerie est insoutenable. Tel que déploré par le Séquestre, les Débitrices continuent d’émettre des chèques, incluant les paies, sans avoir les fonds pour les honorer, dans l’espoir qu’elles encaisseront de nouvelles sommes avant que le créancier dépose son chèque. Pourtant, l’Ordonnance de séquestre imposait clairement aux Débitrices que le Séquestre contrôle et supervise les recettes et déboursés du Groupe Cinémas Guzzo.  
  36.            Quatrièmement, malgré les instructions du Tribunal et ses Ordonnances, les Débitrices ont fait preuve d’une collaboration déficiente. À tort ou à raison, elles ont manqué de transparence financière vis-à-vis le Séquestre et n’ont pas toujours suivi ses directives. À titre d’exemple, elles n’ont pas fourni ponctuellement toutes les informations demandées par le Séquestre et ont effectué plusieurs paiements non autorisés à l’insu du Séquestre, incluant un paiement effectué à un créancier ayant prêté des fonds à M. Guzzo personnellement. Ce n’est pas parce que M. Guzzo a utilisé le produit de ce prêt personnel en l’injectant dans ses sociétés que ce prêt est devenu pour autant une dette directe de celles-ci envers ce prêteur.  
  37.            Cinquièmement, la Déclaration sous serment de M. Guzzo n’a apporté aucune preuve qui pouvait inciter le Séquestre à revoir les conclusions présentement recherchées. M. Guzzo n’a pas nié la mauvaise performance des cinémas depuis le 19 décembre dernier, et, bien qu’il ait réellement éprouvé des difficultés en raison de la période des Fêtes, il a été aisément contredit par la preuve dans sa tentative d’imputer la cause des problèmes de liquidités à des tiers, dont le Séquestre et les créanciers exigeant le paiement d’arrérages.
  38.            Sixièmement, les Débitrices n’ont présenté aucune offre contraignante et crédible visant le remboursement de leurs créanciers ou l’achat de leurs actifs. Les documents non contraignants que les Débitrices ont transmis au Séquestre (la Lettre Harbour, la Lettre Shapiro et la Lettre Summit) sont assortis de plusieurs conditions (et, dans le cas de la Lettre Summit, d’une période de vérification diligente), de sorte que leur fiabilité et viabilité sont loin d’être acquises. Dans un contexte où les recettes des cinémas sont insuffisantes pour financer leurs dépenses courantes et, en l’absence de la mise en place rapide et certaine d’un fonds de roulement suffisant sans causer préjudice aux créanciers garantis, le Séquestre ne pouvait recommander le report de la fermeture des cinémas sur la foi de documents non contraignants et assortis d’éléments de risque importants en plus de comporter des délais incertains.
  39.            Enfin, la première phase du processus de sollicitation d’offres du Séquestre arrive à échéance sous peu le 21 février 2025. Bien que les Débitrices disposent toujours de la faculté de rembourser les créanciers garantis et de mettre fin à la mise sous séquestre, les Débitrices ne peuvent pas s’attendre à ce que le processus formel déjà mis en place avec l’aval du Tribunal soit soudainement bousculé et même suspendu, puisqu’elles préfèrent soudainement procéder autrement. Une telle approche mine la présente mise sous séquestre et la mise en œuvre des Ordonnances du Tribunal.
  40.            À la lumière de ce qui précède, le Séquestre a raison de demander au Tribunal d’étendre ses pouvoirs, et ce, dans le but de retirer aux Débitrices le pouvoir d’exploiter les cinémas, et de permettre au Séquestre de mettre fin à leurs opérations de la manière et au moment où il le jugera opportun.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.            ACCUEILLE la partie la Demande visant à étendre les pouvoirs du Séquestre et autres redressements appropriés du Séquestre Raymond Chabot inc. datée du 22 janvier 2025 ;
  2.            MODIFIE l’Ordonnance nommant un séquestre rendue le 19 décembre 2024 tel qu’en foi l’Ordonnance amendée et reformulée nommant un Séquestre rendue ce jour par le Tribunal concurremment au présent jugement ;

 

 

  1.            LE TOUT AVEC LES FRAIS DE JUSTICE.

 

 

 

 

 

__________________________________michel a. pinsonnault, j.c.s.

 

 

 

 

 

 

 

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats de la Banque Canadienne Impériale de Commerce

Me Hugo Babos-Marchand

Me Rosemarie Sarrazin

 

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats du Séquestre

Me Marc-André Morin

Me Nicolas Mancini

 

Langlois Avocats S.E.N.C.R.L.

Avocats de Q-8 Capital S.E.C. et Q-12 Capital S.E.C.

Me Charles Lapointe

Me Vincent Tremblay

 

Langlois Avocats S.E.N.C.R.L.

Avocats de Banque Équitable

Me Gerry Apostolatos

Me Aurélie Gauthier

 

De Grandpré Chait S.E.N.C.R.L.

Avocats des Débitrices

Me Eric Lalanne

 

Dates d’audience : 28 janvier et 3 février 2025

 


[2] L’Ordonnance de séquestre a été précédée d’une Ordonnance nommant Raymond Chabot inc. à titre de Séquestre intérimaire (2024 QCCS 4266).  

[3] R-15.

[4] 2024 QCCS 4266

[5] 2024 QCCS 4693

[6] S-7.

[7] S-7, pages 13 et 15.

[8] Pour les cinémas Lacordaire et Laval (Pont Viau), dont les immeubles sont grevés d’hypothèques immobilières.

[9] S-7, page 15.

[10] Ibid.

[11] Sur la foi de l’Annexe C Tableau 5 du Rapport, les frais courus impayés de 1 441 000 $ au 16 janvier 2025 ont accru de 555 000 $ à 1 996 000 $ au 30 janvier 2025.  

[12] VG-19 (sous scellés).

[13] Ibid.

[14] Ibid.

[15] Défini dans la lettre comme étant Méga Centre Guzzo Pont Viau inc., 9172-5713 Québec inc., Groupe Guzzo Lacordaire inc. et Groupe Guzzo Ste Dorothée inc.

[16] Déclaration sous serment de M. Vincent Guzzo du 28 janvier 2025, para. 51.

[17]  Sommaire du processus de sollicitation MNP, Annexe D au Rapport du Séquestre amendé (S-7).

[18] VG-17 (sous scellés).

[19] VG-19 (sous scellés).

[20] VG-18 (sous scellés).

[21] S-7, page 15.

[22] VG-20.

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