Dubois c. Aspell |
2019 QCRDL 7047 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Saint-Jérôme |
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No dossier : |
433484 28 20181220 G |
No demande : |
2655543 |
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Date : |
18 avril 2019 |
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Régisseure : |
Marie-Louisa Santirosi, juge administrative |
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June Dubois |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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John Aspell |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N R E C T I F I É E
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[1] La locatrice demande au Tribunal de l'autoriser à reprendre le logement concerné, à compter du 1er juin 2019, pour s'y loger, suivant les termes de l'article 1963 du Code civil du Québec (C.c.Q.).
[2] Il s’agit d’un bail verbal indéterminé ayant débuté en 2012 selon la locatrice et 2010 selon le locataire.
[3] La locatrice est une dame âgée de 80 ans. L’unité concernée est une résidence unifamiliale acquise par elle et son conjoint en 1979. Ce dernier serait décédé en 1989. La locatrice aurait habité la résidence de son acquisition jusqu’en 2012.
[4] La locatrice mentionne qu’à cette époque, une amie l’informe que le défendeur cherchait un logement. Elle lui offre d’habiter son immeuble pour un loyer mensuel de 600 $ tout inclus (meubles et électroménagers). L’entente prévoyait qu’il devait également entretenir la résidence.
[5] La locatrice n’a jamais augmenté le loyer. Présentement et à compter de la location, la locatrice alterne entre le domicile de sa fille en Nouvelle-Écosse et celui d’une copine en Floride.
[6] Le 14 novembre 2018, elle transmet au locataire un avis de reprise conforme aux articles 1960 et 1961 C.c.Q. Le locataire réplique le 4 décembre qu’il refuse, d’où la présente demande.
[7] La locatrice explique atteindre 81 ans au mois de juin et veut se fixer à un seul endroit. Elle a hésité entre vendre l’immeuble et rejoindre sa fille en Nouvelle-Écosse ou reprendre la résidence. Finalement, c’est sa fille qui viendra vivre avec elle d’ici un an.
[8] Le locataire est âgé de 72 ans. Il réplique qu’on lui avait fait comprendre lors de la location qu’il pourrait résider dans la maison à vie. Pour cette raison, il a amplement investi en rénovations. Il déclare que la somme totalise 40 000 $. Le locataire souligne qu’il n’aurait jamais investi autant d’argent sachant que la locatrice lui demanderait éventuellement de partir.
[9] Qui plus est, la locatrice revenait quelques fois à son domicile et en aucun temps elle ne lui a mentionné son désir de reprendre la maison.
[10] Il ajoute détenir des factures d’électricité datant de 2010 démontrant ainsi qu’il réside à cet endroit depuis 10 ans.
[11] Le locataire voudrait que le Tribunal rejette la demande et, à défaut, le remboursement de son investissement.
Analyse des faits et application du droit
[12] Lors d'une reprise, deux droits importants s'opposent: celui de la propriétaire de disposer de son bien comme elle l'entend et le droit du locataire au maintien dans les lieux loués.
[13] Étant donné la protection que le législateur a voulu apporter à la partie considérée comme vulnérable, en l'occurrence le locataire, le droit de reprendre un logement est encadré de conditions strictes.
[14] Entre autres, il faut que la locatrice convainque le Tribunal qu'elle entend réellement reprendre l'unité pour les fins mentionnées dans l'avis et qu'il ne s'agit pas d'un moyen détourné pour atteindre d'autres buts. Le Tribunal croit la locatrice qu’elle ne veut plus alterner entre plusieurs domiciles pour se fixer dans la résidence qu’elle a habitée depuis tellement d’années.
[15] Depuis le 10 juin 2016, le législateur a adopté l'article 1959.1 C.c.Q., une disposition qui vise la protection des aînés sous réserve de remplir certaines conditions, suite à une demande de reprise de logement ou d'éviction selon l'article 1959 précité. En 2016, l'article 1959.1 C.c.Q . a été ajouté au Code civil du Québec[1].
[16] Cette disposition se lit comme suit :
« 1959.1. Le locateur ne peut reprendre un logement ou en évincer un locataire lorsque ce dernier ou son conjoint, au moment de la reprise ou de l'éviction, est âgé de 70 ans ou plus, occupe le logement depuis au moins 10 ans et a un revenu égal ou inférieur au revenu maximal lui permettant d'être admissible à un logement à loyer modique selon le Règlement sur l'attribution des logements à loyer modique (chapitre S-8, r. 1).
Il peut toutefois reprendre le logement dans l'une ou l'autre des situations suivantes:
1° il est lui-même âgé de 70 ans ou plus et souhaite reprendre le logement pour s'y loger;
2° le bénéficiaire de la reprise est âgé de 70 ans ou plus;
3° il est un propriétaire occupant âgé de 70 ans ou plus et souhaite loger, dans le même immeuble que lui, un bénéficiaire âgé de moins de 70 ans.
La Société d'habitation du Québec publie sur son site Internet les seuils de revenu maximal permettant à un locataire d'être admissible à un logement à loyer modique ».
[17] En l’instance, malgré l’âge du locataire de 70 ans et la possibilité qu’il réside au logement depuis 10 ans, la locatrice peut obtenir la reprise en raison de son propre âge et de son intention de s’y loger.
[18] À titre d'information aux parties, il convient d'ajouter que l'article 1968 C.c.Q. prévoit un recours en faveur du locataire en recouvrement de dommages-intérêts et même de dommages punitifs si la reprise de logement est obtenue de mauvaise foi ou sous de faux prétextes. En outre, l'article 1970 C.c.Q. précise qu'un logement qui fait l'objet d'une reprise ne peut, sans l'autorisation de la Régie, être reloué ou utilisé pour une autre fin que celle pour laquelle le droit a été exercé.
[19] Ceci étant, l'article 1967 C.c.Q. permet d'imposer certaines conditions à la reprise, notamment le paiement des frais de déménagement et les autres frais qui y sont directement reliés, comme ceux s'appliquant au réabonnement aux divers services publics. L’indemnité n’est donc pas une façon de se faire rembourser pour des ouvrages ou améliorations locatives de 40 000 $.
[20] D’ailleurs, le procureur de la locatrice s’est objecté à débattre de cette partie du litige en raison de sa pertinence.
[21] La soussignée rappelle donc aux parties à ce chapitre l’article 1891 C.c.Q. et réserve les recours du locataire en ce qui concerne ses investissements.
[22] Cette disposition se lit comme suit :
« 1891. Le locataire est tenu, à la fin du bail, d'enlever les constructions, ouvrages ou plantations qu'il a faits.
S'ils ne peuvent être enlevés sans détériorer le bien, le locateur peut les conserver en en payant la valeur au locataire ou forcer celui-ci à les enlever et à remettre le bien dans l'état où il l'a reçu.
Si la remise en l'état est impossible, le locateur peut les conserver sans indemnité. »
[23] Ceci étant, le locataire a droit à une indemnité. En vertu de la jurisprudence, le montant est laissé à la discrétion du Tribunal qui considérera, entre autres, la durée d'occupation, l'impact sur le locataire, l'âge des occupants, leur condition physique, la valeur du mobilier ou tout autre facteur pertinent.
[24] Dans le présent dossier, considérant l’âge du locataire et la durée de son occupation, la somme de 3 500 $ semble raisonnable pour couvrir les frais de déménagement et déboursés de branchement d'utilitaires (Hydro-Québec, changements d'adresse, etc.).
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[25] AUTORISE la locatrice à reprendre le logement pour s'y loger, et ce, à compter du 1er juillet 2019;
[26] ORDONNE au locataire et à toute personne habitant avec lui de quitter les lieux loués le 30 juin 2019 à minuit;
[27] ORDONNE à la locatrice de payer au locataire une indemnité de 3 500 $ en argent comptant, par chèque certifié ou mandat poste, au plus tard le jour du départ du locataire;
[28] La locatrice assume les frais de la demande.
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Marie-Louisa Santirosi |
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Présence(s) : |
la locatrice Me Simon Vincent, avocat de la locatrice le locataire |
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Date de l’audience : |
19 février 2019 |
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Dubois c. Aspell |
2019 QCRDL 7047 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Saint-Jérôme |
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No dossier : |
433484 28 20181220 G |
No demande : |
2655543 |
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Date : |
05 mars 2019 |
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Régisseure : |
Marie-Louisa Santirosi, juge administrative |
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June Dubois |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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John Aspell |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice demande au Tribunal de l'autoriser à reprendre le logement concerné, à compter du 1er juin 2019, pour s'y loger, suivant les termes de l'article 1963 du Code civil du Québec (C.c.Q.).
[2] Il s’agit d’un bail verbal indéterminé ayant débuté en 2012 selon la locatrice et 2010 selon le locataire.
[3] La locatrice est une dame âgée de 80 ans. L’unité concernée est une résidence unifamiliale acquise par elle et son conjoint en 1979. Ce dernier serait décédé en 1989. La locatrice aurait habité la résidence de son acquisition jusqu’en 2012.
[4] La locatrice mentionne qu’à cette époque, une amie l’informe que le défendeur cherchait un logement. Elle lui offre d’habiter son immeuble pour un loyer mensuel de 600 $ tout inclus (meubles et électroménagers). L’entente prévoyait qu’il devait également entretenir la résidence.
[5] La locatrice n’a jamais augmenté le loyer. Présentement et à compter de la location, la locatrice alterne entre le domicile de sa fille en Nouvelle-Écosse et celui d’une copine en Floride.
[6] Le 14 novembre 2018, elle transmet au locataire un avis de reprise conforme aux articles 1960 et 1961 C.c.Q. Le locataire réplique le 4 décembre qu’il refuse, d’où la présente demande.
[7] La locatrice explique atteindre 81 ans au mois de juin et veut se fixer à un seul endroit. Elle a hésité entre vendre l’immeuble et rejoindre sa fille en Nouvelle-Écosse ou reprendre la résidence. Finalement, c’est sa fille qui viendra vivre avec elle d’ici un an.
[8] Le locataire est âgé de 72 ans. Il réplique qu’on lui avait fait comprendre lors de la location qu’il pourrait résider dans la maison à vie. Pour cette raison, il a amplement investi en rénovations. Il déclare que la somme totalise 40 000 $. Le locataire souligne qu’il n’aurait jamais investi autant d’argent sachant que la locatrice lui demanderait éventuellement de partir.
[9] Qui plus est, la locatrice revenait quelques fois à son domicile et en aucun temps elle ne lui a mentionné son désir de reprendre la maison.
[10] Il ajoute détenir des factures d’électricité datant de 2010 démontrant ainsi qu’il réside à cet endroit depuis 10 ans.
[11] Le locataire voudrait que le Tribunal rejette la demande et, à défaut, le remboursement de son investissement.
Analyse des faits et application du droit
[12] Lors d'une reprise, deux droits importants s'opposent: celui de la propriétaire de disposer de son bien comme elle l'entend et le droit du locataire au maintien dans les lieux loués.
[13] Étant donné la protection que le législateur a voulu apporter à la partie considérée comme vulnérable, en l'occurrence le locataire, le droit de reprendre un logement est encadré de conditions strictes.
[14] Entre autres, il faut que la locatrice convainque le Tribunal qu'elle entend réellement reprendre l'unité pour les fins mentionnées dans l'avis et qu'il ne s'agit pas d'un moyen détourné pour atteindre d'autres buts. Le Tribunal croit la locatrice qu’elle ne veut plus alterner entre plusieurs domiciles pour se fixer dans la résidence qu’elle a habitée depuis tellement d’années.
[15] Depuis le 10 juin 2016, le législateur a adopté l'article 1959.1 C.c.Q., une disposition qui vise la protection des aînés sous réserve de remplir certaines conditions, suite à une demande de reprise de logement ou d'éviction selon l'article 1959 précité. En 2016, l'article 1959.1 C.c.Q . a été ajouté au Code civil du Québec[2].
[16] Cette disposition se lit comme suit :
« 1959.1. Le locateur ne peut reprendre un logement ou en évincer un locataire lorsque ce dernier ou son conjoint, au moment de la reprise ou de l'éviction, est âgé de 70 ans ou plus, occupe le logement depuis au moins 10 ans et a un revenu égal ou inférieur au revenu maximal lui permettant d'être admissible à un logement à loyer modique selon le Règlement sur l'attribution des logements à loyer modique (chapitre S-8, r. 1).
Il peut toutefois reprendre le logement dans l'une ou l'autre des situations suivantes:
1° il est lui-même âgé de 70 ans ou plus et souhaite reprendre le logement pour s'y loger;
2° le bénéficiaire de la reprise est âgé de 70 ans ou plus;
3° il est un propriétaire occupant âgé de 70 ans ou plus et souhaite loger, dans le même immeuble que lui, un bénéficiaire âgé de moins de 70 ans.
La Société d'habitation du Québec publie sur son site Internet les seuils de revenu maximal permettant à un locataire d'être admissible à un logement à loyer modique ».
[17] En l’instance, malgré l’âge du locataire de 70 ans et la possibilité qu’il réside au logement depuis 10 ans, la locatrice peut obtenir la reprise en raison de son propre âge et de son intention de s’y loger.
[18] À titre d'information aux parties, il convient d'ajouter que l'article 1968 C.c.Q. prévoit un recours en faveur du locataire en recouvrement de dommages-intérêts et même de dommages punitifs si la reprise de logement est obtenue de mauvaise foi ou sous de faux prétextes. En outre, l'article 1970 C.c.Q. précise qu'un logement qui fait l'objet d'une reprise ne peut, sans l'autorisation de la Régie, être reloué ou utilisé pour une autre fin que celle pour laquelle le droit a été exercé.
[19] Ceci étant, l'article 1967 C.c.Q. permet d'imposer certaines conditions à la reprise, notamment le paiement des frais de déménagement et les autres frais qui y sont directement reliés, comme ceux s'appliquant au réabonnement aux divers services publics. L’indemnité n’est donc pas une façon de se faire rembourser pour des ouvrages ou améliorations locatives de 40 000 $.
[20] D’ailleurs, le procureur de la locatrice s’est objecté à débattre de cette partie du litige en raison de sa pertinence.
[21] La soussignée rappelle donc aux parties à ce chapitre l’article 1891 C.c.Q. et réserve les recours du locataire en ce qui concerne ses investissements.
[22] Cette disposition se lit comme suit :
« 1891. Le locataire est tenu, à la fin du bail, d'enlever les constructions, ouvrages ou plantations qu'il a faits.
S'ils ne peuvent être enlevés sans détériorer le bien, le locateur peut les conserver en en payant la valeur au locataire ou forcer celui-ci à les enlever et à remettre le bien dans l'état où il l'a reçu.
Si la remise en l'état est impossible, le locateur peut les conserver sans indemnité. »
[23] Ceci étant, le locataire a droit à une indemnité. En vertu de la jurisprudence, le montant est laissé à la discrétion du Tribunal qui considérera, entre autres, la durée d'occupation, l'impact sur le locataire, l'âge des occupants, leur condition physique, la valeur du mobilier ou tout autre facteur pertinent.
[24] Dans le présent dossier, considérant l’âge du locataire et la durée de son occupation, la somme de 3 500 $ semble raisonnable pour couvrir les frais de déménagement et déboursés de branchement d'utilitaires (Hydro-Québec, changements d'adresse, etc.).
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[25] AUTORISE la locatrice à reprendre le logement pour s'y loger, et ce, à compter du 1er juillet 2019;
[26] ORDONNE au locataire et à toute personne habitant avec lui de quitter les lieux loués le 30 juin 2019 à minuit;
[27] ORDONNE à la locatrice de payer au locataire une indemnité de 2 500 $ en argent comptant, par chèque certifié ou mandat poste, au plus tard le jour du départ du locataire;
[28] La locatrice assume les frais de la demande.
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Marie-Louisa Santirosi |
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Présence(s) : |
la locatrice Me Simon Vincent, avocat de la locatrice le locataire |
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Date de l’audience : |
19 février 2019 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.