ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec : SORECONI
ENTRE : LES ENTREPRISES CONRAD SÉVIGNY LTÉE
(ci-après « Entreprises Sévigny »)
ET : LES ENTREPRISES GILLES DUQUETTE & FILS INC.
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier SORECONI : 192410002
ENTRE : FRANCINE ST-GERMAIN
(ci-après « Madame St-Germain »)
ET : LES ENTREPRISES GILLES DUQUETTE & FILS INC.
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier SORECONI : 192410003
ENTRE : GESTION CLAUDE LÉVESQUE (2005) INC.
(ci-après « Gestion Lévesque »)
ET : LES ENTREPRISES GILLES DUQUETTE & FILS INC.
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier SORECONI : 192410004
D ÉCISION
Arbitre : Me Jacinthe Savoie
Pour Entreprises Sévigny, Me Martin Janson
Madame St-Germain et
Gestion Lévesque
Pour l’Entrepreneur : aucun représentant
Pour l’Administrateur : Me Éric Provençal
Date de la Décision : 17 avril 2023
Identification complète des parties
Entreprises Sévigny : Les Entreprises Conrad Sévigny Ltée
150, rue Brunet
Mont-Saint-Hilaire (Québec) J3G 4S6
(monsieur Conrad Sévigny)
Madame St-Germain : Madame Francine St-Germain
[...]
Saint-Hyacinthe (Québec) [...]
(son conjoint, monsieur Claude Laliberté)
Gestion Lévesque : Gestion Claude Lévesque (2005) inc.
400, rue Pinard
Saint-Hyacinthe (Québec) J2S 8K4
(monsieur Claude Lévesque)
et leur procureur
Me Martin Janson
Entrepreneur : Les Entreprises Gilles Duquette & fils inc.
3300-4805,boul. Lapinière
Brossard (Québec) J4Z 0G2
Personne responsable : Olivier Noiseux, Raymond Chabot inc., syndic autorisé en insolvabilité
Administrateur : La Garantie de Construction Résidentielle
4101, rue Molson, 3e étage
Montréal (Québec) H1Y 3L1
et son procureur :
Me Éric Provençal
Admissions
[1] Il s’agit de trois demandes d’arbitrage à la suite des décisions de l’Administrateur refusant des demandes de remboursement d’acompte.
[2] Le 18 octobre 2018, les Entreprises Sévigny, Madame St-Germain, Gestion Lévesque (Demandeurs) et 9350-9065 Québec inc. (Société) transmettaient un avis de résolution à l’Entrepreneur et demandaient le remboursement de leur acompte totalisant la somme de 110 000 $.
[4] Dans cette décision, l’Administrateur rejette la réclamation des Entreprises Sévigny en ces termes :
« 1. DEMANDE DE REMBOURSEMENT D’ACOMPTE
L’administrateur est saisi d’une réclamation relative à un remboursement d’acompte au montant de 39 500$.
Il appert que le 19 mai 2017, le bénéficiaire a signé un contrat préliminaire pour l’achat d’un condo au montant de 426 686,25$ taxes incluses et sur lequel apparaît un montant d’acompte de 39 500$.
Quant au contrat de garantie, il a été signé le 30 mai 2017.
En ce qui a trait au contrat préliminaire, il ne prévoit pas de date de clôture.
Au soutien de sa demande, le bénéficiaire a fourni à l’administrateur le contrat préliminaire et le contrat de garantie faits au nom de Les entreprises Conrad Sévigny inc. et une attestation d’acompte au montant de 39 500$ dont le bénéficiaire est l’entreprise 9350-6095 Québec inc.
La représentante de Les entreprises Conrad Sévigny inc., Me Nathalie Belley, a mentionné que l’entreprise 9350-6095 Québec inc. est une entreprise d’investissement de laquelle son client a versé l’acompte.
Elle a également fourni des copies de chèques lisibles et d’autres illisibles, des relevés de comptes de l’entreprise 9350-6095 Québec inc. et une copie de rapport des opérations par dossier du notaire François Deslandes sur laquelle apparaissent les opérations de divers clients, notamment de son client et de l’entreprise 9350-6095 Québec inc.
L’administrateur est d’avis qu’il n’est pas en mesure d’ordonner le remboursement d’acompte puisqu’il ne dispose pas de preuve démontrant que le bénéficiaire a versé un acompte de 39 500$. »
[5] Le 10 octobre 2019, l’Administrateur rendait une décision relativement à la demande de remboursement d’acompte de Gestion Lévesque (Décision no 2).
[6] Dans cette décision, l’Administrateur rejette la réclamation de Gestion Lévesque en ces termes :
« 1. DEMANDE DE REMBOURSEMENT D’ACOMPTE
L’administrateur est saisi d’une réclamation relative à un remboursement d’acompte au montant de 41 000$.
Il appert que le 26 mai 2017, le bénéficiaire a signé un contrat préliminaire pour l’achat d’un condo au montant de 468 877,50$$ taxes incluses, et sur lequel figure un montant d’acompte de 41 000$.
Quant au contrat préliminaire, il ne prévoit pas de date de clôture.
Au soutien de sa demande, le bénéficiaire a fourni à l’administrateur le contrat préliminaire et le contrat de garantie faits au nom de Gestion Claude Lévesque (2005) inc., de même qu’une attestation d’acompte au montant de 33 000$, dont le bénéficiaire est l’entreprise 9350-6095 Québec inc.
La représentante de Gestion Claude Lévesque (2005) inc., Me Nathalie Belley, mentionne que l’entreprise 9350-6095 Québec inc. est une entreprise d’investissement de laquelle son client a versé l’acompte.
Elle a également fourni des copies de chèques lisibles et d’autres illisibles, des relevés de comptes de l’entreprise 9350-6095 Québec inc. et une copie de rapport des opérations par dossier du notaire François Deslandes sur laquelle apparaissent les opérations de divers clients, notamment de son client et de l’entreprise 9350-6095 Québec inc.
L’administrateur est d’avis qu’il n’est pas en mesure d’ordonner le remboursement d’acompte puisqu’il ne dispose pas de preuve démontrant que le bénéficiaire a versé un acompte de 41 000$. »
[7] Le 10 octobre 2019, l’Administrateur rendait une décision relativement à la demande de remboursement d’acompte de Madame St-Germain (Décision no 3).
[8] Dans cette décision, l’Administrateur rejette la réclamation de Madame St‑Germain en ces termes :
« 1. DEMANDE DE REMBOURSEMENT D’ACOMPTE
L’administrateur est saisi d’une réclamation relative à un remboursement d’acompte au montant de 37 500$.
Il appert que le 26 mai 2017, le bénéficiaire a signé un contrat de garantie ainsi qu’un contrat préliminaire pour l’achat d’un condo au montant de 426 431,25$ taxes incluses, sur lequel apparaît un montant d’acompte de 37 500$
Quant au contrat préliminaire, il prévoit une date de clôture au 8 mai 2017.
Au soutien de sa demande, le bénéficiaire a fourni à l’administrateur le contrat préliminaire et le contrat de garantie faits au nom de Francine St-Germain et une attestation d’acompte au montant de 37 500$, dont la bénéficiaire est Francine St-Germain.
La représentante de Francine St-Germain., Me Nathalie Belley, mentionné qu’elle n’a pas la copie du chèque fait par sa cliente à l’entrepreneur, car c’est l’entreprise 9350-6095 Québec inc., qui est une entreprise d’investissement, qui a versé l’acompte de 37 500$ pour Madame St-Germain.
Elle a également fourni des copies de chèques lisibles et d’autres illisibles, des relevés de comptes de l’entreprise 9350-6095 Québec inc. et une copie de rapport des opérations par dossier du notaire François Deslandes sur laquelle apparaissent les opérations de divers clients et de l’entreprise 9350-6095 Québec inc.
L’administrateur est d’avis qu’il n’est pas en mesure d’ordonner le remboursement d’acompte puisqu’il ne dispose pas de preuve démontrant que la bénéficiaire a versé un acompte de 37 500$. »
[9] Le 24 octobre 2019, les trois Décisions ont été portées en arbitrage.
Audition
[10] L’audition a eu lieu virtuellement les 3 et 4 mai 2022.
[11] Étaient présents lors de l’audition :
Pour Entreprises Sévigny : Monsieur Conrad Sévigny
Pour Gestion Lévesque : Monsieur Claude Lévesque
Pour Madame St-Germain : Monsieur Claude Laliberté, son conjoint
Pour les Demandeurs : Monsieur Alain Dupuis
Me Martin Janson
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Jean-François Cusson, syndic (présent deux minutes)
Pour l’Administrateur : Madame Anne Delage, conciliatrice
Monsieur Patrick Duquette, dirigeant de l’Entrepreneur à l’époque des faits en litige
Me Éric Provençal
Convention
[12] Tant monsieur Alain Dupuis, monsieur Conrad Sévigny, monsieur Claude Laliberté et monsieur Claude Lévesque, témoins des Demandeurs, que monsieur Patrick Duquette et madame Anne Delage, témoins de l’Administrateur, témoigneront au sujet d’une convention intervenue le 23 décembre 2016 (Convention) entre les personnes suivantes (Partenaires) :
- Les Gestions Riendeau & Lévesque inc. (Gestion Riendeau) représentée par monsieur André Lévesque;
- Gestion Lévesque représentée par monsieur Claude Lévesque;
- 9137-4744 Québec inc. (9137) représentée par monsieur Claude Laliberté et Madame St-Germain;
- Entreprises Sévigny représentée par monsieur Conrad Sévigny.
[13] Afin de faciliter la lecture de la présente décision, il est opportun de faire un résumé de la Convention qui est au cœur du débat et qui prévoyait notamment :
- L’objet de cette entente était l’engagement financier des Partenaires relativement à l’acquisition potentielle de trois unités de copropriété dans le Quartier des pins 14 à Saint-Hyacinthe (Projet). Il était entendu que les engagements de chacun des Partenaires bénéficiaient à tous les autres Partenaires;
- Les Partenaires étaient intéressés par la réussite du Projet;
- La création de la Société où chacun des Partenaires devait acquérir des actions de la Société et fournir un apport monétaire par débours progressifs. Les premiers débours équivalaient à 30 000 $ par Partenaire afin de couvrir les dépôts garantis au contrat préliminaire;
- La Société s’engageait à signer trois promesses d’achat dans le Projet en faveur de l’Entrepreneur;
- La Société s’engageait à faire en sorte que l’Entrepreneur puisse se qualifier afin de financer l’ensemble du Projet;
- Les prix de vente indiqués aux promesses d’achat devaient correspondre au prix de détail indiqué dans une annexe à la Convention et ne servir que pour le financement du Projet. Dans les faits, la Convention prévalait sur l’annexe et la Société devait payer le prix coutant, soit 10 % de moins que le prix de détail;
- Les Partenaires, par l’intermédiaire de la Société, s’engageaient à procéder à l’acquisition finale d’une ou de plusieurs unités jusqu’à un maximum de trois, si l’Entrepreneur n’avait pas trouvé de tiers acquéreur dans les 120 jours de la fin de travaux du Projet;
- À chaque fois que l’Entrepreneur trouvait un tiers acquéreur pour l’une des unités du Projet, il y avait résolution automatique d’une des promesses d’achat signées par la Société;
- De plus, lors de la vente à un tiers de l’une des unités faisant l’objet d’une promesse d’achat signée par la Société, l’Entrepreneur s’engageait à verser des frais d’engagement et à rembourser les acomptes versés par la Société;
- Dans l’éventualité de l’acquisition d’unité par la Société, cette dernière devait mettre l’unité en vente à un prix égal ou supérieur à celui exigé par l’Entrepreneur. La Société pouvait également décider de louer l’unité;
- Un Partenaire pouvait acquérir une unité et déduire l’équivalent de son achat des engagements pris envers la Société;
- Les déboursés nécessaires pour l’exécution des engagements pris dans la Convention devaient être faits dans le compte en fidéicommis du notaire, Me François Deslandes, (Compte en fidéicommis) à l’exception du dépôt de 10 % qui devait être versé par la Société directement à l’Entrepreneur en échange d’un certificat de garantie;
- La Société avait désigné monsieur Laliberté et/ou monsieur Sévigny pour agir à titre de gérant responsable de l’application de la Convention;
- Dans l’éventualité où la Société n’avait pas à se porter acquéreur des trois unités, elle pouvait, avec l’accord unanime des Partenaires, convenir d’appliquer la Convention à un autre bâtiment à être construit;
- L’Entrepreneur est intervenu à la Convention. Il s’est notamment engagé à faire ce qui est nécessaire pour réaliser le Projet en collaboration avec le promoteur, les développeurs, les Partenaires et la Société.
Position des Demandeurs
Alain Dupuis
[14] Monsieur Dupuis se décrit comme un consultant en développement de terrains.
[15] À partir de 2012, il recherchait des parcelles de terrains voisins afin de créer le projet Quartier des pins. Par le biais d’échanges et d’investissements, il s’agissait d’organiser ce projet privé pour le rendre prêt à la revente à un constructeur.
[16] Le but pour les investisseurs était un rendement sur intérêts. Les profits sur les terrains appartenaient à monsieur Dupuis.
[17] Le 3 mars 2016, l’Entrepreneur a fait l’acquisition d’un terrain appartenant à 9160‑9313 Québec inc. (9160) afin d’y construire le Projet. Ce sont dix individus qui ont été impliqués dans la mise en place pour cette vente de terrain.
[18] Monsieur Dupuis est lui aussi impliqué dans le Projet. Il fournit de l’information, les plans de construction, l’équipe de vente, le marketing, coordonne les investisseurs intéressés et assiste l’Entrepreneur. Cette implication se fait par le biais de deux entreprises dont il est le président. Devinnove inc. (Devinnove) était le promoteur du Projet et Trois Carrés inc. (Trois Carrés) gérait les projets détenus par Devinnove et offrait un service d’opérations et de consultation.
[19] Il précise que c’est lui qui « a mis ensemble » les Partenaires qui ont conclu la Convention. Par la suite, il traite de la Convention.
[20] Il explique que la banque qui finançait le Projet refusait de considérer les promesses d’achat signées par une seule et même entreprise, disqualifiant ainsi la Société (Avis de la banque). En conséquence, les Demandeurs ont été dans l’obligation de signer chacun une promesse d’achat visant trois unités du Projet.
[21] Pour respecter les directives de ses clients, les montants d’argent étaient déposés dans le Compte en fidéicommis et monsieur Dupuis transmettait au notaire Deslandes les instructions quant aux retraits à effectuer. Le Compte en fidéicommis était le compte du Projet au sens large. Les investisseurs dans le terrain souhaitaient ce Compte en fidéicommis tout comme les acheteurs.
[22] Monsieur Dupuis précise le nom des investisseurs dans le Projet, notamment :
- Monsieur André Lévesque;
- Monsieur Claude Lévesque;
- Madame Francine St-Germain;
- Monsieur Claude Laliberté;
- Monsieur Guy Naud.
[23] Il présente un document intitulé « entente sur compte à compte » impliquant l’Entrepreneur, la firme d’ingénieurs Groupe CME, Trois Carrés et Devinnove (Compte à compte). Ce document fait référence :
- à une somme de 110 000 $ d’acomptes versés et déposés dans le Compte en fidéicommis;
- à divers montants qui seraient dus par l’Entrepreneur à Groupe CME, Trois Carrés et Devinnove pour un total de 58 670,45 $.
[24] Monsieur Dupuis a donné les instructions suivantes au notaire Deslandes : « Contenue [sic] que les 3 offres d’achat on [sic] été signés [sic] de même que les 3 Attestations de dépôts du plan de guarantie [sic], svp [sic] faire un virement électronique à Patrick Duquette – Entreprise Gilles Duquette & fils inc., voir spécimens [sic] ci-bas au montant de 51,329.55$ (correspondant au net des somme [sic] qui lui sont du [sic]). (…) » Les Partenaires étaient en copie du courriel d’instructions que monsieur Dupuis a adressé au notaire Deslandes.
[25] Monsieur Dupuis fait référence au « rapport des opérations par dossier » du notaire Deslandes, lequel indique le dépôt de 110 000 $ et le retrait à l’Entrepreneur d’une somme de 51 329,55 $.
[26] Il produit trois attestations d’acompte signées le 30 mars 2016 par le même bénéficiaire, soit la Société. Ces attestations font référence aux adresses et montants suivants :
- 855 Carré Tétreault-Albany à Saint-Hyacinthe / 37 500 $
- 857 Carré Tétreault-Albany à Saint-Hyacinthe / 39 500 $
- 859 Carré Tétreault-Albany à Saint-Hyacinthe / 33 000 $
[27] Il explique que tous les papiers étaient au nom de la Société. Toutefois, suite à l’Avis de la banque, il a été décidé que les Demandeurs contracteraient eux-mêmes sans toutefois que tous les documents soient corrigés en ce sens.
Conrad Sévigny
[28] Monsieur Sévigny est président fondateur et le seul actionnaire des Entreprises Sévigny. Il a œuvré dans le domaine des aspirateurs, mais a pris sa retraite. Mise à part la construction d’un bâtiment industriel, il n’a pas d’expérience dans le domaine de la construction.
[29] Il admet qu’au Registraire des entreprises, les activités des Entreprises Sévigny sont « bureau de conseiller en gestion », « placement », « agences ou courtiers immobiliers » et « location commerciale ». Questionné à ce sujet, il admet ne pas savoir pourquoi ces activités sont mentionnées au Registraire. Il ajoute qu’il était propriétaire de terrains.
[30] Il a rencontré monsieur Dupuis par l’intermédiaire de monsieur Guy Naud. Il a vendu et acheté certains terrains. C’est Devinnove et Trois Carrés qui s’occupaient de tout. Selon les dires de monsieur Sévigny « on ne connait rien là-dedans ». C’est monsieur Dupuis qui lui a conseillé de signer la Convention. Ainsi, la responsabilité était partagée en quatre.
[31] Il précise que l’Entrepreneur devait avoir quatre promesses d’achat signées pour obtenir son financement, soit 50 % des unités du Projet. Malheureusement, il n’y avait qu’une seule promesse d’achat de convenue avec la sœur de monsieur Duquette.
[32] La Convention a été signée pour former une nouvelle entreprise, la Société, et pour l’achat de trois unités par quatre personnes. Il s’agissait d’un très beau Projet. La Convention a été préparée par Me De Chantal, l’avocat de monsieur Dupuis.
[33] Monsieur Sévigny avait un intérêt pour l’investissement. Il voulait louer ou vendre son unité. En ce qui a trait aux autres : Madame St-Germain et monsieur Laliberté voulaient acquérir une unité pour leur fille, monsieur Claude Lévesque également pour sa fille et monsieur André Lévesque pour son garçon.
[34] Si tout allait bien, ils transféraient leurs promesses d’achat sur le « bloc à côté ».
[35] Il avait un rôle de trésorier dans la Société avec monsieur Laliberté.
[36] Au début, la Société devait se porter acquéreur. Cependant, suite à l’Avis de la banque, il fallait qu’il le fasse séparément. En décembre 2016, les Partenaires ont injecté 30 000 $ chacun dans la Société.
[37] Le 11 janvier 2017, la Société a transmis une somme de 110 000 $ au notaire Deslandes. L’argent devait transiter par le notaire. Il n’était pas au courant de l’entente de Compte à compte dont a traité monsieur Dupuis dans son témoignage.
[38] Le 30 mai 2017, la Société a émis un chèque de 8 000 $ à l’Entrepreneur. Cette somme correspondait à la différence entre 41 000 $ et 33 000 $. En effet, il y a eu un changement d’unité et la valeur de la nouvelle unité était supérieure à l’ancienne.
[39] Tout d’abord, il allègue que l’attestation d’acompte et le contrat préliminaire relativement à son unité ont été signés par Alain Dupuis puisque monsieur Sévigny lui avait confié un mandat pour se faire.
[40] Par la suite, il témoigne en indiquant que l’attestation d’acompte au nom de la Société a été signée par Madame St-Germain. Quant au contrat préliminaire signé le 17 mai 2017 concernant l’unité 857, il s’agit de sa signature.
[41] Il ne se rappelle pas si le contrat préliminaire du 17 mai 2017 est la première version ou non du contrat préliminaire. « C’est tout flou, tout mêlé » entre la Société et lui. Il ajoute qu’il a investi dans le terrain et dans le condo. « On fait ce qu’on nous dit : signe ici, signe là ».
[42] Il précise qu’il a signé le contrat de garantie le 26 mai 2017. Il avait parlé de garantie au début.
[43] Il n’a jamais fait de choix relativement à son unité pendant la construction de celle-ci. Monsieur Duquette n’a jamais communiqué avec lui à ce sujet. Il indique que c’est monsieur Duquette qui s’occupait de ça.
[44] À l’automne 2017, le groupe d’investisseurs a été dans l’obligation d’avancer d’autres fonds. Pendant la période des fêtes 2017, il y a eu une autre demande de mise de fonds. Monsieur Sévigny indique que cette demande a essuyé un refus. L’Entrepreneur a quitté le Projet sans terminer la construction.
[45] Il réfute l’allégation voulant qu’ils aient mis l’Entrepreneur en faillite. Selon monsieur Sévigny, ils avaient besoin de l’Entrepreneur.
[46] En conséquence, il n’a jamais pris possession de l’unité 857.
[47] En date du 18 octobre 2018, l’Entrepreneur était avisé que les contrats préliminaires concernant le 855, le 857 et le 863 Carré Albany-Tétreault étaient résiliés et qu’il était mis en demeure de rembourser la somme de 110 000 $.
[48] La Société a fermé l’année suivante.
[49] Monsieur Sévigny admet que l’entreprise 9399-4515 Québec inc. (9399), dont il est le représentant, a racheté le Projet au coût de 1 100 000 $
Claude Laliberté
[50] Il était agent d’immeuble et a pris sa retraite il y a trois ans. Madame St-Germain est sa conjointe depuis 35 ans. Elle n’était pas en mesure de témoigner lors de l’audition, mais monsieur Laliberté affirme être au courant des faits la concernant.
[51] Monsieur Laliberté indique qu’ils n’étaient pas experts en construction. Ils étaient propriétaires d’une bande de terrains qu’ils ont mis en vente. C’est de cette manière que monsieur Dupuis a communiqué avec eux.
[52] Monsieur Dupuis leur a présenté le Projet et leur a précisé qu’ils auraient un rendement de 21 % sur leur investissement.
[53] Monsieur Laliberté indique qu’il a investi avec Madame St-Germain, monsieur Sévigny, ainsi que messieurs Claude et André Laliberté, notamment pour payer les égouts, les infrastructures et la ligne de gaz. Ces travaux permettaient d’être en mesure de vendre le terrain à un contracteur.
[54] Monsieur Laliberté et Madame St-Germain ont décidé de procéder au moyen de la création de la Société en raison des avantages fiscaux, mais il ne se rappelle pas lesquels. Ils voulaient acheter un condo et c’est la Société qui absorbait et qui louait. Ils ont dû se réajuster suite à l’Avis de la banque.
[55] Il occupait les fonctions de secrétaire dans la Société lorsque monsieur Sévigny était absent.
[56] Il précise que, pour s’assurer que les sommes soient décaissées aux bonnes personnes, elles ont été déposées dans le Compte en fidéicommis. De plus, le notaire étant le responsable, il avait confiance.
[57] Monsieur Laliberté souligne que c’est monsieur Dupuis qui était responsable du bureau des ventes pour le Projet.
[58] Pour des raisons fiscales, c’est l’entreprise 9137 qui a fait le chèque de 30 000 $ à l’ordre de la Société. Tant monsieur Laliberté que Madame St-Germain sont actionnaires de 9137.
[59] L’unité 855 était un rez-de-jardin. C’était un super beau Projet. Au départ, ils voulaient prêter l’unité à leur fille pour l’habiter eux-mêmes plus tard.
[60] Il affirme que les trois attestations d’acompte n’ont pas été signées le 30 mars 2016. Il s’agit d’une erreur de date. C’est monsieur Duquette qui a préparé les documents. Il affirme qu’ils se sont fiés à monsieur Duquette en toute bonne foi.
[61] Madame St-Germain a signé le contrat préliminaire relativement à l’unité 855 en date du 25 mai 2017. Monsieur Laliberté ne se rappelle pas s’il y a eu une autre version de ce contrat.
[62] Il mentionne que l’unité devait être terminée un an après la signature, soit en 2018. Il précise que, logiquement, ça prend un an construire ce type de bâtiment compliqué. Lorsque questionné sur la date de clôture du 8 mai 2017 stipulée au contrat préliminaire, il répond qu’il doit y avoir une erreur quelque part.
[63] Monsieur Laliberté et madame St-Germain n’ont jamais été contactés par l’Entrepreneur pour faire leur choix au regard de leur unité. Il ajoute que le condo modèle lui suffisait.
[64] Madame St-Germain n’a jamais pris possession de l’unité 855.
[65] Il termine en affirmant qu’il n’y a aucun lien entre leur investissement dans le Projet et la promesse d’achat relative à l’unité 855.
Claude Lévesque
[66] Monsieur Lévesque est président des Équipements Jolco inc. qui fabrique et distribue de l’équipement agricole. Il est également président de Gestion Lévesque qui œuvre dans l’élevage de chevaux de course.
[67] Il signale qu’il n’a aucune expérience dans le domaine de la construction si ce n’est qu’il a bâti deux ou trois usines pour ses entreprises.
[68] Il explique que c’est Alain Dupuis qui lui a présenté le Projet. Il s’agissait d’un bon placement. Sans connaitre monsieur Sévigny, monsieur André Lévesque et monsieur Laliberté personnellement, il les connaissait de réputation.
[69] Monsieur Sévigny lui avait dit qu’il avait besoin d’aide pour le financement du Projet. La sœur de monsieur Duquette prenait une unité donc il en restait trois. Ils ont décidé qu’un petit groupe pourrait en acquérir trois pour investir dans le Projet. Il était clair que les Partenaires voulaient louer ou revendre les unités.
[70] Il précise qu’ils avaient un rabais sur le prix, mais que monsieur Dupuis se gardait le privilège de les revendre.
[71] Il indique que la création de la Société permettait à monsieur Dupuis de gérer tout ça et au notaire de s’occuper des sommes d’argent. C’était une manière sécuritaire et ordonnée de faire les choses. Monsieur Lévesque précise qu’il n’avait pas de temps pour avoir un rôle plus important dans la Société. Le maître à penser du Projet était monsieur Dupuis.
[72] Il explique que c’est la banque qui a exigé que l’achat se fasse personnellement ou par le biais de leurs compagnies.
[73] Questionné sur le contrat préliminaire pour l’unité 863, il affirme n’être pas très familier avec tout cela. Il explique qu’il y a eu un changement d’unité de 859 à 863.
[74] Monsieur Lévesque ajoute que monsieur Dupuis lui avait expliqué le plan de garantie donc il savait que les acomptes étaient protégés.
[75] Il réitère que la Société a été créée pour investir, mais qu’après, il a révisé sa position. En effet, il souhaitait acquérir l’unité pour sa fille.
[76] Monsieur Lévesque ne se souvient pas d’avoir rencontré monsieur Duquette. Par la suite, il précise qu’il l’a peut-être rencontré quatre à cinq fois.
[77] Il indique que monsieur Dupuis lui a montré l’unité sur plans. C’était un beau Projet, hors norme pour Saint-Hyacinthe.
[78] En décembre 2017 ou janvier 2018, il a visité le Projet qui était construit à 50 %. À ce moment, il ne savait pas que le Projet n’allait pas bien. Monsieur Dupuis les a convoqués pour leur annoncer la nouvelle. Ce dernier leur a demandé d’acheter les unités immédiatement. Toutefois, la Convention prévoyait que, dans les six mois après la fin des travaux, monsieur Dupuis pouvait les revendre. Ce n’est qu’après cette période de six mois, qu’ils devaient les acheter.
[79] Il précise qu’il n’a jamais eu son unité, puisque le Projet n’a pas fonctionné.
[80] Il traite ensuite d’une lettre du 13 juin 2018 où la Société a mis en demeure l’Entrepreneur de rembourser les acomptes versés pour les unités 855, 857 et 859. Cette lettre stipule que ces trois unités devaient être livrées le 8 avril 2017 conformément à un contrat préliminaire.
Position de l’Administrateur
Patrick Duquette
[81] Monsieur Duquette était le représentant de l’Entrepreneur à l’époque des faits en litige.
[82] Monsieur Duquette explique qu’il a été approché par monsieur Dupuis, lequel cherchait des entrepreneurs pour le Quartier des pins. L’Entrepreneur a finalement acheté le terrain où devait se construire le Projet.
[83] Devinnove était le promoteur du Projet et avait la responsabilité du bureau des ventes. Monsieur Laliberté était parfois présent au bureau des ventes.
[84] Il explique que la banque finançant l’Entrepreneur demandait 50 % plus un d’unités en prévente, soit quatre unités sur sept. L’Entrepreneur avait uniquement une prévente avec la sœur de monsieur Duquette.
[85] Monsieur Duquette a exposé la problématique à monsieur Dupuis. Ce dernier et les Partenaires l’ont approché pour lui confirmer que l’Entrepreneurl allait pouvoir obtenir son financement. Ils lui ont expliqué la teneur de la Convention. Ils lui ont demandé de choisir les trois unités les moins chères du Projet parce que, de toute façon, ils souhaitaient les revendre. Leur but n’était pas d’acheter, mais que le Projet avance.
[86] Il précise que si jamais les Partenaires voulaient acheter une unité personnellement, ils bénéficieraient d’un escompte.
[87] Il précise que, dans la mesure où l’Entrepreneur vendait une unité, les Partenaires avaient une unité de moins à acheter. Monsieur Duquette ajoute qu’il pouvait vendre l’une ou l’autre de leurs unités sans leur permission ni préavis ni versement d’une indemnité. De plus, lors de la vente de leur unité à un tiers, il devait leur rembourser leur acompte et leur payer une commission de 2 %.
[88] Il précise que les Demandeurs ne voulaient tellement pas acheter que, s’ils étaient obligés de le faire, monsieur Duquette avait exigé que la Convention prévoie que les Partenaires ne pouvaient vendre à un prix inférieur au prix du détail prévu à l’annexe de la Convention.
[89] De plus, il ajoute que, dans l’éventualité où la Société n’avait pas à se porter acquéreur des unités, elle pouvait transférer ses dépôts sur le prochain projet, soit le Quartier des pins 15.
[90] Il confirme qu’il a préparé les attestations d’acompte, les contrats préliminaires et les contrats de garantie.
[91] Questionné sur la date de signature des attestations d’acompte, il confirme que ces documents ont été signés non pas en 2016, comme les attestations relatives aux unités 857 et 859 l’indiquent, mais en 2017. L’attestation d’acompte de l’unité 855 ne porte pas de date, mais a été signée également le 30 mars 2017. En effet, il s’était dépêché de remplir les documents afin d’obtenir le financement le plus rapidement possible. Il précise que c’est la preuve que les Demandeurs signaient les yeux fermés.
[92] Une fois les trois attestations d’acompte signées, monsieur Duquette est allé voir la banque afin de finaliser le financement. La banque a refusé ces attestations signées par la Société. Donc, les Demandeurs ont essayé par un autre moyen, soit de signer un vrai contrat préliminaire. En raison de l’existence de la Convention, monsieur Duquette a rédigé un contrat préliminaire maison sans utiliser les contrats préliminaires de l’Administrateur.
[93] Monsieur Duquette admet avoir rencontré individuellement les Demandeurs pour la signature des contrats. Il ajoute qu’il n’avait pas le choix de faire les contrats préliminaires et de garantie pour obtenir le financement.
[94] Quant aux paiements des acomptes, il indique qu’il devait recevoir la somme de 110 000 $. Toutefois, monsieur Dupuis a déduit de cette somme les factures que Devinnove et Trois Carrés avaient produites à l’endroit de l’Entrepreneur. Ayant besoin de fonds, monsieur Duquette n’a eu d’autre choix que d’accepter le virement de 51 329,55 $, et ce, sans avoir vu les factures au préalable.
[95] Il explique que le seul tiers intéressé souhaitait acquérir l’unité 859, soit celle dévolue à Gestion Lévesque. Pour cette raison, monsieur Duquette a attribué une nouvelle unité à Gestion Lévesque, soit l’unité 863. Cette unité coûtait 80 000 $ de plus que l’unité 859.
[96] Il évoque la convocation qu’il a reçue en décembre 2017 pour un rendez-vous avec la banque et les investisseurs. Monsieur Dupuis voulait transformer le projet en multilogements, ce que monsieur Duquette a refusé.
[97] Il ajoute qu’en janvier 2018, monsieur Dupuis a été remercié et son contrat a été racheté. Monsieur André Lévesque et monsieur Sévigny ont pris le contrôle du Projet.
[98] Monsieur Duquette raconte qu’à l’étape des finitions, les Demandeurs n’ont pas voulu faire leur choix. Ils ne voulaient pas acheter les unités. C’est uniquement dans la mesure où l’Entrepreneur n’avait pas trouvé d’acheteur 120 jours après la fin des travaux qu’ils devaient acquérir les unités.
[99] Questionné à ce sujet, il ajoute avoir rencontré monsieur Sévigny et discuté par téléphone avec monsieur Claude Lévesque pour leur demander de faire leur choix.
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[100] Il évoque la rencontre à laquelle il a participé en mars 2018 avec le représentant de la banque, monsieur André Lévesque et monsieur Sévigny. À ce stade, l’unité modèle était terminée à 100 % et les autres unités entre 70 % et 80 %.
[101] Lors de cette réunion, le représentant de la banque a appris de la bouche de monsieur André Lévesque qu’il ne voulait pas acheter l’unité, que les contrats préliminaires ne comptaient pas et que la Convention primait.
[102] Monsieur Duquette affirme qu’après avoir pris connaissance de la Convention, la banque l’a avisé que l’Entrepreneur avait 30 jours pour trouver de vraies préventes à défaut de quoi, la banque rappelait le prêt.
[103] Monsieur Duquette explique qu’il a essayé de convaincre les Partenaires de vraiment acheter les unités, mais sans succès. L’Entrepreneur a donc abandonné le Projet et déclaré faillite au mois de juin ou juillet 2018.
[104] Il précise que l’huissier a mis en vente le Projet, lequel a été racheté par 9399‑4515 Québec inc. Cette entreprise est dirigée par messieurs Conrad Sévigny, André Lévesque, Claude Lévesque et Claude Laliberté.
[105] Questionné sur la possibilité pour les Partenaires d’acquérir personnellement des unités, monsieur Duquette affirme qu’ils ne l’ont pas fait et que s’ils étaient dans l’obligation d’acquérir, c’était pour les vendre ou les louer.
Anne Delage
[106] Madame Delage est la conciliatrice qui a rendu les Décisions no 1, no 2 et no 3.
[107] Elle explique que lors de l’analyse des trois dossiers, il lui manquait énormément d’informations sur tout l’aspect monétaire de cette affaire. Plusieurs pièces étaient illisibles malgré ses demandes d’en obtenir de plus claires. Elle n’avait rien de précis, pas de preuve que les acomptes avaient été vraiment payés à l’Entrepreneur.
[108] Elle admet avoir eu en main les contrats de garantie, les contrats préliminaires et les attestations d’acompte. Elle reconnaît également que la Société a versé 110 000 $ au notaire Deslandes et que l’Entrepreneur a reçu 51 329,55 $. Toutefois, il n’y avait rien pour être en mesure de conclure que les acomptes ont été remis à l’Entrepreneur.
[109] Elle ajoute qu’avant de rendre les Décisions, elle ne connaissait pas monsieur Dupuis, n’était pas au courant de l’existence de la Convention et qu’elle n’a pas reçu le Compte à compte.
[110] Elle précise que dans 99 % des cas, les bénéficiaires sont en mesure de démontrer que les acomptes ont été payés et qu’ils ont été encaissés par l’entrepreneur. Dans tous les cas où les demandes de remboursement d’acompte sont accueillies par l’Administrateur, le chemin des sommes versées à titre d’acompte est clair et ne soulève aucun doute. Elle déclare que dans les trois présents dossiers, ce n’était pas le cas.
[111] Questionnée à ce sujet, elle spécifie qu’elle a discuté avec l’ancien procureur des Demandeurs et avec l’un des investisseurs. De plus, elle a tenté de joindre monsieur Duquette, sans succès.
[112] Après avoir entendu la preuve lors de la présente audition, elle conclut qu’elle aurait tout de même rejeté les trois réclamations, mais pour des motifs différents de ceux indiqués aux Décisions no 1, no 2 et no 3.
Arguments des Demandeurs
[113] Me Janson rappelle que les Demandeurs réclament le remboursement des acomptes qu’ils ont versés, soit :
- 39 500 $ pour les Entreprises Sévigny;
- 37 500 $ pour Madame St-Germain;
- 41 000 $ pour Gestion Lévesque, soit 33 000 $ remis à Me Deslandes et 8 000 $ remis directement à l’Entrepreneur.
[114] Il allègue que l’Administrateur refuse de rembourser les acomptes pour deux motifs.
1er motif : il n’y a pas de preuve démontrant que les Demandeurs ont versé un acompte
[115] En premier lieu, Me Janson cite les extraits du contrat de garantie applicable à l’égard des acomptes, soit :
« 2.1. « Acompte » Tout paiement effectué d’avance par le Bénéficiaire ou pour son compte et étant appliqué en totalité sur le prix du contrat couvert. Sans limiter la généralité de ce qui précède, est expressément exclu de la présente définition tout paiement effectué par quiconque en faveur de l’entrepreneur, mais dont le paiement ne découle pas directement du Contrat couvert;
Art. 2.5 « Bénéficiaire » : Une personne, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une ayant contracté initialement avec l’entrepreneur pour l’achat ou la construction du Bâtiment (…);
Art. 2.6 « Contrat couvert » : Le contrat de vente ou le contrat d’entreprise d’un bâtiment résidentiel neuf conclu entre l’Entrepreneur et le Bénéficiaire tel qu’il peut être modifié par écrit par les parties de temps à autre, notamment pour prévoir toute modification aux travaux envisagés;
2.10 « Entrepreneur » : une personne qui est titulaire d’une licence d’entrepreneur général l’autorisant à exécuter ou à faire exécuter en tout ou en partie, pour un Bénéficiaire des travaux de construction d’un bâtiment résidentiel neuf visé à la section 3 du présent Contrat de garantie;
Art. 7.1 Sous réserve des limites et exclusions contenues aux présentes, l’Administrateur s’engage à rembourser au Bénéficiaire les Acomptes versés à l’Entrepreneur en cas de manquement par l’Entrepreneur à ses obligations contractuelles et légales, avant la Réception du bâtiment, résultant notamment de sa faillite, de son insolvabilité, de la résiliation pour cause du Contrat couvert ou de la fraude de l’Entrepreneur, mais dans le cas d’un contrat d’entreprise, à condition qu’il n’y ait pas d’enrichissement injustifié. »
[116] Il rappelle les principes établis à l’article 1711 du Code civil du Québec, commentés par Me Robert Masson dans l’affaire Gouin c. Les Habitations Rea inc. et al[1] :
« [78] Le procureur renvoie ensuite le Tribunal d'arbitrage à l'article 1711 du Code civil du Québec qui énonce :
1711. Toute somme versée à l'occasion d'une promesse de vente est présumée être un acompte sur le prix à moins que le contrat n'en dispose autrement.
[79] Le procureur renvoie aussi le Tribunal d'arbitrage à la définition du mot acompte au Dictionnaire Larousse :
[80] De ce qui précède, il ressort que l'article 1711 CcQ ne limite pas le versement d'un acompte au seul vendeur. Il suffit que la somme versée le soit à l'occasion d'une promesse de vente. Le Larousse donne une variante de l'article précité. Et il ajoute : en cas d'inexécution, l'acompte doit être restitué à l'acheteur.
[81] Le résultat : toutes les sommes d'argent versées au vendeur à l'occasion d'une promesse de vente inexécutée doivent être restituées à l'acheteur. Est-il nécessaire d'ajouter que tant que la vente n'est pas réalisée, les parties agissent dans le cadre d'une promesse de vente ? »
[Les soulignés sont de Me Masson]
[117] Me Janson allègue que la preuve a démontré que les Demandeurs avaient versé des acomptes totalisant la somme de 118 000 $. Au soutien de ses prétentions, il souligne les éléments suivants :
[117.1] Au cours du mois de décembre 2016, les Demandeurs eux-mêmes, ou par l’entremise de 9137 dans le cas de Madame St-Germain, ont versé une partie des sommes nécessaires aux paiements des acomptes à la Société, soit 30 000 $ chacun, pour un total de 90 000 $. Gestions Riendeau a versé 30 000 $ pour compléter les sommes nécessaires au paiement des acomptes par les Demandeurs pour l’achat des trois unités;
[117.2] Le 11 janvier 2017, la Société a versé la somme de 110 000 $ à Me Deslandes à titre d’acompte, de laquelle 51 329,55 $ fut remis le 4 avril 2017 à l’Entrepreneur. Ce paiement était conforme à une entente intervenue entre ce dernier et divers intervenants. Les Demandeurs ne sont impliqués d’aucune façon dans cette entente;
[117.3] Le 30 mai 2017, la Société a versé directement à l’Entrepreneur un acompte supplémentaire au montant de 8 000 $ pour l’unité de Gestion Lévesque;
[117.4] Monsieur Duquette et/ou monsieur Dupuis ont reconnu que ces acomptes ont été payés, non seulement dans le cadre de leur témoignage, mais cela apparait également des attestations d’acompte, des contrats préliminaires et du courriel d’instructions de monsieur Dupuis;
[117.5] Au-delà du fait que toute somme versée dans le cadre d’une promesse de vente est présumée être un acompte au terme de l’article 1711 du Code civil du Québec, les Demandeurs soutiennent que le versement de leurs acomptes respectifs peut avoir été fait par un tiers, en l’occurrence la Société, pour leur propre bénéfice;
[117.6] Ce paiement fait par un tiers ne leur fait pas pour autant perdre le droit à leur remboursement d’acompte[2].Ce principe est souligné par Me Robert Masson dans l’affaire Crépeau c. Groupe J.F. Malo inc. et al[3] :
« [45] n'y a pas lieu en l'espèce de prendre en considération qui e (sic) posté les demandes de réclamation. Tout comme il n'est pas pertinent en l'espèce de savoir qui a payé pour et à l'acquit des Demandeurs. Ce peut être comme en l'espèce un parent désirant faire une largesse à ses enfants cela aurait tout aussi bien pu être un paiement fait par un débiteur des Demandeurs, ou encore un paiement transmis par un fidéicommissaire. Ce qui importe est de constater que le bénéficiaire a contracté envers l'entrepreneur une obligation, qu'il s'est acquitté de cette obligation et que le tout est constaté dans un écrit, en l'occurrence le contrat d'entreprise. Et cela ajoute à la preuve prépondérante de constater, comme en l'espèce, une preuve de paiement. »
[117.7] Dans les articles 1555 et 1557 du Code civil du Québec, il est reconnu que le paiement peut être fait par un tiers à l’obligation, pour autant que celui-ci soit ratifié par le créancier, ce qui est le cas en l’espèce. Encore une fois, ce principe est reconnu par Me Masson[4] en ces termes :
« [82] Et le procureur oublie aussi de nous référer aux articles 1555 et 1557 du CcQ qui enseignent que :
1555. Le paiement peut être fait par toute personne, lors même qu'elle serait un tiers par rapport à l'obligation…
1557. Le paiement doit être fait au créancier ou à une personne autorisée à le recevoir pour lui.
S'il est fait à un tiers, il est valable si le créancier le ratifie…»;
[117.8] Le fait qu’une somme de 30 000 $ ait été versée à la Société par Gestions Riendeau ou 9137 ne fait aucunement obstacle à la réclamation des Demandeurs;
[117.9] Lors de l’analyse des dossiers, madame Delage était chicotée par le fait qu’elle n’était pas en mesure de voir un chèque qui repart de la Société pour retourner dans le compte des Demandeurs, pour ensuite repartir vers l’Entrepreneur. Mais là, n’est pas le seul chemin que peut emprunter un acompte pour être versé à un entrepreneur;
[117.10] L’Entrepreneur a reconnu avoir reçu la somme de 51 329,55 $, et que le solde a été versé en remboursement de certaines de ses créances. Aucune preuve autre que du ouï-dire ne permet au Tribunal de conclure que les Demandeurs étaient impliqués dans cette négociation de Compte à compte. De plus, ils n’ont jamais entendu parler d’une opposition de la part de l’Entrepreneur à cet égard;
[117.11] Conséquemment, il ressort clairement de ce qui précède que les acomptes réclamés ont été versés à l’Entrepreneur et que les Demandeurs sont en droit d’en obtenir le remboursement, peu importe que ceux-ci aient été faits par eux directement ou par des tiers.
2e motif : les Demandeurs ne sont pas des bénéficiaires au sens du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[5] (Règlement)
[118] Tout d’abord, Me Janson souligne que ce motif ne fait pas partie des raisons invoquées par l’Administrateur pour refuser de rembourser les acomptes dans les Décisions. Ce n’est que deux ans plus tard, par le biais de leur procureur, que l’Administrateur a soulevé pour la première fois cet argument. De plus, il précise que le procès-verbal relatant une gestion de l’instance ne peut avoir pour résultat que les Demandeurs ont abdiqué leur droit de contester ce motif.
[119] Il affirme que, non seulement il y a absence évidente de fondement de cette prétention, mais aussi que la façon de procéder de l’Administrateur ne semble d’aucune façon respecter le processus de conciliation prévu au Règlement et au contrat de garantie. En effet, il indique que l’Administrateur, au moment de rendre sa décision, se devait de produire un rapport détaillé en exposant toutes les circonstances et les particularités du dossier et en statuant de façon complète sur la demande du bénéficiaire, et ce, de manière à lui permettre de comprendre parfaitement les motifs de la décision[6].
[120] Sur la base de la preuve ainsi que sur les définitions de « bénéficiaire » et d’ « entrepreneur » du contrat de garantie et des extraits suivants, il en ressort clairement que les Demandeurs ne correspondent d’aucune façon à la définition d’un promoteur immobilier eu égard au Projet :
[120.1] Giovanni Delfino c. 9205-4717 Québec inc. f/a/s Les Immeubles Kama et Raymond Chabot, administrateur provisoire inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat inc.[7] :
« [34] L’Administrateur soulève à l’Instruction la question à savoir si Delfino est un bénéficiaire au sens du Règlement ou plutôt un promoteur immobilier, tenant compte qu’il est courtier immobilier. »
« [40] L’Administrateur soulève en plaidoirie que la question initialement adressée par celui-ci préalablement à l’Instruction visait à confirmer si Delfino est un bénéficiaire au sens du Règlement ou plutôt un promoteur immobilier, tenant compte qu’il est courtier immobilier.
[41] Le Règlement ne fait pas mention de l’expression ‘promoteur immobilier’ et ne réfère qu’au terme ‘entrepreneur’.
[42] On note que notre Code civil (au chapitre du contrat d’entreprise) assimile le promoteur immobilier dans un cadre de vente, à un entrepreneur :
2124. Pour l’application des dispositions du présent chapitre, le promoteur immobilier qui vend, même après son achèvement, un ouvrage qu’il a construit ou a fait construire est assimilé à l’entrepreneur.
[43] Le Code civil définit d’autre part le promoteur :
1093. Est considéré comme promoteur celui qui, au moment de l’inscription de la déclaration de copropriété, est propriétaire d’au moins la moitié de l’ensemble des fractions ou ses ayants cause, sauf celui qui acquiert de bonne foi et dans l’intention de l’habiter une fraction pour un prix égal à sa valeur marchande.
[44] L’article 1093 C.c.Q. ne souligne pas le rôle de constructeur ou mandant de construction dans sa définition de promoteur et la jurisprudence de notre Cour d’appel[8] est au même sens élargi; il peut s’agir d’un immeuble existant où le ‘promoteur’ n’a pas construit ou fait construire, mais a procédé à l’achat d’un bâtiment existant construit préalablement par un tiers.
[45] Dans ce cadre, une personne peut être considérée promoteur quant à un bâtiment qu’il n’a pas construit ou fait construire - mais le Tribunal est d’avis qu’il faut une volonté, dans un cadre de copropriété, d’agir comme vendeur et d’être propriétaire d’un nombre d’unités du syndicat à une époque donnée d’au moins la moitié de l’ensemble immobilier.
[46] Cette caractérisation d’une intention de vente se retrouve d’ailleurs en application de la définition de l’article 1093 C.c.Q. précité, ainsi qu’en application des articles de notre Code (1104, 1106, 1785, 1788, 1794 et 2124 C.c.Q.) qui visent le promoteur, chacun selon ses circonstances.
[47] Toutefois, tel qu’avancé par l’Administrateur, est-ce que Delfino, par sa détention d’un permis de courtier immobilier [devant être émis par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec en conformité de la Loi sur le courtage immobilier (« LCI ») [9] ], peut être assimilé à un promoteur? »
« [50] Les circonstances du présent dossier ne supportent pas que Delfino ait agi à titre d’intermédiaire, au contraire. Conséquemment, il n’est pas opportun d’analyser plus avant l’argument de l’Administrateur à cet effet; dans les circonstances présentes, Delfino est un bénéficiaire au sens du Règlement. »
[120.2] Me Vincent Karim[10] :
« 2029. Ainsi, il faut entendre par « promoteur » une personne, physique ou morale, qui non seulement développe un concept ou élabore un projet immobilier, mais aussi qui veille à promouvoir sa mise en marché et sa réalisation. »
[120.3] Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté[11] :
« Le promoteur qui doit détenir une licence d’entrepreneur est celui qui contracte directement avec un tiers en vue de lui vendre un bâtiment qu’il a construit ou fait construire ou qu’il s’engage à construire ou faire construire. C’est là l’essence même de la définition d’entrepreneur que l’on retrouve l’article 7 de la Loi sur le bâtiment. »
[121] Me Janson fait également référence à la preuve suivante pour appuyer son argument voulant que les Demandeurs n’agissent pas comme promoteur, soit :
[121.1] Deux actes de vente sont intervenus le 16 février 2004 entre la vendeuse Odette Laliberté et 9137 pour l’acquisition de deux lots;
[121.2] Le 7 octobre 2013, 9137 a vendu des droits indivis dans ces deux lots à :
- 9160, laquelle appartient à monsieur Guy Naud;
- Gestion Lévesque; et
- Gestions Riendeau;
[121.3] Le 27 août 2014, une entente de partage est intervenue entre 9137, Gestions Riendeau, 9160 et Gestion Lévesque. Cette entente prévoyait notamment la formation de trois lots qui comprend le lot sur lequel le Projet devait être construit. De plus, l’entente stipulait que Gestion Lévesque, 9137 et Gestions Riendeau acceptaient de céder tous les droits indivis qu’elles ont dans le lot où devait être construit le Projet à 9160. Les Demandeurs ne sont ni administrateurs et/ou actionnaires de 9160;
[121.4] Le 3 mars 2016, un acte de vente est intervenu 9160 et l’Entrepreneur pour la vente du lot sur lequel devait être construit le Projet. Cet acte de vente contient la clause suivante :
« MANDATAIRE SPÉCIAL
L'acquéreur s'engage à accorder gratuitement les servitudes requises pour fins d'utilités publiques affectant l'immeuble et à accepter celles qui affectent déjà l'immeuble s'il y a lieu. L'acquéreur par les présentes nomme et constitue Devinnove Inc. ou toute autre personne désignée par lui, son procureur et mandataire spécial auquel il donne pouvoir de, pour lui et en son nom: négocier, consentir, exécuter, établir et signer toute déclaration de copropriété initiale et/ou horizontale, toute servitude d'utilité publique avec les autorités compétentes, de compléter l’infrastructure juridique du Projet, conformément aux dispositions des déclarations de copropriété, et de voter pour et en son nom à toute assemblée des copropriétaires et de signer pour en en son nom, ainsi que pour ses servitudes, cessions de droits réels, et modifications de toute déclaration de copropriété, qu’il estimera utiles ou nécessaires à ces fins, à l’égard de toutes les parties privatives et toutes les parties communes des déclarations de copropriété ainsi que sur toutes les phases futures du Projet, à l’exception des parties privatives d’habitation, voter à toute assemblée des copropriétaires pour exercer les droits ci-dessus. L'acquéreur promet de ratifier et il ratifie par les présentes tous les actes posés par Devinnove Inc. à titre de mandataire dans l'exécution du présent mandat. »
[121.5] Donc, le lot sur lequel le Projet devait être construit appartenait uniquement à l’Entrepreneur. Ce dernier agissait à titre d’entrepreneur et Devinnove était le promoteur, et ce, sans le concours des Demandeurs;
[121.6] Le fait que les Demandeurs aient pu avoir l’intention de tirer profit de ces acquisitions ne leur enlève d’aucune façon leur statut de bénéficiaire. En fait, de très nombreux projets de construction de condominiums au Québec voient un grand nombre de leurs unités être acquises par des compagnies d’investissements qui ne perdent pas les garanties qui leur échoient en vertu du Règlement;
[121.7] Le fait que les Demandeurs aient pu avoir l’intention de se regrouper, au départ à tout le moins, afin de procéder à une acquisition commune des unités n’enlève encore une fois en rien leur qualité de bénéficiaire, sous réserve que le bénéficiaire ait alors été la Société;
[121.8] La preuve la plus éloquente qu’ils avaient une véritable intention d’acquérir, et qui soutient parfaitement les témoignages des Demandeurs, ce sont les deux options prévues à la Convention. Ainsi, soit ils achetaient avec un rabais de 10 %, soit ils vendaient à des tiers, auquel cas ils recevaient une compensation de 2 %. Ces clauses alternatives auraient été totalement inutiles si, comme le mentionne monsieur Duquette au cours de son témoignage, jamais les Demandeurs n’avaient eu l’intention d’acquérir les unités. Le même commentaire pourrait être fait à l’égard de la clause de la Convention qui permettait également aux Partenaires de plutôt choisir de se sortir de la Convention pour acquérir eux-mêmes les unités aux mêmes conditions. Rien dans la Convention ne préjudiciait l’Administrateur. Les Demandeurs avaient une véritable possibilité d’acquérir des unités;
[121.9] À tout événement, les contrats de garantie sont venus confirmer la relation contractuelle intervenue entre les Demandeurs, l’Entrepreneur et l’Administrateur. Ces documents ont été rédigés par l’Entrepreneur, tel que le lui permet l’Administrateur. Si l’Entrepreneur a pu commettre des erreurs, ou encore omettre de remplir certaines annexes qu’aurait pu lui exiger l’Administrateur, cela n’affecte en rien l’obligation de l’Administrateur de cautionner l’Entrepreneur. C’est d’ailleurs ce que rappelle Me Masson dans l’affaire Gouin c. Les Habitations Rea inc[12] :
« [74] (…) En opérant de la façon décrite plus haut, l’entrepreneur omettait sciemment de compléter un ou des annexes pour les modifications postérieures à la signature du contrat. Il omettait également, sciemment, de compléter une ou des attestations d’acompte lorsque le montant des modifications était immédiatement payé par la cliente. Il mettait ainsi en péril les acomptes versés. (…)»
« [93] Par ailleurs, quant à l’omission par l’entrepreneur de dénoncer à l’administrateur, sur la formule fournie par celui-ci, dès que versés, tous et chacun des acomptes qui lui sont remis relativement à l’achat de tout bâtiment visé, en contravention de l’engagement qu’il a pris (Annexe II, Liste des engagements de l’entrepreneur, 8o)), ce manquement à cette obligation imposée ne doit en aucun cas préjudicier au bénéficiaire, et encore moins lui faire perdre des droits. Surtout s’il n’est pas partie à cette obligation. »
[121.10] Le fait que les Demandeurs ou certains d’entre eux, par le biais de 9399, aient acquis le Projet le 20 juin 2019, soit après la faillite de l’Entrepreneur, en vue de terminer la construction et d’éviter de perdre leur investissement, ne change rien au fait qu’au moment de la signature des contrats préliminaires, ils étaient de véritables bénéficiaires au sens du Règlement et des contrats de garantie;
[121.11] Les Demandeurs n’avaient aucun lien d’affaires avec l’Entrepreneur. Ils n’ont aucunement été affectés par la faillite de l’Entrepreneur mise à part la perte de leurs acomptes. L’Entrepreneur n’était qu’intervenant dans la Convention, il n’y avait pas d’engagement réciproque. Il était clairement prévu à la Convention que les Demandeurs avaient la possibilité d’acquérir les unités. Il ajoute que si les Demandeurs n’avaient pas l’intérêt d’acquérir les unités, pourquoi y aurait-il une disposition prévoyant spécifiquement que les Demandeurs ne puissent concurrencer l’Entrepreneur dans la mesure où ils désirent vendre leur unité.
Conclusions
[122] Les Demandeurs ont clairement démontré que des acomptes totalisant la somme de 118 000 $ ont été payés pour leur compte par la Société. Il n’omet pas de mentionner que les Demandeurs ont eux-mêmes personnellement contribué à la hauteur de 90 000 $ dans la Société et qu’ils sont de véritables bénéficiaires au sens du Règlement et des contrats de garantie.
[123] Conséquemment, les Demandeurs soumettent être bien fondés en faits et en droit de demander le remboursement des acomptes versés totalisant la somme de 118 000 $.
[124] Par ailleurs, les Demandeurs soumettent être bien fondés en faits et en droit de demander que cette somme porte intérêt au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la réclamation à l’Administrateur, à savoir le 20 décembre 2018. Me Masson dans l’affaire Gouin c. Les Habitations Rea inc. a accueilli une telle demande en ces termes :
« [50] Maintenant, avant de traiter des réclamations de la demanderesse, le Tribunal d'arbitrage croit nécessaire de traiter de 2 points généraux, dans l'ordre ci-après :
- la demande de la demanderesse que les montants dus portent des intérêts majorés de l'indemnité additionnelle et l'objection de la défenderesse l'administrateur de la garantie à cet égard ;
- le silence et l'absence de l'entrepreneur ;
[51] À l'appui de son objection quant à l'octroi d'intérêts, l'administrateur de la garantie allègue que l'arbitre ne doit pas se servir de l'article 116 du Règlement pour octroyer à la bénéficiaire des droits que le Règlement ne lui confère pas. L'article en question énonce :
« 116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient. »
[52] L'administrateur de la garantie cite aussi l'arbitre Alcide Fournier dans l'affaire Doucet et al.[13], qui s'exprime ainsi :
« [42] Il faut dire d'abord que le règlement sur le plan de garantie ne prévoit pas le versement d'intérêts sur les sommes qui sont dues et ne prévoit pas non plus le versement de dommages et intérêts comme il est réclamé dans le présent litige. »
[53] Avec égards pour l'opinion contraire, ce Tribunal d'arbitrage ne partage pas l'opinion de l'arbitre Fournier. En effet, dans l'affaire Gemme[14], ce Tribunal d'arbitrage s'exprimait déjà ainsi qu'il suit quant à l'octroi d'intérêts :
« L'article 944.10 du Code de procédure civile énonce que :
« Les arbitres tranchent le différend conformément aux règles de droit qu'ils estiment appropriées et, s'il y a lieu, déterminent les dommages-intérêts .» (Le soulignement est du Tribunal d’arbitrage).
Mais, pour circonscrire véritablement les pouvoirs et la compétence de l'arbitre, il faut en référer à la loi habilitante.
À cet égard, on retrouve au Règlement, aux chapitres "Exclusions de la garantie" et "Limites de la garantie", les articles 12, 13, 14, 29 et 30 qui limitent le pouvoir de l'arbitre d'accorder des dommages-intérêts.
Ces exceptions ou limitations confirment la règle du pouvoir de l'arbitre d'accorder des dommages-intérêts sous réserve des limites imposées par le Règlement.
Si le législateur a cru bon d'indiquer que l'arbitre ne peut octroyer la réparation de dommages découlant de la responsabilité civile extracontractuelle de l'entrepreneur, c'est qu'il a considéré le pouvoir de l'arbitre d'en accorder pour des dommages découlant de la responsabilité civile contractuelle [de ce dernier]
[54] Qui plus est, l'article 2643 du Code civil du Québec stipule que, sous réserve des dispositions de la Loi auxquelles on ne peut déroger, la procédure d'arbitrage est réglée par le contrat ou, à défaut, par le Code de procédure civile.
[55] L'article 944.1 du Code de procédure civile édicte :
944.1. Sous réserve des dispositions du présent Titre, les arbitres procèdent à l'arbitrage suivant la procédure qu'ils déterminent. Ils ont tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de leur compétence…
[56] Et, pour en terminer, il y a lieu de rajouter l'alinéa 3 de l'article 944.10 précité :
944.10. …
Dans tous les cas, ils décident conformément aux stipulations du contrat et tiennent compte des usages applicables. (Le soulignement est du Tribunal d’arbitrage).
[57] Pour tous les motifs qui précèdent, le Tribunal d'arbitrage rejette l'objection de l'administrateur de la garantie quant à l'octroi d'intérêts majorés de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec. Il fera droit à de tels intérêts là où il estimera avenu de le faire, et cela sans avoir à invoquer l'équité. »
« [100] Pour tous les motifs qui précèdent, le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que La Garantie Habitation du Québec Inc. doit rembourser à la demanderesse la somme de 8 887.11 $ au titre des acomptes versés. Et que cette somme porte intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la réclamation de la demanderesse, à savoir le 16 décembre 2014. »
[Les soulignés sont de Me Masson]
[125] Enfin, et considérant l’article 123 du Règlement, les Demandeurs soumettent que les frais d’arbitrage doivent être supportés par l’Administrateur. Subsidiairement, si l’Administrateur a raison, les Demandeurs demandent de ne pas les condamner pour plus que l’équivalent du timbre judiciaire de la Cour du Québec, division des petites créances.
Arguments de l’Administrateur
[126] Me Provençal rappelle que le fardeau de la preuve est sur les épaules des Demandeurs et ces derniers ne s’en sont pas déchargés lors de l’audition.
Première question : est-ce que les acomptes réclamés ont été versés à l’Entrepreneur?
[127] Me Provençal reprend l’alinéa 1 a) de l’article 26 du Règlement, qui se lit comme suit :
« 26. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:
1° dans le cas d’un contrat de vente:
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire »
[128] Il souligne le terme « versé » de cet article. Normalement, les acomptes sont versés à l’Entrepreneur pour développer le Projet. Le but du plan de garantie n’est pas de garantir un compte à compte.
[129] La preuve démontre que l’Entrepreneur n’ait pas reçu la somme de 110 000 $.
[130] À cet effet, Me Provençal cite l’arbitre Claude Dupuis dans l’affaire 9079-8356 Québec inc. c. Les constructions Traditions inc. c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’ACPHQ inc.[15]
« [55] Il est admis que ce comptant ou cet acompte n'a pas été versé en espèces par le bénéficiaire, mais qu'il est plutôt constitué d'une créance d'un égal montant détenue par le bénéficiaire envers l'entrepreneur à faire valoir pour l'achat d'une unité d'un condominium construit par ce dernier. »
(…)
« [67] Faire droit à la réclamation du bénéficiaire pour un montant de 30 000 $ constituerait un enrichissement par rapport à la situation dans laquelle il se trouvait avant la signature du contrat préliminaire.
[68] Dans les faits, dans le présent dossier, ni l'une ni l'autre des deux parties n'a produit quoi que ce soit; il s'agit d'une opération purement comptable; le bénéficiaire n'a pas versé d'argent, et l'entrepreneur n'a pas produit l'unité de condominium.
[69] Dans les faits aussi, dans cette affaire, on a tenté d'éteindre une créance, ce qui n'est sûrement pas dans l'esprit du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[70] Le soussigné reproduit ci-après, de la section Des circonstances dans lesquelles a lieu la restitution, l'article 1699 du Code civil du Québec :
Art. 1699. La restitution des prestations a lieu chaque fois qu'une personne est, en vertu de la loi, tenue de rendre à une autre des biens qu'elle a reçus sans droit ou par erreur, ou encore en vertu d'un acte juridique qui est subséquemment anéanti de façon rétroactive ou dont les obligations deviennent impossibles à exécuter en raison d'une force majeure. Le tribunal peut, exceptionnellement, refuser la restitution lorsqu'elle aurait pour effet d'accorder à l'une des parties, débiteur ou créancier, un avantage indu, à moins qu'il ne juge suffisant, dans ce cas, de modifier plutôt l'étendue ou les modalités de la restitution.
[71] Le Code civil accorde donc au tribunal le pouvoir de refuser la restitution dans certaines circonstances.
[72] L'article 116 du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs se présente comme suit :
116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.
[73] Dans les circonstances, le tribunal trouverait injuste et inéquitable que l'administrateur soit tenu de rembourser au bénéficiaire un montant de 30 000 $, alors que ce dernier, de toute évidence, a laissé s'élever ses créances de façon inconsidérée, sans recourir aux contrôles et moyens qui auraient dû être à sa disposition pour y remédier. »
[131] Il admet que les sommes de 51 329,55 $ et de 8 000 $ ont été remises à l’Entrepreneur. Mais il se demande si ces sommes ont été versées à titre d’acompte.
[132] Il ajoute que monsieur Sévigny n’avait pas connaissance du Compte à compte. Donc, la Société a donné 110 000 $ sans savoir où allait cet argent. Me Provençal prétend que cette affirmation n’est pas crédible.
[133] Il allègue qu’il serait inéquitable que l’Administrateur rembourse ces trois acomptes. À la limite, il s’agit d’un cas où le Tribunal pourrait se servir de l’article 116 du Règlement afin de rejeter les demandes.
[134] Il affirme qu’il n’est pas dans l’esprit du Règlement que les sommes versées pour acquitter des créances, et encore plus pour des créances de promoteur, soient remboursées par l’Administrateur.
[135] Il constate que le Tribunal est face à trois Demandeurs qui ont déposé 30 000 $. De plus, il y a une quatrième personne qui a déposé, elle aussi, 30 000 $, mais qui n’est pas présente dans cette affaire. Un remboursement de 110 000 $ équivaudrait à faire bénéficier un tiers, d’autant plus qu’il n’y a pas d’explication pour cette somme de 30 000 $. Les Demandeurs demandent le remboursement de sommes qu’ils n’ont pas versées.
[136] Il souligne que la somme de 110 000 $ a été déposée en fidéicommis en un seul versement sans être individualisée. Ainsi, il est impossible de savoir quel montant est appliqué sur quelle unité.
[137] Il met l’emphase sur le fait que le rapport du notaire indique « investissement » pour le dépôt de 110 000 $. Dans la mesure où cette somme était déposée pour servir d’acompte, pourquoi la mention n’a-t-elle pas été faite de cette manière?
[138] II constate que tant monsieur Duquette que les Demandeurs ont admis que le dépôt en fidéicommis de 110 000 $ avait été fait par la Société et que l’investissement des Demandeurs était encadré par la Convention.
Deuxième question : les Demandeurs sont-ils des bénéficiaires au sens du Règlement?
[139] Me Provençal plaide que, lors de la conférence de gestion, tout le monde était d’accord pour que cette question soit abordée lors de l’audition.
[140] Il qualifie la Convention de contre-lettre. À cet effet, il reprend les articles 1451 et 1452 du Code civil du Québec, qui stipulent :
« 1451. Il y a simulation lorsque les parties conviennent d’exprimer leur volonté réelle non point dans un contrat apparent, mais dans un contrat secret, aussi appelé contre-lettre.
Entre les parties, la contre-lettre l’emporte sur le contrat apparent.
1452. Les tiers de bonne foi peuvent, selon leur intérêt, se prévaloir du contrat apparent ou de la contre-lettre, mais s’il survient entre eux un conflit d’intérêts, celui qui se prévaut du contrat apparent est préféré. »
[141] Il rappelle que la véritable intention des Demandeurs était clairement de ne pas acheter les unités. Cette intention ressort non seulement de la Convention, mais également des témoignages entendus lors de l’audition de la présente affaire.
[142] Comme l’Administrateur est un tiers de bonne foi, il a le droit de se prévaloir soit du contrat apparent ou de la contre-lettre.
[143] Il affirme que toute la documentation du plan de garantie dans cette affaire est de la poudre aux yeux. La réalité des Demandeurs n’est pas du tout en lien avec le contrat de garantie.
[144] Les parties ont porté beaucoup d’attention sur la Convention au courant de l’audition. Le paragraphe 2 de cette Convention confirme que l’intention des Demandeurs n’était pas d’acquérir des unités, mais bien d’aider l’Entrepreneur à obtenir son financement.
[145] Il admet que le paragraphe 13 de la Convention permettait aux Demandeurs de vraiment acquérir les unités auprès de la Société ou auprès de l’Entrepreneur. Mais aucun des Demandeurs ne l’a fait. Jamais un Demandeur n’a « retiré ses billes ».
[146] Il n’y a rien dans la preuve qui sous-entend que les Demandeurs avaient l’intention d’acheter une unité dans le Projet. D’autant plus que l’ensemble de la Convention est clairement à cet effet.
[147] La Convention, pourtant au cœur de cette affaire, a été cachée à l’Administrateur lors du processus de conciliation.
[148] Les Demandeurs étaient des partenaires d’affaires de l’Entrepreneur. Le but du Règlement n’est pas de protéger les investisseurs prenant des risques dans le cadre d’un projet immobilier.
[149] Me Provençal soulève la question suivante : si les Demandeurs voulaient vraiment acquérir des unités dans le Projet, pourquoi avoir procédé à la conclusion de la Convention?
[150] Il ajoute que les Demandeurs ont signé des contrats préliminaires uniquement après l’intervention de la banque. Les Demandeurs ont agi de la sorte parce qu’ils avaient intérêt à ce que le Projet avance et pour cela, ils avaient besoin que le financement soit accordé. Plus vite le Projet était terminé, plus vite ils pouvaient développer un autre projet. C’est d’ailleurs ce que la Convention prévoyait.
[151] L’objectif de la Convention était clair et ce n’est pas deux clauses prévoyant des exceptions, lesquelles ne se sont pas concrétisées, qui viennent changer l’intention des Demandeurs.
[152] Il ajoute que la Convention prévoyait tout, de l’émission des attestations d’acompte au contrat de garantie.
[153] Les Demandeurs n’avaient pas l’intention d’acheter des unités dans le Projet. Ils ont même payé les infrastructures, et ce, avant même que l’Entrepreneur ne s’implique dans le Projet. Il s’agit plutôt de partenaires-investisseurs que d’acheteurs d’unités.
[154] Il souligne que les témoignages des représentants des Demandeurs n’étaient pas crédibles. Les témoins ont eu beaucoup de trous de mémoire.
[155] D’un l’autre côté, monsieur Duquette a témoigné de manière solide en se rappelant les faits de manière précise. Son témoignage concordait avec la Convention. Il souligne le fait que monsieur Duquette n’a rien à gagner dans le cadre de cette affaire et cet élément devrait être considéré dans l’évaluation de sa crédibilité.
[156] Il admet que la définition de bénéficiaire est large au sens du Règlement. Toutefois, il faut également s’en remettre à l’intention du législateur.
[157] Me Provençal cite la Cour suprême dans l’affaire Rizzo & Rizzo shoes[16], soit :
« Il faut lire les termes de la loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. [17]»
« (…) Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut as être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la page 87, il dit :
[TRADUCTION] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution, il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. [18]»
[158] Il précise que l’intention du législateur n’était certainement pas de couvrir la Convention. L’objectif du Règlement n’est pas de rembourser les investissements de partenaires d’affaires.
[159] Me Provençal fait siens les propos de la juge Hélène Lebel [19]qui se lisent comme suit :
« [10] Il s'agit d'un recours entrepris et décidé en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Dans ce cas particulier, il s'agit plus particulièrement du plan de garantie de l'APCHQ, qui, comme on le sait, est l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec.
[11] Il semble important de rappeler qu'il s'agit d'un règlement d'ordre public et que le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est un mécanisme qui a été mis en place d'abord par l'APCHQ, puis encadré et imposé par le législateur, pour protéger les acquéreurs de maisons neuves et pour « garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur »[20] . Le but du Règlement est de toute évidence de donner effet à l'obligation de garantie de l'entrepreneur et de s'assurer que les acquéreurs de maisons neuves sont protégés efficacement contre les malfaçons, et ce, même si l'entrepreneur avec qui ils ont fait affaire est devenu insolvable ou refuse ou est incapable d'honorer la garantie.
[12] Il s'agit véritablement d'un ensemble de dispositions, la jurisprudence l'a d'ailleurs déjà souligné, qui sont de la même nature que celles qu'on trouve dans la Loi sur la protection du consommateur6 . On pourrait voir aussi certaines analogies avec les dispositions du Code de procédure civile sur les recours collectifs. Chose certaine, il semble clair que le législateur n'a pas voulu que l'acquéreur d'une maison neuve soit tenu d'entreprendre des procédures devant les tribunaux de droit commun pour faire respecter la garantie à laquelle est tenu l'entrepreneur.
[13] On peut tirer de ce contexte un cadre d'interprétation pour les litiges susceptibles de se soulever dans l'application et l'interprétation du Règlement. Il s'agit d'une loi « remédiatrice » qui devrait donc recevoir une interprétation large et libérale pour tenir compte de l'objectif recherché par le législateur qui est, manifestement, de protéger le consommateur acquéreur d'une maison neuve. Il est aussi opportun de tenir compte du problème auquel le législateur voulait remédier en édictant cette législation. Il s'agit de questions techniques. Il s'agit de cas, également, où le consommateur est souvent confronté par un entrepreneur plus riche et plus puissant, de telle sorte que le rapport des forces en présence risque d'être très inégal. »
[160] Selon Me Provençal, les Demandeurs sont loin d’être des consommateurs qui veulent acquérir une maison neuve. Un Règlement visant la protection des consommateurs ne peut favoriser le remboursement d’acompte à des investisseurs partenaires d’affaires.
[161] Me Provençal cite également Me Robert Masson dans l’affaire de Nathalie Mess et Michael Savoie c. Les Constructions Bois & Poliquin inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.[21] :
A) La loi des parties
[21] Le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, mis en vigueur en vertu de la Loi sur le bâtiment, a été institué par le gouvernement du Québec afin de protéger les acheteurs et d'améliorer la qualité des constructions neuves.
[22] Le CONTRAT DE GARANTIE fourni par l’entrepreneur est un contrat du type contrat de cautionnement par lequel La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. garantit l’exécution des travaux convenus par un entrepreneur en construction. Ce contrat est à la fois un cautionnement d’exécution, garantissant la complète exécution des travaux, et un cautionnement contre les malfaçons, garantissant la qualité des travaux exécutés. [23] Ce contrat de cautionnement est aussi un contrat intervenu en marge d’un autre contrat, le contrat d’entreprise (le contrat de construction), et au bénéfice d’une tierce partie, le propriétaire, qui n’y intervient pas.
[24] C’est un contrat conditionnel et limitatif en ce que la caution indique explicitement dans quelles conditions s’ouvriront les garanties qu’elle offre et quelles sont ces garanties. On retrouve ces conditions à la section «B» du contrat de garantie :
“En cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales et contractuelles, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., dans les limites et aux conditions décrites dans le présent contrat garantit au bénéficiaire l’exécution de ces obligations qui résultent d’un contrat conclu pour la vente ou la construction...” (Le soulignement est du Tribunal d’arbitrage).
[25] Mais c’est aussi un contrat de cautionnement réglementé, car toutes les clauses du contrat sont la reproduction intégrale, en faisant les adaptations nécessaires, d’extraits du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs qui impose cette intégralité.
(…)
[27] Enfin, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion que l'économie générale du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs et les buts visés par le législateur l’inscrivent au type des lois de la protection du consommateur. Il est d’ordre public et on ne peut y déroger. À preuve :
“3 Tout plan de garantie auquel s’applique le présent règlement doit être conforme aux normes et critères qui sont établis et être approuvé par la Régie [du bâtiment du Québec].
4 Aucune modification ne peut être apportée à un plan approuvé à moins qu’elle ne soit conforme aux normes et critères établis par le présent règlement.
5 Toute disposition d’un plan de garantie qui est incompatible avec le présent règlement est nulle. ...
19.1 Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations... à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an. ...
105 Une entente [suivant la médiation] ne peut déroger aux prescriptions du présent règlement. ...
138 Le bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé.
139 Toute clause d’un contrat de garantie qui est inconciliable avec le présent règlement est nulle.
140 Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement.”
[28] L'article 6.1 de la Loi sur la protection du consommateur (L.R.Q., c. P -40.1) confirme cette classification :
"6.1 Le présent titre, le titre II relatif aux pratiques de commerce, les articles 264 à 267 et 277 à 290 du titre IV, le chapitre I du titre V et les paragraphes c, k et r de l'article 350 s'appliquent également à la vente, à la location ou à la construction d'un immeuble…"
[29] Et l'article 1384 du Code civil du Québec en fait, à certaines conditions, un contrat de consommation :
"1384. Le contrat de consommation est le contrat dont le champ d'application est délimité par les lois relatives à la protection du consommateur, par lequel l'une des parties, étant une personne physique, le consommateur, acquiert, loue, emprunte ou se procure de toute autre manière, à des fins personnelles, familiales ou domestiques, des biens ou des services auprès de l'autre partie, laquelle offre de tels biens ou services dans le cadre d'une entreprise qu'elle exploite."
[30] Pour résumer. La garantie offerte par l’entrepreneur et administrée par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. dans le cadre du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs est un contrat de cautionnement réglementé. C'est aussi un contrat s’inscrivant au titre des lois de la protection du consommateur et, à certaines conditions, un contrat de consommation. Enfin, c'est un contrat d’ordre public.
(…)
[37] Le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que bien que le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs soit du type des lois de protection des consommateurs et bien que ce Règlement ait été adopté par le législateur afin de protéger les acheteurs de maisons neuves, l'omission d'une personne de lire un contrat qu'elle a signé ne peut l'excuser de ne pas s'être conformé aux conditions stipulées pour pouvoir bénéficier des avantages que ce contrat peut comporter. "Nul ne peut invoquer sa propre
turpitude."
[Les soulignés sont de Me Masson]
[162] Me Provençal invite le Tribunal à tenir compte de l’intention du législateur lorsqu’il se prononcera dans cette affaire. Il précise que ce n’est pas mal d’investir. Toutefois, ce n’est pas ce qui est visé par le législateur.
Conclusions
[163] Me Provençal conclut qu’en substance, Madame St-Germain, Gestion Lévesque et les Entreprises Sévigny ne peuvent être des bénéficiaires au sens du Règlement. Il serait inéquitable que la garantie couvre ces versements d’argent. Il invite le Tribunal à appliquer l’article 116 du Règlement.
[164] Il plaide que le Règlement, qui est d’ordre public, ne prévoit pas l’octroi d’intérêt légal ni d’indemnité additionnelle. Il ajoute que les nombreux délais dans cette affaire résultent des Demandeurs. L’Administrateur a toujours été prêt à procéder.
[165] Me Provençal allègue que, les Demandeurs n’étant pas des bénéficiaires, ils ne peuvent bénéficier de la protection concernant les frais d’arbitrage.
[166] Il termine en demandant de maintenir les Décisions no 1, no 2 et no 3.
DÉCISION
Fardeau de la preuve
[167] Le Tribunal rappelle que les Demandeurs ont soumis les demandes d’arbitrage. En conséquence, ils ont le fardeau[22] de prouver le caractère erroné des Décisions de l’Administrateur.
[168] Me Michel A. Jeanniot résume bien ces principes en ces termes dans l’affaire Filomena Stante et Antonio Carriero c. Les Constructions Oakwood Canada inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.. :
« (…) les Demandeurs sont en demande et tel quiconque porte une demande devant un Tribunal d’arbitrage, c’est la demande qui a le fardeau de preuve, qui a le fardeau de convaincre ; sans que ce fardeau ne soit indu, ce sont les Demandeurs qui ont l’obligation de démontrer le caractère déraisonnable de la décision de l’Administrateur ou, subsidiairement, que les points qu’ils soulèvent sont recevables dans le cadre de l’application du contrat de garantie. [23]»
[169] C’est la règle de la prépondérance de preuve qui s’applique, soit la preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence[24].
Questions en litige
[170] Deux questions se posent dans cette affaire, soit :
[170.1] Est-ce que les Demandeurs sont des bénéficiaires au sens du Règlement?
[170.2] Est-ce que les Demandeurs ont versé des acomptes à l’Entrepreneur?
Première question : les Demandeurs sont-ils des bénéficiaires au sens du Règlement?
[171] Les Demandeurs allèguent que, puisque l’Administrateur n’a pas précisé dans les Décisions ce motif pour justifier son refus de couvrir, il ne peut l’invoquer en arbitrage.
[172] Le Tribunal traitera du motif invoqué par l’Administrateur, et ce, pour deux raisons.
[173] Premièrement, ce sont les Bénéficiaires qui n’ont pas fourni toute l’information pertinente afin que la conciliatrice soit en mesure d’invoquer ce motif dans les Décisions. En effet, les Bénéficiaires ne lui avaient pas transmis la Convention ni le Compte à compte et elle ne connaissait pas monsieur Dupuis. Ces informations ont été transmises uniquement au soutien des demandes d’arbitrage.
[174] La deuxième raison est le caractère d’ordre public du Règlement sur lequel se fondera la présente décision arbitrale. Le Tribunal peut se baser sur tous les articles pertinents du Règlement pour rendre sa décision au regard de la preuve présentée devant lui.
Définition de « bénéficiaire »
[175] L’article 1 du Règlement définit le « bénéficiaire » comme suit :
« une personne, une société, (…) qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf (…) ».
[176] Dans le cas qui nous occupe, il faut déterminer si oui ou non un contrat pour la vente d’une unité de copropriété est intervenu dans chacun des trois dossiers.
[177] Le Tribunal ne croit pas que les attestations d’acompte, les contrats préliminaires et les contrats de garantie soient les seuls éléments à considérer pour valider si les Demandeurs ont conclu des contrats pour la vente d’unités avec l’Entrepreneur.
[178] Les articles 1425 et 1426 du Code civil du Québec prévoient :
« 1425. Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés.
1426. On tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages.»
[179] Comme l’enseigne la Cour suprême, l’interprétation des contrats implique une multitude d’éléments factuels[25]. Il faut tenir compte notamment des circonstances entourant la conclusion de ces contrats[26] ainsi que de l’interprétation qu’en donnent les parties. Pour interpréter un contrat, il faut ressortir l’intention véritable des parties[27].
[180] Afin de répondre à la question soulevée, il est donc opportun d’examiner les circonstances entourant la signature des différents documents.
[181] Il ressort de la preuve que les Demandeurs ont investi dans le Projet, soit directement ou par l’intermédiaire de l’une ou l’autre de leur entreprise.
[182] Pour obtenir le financement, l’Entrepreneur devait avoir quatre préventes. N’ayant réussi à conclure qu’une seule prévente, la construction du Projet était suspendue dans l’attente du financement.
[183] Afin de permettre à l’Entrepreneur de se qualifier pour le financement du Projet, il a été convenu de mettre en place la Convention. L’objet de cette entente était l’engagement financier des Partenaires relativement à l’acquisition potentielle de trois unités de copropriété dans le Projet. Ainsi, il y avait quatre préventes et la banque pouvait ainsi donner son aval au financement.
[184] Il est important de souligner qu’en vertu de la Convention :
[184.1] Les Partenaires mentionnaient leur intérêt à la réussite du Projet;
[184.2] Les Partenaires, par l’intermédiaire de la Société, s’engageaient à procéder à l’acquisition finale d’une ou de plusieurs unités jusqu’à un maximum de trois si l’Entrepreneur n’avait pas trouvé de tiers acquéreur dans les 120 jours de la fin de travaux;
[184.3] Le choix des trois unités a été déterminé en fonction du prix, soit les unités les moins onéreuses. De plus, le prix de vente indiqué sur les contrats ne servait qu’au financement bancaire et ne correspondait pas au prix prévalant à la Convention;
[184.4] À chaque fois que l’Entrepreneur trouvait un tiers acquéreur pour l’une des unités du Projet, il y avait résolution automatique d’une des promesses d’achat signées par la Société. Par la suite, une autre unité était « assignée » à la Société et c’est l’Entrepreneur qui procédait au choix de la nouvelle unité;
[184.5] Contrairement aux allégations de Me Janson, l’Entrepreneur a pris plusieurs engagements envers la Société et les Partenaires, notamment :
- faire ce qui est nécessaire pour réaliser le Projet en collaboration avec le promoteur, les développeurs, les Partenaires et la Société;
- verser à la Société des frais d’engagement et rembourser le montant des acomptes;
- offrir un escompte de 10 % du prix de l’unité;
[184.6] Les engagements et les contributions de chacun des Partenaires dans la Société étaient identiques, tant en ce qui concerne la signature des promesses d’achat que pour les montants à débourser en cas de clôture de vente d’unités, le cas échéant;
[184.7] Un Partenaire pouvait acquérir une unité et déduire l’équivalent de son achat des engagements pris envers la Société.
[185] Suite à la signature de la Convention, trois contrats de garantie sont signés par la Société pour l’obtention du financement.
[186] Il appert également de la mise en demeure du procureur de la Société, qu’un contrat préliminaire serait intervenu entre la Société et l’Entrepreneur pour les unités 855, 858 et 859.
[187] Toutefois, la banque a refusé de financer le Projet, si trois entités distinctes ne concluaient pas de prévente avec l’Entrepreneur.
[188] Afin de permettre le financement, les Demandeurs ont signé des contrats préliminaires et des contrats de garantie avec l’Entrepreneur.
[189] Le rapport des opérations par dossier du notaire Deslandes indique :
- plusieurs versements effectués par Gestion Lévesque et les Entreprises Sévigny;
- des déboursés pour l’acquisition du terrain, pour Devinnove, pour l’arpenteur géomètre et pour Constructions Patrick Roy;
- le 12 janvier 2017, un dépôt de 110 000 $ par 9030-6095 Québec inc. qui est en fait 9350-6095 Québec inc., soit la Société. Ce dépôt est décrit comme un « investissement »;
- un déboursé de 51 329,55 $ à l’Entrepreneur en date du 4 avril 2017 décrit comme « QDP14 dépôt au constructeur ».
[190] En mars 2018, une rencontre intervient entre les Demandeurs, monsieur Duquette et un représentant de la banque. Selon monsieur Duquette, monsieur Lévesque aurait indiqué à la banque qu’ils ne voulaient pas vraiment acheter les unités. En conséquence, la banque a donné un ultimatum à l’Entrepreneur : il trouve de vrais acheteurs ou, à défaut, le prêt est rappelé. Les Demandeurs ayant refusé d’acheter, le prêt a été rappelé, la construction du Projet arrêtée et l’Entrepreneur a fait faillite.
[191] En juin 2019, les Demandeurs, par le biais d’une compagnie, ont racheté le Projet.
[192] Voyons maintenant les éléments qui ressortent des témoignages de monsieur Sévigny, monsieur Claude Lévesque et monsieur Laliberté
Conrad Sévigny
[193] Il ressort du témoignage de monsieur Sévigny et des pièces produites dans son dossier :
[193.1] C’est monsieur Dupuis qui lui a conseillé de signer la Convention. Ainsi, la responsabilité était partagée en quatre. La Convention a été signée pour former une nouvelle entreprise, la Société, et pour acheter trois unités à quatre personnes;
[193.2] L’attestation d’acompte relative à l’unité 857 a été signée par Madame St-Germain pour le compte de la Société;
[193.3] Au début, la Société devait se porter acquéreur des unités. Cependant, suite à l’Avis de la banque, il fallait le faire séparément;
[193.4] Si tout allait bien, ils transféraient les promesses d’achat sur le « bloc à côté ». Il avait un intérêt pour l’investissement. Il voulait louer ou vendre son unité;
[193.5] Tout d’abord, il allègue que l’attestation d’acompte et le contrat préliminaire relativement à l’unité 857 ont été signés par monsieur Alain Dupuis. Par la suite, il indique que le contrat préliminaire du 17 mai 2017 porte sa signature. Finalement, le contrat a été signé le 19 mai 2017 et ne portait aucune date de clôture;
[193.6] Il ne se rappelle pas si le contrat préliminaire du 17 mai 2017 est la première version ou non du contrat préliminaire. « C’est tout flou, tout mêlé » entre la Société et lui. Il ajoute qu’il a investi dans le terrain et dans le condo. « On fait ce qu’on nous dit : signe ici, signe là »;
[193.7] Il précise qu’il a signé le contrat de garantie le 26 mai 2017. Le contrat de garantie porte la date du 30 mai 2017;
[193.8] Il n’a jamais fait de choix relativement à son unité pendant la construction de celle-ci : « c’est monsieur Duquette qui s’occupait de ça». Il n’a jamais pris possession de l’unité 857;
[193.9] Monsieur Sévigny admet que l’entreprise 9399-4515 Québec inc., dont il est le représentant, a racheté le Projet au coût de 1 100 000$.
Claude Laliberté
[194] Il ressort du témoignage de monsieur Laliberté et des pièces produites dans son dossier :
[194.1] Monsieur Dupuis leur a présenté le Projet et leur a précisé qu’ils auraient un rendement de 21 % sur leur investissement. Monsieur Laliberté indique qu’il a investi avec Madame St-Germain, monsieur Sévigny, ainsi que messieurs Claude et André Laliberté, notamment pour payer les égouts, les infrastructures et la ligne de gaz. Ces travaux permettaient d’être en mesure de vendre le terrain à un contracteur;
[194.2] Monsieur Laliberté et Madame St-Germain ont décidé de procéder au par le biais de la Société en raison des avantages fiscaux. Ils voulaient acheter un condo et c’est la Société qui absorbait et qui louait. Au départ, ils voulaient prêter l’unité à leur fille pour l’habiter eux-mêmes plus tard;
[194.3] C’est monsieur Duquette qui a préparé les documents. Il affirme qu’ils se sont fiés à monsieur Duquette en toute bonne foi. Madame St‑Germain a signé l’attestation d’acompte pour l’unité 855 au nom de la Société;
[194.4] Ils ont dû se réajuster suite à l’Avis de la banque. Madame St-Germain a signé le contrat préliminaire relativement à l’unité 855 le 25 mai 2017. La date de clôture indiquée au contrat est le 8 mai 2017. Concernant cette date de clôture, monsieur Laliberté affirme qu’il doit y avoir une erreur quelque part. Il mentionne que l’unité devait être terminée un an après la signature, soit en 2018. Il précise que, logiquement, ça prend un an construire, puisqu’il s’agissait d’un bâtiment compliqué. Le contrat de garantie a été signé le 26 mai 2017. Monsieur Laliberté ne se rappelle pas s’il y a eu une autre version de ce contrat;
[194.5] En ce qui a trait au choix des finitions, monsieur Laliberté indique que le condo modèle lui suffisait. Madame St-Germain n’a jamais pris possession de l’unité 855.
Claude Lévesque
[195] Il ressort du témoignage de monsieur Lévesque et des pièces produites dans son dossier :
[195.1] Monsieur Sévigny lui avait dit qu’il avait besoin d’aide pour le financement du Projet. La sœur de monsieur Duquette prenait une unité, donc il en restait trois. Ils ont décidé qu’un petit groupe pourrait en acquérir trois pour investir dans le Projet. Il était clair que les Partenaires voulaient louer ou revendre les unités. Il précise qu’ils avaient un rabais sur le prix, mais que monsieur Dupuis se gardait le privilège de les revendre;
[195.2] Il indique que la création de la Société permettait à monsieur Dupuis de gérer tout ça et au notaire de s’occuper des sommes d’argent. C’était une manière sécuritaire et ordonnée de faire les choses. Monsieur Lévesque précise que le maître à penser du Projet était monsieur Dupuis;
[195.3] L’attestation d’acompte relative à l’unité 859 a été signée par Madame St-Germain au nom de la Société;
[195.4] Il explique que c’est la banque qui a exigé que l’achat se fasse personnellement ou par le biais de leur compagnie;
[195.5] Questionné sur le contrat préliminaire pour l’unité 863, il affirme n’être pas très familier avec tout cela. Il explique qu’il y a eu un changement d’unité du 859 au 863. Il a signé le contrat préliminaire le 26 mai 2017 ainsi que le contrat de garantie. Le contrat préliminaire ne prévoyait pas de date de clôture;
[195.6] Il réitère que la Société a été créée pour investir, mais qu’après, il a révisé sa position. En effet, il souhaitait acquérir l’unité pour sa fille;
[195.7] Monsieur Lévesque ne se souvient pas d’avoir rencontré monsieur Duquette. Par la suite, il précise qu’il l’a peut-être rencontré quatre à cinq fois. Il indique que monsieur Dupuis lui a montré l’unité sur plans;
[195.8] À l’automne 2017, Monsieur Dupuis les a convoqués et leur a demandé d’acheter les unités immédiatement. Toutefois, la Convention prévoyait que, six mois après la fin des travaux, monsieur Dupuis pouvait les revendre et qu’après cette période de six mois, ils devaient les acheter;
[195.9] Il précise qu’il n’a jamais eu l’unité 863, puisque le Projet n’a pas fonctionné.
Réponse à la première question
[196] Après analyse de la preuve testimoniale et documentaire, le Tribunal arrive à la conclusion que les Demandeurs n’avaient pas l’intention d’acheter les unités de copropriété du Projet. En effet, le Tribunal ne croit pas les Demandeurs quand ils affirment avoir changé d’idée et avoir décidé d’acquérir les unités personnellement.
[197] Il est difficile de concilier l’intention véritable d’acheter avec l’absence d’intérêt pour la date de livraison de l’unité et les finitions intérieures de celle-ci, le changement d’unités sans l’accord des Demandeurs ou, encore, la résolution unilatérale du contrat préliminaire par l’Entrepreneur.
[198] C’est la Convention qui est la base de toute cette affaire. N’eût été l’Avis de la banque, les Demandeurs n’auraient jamais signé les contrats préliminaires. Ils ne l’ont fait qu’afin que l’Entrepreneur obtienne le financement pour construire le Projet. En effet, les Partenaires devaient faire ce qui était nécessaire pour réaliser le Projet.
[199] Le témoignage de monsieur Duquette est au même effet. Ce témoin n’avait rien à gagner dans cette affaire et son témoignage était d’autant plus crédible aux yeux du Tribunal.
[200] Il est vrai que la Convention prévoyait que les Demandeurs avaient la possibilité d’acquérir les unités personnellement. Toutefois, ils ne se sont pas prévalus de cette option.
[201] Le Tribunal souscrit à l’allégation du procureur des Demandeurs disant que des promettants-acheteurs qui décident d’acquérir des unités de copropriété pour les revendre ou les louer et ainsi en faire un investissement ne perdent pas le bénéfice de la garantie. Mais encore faut-il qu’ils aient véritablement l’intention d’acquérir les unités à la base. Ce qui n’est pas le cas pour les Demandeurs.
[202] De plus, la signature d’un contrat de garantie avec l’Entrepreneur ne peut avoir pour effet de remédier au défaut des Demandeurs de se qualifier à titre de bénéficiaire.
[203] N’ayant pas eu l’intention d’acquérir un bâtiment résidentiel, les Demandeurs ne peuvent être qualifiés de bénéficiaires au sens du Règlement.
[204] La réponse à la première question étant négative, il n’est pas nécessaire de répondre à la deuxième question.
Conclusions
[205] Les Demandeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau de preuve et n’ont pas convaincu le Tribunal du bien-fondé de leurs prétentions. En conséquence, les trois demandes d’arbitrage sont rejetées et les Décisions no 1, no 2 et no 3 de l’Administrateur maintenues.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
DOSSIER 192410002
REJETTE la demande d’arbitrage de Les Entreprises Conrad Sévigny Ltée quant au point 1 de la décision du 8 octobre 2019 de l’Administrateur;
RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toutes actions et toutes sommes versées incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
LE TOUT conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :
DOSSIER 192410003
REJETTE la demande d’arbitrage de Francine St-Germain quant au point 1 de la décision du 10 octobre 2019 de l’Administrateur;
RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toutes actions et toutes sommes versées incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
LE TOUT conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :
DOSSIER 192410004
REJETTE la demande d’arbitrage de Gestion Claude Lévesque (2005) inc. quant au point 1 de la décision du 10 octobre 2019 de l’Administrateur;
RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toutes actions et toutes sommes versées incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
LE TOUT conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :
Code civil du Québec à compter de la date de la facture produite par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
Boucherville, le 17 avril 2023
______________________________
Me Jacinthe Savoie
Arbitre / Soreconi=*
[1] GAGD, 2015047, 19 août 2015.
[2] Clause 2.1 du contrat de garantie applicable.
[3] CCAC S06-0501-NP, S06-0507-NP, S06-0502- NP, S06-0508, S06-0503-NP et S06-0509.
[4] Op. cit. note 1.
[5] RLRQ c. B-1.1, r.8.
[6] Gilles SOYON et Serge CROCHETIÈRE, Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Montréal, Les Éditions Yvon Blais, pages 81 et 82
[7] CCAC, S16-092801-NP, 30 juin 2018, Me Jean Philippe Ewart, arbitre
[8] Syndicat de copropriété de Villa du golf c. Leclerc 2015 QCCA 366, paragraphe 27.
[9] Loi sur le courtage immobilier, RLRQ c C-73.2.
[10] Vincent KARIM, Contrats d’entreprises, contrat de prestation de services et l’hypothèque légale, 4e édition, Wilson & Lafleur,2020, page 774.
[11] Op. cit. note 6, commentaires sur l’article 1 du Règlement.
[12] Op. cit. note 1
[13] Docile Lavoie et al. c. G.V. Construction et fils lnc. (en faillite) et La Garantie des Maîtres bâtisseurs Inc., 18 septembre 2008, Alcide Fournier, ingénieur, arbitre.
[14] Danielle Gemme c. 141312 Canada Inc. (Construction Delormier) (faillie) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs du Québec inc., 9 avril 2007, Me Robert Masson, ingénieur, arbitre.
[15] GAMM, 6 mai 2005
[16] [1998] 1 R.C.S.
[17] Id., page 28.
[18] Id., page 41.
[19] 9056-1457 Québec inc. c. Chartier, 2010 QCCS 5270.
[20] Article 7 du Règlement.
[21] Soreconi, 060822001, 18 décembre 2006.
[22] Article 2803 du Code civil du Québec
[23] Soreconi, 6 mai 2009, paragraphe 36I,
[24] Article 2804 du Code civil du Québec
[25] Uniprix c. Gestion Gosselin et Bérubé [2017] 2 R.C.S. 59, paragraphe 41.
[26] Ledcor c. Northbridge [2016] 2 R.C.S. 23, paragraphe 65.
[27] Droit de la famille – 23353, 2023 QCCA 346, paragraphes 6 à 9.